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FAAE Rapport du Comité

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INTRODUCTION

La traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle commerciale (le trafic sexuel) est un crime et une violation des droits fondamentaux de la personne; malgré tout, ce problème persiste partout dans le monde, y compris au Canada. Au fil de quatre réunions tenues en mai et juin 2017[1], le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous-comité) a entendu des témoignages sur la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle en Asie du Sud[2]. Les témoins suivants ont comparu devant le Sous-comité : M. David Drake et M. Robert McDougall d’Affaires mondiales Canada (AMC); Mme Nipa Banerjee, experte en la matière et professeure à l’Université d’Ottawa; M. Dipesh Tank de la Rescue Foundation, un organisme non gouvernemental (ONG) indien qui cherche à secourir les filles et les femmes victimes de la traite de personnes; M. Joshy Jose de Breakthrough, un ONG indien qui milite en faveur de l’autonomisation des femmes; et M. David Matas, avocat chez Au-delà des frontières ECPAT Canada (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes), qui lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le monde. En outre, le Sous‑comité a reçu un mémoire de M. Sergey Kapinos, représentant du Bureau régional de l’Asie du Sud de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’organisme des Nations Unies responsable de la lutte contre le crime organisé transnational, y compris le trafic sexuel.

Selon Mme Banerjee, « [l]’exploitation est le thème commun à toutes les déclinaisons de la traite des personnes[3] ». Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (le Protocole de Palerme), dont le Canada est signataire[4], définit la traite des personnes comme le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes aux fins d’exploitation, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité, ou par l’offre de paiements pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre. Selon cette définition, l’exploitation peut comprendre, sans s’y limiter, le travail forcé, l’esclavage, la servitude, l’exploitation sexuelle ou le prélèvement d’organes[5]. La traite des personnes touche les enfants et les adultes rendus vulnérables en raison de nombreux facteurs, comme les circonstances de leur naissance, le manque d’occasions ou les effets d’un conflit ou d’une catastrophe environnementale[6]. Selon le Protocole de Palerme, la traite d’enfants doit être punie même si elle n’implique pas de coercition, d’enlèvement, de fraude, d’abus de pouvoir ou d’offre de paiement pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur la victime[7].

La traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle commerciale touche les filles et les femmes de manière disproportionnée[8]. Selon l’analyse de Mme Banerjee, la traite des femmes aux fins du commerce du sexe est l’une des « pires formes d’exploitation » en Asie du Sud[9]. Selon M. McDougall, le gouvernement du Canada a accordé la priorité à la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans ses programmes d’aide internationale[10].

Le Sous-comité a axé son étude sur les six États visés par les travaux de l’ONUDC, soit le Bangladesh, le Bhoutan, l’Inde, les Maldives, le Népal et le Sri Lanka[11]. L’Asie du Sud abrite le cinquième de la population mondiale et compte des pays d’origine, de transit et de destination pour la traite de personnes. L’Asie du Sud a la plus forte prévalence d’exploitation non consensuelle au monde, c’est-à-dire que l’exploitation découle d’un élément de coercition, de fraude ou de tromperie. Cette forme se distingue des situations où la personne accepte des conditions de travail abusives faute d’autres solutions[12]. D’après l’étude menée, la dynamique de la traite des personnes adopte une tendance semblable dans les pays visés, et ce, malgré leurs contextes historiques et culturels différents[13]. Les pays de l’Asie du Sud ont en commun certains des principaux facteurs qui alimentent la traite des personnes : inégalités socioéconomiques; intenses flux migratoires, y compris à travers des frontières poreuses; corruption; faibles capacités judiciaires et d’application de la loi; ainsi que la discrimination contre les femmes cautionnée par la culture[14].

Les pays de l’Asie du Sud ont récemment déployé des mesures tangibles pour lutter contre la traite des personnes et le trafic sexuel en particulier. Selon le rapport de 2017 sur la traite des personnes du Département d’État américain intitulé le Trafficking in Persons Report 2017 (rapport TIP), les six pays de l’Asie du Sud visés par l’étude du Sous-comité ne satisfont pas entièrement aux normes minimales pour l’élimination de la traite de personnes, mais ils font des efforts considérables pour y arriver[15]. Le Sous-comité a appris que, partout en Asie du Sud, et en Inde plus particulièrement, une communauté dynamique d’organismes de la société civile se mobilise pour mettre un terme au trafic sexuel et pour protéger et réhabiliter les survivants[16].

Dans leurs témoignages, une grande proportion des témoins ont porté leur attention sur l’Inde. L’Inde est un pays d’origine, de transit et de destination pour le trafic sexuel[17] et, en valeur absolue, c’est le pays de l’Asie du Sud qui compte le plus de victimes du trafic sexuel[18]. Compte tenu de l’influence qu’exerce l’Inde sur la région, de la prolifération des ONG indiens qui luttent contre le trafic sexuel et protègent les victimes de même que des efforts législatifs et d’application de la loi que déploie l’Inde, le Sous-comité reconnaît qu’il est essentiel, pour lutter contre le trafic sexuel dans l’ensemble de la région, d’examiner les leçons tirées de l’expérience de ce pays.

Le trafic sexuel est un problème international au chapitre des droits de la personne, et c’est aussi un crime. Le droit criminel national du Canada et des pays de l’Asie du Sud interdit l’exploitation sexuelle. Des conventions internationales, comme la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (CNUCTO) et le Protocole de Palerme, ainsi que des conventions régionales telles que la Convention sur la prévention et l’élimination de la traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution de la South Asia Association for Regional Cooperation (la Convention de la SAARC), conclue en 2002, ont donné lieu à des approches plus ciblées et exhaustives au sein des systèmes nationaux afin de prévenir la traite de personnes en général et le trafic sexuel en particulier, de traduire en justice les auteurs de ce crime et de protéger les victimes[19].

En outre, les instruments internationaux en matière de droits de la personne exigent des états qu’ils protègent leurs citoyens de l’exploitation sexuelle. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) des Nations Unies et la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) des Nations Unies exigent des États parties qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour, respectivement, supprimer la traite, l’exploitation et la prostitution des femmes[20], et pour protéger les enfants contre toute forme d’exploitation sexuelle[21]. Le Canada et les états de l’Asie du Sud visés par l’étude sont tous parties à la CEDEF[22] et à la CDE[23].

Guidé par les lignes directrices et ses obligations internationales, le gouvernement du Canada adopte à l’heure actuelle une approche à plusieurs volets pour lutter contre la traite des personnes à l’échelle nationale et internationale. Cette approche comprend les éléments suivants :

  • Prévention : Prévenir et combattre la traite des personnes, plus particulièrement des femmes et des enfants;
  • Protection : Protéger et aider les victimes de la traite des personnes en respectant entièrement leurs droits de la personne;
  • Poursuite : Criminaliser la traite des personnes et adopter des mesures législatives et d’autres mesures pour traduire en justice les contrevenants;
  • Partenariat : Établir des partenariats collaboratifs dans toutes les régions pour lutter contre la traite des personnes à l’échelle mondiale[24].

Au début de l’étude, M. McDougall a souligné que la lutte contre la traite des personnes « demeurera une priorité pour le Canada à l’échelle mondiale[25] ». M. McDougall a affirmé que le gouvernement du Canada reste à l’affût d’occasions de collaboration avec des gouvernements étrangers et des partenaires de la société civile[26]. Les représentants d’AMC ont reconnu que le trafic sexuel est trop complexe pour qu’on y fasse la lutte sur un seul front : « [C]ela a tout à voir avec les priorités que l’on se donne. Il y a trop de choses que nous pourrions faire pour prêter main-forte, mais nous devons accepter que nous ne pouvons pas aider sur tous les fronts[27]. » Compte tenu du caractère généralisé et complexe de la traite des personnes, M. McDougall a conclu qu’« il reste beaucoup à faire[28] ».

Le présent rapport porte sur deux sphères d’action en particulier : combler les lacunes importantes dans les connaissances, qui nuisent présentement à la lutte internationale contre le trafic sexuel, et cerner les partenariats susceptibles de porter leurs fruits aux niveaux national et international, notamment avec des ONG. Pour alimenter cette discussion, le présent rapport s’ouvre sur un résumé des témoignages entendus et fait une description de la nature, de la structure et de la taille des réseaux de trafic sexuel, dont l’envergure varie de l’échelle locale à l’échelle nationale, intrarégionale et internationale. Il fait état de certains facteurs à l’origine du trafic sexuel, notamment la pauvreté, les pratiques culturelles, les crises humanitaires et la corruption. À la lumière des témoignages entendus au cours de son étude, le Sous-comité a formulé au gouvernement du Canada quatre recommandations, au sujet de la lutte contre la corruption, de l’amélioration de la collecte de données et du renforcement de la capacité de détention, de l’inclusion de la lutte au trafic sexuel dans l’aide au développement et les relations bilatérales, et de l’établissement de partenariats avec la société civile pour lutter contre le trafic sexuel.

LE FLUX DE LA TRAITE DES PERSONNES EN ASIE DU SUD

La traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle est un problème généralisé en Asie du Sud. Comme l’a indiqué Mme Banerjee,

[...] les rouages de la traite des personnes s’étendant partout en Asie du Sud, touchant tous les pays qui intéressent le Sous-comité. Malgré les différences historiques et culturelles qui existent entre les régions, les modus operandi comportent des similarités évidentes d’une région à l’autre[29].

Selon l’ONUDC, 88 % des victimes identifiées en Asie du Sud font l’objet de la traite à l’échelle nationale, alors que 8 % d’entre elles font l’objet d’une traite transnationale en Asie du Sud, rendue possible par les frontières ouvertes et poreuses entre certains pays de la région[30]. Moins de 5 % des cas de traite de personnes signalés impliquent des personnes amenées en Amérique du Nord depuis l’Asie du Sud[31]. Ces données sont tirées d’une « élaboration des données nationales » réalisée par l’ONUDC, et peuvent par conséquent être interprétées, du moins en partie, comme une illustration de la capacité de détection[32]. Parmi les 10 pays où se trouvent le plus de victimes connues de la traite des personnes selon l’Indice mondial de l’esclavage de 2016, on compte l’Inde, le Népal et le Bangladesh[33]. Des témoins ont indiqué que le travail forcé est la forme la plus répandue de la traite des personnes, suivi de l’exploitation sexuelle forcée[34]. Bien que de nombreux hommes et garçons soient victimes du travail forcé dans la région, les trafiquants du sexe ciblent principalement les femmes et les filles[35].

Le type de trafic sexuel intrarégional le plus répandu en Asie du Sud est probablement le déplacement de femmes et de filles du Bangladesh et du Népal vers des maisons de prostitution en Inde. La traite de personnes de l’Asie du Sud, peu importe les fins, a aussi lieu vers le Moyen-Orient[36]. Mme Banerjee a expliqué que les pays les plus pauvres de l’Asie du Sud, comme le Népal et le Bangladesh, ont tendance à servir de pays d’origine de la traite, alors que les pays qui ont une meilleure condition économique, comme l’Inde, ont tendance à servir de pays de destination des victimes de la traite des personnes[37].

Le Sous‑comité a appris que, dans le cas de l’Inde, la traite des personnes a surtout lieu à l’intérieur des frontières[38]. M. McDougall a expliqué que cette réalité s’explique en partie par la vaste étendue géographique et la forte population de l’Inde, ajoutant que « l’Inde est l’un de ces endroits tellement grands que c’est comme s’ils avaient leur propre climat : elle a son propre réseau de [traite de personnes][39] ». Les personnes les plus vulnérables à la traite des personnes en Inde proviennent des groupes généralement défavorisés, comme les Dalits de caste inférieure, les membres de collectivités autochtones, les minorités religieuses et les femmes et les filles des groupes exclus[40]. Les femmes et les filles sont généralement prises des régions pauvres et rurales et amenées dans des maisons de prostitution dans les grands centres métropolitains comme Mumbai et Delhi[41]. M. Tank a indiqué au Sous‑comité que la majorité des victimes de la traite des personnes en Inde proviennent de l’État du Bengale-Occidental, alors que l’État du Rajasthan est la principale région d’origine pour les filles victimes du trafic sexuel. M. Tank a expliqué que le manque de débouchés économiques dans ces États permet aux trafiquants de leurrer des femmes et des filles vulnérables avec de fausses promesses d’emploi et de meilleures conditions sociales[42].

L’Inde est un pays de destination et de transit de la traite des femmes et des filles provenant de pays comme le Népal, le Bangladesh et l’Afghanistan[43]. La traite de personnes du Népal et du Bangladesh en particulier est rendue possible par les longues frontières poreuses que partagent les pays[44]. Après les séismes de 2015 au Népal, des Népalaises sont passées par l’Inde pour être vendues au Moyen‑Orient et en Afrique. Mme Banerjee a également indiqué que des victimes du Bangladesh passent par l’Inde avant d’être amenées ailleurs[45]. Des hommes, des femmes et des enfants de l’Inde font également l’objet de la traite vers l’étranger à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, notamment vers l’Asie du Sud-Est[46].

Au Népal, les femmes et les filles sont victimes du trafic sexuel dans le pays ainsi qu’en Inde et au Moyen-Orient. La traite des personnes au Népal comprend le tourisme sexuel infantile[47]. M. Kapinos a indiqué que, depuis les séismes de 2015, on a noté une forte augmentation de la traite des personnes, notamment des enfants[48]. M. McDougall a expliqué que, à la suite de l’effondrement de l’économie du Népal après les séismes, « un grand nombre de personnes ont quitté le Népal » et de nombreux travailleurs se sont rendus – volontairement ou non – en Inde et au Moyen-Orient, notamment dans les États du Golfe[49]. Les femmes et les filles népalaises victimes de la traite des personnes sont de plus en plus amenées vers la Chine, la Corée du Sud et l’Afghanistan[50]. Selon M. Tank, la Rescue Foundation a constaté une « baisse massive » du nombre de femmes et de filles népalaises victimes du trafic sexuel que la fondation parvient à secourir en Inde, comparativement à il y a 5 à 10 ans[51].

Le Bangladesh est un important pays d’origine des victimes de la traite des personnes, plus particulièrement à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle commerciale. Dans une grande proportion des cas, le trafic transfrontalier se produit lorsque des victimes du Bangladesh à la recherche d’emploi migrent avec l’aide de trafiquants et d’intermédiaires qui, selon Mme Banerjee, mentent aux migrants « dans tous les cas » au sujet des conditions de travail. À leur arrivée, les victimes se retrouvent sans salaire ou avec un faible revenu, sans protection contre l’exploitation sexuelle et vulnérables à la traite des personnes[52]. Selon Mme Banerjee, le nombre de femmes et d’enfants du Bangladesh victimes de la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle en Inde « est considérable, mais aucun chiffre précis n’est accessible[53] ». La majorité des flux de la traite du Bangladesh vers l’inde se font par voie terrestre[54]. Mme Banerjee a fait la description d’« enclaves de traite des personnes » établies des deux côtés de la frontière longue et poreuse entre l’Inde et le Bangladesh pour servir de centres de recrutement et de réception des victimes de la traite, ce qui est révélateur d’une opération complexe[55].

Le Sri Lanka est un lieu d’origine pour la traite nationale et transnationale des personnes. Mme Banerjee a qualifié d’« importante préoccupation » la traite des personnes à l’interne au Sri Lanka; des hommes, des femmes et des enfants font l’objet de la traite pour travail forcé et pour exploitation sexuelle, y compris pour le tourisme sexuel infantile au pays. Mme Banerjee a informé le Sous-comité que le Sri Lanka sert, « dans une bien plus petite mesure », de pays de destination pour les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale provenant de la Thaïlande, de la Chine et des États postsoviétiques[56].

Le Sous‑comité a reçu relativement peu de témoignages sur le trafic sexuel aux Maldives et au Bhoutan. Au sujet des Maldives, Mme Banerjee a expliqué que, en raison de sa bonne situation économique par rapport aux autres pays de l’Asie du Sud, le pays est principalement un pays de destination de la traite[57]. Les Maldiviens sont moins vulnérables à la traite des personnes puisqu’ils risquent moins de chercher de l’emploi à l’étranger et, par conséquent, d’être victimes de trafiquants[58]. De même, le Sous‑comité a appris que la traite des personnes n’est pas aussi répandue au Bhoutan. Mme Banerjee a cependant souligné que la traite des personnes existe dans ce pays. Des enfants bhoutanais font l’objet de la traite à l’interne à des fins de travail forcé ou de prostitution. Les filles qui travaillent comme domestiques ou artistes dans les bars sont particulièrement vulnérables à la traite[59]. Selon Mme Banerjee, des enfants bhoutanais sont également victimes de la traite vers l’Inde à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle[60].

LES CAUSES SOUS-JACENTES ET LES MOTEURS DU TRAFIC SEXUEL

La traite des personnes “prospère” grâce aux réseaux de crime organisé[61]. À l’échelle mondiale, la traite des personnes génère environ $150 milliards de dollars américains par an[62], une figure surpassée seulement par les profits tirés par le trafic des stupéfiants[63]. Dans son mémoire, M. Kapinos a caractérisé les moteurs du crime organisé – et du trafic sexuel – en Asie du Sud, comme suit :

[L’Asie du Sud] présente des inégalités socioéconomiques et d’intenses flux migratoires internes; dans de nombreux cas, les frontières sont ouvertes et poreuses entre les pays de la région. Les économies en croissance, combinées à la corruption, aux lacunes dans les systèmes de justice et aux capacités d’application de la loi inégales, offrent des occasions au crime organisé de prospérer[64].

Mme Banerjee a également cité « l’exclusion sociale » et « la discrimination à l’endroit des femmes – une discrimination cautionnée par la culture – ainsi que la discrimination et la violence fondées sur le sexe qui en découlent » comme des « facteurs les plus souvent évoqués comme favorisant la traite de personnes[65] ». Ces facteurs seront abordés plus en profondeur dans la section qui suit.

L’absence de perspective économique et le manque d’éducation

L’un des principaux moteurs du trafic sexuel en Asie du Sud est la pauvreté persistante et la distribution inégale des revenus, plus particulièrement entre les communautés rurales et les communautés urbaines. Mme Banerjee a noté que la majorité des victimes de la traite proviennent des segments les plus pauvres de la population de l’Asie du Sud, notamment les femmes, les adolescents et les enfants vivant dans la pauvreté, plus particulièrement ceux qui sont membres des castes inférieures et d’autres groupes exclus. En raison du manque d’accès à l’éducation et à l’emploi, ces personnes sont plus vulnérables à la traite des personnes lorsqu’elles cherchent des moyens de gagner de l’argent[66].

Au sujet de la situation en Inde, M. Tank a indiqué au Sous-comité que la pauvreté est la « principale raison » pour laquelle les filles deviennent victimes de la prostitution. L’absence de débouchés dans les régions rurales de l’Inde fait que les femmes et les filles sont susceptibles d’être « séduites par des trafiquants et des proxénètes dans l’espoir d’obtenir un meilleur emploi et un moyen de subsistance[67] ». Les trafiquants en Inde et dans d’autres pays de l’Asie du Sud profitent du désespoir des femmes et des filles et leur promettent un nouveau départ dans la ville pour ensuite en faire des victimes de l’exploitation sexuelle[68].

Des témoins, comme M. McDougall, ont reconnu que certains pays de l’Asie du Sud, plus particulièrement l’Inde, ont connu une forte croissance économique au cours des dernières années. M. McDougall a cependant ajouté qu’« une énorme partie de [la] population [de l’Inde] vit dans l’extrême pauvreté et a énormément de mal à joindre les deux bouts[69] ». Par conséquent, le grand nombre de victimes de la traite des personnes en Inde et ailleurs en Asie du Sud peut s’expliquer en partie par la forte population de personnes vivant dans la pauvreté qui ont « peu de solutions devant [elles][70] ». Cette pauvreté extrême pousse certaines familles à vendre leurs enfants comme esclaves, par exemple[71].

La pauvreté persistante mène également à un manque d’éducation et à l’analphabétisme chez les personnes touchées[72]. Il en découle que les personnes vivant dans la pauvreté ont moins de chances d’être exposées aux renseignements sur les dangers que représente la traite des personnes. Par conséquent, les personnes les plus vulnérables à la traite des personnes ne sont souvent pas conscientes de l’existence de ce phénomène et se font leurrer plus facilement par les promesses d’emploi lucratif que font miroiter les trafiquants[73]. Mme Banerjee a souligné qu’il est important d’élever les taux d’alphabétisme et d’offrir un accès à l’éducation pour prévenir la traite des personnes et pour sensibiliser la population à ce problème[74].

La discrimination contre les femmes et d’autres groupes défavorisés

Le Sous‑comité a appris que, pour qu’ils soient en mesure de contrer les pratiques culturelles et sociales propices à la traite des personnes, les gouvernements doivent revoir et éliminer les lois et les politiques discriminatoires envers les minorités, les femmes et d’autres groupes désavantagés[75]. Cependant, comme l’a affirmé M. Tank, « les lois ne seront appliquées que si les mentalités changent dans la population, au gouvernement, chez les autorités et dans la police[76] ». Autrement dit, un « changement culturel » général s’impose dans la société[77]. En fait, ce changement a déjà commencé en Asie du Sud. Selon MM. McDougall et Matas, la croissance économique en Inde se fait parallèlement à un élargissement de la population urbaine et de la classe moyenne, ce qui réduit l’influence des normes sociales d’un autre temps, très fortes en milieu rural[78]. Cependant, le sous-comité a appris que les normes culturelles ont toutefois de profondes racines historiques et demeurent bien ancrées dans de nombreux segments des sociétés sud-asiatiques[79]. La marginalisation des femmes et le système des castes, une hiérarchie sociale rigide sont traités ci-dessous.

La marginalisation des femmes

Les témoins ont indiqué que la marginalisation des femmes, qui est répandue dans la région, contribue notamment au trafic sexuel. Mme Banerjee s’est exprimée sur ce point :

Il y a un consensus selon lequel les différences fondées sur le sexe et les attitudes jouent un rôle important lorsqu’il s’agit de promouvoir l’offre et la demande en ce qui concerne la traite des personnes. L’analyse de la situation en Asie du Sud permet de tirer la conclusion que les pires formes d’exploitation surviennent dans la traite des femmes aux fins de travail sexuel [commercial] et [dans le] travail des enfants[80].

Mme Banerjee a également fait valoir que « la fréquence de la traite des femmes et des filles à des fins de prostitution, de mariage forcé et d’asservissement pour dettes » montrait de manière frappante la discrimination généralisée dont sont couramment victimes les femmes de la région[81]. Là où il y a de la discrimination sexuelle, les femmes et les filles sont plus exposées à la traite des personnes, et ce, pour diverses raisons. D’abord, les femmes et les filles de la région ont souvent plus de mal à accéder à l’éducation et à l’emploi; elles risquent donc davantage de sombrer dans la pauvreté et, par conséquent, d’être victimes de la traite des personnes. Pour les femmes des castes inférieures, les obstacles sont particulièrement difficiles à franchir (il sera question des hiérarchies sociales plus longuement ci‑dessous). Ensuite, la discrimination sexuelle fait en sorte que les femmes et les filles sont moins appréciées dans leur société. Pour cette raison, elles sont plus susceptibles d’être vendues à des trafiquants par leur famille démunie, ou d’être contraintes à l’asservissement pour que leur famille puisse s’acquitter d’une dette[82]. M. Tank a parlé de filles pubères qui sont vendues à des individus ou à des maisons de prostitution, une pratique qui est devenue une tradition dans certaines communautés. Il n’a cependant pas précisé de quelles communautés il parlait[83]. À ces pratiques, il faut ajouter le fait que les problèmes qui touchent surtout les femmes et les filles comme le trafic sexuel, reçoivent généralement moins d’attention que ceux qui touchent les hommes et les garçons[84].

Les femmes étant vues comme inférieures aux hommes, le nombre de fœticides féminins est élevé dans certaines parties de l’Inde, comme l’a signalé M. Jose. Le Sous‑comité a appris que dans l’État indien de l’Haryana, où travaille l’organisation de M. Jose, Breakthrough, un grand nombre d’hommes n’arrivent pas à trouver d’épouse parce que la sélection du sexe, une pratique très courante, a créé un déséquilibre dans le nombre d’hommes et de femmes. Des hommes en viennent à « acheter » des épouses dans des États plus pauvres tels que le Jharkhand, ce qui alimente la traite de femmes et de filles destinées à être mariées de force[85].

M. Jose a indiqué que, dans bien des villages indiens, le droit coutumier prime sur les lois de l’État. Le droit coutumier, qui repose sur les normes culturelles, accentue la situation désavantagée des femmes. M. Jose a dit par exemple que, selon le droit coutumier, justice est faite si une fille marie l’homme qui l’a violée[86]. On ne sait pas exactement dans quelle mesure les leaders communautaires traditionnels coopèrent avec les autorités nationales dans la lutte contre la traite des personnes[87].

M. Tank a fait savoir au Sous‑comité que, en raison des attitudes culturelles à l’égard du genre, le trafic sexuel à des fins commerciales est accepté avec fatalisme dans certaines communautés :

[En Inde], les quartiers de prostitution et les bordels sont perçus comme étant une nécessité. Si vous posez la question aux gens qui passent dans la rue, ils vous diront que oui, c’est important, parce qu’apparemment ça contribue à calmer les frustrations sexuelles des hommes qui peuvent aller dans des bordels et satisfaire leurs besoins[88].

À l’inverse, les femmes et les filles victimes du trafic sexuel sont souvent stigmatisées[89]. M. Tank a d’ailleurs noté à ce sujet que, par comparaison avec d’autres causes, relativement peu de cas est fait du secours et de la réadaptation de ces victimes, qui sont considérées comme entachées par le trafic sexuel[90]. Il arrive souvent que la victime secourue ne puisse pas rentrer chez elle : soit sa famille et sa communauté la rejettent, soit la victime éprouve elle‑même de la honte et se sent mal à l’aise[91]. Mme Banerjee a souligné qu’il était important de sensibiliser davantage les classes instruites et bien rémunérées au sujet de l’égalité des sexes[92].

Le système des castes

Selon des témoins, le système des castes est une pratique culturelle qui contribue à la crise de la traite des personnes dans la région. On trouve, dans la plupart des pays de l’Asie du Sud – et tout particulièrement en Inde – un système de castes qui divise la population en groupes strictement hiérarchisés[93]. La structure des castes est particulièrement établie dans les collectivités qui respectent le droit coutumier[94]. Vu leur position au sein de la société et la discrimination qu’ils vivent, les membres des castes inférieures, et surtout les femmes, se butent à des obstacles à l’éducation et à l’emploi et vivent dans une large part dans la pauvreté[95]. Ces groupes sont donc les plus exposés à la traite des personnes[96].

Les crises humanitaires

Les crises humanitaires, qu’elles soient déclenchées par un conflit ou une catastrophe naturelle, sont un autre facteur lié à un taux élevé de traite des personnes et de trafic sexuel en particulier. M. Kapinos a expliqué que, dans les zones de conflit et d’après‑conflit, comme au Sri Lanka ou au Népal, la traite des personnes peut prendre de l’ampleur, et ce, pour diverses raisons. Les réfugiés qui fuient un conflit constituent des cibles faciles pour les trafiquants « qui se servent [du désespoir des réfugiés] pour les amener malhonnêtement vers l’exploitation[97] ». En outre, la présence de militaires stimule la demande de travailleurs et de services sexuels. Cette demande intensifie, à son tour, la traite des personnes en l’absence d’autorités assurant la primauté du droit et le maintien d’institutions fortes. Des groupes armés recrutent ou enlèvent par ailleurs des femmes et des filles vouées au mariage forcé, au travail ménager et à l’esclavage sexuel, ainsi que des hommes et des garçons destinés au travail forcé[98].

Selon des témoins, les catastrophes naturelles contribuent aux pics d’activité observés dans la traite des personnes, notamment au Népal et au Bangladesh[99]. M. Tank a indiqué que « les catastrophes naturelles et les émeutes sont les meilleurs endroits pour les trafiquants parce qu’ils profitent [de gens] qui sont vulnérables[100] ». On en a vu récemment un exemple à la suite des tremblements de terre qui ont secoué le Népal en 2015. Des bandes d’Indiens se sont alors rendues dans les régions touchées pour rassembler des femmes et des enfants et les envoyer en Inde et dans les États du Golfe, où ils ont été vendus à des fins d’exploitation sexuelle ou d’autre travail forcé[101]. M. Kapinos a cité à cet égard un rapport de la Commission nationale des droits de la personne du Népal, selon lequel plus de 6 000 Népalais ont été victimes de la traite des personnes, et plus de 4 000 ont été portés disparus dans la foulée des séismes de 2015, la majorité de ces personnes étant des femmes[102].

La corruption des fonctionnaires et la complicité du secteur privé

Le Sous‑comité a appris que la corruption des fonctionnaires et la complicité du secteur privé alimentent le trafic sexuel en Asie du Sud. Selon M. Kapinos, des agences de voyage et de mannequins, des agences matrimoniales, des hôtels et d’autres entreprises privées semblent « honnêtes » en surface, mais facilitent en fait la traite des personnes[103]. Pour ce qui est de la corruption des fonctionnaires, M. Kapinos a rapporté des témoignages de victimes et d’ONG sur le terrain, selon lesquels des fonctionnaires sont complices de la traite des personnes, à toutes les étapes du processus, en Asie du Sud. Par exemple, les trafiquants versent des pots‑de‑vin à des agents douaniers et à des gardes‑frontières afin de faciliter le passage des victimes d’un pays à l’autre[104]. Mme Banerjee a indiqué que, en Inde, « la police, l’appareil judiciaire et les gardes-frontières sont impliqués dans la traite des personnes et ils en retirent des avantages financiers[105] ».

Non seulement la corruption des fonctionnaires, des forces de l’ordre et des avocats contribue‑t‑elle au trafic sexuel, mais elle nuit à la lutte contre la traite[106]. M. Kapinos a abordé le sujet : « L’expérience montre que la corruption peut efficacement saboter les activités d’application de la loi, de contrôle de l’immigration et de protection frontalière de même qu’en neutraliser les effets[107]. » De plus, la corruption peut freiner les efforts déployés pour traduire les trafiquants en justice. Mme Banerjee a signalé que les « procès concernant les cas de traite n’avancent pas à moins de pots‑de‑vin[108] ».

Le gouvernement de l’Inde fait enquête et intente parfois des poursuites contre des fonctionnaires complices. Selon M. McDougall, toutefois, une analyse indépendante a révélé que le problème demeurait largement répandu[109]. Selon le Département d’État américain, la complicité de fonctionnaires dans la traite des personnes – notamment pour ce qui est de faciliter les déplacements transfrontaliers – est toujours un « problème grave » au Sri Lanka. En dépit des allégations répétées selon lesquelles des policiers et d’autres représentants de l’État autorisent l’exploitation de maisons de prostitution en échange de pots‑de‑vin – des endroits où sont notamment exploitées des victimes de la traite des personnes – on ne recense aucun rapport d’enquête sur les cas de corruption signalés. En revanche, des enquêtes ont été ouvertes dans des cas de fonctionnaires complices d’autres formes de trafic[110]. Le Département d’État américain fait par ailleurs état d’allégations soutenues voulant que des fonctionnaires locaux népalais facilitent le trafic sexuel d’enfants, et que ces cas de complicité n’ont donné lieu à aucune enquête, poursuite ou condamnation depuis 2013[111].

M. Kapinos a estimé que la lutte contre la corruption doit essentiellement faire partie de toute stratégie globale et efficace d’application de la loi. Or, les décideurs politiques n’ont pas encore pris la pleine mesure des conséquences de la corruption[112]. Selon M. Kapinos, il n’existe encore, dans le cadre du combat mené contre la traite des personnes, aucune stratégie ciblant particulièrement la corruption. Les opposants à la traite des personnes et les opposants à la corruption n’ont toujours pas commencé à intégrer leurs efforts. M. Kapinos a aussi prévenu que, même s’il y a des possibilités d’intensifier les interventions dans ce domaine, « il s’agit d’une question très "délicate" pour les gouvernements[113] ».

Le gouvernement du Canada et les six États de l’Asie du Sud qui ont été étudiés par le Sous‑comité adhèrent à la Convention des Nations Unies contre la corruption[114]. La Convention, qui est juridiquement contraignante, porte sur cinq grands secteurs : mesures préventives; incrimination, détection et répression; coopération internationale, recouvrement d’avoirs; et assistance technique et échange d’informations[115]. Selon AMC, le gouvernement canadien « encourage d’autres pays à ratifier ces instruments internationaux et à respecter les obligations juridiques qui en découlent[116] ».

Recommandation 1 : Lutte contre la corruption dans les efforts d’éradication du trafic sexuel en Asie du Sud

Que le gouvernement du Canada se serve de tous les moyens pour encourager les États sud-asiatiques à s’acquitter de leurs obligations conformément à la Convention des Nations Unies contre la corruption et à porter leur attention sur les conséquences de la corruption sur les initiatives nationales entreprises contre la traite des personnes.

DIFFICULTÉS RELATIVES À LA DÉFINITION DU TRAFIC SEXUEL ET À LA COLLECTE DE RENSEIGNEMENTS SUR LE SUJET

Au cours de son étude, le Sous-comité a rencontré des obstacles considérables à la collecte de données et d’information concernant la traite des personnes en général, et le trafic sexuel en particulier[117]. Comme l’a affirmé M. McDougall, « la traite des personnes est un crime en grande partie caché[118] ». Selon Mme Banerjee, « les statistiques fournies et citées représentent souvent une sous-estimation[119] ». Ces obstacles se manifestent dans les rapports divergents et lacunaires sur la traite des personnes et le trafic sexuel en particulier sur lesquels les témoins ont fondé leurs témoignages. Parmi ces rapports, on note entre autres les rapports TIP annuels du Département d’État américain, le Global Report on Trafficking in Persons de l’ONUDC, l’Estimation mondiale de l’esclavage moderne de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Indice mondial de l’esclavage de la fondation Walk Free[120].

AMC n’a pas de source de données indépendantes lui permettant de mesurer l’ampleur de la traite des personnes et s’appuie donc sur des sources externes, comme celles mentionnées au paragraphe précédent[121]. M. McDougall a noté que le Centre de recherches pour le développement international du Canada a une présence active en Inde, où il déploie de nombreux projets, notamment afin « de combler les lacunes dans les connaissances, d’éclairer les discussions et d’évaluer les programmes et politiques dans le but d’amener des changements en profondeur[122] ». M. McDougall a fait valoir qu’« il est très difficile de […] mesurer [la traite des personnes], et je crois que ce sera une partie essentielle [du] travail [du Sous‑comité][123] ».

Cerner les lacunes dans les connaissances

En septembre 2017, l’OIT et la fondation Walk Free, en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ont publié un rapport intitule 2017 Global Estimates of Modern Slavery : Forced Labour and Forced Marriage (l’Estimation mondiale de l’esclavage moderne de 2017). Ils ont constaté que chaque jour, en 2016, 4,8 millions de personnes – presque toutes des filles et des femmes – étaient victimes d’exploitation sexuelle forcée et du trafic sexuel[124]. Ces personnes composaient un sous‑ensemble des 25 millions de personnes qui ont subi une forme ou une autre de travail forcé en 2016[125]. Les témoins se sont présentés devant le Sous-comité avant la publication de l’Estimation mondiale de l’esclavage moderne de 2017, s’appuyant plutôt sur des données recueillies à l’aide de méthodologies et de niveaux de précision différents[126]. Selon l’Indice mondial de l’esclavage de 2016 produit par la fondation Walk Free, près de 45,8 millions de personnes seraient victimes d’une forme ou d’une autre d’esclavage moderne dans le monde. L’Indice mondial de l’esclavage ne précise pas quelle proportion de ces personnes sont victimes du trafic sexuel[127]. Les témoins ont aussi rapporté que, d’après l’Estimation du travail forcé dans le monde, publiée par l’OIT en 2012, 20,9 millions de personnes étaient assujetties au travail forcé – qui comprend l’exploitation sexuelle – à tout moment entre 2002 et 2011[128]. L’OIT a indiqué que 22 % d’entre elles, c’est‑à‑dire 4,5 millions de personnes, étaient victimes d’exploitation sexuelle[129].

Les conclusions auxquelles les auteurs de ces trois rapports sont parvenus reposent sur des méthodologies différentes. L’Estimation mondiale de l’esclavage moderne de 2017 est fondée sur des données tirées d’enquêtes menées en personne dans la langue locale de 27 pays différents en 2016, d’enquêtes menées dans 26 autres pays entre 2014 et 2016, et de la base de données de l’OIM sur l’assistance aux victimes[130]. La fondation Walk Free, quant à elle, s’est appuyée sur des enquêtes nationales à échantillons aléatoires ou des entretiens en personne pour établir l’Indice mondial de l’esclavage de 2016[131]. Pour sa part, l’Estimation du travail forcé dans le monde (2012) de l’OIT reposait sur « différentes sources secondaires d’information – statistiques officielles, rapports d’organisations non gouvernementales, articles de presse[132] ».

Plutôt que de se fonder sur des enquêtes ou des sources secondaires, l’ONUDC a eu recours à des données officielles pour produire son rapport de 2016 sur la traite des personnes dans le monde, le 2016 Global Report on Trafficking in Persons. L’ONUDC a recueilli des données à l’aide d’un questionnaire distribué aux gouvernements et s’est fié sur des documents publics officiels, comme des rapports de police nationaux, des rapports des ministères de la Justice et des rapports nationaux sur la traite des personnes[133]. L’ONUDC a cependant indiqué que les renseignements provenant de l’Asie du Sud sont de très piètre qualité[134]. En 2016, le ministère des Femmes et du Développement de l’enfant de l’Inde a signalé que tout juste moins de 20 000 femmes et enfants étaient victimes de la traite des personnes en Inde, la plus forte concentration de victimes déclarées se trouvant dans l’État du Bengale-Occidental, à l’est du pays. Ce nombre représente une augmentation de 25 % par rapport à 2015[135]. Toutefois, des experts externes, comme les auteurs du rapport TIP de 2017 du Département d’État américain, estiment que « des millions » de femmes et d’enfants sont victimes du trafic sexuel en Inde[136].

Des témoins, ainsi que les rapports sur lesquels ils ont fondé leur témoignage, ont cerné plusieurs lacunes importantes dans les connaissances, des lacunes qui se reflètent elles-mêmes dans le présent rapport. Des témoins ont noté que la nature illégale de la traite des personnes mine les efforts visant à recueillir des données fiables et utiles, plus particulièrement en ce qui concerne l’envergure des réseaux de traite des personnes[137]. L’ONUDC a noté que l’absence de données fait en sorte qu’il ne peut pas fournir de renseignements régionaux concluants sur le profil des victimes ou celui des contrevenants ou encore sur les formes d’exploitation pour la période de 2012 à 2014[138]. De manière semblable, ECPAT International a indiqué qu’il est difficile d’établir le nombre d’enfants touchés et de saisir l’évolution des tendances[139]. Selon l’organisme, ces difficultés s’expliquent non seulement par la sous-déclaration et le caractère intrinsèquement secret de la criminalité, mais aussi par le manque de mécanismes de collecte de données fiables et normalisées[140].

Les facteurs contribuant au manque de renseignements fiables

Le Sous-comité a appris qu’il existe plusieurs facteurs inhérents au trafic sexuel et aux interventions nationales et internationales qui constituent des obstacles à la définition du phénomène de la traite et à la collecte de renseignements. Le Sous‑comité a appris que les victimes du trafic sexuel « ont souvent peur ou sont incapables de dire ce qui leur arrive aux autorités ou à d’autres premiers intervenants[141] », en partie en raison de la lourde stigmatisation sociale à laquelle elles sont susceptibles[142]. Cette situation est exacerbée par l’isolement des quartiers où se concentre la prostitution par rapport à la société en générale, ce qui réduit les occasions qui se présentent aux victimes de signaler leur condition[143]. M. Tank a indiqué que son organisme recueille des renseignements sur les nombres et les profils des victimes grâce à des « espions » qui sont peut-être eux-mêmes des clients ou des trafiquants[144]. Outre les obstacles qui dissuadent les victimes de se déclarer, les témoins ont parlé des défis qu’entraînent les cadres législatifs en place et les organisations d’application de la loi.

Les cadres législatifs

Les pays de l’Asie du Sud ont adopté des cadres législatifs liés au trafic sexuel plus récemment que d’autres régions[145]. Certains aspects de la traite des personnes et de la prostitution constituent depuis longtemps des infractions pénales, mais un nombre important de lois exhaustives relatives à la prévention et à l’éradication de la traite des personnes, et tout particulièrement des femmes et des enfants, ont été élaborées depuis la promulgation de la Convention de la SAARC et du Protocole de Palerme[146]. Cependant, les témoins ont convenu que le crime de la traite des personnes demeure « mal compris par le grand public, les organismes d’application de la loi, les procureurs et les juges[147] ». Selon Mme Banerjee, les autorités nationales et les intervenants se fondent sur des « définitions erronées de la traite des personnes[148] ».

Des témoins ont dit au Sous‑comité que d’autres obstacles à l’identification des victimes du trafic sexuel découlent de la nature des cadres juridiques nationaux et internationaux. Par exemple, si une interdiction pénale de la prostitution ne fait aucune distinction entre les victimes et les auteurs du trafic sexuel, les survivants peuvent être peu enclins à signaler des cas de peur d’être visées par des poursuites judiciaires[149]. Cette situation est une occasion ratée de comprendre le profil des victimes du trafic sexuel et, ultimement, de leur venir en aide[150].

Le Département d’État américain a fait savoir que les autorités du Sri Lanka emprisonnent et inculpent des personnes, peut‑être même des enfants – pour prostitution et d’autres infractions, sans même vraiment tenir compte du fait qu’elles pourraient être des victimes de la traite[151]. Au Bhoutan, l’interdiction criminelle de la traite des personnes ne porte pas sur l’exploitation, elle s’intéresse plutôt à la légalité ou l’illégalité de l’acte commis par la personne exploitée. Le Département d’État américain indique que la réaction du Bhoutan à la traite des personnes demeure limitée en raison d’un manque général de connaissances sur ce type de crime[152].

La fondation Walk Free a conclu que le droit indien en vigueur n’établit pas de différence entre le trafic sexuel et la prostitution consensuelle, ce qui signifie qu’il n’existe aucune ligne directrice officielle sur les personnes qui sont considérées comme victimes en cas d’opération de secours. Par conséquent, la fondation estime qu’il est impossible de savoir quels cas en Inde impliquent la coercition ou des enfants et quels sont les cas où les personnes se tournent vers la prostitution faute d’autres solutions pour assurer leur survie économique[153]. Il y a lieu de mentionner que le cabinet indien se penche actuellement sur un avant‑projet de loi, intitulé « projet de loi de 2016 sur la traite des personnes (prévention, protection et réadaptation) » (avant-projet de loi de 2016). L’approche proposée dans cet avant-projet de loi s’articule autour des victimes et prévoit notamment une indemnisation aux survivants. Cependant, M. Tank a indiqué que cette loi viendrait à être appliquée seulement si « les mentalités changent dans la population, au gouvernement, chez les autorités et dans la police[154] ».

Aux Maldives, les survivants des crimes visés par la Prevention of Human Trafficking Act ont droit à des services de réadaptation – comme un refuge, des soins de santé, des conseils, des services de traduction et une protection policière – avant de décider si elles coopéreront avec les autorités pour faire avancer un dossier criminel[155]. Toutefois, la loi des Maldives sur la prévention de la traite des personnes criminalise uniquement le trafic impliquant le transport de la victime. Par ailleurs, selon le Département d’État américain, il est difficile de savoir exactement si la définition de la traite des personnes contenue dans la loi s’applique à l’exploitation de la prostitution d’adultes, bien que la prostitution d’enfants soit expressément désignée comme une forme d’« exploitation » qui constitue un acte criminel[156].

Le Département d’État américain a constaté qu’au Népal, le gouvernement a intensifié ses efforts pour identifier les survivants du trafic sexuel intérieur. Il a notamment mené des descentes dans des entreprises de divertissement adulte de Katmandou. De plus, la police népalaise a continué d’appliquer les directives émises après les tremblements de terre de 2015, qui demandaient de maintenir la vigilance à l’égard de la traite de femmes et d’enfants vivant dans les camps de personnes déplacées, près des passages frontaliers et dans les plaques tournantes du transport. Les autorités s’emploient par ailleurs à identifier les survivants qui n’ont pas été détenus, mis à l’amende ou emprisonnés après avoir été victimes de la traite[157]. Toutefois, la Human Trafficking and Transportation (Control) Act ne considère pas la prostitution d’enfants comme une forme de trafic s’il n’y a pas usage de force, de fraude ou de contrainte[158]. Un comité national népalais voué au contrôle de la traite des personnes révise actuellement la Human Trafficking and Transportation (Control) Act afin de mieux faire concorder la définition de la traite des personnes et le droit international[159].

L’ONUDC fournit du soutien législatif au Bhoutan, au Bangladesh, à l’Inde, au Sri Lanka et au Népal afin de les aider à harmoniser leurs cadres juridiques nationaux avec les conventions internationales[160]. Toutefois, selon Mme Banerjee, le combat contre la traite des personnes en général et le trafic sexuel en particulier continuent de souffrir de l’absence d’une définition et d’un cadre de collecte de renseignements commun dans toute l’Asie du Sud. Selon les estimations de Mme Banerjee, l’absence d’un cadre commun a « continuellement freiné la lutte contre la traite des personnes[161] ». Mme Banerjee a fait valoir qu’il est nécessaire de tenir une discussion stratégique à l’échelle régionale et internationale afin d’établir une définition claire de la traite des personnes et de créer une base de données sur les trafiquants, leurs collaborateurs et les victimes[162]. M. Kapinos a demandé au gouvernement du Canada d’offrir un soutien financier à ONUDC pour la tenue d’une évaluation de la menace que représente le crime transnational organisé en Asie du Sud. Selon M. Kapinos, ce type d’évaluation serait une première dans l’histoire de l’Asie du Sud et permettrait d’établir les tendances et la nature du crime organisé, notamment du trafic des personnes[163].

L’application des lois nationales et la capacité de détection

L’ONUDC a aussi souligné que la capacité de détection des autorités nationales joue un rôle important pour établir avec exactitude la prévalence de la traite des personnes :

Il est probable que les flux touchant les pays qui ont des capacités de détection moins solides – tant dans le pays d’origine que dans le pays de destination – n’expriment pas fidèlement la réalité [...] Les données présentées ne reflètent pas et ne peuvent pas refléter l’envergure véritable de la traite des personnes; elles font plutôt état d’une sous-population de victimes et de contrevenants qui peut permettre de déduire, dans une certaine mesure, des renseignements sur les tendances et l’évolution de ce crime[164].

Des témoins ont indiqué au Sous‑comité que des cadres législatifs sont en place, mais qu’ils ne sont pas encore pleinement mis en application. Cela s’explique surtout par des capacités et une coordination insuffisantes. Mme Banerjee a rappelé que la « volonté politique et un engagement des pays constitueraient essentiellement un facteur déterminant dans la réduction de la lutte contre la traite des personnes[165] ». M. Matas a fait valoir pour sa part que la volonté politique de combattre le trafic sexuel ne se vérifie pas dans les politiques adoptées, mais dans la prise de mesures concrètes : « C’est une chose de conclure un accord de principe que les gens peuvent annuler sans problème, mais c’en est une autre de réellement mettre en œuvre ces changements qui peuvent parfois être perturbateurs[166]. »

Le Sous‑comité a appris que des efforts considérables sont déployés en vue de l’établissement d’unités d’enquête spécialisées et de tribunaux chargés d’instruire des affaires de traite des personnes en Asie du Sud; cependant, ces initiatives sont généralement sous‑financées. En outre, les enquêteurs, les procureurs, les gardes-frontières, les juges et d’autres acteurs clés ne sont peut‑être pas suffisamment formés pour appliquer les lois nationales contre la traite des personnes[167]. Selon Mme Banerjee, les systèmes de justice « inopérants » aggravent la crise de la traite des personnes[168].

En Inde, les enquêtes sur la traite des personnes sont la responsabilité des unités de la lutte contre la traite des personnes (AHTU), qui sont présentes dans 225 des districts du pays, qui en compte plus de 600[169]. L’ONUDC a aidé à établir les neuf premières AHTU de l’Inde, en 2006[170]. Les membres des AHTU sont formés grâce à des partenariats conclus entre les gouvernements des états, les administrations locales, des ONG et des organisations internationales, dont l’ONUDC[171]. Selon le rapport de 2015 sur la criminalité en Inde produit par le bureau national indien de compilation des crimes, la police indienne a enquêté sur 3 363 cas de trafic sexuel en 2015. Il s’agit d’une hausse par rapport aux 2 604 cas de l’année précédente. Sur les 3 363 cas de crimes liés au trafic sexuel qui ont fait l’objet d’une enquête en 2015, 2 180 ont donné lieu à des poursuites qui ont été menées à terme. Le taux d’acquittement est passé de 77 %, en 2014, à 65 % en 2015[172]. L’avant‑projet de loi de 2016 de l’Inde mentionné précédemment propose la mise sur pied d’un bureau national de lutte contre la traite des personnes, qui serait chargé de faire enquête et d’intenter des poursuites dans les cas de crimes transfrontaliers, et d’assurer la coordination à l’échelle nationale[173].

M. Tank a noté que « les choses bougent énormément » depuis deux à cinq ans, phénomène qu’il attribue à la sensibilisation des services de police et au fait que les AHTU comptent des hommes et des femmes qui se consacrent à secourir les victimes[174]. Cependant, il a souligné que les forces de l’ordre en Inde manquent de personnel et sont surchargées de travail : « Une des plus grandes difficultés est la main‑d’œuvre[175]. » M. Tank a aussi utilisé un exemple indien pour illustrer le problème de coordination entre juridictions :

Les réseaux [de trafiquants] de ce genre fonctionnent, malheureusement, grâce à des failles dans les lois [...] Par exemple, si je sauve une fille à Mumbai et je sais que je peux attraper un propriétaire de bordel, je peux attraper le trafiquant local. Le trafiquant local est le point de contact de trois ou quatre autres trafiquants qui sont sur le chemin. Par exemple, si une fille a été victime de traite au Bengale‑Occidental, c’est un type qui l’a amenée à Delhi. De Delhi, quelqu’un l’amène à Pune. De Pune, on l’amène à Mumbai [...] [L]e plus triste, c’est qu’il n’y a pas d’enquête inter‑États. Quand une enquête a été lancée à Mumbai, la police n’a pas le pouvoir de poursuivre son enquête dans le Bengale‑Occidental ou à Delhi, ou encore dans n’importe quel autre État que le Maharashtra[176].

Dans son mémoire, M. Kapinos demande au gouvernement du Canada d’octroyer des fonds à l’ONUDC pour évaluer l’efficacité des AHTU[177]. L’ONUDC a fourni de la formation à des agents d’application de la loi et à des procureurs de l’Inde, du Bangladesh et du Bhoutan[178]. Le gouvernement du Canada appuie le travail de l’ONUDC consistant à « renforcer les capacités des pays qui ont besoin d’aide pour s’acquitter de leurs obligations internationales[179] ». Dans son mémoire, M. Kapinos demande au Canada de financer davantage les initiatives destinées à « [r]enforcer les capacités d’application de la loi et de justice pénale des pays sud-asiatiques pour combattre la traite, dans le but d’accroître le nombre de poursuites et d’accusations[180] ». Il a aussi demandé au gouvernement du Canada d’accorder des fonds afin de « [p]roduire des données sur les nouvelles formes de traite en Asie du Sud[181] ».

Recommandation 2 : Renforcement de la collecte de données et de la capacité de détection pour assurer la traduction en justice des responsables et la protection des survivants

Que le gouvernement du Canada appuie concrètement les efforts déployés à l’échelle régionale pour recueillir des preuves et des renseignements sur la nature du trafic sexuel dans l’ensemble de l’Asie du Sud, et que l’accent soit mis sur le soutien des enquêtes et des poursuites à l’égard des responsables du trafic sexuel et sur la protection des victimes et des survivants.

LA CRÉATION DE PARTENARIATS EN RÉACTION AU TRAFIC SEXUEL EN ASIE DU SUD

Les initiatives menées pour prévenir le trafic sexuel, pour traduire les responsables en justice et pour protéger les survivants doivent reposer sur un partenariat avec une vaste gamme d’acteurs. Mme Banerjee a mis en lumière l’importance d’une approche concertée à cet égard :

Sur le plan des besoins opérationnels, le défi de la lutte contre la traite des personnes est tellement grand qu’il est presque impossible pour un seul pays ou ministère d’un gouvernement de régler toutes les causes profondes. Par conséquent, une approche collaborative en partenariat avec toutes les parties prenantes, soit les gouvernements internationaux et régionaux, les partenaires donateurs internationaux, les agences multilatérales et les organisations non gouvernementales (ONG), serait bénéfique[182].

La section suivante fait état des efforts déployés à l’heure actuelle par des partenaires potentiels dans le combat contre la traite des personnes, et expose quelques‑uns des défis les plus complexes auxquels ils font face. Sont abordées les mesures d’envergure nationale, les initiatives transfrontalières soutenues par des organisations multilatérales et internationales, ainsi que les activités de quelques organisations de la société civile.

La coordination et la coopération multilatérale

Les principales instances de coopération internationale et régionale

La principale organisation internationale vouée à la lutte contre la traite des personnes – y compris le trafic sexuel – est l’ONUDC, qui a pour mandat d’aider les États membres de l’ONU à combattre les drogues illicites, la criminalité et le terrorisme. Son mandat est inscrit dans plusieurs conventions, dont la CNUCTO et le Protocole de Palerme[183]. L’ONUDC collabore également avec différents États afin d’harmoniser leurs cadres juridiques avec les conventions internationales et de les aider à lutter contre la traite des personnes en renforçant leurs capacités d’application de la loi et l’efficacité de leur système de justice pénale[184]. En outre, « l’ONUDC travaille activement dans la région pour renforcer la coopération interinstitutions [sic], transfrontalière et régionale[185] ».

Le Sous‑comité a appris que l’ONUDC collabore avec d’autres organismes internationaux pour combattre la traite des personnes en Asie du Sud. Son bureau régional travaille avec ONU Femmes, l’UNICEF et d’autres agences de l’ONU afin d’élaborer une plateforme de lutte contre la traite des personnes. Des gouvernements, des membres et organismes de la société civile, des donateurs et d’autres parties prenantes participeront à cette plateforme qui permettra de mettre en lumière l’importance de la lutte contre la traite des personnes et de créer des partenariats pour la mise en œuvre de programmes et le financement de la lutte contre ce crime. L’ONUDC a aussi formé des partenariats contre la traite des personnes avec l’Union européenne (UE) et l’OIM[186].

Le gouvernement du Canada verse des fonds à l’ONUDC pour contribuer à la mise en œuvre de projets destinés à renforcer les capacités des pays qui ont besoin d’aide pour s’acquitter de leurs obligations internationales[187]. En 2016, le gouvernement du Canada s’est engagé à verser 8,8 millions de dollars américains à l’ONUDC, soit 2,9 % du budget annuel de l’organisme. Ce montant visait des fonds spéciaux qui financent des activités d’aide technique aux quartiers généraux d’ONUDC et dans près de 60 bureaux de projet et de programme sur le terrain[188]. Dans son mémoire, M. Kapinos note que le « financement est essentiel au travail de l’ONUDC », et que celui‑ci « demande l’aide du gouvernement du Canada » pour quelques propositions décrites plus bas[189].

M. Kapinos signale que la ratification, par des pays sud-asiatiques, des accords mis en place par l’ONU dans le domaine a été « plutôt encourageante[190] », bien que les États de la région n’aient pas tous ratifié les traités internationaux clés. Cinq pays sur six – le Bhoutan faisant exception – ont ratifié ou adopté la CNUCTO[191]. Seuls trois pays, soit l’Inde (2011), les Maldives (2016) et le Sri Lanka (2015), ont ratifié le Protocole de Palerme[192]. Le bureau de l’ONUDC en Asie du Sud continue de préconiser la ratification de ces traités par tous les pays de la région[193].

La principale organisation régionale à se consacrer à la lutte contre la traite des personnes en Asie du Sud est la South Asia Association for Regional Cooperation (SAARC). Elle est formée des États suivants : l’Afghanistan, le Bangladesh, le Bhoutan, l’Inde, les Maldives, le Népal, le Pakistan et le Sri Lanka[194]. La SAARC comprend également neuf membres observateurs, à savoir l’Australie, la Chine, l’UE, l’Iran, le Japon, la République de Corée, la Maurice, le Myanmar, et les États-Unis.[195]. Elle a conclu de nombreux protocoles d’entente avec des agences de l’ONU qui travaillent dans la région, dont l’ONUDC[196]. La Convention de la SAARC, parachevée par les États membres en 2002, repose sur la raison d’être suivante :

La Convention a pour objet de promouvoir la coopération entre les États membres de manière à ce qu’ils puissent traiter efficacement les divers aspects de la prévention, de l’interdiction et de l’élimination de la traite de femmes et d’enfants, le rapatriement et la réadaptation des victimes de la traite des personnes, ainsi que la prévention de l’utilisation de femmes et d’enfants dans les réseaux internationaux de prostitution, particulièrement dans les cas où les pays d’origine, de transit et de destination sont des pays membres de la SAARC[197].

Le Processus de Bali sur le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité internationale est une autre initiative régionale importante. Établi en 2002, il sert à la concertation politique, au partage de renseignements et à la coopération sur le plan pratique. Ce faisant, il aide les pays de la région de l’Asie et du Pacifique à lutter contre le trafic de migrants, la traite des personnes et la criminalité internationale qui y est liée[198]. Les six pays de l’Asie du Sud qui sont analysés dans le présent rapport, de même que le Canada, adhèrent au Processus de Bali[199]. En mars 2016, les membres ont confirmé les priorités et les objectifs centraux du Processus en adoptant la Déclaration du Processus de Bali sur le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité internationale qui y est liée[200]. Le gouvernement du Canada participe au Processus de Bali afin d’échanger des « pratiques exemplaires et [des] stratégies à suivre pour lutter contre la traite des personnes[201] ». Par exemple, le Canada a pris part activement au processus de consultation qui a mené à la création du guide de politiques du Processus de Bali sur la criminalisation de la traite des personnes, un document destiné aux décideurs et conçu pour consolider les cadres législatifs[202].

M. Matas a dit douter de l’efficacité du Processus de Bali pour la coopération entre pays. Il juge le Processus utile pour l’échange de renseignements, mais pas tant pour l’élaboration et la proposition de politiques. Selon lui, pour qu’il soit plus efficace, « le Processus de Bali devrait être modifié pour mettre davantage l’accent sur la politique et la collaboration; il serait ainsi davantage une instance délibérante, plutôt qu’un simple regroupement de représentants des services policiers qui font part de leurs expériences[203] ».

La coopération transfrontalière dans la lutte contre le trafic sexuel

Le Sous-comité a appris que, vu la nature transfrontalière de la traite des personnes, les États doivent coordonner leurs efforts pour combattre ce problème. Mme Banerjee a observé que « la région ne respecte pas les normes internationales en matière de lutte contre la traite des personnes, et il y a encore beaucoup plus à faire afin de s’attaquer à la traite des personnes transfrontalière intrarégionale[204] ».

L’ONUDC, étant un organisme international, est bien placé pour s’intéresser au rôle des patrouilles frontalières. Il élabore actuellement des procédures normalisées pour les « intervenants de première ligne » responsables des cas de traite aux frontières de l’Inde, du Bangladesh et du Népal[205]. M. Kapinos a demandé au gouvernement du Canada d’appuyer la tenue d’ateliers sur les contrôles à la frontière au Bangladesh, au Bhoutan, en Inde et au Népal et la mise en place d’un « système d’intervention immédiate » visant à soutenir les victimes du trafic transfrontalier entre le Bangladesh, l’Inde et le Népal[206]. L’ONUDC a également produit du matériel didactique en plusieurs langues sur la traite des personnes afin de renseigner les agents frontaliers sur les nouvelles formes de traite et les mesures appropriées contre la traite des personnes[207].

La SAARC a mis en œuvre des directives conçues pour réagir aux « maux sociaux courants », dont la traite de femmes et d’enfants. Jusqu’à présent, la SAARC s’est employée surtout à « essayer d’améliorer le système de surveillance ainsi que le partage de renseignements et de technologie[208] ». En ce qui concerne plus précisément la coopération transfrontalière, la Convention de la SAARC préconise l’aide juridique mutuelle : à la demande d’un État membre, les autres États doivent lui apporter leur aide « relativement aux enquêtes, aux procès ou à d’autres procédures qui ont été déclenchés dans le pays demandeur » à la suite d’une infraction à la Convention[209]. Pour faciliter la coopération entre les États membres dans le cadre de la Convention de la SAARC, un groupe de travail régional a été créé et s’est réuni chaque année entre 2007 et 2011[210]. Or, même si l’adoption de la Convention « représente un engagement politique de la région de la SAARC[211] », Mme Banerjee en a remis en question l’efficacité, indiquant que les différends entre l’Inde et le Pakistan nuisent à la coopération dans la lutte contre la traite des personnes[212].

L’aide au développement international et les relations bilatérales

Mme Banerjee a dit que le trafic sexuel était un problème relatif au développement. Un cercle vicieux s’est enraciné en Asie du Sud : la pauvreté donne lieu à la traite des personnes, qui à son tour alimente davantage la pauvreté[213]. Mme Banerjee a expliqué que la traite des personnes s’alimente de la pauvreté persistante, et exacerbe le problème en minant la productivité et l’efficience, et en faisant obstacle au développement économique. Selon elle, « [l]a traite des personnes alimente l’exploitation puisqu’elle soutient le maintien des salaires à des niveaux très bas et qu’elle encourage même la suppression des salaires. Elle nuit à la fois à la vigueur du marché de l’emploi et au développement[214]. »

Mme Banerjee a fait valoir que « de vastes stratégies de développement favorisant la stabilité politique et l’investissement dans les programmes de développement social et économique, y compris les programmes de protection sociale, la fourniture de l’accès à des occasions d’éducation et d’emploi » constituent des moyens de favoriser le développement, de réduire la pauvreté, et de promouvoir l’inclusion économique et sociale en Asie du Sud[215]. Elle a également souligné l’importance de produire des revenus, particulièrement pour les femmes, les jeunes, et les personnes vivant dans la pauvreté[216]. Mme Banerjee a évoqué la microfinance, qui consiste à accorder des prêts de petite valeur à des entrepreneurs et à des propriétaires de petite entreprise dans le besoin pour les aider à se sortir de la pauvreté, comme un exemple de mesure produisant des revenus. Non seulement ces programmes réduisent-ils la pauvreté, mais ils permettent aux bénéficiaires de s’autonomiser. Des témoins ont également mentionné, parmi les importantes initiatives de réduction de la pauvreté, l’amélioration de l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle pour les enfants et les femmes[217].

Sur les six pays examinés, seuls le Bangladesh et le Sri Lanka ont été considérés comme des pays ciblés pour l’aide au développement international. Depuis 40 ans, le Bangladesh figure parmi les principaux prestataires de l’aide au développement du Canada. Le gouvernement du Canada appuie les efforts visant à réduire les écarts en matière d’éducation entre les filles et les garçons, à améliorer l’accès au développement des compétences professionnelles – plus particulièrement pour les femmes –, et à améliorer les conditions de travail dans l’industrie du textile[218]. Au Sri Lanka, le programme canadien d’aide au développement comprend du soutien aux efforts visant à améliorer l’accès des femmes aux biens économiques et aux emplois. Le programme de développement du Canada vise également à aider les personnes déplacées à l’intérieur du pays par la guerre civile à retourner dans leur village[219]. À l’heure actuelle, le gouvernement du Canada finance un projet visant à améliorer la capacité de la plus grande association coopérative de crédit du Sri Lanka à offrir des produits et des services financiers et non financiers personnalisés à des microentreprises et à des petites et des moyennes entreprises (MPME). Des nouvelles MPME ciblées par le programme, au moins 40 % seront dirigées par des femmes. Le projet est dirigé par une section d’un grand groupe financier coopératif du Canada[220].

Le gouvernement du Canada n’a pas établi de programme d’aide bilatérale au développement avec l’Inde. M. McDougall a reconnu que la lutte au trafic sexuel n’est pas une priorité dans le cadre de la relation bilatérale des deux pays[221]. Toutefois, le gouvernement du Canada contribue à l’atteinte d’objectifs de développement sur des « questions globales » par l’intermédiaire d’institutions multilatérales comme la Banque mondiale, et de soutien à des projets locaux « sur différents secteurs où nous sommes en mesure de faire quelque chose[222] ». Parmi ces mesures, on compte le soutien à un partenariat entre une compagnie de produits cosmétiques canadienne et un ONG indien afin d’améliorer les conditions de vie des personnes pauvres en milieu rural, notamment grâce à l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à la technologie agricole[223].

Par l’intermédiaire de la Politique d’aide internationale féministe, le gouvernement du Canada reconnaît que la traite des personnes et l’exploitation constituent une forme de violence sexuelle et sexiste et s’est engagé au « soutien d’approches globales » pour « faire connaître aux femmes et aux filles leurs droits afin d’améliorer leur accès à la justice et [à] fournir du soutien psychosocial aux victimes de violence[224] ». Le gouvernement du Canada s’est engagé à faire connaître l’importance de ces questions par les voies diplomatiques et au moyen d’efforts de sensibilisation[225].

Mme Banerjee a noté que le gouvernement du Canada pourrait explorer plus en profondeur les moyens de mieux viser les groupes les plus vulnérables à la traite des personnes dans ses stratégies de lutte contre la pauvreté, y compris au moyen de programmes liés à la santé, à l’éducation et à la création d’emplois. Mme Banerjee a proposé que la lutte contre la traite des personnes et la vulnérabilité des femmes à l’exploitation soient ajoutées aux priorités de la Politique d’aide internationale féministe du Canada[226]. Elle a également suggéré que le gouvernement du Canada pourrait renforcer et modifier ses initiatives existantes de développement international de manière à ce que les progrès faits dans la prévention de la traite des personnes en général et du trafic sexuel en particulier soient évalués comme les autres résultats attendus en matière de développement[227].

Recommandation 3 : Intégration de la prévention du trafic sexuel aux objectifs de développement et aux priorités des relations bilatérales dans la région

Que le gouvernement du Canada fasse de la réduction de la vulnérabilité des femmes et des filles à la traite des personnes – et au trafic sexuel à des fins commerciales en particulier – un objectif explicite dans ses relations bilatérales avec les pays de la région et un indicateur servant à évaluer ses politiques et programmes d’aide internationale.

LES PARTENARIATS AVEC DES ONG

Les témoins se sont entendus pour dire que les ONG présents sur le terrain sont à l’avant‑garde de la lutte contre le trafic sexuel en Asie du Sud. M. Drake a reconnu que, en Inde, des ONG locaux et internationaux « déploient des efforts considérables » pour combattre le trafic sexuel et pour secourir et réadapter les victimes[228].

La prévention grâce à la sensibilisation et à la promotion des changements sociaux

M. Matas et Mme Banerjee ont tous deux estimé que toute tentative d’un pays étranger, comme le Canada, de changer les valeurs culturelles locales serait vaine. Ce sont plutôt des militants de l’endroit qui devraient être munis des moyens nécessaires pour promouvoir les changements culturels et sociaux dans leurs communautés[229]. Selon Mme Banerjee, les campagnes de sensibilisation menées auprès des populations vulnérables sur l’existence et les dangers de la traite des personnes sont des outils efficaces. Elle a noté que des partenariats avec des ONG communautaires qui sont près des populations vulnérables « serai[ent] bénéfique[s][230] ».

M. Matas a décrit des initiatives d’ECPAT (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes) en Asie du Sud qui visent à sensibiliser les enfants vulnérables à la réalité de la traite des personnes. Une de ces initiatives forme les jeunes à mettre à contribution leurs habiletés avec les médias et leurs compétences en sensibilisation pour informer les communautés vulnérables[231]. Une autre de ces initiatives fait appel aux survivants pour sensibiliser d’autres personnes vulnérables aux dangers de la traite[232]. Un troisième projet permet de former des jeunes au Bangladesh, en Inde et au Népal. Ces jeunes seront ensuite appelés à administrer des programmes de soutien par les pairs dans des écoles de régions exposées au trafic sexuel des enfants[233]. M. Matas a aussi souhaité que des hommes participent aux initiatives pour l’égalité des sexes; cela aiderait à changer les attitudes des hommes et des garçons à l’égard des femmes[234]. Mme Banerjee a souligné qu’il est important de sensibiliser davantage les classes instruites et bien rémunérées pour que les choses changent[235].

M. Jose a parlé au nom de son organisation, Breakthrough, qui s’affaire à mettre fin à la violence et à la discrimination envers les femmes et les filles indiennes, principalement au moyen d’« interventions [qui] ont pour but d’habiliter les femmes et les filles venant de communautés vulnérables[236] ». Breakthrough est active dans quelque 4 000 villages des États de l’Uttar Pradesh, du Bihar, du Jharkhand, de l’Haryana et de Delhi. Ces villages respectent toujours en grande partie des pratiques culturelles et un droit coutumier qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et des filles. Parmi ces pratiques, l’une de celles contre lesquelles s’insurge Breakthrough est la sélection du sexe, qui a été désignée plus haut comme l’un des phénomènes qui contribuent, dans la région, à la traite des personnes aux fins de mariage forcé[237].

Le gouvernement du Canada appuie actuellement des programmes qui sont mis en œuvre en Inde, au Bangladesh et au Népal et qui servent à combattre la violence contre les femmes et les filles et à mettre fin aux mariages d’enfants et aux mariages précoces ou forcés[238]. À cet égard, des partenariats ont été conclus avec Oxfam Canada, l’UNICEF et Plan International[239]. M. McDougall n’a donné qu’un seul exemple de projet conçu expressément pour lutter contre la traite des personnes[240], mais il a fait valoir que les programmes canadiens actuels de défense des droits des femmes et des enfants et de lutte contre la violence sexuelle « pourraient très aisément être reliés » au combat contre la traite des personnes[241].

Le secours et la réadaptation des survivants du trafic sexuel

Outre ses activités de prévention, ECPAT travaille avec des fournisseurs de soins qualifiés et des organisations locales afin de les aider à offrir du soutien psychosocial aux survivants. M. Matas a décrit un des microprojets du genre, mené en Inde, qui prévoit l’achat de livres et de jeux qui serviront à constituer une bibliothèque et une salle de loisirs dans un refuge accueillant des jeunes filles délivrées du trafic sexuel[242].

Comme il a été mentionné plus haut, la Rescue Foundation coordonne depuis plus de 20 ans des missions lancées pour secourir de jeunes femmes et des filles tombées dans les filets des trafiquants sexuels, partout en Inde. Dans son travail, l’ONG profite des renseignements recueillis par environ 150 « espions » situés dans l’ensemble du pays. Des entreprises de sécurité et des services de police locaux aident également l’organisation en faisant des descentes dans des maisons de prostitution et en allant y chercher des victimes[243]. M. Tank a parlé du travail extraordinaire et parfois très dangereux accompli par la Rescue Foundation :

Le mari de ma présidente a été tué au cours d’une opération de sauvetage. Nous savons donc que la tâche n’est pas facile. Il y a tout juste un mois, j’ai participé à un raid dans une région intérieure du Maharashtra [en Inde], et j’étais encerclé par des trafiquants et des propriétaires de bordels qui voulaient récupérer une jeune fille de 13 ans que nous avions secourue, ainsi qu’une autre de 14 ans et deux de 18 ans. C’est parfois très dangereux, mais nous devons le faire[244].

Les victimes secourues peuvent alors trouver refuge dans des maisons tenues par la Rescue Foundation, être nourries et recevoir des soins de santé, du soutien psychosocial, de la formation professionnelle et de l’aide juridique. Comme dernière mesure de soutien, l’organisation retourne les victimes à leur famille ou les confie à un autre refuge pouvant fournir des soins à long terme[245]. Chaque année, la Rescue Foundation vient au secours de quelque 250 femmes et filles et en soigne environ 500 dans des refuges[246].

La collaboration entre ONG en Asie du Sud repose tout particulièrement sur la réadaptation des personnes qui ont été victimes de la traite[247]. M. Tank a indiqué que la Rescue Foundation travaille avec plusieurs autres organisations sans but lucratif dans le nord et le sud de l’Inde afin de secourir et de réadapter plus facilement les victimes du trafic sexuel[248]. Par ailleurs, certains ONG collaborent aussi avec des organisations internationales, comme l’ONUDC. M. Kapinos a signalé que le bureau de l’ONUDC en Asie du Sud a fourni de l’aide juridique, des services de santé, du soutien psychosocial et de la formation professionnelle à plus de 1 000 victimes de la traite des personnes par l’entremise d’ONG et d’institutions gouvernementales[249]. Cependant, M. Tank a dit que la Rescue Foundation n’a actuellement aucun partenariat avec des organismes régionaux ou internationaux, comme les agences de l’ONU[250].

Les défis auxquels font face les organismes non gouvernementaux

Les témoins entendus par le Sous‑comité ont fait état de plusieurs défis que les ONG doivent relever dans la lutte contre le trafic sexuel. Le manque de coopération et de soutien des autorités gouvernementales en est un. M. Matas a déclaré que l’organisation ECPAT s’était heurtée à une réaction négative de la part de gouvernements qui refusent l’« intervention » d’acteurs non gouvernementaux. ECPAT doit aussi essuyer l’hostilité de certains gouvernements en raison de la priorité qu’elle accorde à la participation des enfants, un principe qui va à contre‑courant des valeurs culturelles observées dans la région[251]. Par ailleurs, la bureaucratie gouvernementale bloque certains projets d’ECPAT dans la région, et tout particulièrement ceux qui exigent l’accès aux centres d’accueil de l’État[252]. M. Tank a aussi parlé des difficultés que la Rescue Foundation doit surmonter pour obtenir le soutien des autorités locales dans le sauvetage et la réadaptation des victimes du trafic sexuel; en effet, les travailleurs du sexe sont mal perçus par une partie de la société[253].

Le manque de financement est un autre défi auquel les ONG font face. M. Tank a expliqué que la Rescue Foundation reçoit 90 % de son financement de donateurs individuels. Le gouvernement de l’Inde apporte également une certaine aide[254]. Or, l’organisme est parfois forcé d’annuler des missions de secours, faute d’argent. M. Tank a dit au Sous‑comité que lui et d’autres membres de la Rescue Foundation se sentent « impuissants et démunis » devant l’ampleur du problème de la traite des personnes et le manque chronique de financement[255]. Il a ajouté que les ONG tels que la Rescue Foundation ont du mal à recueillir des fonds pour leur cause. Par exemple, ils ne peuvent pas solliciter des dons en montrant des photos de victimes qu’ils ont secourues, car leur identité doit être protégée[256]. Selon M. Tank, en Inde, l’attitude réprobatrice de la société en ce qui concerne le trafic sexuel complique aussi le travail de financement de son organisme : « J’aurais bien aimé que cette question particulière de la traite de personnes soit aussi populaire que [d’autres causes] [...] Personne ne veut parler des prostituées et de leur bien‑être. C’est un sujet tellement souillé et mal interprété, que personne ne veut l’aborder[257]. »

En raison du manque de fonds, il est par ailleurs plus difficile pour les ONG d’engager des personnes qui ont les qualifications requises pour intervenir dans les cas de trafic sexuel. M. Matas a décrit deux projets d’ECPAT qui exigeaient de fournir une formation plus poussée aux participants, mais pour laquelle le budget était insuffisant. Dans le premier cas, il fallait former des soignants d’enfants victimes d’exploitation sexuelle. Le projet s’est heurté au fait que les soignants n’avaient jamais reçu de formation dans ce domaine auparavant. Or, les ressources supplémentaires requises sortaient du cadre budgétaire établi[258]. Le deuxième projet visait à former des jeunes sur l’utilisation des médias et la défense de leurs intérêts pour qu’ils puissent sensibiliser les collectivités locales au trafic sexuel d’enfants. Mais il s’est avéré difficile de trouver des consultants qualifiés pour donner la formation, notamment au Bangladesh et au Népal. La formation supplémentaire que les consultants devaient recevoir sortait, elle aussi, du cadre budgétaire du projet[259].

L’accès à l’aide juridique subit aussi les effets du manque de financement. M. Tank a expliqué que la Rescue Foundation s’emploie à fournir de l’aide juridique aux victimes secourues qui tentent d’obtenir justice à l’encontre des trafiquants. Mais malgré l’importance de traduire en justice les responsables de la traite des personnes, le manque d’argent oblige à négliger l’aide juridique au profit de priorités plus pressantes, comme l’alimentation, l’éducation et la santé. Même si des avocats l’aident gratuitement, la Rescue Foundation n’échappe pas au fait que la défense des victimes devant les tribunaux « coûte toujours très cher[260] ».

Les initiatives menées par les ONG contre la traite des personnes se butent également à la corruption gouvernementale. Certains ONG, comme ECPAT, refusent de payer pour faire avancer leurs projets plus vite[261]. La Rescue Foundation, elle, donne de l’argent (ou un pot‑de‑vin) lorsque c’est nécessaire et inévitable afin de sauver des victimes du trafic sexuel. Comme l’a exprimé M. Tank :

[Il] faut malheureusement entrer dans les égouts pour nettoyer les égouts. Ce faisant, il est impossible de rester propre. Nous devons malheureusement faire ce travail pour le bien des filles. Parfois, le trafiquant paiera davantage la police pour que celle‑ci soit libérée. Nous disons à la police que nous lui donnerons plus d’argent que le trafiquant s’il nous la remet. La seule différence, c’est que le trafiquant la ramènera au bordel et nous, nous l’amènerons à notre refuge et prendrons soin d’elle[262].

Le gouvernement du Canada travaille en partenariat avec des organismes de la société civile dans le cadre de sa politique de développement international et d’aide humanitaire. M. McDougall a informé le Sous‑comité que le Canada, par l’entremise du Secteur des partenariats pour l’innovation dans le développement d’AMC, a investi 3,1 millions de dollars pour appuyer 15 projets d’une grande diversité en Inde[263]. Selon la Banque de projets d’AMC, le gouvernement du Canada travaille actuellement en partenariat avec des ONG internationaux, régionaux et nationaux dans le cadre de 21 projets de développement en Asie du Sud[264].

Recommandation 4 : Offre d’un soutien concret aux ONG qui luttent contre le trafic sexuel et participent à la réadaptation des survivants

Que le gouvernement du Canada accorde en priorité, dans le cadre de ses programmes d’aide internationale, son soutien aux organismes non gouvernementaux qui se consacrent à la prévention du trafic sexuel et à la réadaptation des survivants en Asie du Sud. Le gouvernement du Canada devrait également encourager les organismes qui possèdent l’expertise voulue à étendre leurs programmes de prévention du trafic sexuel et de réadaptation des victimes et des survivants.

CONCLUSIONS

Cette étude du Sous‑comité constitue un survol de haut niveau des principaux enjeux touchant le trafic sexuel en Asie du Sud ainsi que des partenaires potentiels dans les efforts visant à prévenir ce fléau, à traduire en justice les auteurs de ce type de crime et à protéger les victimes et les survivants. Par ailleurs, le gouvernement du Canada et les ONG étrangers n’ont sans doute que peu d’influence sur certaines des principales causes du trafic sexuel[265]. De plus, le Sous‑comité a aussi pu constater que l’information sur le trafic sexuel en Asie du Sud est « très lacunaire[266] ».

Le trafic sexuel est un crime répréhensible, un obstacle au développement et une atteinte à des droits de la personne protégés dans le monde entier, et le gouvernement du Canada doit s’en soucier. Le Sous-comité a appris que l’aide accordée par le Canada à l’Asie du Sud cible le traitement de « questions globales » par le biais d’organisations multilatérales, et que le trafic sexuel n’est pas un enjeu abordé explicitement dans les relations bilatérales entretenues avec certains des pays de la région[267]. Dans sa Politique d’aide internationale féministe, toutefois, le gouvernement du Canada précise que la traite des personnes et l’exploitation sont une forme de violence sexuelle et sexiste qu’il s’est engagé à combattre[268]. Le Sous‑comité a non seulement pris connaissance des obstacles qui entravent la lutte contre cette plaie que représente le trafic sexuel, mais a aussi entendu parler de nombreux axes d’intervention possibles, par exemple, la défense des droits, le développement, le soutien de la réforme du système de justice pénale et le renforcement des capacités et l’appui à divers organismes internationaux et régionaux.

Les recommandations proposées par le Sous‑comité reflètent le point de vue des représentants d’AMC selon lequel la « complexité de ce crime exige une intervention multidisciplinaire axée sur la collaboration qui englobe des mesures législatives, de la programmation et de l’élaboration des politiques[269] ». Le Sous‑comité estime que le gouvernement du Canada peut voir ces recommandations comme le fondement d’une approche délibérée et systématique en vue du soutien à apporter à ses partenaires, y compris les gouvernements nationaux qui ont fait des progrès et qui continuent d’avancer dans la lutte contre le trafic sexuel et contre les injustices dont ce fléau se nourrit.


[1]              Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes [SDIR], Réunions.

[2]              SDIR, Procès-verbal, 1er juin 2017.

[3]              Nipa Banerjee, Enrayer la traite des personnes, traite illégale des personnes afin d’obtenir un bénéfice commercial, juillet 2017, [Banerjee, mémoire], p.4.

[6]              SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1325 (Banerjee).

[7]              Protocole de Palerme, al. 3c) et 3d).

[8]              SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall); SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1315 (Matas).

[9]              Banerjee, mémoire, p. 8.

[10]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall).

[11]            Office des Nations Unies contre la drogue et le crime [ONUDC], South Asia. Dans le présent rapport, l’expression « Asie du Sud » englobe ces six États.

[12]            Banerjee, mémoire, p. 4.

[13]            Ibid., p. 13-14.

[14]            Sergey Kapinos, ONUDC, Mémoire sur la traite des personnes et le trafic de migrants en Asie du Sud, juillet 2017, [Kapinos, mémoire] p.2; SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee).

[15]            Département d’État américain, « Bangladesh », Trafficking in Persons Report 2017, p. 80; Département d’État américain, « Bhutan », Trafficking in Persons Report 2017, p. 90; Département d’État américain, « India », Trafficking in Persons Report 2017, p. 205; Département d’État américain, « Maldives », Trafficking in Persons Report 2017, p. 267; Département d’État américain, « Nepal », Trafficking in Persons Report 2017, p. 294; Département d’État américain, « Sri Lanka », Trafficking in Persons Report 2017, p. 369.

[16]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1330 (Drake); Kapinos, mémoire, p. 8; SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1330 (Banerjee).

[17]            Kapinos, mémoire, p. 4.

[18]            Banerjee, mémoire, p. 7.

[19]            ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, p. 111.

[20]            Nations Unies, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 18 décembre 1979, art. 6.

[21]            Nations Unies, Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, art. 34.

[22]            Nations Unies – Collection des Traités, « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes », État des traités.

[23]            Nations Unies – Collection des Traités, “Convention relative aux droits de l'enfant,” État des traités.

[24]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall); Affaires mondiales Canada, La traite des personnes et les migrations clandestines, 29 novembre 2016; Protocole de Palerme, art. 2 et 5; voir également Département d’État américain, Bureau de la surveillance et de la prévention de la traite de personnes, 3Ps: Prosecution, Protection, and Prevention.

[25]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1315 (McDougall).

[26]            Ibid.

[27]            Ibid., 1345.

[28]            Ibid., 1315.

[29]            Banerjee, mémoire, p. 13.

[30]            Ibid., p. 2; ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, décembre 2016, p. 110.

[31]            ONUDC Global Report on Trafficking in Persons 2016, décembre 2016, p. 111.

[32]            Ibid., p. 110-111 [traduction].

[33]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee).

[34]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall); Kapinos, mémoire, p. 3, note 4. Selon l’ONUDC, 85 % de l’exploitation détectée en Asie du Sud-est du travail forcé, et les 15 % restants sont de l’exploitation sexuelle.

[35]            SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1315 (Matas); SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1335 (Tank).

[36]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1305 (Banerjee).

[37]            Ibid., 1335.

[38]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[39]            Ibid., 1335.

[40]            Ibid., 1305. Les Dalits sont un groupe de personnes considérés comme ne faisant pas partie du système traditionnel de castes en Inde, qui divise les hindous en groupes hiérarchiques rigides. Les Dalits se trouvaient tout en bas de l’ordre social et on leur réservait les tâches « sans importance » et « dégradantes ». Malgré l’existence de lois les protégeant, les Dalits sont encore victime de ségrégation en ce qui concerne le logement, l’éducation et l’accès aux services publics, en plus d’être victimes d’une grande discrimination. Voir Dalit Solidarity, « Dalits and Untouchability », Who We Are.

[41]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305 (Tank).

[42]            Ibid.

[43]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[44]            Banerjee, mémoire, p. 11.

[45]            Ibid.

[46]            Kapinos, mémoire, p. 4.

[47]            Ibid., p. 6.

[48]            Ibid.

[49]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1335 (McDougall).

[50]            Kapinos, mémoire, p. 6.

[51]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1335 (Tank).

[52]            Banerjee, mémoire, p. 10.

[53]            Ibid, p.11.

[54]            Kapinos, mémoire, p. 5.

[55]            Banerjee, mémoire, p. 10.

[56]            Banerjee, mémoire, p. 12. Voir également : Kapinos, mémoire, p. 7.

[57]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1335 (Banerjee).

[58]            Ibid.

[59]            Banerjee, mémoire, p. 13.

[60]            Ibid.

[61]            Ibid., p. 15; Kapinos, mémoire, p. 2.

[62]            Banerjee, mémoire, p. 6; Kapinos, mémoire, p. 2.

[63]            Banerjee, mémoire, p. 6.

[64]            Kapinos, mémoire, p. 2.

[65]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee).

[66]            Ibid.

[67]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305 (Tank).

[68]            Ibid.

[69]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1340 (McDougall).

[70]            Ibid.

[71]            Ibid.

[72]            Banerjee, mémoire, p. 16.

[73]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1340 (Banerjee).

[74]            Ibid., 1345.

[75]            Banerjee, mémoire, p. 16.

[76]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1330 (Tank).

[77]            SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1335 (Matas).

[78]            Ibid., 1315; SDIR, Témoignages, 4 May 2017,1325 (McDougall).

[79]            SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1345 (Matas); SDIR, Témoignages, 4 May 2017,1325 (McDougall).

[80]            Banerjee, mémoire, p. 8.

[81]            Ibid., p. 14.

[82]            Ibid.

[83]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1315 (Tank).

[84]            Ibid., 1330.

[85]            Ibid., 1305‑1310 (Jose).

[86]            Ibid., 1305.

[87]            Ibid., 1325.

[88]            Ibid.,, 1325 (Tank).

[89]            Ibid., 1305; SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1335 (Banerjee).

[90]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1330 (Tank).

[91]            Ibid., 1315.

[92]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1345 (Banerjee).

[93]            T.N. Madan, « Caste », Britannica Academic.

[94]            SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305 (Tank).

[95]            SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee).

[96]            SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[97]            Kapinos, mémoire, p. 8.

[98]            Ibid.

[99]            Banerjee, mémoire, p. 9; Kapinos, mémoire, p. 6; SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1335 (Tank).

[100]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1335 (Tank).

[101]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[102]          Kapinos, mémoire, p. 6.

[103]          Ibid., p. 8.

[104]          Ibid.

[105]          Banerjee, mémoire, p. 9.

[106]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1315 (Banerjee); Kapinos, mémoire, p. 8.

[107]          Kapinos, mémoire, p. 8.

[108]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1315 (Banerjee).

[109]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall).

[110]          Département d’État américain, « Sri Lanka », Trafficking in Persons Report 2017, p. 370.

[111]          Département d’État américain, « Nepal », Trafficking in Persons Report 2017, p. 295.

[112]          Kapinos, mémoire, p. 8.

[113]          Ibid.

[114]          ONUDC, Signature and Ratification Status, 11 juillet 2017; Kapinos, mémoire, p. 10.

[116]          Affaires mondiales Canada, Criminalité transnationale.

[117]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1315 (Sweet); SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1315 (Levitt).

[118]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[119]          Banerjee, mémoire, p. 6.

[120]          Voir, par exemple : SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1320 (McDougall); Affaires mondiales Canada, Réponse aux questions de suivi du Sous-comité de la Chambre des communes sur les droits de la personne internationaux concernant la réunion du 4 mai 2017 sur la traite de personnes en Inde [mémoire], 13 juillet 2017, p. 1; Banerjee, mémoire, p. 6; Kapinos, mémoire, p. 2.

[121]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1320 et 1350 (McDougall); Affaires mondiales Canada, mémoire, p. 1.

[122]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1315 (McDougall).

[123]          Ibid., 1320.

[124]          Alliance 8.7, Global Estimates of Modern Slavery: Forced Labour and Forced Marriage, 2017, p. 39.

[125]          Ibid., p. 5.

[126]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall); SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee); Kapinos, mémoire, p. 2.

[127]          The Walk Free Foundation, « Global Findings », The Global Slavery Index.

[128]          Organisation internationale du Travail (OIT), Estimation du travail forcé dans le monde, Résumé, p. 6. La marge d’erreur pour cette estimation mondiale de 20,9 millions est de 7 % (1,4 million), ce qui signifie que le nombre actuel se trouve entre 19,5 millions et 22,3 millions de personnes, pour un taux de confiance de 68 %.

[131]          The Walk Free Foundation, « India », The Global Slavery Index. Pour produire son rapport sur l’Inde dans le cadre de l’établissement de l’indice mondial de l’esclavage en 2016, la fondation Walk Free a eu recours à des enquêtes à échantillon aléatoire. Dans le cas de l’Inde, la fondation Walk Free a demandé la tenue d’une enquête auprès de 1 000 personnes dans 15 États représentant 80 % de la population de l’Inde.

[134]          ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, décembre 2016, p. 109.

[135]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[136]          Département d’État américain, « India », Trafficking in Persons Report 2017, p. 208; SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[137]          Banerjee, mémoire, p. 6; SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[138]          ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, p. 109-110.

[139]          ECPAT International, The Commercial Sexual Exploitation of Children in South Asia, novembre 2014, p. 26.

[140]          Ibid.

[141]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[142]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305-1315 (Tank).

[143]          Ibid.

[144]          Ibid., 1320.

[145]          ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, p. 111.

[146]          Par exemple, il est question de la traite des personnes dans les textes législatifs suivants : au Bangladesh, dans la Prevention and Suppression of Human Trafficking Act (2012) et la Prevention of Oppression Against Women and Children Act (2000); au Bhoutan, dans les art. 154, 227 et 379 du Code pénal, modifié en 2011, l’art. 9 de la Labour and Employment Act (2007) et l’art. 224 de la Child Care and Protection Act (2011); en Inde, dans l’art. 370 du Code pénal, modifié en 2013, l’Immoral Traffic (Prevention) Act (1956) et la Scheduled Castes and Scheduled Tribes (Prevention of Atrocities) Act (1989); aux Maldives, dans la Loi de 2013 contre la traite des êtres humains (non disponible en français ou en anglais) et la Special Provisions Act to Deal Child Sex Abuse Offenders (2009); au Népal, dans la Human Trafficking and Transportation (Control) Act (2007), la Bonded Labour (Prohibition) Act (2002), la Child Labour Act (2000) et la Foreign Employment Act (2007); au Sri Lanka, dans l’art. 360C du Code pénal et la Convention On Preventing And Combating Trafficking In Women And Children For Prostitution Act (2005). Pour plus de renseignements, voir le Processus de Bali, « National Laws & Action Plans », The Regional Strategic Roadmap.

[147]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall); Banerjee, mémoire, p. 2 et 6.

[148]          Banerjee, mémoire, p. 2 et 6.

[149]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1305 (McDougall).

[150]          Banerjee, mémoire, p. 5, 6 et 16. Voir également : The Walk Free Foundation, « India », The Global Slavery Index.

[151]          Département d’État américain, « Sri Lanka », Trafficking in Persons Report 2017, p. 370.

[152]          Département d’État américain, « Bhutan », Trafficking in Persons Report 2017, p. 91.

[153]          The Walk Free Foundation, « India », The Global Slavery Index. Voir également : Banerjee, mémoire, p. 4.

[154]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1330 (Tank).

[155]          Département d’État américain, « Maldives », Trafficking in Persons Report 2017, p. 269.

[156]          Ibid., p. 268.

[157]          Département d’État américain, « Nepal », Trafficking in Persons Report 2017, p. 295.

[158]          Département d’État américain, « Maldives », Trafficking in Persons Report 2017, p. 269.

[160]          Kapinos, mémoire, p. 10.

[161]          Banerjee, mémoire, p. 3 et 6.

[162]          Ibid., p.19.

[163]          Kapinos, mémoire, p. 12.

[164]          ONUDC, Annex I: Methodology and data coverage 2016 Global Report, p. 2 [traduction].

[165]          Banerjee, mémoire, p. 19.

[166]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1340 (Matas).

[167]          Département d’État américain, « Bangladesh », Trafficking in Persons Report 2017, p. 81; département d’État américain, « India », Trafficking in Persons Report 2017, p. 206; département d’État américain, « Nepal », Trafficking in Persons Report 2017, p. 294‑295; département d’État américain, « Sri Lanka », Trafficking in Persons Report 2017, p. 369.

[168]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1310 (Banerjee).

[169]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall); Kapinos, mémoire, p. 11.

[170]          Kapinos, mémoire, p. 11.

[171]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1325 (Tank); Kapinos, mémoire, p. 11.

[172]          Département d’État américain, « India », Trafficking in Persons Report 2017, p. 205.

[173]          Ambika Pandit, « Draft Bill to prevent human trafficking will not make it to Winter Session of Parliament », The Times of India, 21 novembre 2016.

[174]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1350 (Tank).

[175]          Ibid., 1325.

[176]          Ibid., 1320.

[177]          Kapinos, mémoire, p. 12.

[178]          Ibid., p. 10.

[179]          Affaires mondiales Canada, Criminalité transnationale.

[180]          Kapinos, mémoire, p. 12.

[181]          Ibid.

[182]          Banerjee, mémoire, p. 18‑19.

[184]          Kapinos, mémoire, p. 10.

[185]          Ibid.

[186]          Ibid., p. 11.

[187]          Affaires mondiales Canada, Criminalité transnationale.

[188]          ONUDC, rapport annuel, UNODC Annuel Report, Covering activities during 2016, p. 105-109.

[189]          Kapinos, mémoire, p. 12.

[190]          Ibid., p. 10.

[191]          Le Sri Lanka a ratifié la Convention en 2006; l’Inde et le Népal, en 2011. Le Bangladesh a adopté la Convention en 2011, et les Maldives, en 2013. Collection des Traités des Nations Unies, « Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée », État des traités.

[193]          Kapinos, mémoire, p. 10.

[194]          South Asian Association for Regional Cooperation [SAARC], About SAARC.

[195]          SAARC, Relations with Observers.

[196]          SAARC, Relations with Partners with MOUs.

[197]          SAARC, SAARC Convention on Preventing and Combating Trafficking in Women and Children for Prostitution, 1er mai 1997, art. II [traduction].

[198]          The Bali Process, About the Bali Process.

[199]          The Bali Process, Membership.

[200]          The Bali Process, About the Bali Process.

[201]          Affaires mondiales Canada, La traite des personnes et les migrations clandestines.

[203]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1350 (Matas).

[204]          Banerjee, mémoire, p. 15.

[205]          Kapinos, mémoire, p. 11.

[206]          Ibid., p. 12.

[207]          Ibid.

[208]          SAARC, Education Security and Culture [traduction].

[209]          SAARC, SAARC Convention on Preventing and Combating Trafficking in Women and Children for Prostitution, 1er mai 1997, art. VI [traduction].

[210]          SAARC, Social Affairs.

[211]          Banerjee, mémoire, p. 15.

[212]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1330 (Banerjee).

[213]          Banerjee, mémoire, p. 19.

[214]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1315 (Banerjee).

[215]          Banerjee, mémoire, p. 16.

[216]          Ibid, p.17.

[217]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1345-1350 (Banerjee).

[219]          Gouvernement du Canada, L'aide internationale canadienne au Sri Lanka.

[220]          Desjardins Développement international, À propos de nous.

[221]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1345 (McDougall).

[222]          Ibid., 1330 (Drake).

[224]          Gouvernement du Canada, Politique d'aide internationale féministe du Canada, 22 août 2017.

[225]          Ibid.

[226]          Banerjee, mémoire, p. 18.

[227]          Ibid.

[228]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1330 (Drake).

[229]          SDIR, Témoignages, 6 juin 1330 (Banerjee); SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1335 (Matas).

[230]          Banerjee, mémoire, p. 19.

[231]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1305 (Matas).

[232]          Ibid., 1315.

[233]          Ibid., 1305.

[234]          Ibid., 1320.

[235]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1345 (Banerjee).

[236]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305 (Jose).

[237]          Ibid.

[240]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1315 (McDougall).

[241]          Ibid., 1350.

[242]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1305 (Matas).

[243]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1305 (Tank).

[244]          Ibid., 1355.

[245]          Ibid., 1305.

[246]          Ibid., 1350.

[247]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1330 (Banerjee).

[248]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1315 (Tank).

[249]          Kapinos, mémoire, p. 11.

[250]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1315 (Tank).

[251]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1340 (Matas).

[252]          Ibid., 1305.

[253]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1330 (Tank).

[254]          Ibid., 1350.

[255]          Ibid., 1325.

[256]          Ibid., 1350.

[257]          Ibid., 1330.

[258]          SDIR, Témoignages, 20 Juin 2017, 1305 (Matas).

[259]          Ibid.

[260]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1345 (Tank).

[261]          SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1345 (Matas).

[262]          SDIR, Témoignages, 13 juin 2017, 1320 (Tank).

[263]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 (McDougall).

[264]          Gouvernement du Canada, « Recherche de projets », Banque de projets. Les projets ont été filtrés par pays (Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, Sri Lanka), statut (actif) et classification du partenaire (ONG internationale, ONG nationale et ONG régionale).

[265]          SDIR, Témoignages, 6 juin 2017, 1330 (Banerjee); SDIR, Témoignages, 20 juin 2017, 1335 (Matas).

[266]          ONUDC, Global Report on Trafficking in Persons 2016, décembre 2016, p. 109 [traduction].

[267]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1345 (Drake).

[268]          Gouvernement du Canada, Politique d’aide internationale féministe du Canada, 22 août 2017.

[269]          SDIR, Témoignages, 4 mai 2017, 1310 et 1325 (McDougall).