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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 août 2016

[Enregistrement électronique]

  (1400)  

[Traduction]

    Bonjour aux collègues et à nos invités. Bienvenue à la 17e séance du Comité spécial sur la réforme électorale. C'est la dernière semaine que nous passons à Ottawa et nous allons ensuite nous déplacer dans les différentes régions du pays; nous allons nous rendre dans 10 provinces et trois territoires. Dans trois semaines, le comité va se déplacer pendant trois semaines.
    J'aimerais présenter nos invités. Nous avons M. Broadbent, qu'il n'est pas vraiment nécessaire de présenter, mais je vais quand même vous dire quelques mots à son sujet parce que je crois qu'il y a un certain nombre de faits le concernant qui sont très intéressants et qui vont au-delà de ce que nous savons déjà à propos de M. Broadbent, le chef politique.
    C'est un ancien membre de l'Aviation royale canadienne — je l'ignorais en fait — un ancien chef du NPD et le fondateur de l'Institut Broadbent, bien sûr. M. Broadbent a commencé sa carrière comme professeur d'université — cela je le savais — et depuis 1968, il s'est mis au service de la population, comme député de la circonscription d'Oshawa-Whitby et également, de celle d'Ottawa Centre.
    Il a été vice-président de l'Internationale socialiste de 1979 à 1989, ainsi que directeur du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique de 1990 à 1996. En 1993, il a été nommé Officier de l'Ordre du Canada et en 2001, Compagnon de cet Ordre.
    M. Broadbent a été le porte-parole pour la réforme électorale, parlementaire et la démocratie, pour la responsabilité des entreprises, pour la pauvreté chez les enfants, dans le cabinet fantôme du NPD de 2004 à 2005.

[Français]

    Monsieur Charbonneau, je vous souhaite la bienvenue. Je vous ai souvent vu à la télé en train de présider l'Assemblée nationale. C'est un plaisir de vous retrouver ici en personne.
    Monsieur le président, vous m'avez vu à la télévision, mais maintenant vous me voyez en personne. J'espère que vous n'êtes pas trop déçu.
    Pas du tout. Nous nous attendons à de bonnes choses.
    M. Jean-Pierre Charbonneau est journaliste et ancien politicien québécois. Il a travaillé pour plusieurs bureaux de presse de Montréal, notamment Le Devoir et La Presse, ainsi que pour divers magazines et stations de radio.
    Il a été élu comme député de l'Assemblée nationale en 1976. Pendant sa carrière dans le secteur public, il a servi comme président de l'Assemblée nationale du Québec de 1996 à 2002, avant d'être nommé ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes du cabinet de Bernard Landry, puis ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. En 2002, M. Charbonneau a annoncé la création du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques. Il a également été président de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et président de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant.
    Bienvenue, monsieur Charbonneau.

[Traduction]

    J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Mme Yasmin Dawood, qui se joint à nous de Toronto.
    Nous entendez-vous, madame?
    Mme Yasmin Dawood est professeure agrégée à la Faculté de droit de la University of Toronto et elle s'est vu accorder la chaire d'études canadiennes en démocratie, constitutionnalisme et loi électorale. Mme Dawood est spécialisée en droit électoral du Canada, des États-Unis, et international; elle l'est également en droit constitutionnel comparé et en théorie de la démocratie. Ses travaux sont principalement axés sur le renforcement de l'intégrité électorale et la gouvernance démocratique.
    Elle a récemment traité dans des articles du droit de vote, du rôle de l'argent en politique, du dysfonctionnement politique, des activités partisanes, de la redélimitation des circonscriptions et de la surveillance du processus démocratique par les tribunaux. Ces articles ont été publiés dans un grand nombre de revues universitaires et spécialisées en droit.
    Mme Dawood a également témoigné à titre de spécialiste du droit électoral devant le comité de la Chambre des communes qui étudiait la Loi sur l'intégrité des élections, aussi appelée le projet de loi C-23, et elle est fréquemment interviewée par les médias sur les questions touchant le droit électoral.
    Je vous remercie tous d'être ici.
    Selon la formule habituelle, les témoins ont 10 minutes pour présenter un exposé et nous avons ensuite deux tours de questions. Au cours de chaque tour, chaque député peut poser des questions et obtenir des réponses pendant cinq minutes, ces cinq minutes comprennent la réponse ainsi que la question.

  (1405)  

[Français]

    Sans plus tarder, je demanderais à M. Broadbent de nous présenter ses idées sur la réforme électorale.
    Monsieur Broadbent, vous avez la parole.

[Traduction]

    Si vous le permettez, j'aimerais commencer par dire quelques mots au sujet de Mauril Bélanger et je vais vous expliquer pourquoi cela intéresse particulièrement le comité.
    Je suis arrivé d'Angleterre vendredi soir et j'ai appris samedi matin à mon réveil que mon ancien collègue et ami était décédé et que les funérailles avaient lieu le matin même. Je regrette beaucoup de ne pas avoir été en mesure d'y assister.
    Je tenais à dire qu'il a été ministre chargé des institutions démocratiques dans le gouvernement minoritaire de 2004 à 2006. Au cours de cette période, il a fait beaucoup pour un comité semblable au vôtre, qui s'est réuni au cours de cette période. Il a écouté les députés de tous les partis. Il a toujours privilégié la consultation. J'ai travaillé étroitement avec lui à cette époque et il a piloté au Cabinet et ensuite, à la Chambre des communes, un rapport préparé par ce comité, qu'il a fortement appuyé. C'était un homme très bon, attentionné et honnête; il a fait un travail magnifique, tout comme le font les gens qui sont réunis ici. J'aimerais dire qu'il me paraît tout à fait approprié que, compte tenu de la nature de son oeuvre, ce qu'il a accompli dans le passé soit mentionné.
    C'est tout, monsieur le président.
    Merci. Merci pour ces commentaires sur l'oeuvre de M. Bélanger. C'était un modèle sur plusieurs plans, comme vous l'avez mentionné aujourd'hui, et c'est un modèle pour nous qui sommes en train d'étudier la réforme électorale; je vous remercie pour ces aimables paroles.
    Très bien.
    Monsieur le président, je vais poursuivre.
    Les membres du comité ont certainement reçu le mémoire préparé par l'Institut Broadbent. Je ne vais pas parler en détail de tout ce que vous trouverez dans ce rapport. Je vais retenir quelques points qui me paraissent importants et j'aimerais ensuite aborder une question particulière dont je veux parler et qui me paraît également importante pour tous les membres du comité, quelle que soit leur orientation idéologique, quelle que soit leur affiliation politique, ou quel que soit — simplement en qualité de député.
    Les premiers commentaires parlent de l'appui donné à la représentation proportionnelle. Comme le savent les membres du comité, lorsque la plupart des spécialistes — non seulement ceux qui ont présenté un exposé au comité, mais ceux du monde entier qui ont étudié la démocratie et les institutions démocratiques — choisissent un système électoral, ils choisissent toujours une forme de RP.
    Il est également vrai que parmi toute la gamme des organismes canadiens de la société civile qui sont en relation avec l'Institut Broadbent — cela représente quelque 60 organismes, depuis les YWCA jusqu'aux organismes de défense des droits de la personne et aux syndicats — un très large secteur de la population canadienne a appuyé, si je puis m'exprimer ainsi, les principes que l'on retrouve dans le mémoire de l'Institut Broadbent et qui appuient la représentation proportionnelle.
    Il y a quatre principales raisons pour lesquelles j'estime qu'une forme de RP est de loin préférable au système majoritaire uninominal à un tour.
    Premièrement, chaque vote doit compter. Avec la RP, il est impossible d'obtenir ce qui a été appelé à juste titre les « fausses majorités » qui ont été obtenues, que ce soit dans le cas de M. Trudeau avec sa récente victoire, puisqu'avec 39 % des voix, il a obtenu une forte majorité de députés, ou avant cela, avec l'élection de M. Harper qui avait obtenu un pourcentage de vote assez voisin, puisqu'avec 39 % des voix, il avait obtenu une forte majorité de députés. Dans plus de 80 % des démocraties qui font partie de l'OCDE, cela serait impossible. Pour obtenir un gouvernement majoritaire, il faut, dans la plupart des démocraties, obtenir le plus de voix. Par conséquent, la première chose à dire en faveur de la RP est qu'avec ce système, chaque vote compte et il n'y a pas de fausse majorité.
    Deuxièmement, je dirais que le système majoritaire uninominal déforme aussi bien les résultats régionaux que nationaux. Par exemple, au cours de l'élection de 1997, le Parti réformiste, si je me souviens bien, a obtenu 40 sièges de plus que les conservateurs, alors qu'il avait obtenu à peu près le même pourcentage de voix au cours de cette élection, mais ses électeurs étaient exclusivement concentrés dans l'Ouest du Canada alors que ceux du Parti conservateur étaient répartis dans l'ensemble du pays. Il y a donc eu une distorsion causée par le système majoritaire uninominal à un tour.
    De la même façon, mes collègues du Bloc québécois se souviennent peut-être qu'il y a eu une élection à la suite de laquelle ce parti a obtenu les deux tiers des sièges de la province du Québec avec moins de 50 % des voix. De nombreux Canadiens ne savaient pas que la majorité des Québécois avaient en réalité voté pour des partis fédéraux, mais le groupe qui l'a emporté, le groupe majoritaire, a été le Bloc québécois. Encore une fois, le système électoral a déformé les résultats de l'élection.
    Le troisième commentaire que j'aimerais faire est que le système majoritaire uninominal décourage en fait une partie de l'électorat de voter pour leur premier choix. Selon un sondage que l'Institut Broadbent a effectué à la suite de la dernière élection fédérale, 46 % des Canadiens ont voté pour un parti qui n'était pas leur premier choix. Je le répète. Au cours de la dernière élection, 46 % des Canadiens ont déclaré avoir voté pour un parti qui n'était pas leur premier choix pour éviter d'élire, à leur avis, un autre parti qui leur serait encore moins favorable. Ce système n'incite pas les électeurs à voter pour le parti de leur choix; il les incite à voter, dès le départ, de façon stratégique, au lieu de faire connaître démocratiquement leur choix.
    Le dernier commentaire que je ferai en faveur de la RP — et c'est un aspect très important pour moi — est que pratiquement, dans tous les pays du monde qui ont adopté la RP, il y a davantage de femmes qui sont élues. Elles représentent l'autre moitié, sur le plan des genres, de la population et c'est un aspect dont il est très important de tenir compte dans une démocratie.

  (1410)  

    Le Canada se place au 62e rang aujourd'hui pour ce qui est du pourcentage des femmes élues à la Chambre des communes. En Nouvelle-Zélande, lorsque le gouvernement a introduit la RP, le pourcentage des femmes siégeant à la Chambre des communes qui était de 21 %, est passé à 29 % au cours de la première élection utilisant la RP et au cours de l'élection suivante — la plus récente — ce pourcentage est passé à 31 %. Les études démontrent clairement qu'avec la RP, le nombre des femmes élues augmente sensiblement.
    L'autre aspect dont je veux parler — et je n'irai pas dans les détails parce que je veux avancer — est que la RP favorise la civilité et la courtoisie en politique. J'ai bien connu, une fois ma vie politique terminée, par exemple, des politiciens allemands qui étaient membres du CDU et du SPD. Ils connaissaient bien la situation en Scandinavie et ils m'ont tous dit qu'avec les systèmes multipartis qui obligent les partis à se regrouper pour former le gouvernement, les politiciens étaient plus courtois les uns avec les autres avant les élections et pendant les élections, parce qu'ils savaient qu'ils allaient être obligés de travailler avec d'autres partis par la suite. Ce n'est pas un aspect mineur.
    Dans le dernier discours que j'ai prononcé à la Chambre des communes en 1989, j'ai parlé du problème que posait la civilité. C'est une question importante pour la démocratie. Le fait, qui n'a pas encore été établi clairement, que la RP a tendance à favoriser des débats civilisés, un aspect qui n'est pas associé au système majoritaire uninominal, constitue un autre avantage.
    Permettez-moi d'en arriver à l'argument que je souhaite vraiment exposer aujourd'hui, parce qu'il n'a pas reçu beaucoup d'attention; c'est la question de l'unité nationale.
    Quelles que soient les convictions idéologiques des députés qui se trouvent ici — et il y a des différences comme cela est normal dans une démocratie — ou les différences entre les partis — et elles sont réelles comme cela est normal dans une démocratie — tous les députés, à l'exception peut-être de mon collègue du Bloc québécois, dont je respecte les opinions sans toutefois les partager — tous les députés fédéralistes — ont clairement la volonté de préserver l'unité nationale du Canada et régissent vivement aux politiques qui risqueraient de compromettre cette unité.
    L'expérience personnelle qui m'a fait abandonner la RP absolue, si je peux m'exprimer ainsi, et préférer une RP mixte qui permet d'élire son député, est une conversation que j'ai eue avec le père du premier ministre actuel, M. Pierre Trudeau, en 1980. Après l'élection, lorsqu'il a regagné une majorité, il m'a invité à faire partie de son cabinet, bien qu'il possédait déjà une majorité. Il voulait également inviter à se joindre au cabinet un certain nombre de mes collègues du Nouveau Parti démocratique.
    Pourquoi a-t-il agi ainsi? Ce n'est pas parce qu'il pensait que j'étais quelqu'un d'extraordinaire ou parce qu'il était follement amoureux du NPD, même s'il y avait bien sûr, à l'origine de cette proposition, un certain chevauchement entre nos orientations. Il souhaitait en fait, ce qui était tout à fait approprié, présenter, comme il me l'a dit au cours d'une conversation privée à l'époque, ce qui est devenu le programme national de l'énergie et procéder au rapatriement de la Constitution avec une Charte des droits.
    Il savait que dans ces deux domaines, j'étais tout à fait d'accord avec l'essentiel de ces orientations; cela n'a pas été le cas pour d'autres aspects de ces orientations. Malgré le fait qu'il avait une majorité — et c'est cela qui est intéressant — il avait obtenu 22 % des voix en C.-B., mais aucun siège; 22 % des voix en Alberta, mais aucun siège; 24 % des voix en Saskatchewan, mais aucun siège; 28 % des voix au Manitoba, avec deux sièges. Bref, avec le programme national de l'énergie, il présentait une mesure qui aurait des répercussions considérables, en particulier sur l'Ouest du Canada, alors qu'il n'avait que deux sièges dans l'Ouest du Canada, même s'il avait obtenu en moyenne plus de 25 % des voix. Il n'avait que deux sièges.
    Cela le préoccupait, ce qui est bien normal. Il savait que pour gouverner, il est souhaitable que toutes les régions soient représentées, non seulement parmi les députés, mais aussi parmi les ministres.
    Je ne vais pas aller dans tous les détails, mais il en est résulté qu'il a présenté un programme national de l'énergie qui a eu, pour parler franchement, pour effet d'aliéner — pas entièrement, mais une partie de ce programme — le Canada de l'Ouest et auquel se sont opposés non seulement le gouvernement conservateur de l'Alberta, mais également le gouvernement NPD de la Saskatchewan.

  (1415)  

    J'essaie de dire en fait que, même avec de bonnes intentions, si vous n'avez pas dans votre cabinet des gens qui viennent de différentes régions alors que vous allez élaborer une politique essentielle pour les régions, alors vous pouvez faire de graves fautes. Le système majoritaire uninominal déforme les résultats électoraux au Canada et l'élection de 1980 l'illustre parfaitement: le gouvernement était majoritaire, mais le premier ministre a dû faire appel à d'autres personnes, à d'autres partis, parce qu'il n'avait que deux sièges. S'il y avait eu une représentation proportionnelle, il aurait obtenu beaucoup plus de sièges. Il aurait eu des sièges en Alberta, il aurait eu des sièges en Saskatchewan et il aurait eu des sièges dans pratiquement toutes les provinces de l'Ouest.
    Cette expérience a beaucoup influencé ma réflexion personnelle au sujet des systèmes électoraux. Le système majoritaire uninominal peut avoir un effet négatif sur notre unité nationale même si les premiers ministres et les chefs de l'opposition n'en ont pas l'intention, à cause des résultats et de l'importance que toutes les régions soient représentées.
    Monsieur le président, puis-je vous demander combien il me reste de temps?
    Aimeriez-vous avoir encore une minute?
    Très bien. Je crois que vous êtes très généreux, mais je vais terminer ici.
    J'ai parlé du problème de 1980 et nous pourrons peut-être avoir une autre discussion à ce sujet, mais j'aimerais passer aux dernières élections et vous demander d'examiner le cas de la région de l'Atlantique, qui a obtenu 32 sièges, qui ont tous été attribués au Parti libéral du Canada. J'estime que ce n'est pas une bonne chose, ni pour le Parti libéral du Canada ni pour le Canada. Si nous avions un système proportionnel, au lieu d'avoir été complètement éliminés d'Atlantique Canada, les conservateurs auraient eu six sièges, le NPD en aurait eu six et le Parti vert un.
    Cela veut dire, comme la commission du droit l'a fait remarquer il y a quelques années, que les partis d'opposition seraient représentés dans toutes les régions du pays, comme ils doivent l'être, si nous voulons savoir ce qu'ils pensent. Moi qui viens d'une ville appelée Oshawa, on m'a demandé un jour de faire un discours impromptu sur ce qu'on appelle les pêches de l'Atlantique. J'en savais à peu près autant à ce sujet que sur l'exploration spatiale. Et je crois que vous tous, étant des députés, vous vous êtes trouvés un jour dans une situation semblable. C'est pourquoi il me paraît souhaitable que tous les partis, qu'ils soient dans l'opposition ou du côté du gouvernement, aient des représentants provenant de toutes les régions et la RP le permet alors que le système majoritaire uninominal ne le permet pas.
    Je vais en rester là, monsieur le président. Je vous remercie et nous pourrions peut-être avoir plus tard une discussion.

  (1420)  

[Français]

     Monsieur Broadbent, merci beaucoup de nous avoir fait voir d'un nouvel oeil certains événements de notre histoire politique.
    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Charbonneau pour 10 minutes.
     Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission, bonjour. Je m'excuse de mon vocabulaire, mais j'ai passé 25 ans à l'Assemblée nationale, où un comité s'appelle une commission parlementaire.
    Je suis content d'être avec M. Broadbent aujourd'hui. Je ne sais pas s'il s'en souvient, mais entre mes deux vies politiques, alors que j'étais président du conseil d'administration d'Oxfam-Québec, nous avons mené une mission de surveillance des élections au Honduras, si ma mémoire est bonne. Nous avions fraternisé ensemble à ce moment-là. Nous n'avions pas parlé de cette question, mais je me rends compte aujourd'hui que nous sommes toujours sur la même longueur d'onde sur bien des sujets.
    Je ne dispose que de 10 minutes, et le reste du temps sera consacré aux échanges avec vous. D'entrée de jeu, je voudrais vous dire que le député Cullen, avant le début des travaux, est venu me saluer et m'a demandé si cela faisait longtemps que je potassais ce dossier. Après que je lui ai répondu oui, il m'a demandé pourquoi la réforme n'avait pas fonctionné au Québec. Je lui ai dit que c'était parce que les monarques élus n'avaient pas tenu leur promesse électorale.
    Autrement dit, dans notre système politique, le premier ministre a un pouvoir énorme. Si un chef de parti promet, en campagne électorale, de changer le mode de scrutin de fond en comble, par exemple, la façon dont cela se fera reposera largement sur lui, c'est-à-dire sur la personne qu'il choisira pour s'occuper de ce portefeuille et sur la façon dont ses troupes vont se comporter.
    Au Québec, on discute de la réforme du mode de scrutin depuis 1909, mais il y a eu de réels engagements électoraux. Depuis sa formation, le Parti québécois a cet engagement dans son programme. C'est uniquement en 1981 que René Lévesque a pu espérer mettre en marche ce programme et cet engagement qui lui tenaient à coeur, mais malheureusement, les événements qui ont suivi ne le lui ont pas permis.
    Il a fallu attendre jusqu'en 2003, lorsque les Québécois se sont mis à s'intéresser à nouveau à la question, pour que les chefs des trois partis fassent la même promesse que celle de M. Trudeau aux dernières élections, soit celle de changer le mode de scrutin employé pour les élections générales. Les libéraux venaient de subir une expérience douloureuse en 1998, alors qu'ils s'étaient retrouvés à l'opposition officielle et que nous, avec Lucien Bouchard, avions pris le pouvoir avec 35 000 votes de moins.
    Aujourd'hui, en 2016, je suis devant vous en tant qu'ancien ministre responsable du dossier, et toujours rien n'a bougé au Québec. Pourtant, tout avait été fait. Le directeur général des élections avait émis un avis, des citoyens avaient participé à une commission parlementaire spéciale, et avant cela, j'avais lancé les états généraux en tant que ministre de la Réforme des institutions démocratiques. Malheureusement, le premier ministre de l'époque, M. Charest, a décidé que c'était terminé.
    Au Québec, aujourd'hui, on utilise le prétexte qu'Ottawa reprend le dossier pour dire qu'on va attendre de voir ce qui va se passer avant de décider si on va le reprendre aussi. Or, sauf le parti gouvernemental, tous les partis à l'Assemblée nationale reprennent maintenant le dossier.
    Pour ma part, je suis un partisan de la mise au rancard du système, pour les mêmes raisons que M. Broadbent a évoquées et pour les mêmes raisons que vous avez entendues de la part de plusieurs témoins.
    Comme le disait René Lévesque dans un texte en 1972, c'est un système démocratiquement infect qui génère des gouvernements qui ne reposent pas, la majorité du temps, sur des majorités populaires, mais plutôt sur des distorsions dans leur représentativité. Nous vivons dans une démocratie représentative, mais la représentation fait l'objet de distorsions et est faussée.
    Il y a des partis et des idées qui sont surreprésentés, alors que d'autres sont sous-représentés ou ne sont pas représentés du tout et qu'une partie considérable de la population, que ce soit au Québec ou dans l'ensemble du Canada, est favorable à ces idées et a voté en leur faveur.
    Par ailleurs, comme M. Broadbent en a parlé, dans un système comme le nôtre, qui est un système ancestral, on génère aussi une culture excessive de la confrontation.
    On pourrait en dire davantage sur les défauts du système, mais j'espère que les députés qui ont récemment pris l'engagement électoral de modifier le système sont convaincus de la chose et qu'ils ne sont pas en train d'étudier la question pour finalement décider de maintenir le statu quo. Quand on prend un engagement électoral, on le respecte et on s'organise pour aller jusqu'au bout — je m'excuse de le dire aussi crument —, sinon on abuserait des citoyens, comme on l'a fait au Québec. On a abusé des citoyens pour finalement ne pas honorer son engagement politique et électoral. C'est d'autant plus important quand on est premier ministre ou chef de parti.

  (1425)  

    Je suis un partisan du mode de scrutin proportionnel mixte parce que c'est le système de remplacement qui répond le plus aux besoins et aux attentes des Québécois et des Canadiens en général. On garderait une représentation directe avec des députés de circonscription, mais on aurait aussi une représentation juste et équitable.
    L'an dernier, en avril 2015, un colloque à l'Assemblée nationale a été organisé par la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l'Université Laval, avec la collaboration de l'Assemblée nationale, et la maison CROP avait fait un sondage pour l'Université. Il en était ressorti que 70 % des Québécois étaient d'accord pour qu'il y ait un changement du mode de scrutin pour avoir une représentation politique plus juste et plus équitable.
    Ce système, comparativement à tous les autres systèmes qui ont été expérimentés, étudiés et même conçus de façon théorique, a l'avantage de faire une transition. Cela veut-il dire que, au Canada, on serait obligé de vivre pendant 100 ans avec un nouveau mode de scrutin, par exemple avec le système proportionnel mixte compensatoire? Non, pas nécessairement. Par contre, la transition ferait en sorte que ce soit plus facile pour les citoyens d'atteindre leurs deux objectifs: avoir une représentation juste et équitable et, en même temps, conserver des députés de circonscription.
    On doit le dire très franchement. Des gens, dont certains députés ici, ont dit qu'on aurait deux sortes de députés avec ce système. On n'a pas deux sortes de députés; ce sont les mêmes citoyens qui sont responsables et maîtres du jeu du système électoral, et ces mêmes citoyens choisissent, selon deux mécanismes, des représentants pour eux et des représentants des partis. Cela veut dire que lorsqu'on est élu député, que ce soit comme député de liste ou comme député en fonction du système actuel uninominal à un tour, la réalité dans les caucus comme ceux au Parlement, c'est que les deux catégories de députés n'en font qu'une. Ils sont tous des représentants des citoyens et ils sont tous aussi des porte-étendards de leur parti politique. C'est un faux argument que de prétendre qu'on aurait deux classes de députés.
    Il n'y a pas de problème dans les pays où cela existe. Pourquoi en aurait-on ici alors qu'on n'en a pas eu en Allemagne, en Écosse, en Nouvelle-Zélande et dans bien d'autres pays? À un moment donné, il faut que l'argumentation repose sur les faits, et non pas sur une espèce d'abstraction.
    Au Québec, une des raisons pour lesquelles cela n'a pas fonctionné, c'est que la majorité des députés, y compris ceux qui avaient fait cette promesse par l'entremise de leur chef et de leur programme politique, avaient peur de perdre leur siège.
    Deuxièmement, une partie importante des députés, surtout ceux qui étaient au gouvernement ou ceux qui espéraient pouvoir y accéder, pensaient à ce moment-là qu'ils ne seraient pas en mesure de contrôler le programme politique comme ils le voudraient, c'est-à-dire de faire ce qu'ils voudraient avec une minorité de l'appui populaire. Du fait qu'on a une majorité parlementaire, on accélère le processus avec des bâillons, que ce soit à l'Assemblée nationale ou ici, avec des projets de loi mammouth et avec d'autres mécanismes parlementaires. On utilise sa majorité parlementaire qui repose sur une minorité de l'appui populaire pour bâillonner le Parlement et accélérer les processus, alors qu'on n'a aucune légitimité pour le faire.
    Finalement, il y a une troisième raison pour laquelle cela ne s'est pas concrétisé au Québec. C'est que le Parti québécois considérait qu'il perdrait le contrôle du programme référendaire, puisqu'en 1976 et en 1994, il avait pris le pouvoir avec une minorité de l'appui populaire.
    Cependant, aujourd'hui, le modèle écossais et l'expérience écossaise ont prouvé que cela ne tenait pas la route. Ce n'est pas à travers une élection qu'on gagne et qu'on fait un pays, c'est à travers un processus référendaire. Il faut une majorité. Alors, on peut bien contrôler le programme référendaire, mais si on ne réussit pas à obtenir une majorité populaire, cela ne donne pas grand-chose.

  (1430)  

    Même pour des gens qui ne partagent pas le point de vue indépendantiste, idéalement, il est préférable d'avoir un mécanisme politique qui fait qu'on développe quelque chose de fondamental en démocratie: une culture de la collaboration, du compromis et de la coalition. La coalition n'implique pas que nos gouvernements sont instables. Quand on invoque cet argument, il est battu en brèche dans tous les pays où il y a des systèmes proportionnels, plus particulièrement dans ceux où il y a des systèmes proportionnels mixtes compensatoires. Le fait de devoir établir des compromis avec des adversaires politiques, de même qu'avec des gens dont l'idéologie est plus proche de la nôtre, crée néanmoins un climat politique favorable. Les citoyens en ont ras le bol de la partisanerie excessive et des comportements qui dévaluent la chose politique, en fin de compte. Il en va de même partout au Canada, y compris au Québec.
    Merci beaucoup de votre présentation très intéressante, monsieur Charbonneau. Vous avez fait le point sur plusieurs questions importantes.

[Traduction]

    Madame Dawood, vous avez la parole pour 10 minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président et bonjour à tous.
    Mes remarques d'aujourd'hui vont porter sur le processus utilisé pour réformer le système électoral au Canada; je ne vais pas parler du genre de système électoral qu'il conviendrait d'adopter. Mes remarques sont tirées d'un article intitulé « The Process of Electoral Reform in Canada: Democratic and Constitutional Constraints ». Cet article paraîtra prochainement dans la Supreme Court Law Review.
    Dans l'article, j'examine un certain nombre de mécanismes que l'on pourrait utiliser pour réformer le système électoral, notamment une assemblée de citoyens, une commission, un référendum et un comité parlementaire représentant tous les partis. Je l'ai fait en m'appuyant sur l'expérience provinciale et internationale comparée en matière de réforme électorale. J'ai brièvement examiné les tentatives de réforme électorale faites en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, dans l'Île-du-Prince-Édouard, en Ontario et au Québec, ainsi que la réforme électorale introduite en France, en Italie, en Nouvelle-Zélande, au Japon et au Royaume-Uni.
    Ma principale conclusion est que la réforme électorale n'exige aucun processus ou mécanisme particulier, mais que le processus choisi doit être, et sembler être, légitime sur le plan démocratique. Pour acquérir une légitimité démocratique, le mécanisme doit respecter clairement trois principes: premièrement, la neutralité politique ou l'absence de partisanerie; deuxièmement, prévoir des consultations et troisièmement, organiser un débat.
    Une réforme électorale est différente de l'adoption d'une loi ordinaire parce qu'elle fixe les règles de base qui permettent d'obtenir le pouvoir politique. C'est la raison pour laquelle le processus de réforme électorale doit respecter une norme très élevée en matière de légitimité démocratique.
    Permettez-moi de parler de la première norme, la neutralité politique ou l'absence de partisanerie.
    Cette norme est importante parce qu'elle garantit la neutralité du processus, ce qui, à son tour, empêche le parti au gouvernement de renforcer son emprise en choisissant des règles qui le favorise aux dépens des autres partis politiques. C'est également la norme qui est la plus difficile à respecter, en grande partie, parce que le choix du mécanisme peut avoir un effet déterminant sur le genre de réforme de fond qui sera finalement adoptée. Autrement dit, le choix du mécanisme peut être aussi partisan que celui du système électoral, dans le sens qu'un mécanisme particulier pourrait favoriser ou empêcher un résultat particulier qui est favorable ou défavorable à un parti politique donné. En particulier, un gouvernement majoritaire doit éviter de paraître protéger ses intérêts, en veillant à ce que le mécanisme soit aussi peu partisan que possible.
    Quant aux normes exigeant des consultations et un débat, elles démontrent que le processus a permis d'examiner et de prendre en compte une large gamme d'opinions et de solutions. La consultation est reliée à l'idéal démocratique de la participation tandis qu'un débat permet d'en arriver à une décision collective justifiée par des motifs que tous ceux qui ont participé au débat trouvent convaincants. Les solutions valides ne doivent pas être exclues sans avoir été prises en compte, que ce soit directement ou indirectement, en fixant dès le départ des limites ou des buts arbitraires.
    Pour renforcer davantage la légitimité démocratique et les normes en matière de neutralité politique, de consultation et de débat, je ferai trois remarques.
    Premièrement, la réforme proposée devrait avoir l'appui de tous les partis politiques. Dans le cas où un consensus serait impossible, il serait important que la réforme proposée ait l'appui des partis politiques qui ont obtenu une majorité au moins, et ce qui serait préférable une super majorité, du vote populaire enregistré pour l'élection de 2015. La composition du comité spécial sur la réforme électorale renforcera la légitimité apparente et réelle des recommandations du comité, mais il serait tout aussi important que les partis s'entendent au palier législatif pour éviter toute apparence d'intérêts partisans.
    Deuxièmement, la légitimité démocratique réelle et perçue du mécanisme serait renforcée si l'on ajoutait un mécanisme supplémentaire comme une commission, une assemblée de citoyens ou un référendum. Les réunions publiques renforcent bien sûr la légitimité du processus, mais elles ne permettent pas le genre d'analyse approfondie qu'effectue une commission ou d'obtenir une réponse inclusive comme le fait un référendum.

  (1435)  

    Cela dit, je ne pense pas qu'un référendum soit nécessaire pour légitimer la réforme électorale, même s'il constitue bien sûr une possibilité, à titre de mécanisme supplémentaire.
    Il convient toutefois de noter qu'un référendum n'est pas toujours un choix neutre sur le plan politique. Si l'on se base sur l'expérience provinciale des référendums en matière de réforme électorale, on peut penser qu'un référendum national échouerait, ce qui aurait pour effet de conserver le statu quo, le système majoritaire uninominal à un tour, qui avantage les grands partis.
    Il serait peut-être préférable de retenir comme mécanisme supplémentaire une commission chargée de la réforme électorale. De nombreuses recommandations de la Commission royale Lortie sur la réforme électorale et le financement des partis de 1989, par exemple, ont été utilisées pour réviser les lois électorales, mais il n'est pas nécessaire que la commission ait une telle ampleur. Par exemple, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard ont chacun mis sur pied une commission de huit personnes, et la commission de l'Île-du-Prince-Édouard était formée en partie de citoyens. Au Québec, la commission parlementaire a bénéficié de l'assistance d'un comité composé de huit citoyens.
    Ma troisième remarque et recommandation est de repousser le délai du 1er décembre 2016 que le gouvernement s'est lui-même imposé. Votre comité spécial a entendu un certain nombre de témoins et des députés ont tenu des réunions publiques au sujet de la réforme électorale, mais ce délai paraît inutilement court et il risque de compromettre la légitimité apparente du mécanisme. Les processus consultatifs et délibératifs devraient se dérouler sur une période plus longue pour refléter l'importance et l'ampleur de la réforme électorale, en particulier, compte tenu du fait qu'aucun autre mécanisme supplémentaire n'est prévu comme une commission, par exemple.
    Mon article traite également des limites que la Constitution impose à une réforme électorale; je ne peux pas aborder cette question de façon détaillée, en raison des contraintes de temps, mais ma conclusion est qu'il est probablement possible d'introduire une réforme électorale sans adopter une modification constitutionnelle exigeant le consentement des provinces, pourvu que la réforme respecte certaines limites constitutionnelles. Je serais heureuse d'aborder l'aspect constitutionnel, si vous souhaitez poser des questions à ce sujet.
    Merci.

  (1440)  

    Merci, madame Dawood.
    Nous allons commencer le premier tour en donnant la parole à M. DeCourcey, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous ceux qui sont là aujourd'hui pour leurs commentaires et leurs témoignages.
    J'aimerais commencer, je crois, par vous, monsieur Broadbent.

[Français]

    La question s'adresse aussi à vous, monsieur Charbonneau.
    Que pensez-vous de l'importance de la responsabilité d'un député de représenter sa communauté locale, que ce soit sous le système actuel ou sous celui que vous préférez?
    L'homme d'expérience va d'abord parler.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je dois dire que je base mon jugement sur l'expérience que j'ai eue comme député. Avant de devenir député — c'est en 1955 que j'ai proposé pour la première fois la représentation proportionnelle — un de mes professeurs avait ajouté sur ma dissertation le commentaire suivant: « ingénieux, mais naïf ».
    Des voix: Oh, oh!
    M. Ed Broadbent: Lorsque j'ai été élu, l'aspect que vous venez de soulever m'est apparu clairement. J'étais auparavant favorable à...
    Nous avons des problèmes avec le son. Pourriez-vous appuyer sur le bouton? Il devrait s'allumer.
    Il faudrait que cette blague figure au compte rendu.
    Que la lumière soit!
    Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est possible de choisir un système de RP dans lequel les députés peuvent être très proches de leurs électeurs et où ceux-ci — les citoyens d'une circonscription ordinaire, largement définie — peuvent s'adresser à plusieurs députés qui ont été élus selon la RP pour leur faire part des problèmes pratiques qui sont habituellement soumis aux députés.
    Dans l'ensemble, j'aime bien le système proportionnel mixte. Je ne pense pas que ce soit un accident que la Nouvelle-Zélande, par exemple, qui avait adopté auparavant le modèle de Westminster, ou l'Écosse, qui utilisait auparavant le modèle de Westminster, aient essayé, lorsque ces pays ont adopté un nouveau système, d'obtenir le meilleur des deux mondes, si je peux m'exprimer ainsi, en combinant la RP avec la représentation locale.
    Ce système me paraît préférable. Personnellement, il me paraît souhaitable que le député local qui est élu directement — qui pourrait être élu selon diverses formes de système majoritaire uninominal — et ensuite le deuxième vote est attribué au parti que l'électeur préfère. Je pense que le contact direct avec le député est un aspect à retenir du modèle de Westminster, si je peux m'exprimer ainsi.
    Je vais en rester là.

[Français]

     J'ai été député pendant 25 ans à l'Assemblée nationale, et ce, dans le même système qui a cours. J'étais à la fois un parlementaire et un représentant des citoyens. Si j'avais été dans une dynamique proportionnelle pure, par exemple, j'aurais aussi été un député représentant ses concitoyens et s'intéressant à leurs problèmes. Je les aurais reçus à mon bureau et j'aurais fait le travail qui devait être fait. J'aurais aussi représenté mon parti politique.
    Dans un scrutin proportionnel mixte compensatoire, il y aurait deux types de députés, mais je ne crois pas que ces derniers se comporteraient différemment. Certains auraient des responsabilités dans leur équipe parlementaire respective. Dans un système proportionnel mixte, un député faisant partie d'une liste régionale aurait à travailler avec ses collègues de la région, et non pas avec l'ensemble des députés, en vue de représenter les intérêts de sa région, de la même façon que le ferait, mais à une plus petite échelle, un député de circonscription, puisque sa circonscription serait plus petite que sa région. C'est comme si on essayait, théoriquement, de créer deux sortes de députés parce qu'il y aurait des mécanismes différents pour les choisir afin de faire en sorte que la représentation politique, elle, soit juste, correcte et équitable.
    En définitive, qu'est-ce qui compte? Dans une démocratie représentative, la représentation doit être correcte. Il ne faut pas qu'il y ait une sous-représentation inacceptable, une surreprésentation inacceptable ou une non-représentation inacceptable. Dans un système qui pourrait mieux représenter les grands courants politiques de la société, les grandes idées, les grands partis et, parfois, les plus petits, les députés élus feraient leur travail de la même façon que les autres. Il n'y a pas deux façons d'être un représentant au Parlement.
    Quand j'étais député et que je me levais pour prendre la parole, je parlais tantôt de ma région, tantôt de ma circonscription, mais en général, on discutait des grandes questions. Le député est un parlementaire, mais il est aussi une sorte d'intermédiaire entre les citoyens et les élus. Ce n'est pas parce que j'aurais été un député de liste que je n'aurais pas fait ce travail.

  (1445)  

    Merci, monsieur Charbonneau.
    Je donne maintenant la parole à M. Reid.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Cela fait maintenant 12 ans que j'ai été membre d'un comité parlementaire qui traitait de la question de la réforme électorale. Ed Broadbent était membre de ce comité à l'époque.
    Il est agréable d'aborder la même question avec vous encore une fois après tout ce temps — ou il est peut-être dommage de reparler de cette question après tout ce temps, parce que cela semble indiquer que la question n'a toujours pas été résolue...
    J'espère que vos idées ont changé depuis cette époque.
    J'allais en fait vous poser cette question, parce que mon point de vue à l'époque... et cela ressort du rapport supplémentaire rédigé par le Parti conservateur, auquel j'avais largement contribué. Nous disions qu'il ne faudrait pas accepter une nouvelle réforme électorale sans qu'elle soit validée par un référendum. J'ai conservé cette opinion. À l'époque, vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous aviez un avis quelque peu complémentaire et que vous estimiez qu'un référendum permettrait de légitimiser une telle mesure. Je me demande si vous le pensez toujours ou si vous pensez aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire de tenir un référendum.
    Je vais commencer par cela.
    Je comprends les avantages de ce mécanisme, mais dans l'ensemble, je crois que, franchement, les désavantages l'emportent.
    Si l'on se base sur la Constitution, il faut constater que celle-ci n'exige pas la tenue d'un référendum.
    Deuxièmement, je suis d'accord avec notre éminente professeure de Toronto pour ce qui est des conditions qu'elle a décrites. Si, par exemple, il y avait plusieurs partis qui étaient en faveur d'un référendum, comme cela a été le cas pour ce Parlement, puisqu'il y avait non seulement le Parti libéral, mais aussi le nouveau Parti démocrate et le Parti vert se sont tous engagés au cours de la campagne à réformer le système électoral, cela donne, d'après moi, une solide légitimité démocratique au projet. La démocratie parlementaire n'exige pas que les citoyens participent directement aux décisions, il suffit qu'ils le fassent par l'intermédiaire de leurs représentants; c'est pourquoi il est important qu'il y ait un consensus entre plusieurs partis. Je suis convaincu qu'un parti au pouvoir qui présenterait un système qu'il est le seul à appuyer commettrait une erreur fondamentale. Cela ne serait pas légitime dans une démocratie, comme l'a déjà mentionné ma collègue universitaire.
    Si je peux m'exprimer ainsi, Ed, c'est là qu'est le problème. Cela soulève, je crois, un certain nombre de problèmes, mais en voici un: comme vous le savez fort bien, la formulation de cette promesse électorale libérale « Ce sera la dernière élection avec le système majoritaire uninominal », est tirée mot à mot d'une motion que le NPD avait présentée en décembre 2014, un jour réservé à l'opposition. La motion du NPD mentionnait ensuite expressément la représentation proportionnelle. C'était même peut-être la RPM, mais je ne m'en souviens plus.
    Une voix: Oui, c'était bien ça.
    M. Scott Reid: Très bien. D'accord. Le NPD a voté en faveur de cette motion, et je crois que tous ceux qui ont voté avec le NPD savaient qu'ils votaient pour la RPM. Les libéraux ont voté contre cette motion en 2014. Ce qui fait que les gens qui ont voté pour les libéraux, dans la mesure où ils auraient réfléchi à cette question — et je crois que la plupart des gens ne connaissaient pas les divers types de système électoral — n'auraient pas dit: « Je vote en faveur de la RPM ».
    On peut envisager d'apporter toute une série de modifications au système actuel, mais aucune de ces modifications n'a été approuvée par les électeurs au cours d'une élection et c'est là, je crois, un problème fondamental qui perdure. Il n'y a pas de système précis, mais nous allons proposer un changement précis qui sera approuvé par les électeurs ou qui ne le sera pas.
    Il n'est pas difficile d'imaginer un système meilleur que le système majoritaire uninominal, mais il n'est pas non plus difficile d'imaginer un système électoral qui serait présenté au Parlement et qui serait, du point de vue des électeurs canadiens, pire que le système actuel. C'est à cela que sert un référendum: il empêche qu'un tel cas se produise.
    Pensez-vous que je commets une erreur sur ce point?

  (1450)  

    Je dirais que, quelle que soit la façon dont le Parti libéral a voté au sujet de cette motion — et je dois vous avouer franchement que je ne connais pas très bien cette situation — il y a eu une campagne électorale par la suite. L'homme qui est devenu premier ministre a fait campagne en faveur d'une réforme électorale, qui comportait de nombreuses options, si ma mémoire est exacte. Il a également utilisé, encore une fois si je ne me trompe, des expressions comme « chaque vote doit compter » et « il faut faire en sorte que chaque vote compte ». Si vous partez de ce principe, il n'y a qu'un seul système qui le permet, et c'est un type de RP. Je pense que les libéraux pourraient légitimement affirmer qu'ils ont fait campagne sur cette réforme, comme pourraient le dire le Parti vert et le NPD.
    Permettez-moi d'ajouter quelque chose au sujet d'un mécanisme délibératif. Je souscris à ce qu'a déclaré notre collègue universitaire au sujet de l'importance des délibérations du comité et que c'est un travail qui renforce sa légitimité.
    J'aimerais mentionner un aspect négatif des référendums. Si toutes les conditions relatives au débat et aux engagements pris au cours de la campagne électorale étaient remplies par plusieurs partis, alors je demanderais aux membres du comité de réfléchir à l'effet que pourrait avoir sur le pays la tenue d'un référendum.
    J'étais en Angleterre au moment du vote sur le Brexit et je peux vous dire que le pays est gravement divisé à l'heure actuelle, très gravement. Que se passerait-il au Canada, que la question mise au référendum soit acceptée ou non, si le Québec et l'Alberta votaient d'une façon et que le reste du pays votait d'une autre façon ou si la Colombie-Britannique et le Québec votaient d'une façon et les autres provinces d'une autre façon, si les campagnes étaient très intenses, tout comme les divisions? Je pense sérieusement que cela nuirait à l'unité nationale au lieu de la renforcer. Que le référendum soit approuvé ou non, il pourrait entraîner de profondes divisions.
    Si c'était la seule solution, je dirais à l'honorable député... Je comprends parfaitement l'argument en faveur d'un référendum, même si je ne souscris pas à cette solution, mais si toutes les conditions concernant la tenue d'un débat et les promesses faites au cours de la campagne électorale étaient remplies, alors je pense qu'il serait légitime que le Parlement prenne seul la décision.
    J'ajouterais une dernière remarque. Les deux grands théoriciens des sciences politiques de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, l'un étant libéral et l'autre conservateur, Edmund Burke et John Stuart Mill, auraient tous les deux été en faveur que la décision soit prise par le Parlement dans un cas comme celui-là.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à M. Boulerice.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui et dont les propos nous éclairent grandement. Je remercie particulièrement M. Broadbent. J'étais peu au courant de l'élection fédérale de 1980. Mes souvenirs à ce sujet sont en effet un peu vagues.
    Dans trois provinces, soit en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, si on a obtenu pratiquement le quart des votes, la représentation est minime. On parle ici de deux députés. Dans ce cas, il est plus difficile d'accoucher de politiques publiques efficaces qui représentent les intérêts de ces diverses régions et de ces citoyens.
    Vous connaissez bien les différents modes de scrutin et vous avez voyagé pour voir ce qui se passait ailleurs. Ainsi, vous avez noté que 80 % des pays de l'OCDE avaient adopté des modes de scrutin proportionnels, dans bien des cas mixtes ou compensatoires.
    Selon vous, les citoyens de ces pays comprennent-ils bien leur système électoral et leur mode de scrutin? Le cas échéant, est-ce que cela les encourage à être plus engagés face à la vie politique, et ce, davantage que le système que nous avons ici depuis 149 ans?

[Traduction]

    Eh bien, ce sont des opinions bien subjectives, comme le député le sait. Je m'appuyais à la fois sur mon expérience générale, sur les lectures que j'ai faites au sujet de ces pays, et plus précisément sur les conversations que j'ai eues avec des députés, en particulier lorsque la position que j'occupais à l'Internationale socialiste m'a amené à rencontrer des membres de tous les partis qui siégeaient dans les assemblées européennes. À l'époque, je posais ces questions moi-même, parce que j'étais favorable à un changement au Canada. Qu'il s'agisse de membres du Parti conservateur en Allemagne, le CDU, ou de démocrates sociaux, j'ai constaté qu'ils s'entendaient tous pour dire qu'ils étaient très satisfaits de leur système. Ils n'ont jamais mentionné que leurs citoyens le comprenaient mal. Dans le cas de la RP pure, il suffit de voter pour un parti, et c'est tout. Par contre, avec un système de liste, comme c'est le cas en Allemagne, en Écosse ou en Nouvelle-Zélande, l'électeur a deux votes, mais c'est assez simple. Le premier vote concerne le député local et le deuxième est pour le parti qu'il préfère. Je n'ai jamais entendu personne dire qu'un tel système était trop complexe pour les gens ordinaires. C'est tout à fait le contraire: ils étaient tout à fait à l'aise avec le système et l'acceptaient.

  (1455)  

[Français]

     Merci, monsieur Broadbent.
    Monsieur Charbonneau, vous avez fait l'expérience d'une tentative de réforme du mode de scrutin au Québec. Vous avez vu des obstacles, des difficultés impliquant des citoyens ainsi qu'une résistance de la part de certaines régions ou municipalités rurales.
    Selon vous, à quels obstacles ferons-nous face dans le cadre de ce comité parlementaire fédéral? Quelles pistes de solution nous suggérez-vous pour surmonter la résistance au changement?
    Il y a quelques années, quand la commission parlementaire s'est tenue à Québec relativement à l'avant-projet de loi, il aurait fallu que le ministre chargé de tenir le fort le tienne en effet. Autrement dit, si une personne ne défend pas le changement qu'elle a elle-même proposé, il y a un problème.
    Dans le cas des régions du Québec, les MRC, les maires disaient devant la commission parlementaire que ce serait épouvantable, que leurs régions perdraient du pouvoir et de la représentation. Or personne ne leur répondait. Pourtant, la réponse est très simple.
    Prenons comme exemple le Saguenay—Lac-Saint-Jean ou l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal. En général, la représentation y est assez homogène, même si ce n'est pas toujours le cas. Avec un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, la représentation y serait probablement plurielle.
    En quoi cela toucherait-il la représentation des intérêts de la région? Cela obligerait les députés de tous les partis, dans une région, à faire front commun pour défendre les intérêts de cette région. Si un très important projet économique était présenté au Saguenay—Lac-Saint-Jean, tout le monde y travaillerait, plutôt qu'uniquement les députés du seul parti étant au pouvoir ou ayant une majorité de députés.
    Les gens avaient des craintes, mais je crois pour ma part que cela renforcerait le pouvoir de la représentation régionale, du fait que cela créerait une dynamique de collaboration qui n'existe pas dans une telle mesure présentement.
    Merci.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Madame, messieurs, je vous remercie de partager vos connaissances avec nous.
    Au Québec, la langue commune est différente de celle des autres provinces. Nous avons notre propre culture, nos propres artistes, nos propres référents et nos propres médias. Nous nous abreuvons à des réseaux d'information différents. J'en suis d'autant plus conscient depuis que je travaille ici. Je lis les quotidiens The Globe and Mail et National Post et je constate souvent ces différences. Nous ne tenons pas les mêmes débats et nous ne partageons ni les mêmes priorités ni les mêmes valeurs.
    Il y a quelques années, le Parlement canadien, la Chambre des communes, a reconnu le Québec en tant que nation distincte. Un de mes principaux soucis est que, dans le contexte de la réforme, on respecte toujours cela. C'était ce qui était convenu dans le fédéralisme. Plutôt que de faire une union législative, il s'agit de mettre en oeuvre des mécanismes permettant d'assurer que la nation québécoise est reconnue et défendue. Avec un mode de scrutin proportionnel compensatoire mixte, je crains que la liste pancanadienne ne soit établie à Toronto, par exemple, et que les votes du Québec ne servent des valeurs qui ne sont pas les nôtres.
    Je vais d'abord poser la question à M. Charbonneau, mais j'aimerais aussi que M. Broadbent et Mme Dawood y répondent.
    Comment pouvons-nous nous assurer que des mécanismes défendront notre nation?
    Premièrement, il faut adopter un mode de scrutin compensatoire de type régional.
     Vous utilisez le mot « régional », mais au Canada, quand on parle des régions, c'est...
    Cela voudrait dire les grands États fédérés et peut-être, dans certains cas, un regroupement d'États fédérés. Le Québec, par exemple, serait une région. À l'intérieur du Québec, il y aurait aussi des sous-régions. Il n'y aurait pas uniquement une circonscription régionale au Québec. En effet, comme on le propose dans le cadre de l'Assemblée nationale, il pourrait y avoir des sous-régions. Dans ce contexte, il serait possible de recourir à des choix qui représenteraient la réalité politique.
    Cela dit, il faut se rappeler que ce n'est pas par le mode de scrutin que la nation québécoise va se distinguer.
    Pour le Québec, la situation où l'on a trop de députés du Bloc québécois par rapport au pouvoir réel de ce parti n'est pas plus valable que la situation où, à l'époque, le Québec comptait trop de députés du parti de Pierre Elliott Trudeau, c'est-à-dire 72, 73, 74 ou 75 députés, ce qui donnait l'impression qu'il avait pris le pouvoir au Québec et que cette approche était la seule valable au Québec. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une distorsion de la réalité.
    Protéger la nation québécoise ne se fera pas nécessairement par l'entremise du mode de scrutin de la Chambre des communes, mais peut-être par celle d'autres mécanismes, notamment le fait que le Parlement du Québec fasse son travail.

  (1500)  

    Vous opposez-vous au fait qu'il y ait une liste pancanadienne?
     Il n'y a pas de liste canadienne, c'est clair, sinon on ne parle plus d'une compensation régionale, mais d'une compensation nationale. Or on ne peut pas envisager une liste nationale pour un territoire aussi immense que le Canada. À mon avis, personne ne pourrait soutenir cela longtemps.
    Je suis d'accord avec mon ami.
    J'ai demandé plus tôt à MM. Charbonneau et Broadbent si, pour protéger les droits des nations minoritaires, on pourrait envisager une liste pancanadienne ou si cela devrait absolument se faire par province. Ils ont répondu à cette question. J'aimerais maintenant connaître le point de vue de Mme Dawood à ce sujet.

  (1505)  

[Traduction]

    Je préfère m'en tenir aujourd'hui au processus de la réforme électorale plutôt que de commenter la teneur des diverses propositions, mais je dirais, pour répondre à votre question, que c'est une raison pour laquelle il est vraiment important d'effectuer une étude approfondie: c'est précisément pour résoudre le genre de problème que vous avez soulevé avant de choisir un système ou de faire une recommandation.

[Français]

    Merci.
    Pour que les partis puissent bénéficier des mêmes chances, est-ce qu'une réforme du mode de scrutin devrait s'accompagner d'une réforme du mode de financement des partis?
    Présentement, ce financement provient davantage du secteur privé que de l'État.
    Ne mêlons pas les cartes. Je crois que le financement des partis politiques est un dossier et que la réforme du mode de scrutin en est un autre. Cela me donnerait cependant l'occasion de revenir sur...
    Il ne reste qu'une vingtaine de secondes.
    J'aurais voulu parler du référendum au cours des 10 minutes qui m'étaient allouées, mais je n'en ai pas eu le temps. Le plus intéressant serait que le comité ici présent fasse son travail et, après avoir étudié longuement la question, qu'il propose une solution aux citoyens. Après deux élections générales au cours desquelles ils auraient testé le changement, les citoyens pourraient ratifier ces dispositions. C'est ce qui a été fait en Nouvelle-Zélande: on y a fait un référendum au départ. Cependant, je vous ferai remarquer que le territoire de ce pays n'est pas du tout le même que celui du Canada.
     Merci beaucoup, monsieur Charbonneau.
    Madame May, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je veux d'abord dire un grand merci à tous les témoins qui sont présents aujourd'hui. C'est vraiment intéressant.

[Traduction]

    J'adresse ma première question à M. Broadbent.
    Je veux bien sûr commencer par vous remercier pour les services que vous avez rendus au Canada, monsieur, et pour être ici aujourd'hui.
    Cela m'est venu à l'esprit lorsque j'ai lu votre témoignage dans lequel vous mentionniez ce qui était bon pour les partis, mais je vais revenir sur cet aspect parce que vous avez fait un autre commentaire et affirmé que cela était bon pour les électeurs. Cette différence est apparue lorsque Mme Pippa Norris a témoigné devant nous. Elle se trouve à Harvard à l'heure actuelle. Elle a parlé de choisir les valeurs, parce que nous savons maintenant qu'il s'agit de valeurs. Quelle est la valeur à privilégier lorsqu'on choisit un système électoral? Si vous voulez aider les grands partis politiques, alors il faut favoriser le système majoritaire uninominal, mais si vous accordez de la valeur à la façon dont les électeurs apprécient l'efficacité de leur vote, alors vous choisissez la représentation proportionnelle.
    Monsieur Broadbent, je me demande si vous avez une idée sur ce que nous devrions privilégier. Bien évidemment, vous êtes en faveur de la représentation proportionnelle et vous préférez la représentation proportionnelle mixte. Comment pensez-vous que l'on pourrait résoudre la différence qu'il y a entre ce qui est bon pour les électeurs et ce qui est bon pour les partis?
    Comme l'a mentionné M. Charbonneau et j'en ai fait moi-même l'expérience, il arrive très souvent que les politiciens qui constatent qu'ils ont été élus avec le système majoritaire uninominal oublient très facilement qu'ils se sont engagés à proposer un autre système. Cela est très tentant. Tous ceux qui veulent obtenir le pouvoir et qui l'ont obtenu en utilisant une méthode sont très réticents à en adopter une autre.
    Je serais très franc sur ce point. J'ai beaucoup aimé la campagne qu'a faite M. Trudeau. C'est le premier premier ministre de notre histoire qui a déclaré vouloir modifier le système majoritaire uninominal. J'ai pour ma part pris cet engagement très au sérieux et je pense que c'est une promesse tout à fait louable.
    Cela revient toutefois à ce que vous disiez, madame May. Étant donné que le système majoritaire uninominal est le système le plus sûr pour conserver le pouvoir, cela revient implicitement à dire que le gouvernement doit être prêt à adopter un système qui ne protégera peut-être pas les intérêts qui lui ont donné le pouvoir. En particulier, comme je l'ai dit brièvement dans mes commentaires, il est très important dans une démocratie de pouvoir faire un vote positif alors que ne pas voter... Comme je l'ai dit, le sondage que nous avons effectué après la dernière élection a indiqué qu'un très fort pourcentage de Canadiens avait voté pour un parti qui n'était que leur second choix, parce qu'ils voulaient éviter d'élire quelqu'un d'autre. Cela ne renforce pas l'importance de la participation et c'est la raison pour laquelle un système de RP ou un système mixte est bien préférable pour ce qui est de répondre aux besoins qu'ont les citoyens en matière de valeurs.
    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Dawood.
    J'ai également eu le plaisir de lire votre étude de 2012 publié dans le University of Toronto Law Journal, dans lequel l'expression « plaidoyer pro domo » est souvent utilisée. C'était une expression nouvelle pour moi. Vous dites que la légitimité du processus est un aspect essentiel et que la composition du comité renforce la légitimité de la réforme électorale.
    J'aimerais vous présenter une affirmation un peu différente et savoir si vous admettez que la légitimité de notre processus de réforme électorale est également reliée au fait que le parti au pouvoir semble agir contre ses intérêts. Cela est relié à la remarque qu'Ed Broadbent vient de faire. En termes juridiques, une déclaration est probante lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de son auteur.
    Je sais que votre article est déjà rédigé et sous presse, mais pensez-vous que de la légitimité du processus est renforcée lorsque le parti au pouvoir fait quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant : choisir un système qui ne l'avantagera peut-être pas?

  (1510)  

    Absolument. Cela réfute la crainte ou la présomption que l'intérêt partisan est le seul motif qui préside au choix de la réforme proposée. Si le parti au pouvoir choisit une solution qui n'est pas la meilleure pour assurer son succès au cours de la prochaine élection, alors du point de vue de la légitimité, une telle décision serait considérée comme reposant sur des principes alors ce ne serait pas le cas pour une décision qui serait clairement intéressée, dans le sens qu'elle risque de faciliter le succès du parti au pouvoir à la prochaine élection.
    Par conséquent, oui, je crois que faire un choix désintéressé ne pourrait que renforcer la légitimité d'une proposition émanant d'un gouvernement majoritaire, et c'est pourquoi il est important de veiller à ce que le processus soit, concrètement, à la fois équitable et perçu comme étant équitable. Il ne faut pas créer une situation dans laquelle les majorités successives choisissent soigneusement les règles qui les avantagent et que la majorité suivante choisisse ensuite d'introduire certaines réformes qu'elle peut faire adopter parce qu'elle est majoritaire au Parlement.
    Merci.
    Madame Sahota est l'intervenante suivante.
    J'aimerais commencer par remercier tous les témoins pour le temps précieux qu'ils nous consacrent et pour leurs judicieux commentaires.
    Je suis d'accord avec vous. Je pense que notre premier ministre a pris une excellente décision et qu'il s'est donné un objectif très ambitieux. Je sais qu'il s'est engagé à modifier le système électoral. J'espère que le comité pourra arriver à un consensus, comme Mme Dawood l'a déclaré, ou au moins à une opinion majoritaire au sujet du processus législatif à suivre pour apporter des modifications à ce système.
    Comme vous venez de le mentionner, si ce n'était pas le cas, y aurait-il, d'après vous, des problèmes constitutionnels qui se poseraient, madame Dawood, si l'on voulait introduire une réforme électorale sans un tel consensus?
    La question constitutionnelle est quelque peu complexe. Je ne sais pas s'il reste suffisamment de temps et d'intérêt pour entendre tous les détails, mais je dirais que, jusqu'à la décision relative au renvoi sur le Sénat rendue par la Cour suprême, il semblait assez clair que le Parlement pouvait prendre des décisions en matière de réforme électorale ou modifier les lois électorales, pourvu qu'il suive le processus parlementaire normal. La Cour a déclaré à plusieurs reprises que le système électoral relevait du Parlement.
    La Cour a reconnu que la Constitution imposait certaines limites au Parlement. Ces limites portent principalement sur le droit de vote, tel que protégé par l'article 3 de la Charte. Il y a aussi les exigences en matière de répartition que l'on trouve à l'article 51A de la Loi constitutionnelle. À part ce genre de restrictions, on aurait pensé, avant l'arrêt relatif au renvoi sur le Sénat, que le Parlement pouvait procéder à une réforme électorale.
    Comme vous le savez, la Cour a déclaré, dans le renvoi relatif au Sénat, que les divers projets de réforme du Sénat constituaient en fait des modifications constitutionnelles, même si elles n'avaient pas pour effet de modifier le texte de la Constitution. Par exemple, pour ce qui est des élections consultatives, le projet prévoyait qu'elles pourraient avoir lieu sans qu'il soit nécessaire de modifier le texte de la Constitution; la Cour a néanmoins conclu que cela constituait une modification constitutionnelle.
    Il s'agit de savoir maintenant si la réforme électorale constitue une modification à la Constitution qui exigerait le consentement des provinces selon la règle des 7/50, selon laquelle sept provinces représentant au moins 50 % de la population doivent accepter le changement.
    Dans l'article dont je parlais, j'ai essayé de voir s'il n'y aurait pas le moyen d'éviter cette règle. Est-il possible que la Cour déclare à l'avenir qu'il n'est pas nécessaire que la réforme électorale soit approuvée de la même façon qu'une modification constitutionnelle qui exige le consentement des provinces? À mon avis, cela peut se soutenir. Mais il est également possible d'affirmer qu'il faudrait procéder à une modification constitutionnelle qui exige le consentement des provinces.
    Cela répond-il à votre question?

  (1515)  

    Eh bien, votre réponse m'amène à me poser davantage de questions, en fait.
    Je vois que certains témoins hochent la tête. Voulez-vous ajouter quelque chose ou dire si vous êtes d'accord ou non avec cette affirmation, je vous invite à le faire.

[Français]

     Madame, je ne pense pas que la Constitution soit concernée par le mode de scrutin. Ce qui importe, c'est que la démocratie soit respectée. La démocratie, c'est la majorité parlementaire, mais dans ce cas-ci, étant donné qu'on débat sur le mode de représentation, c'est aussi une majorité populaire. Si le Parlement décide de faire adopter une loi, non seulement faut-il qu'elle soit appuyée par une majorité de députés, mais il faut que ces derniers représentent également la majorité de la population.
    Ceux qui voudraient avoir la ceinture et les bretelles pourraient aussi suggérer qu'on fasse comme en Nouvelle-Zélande et qu'on instaure un mécanisme dans la loi pour faire en sorte qu'après deux élections générales, il y ait une validation. Cela permettrait aux citoyens d'expérimenter et de comprendre le système mieux qu'ils ne pourraient le faire à l'occasion d'un débat sur un référendum. Un référendum qui traiterait de réforme électorale, surtout s'il propose plusieurs choix, serait beaucoup plus complexe qu'un référendum qui cherche à savoir si, oui ou non, on fait du Québec un pays.
    Merci.
    Monsieur Richards, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux que vous ayez tous pu venir aujourd'hui.
    Je vais commencer par m'adresser à M. Broadbent, ce qui terminera sans doute ce tour de questions.
    J'ai quelques questions à vous poser. J'aimerais d'abord dire que j'éprouve un grand respect pour votre longue et distinguée carrière que vous avez eu en tant que parlementaire. J'aimerais vous poser une question qui paraîtrait peut-être un peu délicate à quelqu'un qui n'aurait pas votre expérience, mais je sais que vous ne la prendrez pas personnellement ou que vous...
    J'ai bien hâte de connaître cette question.
    Des voix: Oh, oh!
    ... ne penserez pas, avec la grande expérience que vous avez...
    Oui, et je suis sûr que vous n'aurez aucune difficulté à y répondre.
    La voici. Je crois avoir constaté une certaine contradiction entre vos réflexions antérieures et les déclarations que vous avez faites lorsque vous avez répondu plus tôt à la question de M. Reid, et je voulais vous poser une question à ce sujet pour l'explorer davantage, si vous le voulez bien.
    Lorsque vous avez parlé de la représentation proportionnelle à la table ronde publique qui avait été organisée par la Commission du Nouveau-Brunswick — je crois que c'était en 2004 — vous avez fait un commentaire et commencé à dire que, d'une façon générale, vous n'étiez pas très favorable au référendum, mais que vous estimiez, et là je cite, que
... lorsqu'il s'agit uniquement de fixer les règles démocratiques d'un système électoral qui s'appliquent également à tous les citoyens et lorsque la question est le fruit d'un long débat auquel ont participé les citoyens, il me semble qu'un tel référendum respecterait parfaitement les valeurs et les aspirations démocratiques des théoriciens classiques de la démocratie comme John Stuart Mill.
    Il me semble que vous aviez déclaré à cette époque que vous étiez favorable à la tenue d'un référendum qui porterait sur ce genre de question, et je sens qu'aujourd'hui, votre avis est différent.
    Je me demande si vous pouvez nous expliquer ce changement. Il me semble que vous aviez accepté l'idée d'un référendum lorsque vous essayiez de convaincre les Canadiens d'adopter une réforme électorale et maintenant que nous avons un débat sérieux au sujet de la réforme électorale, vous avez peut-être changé d'idée.
    J'ai du mal à comprendre ce changement et à concilier vos deux positions. Pouvez-vous essayer de me l'expliquer?
    Monsieur le président, permettez-moi de dire à mon collègue, si je peux m'exprimer ainsi, que, comme tous ceux qui sont ici, il m'arrive de changer d'idée.
    Très bien.
    Si vous examinez soigneusement ce que j'ai dit à l'époque, c'était je crois qu'une option démocratique pouvait comprendre la tenue d'un référendum, ce que je pouvais comprendre, et je sais que certaines personnes ont finalement adopté cette idée. J'y ai réfléchi davantage depuis, en particulier par rapport à l'argument de la légitimité. Je suis tout à fait convaincu — et je ne vais pas y revenir — qu'il est possible de faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire de s'adresser directement à la population.
    Pour ce qui est de la discorde, je dois dire franchement qu'après ce que j'ai vu sur la discorde qu'a suscité le référendum au Royaume-Uni et lorsque j'ai réfléchi également à l'expérience des référendums au Canada, c'est que, dans un pays comme le nôtre qui comprend des régions aussi diverses, peu importe que le référendum soit gagné ou perdu, comme je l'ai dit dans mes déclarations préliminaires, un référendum va davantage semer la discorde que le genre de processus délibératif au cours duquel tous les membres du comité sont de bonne foi, essayent d'examiner toutes les solutions possibles et de formuler une recommandation. Cette façon de procéder risque davantage de déboucher sur un consensus, dans ce pays, qu'un référendum.

  (1520)  

    Très bien. Nous allons devoir nous entendre pour ne pas être d'accord.
    Très bien. Je comprends.
    Je crois qu'il est plus facile pour vous de changer d'idée que pour ceux qui sont assis autour de la table et qui doivent prendre des décisions. Je peux comprendre.
    Il ne nous reste pas beaucoup de temps et je vais donc aborder un autre sujet.
    Dans le passé, vous avez également critiqué l'idée du vote préférentiel. Pourriez-vous nous dire si vous pensez toujours la même chose et si c'est le cas, pourriez-vous nous expliquer cette opinion?
    C'est tout simplement parce que je préfère le système que je propose, soit la RP pure, soit la RPM.
    Un système de vote préférentiel peut avoir pour effet de faire disparaître les très petits partis. Un tel système peut effectivement les faire disparaître. L'avantage qu'offre la RPM ou la RP est que chaque vote compte et qu'il n'est pas nécessaire d'exprimer une préférence pour que ce vote compte.
    Je préfère tout simplement ne pas utiliser ce système, c'est tout.
    Merci.
    Je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Vous avez assez de temps pour une brève question, je crois.
    Très bien. Je vais la garder pour le prochain tour de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons entendre M. Aldag, qui a cinq minutes.
    Pour commencer, je vais adresser mes commentaires et mes questions à nos deux derniers témoins.
    Ces dernières semaines, j'ai organisé dans ma circonscription quelques réunions publiques au sujet de la réforme électorale. La dernière a eu lieu samedi dernier. Elle était organisée par le Mouvement pour la représentation équitable au Canada et par une association de circonscription voisine du Parti libéral.
    Pour la première que j'ai mise sur pied, il y a un certain nombre d'électeurs qui sont venus, notamment des partisans déclarés du Parti conservateur, qui ont très bien exposé ce qui les inquiétait dans un référendum. Je dirais que j'ai retrouvé à peu près les mêmes personnes à la séance que nous avons tenue samedi. Je ne pourrais pas vraiment parler de percée, mais j'ai trouvé la séance très intéressante parce que nous sommes passés de l'examen de cette position à une discussion des valeurs.
    Voici la question que j'avais posée à l'assistance « De quelles valeurs devrions-nous nous inspirer pour élaborer un nouveau système? » Avec des participants très variés, puisqu'il y avait certains membres du Parti conservateur et d'autres qui étaient là, nous avons commencé à parler des choses dont devrait s'inspirer, d'après eux, un nouveau système.
    J'ai trouvé un document de l'Institut Broadbent intitulé La réforme électorale canadienne — Sondage sur les solutions de rechange possibles. Il contient un bon chapitre au sujet des valeurs et on retrouve un certain nombre de choses du genre « Le bulletin de vote est simple et facile à comprendre ». Cela a suscité un appui de 55 % des répondants, alors que 51 % étaient en faveur de l'affirmation « Le système donne des gouvernements solides et stables ».
    Au cours des discussions que nous avons eues cette fin de semaine, il y a eu quelques questions qui ont été soulevées par divers participants. Je ne veux pas critiquer un système particulier, mais ces personnes ont également soulevé des questions au sujet des systèmes comme la RP et de l'idée d'avoir un gouvernement de coalition. Est-il possible d'obtenir un gouvernement solide et stable et est-ce que ces deux idées sont incompatibles? Pour ce qui est de l'affirmation « Le bulletin de vote est simple et facile à comprendre » — à ma première réunion publique, il y a eu un homme qui a présenté un bulletin de vote allemand qui mesurait trois pieds par trois pieds. Les gens se sont souvenus de ce bulletin et ils craignaient qu'un système de RP avec ce genre de bulletin soit trop complexe.
    Je vous invite simplement à faire des commentaires sur la façon de régler ce genre de problème. Comment encadrer la discussion au sujet des valeurs pour que nous en arrivions à un système qui représente la meilleure solution pour le Canada à ce moment-ci et qui soit conçu pour les Canadiens? Je ne vous pose pas vraiment une question, mais j'aimerais avoir vos idées sur les valeurs et les critiques que nous entendons. Que devons-nous faire à ce sujet?

[Français]

     Le mandat du Comité énonce déjà un certain nombre de principes et de valeurs. Vous devez y réfléchir et évaluer les différentes options. Effectivement, c'est un guide fondamental. Par exemple, doit-on accorder de l'importance à une juste représentation des grands courants politiques dans notre société? Est-ce que la sous-représentation, la surreprésentation ou la non-représentation nous préoccupent?
    On doit aussi se préoccuper de la stabilité des gouvernements. Cependant, comment faire la démonstration que les gouvernements ne seront pas stables si, tout à coup, le mode de scrutin est différent et que les partis sont obligés de se coaliser? La seule façon serait d'essayer cette formule et d'examiner ce qui s'est fait ailleurs. Autrement, ce ne sont que des fantasmes de peur. On invoque le fait que les gens ne veulent pas avoir des élections régulièrement, toutes les semaines. On cite les pires exemples comme l'Italie et Israël en disant que c'est effrayant. Cependant, si on fait abstraction de ces exemples qui ne sont pas pertinents au choix qui pourrait être fait ici, on dédramatise beaucoup les choses.
    Vous allez recevoir demain le président du Mouvement Démocratie Nouvelle, où j'agis à titre de conseiller spécial. Je connais un peu le dossier, mais j'ai appris une chose lorsque nous avons reçu des experts au cours du printemps dernier. Dans un certain nombre de pays, un mécanisme parlementaire a été mis en place pour assurer la stabilité des coalitions. On appelle cela le vote de confiance constructif. Ce mécanisme a été lancé par l'Allemagne de l'Ouest, qui a le modèle de compensation parfait. Finalement, c'est 50-50. La moitié des députés sont élus selon le système actuel et l'autre moitié selon un système proportionnel.
    On a là un mécanisme qui fait en sorte que, s'il veut défaire un gouvernement, un parti au sein d'une coalition doit être en mesure de proposer une autre solution ou un nouveau chef de gouvernement qui soit capable de créer une nouvelle majorité parlementaire. Autrement, on reste avec les engagements qu'on a pris et l'entente politique qu'on a conclue pour former la coalition.
    Rien ne nous empêcherait de mettre en place un mécanisme de ce genre. Il y a moyen d'aller là où l'on veut tout en innovant, afin de s'assurer qu'il n'y aura pas de gouvernements instables. Le seuil peut être de 3 %, mais il pourrait aussi être de 5 % ou de 6 %. Il y a des instruments pour garantir une stabilité, en fonction des principes.

  (1525)  

     Merci.
    Cependant, si vous n'avez pas de principes au départ, je crois que vous êtes bien mal partis pour faire ces choix politiques.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Cullen. Vous pouvez peut-être intervenir, monsieur Broadbent. Vous savez ce n'est pas facile lorsque nous avons deux éminents...
    C'est très bien. Non, je comprends. Parfait. Donnez la parole à M. Cullen.
    Il est difficile pour nous et pour moi de restreindre le temps de parole quand le comité accueille des témoins aussi savants.
    Allez-y, monsieur Cullen.
    C'est génial. J'aime beaucoup cette conversation. J'aime tout ça aussi.
    Je me demande si nous sommes arrivés à un point de bascule politique dans ce pays. Je pense à vous, Ed, aux côtés de Guy Giorno et de M. Himelfarb, lisant des citations de Jason Kenney, parlant de la qualité médiévale de notre système et lisant la citation du ministre sur la façon dont notre système a été conçu pour le contexte du XIXe siècle et n'est pas adapté aux besoins du Canada du XXIe siècle. Y a-t-il un point de « pluripartisme » que nous avons franchi, avec le Parti québécois, le Bloc québécois et diverses personnes se prononçant en faveur d'un système proportionnel?
    J'ai une brève remarque à ce sujet, puis une question pour vous, monsieur Broadbent.
    En ce qui concerne la stabilité, nous avons entendu qu'au cours des 55 dernières années dans les pays développés, l'équilibre est presque égal entre les pays qui utilisent un mode de représentation proportionnelle et ceux qui utilisent le scrutin majoritaire uninominal à un tour, pour ce qui est de la stabilité. De fait, les pays avec la représentation proportionnelle sont légèrement plus stables. On peut penser que les coalitions sont instables. Dans l'histoire du Canada, quand les partis ont partagé le pouvoir, nous avons produit nos politiques les plus progressistes et les plus durables. Les pensions, les soins de santé, le drapeau — et la liste est longue — ont tous vu le jour quand les partis ont eu à mettre un peu d'eau dans leur vin.
    J'ai une question au sujet du vote positif comme choix positif lorsque les électeurs se trouvent devant l'urne électorale et n'ont pas à étudier une liste d'options négatives du style « Je n'aime pas vraiment cette personne, ou ce parti, ou ce chef de parti. Qui puis-je choisir pour les déloger? », contrairement à « Qu'est-ce que je veux? » C'est un peu comme quelqu'un qui achète un téléphone cellulaire et à qui le vendeur dit « Il y a tous ces choix, mais vous n'en avez que deux dans votre ville, donc choisissez un de ces deux. Vous n'avez pas accès aux autres. » Ce magasin ne resterait pas en affaire longtemps. Je ne comprends pas pourquoi nous continuons à procéder avec ces faux choix.
    Je reviens sur le fait que 46 % des électeurs n'ont pas voté pour leur premier choix lors de la dernière élection. Quel effet pensez-vous que cela a eu à long terme pour le Canada en ce qui concerne l'enthousiasme des électeurs, l'espoir et la façon dont les partis réagissent et créent des plateformes pour les électeurs dans le cadre de ce scénario?

  (1530)  

    Comme vous vous en doutez, ma réponse est très subjective. C'est mon opinion, et elle n'est fondée sur aucune donnée empirique.
    Ceci étant dit, il est presque évident qu'une part du cynisme des jeunes et des moins jeunes au sujet du système électoral est reliée à cela. Si une personne qui vit dans une circonscription donnée sait que le vote penchera toujours d'un côté, même si 20 % des électeurs de cette circonscription souhaitent voter autrement, et que son vote ne va pas compter dans un scrutin majoritaire uninominal à un tour, tout cela peut être un énorme facteur de dissuasion de participation et pourrait créer, à l'extrême, un certain degré de cynisme.
    Si je suis fortement en faveur de la modification du système, c'est pour éviter cette nécessité d'avoir à voter, en quelque sorte, pour arrêter quelqu'un — en d'autres termes, voter pour un deuxième choix parce qu'on pense que celui-ci pourrait l'emporter sur une troisième option qu'on n'aime pas. Nous devrions avoir un système qui encourage les jeunes, ou les moins jeunes, à voter pour des raisons positives. Et à mon avis, seules certaines formes de RP permettraient cela.
    Il s'agit aussi de voir les femmes se faire élire pour siéger en Chambre.
    Oh, en effet.
    Une étude portant sur 60 ans d'élections en Australie a révélé que dans les deux Chambres, avec deux modes de scrutin différents — le VP, une sorte de scrutin majoritaire uninominal à un tour, et le système proportionnel —, les femmes étaient deux fois et demie plus susceptibles de remporter le vote avec un système proportionnel dans ce pays.
    Permettez-moi une observation à ce sujet. D'une part, je félicite le Prime Minister actuel d'avoir institué l'égalité des sexes dans son cabinet, mais je dois être candide, d'autre part. Quand cela est arrivé, j'ai pensé à la façon dont Gro Brundtland, une première ministre de Norvège, l'a fait il y a des dizaines d'années en Norvège. Je me souviens d'avoir déjeuné avec elle dans le restaurant parlementaire ici, après sa visite au Canada suivant sa victoire électorale. Elle m'a dit que cela fait de nombreuses années que la Norvège a l'égalité des sexes. Et je ne crois pas que ce soit une coïncidence qu'ils aient également un système de RP.
    Être en 62e position dans le monde pour ce qui est de la représentation des femmes au Parlement est une chose qui choquerait la plupart des Canadiens s'ils en étaient conscients. Nous nous considérons bien mieux que cela, bien plus équitables, et pourtant notre système ne nous convient pas présentement.
    En effet.

[Français]

     Monsieur Charbonneau, vous avez mentionné l'option de ratifier le choix d'un nouveau système après l'avoir mis en pratique pendant une ou deux élections.
    Pourquoi appuyez-vous cette idée?
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît, monsieur Charbonneau.
    D'accord.
    L'expérience a été menée en Nouvelle-Zélande. Cela a l'avantage de permettre aux citoyens d'expérimenter un mécanisme politique qui peut être relativement complexe, selon le choix qui est fait. À partir du moment où les citoyens l'expérimentent, ils s'approprient le système, et la plupart d'entre eux ont la possibilité de faire une comparaison, outre les nouveaux électeurs qui n'auraient pas connu l'ancien système.
    En fait, si j'ai à choisir entre un référendum au préalable et un référendum de ratification après deux élections générales, je préfère que les gens expérimentent le système.
    Merci.
    C'est plus facile pour les gens de porter un jugement éclairé par la suite.
    Merci.
    Autrement, c'est la responsabilité des élus d'assumer ce leadership quant à ce jugement éclairé.
    Merci.
    Monsieur Rayes, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Charbonneau, je vais vous permettre de continuer vos propos, étant donné que ma question est un peu dans la même veine que ce que vous avez mentionné.
    C'est la première journée où je participe aux travaux de ce comité. J'arrive de ma circonscription. C'est l'été et, drôlement, je peux vous dire que, malgré toutes les activités auxquelles j'ai participé, personne ne m'a parlé de réforme électorale. J'entends toutes les grandes discussions à ce sujet. J'entends souvent parler de cas où les pays sont passés du mode de scrutin uninominal au mode de scrutin proportionnel, en particulier du cas de la Nouvelle-Zélande. Comme vous l'avez si bien mentionné, les gens de ce pays ont réfléchi longuement à cette question. Il leur a fallu exactement 10 ans pour en arriver à un changement du mode de scrutin.
    Quand je regarde les résultats, contrairement à ce qu'on laisse sous-entendre, j'ai l'impression qu'on tient un faux débat en ce moment. On dit qu'en changeant de mode de scrutin, plus de gens seront intéressés à la politique et donc plus de gens iront voter. On mentionne que le taux de participation aux élections risque d'augmenter. Or, dans les derniers pays qui ont changé de mode de scrutin, ce n'est pas ce qui s'est produit dans un premier temps. En Nouvelle-Zélande, le taux de participation était de 85 % lorsque ce pays a fait le changement, pour passer à 88 % lors de l'élection suivante. Toutefois, en 2014, lors de la dernière élection, le taux de participation a été de 76,9 %. Donc, outre l'impression qu'on a selon laquelle les gens seront plus intéressés à voter s'il y a un changement du mode de scrutin, il faut davantage regarder les études qui ont été faites concernant le désintérêt des gens. C'est plutôt le fait que les gens manquent de temps et d'intérêt face à la politique qui explique qu'ils ne se présentent pas dans les bureaux de vote.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur le processus qui a été mis en place en Nouvelle-Zélande avant d'arriver à ce changement. Vous en avez fait mention. J'aimerais que vous poursuiviez vos propos à ce sujet.

  (1535)  

     Vous venez de dire d'une autre façon que les gens ne se bousculent pas dans les autobus qui circulent dans votre circonscription pour parler de la réforme du mode de scrutin. C'est vrai partout.
    Oui. Tout à fait.
    Comme député, c'est un argument que j'ai entendu pendant 25 ans à l'Assemblée nationale sur un certain nombre de sujets. Les gens qui sont en faveur du statu quo utilisent toujours cet argument. Ils disent qu'ils n'en entendent pas parler dans leur circonscription. Vous avez raison sur une chose, à savoir qu'on ne change pas le mode de scrutin pour d'abord augmenter le taux de participation. En effet, même avec des modes de scrutin de type proportionnel, le taux de participation peut varier selon la conjoncture politique, les situations et les événements nationaux ou internationaux. Ceux-ci peuvent amener les gens à se mobiliser, selon le leadership des personnes qui sont en cause. Ce n'est pas pour augmenter le taux de participation qu'on changerait le mode de scrutin. On le changerait pour une question de représentation. Croyez-vous ou non à la démocratie représentative et que veut dire pour vous la représentation politique? Si un parti politique obtient 39 % des votes exprimés et gouverne un pays comme le Canada, ne serait-il pas préférable qu'il établisse une coalition avec un autre parti pour former une majorité parlementaire et pour que cette majorité soit aussi une majorité populaire?
    Dans ses propos, M. Broadbent a donné des exemples dans l'Ouest du Canada. On pourrait en donner pour la situation du Québec et pour la situation qui a cours un peu partout. Le problème est qu'il y a de la sous-représentation et de la non-représentation. Cela est très grave dans une démocratie représentative. Des partis qui représentent 10 ou 15 % de l'électorat se retrouvent avec un ou deux députés.
    Monsieur Charbonneau...
    Cela est beaucoup plus grave que de savoir si on augmente le taux de participation de 1 ou 2 %.
    Monsieur Charbonneau, là n'était pas le sens de ma question.
    Depuis le début de ce débat, on laisse sous-entendre qu'en changeant le mode de scrutin, on rejoindra davantage les minorités dans certaines régions du Canada. On dit que plus de jeunes et d'Autochtones iront voter et ainsi de suite. Donc, par la force des choses, certains estiment que plus de gens seront intéressés par la politique et iront voter.
    J'aimerais entendre les opinions des trois témoins à ce sujet. Cela pourrait peut-être confirmer ce que je pense à cet égard. Lorsque je regarde les statistiques des différents endroits où on a changé le mode de scrutin, je constate que le taux de participation n'a pas augmenté.
    Êtes-vous d'accord avec moi à ce sujet?
     Je viens de vous répondre, mais je sais que ma réponse ne vous satisfait pas. Ce n'est pas ce que vous vouliez entendre. Ma réponse est pourtant claire: ce n'est pas cela qui compte. Même si cela baisse le taux de participation, ce n'est pas ce qui est fondamental. La représentation est ce qui est le plus important.
    C'est parfait. Vous précisez donc qu'en ce moment...

[Traduction]

    Puis-je dire quelque chose à ce sujet?

[Français]

    Un instant, monsieur Broadbent. Je vais ensuite vous céder la parole avec plaisir.
    En passant, je ne porte pas de jugement sur votre opinion à cet égard. Je veux savoir si, à votre avis, une plus grande représentativité est préférable à un plus grand nombre de personnes qui s'expriment lors du vote.
    Je pense que oui. Par ailleurs, je ne suis pas né de la dernière pluie. Vous me faites dire cela, mais cela ne signifie pas que je suis favorable au fait que les gens n'aillent pas voter.
    Non, ce n'est pas du tout le cas.
    De toute façon, monsieur Rayes, vos cinq minutes sont écoulées.
    Nous cédons maintenant la parole à Mme Romanado.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Broadbent, j'aimerais aussi vous remercier de votre service dans les forces et de vos années au Parlement.

[Français]

    Monsieur Charbonneau, je vous remercie pour le travail que vous avez accompli en tant que député à l'Assemblée nationale.

[Traduction]

    Je vais aborder quelque chose dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui.
    Monsieur Broadbent, en ce qui concerne le rapport que mon collègue a mentionné, celui-ci affirme que le bulletin de vote est simple et facile à comprendre. C'est une chose que 55 % des répondants ont déclaré être importante pour eux. Compte tenu du fait que certaines personnes pensent encore qu'elles vont voter pour choisir leur premier ministre, à quel point pensez-vous que l'éducation sera importante tout au long de la procédure de changement? Rassembler des chats en troupeau n'est pas chose facile.

  (1540)  

[Français]

    Au Québec, on a eu beaucoup de difficulté parce que certaines personnes ne savaient pas exactement quels étaient les vrais enjeux.

[Traduction]

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'importance de l'éducation — ce que nous devrions faire dans le cadre de ce processus, et qui devrait le faire.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Pour commencer, je suis d'accord avec vous implicitement en ce qui concerne l'importance de l'éducation. Si mes souvenirs sont bons, et je crois qu'ils le sont, le chef sortant de la commission électorale avait fait objection parce que le budget qui lui permettait de mettre sur pied davantage d'activités d'éducation du public — je me tourne vers certains députés maintenant — avait été coupé. En tout cas, je crois avoir raison là-dessus. C'est une chose très importante à faire, surtout si nous adoptons un nouveau système.
    Ceci étant dit, une fois de plus, je suis d'accord avec vous. Beaucoup de gens croient, avant de se trouver devant l'urne électorale, qu'ils verront le nom des éventuels premiers ministres sur le bulletin de vote, plutôt que celui de leurs députés locaux; il y a donc un certain élément de confusion.
    Ayant été député de nombreuses années, je crois qu'en réalité ce n'est qu'une faible minorité qui a ce problème. La plupart des adultes comprennent qu'ils votent pour choisir un parti, et que si ce parti obtient le plus grand nombre de sièges, c'est son chef qui deviendra probablement le premier ministre.
    Avec le nouveau système, si nouveau système il y a — et je l'espère sincèrement —, je crois qu'Élections Canada devra disposer d'un bon budget lui permettant d'expliquer cela, et d'une façon tout à fait non partisane, bien sûr. Quant aux partis politiques, j'espère vraiment que ce que nous faisons ici produira un rapport présentant un consensus que les partis — avec un peu d'espoir tous les partis, mais certainement une majorité au moins — appuieront. J'aimerais les voir mener campagne ensemble sur cette question, pour une fois. S'ils arrivent à un consensus sur un système électoral, ils seront en mesure de faire campagne ensemble pour expliquer le système. Les députés, ainsi que les associations de leur circonscription, le Mouvement pour la représentation équitable au Canada, les organisations de société civile et Élections Canada auront un rôle pour ce qui est de l'expliquer.

[Français]

    Monsieur Charbonneau, voulez-vous répondre?
     Vous avez devant vous un individu qu'on a souvent pris pour le Président de la Chambre des communes. Quand je rencontrais des gens, un peu partout au Québec, ils me disaient: « N'êtes-vous pas le Président ou l'ancien Président de la Chambre des communes? » Je devais alors préciser qu'il y avait deux sortes de Parlement, dont un autre qui s'appelait l'Assemblée nationale.
    Dans le cadre du rapport des états généraux tenus en 2001-2003 sous la présidence de Claude Béland, j'avais recruté un comité de citoyens non partisans, de toutes les couleurs. Une de leurs recommandations était d'augmenter la compétence civique des citoyens. On parlait de mettre beaucoup l'accent sur l'éducation et la citoyenneté, aussi bien chez les jeunes que chez les adultes. Quand on constate le nombre d'adultes qui sont semi-analphabètes ou qui ont de la difficulté à fonctionner selon les codes de la société, on se rend compte qu'il y a un important rattrapage à faire.
    Vous avez reçu ici le professeur Henry Milner qui, à l'époque des états généraux, avait écrit un bouquin intitulé La compétence civique. Il a fait une étude comparative entre la compétence civique que nous observons chez nous et celle qui est observée dans certains pays de l'Europe du Nord. La conclusion était très claire: ici, la compétence civique est faible par rapport à ce qu'elle devrait être et à ce qu'elle est dans des pays dont le niveau de vie est le même ou à peu près.
    Pour effectuer un changement de ce genre, il est clair qu'un travail de sensibilisation doit être fait. À mon avis, l'absence de référendum ne signifierait pas qu'il faut s'abstenir de donner des explications claires et précises sur ce que serait le changement. En fait, il serait plus facile pour les citoyens de s'y retrouver si, comme le disait M. Broadbent, il y avait à ce comité et à la Chambre des communes un consensus politique ou la plus large majorité politique possible sur cette question. Il est important de savoir ce qui rassurerait les gens. Il faudrait que tous les partis politiques s'entendent sur un changement et que les députés ne leur renvoient pas la balle en leur disant qu'ils vont proposer cinq options parmi lesquelles choisir.
    Merci, monsieur Charbonneau. C'est compris.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions, en commençant par M. DeCourcey.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je poserai mes questions à Mme Dawood ce tour-ci, ou du moins je commencerai par elle.
    Revenant à l'idée de la légitimité démocratique — et vous avez mentionné certains des aspects que vous considérez importants —, avez-vous un processus ou des leçons à nous mentionner qui contribueraient à améliorer la légitimité de cette démarche et de ce processus durant la consultation des citoyens que nous entreprendrons dans quelques semaines?

  (1545)  

    Tout d'abord, je crois que c'est excellent que le comité consulte largement les Canadiens partout au pays. À mon avis, c'est très louable et cela se détache considérablement de ce que nous avons vu avec la Loi sur l'intégrité des élections. Il est très important que les Canadiens sentent qu'une voix les représente dans le cadre de ce processus.
    Une chose utile serait une sorte de mécanisme centralisé qui permettrait de découvrir exactement ce que pensent les gens. Compte tenu du nombre d'assemblées publiques qui sont tenues et de la diversité des conversations, il n'est pas toujours facile de déterminer clairement ce que disent ou pensent les gens. J'ignore si le comité a envisagé des façons de regrouper les renseignements ou de les rendre disponibles de sorte que nous puissions tous en bénéficier.
    Merci beaucoup.
    Revenant à l'idée des limites constitutionnelles éventuelles — et vous avez mentionné des arguments pour et contre la restriction de la capacité du Parlement de procéder à des changements —, y a-t-il des changements ou des choses précises que nous devrions prendre bien soin de ne pas toucher dans le cadre de certaines limites constitutionnelles, comme l'augmentation éventuelle du nombre de sièges, ou la distribution des sièges, ou encore la façon dont les circonscriptions sont représentées? Où seraient les limites, quand on parle de changement du système?
    Il y a certainement des règles imposées par la Constitution au sujet de la représentation ou de la répartition provinciale, et ces règles devraient être respectées. La plupart des principales propositions avancées, cependant, n'interviendraient pas dans ces principes de répartition, dans la mesure où ceux-ci seraient effectivement pris en compte, ce que je suppose qu'ils seront.
    D'autres limites constitutionnelles seraient, entre autres, faire en sorte d'établir une représentation efficace et une participation significative. Ce sont là des normes que la Cour suprême a établies dans sa jurisprudence. Là encore, je pense que toutes les propositions de réforme avancées ici respecteraient ces normes constitutionnelles également.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur DeCourcey.
    C'est maintenant au tour de M. Reid.
    Merci, monsieur le président.
    Je reviens à M. Broadbent pour mes questions.
    Pardonnez-moi de le dire, mais il n'y a certainement aucun mal à changer d'avis au cours des 12 années qui se sont écoulées depuis que vous avez fait ces commentaires et cité John Stuart Mill.
    Lui aussi a changé d'avis, soit dit en passant.
    Des voix: Oh, oh!
    Eh bien, cela explique peut-être pourquoi vous l'avez cité comme ayant dit deux choses contradictoires. Je ne vois pas comment on peut changer d'avis au sujet de déclarations factuelles concernant l'opinion de personnes d'autorité. Il y a 12 ans, vous avez cité les référendums et avez déclaré que cela répondait à ses valeurs; maintenant, vous dites à ce comité que ses valeurs sont tout autres. Vos opinions ont peut-être changé, mais à mon avis, on ne peut changer les siennes étant donné qu'il est mort et que cela semble un peu injuste.
    Je remarque qu'il y a 12 ans, vous avez aussi déclaré — et je cite ici un article que vous avez écrit dans Policy Options — qu'à votre avis, le meilleur système était une « question de référendum créée par des citoyens », et que vous vous fondiez pour cela sur le modèle de l'assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique. Nous pensons maintenant que des consultations quelque peu étendues ou un processus de délibération pourraient contribuer à obtenir l'approbation des gens, alors que pour la Colombie-Britannique, cela avait été considéré comme étant la première étape d'un processus à deux étapes, ce que j'avais pensé être une bonne idée et vous aussi, à l'époque.
    J'aimerais, en fait, vous interroger sur ce point: vous avez dit que les référendums divisent l'opinion, et pour appuyer votre déclaration, vous avez cité le référendum du Brexit. J'aimerais vous signaler que si vous tentiez de faire une analogie valide, ce serait si le gouvernement britannique avait pris la décision de quitter l'Union européenne sans consulter le peuple, parce que c'est effectivement ce dont il s'agit ici, le gouvernement ne tenant pas un référendum et décidant de changer le système électoral comme si le gouvernement conservateur de la Grande-Bretagne avait décidé de quitter l'Union européenne sans consulter le peuple. Cela aurait été illégitime.
    Vous dites que les référendums divisent l'opinion. Pourtant, quand je pense aux trois référendums qui se sont tenus au Canada, je vois une tout autre histoire. En 1992, un enjeu qui était sur le point de faire éclater le pays — l'échec de l'accord du Lac Meech et ses retombées — a été réglé par le truchement d'un référendum à l'occasion duquel les Québécois et la majeure partie du reste du pays ont voté contre la nouvelle proposition. Cela a paru préférable à voir le gouvernement l'appliquer tout simplement parce qu'il avait l'appui de la majorité des partis — en fait, de tous les partis — à ce moment-là.
    En 1942, nous avons eu un plébiscite sur la conscription. Bien qu'il ait révélé une profonde division, il nous a permis de faire face à cette division. Je crois que cela a été préférable à l'introduction de la conscription sans référendum en 1917, avec les émeutes que cette action a causées à Québec et ailleurs, mais surtout à Québec.
    En 1898, nous avons eu un référendum pour déterminer si le gouvernement fédéral devait interdire l'alcool, et cela a révélé une profonde division: le Québec était contre, et le reste du pays pour. Le résultat a été la décision de laisser les gouvernements provinciaux s'occuper de la question.
    Par conséquent, s'il y a des divisions, un référendum de consultation, le seul type de référendum que nous avons au Canada, révèle assurément le problème. Cela n'est-il pas préférable à l'imposition d'un système électoral qui pourrait avoir ou ne pas avoir l'appui du peuple qui ne dispose d'aucun autre moyen que des sondages pour indiquer s'il l'appuie, et à son imposition indépendamment de ce que disent les sondages pour la simple raison que lors de l'élection précédente un certain nombre de partis ont signifié qu'une réforme électorale — aucune réforme précise, simplement une réforme électorale en général — était une bonne idée?

  (1550)  

    Eh bien, pour reprendre vos propres paroles, s'il s'agissait « d'imposer » une option, je serais d'accord avec vous; toutefois, nous avons eu plus tôt une discussion, y compris avec notre collègue universitaire de Toronto, qui a fait ressortir certaines conditions de légitimité ne nécessitant pas un référendum, ainsi que des arguments que j'appuie.
    Mon opposition à un référendum n'est pas noire ou blanche. Je peux voir, comme je l'ai certainement mentionné plus tôt cet après-midi, des arguments en faveur d'un référendum. Il se trouve seulement que ce sont des arguments qui, à mon avis, sont plus faibles et ne s'appliquent pas au contexte actuel.
    Nous n'avons pas besoin d'un référendum pour obtenir la légitimité. Nous avons adopté — par nous, je veux dire le Parlement, historiquement — le vote pour les femmes sans un référendum. C'était, pour dire le moins, un énorme changement au système électoral.
    Si vous vous souvenez, le vote a été accordé à certaines femmes seulement. À mon avis, cela a été fait de façon illégitime. Plus tard, en 1918, après une élection au cours de laquelle seules certaines femmes qui étaient susceptibles de voter pour le gouvernement avaient été autorisées à voter, cela a été modifié. L'emploi de cet exemple particulier me laisse toujours perplexe.
    L'essentiel ici est qu'une décision importante concernant l'égalité entre les hommes et les femmes — laissant de côté les détails précis — a été prise sans l'aide d'un référendum, comme cela a été le cas du vote pour les Canadiens autochtones ainsi que du vote pour les Canadiens japonais et d'autres groupes qui avaient fait l'objet de discrimination. Nous, c'est-à-dire le système parlementaire, avons déjà pris de grandes décisions sans référendum. Dans la mesure où les exigences en matière de délibération, de consultation, d'examen des données et d'établissement d'un consensus sont respectées par ce comité, c'est la meilleure démarche à suivre.
    Je ne dis pas que ceux qui préconisent un référendum ont tout à fait tort. Je dis simplement qu'il y a deux arguments, deux séries de propositions différentes qui peuvent être envisagés pour ce changement, et il se trouve que je me place maintenant fortement d'un côté par opposition à l'autre.
    Merci.
    C'est au tour de M. Boulerice.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais émettre un bref commentaire avant de poser mes questions.
    Je pense qu'il serait bon de rappeler à tout le monde que le gouvernement conservateur précédent a changé la Loi électorale du Canada. Il a rendu le vote plus difficile et moins accessible. Il a aussi retiré le droit de vote aux citoyens outremer. En outre, il n'a jamais été question de référendum.
    Monsieur Charbonneau, je voulais vous dire que nous prenons bel et bien notre travail très au sérieux, ici. Le gouvernement libéral a pris l'engagement de changer le mode de scrutin, ce à quoi nous, au NPD, sommes férocement favorables. En effet, ce serait plus juste pour les citoyens, notamment du fait que les votes ne seraient pas perdus.
    Notre travail ici, au Comité, consiste à faire preuve de leadership et à soumettre des propositions en vue de changer le système. Le Parti conservateur est le défenseur du statu quo, mais je crois qu'il y a autour de la table des partis politiques qui représentent 63 % des électeurs et électrices. Ceux-ci ont voté pour des partis qui voulaient changer le mode de scrutin et améliorer notre démocratie.
    Monsieur Broadbent, il y a des institutions de type Westminster, mais il y a très peu de pays dans le monde qui fonctionnent encore selon le système « le premier remporte tout », qui crée ces distorsions dont on parle si souvent. Le coeur du modèle de Westminster est évidemment le Royaume-Uni. On a assisté dernièrement à des déconcentrations de pouvoirs en Irlande du Nord et à la création des Parlements régionaux au pays de Galles ainsi qu'en Écosse. Or ces gens ont dans tous les cas eu recours à un système proportionnel mixte. En Irlande du Nord, c'était même une condition à la déconcentration des pouvoirs. Ces gens devaient donc faire l'effort de s'asseoir et de travailler ensemble.
    À votre avis, comment pourrions-nous aller dans la même direction que nos cousins britanniques, écossais ou gallois?

  (1555)  

[Traduction]

    J'ai essayé de traiter un peu de ce point dans mes remarques précédentes. Mon expérience de député m'a appris à quel point il est important d'avoir un seul membre élu pour une région donnée. Quand il s'agit de ce que je qualifierais de question démocratique, qui mène inévitablement à une forme de RP selon laquelle tous les votes comptent également, on finit par s'unir et c'est, à mon avis, une bonne chose dans toute institution politique.
    J'ose dire à mes collègues conservateurs que je suis un conservateur quand il s'agit de pratiques institutionnelles. Dans l'ensemble, on ne change pas les choses par pur caprice, et quand on les change, il faut s'appuyer sur les structures institutionnelles qui existent déjà. La structure que j'aime est celle du député individuel; celle que je n'aime pas est celle du scrutin majoritaire uninominal à un tour qui déforme complètement la volonté démocratique. Si nous pouvons arriver à conserver la pratique du député individuel et ajouter à cela un système de RP, nous aurons alors le meilleur de tous les mondes.
    Dans ce contexte, durant l'après-guerre, ce système a été imposé à l'Allemagne par ceux qui ont gagné la guerre — Dieu merci. Il a eu une profonde incidence sur la société allemande d'aujourd'hui, qui est une société très pacifique et profondément démocratique. Je pense qu'elle a beaucoup à nous apprendre. Cette structure a vu le jour là-bas, puis a été reprise — pas forcément dans cet ordre — par la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, le pays de Galles et d'autres.
    Je crois que — je me répète, et je vais me taire — la combinaison du scrutin majoritaire uninominal à un tour et de la RP est exactement ce dont nous avons besoin. J'aurais aimé que mes collègues conservateurs en conviennent.

[Français]

    Il vous reste une minute, monsieur Boulerice.
     Merci.
    Monsieur Charbonneau, aux dernières élections de 2015, selon le nombre de députés élus et le nombre de voix obtenues, il a fallu en moyenne 37 700 votes pour élire chaque député libéral, 48 000 votes pour chaque député conservateur, 78 000 votes pour chaque député du NPD, 82 000 votes pour chaque député du Bloc et 602 000 votes pour le Parti vert. C'est l'Institut Broadbent qui avait sorti ces chiffres. Cela crée des distorsions qui ne sont pas acceptables. On voit bien que les électeurs ne sont pas égaux devant un tel système. Qui plus est, au Québec, à trois reprises, soit en 1944, en 1966 et en 1998, la volonté populaire a été complètement renversée par le mode de scrutin.
    Selon vous, peut-on continuer à vivre dans un tel système? Est-ce sain pour notre démocratie?
    Comme je l'ai dit au début, c'est malsain pour notre démocratie. C'est pour cela que, dans un texte en 1972, René Lévesque avait qualifié cela de démocratiquement infect. On est maintenant au coeur d'un débat sur la signification d'une démocratie représentative. Il s'agit d'un test visant à savoir jusqu'à quel point les gens sont intéressés par les institutions démocratiques et jusqu'à quel point les députés sont concernés par la valeur de la démocratie.
    Si cela n'intéresse pas certains députés ou certains partis, il vaut mieux qu'on le sache maintenant. Je crois que cette discussion sur le type de démocratie dans laquelle on veut vivre est fondamentale. La démocratie, ce n'est pas d'abord la règle de la majorité. La démocratie, c'est la possibilité pour tout le monde d'y trouver son compte, et si on n'a pas le choix, il faut passer au vote majoritaire, à la condition qu'il représente la majorité populaire.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Charbonneau, étant donné l'expérience que vous avez vécue au Québec quand on a tenté de réformer le mode de scrutin, mais elle s'adresse également à M. Broadbent et à Mme Dawood.
    Le Comité se réunit et nous entendons des gens à Ottawa. Les députés font des consultations dans leur circonscription. Nous allons faire une tournée du Canada en trois semaines. On nous demande de déposer notre rapport au début de décembre. De plus, le directeur des élections nous a dit qu'il fallait que le tout soit adopté d'ici le mois de mai, afin que les changements soient faits pour les prochaines élections.
    Est-ce réaliste?

  (1600)  

    Cela dépend de jusqu'où vous voulez aller.
    Ce qui est irréaliste, c'est qu'on se retrouve, comme c'est le cas au Québec, avec une réforme dont on parle depuis 1909. La meilleure façon de ne pas avoir de réforme est de trouver toutes sortes de prétextes pour ralentir le processus. Je crois que lorsque vous aurez fait votre travail, il vous restera une chose à faire: démontrer que vous êtes capables d'arriver à un compromis.
    Si chacun reste sur ses positions, vous aurez seulement fait la démonstration que les compromis sont très difficiles à atteindre dans notre système politique, car c'est un système de confrontation. Si une majorité d'entre vous est capable, publiquement, et éventuellement à huis clos quand vous serez en délibération, de choisir un mécanisme en fonction des principes dont on a parlé plus tôt et de certaines valeurs fondamentales sur lesquelles repose la démocratie, je crois que, de façon surprenante, vous pourriez arriver rapidement à quelque chose. Je crois que les citoyens en seraient heureux et fiers.
    Je suis un indépendantiste québécois, et je saluerais M. Trudeau n'importe quand s'il réussissait, lui et ses troupes, à faire alliance avec les autres partis et à réaliser un changement réel. Ce n'est pas seulement de promesses électorales qu'on a besoin, mais de suivis électoraux et de réalisations en regard des promesses. C'est cela qui va faire en sorte que les gens seront moins cyniques et qu'ils apprécieront la politique et leurs élus.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Broadbent?

[Traduction]

    J'ai perdu le fil. J'écoutais mon savant collègue avec tant d'attention que j'ai oublié la question.

[Français]

    Est-ce que les délais serrés sont réalistes?

[Traduction]

    Oui, je crois bien, et je crois que les fonctionnaires ont indiqué que si le rapport était déposé d'ici la fin de l'année civile, nous aurions le temps de mettre en oeuvre un nouveau système. Je respecte leur expertise et, à mon avis, le comité devrait pouvoir confortablement présenter une recommandation dans la mesure où celle-ci arrive d'ici la fin de l'année civile.

[Français]

    Quel est votre avis à ce sujet, madame Dawood?

[Traduction]

    Je crois que c'est ce qui se produira au cours des prochains mois qui déterminera si c'est réaliste ou non. Si le processus peut entériner pleinement les options et atteindre le plus grand nombre possible de Canadiens, c'est une façon de décider que c'est réaliste.
    En ce qui concerne la légitimité démocratique, il peut y avoir quelques inquiétudes à savoir si la perception sera que ce processus a été trop accéléré pour pouvoir atteindre chaque personne ou pour considérer toutes les options.
    Ce sont des questions auxquelles il est difficile de répondre. La perception est subjective, mais s'il y a une échéance artificielle, je serais moins en faveur de cela. Il serait mieux, à mon avis, de prendre le temps de mener les choses à bien et de veiller à ce que le processus soit inclusif et délibératif plutôt que de se précipiter vers une échéance prédéterminée.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Charbonneau, un peu plus tôt, vous avez parlé de l'Allemagne, qui utilise le mode de scrutin par liste dans une proportion de 50-50. Privilégiez-vous cette proportion?
    On préconisait plutôt — et on préconise toujours — une proportion de 60-40 pour le Québec, ce qui correspond au modèle écossais. Une courte majorité de députés serait formée de députés de circonscription, comme c'est le cas dans le système actuel, et la minorité de 40 % permettrait de réduire les distorsions attribuables au mode de scrutin actuel. Le directeur général des élections du Québec, dans son rapport de décembre 2007, a étudié la faisabilité et l'intérêt de cette formule. Il est arrivé à la conclusion que la proportion de 60-40 était bonne et qu'elle permettrait de réduire au maximum les distorsions, tout en faisant en sorte que les gens fassent la transition en partant d'un système qu'ils connaissent. Il ne faut pas partir de zéro.
    Seriez-vous favorable à ce que le Canada adopte ces mêmes proportions ou croyez-vous qu'il faudrait faire une étude comme celle que le directeur général des élections du Québec a faite?
    Je vous demanderais de répondre rapidement.
    On pourrait facilement adapter cela au Canada. Le directeur général des élections du Québec a donné son opinion. Je pense que vous pouvez aussi poser la question au directeur général des élections du Canada.
    Merci.
    Madame May, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je m'adresse à Mme Dawood et j'aimerais poursuivre sur la question de la légitimité.
    Selon vous, certains des mécanismes qui ajouteraient à la légitimité seraient, entre autres, une assemblée des citoyens ou des études supplémentaires, ou encore une commission.
    Nous avons parlé d'échéanciers et de nous dépêcher à atteindre une échéance artificielle pour changer notre système électoral. Nous avons eu un grand nombre de soubresauts dans notre poursuite de la réforme électorale, et je crois que cela provient d'un créneau d'intérêt politique très étroit au fil des ans. Un parti politique déclare qu'il est prêt à étudier la question, puis, très souvent, comme M. Broadbent l'a souligné, l'enthousiasme est bien moins fort une fois que le parti est au pouvoir.
    C'est en 1921 qu'un comité parlementaire s'est réuni pour la première fois pour examiner la possibilité de se débarrasser du scrutin majoritaire uninominal à un tour, et de le remplacer par la représentation proportionnelle. Nous avons eu depuis un grand nombre de comités parlementaires — M. Reid et M. Broadbent parlaient de 12 ans — mais nous avons aussi eu des assemblées de citoyens en Ontario et en Colombie-Britannique, et plus récemment le rapport de 2004 de la Commission du droit du Canada.
    Aucun de ces efforts d'examen d'une réforme électorale n'a recommandé que nous conservions notre mode de scrutin actuel. Certains ne sont arrivés à aucune conclusion, et la plupart ont recommandé une forme de représentation proportionnelle. À votre avis, le fait que nous ayons vu certains efforts historiques très récents au Canada ajoute-t-il un certain poids de légitimité?

  (1605)  

    Je crois que oui. Ce serait important, je crois, que le comité ressorte ces processus antérieurs — le rapport de 2004 de la Commission du droit du Canada ou tout autre rapport sur le sujet — pour appuyer ses recommandations dans son propre rapport.
    Certains autres témoins ont avancé une autre idée qui ne fait pas l'objet de beaucoup de discussion à la table ici,mais que je mentionne maintenant parce qu'elle m'intéresse; je demanderais à M. Broadbent et à M. Charbonneau de me répondre.
    Nous savons que le rapport du comité sera déposé devant laMinister Monsef, et qu'il fera l'objet d'un certain débat au Cabinet. L'objectif est d'avoir une loi d'ici le printemps 2017 pour que nous puissions respecter l'échéance que M. Mayrand estime importante. Comme élément de légitimité supplémentaire, pensez-vous qu'il serait possible de faire en sorte que le vote au Parlement exige une majorité qualifiée, plutôt qu'une faible majorité des députés en Chambre? Cela ajouterait-il au facteur de légitimité, à votre avis?
    Je vous pose la question, madame Dawood, puis je demanderais à M. Broadbent de répondre.
    Je crois que cela augmenterait certainement la légitimité. Je n'irais pas jusqu'à en faire une règle obligatoire. Je n'en ferais pas une exigence, mais s'il se trouvait qu'on obtienne une majorité qualifiée ou une majorité importante, j'estime certainement que cela augmenterait la légitimité démocratique du vote.
    Merci. Je demande aussi à M. Charbonneau puis à M. Broadbent de répondre.
    D'abord M. Charbonneau.

[Français]

    Je serai bref, madame May. Je crois que plus la majorité parlementaire reposera sur une majorité populaire, plus sa légitimité sera grande.

[Traduction]

    J'ai deux questions pour vous, monsieur Broadbent. Tout d'abord, que pensez-vous de l’idée d’une majorité supérieure à faible au Parlement dans le cas d'un vote pour la représentation proportionnelle?
    Il paraît clair que cela renforcerait effectivement la légitimité de la décision, mais cela ne me semble pas nécessaire. Ce qu'il faudrait, d'après moi, c'est que la décision soit le fait de plus qu'un seul parti.
    J'aimerais savoir si, selon nos collègues du Parti libéral, une telle mesure, adoptée uniquement par le parti au pouvoir, serait dénuée de légitimité, mais qu'elle serait effectivement légitime si elle était prise par la Chambre à une majorité qui reflète la distribution des votes et des sièges de député issus de la dernière élection générale. Une simple majorité de la Chambre englobant des voix d'autres partis conférerait d'après moi à une telle décision une légitimité suffisante.
    Je voudrais, monsieur Broadbent, vous poser une deuxième question, proposée, celle-ci, par une correspondante sur Twitter.
    Laurel Russwurm voudrait savoir pourquoi vous prônez un système de représentation proportionnelle mixte si votre souci est d'assurer que votre voix a bien contribué à l'élection d'un député. Le scrutin à vote unique transférable ne permet-il pas, lui aussi, d'assurer la nécessaire représentation locale?
    Oui, mais je préfère, par souci de simplicité, la représentation mixte. Vous déposez dans l'urne deux bulletins, un en faveur de votre député, et l'autre en faveur d'un parti.
    J'ai tenté de montrer, en répondant à la question de M. Reid, que sur la plupart de ces points, la question ne se pose pas en termes tranchés. Les deux côtés du débat se défendent, et cela vaut également pour les réponses apportées à votre question.
    Je vous remercie.

[Français]

     J'aimerais juste...
    Je m'excuse, monsieur Charbonneau, mais il ne reste que cinq minutes. Vous savez ce que c'est de présider.
    Je le sais, monsieur le président, et je respecte votre autorité.
    Merci.
    Vous pourrez toujours répondre à cette question quand vous aurez de nouveau la parole.

  (1610)  

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Sahota.
    Je vois que Mme May a soulevé plusieurs des questions que j'entendais moi-même poser. Elle a notamment évoqué la question de la légitimité, qui dépendra des décisions que nous allons prendre cette semaine et au cours des trois prochains mois.
    Dans les mois qui viennent, nous allons passer environ trois semaines en déplacement pour consulter la population des diverses régions de notre pays. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir un peu plus tard aujourd'hui, mais, selon vous, quelle forme ces consultations devraient-elles revêtir? Devrions-nous simplement recueillir l'avis des Canadiens? Devrions-nous organiser des sortes d'ateliers? Comment devrait-on, selon vous, engager le dialogue avec les citoyens?
    Votre question s'adresse-t-elle à moi?
    Oui, madame Dawood.
    Une des difficultés liées à la formulation de propositions en ce domaine est que tout régime électoral comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Chacun d'eux exige un certain nombre de compromis sur le plan des valeurs, et des résultats qu'il donne. Il serait utile, je crois, de savoir ce que les Canadiens privilégient au juste parmi les possibilités offertes par les divers types de régimes électoraux.
    C'est toujours un peu la question. Ce n'est donc pas que certains régimes sont mauvais, mais simplement que certains régimes donnent de meilleurs résultats sur certains plans. Il serait donc utile de savoir quelles sont les valeurs qui, aux yeux des Canadiens, paraissent prioritaires.
    Je voudrais maintenant poser une question à M. Broadbent.
    En matière électorale, vous accordez une importance particulière à l'équité, c'est-à-dire au fait que chaque vote exprimé soit pris en compte. Selon le régime mixte, qui a votre préférence, le représentant local serait élu au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Mais ce type de régime permet-il effectivement de prendre en compte chacun des votes exprimés? Ce type de régime n'exclut aucunement en effet le vote stratégique. Il demeure possible de voir élu un député qui ne remporte pas la majorité des voix. Il y a ainsi certains inconvénients qui ne peuvent pas être évités.
    J'insiste bien sur le fait qu'il existe en tout cela des avantages et des inconvénients et que tous les avantages ne se situent pas nettement du même côté. Selon moi, un des avantages qu'il y aurait à conserver, au niveau local, le scrutin majoritaire uninominal à un tour est que, dans la mesure où il est tempéré par une certaine représentation proportionnelle, les Canadiens seront davantage favorables à un nouveau régime qui ne comporte pas de changements trop nombreux par rapport à la situation actuelle. Ils ont en effet l'habitude d'élire leur député local selon un mode de scrutin qui est traditionnel.
    Mais, à ce niveau-là, le député local pourrait également être élu au scrutin préférentiel. Certains estiment que c'est un mode de scrutin plus démocratique, et l'argument n'est pas sans fondement. J'estime pour ma part que l'on pourrait, pour l'élection du député local, adopter l'un ou l'autre de ces deux modes de scrutin.
    J'aurais maintenant une question à poser à M. Charbonneau.
    Vous avez dit tout à l'heure que la question ne devrait pas être tranchée uniquement par un vote majoritaire du Parlement, à supposer que la question soit mise aux voix, mais qu'il faudrait également que la population se prononce. Mais comment ferait-on pour le décompte des voix? S'agirait-il de calculer le nombre de voix que chaque député aura recueillies dans sa circonscription, puis voir, à partir de cela, qui a obtenu la majorité des votes exprimés. Y aurait-il un autre moyen de procéder?

[Français]

    Si vos partis ont obtenu un appui populaire identifiable et qu'on calcule cet appui en le multipliant par le nombre de partis qui feraient une alliance ou s'entendraient sur un mécanisme, un ensemble de la population sera représenté au Parlement et exprimera son appui par l'entremise de ces représentations politiques.
    Comme je l'ai dit déjà, on ne gouverne pas par référendum chaque jour. On l'a bien souligné plus tôt. Toute une série de dossiers majeurs n'ont pas rendu nécessaire la tenue d'un référendum ou n'ont pas amené les élus ou les dirigeants politiques à se demander s'ils pouvaient moralement et légitimement agir. Ils l'ont fait parce qu'ils utilisaient leur majorité parlementaire.
    Qu'est-ce qui est plus illégitime: gouverner avec une minorité populaire et une majorité parlementaire, ou créer des consensus?
    Mme May a parlé du mode de scrutin préférentiel. Or la vraie question consiste à déterminer lequel des deux, entre un mode de scrutin de type préférentiel et un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, arrive à offrir la meilleure représentation politique aux citoyens. C'est ce qui est important. Il n'y a pas de système parfait, mais il y a des principes qu'il faut suivre.

  (1615)  

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Richards.
    Je vous remercie.
    Madame Dawood, j'aurais, à mon tour, une ou deux questions à vous poser.
    Vous avez évoqué, dans votre exposé, la consultation des citoyens ou le sondage de leurs opinions. Vous avez également évoqué les assemblées publiques actuellement organisées, et qui, selon vous, ne répondent pas au niveau de consultation, ni ne confèrent pas la légitimité qui résulteraient de plusieurs des autres solutions que vous avez évoquées, dont un référendum, une assemblée des citoyens ou la mise sur pied d'une commission à laquelle des citoyens seraient appelés à siéger. Selon vous ces autres solutions conféreraient une légitimité beaucoup plus grande.
    On a, lors des assemblées publiques organisées jusqu'ici, constaté un certain nombre de problèmes de nature à mettre en doute leur légitimité.
    Il y a notamment eu l'assemblée publique annoncée sur le site Web du Parti libéral. Un droit d'entrée devait être prélevé et versé au Parti libéral. Or, j'estime que...
    Non, ce n'était pas... Je ne pense pas qu'elle avait été organisée par un député.
    Monsieur le président, ai-je ou non la parole?
    Je voudrais néanmoins répondre car je ne pense pas qu'il se soit agi...
    Monsieur le président, ai-je ou non la parole?
    Monsieur Richards, c'est moi qui ai pour l'instant la préséance. Je tiens simplement à apporter une petite précision.
    Je ne pense pas qu'il s'agissait en fait d'une assemblée publique...
    Je ne pense pas qu'il nous appartienne ici d'engager sur ce point un débat avec la présidence, mais je vous remercie.
    Pardon?
    Je viens de dire que je ne savais pas que nous nous étions réunis ici pour débattre des différences de points de vue avec la présidence.
    Mais je ne débats de rien du tout. Je tenais simplement à apporter une précision.
    Ce n'est pas l'impression que j'avais, monsieur le président.
    Je tiens à préciser également, à l'intention de nos témoins, qu'il ne s'agissait pas d'une assemblée publique. Une invitation avait été lancée à 338 députés, mais, d'après moi, il ne s'agissait aucunement d'une assemblée publique. Je tenais simplement à le préciser.
    J'estime pour ma part qu'il s'agissait bien d'une assemblée publique et que ceux qui souhaitaient y assister étaient tenus de payer leur entrée. Reconnaissons que lorsque l'affaire a été ébruitée, le Parti libéral a retiré de son site Web l'annonce de la réunion.
    Mais nous avons par la suite entendu dire que certains se sont vu refuser l'entrée d'une assemblée publique simplement parce qu'ils ne s'étaient pas inscrits à l'avance.
    Je n'entends pas citer le nom du député en cause, car je ne veux pas en faire un débat de personnes, mais selon une tribune publiée dans le Vancouver Sun, une assemblée publique a bien eu lieu, au cours de laquelle une majorité des intervenants se sont déclarés en faveur d'un référendum avant même que le moindre changement soit apporté au mode de scrutin. Toujours selon cet article, les intervenants ont demandé, à plusieurs reprises au député s'il entendait faire savoir au premier ministre que ses électeurs estimaient devoir être consultés par référendum avant toute modification d'un régime électoral qui a, depuis plusieurs siècles, donné de bons résultats. Selon l'article « Il ne nous a pas répondu sur ce point ».
    Le temps nous manque pour citer plusieurs autres incidents qui porteraient, dans une certaine mesure, à mettre en doute la légitimité de ce type d'assemblée.
    Madame Dawood, vous avez dit, dans votre exposé, que:
Une réforme électorale est différente de l'adoption d'une loi ordinaire parce qu'elle fixe les règles de base qui permettent d'obtenir le pouvoir politique. C'est la raison pour laquelle le processus de réforme électorale doit respecter une norme très élevée en matière de légitimité démocratique.
    Puis, dans la Revue de droit de McGill, vous aviez écrit, et là encore je vous cite:
Si le gouvernement était à même de réformer unilatéralement nos institutions démocratiques, il pourrait tout aussi bien les réformer unilatéralement dans un sens anti-démocratique.
    Puis, dans un éditorial publié au début de cette année dans Options politiques, vous dites que:
    ... la modification du système électoral ne doit pas être simplement instaurée par le parti politique qui détient la majorité.
    J'entends simplement par cela rappeler que, comme vous l'avez vous-même dit, les citoyens doivent être invités à se prononcer. Le changement de régime électoral ne peut pas être simplement décidé par le parti qui détient la majorité des sièges au Parlement.
    Pourriez-vous en premier lieu nous dire si, selon vous, c'est effectivement là un principe important, et que les citoyens doivent être appelés à participer bien au-delà de ce qui peut se faire dans le cadre d'une assemblée publique. Êtes-vous d'avis que la question ne peut pas être simplement laissée à la classe politique? Êtes-vous d'accord que les citoyens doivent d'une manière ou d'une autre pouvoir participer aux décisions qui vont être prises, que ce soit dans le cadre d'un référendum, d'une assemblée des citoyens ou d'un autre mécanisme de consultation?

  (1620)  

    Permettez-moi de préciser que dans les travaux de recherche que vous avez cités, j'ai tenté de faire valoir un certain nombre de points. Je reviendrai dans quelques instants sur la participation des citoyens, mais ce qui m'a paru particulièrement important c'est combien il serait préférable de voir les divers partis politiques parvenir à un consensus. Une réforme majeure du régime électoral ne peut, en effet, pas être laissée au parti au pouvoir, quel qu'il soit. Une grande partie des travaux que vous avez cités était consacrée à la Loi sur l'intégrité des élections que le gouvernement précédent est parvenu à faire voter.
    Dans l'idéal, tout le monde serait appelé à participer à la décision. Les partis politiques auraient naturellement leur mot à dire. Élections Canada aurait lui aussi son mot à dire. Les citoyens seraient consultés car eux aussi ont un rôle à jouer, tout comme les divers groupements d'intérêts.
    Ainsi que je l'ai dit au début de mon exposé, aucune procédure particulière ne s'impose. Il s'agit, essentiellement, de prendre en compte le contexte afin d'assurer que le processus est légitime au regard de trois normes démocratiques, la neutralité politique, la consultation du public, et le débat. La question de la légitimité démocratique du processus ne dépend pas uniquement d'une chose.
    Je vous remercie.
    Mon intervention n'a pas eu pour effet d'abréger votre temps de parole.
    Bon.
    Je vous ai même accordé quelques instants de plus pour compenser le léger contretemps qu'a occasionné mon intervention. Mais il nous faut maintenant passer la parole à M. Aldag.
    Tout à fait.
    Il y a une question que je souhaiterais poser à M. Broadbent, et nous pourrons ensuite vous revenir, car vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à ce que j'ai dit plus tôt au sujet des valeurs. Or, je voudrais savoir ce que vous en pensez.
    Dans votre mémoire, vous évoquez plusieurs problèmes qu'un régime de représentation proportionnelle permettrait selon vous de régler. Vous citez notamment parmi eux la sous-représentation des femmes ou des minorités visibles et vous invoquez un plus fort taux de participation. Je suis d'accord avec vous sur ces points. De par leur conception, certains régimes électoraux permettraient en effet d'atténuer ces problèmes, mais il y aurait aussi, semble-t-il, d'autres moyens de procéder pour cela. On pourrait, par exemple, dans le cadre du régime actuel, instaurer, pour les candidatures, un système de quotas. D'autres solutions encore s'offrent à nous.
    Pourriez-vous, plus précisément, nous dire si la représentation proportionnelle est selon vous le seul moyen de régler certains des problèmes que vous avez évoqués. J'aimerais obtenir votre avis à cet égard ainsi qu'au sujet des valeurs qu'il conviendrait de privilégier.
    Je ne voudrais pas lasser les membres du comité en répétant ce que j'ai déjà dit au sujet des valeurs dont nous faisons état dans notre mémoire, et sur lesquelles la professeure Dawood s'est elle-même penchée. Je suis d'accord qu'il s'agit de valeurs de base qu'il convient de respecter. Je suis également d'accord pour dire qu'on ne peut pas, parmi ces valeurs, choisir celles que l'on va tenir pour essentielles. Cela forme une sorte d'assemblage et on ne peut pas espérer les voir toutes intervenir simultanément au même titre. C'est cela que je tenais à dire.
    Permettez-moi d'inverser les rôles. Je comprendrais fort bien si vous ne souhaitez pas répondre, mais êtes-vous d'accord que, selon un des arguments avancés, quel que soit le nouveau régime adopté, la décision ne doit pas être uniquement prise par le parti au pouvoir.
    Êtes-vous d'accord sur ce point?
    Eh bien compte tenu de la manière dont est structuré notre comité, et qui fait que nous recueillons l'avis des Canadiens, celui de nos collègues, et qu'au sein du comité nous n'avons pas la majorité, et étant donné qu'en vertu de cette structure...
    Je vous demande pardon, mais, quelle que soit la recommandation formulée par le comité, le gouvernement pourrait néanmoins...
    Qu'il me soit permis de rappeler...
    Je ne prétends pas parler au nom...
    Qu'il me soit permis de rappeler que ce n'est pas vraiment aux témoins de poser des questions, mais j'ai permis...
    Des voix: Oh, oh!
    Monsieur le président, il s'agit d'une discussion informelle au sein du Parlement. Il n'y a aucune obligation de répondre à la question.
    Monsieur Broadbent, il s'agit tout de même d'une séance officielle d'un comité spécial. J'ai autorisé la question par déférence, mais il convient maintenant de rendre la parole à M. Aldag.

  (1625)  

    Mais vous n'allez pas permettre que l'on réponde à la question.
    Des voix: Oh, oh!
    Madame Dawood, lors de la précédente série de questions, vous avez évoqué la notion d'inclusion. Or, je me demande pour ma part jusqu'où l'on doit aller. Nous avons, en effet, un calendrier à respecter. Selon vous, on ne devrait pas se sentir tenus par des délais arbitraires, mais si nous voulons respecter notre calendrier, il nous faut aller de l'avant.
    Nous avons prévu un certain nombre de séances. Les députés ont tous été invités à organiser des assemblées publiques, bien que l'on soit tous conscients que ce n'est peut-être pas la solution idéale. On a également demandé à chaque Canadien qui le souhaiterait d'exprimer son avis dans le cadre des consultations en ligne. Le site Internet est désormais ouvert et tous les Canadiens ont ainsi l'occasion de s'exprimer sur la question.
    En ce qui concerne la manière de procéder, que faudrait-il faire de plus? Le mécanisme prévu vous paraît-il légitime? Nous nous sommes donné un mal considérable. Selon vous, que devrait-on faire de plus?
    Tout dépend de la manière dont se dérouleront vos travaux.
    Si vos délibérations aboutissent à un consensus — et que l'on s'entend sur un projet auquel chacun peut souscrire, et si vous avez effectivement entendu le plus grand nombre de témoins possible, et consulté le plus grand nombre de Canadiens possible, vous pourrez estimer avoir fait tout le nécessaire.
    Si, cependant, le comité ne parvient pas à un consensus, il serait peut-être indiqué — et je ne fais là que vous présenter une idée — de décider, par exemple, qu'il y faudrait à étudier plus à fond deux des solutions éventuelles. Une commission serait alors chargée de choisir les deux solutions sur lesquelles il conviendrait de se pencher davantage. En l'absence de consensus, le processus se prolongerait donc quelque peu.
    Mais il serait bon que la plupart des partis politiques représentés au sein de ce comité spécial parviennent à s'entendre. Il serait selon moi suffisant que la loi soit adoptée par des députés qui représentent une majorité du vote populaire.
    C'est dire qu'il n'y a pas seulement une manière de procéder. Tout va en fait dépendre de ce que le comité décidera au cours des mois qui viennent, ainsi que du nombre de partis qui adhèrent au projet.
    Je vous remercie.
    La parole passe maintenant à M. Cullen.
    Merci, monsieur le président.
    J'étais en train de consulter le fil d'actualité de Twitter. Je tombe non pas sur une question posée par quelqu'un qui suit les délibérations du comité, mais sur quelqu'un qui sollicite un commentaire sur un essai que je suis moi-même en train de lire. Il s'agit d'un essai intitulé « Our Benign Dictatorship », écrit il y a un certain nombre d'années par M. Flanagan et M. Harper.
    Permettez-moi d'en évoquer un passage sur lequel je souhaiterais obtenir vos commentaires:
D'après les auteurs de cet essai, nous nous plaisons à penser que nous vivons dans une démocratie achevée, mais en fait nous vivons sous un régime à peine mieux qu'une sorte de dictature bonasse, pas vraiment dans un régime de parti unique, mais sous un régime de parti unique amélioré, rongé par le factionnalisme, le régionalisme et le copinage caractéristiques de ce type de régime.
    Voilà ce que M. Harper disait au milieu des années 1990, avant de tirer profit des avantages que ce système lui procurait, ce qui l'a peut-être porté à changer d'avis. Le correspondant de Twitter propose qu'à chaque fois que mes collègues du Parti conservateur prononcent le mot « référendum », on boive un verre. Ce ne serait pas d'après moi la solution.
    Permettez-moi de vous demander ceci. C'était à une époque où celui qui était alors premier ministre du Canada, estimait que nous vivons sous un régime de dictature bonasse. La situation actuelle exige me semble-t-il que le gouvernement ait le courage de mener à bien la réforme, l'honnêteté de ne pas truquer le nouveau système dans un sens qui l'avantage. Nous devons en outre tous avoir, ainsi que nous y invite M. Charbonneau, la modestie et le sens des responsabilités nous permettant de parvenir à des compromis qui, selon la professeure Dawood, renforceraient la légitimé des recommandations que le comité est appelé à formuler.
    Y a-t-il, dans ce que je viens de dire, ou dans le passage tiré de l'essai de M. Harper et de M. Flanagan, quelque chose qui vous paraisse déplacé?
    Je vais m'adresser en premier à M. Broadbent, puis à M. Charbonneau.
    Je voudrais d'abord revenir sur l'idée de dictature.
    Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les spécialistes de la question ont constaté que notre système parlementaire permet que le pouvoir soit de plus en plus centralisé au sein du bureau du premier ministre. Cela est vrai non seulement du Canada, mais également du Royaume-Uni et d'autres pays du Commonwealth.
    Il est vrai que notre système permet une telle centralisation, que facilite par ailleurs le scrutin uninominal à un tour et la virulence du débat politique. Cela est favorisé par le modèle parlementaire de Westminster avec le parti au pouvoir siégeant d'un côté, et les partis d'opposition de l'autre. D'autres pays démocratiques ont opté pour l'hémicycle, les partis siégeant côte à côte plutôt que face à face.
    Je suis porté à convenir avec M. Harper lorsque, dans une envolée lyrique, il parle de dictature. Notre système repose sur un certain nombre de principes — les droits garantis par la Charte, notamment —, mais notre système laisse effectivement la place à l'exercice d'une volonté politique et dans notre système, le premier ministre dispose d'un pouvoir excessif.
    La plupart des personnes qui ont pris la parole devant votre comité, dont moi et M. Charbonneau, reconnaissent qu'une réforme de notre régime électoral aurait notamment l'avantage d'aboutir à une vie politique plus consensuelle. Le premier ministre n'exercerait plus le pouvoir direct dont il jouit actuellement. Pour gouverner, il lui faudra vraisemblablement procéder davantage par consensus et s'entendre avec au moins un autre parti.
    Dans le même article, s'il s'agit bien de celui que j'ai lu, M. Harper et M. Flanagan prônent une forme de représentation proportionnelle. Ils estiment en effet que ce type de régime électoral a notamment pour avantage d'atténuer le pouvoir centralisateur du premier ministre. Cela me semble en effet souhaitable.
    Je répète que je félicite l'actuel premier ministre de son initiative en ce domaine, et j'ose espérer qu'il saisit bien les conséquences qu'entraînera la forme plus consensuelle de gouvernement qui pourrait résulter d'une recommandation de votre comité tendant à réduire le pouvoir surcentralisateur dont jouit actuellement notre premier ministre.

  (1630)  

    Quel est, monsieur Charbonneau, votre avis sur ce point?

[Français]

     À mon avis, un des enjeux de la réforme actuelle dont vous discutez est le changement de la culture politique. Si vous arrivez à changer celle-ci pour que l'on sorte un peu de cette dynamique de confrontation excessive et de partisanerie aveugle, tout le monde vous en sera reconnaissant et bénéficiera d'une nouvelle dynamique.
    Le système parlementaire britannique est apparu à la suite des abus de pouvoir du monarque, qui avait dirigé le pays de façon absolue pendant des siècles. Qu'est-il arrivé par la suite? Le monarque est devenu une sorte de bibelot et a cédé ses pouvoirs, en fait, au premier ministre, qu'il ne désignait plus, puisque celui-ci était désormais le chef du parti obtenant le plus grand nombre de sièges à la Chambre. Ainsi, on s'est retrouvé avec un système politique qui était encore une monarchie, sauf que c'était une monarchie élective.
    N'est-ce pas un abus de pouvoir que de gouverner avec une minorité de l'appui populaire, en plus d'utiliser des mécanismes parlementaires comme le bâillon pour mettre fin de façon abrupte à des débats et forcer l'adoption de projets de loi par des gens qui n'ont même pas la légitimité d'avoir été élus par l'ensemble de la population?
     Merci.
    Monsieur Rayes, vous avez la parole.
    Madame Dawood, lors des différents débats, on a beaucoup parlé de légitimité du processus. Comme le disait M. Charbonneau, dès qu'un autre parti politique s'associerait au gouvernement, en additionnant les pourcentages des votes obtenus par les partis, on obtiendrait plus de 50 % des votes. Cela donnerait une certaine légitimité au processus.
    Il me semble que lorsqu'on fait ce raisonnement, on prend un certain raccourci. On veut faire croire que tous les citoyens qui ont voté pour ces deux partis — supposons qu'il s'agit de deux partis — ont voté en toute conscience pour cet élément précis parmi une panoplie de propositions. Je ne pense pas que les citoyens, lorsqu'ils tracent un x sur un bulletin de vote, sont nécessairement favorables à toutes les propositions d'un parti politique.
    D'une part, il y a l'option de tenir un référendum, ce qui permettrait à tous les citoyens de se prononcer sur la proposition que le Comité aura faite. D'autre part, il y a l'option de se limiter à une coalition de deux ou trois partis, ce qui donnerait un semblant de légitimité. Y a-t-il une option qui est plus forte que l'autre?

[Traduction]

    Si j'ai bien compris la question, vous demandez si nous allons devoir procéder par référendum. Est-ce bien la question?

[Français]

    Non. Que préférez-vous: un référendum, qui permettrait d'avoir une plus grande légitimité puisqu'on demanderait à tous les citoyens de se prononcer, ou une situation où l'on additionnerait les votes obtenus par deux partis politiques, en s'appuyant sur le principe voulant que tous les citoyens qui ont voté pour ces partis étaient favorables à cet élément de leur programme respectif?

  (1635)  

[Traduction]

    D'après moi, la légitimité ne dépend pas d'un tel choix. Ce qui importe, c'est la démarche prise dans son ensemble.
    La tenue d'un référendum est un des moyens d'envisager la légitimité, mais, comme que je l'ai dit dans mon exposé, la légitimité n'exige pas la tenue d'un référendum. Ce qui m'inquiète au sujet du référendum, c'est que ce n'est pas quelque chose de politiquement neutre. La tenue d'un référendum tend en effet à jouer en faveur du statu quo, ainsi que l'ont montré les efforts engagés par les provinces pour réformer leurs régimes électoraux.
    Plusieurs raisons expliquent pourquoi les référendums ne donnent généralement pas les résultats voulus. Étant donné que les référendums ont tendance à favoriser le statu quo, je ne pense pas qu'il soit nécessaire en l'occurrence d'envisager d'y recourir. C'est en effet une solution qui plaît généralement aux tenants du statu quo ainsi qu'aux partis politiques qui souhaitent préserver le scrutin majoritaire uninominal à un tour.

[Français]

    Si ce référendum était perdu, cela voudrait-il nécessairement dire que les gens qui auraient voté auraient fait le mauvais choix? Si la population fait un choix différent de ce que préconisent les élus, devrait-on dire que le maintien du statu quo est un mauvais résultat?
    Il me semble que si les citoyens...

[Traduction]

    Comme beaucoup...

[Français]

    Allez-y.

[Traduction]

    D'après moi, le problème n'est pas tellement le risque de voir les personnes participant à un référendum se prononcer dans le mauvais sens. C'est plutôt que... Les travaux de recherche menés en ce domaine semblent démontrer l'insuffisance des moyens pédagogiques destinés à informer les gens des véritables enjeux d'un référendum. Ajoutons à cela que la population a plutôt tendance à se prononcer en faveur du maintien du système en place.
    Il faudrait, idéalement, assurer à chaque citoyen une formation de plusieurs mois, et disposer des infrastructures et des ressources voulues pour que chaque personne soit pleinement informée. Il pourrait falloir un an pour mettre en place tous ces moyens. Le référendum n'aboutirait alors pas nécessairement au maintien du système en place. Les votants ne se prononceraient pas nécessairement dans ce sens. Malheureusement, ce n'est pas comme cela que sont organisés la plupart des référendums. Généralement, l'information est totalement insuffisante. Notons que les délibérations de votre comité ont lieu pendant l'été, période où la population a tendance à moins s'intéresser à la politique. Cela veut dire que les enseignements tirés de vos travaux ne vont pas nécessairement parvenir jusqu'aux Canadiens.
    Les nombreux problèmes qui se posent en matière de pédagogie et d'accès font que, selon moi, la tenue d'un référendum ne s'impose pas en l'occurrence.

[Français]

     Votre temps de parole est écoulé, monsieur Rayes.
    Merci, madame Dawood.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer la parole à Mme Romanado, ce qui mettra un terme à cette deuxième et ultime série de questions.
    Je vous remercie.
    Je souhaite m'assurer que j'ai bien compris le sens de votre recommandation.
    Dans un système de représentation proportionnelle mixte, le député du lieu est élu directement par ses électeurs. Vous disiez tout à l'heure, monsieur Broadbent, que cette élection pourrait avoir lieu par vote préférentiel. Mais il y aurait, en plus, un député régional.
    Je cherche à mieux comprendre ce que cela donnerait en pratique. Faudrait-il, par exemple, redécouper les circonscriptions électorales? Faudrait-il augmenter le nombre de députés, ou, au contraire, le réduire? Je ne vois pas très bien comment cela se passerait ou dans quelle mesure cela compliquerait la situation.
    Pourriez-vous, l'un et l'autre, nous expliquer ce que cela donnerait?
    J'estime, pour ma part, qu'on pourrait adopter un tel régime sans modifier les circonscriptions électorales, mais je ne suis pas certain que ce serait le meilleur moyen de procéder. Il serait sans doute souhaitable de modifier dans une certaine mesure les circonscriptions électorales des divers députés même si cela n'est pas strictement nécessaire.
    Et puis, il y a l'aspect régional. Cela dépendra, comme nous l'avons dit tout à l'heure, de la répartition des voix. Si l'on s'entend sur une répartition 60:40 entre les députés locaux et la représentation régionale, on obtient, pour les circonscriptions, une taille différente de celle qu'appellerait une répartition 50:50. Les circonscriptions auront donc peut-être à changer de taille.
    La mise en place d'un nouveau système sera en effet complexe. C'est une évidence de dire que lorsque le comité se réunira pour étudier les diverses solutions qui se présentent à nous, il vous faudra consulter des experts coupables d'orienter vos travaux. À supposer que vous vous entendiez sur un certain nombre de principes, tel que celui de la représentation proportionnelle mixte, il vous faudra vous pencher sur les diverses variables et voir ce que cela implique quant à la taille des circonscriptions électorales.
    J'espère vous avoir répondu utilement.

  (1640)  

[Français]

    Je suggère aux membres du Comité de lire le rapport du directeur général des élections du Québec sur les modalités d'un mode de scrutin mixte compensatoire, qui date de décembre 2007. Ce rapport contient un résumé, que j'ai devant moi. Vous devriez avoir le document officiel. Ce rapport vous donnera beaucoup de réponses à des questions techniques que vous vous posez.
    Au Québec, si on avait fonctionné selon l'avis du directeur général des élections et selon l'avant-projet de loi qui avait été présenté, au lieu d'avoir eu 125 circonscriptions où un député aurait été élu selon le système uninominal à un tour, on aurait eu 75 ou 77 de ces circonscriptions et 50 circonscriptions régionales. En fait, il y aurait eu 50 députés régionaux. Au lieu d'avoir eu une seule liste pour l'ensemble du territoire québécois, on aurait pu avoir de 12 à 15 circonscriptions régionales. Cela signifie que, dans certaines circonscriptions régionales, la liste aurait pu être plus longue, selon leur importance. On aurait pu aussi essayer d'équilibrer les 12 ou 15 circonscriptions régionales pour que le poids des électeurs et celui des régions soient sensiblement les mêmes.
    Donc, il y a différentes modalités de scrutin mixte compensatoire, comme l'a expliqué le directeur général des élections du Québec. Autrement dit, vous n'avez pas à inventer le bouton à quatre trous. Des universitaires ont beaucoup travaillé sur ces questions, ainsi que des officiels au pays, dont le directeur général des élections. Ce dernier a rédigé un rapport substantiel après avoir étudié ces questions pendant un an dans un contexte non partisan. Vous devriez vous inspirer de cela, surtout si c'est autour de ce modèle que vous pourriez développer un compromis ou un consensus.
    Il vous reste 30 secondes.
    Monsieur Charbonneau, vous avez mentionné tout à l'heure que, du moment qu'un député est élu, il fait le travail. Donc, il n'y a pas de différence entre les députés régionaux et les autres.
    J'ai été élue avec 35 % des votes dans Longueuil—Charles-LeMoyne, mais je vous jure que je travaille quand même pour 100 % de la population.
    C'est sûr.
    Pour ma part, j'ai eu la chance d'avoir été élu six fois avec la majorité absolue. Une ou deux fois, je n'ai obtenu que 48 % ou 49 % des votes et j'en ai été très frustré, car j'aurais aimé obtenir la majorité absolue.
    Il faut tout de même faire attention. Selon la logique de la majorité absolue, on pourrait favoriser les deux tours ou les préférentielles. À mon avis, l'élément crucial est la juste représentation de l'électorat et de ses opinions dans l'enceinte parlementaire où ont lieu les délibérations et les choix politiques. C'est cela qui est fondamental.
     Merci beaucoup. Nous terminons là-dessus.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Madame Dawood, nous avons beaucoup profité de vos réflexions et de vos recherches, surtout en ce qui concerne la question de la légitimité.
    Ce fut un grand plaisir d'accueillir deux politiciens bien connus au Canada qui nous ont fait part de leur vécu et de leur sagesse relativement à cette question.
    Je vous remercie de vous être rendus disponibles au mois d'août.
    Le Comité va suspendre la séance pour cinq minutes. Nous irons ensuite à huis clos pour discuter de certains éléments des travaux du Comité.
    Je vous remercie de l'invitation, monsieur le président.
    Bonne journée. Au revoir.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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