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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 014 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 26 février 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bonjour. Bienvenue à la 14e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
    Je vous annonce le déroulement de la séance d'aujourd'hui. Nous allons recevoir quatre témoins. Mme Cairns devrait arriver sous peu, mais cela ne nous empêche pas de commencer notre réunion. De plus, nous devrons arrêter à 17 heures.

[Traduction]

    Je m’appelle Jadine Cairns. De ce côté, madame la présidente.
    Ah, je vous vois à présent. Toutes mes excuses.

[Français]

    C'est plutôt Mme Bonnie Brayton que nous attendons.
     M. Young a un rappel au Règlement.

[Traduction]

    Pourrait-on afficher les noms des témoins sur les écrans, ce qui faciliterait les choses?
    Nous le ferons, dans la mesure du possible. Sinon, je veillerai à bien identifier les témoins.

[Français]

    Je disais donc que nous allons terminer la réunion à 17 heures afin de nous donner le temps à la fois de présenter le rapport du sous-comité et de nous rendre à la Chambre pour le vote, car la sonnerie d'appel se fera entendre dès 17 h 15.
    Nous recevons M. Arthur Boese, qui est avec nous dans la salle. Mmes Josée Champagne et Jadine Cairns sont également avec nous par vidéoconférence. Je les remercie de participer à notre réunion.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par le témoignage de M. Boese, qui dispose de 10 minutes.
(1535)

[Traduction]

    Je vous remercie de m’avoir autorisé à vous présenter cet exposé. J’ai moi-même deux filles qui ont souffert de troubles de l’alimentation, et lorsque j’ai pris conscience de la gravité de ce genre de pathologie, je me suis senti en devoir de faire ce que je pouvais pour aider les personnes touchées à obtenir des soins appropriés, et en temps utile.
    C’est donc dans cette intention que je me suis mis en rapport avec le Dr Paul Garfinkel, du Centre de toxicomanie et de santé mentale. C’était au début des années 1980, et il était l’une des principales autorités nord-américaines en matière de troubles de l’alimentation, en même temps que président et PDG du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous avons tenu plusieurs réunions, à la suite desquelles il s’est déclaré intéressé par un éventuel partenariat avec ma société, Avalon Centers Inc. Cependant, il s’est aperçu qu’il ne pouvait rien faire tant que l’OHIP ne modifiait pas sa politique. C’est dans cette perspective que j’ai décidé d’ouvrir aux États-Unis un centre d’avant-garde intitulé Avalon Centers Inc. Eating Disorder Treatment Center, dans l’espoir de pouvoir, le moment venu, faire profiter les patients canadiens de cette initiative. Il s’agissait d’une approche multidisciplinaire envers les troubles de l’alimentation. Je précise que nous avions une association à but non lucratif intitulée Avalon R et D, et une société, à but lucratif, portant le nom de Avalon Centers Inc.
    Afin de pouvoir mettre au point un programme d’hospitalisation partielle se situant à la fine pointe de la pratique, il était nécessaire que notre équipe multidisciplinaire — constituée notamment de cliniciens extrêmement bien formés, psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, infirmières praticiennes, infirmières, mais aussi art-thérapeutes et yoga-thérapeutes —, puisse élaborer un protocole d’avant-garde. C’est à cette fin que nous avons largement puisé dans les vastes recherches du Dr Garfinkel. Compte tenu du nombre de cliniciens impliqués, cela représentait un processus extrêmement onéreux.
    Une fois le protocole mis au point, j’ai contacté Homewood à Guelph, plus particulièrement le Dr Eduardo Perez et April Gates, et nous avons tenu, au cours des mois suivants, toute une série de réunions riches d’enseignements dans une atmosphère amicale. Ils ont émis un contrat de partenariat avec Avalon, à la suite de quoi nous leur avons communiqué notre protocole confidentiel, qu’ils ont conservé pendant au moins quatre mois avant de décider de ne pas donner suite au partenariat.
    Nous avons participé à un grand nombre de réunions axées sur les troubles de l’alimentation, notamment en tant que membres de l’Association des troubles alimentaires du Canada, qui était alors présidée par le Dr Robbie Campbell. C’est au cours de l’une de ces manifestations, tenue à Toronto, que le Dr Blake Woodside nous a dit que l’on dénombrait environ 100 000 patients souffrant de troubles de l’alimentation en Ontario, dont 18 % avaient connu une issue fatale. Le principal traitement était à l’époque celui offert par Homewood à Guelph, mais avec une liste d’attente pouvant aller jusqu’à deux ans.
    L’OHIP consentait de temps en temps à nous envoyer des patients, en fonction de la personne responsable du dossier, mais si quelqu’un comme le député provincial Peter Kormos intervenait, alors la procédure était accélérée.
    J’ajoute que Bellwood, de Toronto, nous a également appuyés vigoureusement et nous a de temps en temps envoyé des patients.
    Une fois établis aux États-Unis, il nous fallait obtenir une licence auprès du Bureau de la santé mentale de l’État, et je puis dire avec orgueil que nous avons été les premiers à obtenir une licence d’exercice en tant qu’organisme autonome, quatre ans et demi avant que quiconque obtienne une licence dans l’État de New York, ce qui n’était pas un mince succès. C’est ainsi que nous nous sommes installés dans trois bâtiments différents, en hospitalisation partielle, en soins ambulatoires et aussi en foyer de groupe avec supervision complète sur deux postes; au total, nous avions une trentaine d’employés répartis sur quelque 4 000 pieds carrés, et nous traitions les personnes atteintes d’anorexie mentale et de boulimie, ainsi que quelques patients obèses.
    Nous avons par la suite collaboré avec Kevin Flynn, lequel a obtenu les fonds nécessaires pour que l’OHIP effectue un audit de nos principaux centres de traitement aux États-Unis, dont notre succursale de Avalon Centers Inc. à Buffalo. L’audit a démontré que nos prestations étaient de la meilleure qualité et supérieures à celles de la plupart des centres américains. En outre, nous étions à peine à deux heures de route de Toronto. Malgré cela, l’OHIP n’a pas pu nous adresser de patients.
    Nous avons tenu un grand nombre de réunions avec quelques 20 sénateurs et représentants élus afin d’obtenir leur appui aux États-Unis. J’ai étroitement collaboré avec le sénateur Joseph Bruno, chef de la majorité, et avec le sénateur George Maziarz de Lockport, qui nous avaient promis l’édification d’un centre d’une surface de 20 000 pieds carrés. Des plans détaillés avaient même été établis et le terrain choisi, mais les fonds ont manqué en raison de la récession économique aux États-Unis.
    Étant donné que nous parlons ici de troubles d’origine mentale, j’ai essayé d’aider les patients à bénéficier d’une assurance médicale. À cette fin, je me suis rendu à Washington pour tenter de leur obtenir la parité de statut avec les bureaux de santé mentale. C’est là que j’ai rencontré par hasard une collègue, Kitty Weston, du Minnesota, à qui j’ai raconté que j’avais contacté le bureau de la sénatrice Hillary Clinton et que cette dernière devait venir visiter les locaux d’Avalon. Malheureusement, il y a eu l’attentat du 11 septembre 2001. Cependant nous avons eu, ma femme et moi, la chance de rencontrer Hillary Clinton à Washington et de recevoir son plein appui.
(1540)
    Nous avons ensuite passé avec le Dr Thomas Rosenthal, titulaire de la Chaire de médecine familiale à Buffalo, dans l’État de New York, un accord en vertu duquel tous les médecins à la veille d’obtenir leur diplôme dans l’ouest de l’État de New York recevraient une formation dispensée par nos cliniciens en matière de troubles de l’alimentation, étant donné que cela manquait à leur programme d’études.
    Je peux dire que grâce aux efforts que j’ai déployés, sans autre source de financement que mes propres fonds, notre équipe multidisciplinaire de traitement en hospitalisation partielle a sauvé un millier de vies pendant les 11 années qu’a fonctionné le programme. L’expérience a démontré que les jeunes patients réagissent mieux au traitement en centre autonome que dans un contexte hospitalier.
    Compte tenu de mon expérience, je serais heureux d’aider à la mise en place de centres analogues au Canada.
    Le tout respectueusement soumis.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous passons à présent à Mme Brayton, pour 10 minutes.
    Malheureusement, étant donné que j’ai dû préparer l’exposé et l’imprimer en toute hâte, je constate qu’il y manque quelques pages. Je commencerai par dire combien je vous suis reconnaissante d’avoir invité le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada — le RAFH — à intervenir devant votre comité, et je m’exprime au nom de notre présidente, de notre conseil d’administration, de nos membres et de notre personnel. Je voudrais également commencer par rendre hommage au peuple algonquin, sur le territoire duquel nous nous réunissons aujourd’hui.
    Notre exposé vise à vous présenter la perspective qui est propre au RAFH. Nous souhaitons enrichir le débat en proposant un prisme d’observation des troubles de l’alimentation mettant en relief le handicap, la vision féministe et l’imbrication des pathologies, tout en privilégiant les interventions concrètes découlant de ces délibérations.
    L’article 6 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées désigne les femmes et les filles comme méritant un intérêt particulier…

[Français]

    Madame Brayton, étant donné qu'il vous manque des pages, désirez-vous qu'on passe à un autre présentateur, le temps de remédier au problème?
    Oui, si possible, j'aimerais y avoir accès pour les imprimer.

[Traduction]

    Si les autres témoins sont prêts, je pourrais peut-être demander à Mme Champagne de faire son intervention.

[Français]

     Madame Champagne, vous disposez de 10 minutes.
    D'abord, moi aussi, j'aimerais vous remercier de me recevoir aujourd'hui. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici. J'aimerais également vous remercier de mener cette étude sur le problème des troubles alimentaires. C'est vraiment très important.
    Depuis 14 ans, je suis directrice générale d'un organisme qui s'appelle Anorexie et boulimie Québec, ou ANEB. C'est un organisme à but non lucratif qui, depuis plus de 25 ans, dispense des services aux personnes atteintes d'un trouble alimentaire et à leurs proches, partout au Québec.
    Notre organisme garantit une aide gratuite, ponctuelle et spécialisée aux personnes qui souffrent de troubles alimentaires et également à leurs proches. Nous offrons un service de lignes d'écoute et de référence, plusieurs groupes de soutien, des interventions en ligne, des activités de prévention ainsi que de la formation professionnelle. Durant les 14 dernières années, j'ai vu et constaté à maintes reprises l'importance des ressources communautaires comme ANEB dans le continuum de services d'aide aux personnes qui souffrent de troubles alimentaires.
    Les troubles alimentaires sont des problèmes de santé publique très préoccupants de par leur prévalence qui est en hausse, mais également de par leurs différentes manifestations qui sont peu connues et qui passent souvent inaperçues, dont l'anorexie, l'hyperphagie boulimique et la bigorexie.
     Ces troubles alimentaires, comme vous l'avez sûrement entendu des nombreux témoins qui sont passés devant vous, ont de nombreuses répercussions psychologiques et physiologiques sur la personne atteinte. S'ils ne sont pas traités, ils peuvent mener à la mort. Malheureusement, nous avons été confrontés à ce type de situation pendant les dernières années.
    Malgré cette situation extrêmement alarmante, il existe au Québec très peu de ressources spécialisées pour les troubles alimentaires. Un petit nombre de ressources existent et elles appartiennent au domaine public. Les places disponibles pour les personnes qui souffrent de troubles alimentaires dans les hôpitaux sont très limitées, soit environ de 10 à 12 lits à la grandeur du Québec.
    Pour les adultes, le délai d'intervention pour obtenir des soins spécialisés de troisième ligne pour les troubles alimentaires est particulièrement long. De nombreuses personnes peuvent attendre des mois, voire un an ou parfois plus, selon la gravité de leurs troubles alimentaires. Lorsque l'on est en détresse, quelques jours, c'est long. Imaginez quelques mois, voire une année. Les ressources pour les gens touchés par cette maladie sont clairement insuffisantes.
    Devant cette attente, certaines personnes choisissent de se tourner vers les ressources privées afin d'obtenir une aide spécialisée. Par contre, ces ressources peuvent également avoir des listes d'attente considérablement longues et exiger des frais importants pour les services offerts. L'accessibilité à ces services n'est donc pas possible pour la majorité des gens qui souffrent de troubles alimentaires.
    Lorsqu'il est question du traitement de troubles alimentaires au Québec, on peut parfois avoir l'impression qu'il existe un système de santé à deux vitesses. Il y a le système privé et le système public. En ce moment, au Québec, plusieurs professionnels des ressources publiques tentent de pallier ce manque de ressources pour répondre à la demande. Par contre, la triste réalité démontre que peu de professionnels ont une connaissance suffisante de ces troubles pour être en mesure d'intervenir efficacement.
    Il existe un autre problème majeur qu'il est important de souligner. C'est que la majorité des soins disponibles sont dans les grands centres urbains. En région, les gens disposent de peu de ressources, se sentent souvent isolés, incompris et ont l'impression d'être seuls à souffrir de ces troubles.
    On sait que de plus en plus de personnes vont souffrir d'un trouble alimentaire, et ce, de plus en plus jeunes, et que les conséquences physiques et psychologiques sont graves. Il y a de plus en plus urgence d'agir.
    Toutes ces années à travailler à ANEB m'ont permis de constater qu'encore bien des préjugés entourant la maladie persistent. Combien de fois avons-nous entendu des commentaires soutenant qu'une personne n'a qu'à manger, que c'est un caprice, que les troubles alimentaires touchent seulement les filles, qu'une personne ne souffre pas d'anorexie parce qu'elle n'est pas assez maigre, et j'en passe.
(1545)
    Cette incompréhension de la maladie et les fausses idées à son sujet se constatent même parfois chez les professionnels de la santé qui ne sont pas formés ou informés à ce sujet. Des patients sont renvoyés à la maison quand ils ne sont pas suffisamment maigres, parce que, selon le personnel soignant, ils ne présentent pas de signes physiques évidents associés à la dénutrition. Croyez-le ou non, en 2014, nous voyons encore cela.
    En plus des nombreux préjugés qui persistent, la maladie reste encore taboue, et ce, même en 2014. Les gens ont honte d'aller chercher de l'aide. Ils ont peur d'être jugés. La maladie est davantage taboue chez les hommes.
    Qu'en est-il des proches et des membres de l'entourage? Les proches des personnes atteintes sont souvent démunis et impuissants face à la maladie. Ils se sentent peu informés, peu intégrés au traitement, peu soutenus dans leur souffrance. Ils ne se sentent pas outillés pour aider leur être cher.
    Au cours de la dernière année, plus de 750 proches de personnes aux prises avec un trouble alimentaire ont joint la ligne d'écoute d'ANEB pour obtenir du soutien, et plus de 300 personnes se sont tournées vers des groupes de soutien pour avoir de l'information juste.
    À la suite de cette réflexion, nous avons quelques recommandations à faire au comité.
    Tout d'abord, il serait important d'améliorer l'accessibilité aux services de soutien spécialisés dans la communauté, afin d'assurer un accompagnement adéquat et rapide des personnes qui sont en attente de soutien, mais également après que le traitement a été reçu.
    Il serait aussi important de consolider le financement des organismes qui oeuvrent auprès de cette clientèle, afin que les énergies puissent être consacrées à la mise sur pied de l'aide plutôt qu'à la recherche de financement. C'est ce que vivent souvent les organismes communautaires.
    Il serait également important d'augmenter le nombre de campagnes de sensibilisation et d'information qui ciblent précisément la maladie. Le fait de s'intéresser davantage à ce problème aiderait grandement à réduire la discrimination et la stigmatisation que vivent les personnes souffrant d'un trouble alimentaire. En outre, il serait bon de trouver des personnalités connues qui ont souffert d'un trouble alimentaire et qui accepteraient de parler de leur expérience de la maladie.
     Il serait également essentiel d'augmenter l'accessibilité des divers professionnels aux programmes de formation, afin qu'ils détectent les troubles alimentaires de façon plus rapide et plus efficace. Ces formations doivent cibler un nombre beaucoup plus élevé de professionnels, car ils sont nombreux à être susceptibles de faire face à ces cas. Je parle non seulement des professionnels de la santé, mais également des professionnels dans les écoles et des entraîneurs sportifs. Il faut augmenter ce nombre le plus possible.
    Il serait également important d'outiller davantage les professionnels, afin qu'ils puissent intervenir de façon plus efficace et plus adéquate auprès de la clientèle. Cela aiderait grandement à réduire les listes d'attente pour les services de troisième ligne et à offrir des services dans la communauté.
    Il y aurait lieu d'intervenir de plus en plus par l'entremise des programmes de prévention dans les écoles, qui seraient basés sur des données probantes de recherche, et de former des pairs aidants qui pourraient dépister les jeunes dans les écoles.
    Cela termine ma présentation. J'espère que cela vous aidera dans votre étude sur les troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes.
    Je vous remercie de votre écoute.
(1550)
    Merci beaucoup, madame Champagne.
    Nous allons maintenant passer à Mme Jadine Cairns, de l'Association des troubles alimentaires du Canada, qui dispose de 10 minutes.

[Traduction]

    Merci.
    Je vous souhaite une bonne après-midi. C’est pour moi un honneur et une joie de pouvoir contribuer à votre étude sur les troubles de l’alimentation au Canada. Comme il a été dit, je suis présidente de l’Association des troubles alimentaires du Canada (ATAC) pour l’année 2014. J’exerce le métier de diététiste enregistrée et je travaille depuis 25 ans dans le domaine des troubles de l’alimentation.
    J’ai passé en revue les comptes rendus des réunions que vous avez tenues jusqu’ici et je dois dire que je me félicite de l’intérêt que porte le gouvernement du Canada aux difficultés que connaissent les personnes atteintes de troubles d’alimentation ainsi que leurs familles. Voilà 25 ans que je me penche sur ces problèmes et je dois dire non seulement qu’ils sont une source de grandes souffrances, mais que l’on manque de moyens pour les combattre.
    Je travaille actuellement dans un centre de soins tertiaires, dans le cadre du Programme de traitement ambulatoire des troubles de l’alimentation à l’Hôpital pour enfants malades de la Colombie-Britannique, et j’ai en outre une pratique privée en tant que spécialiste des troubles de l’alimentation. Au cours de mes 25 années de carrière, j’ai eu l’occasion de participer à la mise sur pied de programmes de traitement hospitalier mais aussi de travailler dans des cliniques de soins ambulatoires, et de mettre au point des programmes de traitement en résidence des troubles de l’alimentation. J’ai même été directrice d’un camp pour personnes souffrant de troubles de l’alimentation en Colombie-Britannique. Chaque année, je donne un cours d’environ deux heures à des étudiants des facultés de médecine et de soins dentaires, et je leur parle de nutrition des adolescents. Je crois que l’on peut reconnaître, s’agissant de nutrition des adolescents, que le gros problème en Amérique du Nord tourne autour des troubles de l’alimentation et de l’obésité, et je m’intéresse particulièrement à cette dernière. J’ai d’ailleurs fait partie pendant deux ans de l’équipe qui s’occupe de l’obésité pédiatrique à l’Hôpital pour enfants malades. Je pense qu’il y a beaucoup de chevauchements et je connais d’autres personnes qui sont intervenues sur le même thème.
    J’en viens à l’Association des troubles alimentaires du Canada, qui est très jeune, puisqu’elle a été constituée en 2009 par des professionnels de la question qui tenaient à fonder une association strictement canadienne. Notre mandat consiste à déterminer les meilleures façons de venir en aide aux personnes dont la vie est affectée par les troubles de l’alimentation. Nous sommes tous des professionnels de la santé et des troubles de l’alimentation et nous agissons à titre purement bénévole. C’est seulement l’an dernier que nous avons pu engager du personnel de soutien, mais seulement de façon limitée et à temps vraiment partiel. Il nous fallait en effet recourir aux services d’un administrateur de site Web et nous doter d’un certain soutien administratif, mais je précise que jusqu’à la même période de l’an dernier, toutes ces fonctions étaient occupées par des bénévoles.
    La composition de notre conseil d’administration mérite la description: nous couvrons l’ensemble du pays et représentons un grand nombre de disciplines. Je suis moi-même diététiste, mais nous avons parmi nous des pédiatres, des psychologues et des travailleurs sociaux, et un comité de nominations par élection. Nous essayons, de mettre en œuvre le principe selon lequel la meilleure démarche, pour traiter les troubles de l’alimentation, est la démarche multidisciplinaire. L’ATAC se distingue par le fait que nous essayons vraiment d’appliquer une telle démarche.
    Notre association s’est fixé quatre objectifs spécifiques: en premier lieu, nous former les uns les autres en matière de pratiques exemplaires; deuxièmement, encourager l’échange d’informations entre nos membres à propos des problèmes posés par le traitement des troubles de l’alimentation; troisièmement, promouvoir une approche basée sur la réflexion et la sensibilité en matière de soins mais aussi entre les personnes qui dispensent ces derniers; et, quatrièmement, stimuler et appuyer la recherche dans le domaine des troubles de l’alimentation.
    Notre première présidente a été la Dre Leora Pinhas, que vous connaissez. J’ajoute que nombre des pères et mères fondateurs de l’EDAC-ATAC sont les mêmes personnes enthousiastes et visionnaires qui sont intervenues devant vous, dont le Dr Woodside et la Dre McVey, pour ne mentionner que ces deux noms.
    Afin de nous acquitter du mandat de notre association, nous éditons trois bulletins par an et nous tenons, chaque année, une conférence nationale. Nous ne pouvons guère faire plus, compte tenu des limites de nos ressources. Notre conférence nationale de cette année se tiendra à Vancouver et aura pour thème l’innovation et l’intégration dans le cadre des troubles de l’alimentation.
    En ma qualité de présidente de l’EDAC-ATAC, c’est moi qui dirigerai cette conférence. Nous espérons offrir ainsi une tribune aux nombreux professionnels du traitement des troubles de l’alimentation provenant du pays tout entier afin qu’ils puissent se réunir, échanger des informations et s’encourager mutuellement dans leurs contextes respectifs d’exercice de notre métier. Nous avons prévu des conférenciers de référence qui traiteront de la prévention comme du traitement, et l’une de nos séances plénières sera entièrement consacrée à l’examen des lignes directrices nationales encadrant le traitement des troubles de l’alimentation. Tout cela constitue une véritable passion pour un grand nombre de nos membres, comme l’ont démontré les exposés précédents.
    J’ai la chance de vivre dans une province, la Colombie-Britannique, où nous tenons à assurer la continuité des soins concernant les troubles de l’alimentation.
(1555)
    Certes, tout n’est pas parfait et il reste bien des lacunes dans notre action, qui ont d’ailleurs été évoquées par les témoins précédents. Ainsi, il n’existe pas de programme de traitement en résidence alors que c’est une chose nécessaire, notamment pour les jeunes personnes atteintes de troubles de l’alimentation. À titre d’exemple, nous avons en ce moment une patiente âgée de 13 ans qui n’a pas réussi à rester dans l’unité de soins ambulatoires et que nous hébergeons en soins hospitaliers. Elle a été admise à cinq reprises au cours des deux dernières années, alors qu’elle n’a que 13 ans. Elle n’obtient pas les soins qui lui seraient dispensés si elle était admise plus longtemps, mais c’est tout ce dont nous disposons. Si nous avions un programme de patients en résidence, avec des périodes de traitement plus prolongées, cela conviendrait beaucoup mieux.
    Nous avons également, en Colombie-Britannique, des services de soins secondaires pour les enfants et les adolescents. Ces services sont basés sur la thérapie familiale, selon le modèle Maudsley, dont les résultats confirment l’efficacité et qui a réussi à réduire le besoin en soins tertiaires plus intensifs. Nous avons pu le constater de façon concrète étant donné que lorsque nos intervenants opèrent dans ces collectivités selon les modalités de la thérapie familiale, nous voyons diminuer le flux de personnes aiguillées vers les centres de traitement intensif. Cependant, lorsqu’il y a des coupures budgétaires, que le programme est suspendu ou que les jeunes restent inscrits sur une liste d’attente pendant un an — ce qui est ridicule à leur âge — nous avons d’un seul coup un afflux massif de personnes dirigées vers les programmes de traitement intensif.
    Je voudrais à ce propos citer le remarquable document établi par Alisa Harrison pour le compte du gouvernement de la Colombie-Britannique, qui passe en revue la littérature spécialisée et fait le point de la situation. Ce document très détaillé, publié en 2011, cite justement ce problème dans le cadre d’un panorama mondial des écrits spécialisés.
    Nous nous efforçons, en Colombie-Britannique, d’assurer la continuité du traitement des troubles de l’alimentation. Ce sont deux aspects que je souhaitais souligner, en évoquant aussi le rôle que pourrait jouer l’ATAC.
    Je pourrais vous en parler encore pendant une vingtaine de minutes, mais si vous souhaitez un complément d’information sur le tableau actuel des troubles de l’alimentation en Colombie-Britannique, vous pouvez vous adresser à la Dre Connie Coniglio, l’une des directrices de notre programme de traitement des troubles de l’alimentation à l’Hôpital pour enfants malades, qui est également l’une des responsables en matière de santé mentale et de toxicomanie. Voilà qui vient s’ajouter au document d’Alisa Harrison dont je vous ai parlé.
    Je voudrais citer un deuxième document, également très détaillé: il s’agit des lignes directrices en vue de la continuité du traitement des troubles de l’alimentation en Colombie-Britannique. Ce document de suivi, dont l’auteure est la Dre Josie Geller, en est encore au stade d’avant-projet. Je pense que la Dre Geller figure sur la liste des témoins à comparaître devant votre comité. Là encore, je pourrais vous parler longuement des lignes directrices concernant le traitement clinique qu’elle a compilées. Je m’en abstiendrai par manque de temps, mais je tiens le document à votre disposition si vous le souhaitez.
    Je voudrais, en quelques minutes, vous parler de l’une des expériences les plus gratifiantes de ma pratique privée en tant que spécialiste des troubles de l’alimentation. Étant donné que j’exerce depuis longtemps dans ce domaine en Colombie-Britannique, il est fréquent que l’on dirige des patients vers moi. Ainsi, je reçois des appels désespérés de parents qui ne savent plus à quel saint se vouer. Or, comme je connais bien les différents régimes, je sais où ils pourront obtenir des soins gratuits, ce qui leur évite d’avoir à payer pour le traitement comme cela serait le cas dans ma pratique privée. Je suis très heureuse lorsque j'arrive à leur procurer les soins voulus en temps utile. Il m’arrive parfois de leur donner un traitement de soutien pendant qu’ils sont sur la liste d’attente du programme local.
    Je sais que l’on parle beaucoup, en ce moment, de donner des ressources appropriées aux médecins généralistes et de leur dispenser une formation adéquate, et je pense que c’est là quelque chose d’important. Je me trouvais justement aujourd’hui dans le cabinet de mon médecin, et il m’a déclaré: « Lorsque je reçois une personne souffrant de troubles de l’alimentation, je prévois une séance plus longue… Je veux dire une séance de 10 minutes au lieu des sept minutes habituelles. » Écoutez, c’est presque risible de s’entendre dire que l’on dispose de 10 minutes pour venir en aide à un patient souffrant de troubles de l’alimentation et à sa famille. Et il a ajouté: « Une fois que je les ai reçus, il faut que je passe au moins une demi-heure, voire plus, sur mon propre temps, pour essayer de trouver le lien entre ces patients et les ressources disponibles. » C’est pourquoi je tiens tellement à mettre au point cet instrument qui permettrait, à l’échelle nationale, aux personnes concernées de savoir exactement à qui s’adresser. Ce serait un résultat formidable.
    Avant de conclure, et pour avoir passé en revue tous les comptes rendus des audiences de votre comité, je voudrais vous parler du message qui est transmis en matière de soins de santé. Chacun sait que la nutrition et l’activité physique sont des volets très importants des campagnes de promotion de la santé. Mais je voudrais dire que pour la population qui nous intéresse ici, et en particulier pour les personnes atteintes d’anorexie mentale, les messages qui sont diffusés en matière de santé sont souvent portés jusqu’à leurs conséquences les plus extrêmes.
(1600)
    J’illustre mon propos par un exemple. J’ai, parmi les patients de mon programme, une adolescente de 12 ans. Lorsqu’on me l’a amenée, elle était à 60 % de son poids normal, son rythme cardiaque tournait autour de 30 pulsations/minute, elle avait un problème de valve cardiaque et sa coloration était bleue. Et pourtant, lorsque nous avons voulu la mettre à un régime alimentaire sain et lui donner des compléments nutritionnels, nous l’avons effrayée parce qu’elle craignait que ces aliments ne contiennent des matières grasses, y compris les jus. Elle était d’ailleurs plus qu’effrayée, elle était épouvantée, et j’ajoute qu’une fois enfermée dans sa chambre, elle faisait secrètement des exercices. Elle avait donc assimilé le message que les matières grasses sont mauvaises pour la santé et que l’exercice fait toujours du bien. En d’autres termes, elle avait poussé les messages diffusés en matière de santé jusqu’à leurs conséquences les plus extrêmes. Je n’ai pas besoin de préciser qu’au stade où elle en est, les matières grasses sont tout à fait indiquées pour elle et que l’exercice est inutile, voire nocif.
    C’est pourquoi je pense que nous devrions analyser les messages qui sont diffusés dans le public et prendre conscience du risque que peut comporter la phobie de l’obésité ou une campagne très poussée de prévention de l’obésité. Je pense que cela risque de fausser la perception du public en général et peut-être même celle des professionnels de la santé et des médecins de famille.
    Merci beaucoup, madame Cairns, de votre témoignage.
    Vous aurez peut-être l’occasion de donner davantage de détails pendant la période de questions.
    Je donne à présent la parole à Mme Brayton pour 10 minutes.
    Encore une fois merci de m’avoir permis d’aller faire imprimer correctement mon document.
    Ma présidente a largement pris le temps d’examiner les témoignages précédents, et cela a sans aucun doute influencé les préparatifs de l’audience d’aujourd’hui.
    Comme vous l’a déjà expliqué le NEDIC — National Eating Desorder Informations Center/Centre national d’information sur les troubles alimentaires —, un trouble de l’alimentation se présente de façon polymorphe. Il concerne surtout les femmes, mais également les hommes; des personnes identifiées ou non au sexe qui leur est assigné; des individus souffrant de discrimination raciale; des nouveaux venus au Canada ou des Canadiens ancrés au pays de longue date; des personnes handicapées; des personnes présentant des troubles somatiques ou psychologiques multiples, tels que le diabète, la toxicomanie, la dépression, le SSPT, etc. Par ailleurs, les troubles de l’alimentation touchent des personnes appartenant à toutes les catégories socio-économiques.
    Dans une optique féministe, nous nous préoccupons depuis longtemps des messages adressés aux femmes et aux filles à propos de l’image du corps, de la sexualité et, en particulier, de la sexualisation des toutes jeunes filles dans les médias. À l’inverse, si l’on se place dans une perspective à la fois féministe et de handicap, la tendance assez générale qui consiste à représenter les femmes comme des êtres forts et comme des personnes capables ne reflète pas toujours la réalité des femmes et des filles atteintes de handicaps. Où que nous regardions, bien souvent, nous ne nous reconnaissons pas et nous ne trouvons pas notre place, ni de modèles auxquels nous référer.
    Mais nous observons aussi l’impact meurtrier et destructeur de la pornographie sur Internet et de la cyberintimidation. On y voit les femmes et les filles exposées au harcèlement sexuel et à la traque en ligne. En d’autres termes, le sexe est une marchandise et la valeur d’une personne augmente ou chute en fonction de son apparence.
    Aucune exploration des médias et des troubles de l’alimentation ne saurait être complète si elle ne signalait pas le problème causé par les groupes qui, sur Internet, échangent des idées et des suggestions sur la façon de surmanger puis de se purger, ce qui ne manque pas de renforcer ces pratiques délétères. La situation est aggravée par la façon dont les médias nous réservent une invisibilité virtuelle, et la manière dont notre société considère la maladie mentale et les handicaps invisibles, ce qui aiguise encore notre perception du contexte entourant le handicap.
Ces patients se retrouvent généralement au dernier échelon de la hiérarchie des personnes atteintes de maladies, encore plus bas que celles souffrant de handicaps physiques ou de troubles de l’apprentissage, car elles sont perçues comme déviantes et dangereuses… comme si leur identité était viciée et qu’elles étaient incapables de rationalité…
Ici, je cite Beresford.
Les médias jouent un rôle décisif dans la façon dont est représenté le comportement, jugé bizarre ou agressif, des individus étiquetés comme « malades mentaux ». Cette représentation a des répercussions concrètes pour les personnes souffrant de tels handicaps, car les représentants politiques sont influencés par l’image ainsi projetée et, de ce fait, élaborent leurs politiques de santé mentale en conséquence.
Il s’ensuit que les femmes handicapées sont victimes de violence et sont exposées à un niveau de risque sans équivalent.
Combien d’entre nous se souviennent-elles d’avoir dû, dans notre enfance, exposer notre corps à des groupes de médecins, des hommes, sous prétexte de « traitement médical » et sans en avoir été prévenues ni y avoir consenti. On nous aura peut-être demandé de nous déshabiller, d’aller et venir devant de parfaits étrangers afin qu’ils se fassent une meilleure idée de la nature du « problème physique », ou laisser manipuler nos membres afin d’en déterminer la souplesse et la dextérité.

Aujourd’hui, ce sont des photos ou des vidéos que l’on prend de nous pour en faire des outils d’enseignement pour les futurs médecins. Mais l’on ne se soucie guère de notre besoin de maîtriser ce qui arrive à notre corps, ni de savoir qui nous regarde. Et alors que la profession médicale s’efforce de conserver le contrôle de nos corps, il arrive que certaines femmes atteintes de handicaps essaient de se reprendre en main en s’imposant des régimes, en surmangeant ou en mutilant leur corps d’autres façons.

Et il y a discrimination fondée sur la capacité physique lorsqu’un médecin demande à une femme handicapée de perdre du poids avant de devenir tellement lourde qu’on ne pourra plus la soulever. Et cette même discrimination est à l’oeuvre lorsqu’une femme atteinte d’un handicap réussit à perdre du poids et que, au lieu de lui demander comment elle y est parvenue, le médecin la félicite pour son « succès ».
    Alors même que la discrimination a été identifiée comme un risque contextuel grave conduisant à des troubles de l’alimentation, tous les psychiatres qui ont témoigné ont parlé de la discrimination active dont font l’objet les femmes et les filles atteintes de troubles de l’alimentation. Or, une telle discrimination est incontestablement contraire à l’esprit de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, notamment à l’égard du droit à être assisté dans la guérison des lésions infligées par leur violation.
    Le RAFH appuie la recommandation des professionnels des soins médicaux ici présents, de même que celles formulées par le NEDIC. Nous en proposons notre propre analyse.
    Première recommandation. Il convient que l’approche du Canada à l’égard des troubles de l’alimentation soit stratégique et qu’elle englobe tous les niveaux de sensibilisation, de pratique et de recherche. Nous devons veiller à ce que les prismes d’observation intersectionnels fondés sur le sexe et axés sur les handicaps servent également à observer les processus de recherche, les pratiques, l’éducation, la sensibilisation du public et l’ouverture d’esprit à l’égard des handicaps. Les mesures de santé publique visant à la prévention et à la détection précoce doivent incorporer un dépistage médical, un dépistage par les infirmières de la santé publique, par les infirmières scolaires aussi, de même qu’un dépistage au plan de la santé mentale et de la toxicomanie; il convient également de reconnaître, interventions à l’appui, que les violences perpétrées contre les femmes et les filles sont à la fois une cause et une conséquence des troubles de l’alimentation, de même qu’un facteur de risque. Il faut donner aux femmes et aux filles le choix, tout en leur offrant une filière ininterrompue d’aiguillages possibles.
    Par ailleurs, nous exhortons à la prudence lors d’interventions telles que la neurostimulation ou la stimulation magnétique, car, en dépit des promesses qu’elles recèlent, il n’est pas certain que tous les risques aient été pris en compte.
    Deuxième recommandation. En dépit des références nombreuses aux pratiques exemplaires et aux soins basés sur des constats avérés, il convient de laisser la place à l’innovation, aux idées nouvelles, de même qu’aux soins créatifs pour les femmes et les filles souffrant de handicaps pour lesquels les traitements basés sur des constats avérés ne donnent pas satisfaction.
    Troisième recommandation. Nous devons veiller à ce que les femmes et les filles handicapées soient incorporées aux délibérations concernant les troubles de l’alimentation et l’image du corps. Si l’on veut avancer de façon efficace, il est indispensable de tenir compte de nos opinions, de nos perspectives et aussi de notre image.
    Quatrième recommandation. Les programmes de traitement doivent incorporer des femmes et des filles handicapées et tenir compte de l’intersection entre le genre, la violence et le handicap.
(1605)
    Il convient que les services aient la compétence voulue pour affronter les troubles de l’alimentation, les traumatismes, les toxicomanies ainsi que les conséquences médicales des troubles de l’alimentation et les handicaps des femmes et des filles qui se présentent pour recevoir un traitement, plutôt que d’invoquer la superposition des maladies pour justifier l’exclusion.
    Il convient que les services soient élaborés en fonction du principe de l’accès universel et que les informations soient présentées selon des formes diverses propres à être comprises et reçues par les femmes en fonction de leurs besoins. Le traitement doit être holistique, multidisciplinaire et offrir un éventail de choix, parallèlement à une oeuvre continue de soutien collégial, de traitements communautaires, de programmes de jour, d’interventions brèves comme de traitements à long terme. Par ailleurs, les interventions doivent tenir compte du degré de développement des femmes ou des filles handicapées et s’adapter à leurs besoins.
    S’il est longuement question du phénomène de la dépendance concomitante, on ne traite guère de la nécessaire adéquation des modalités de traitement de cette dépendance en vue du traitement des aspects compulsifs des troubles de l’alimentation. Il faut donc approfondir les recherches afin de déterminer si la prise en compte des modalités de dépendance peut aider à traiter les troubles de l’alimentation.
    S’agissant de l’élimination des barrières auxquelles se heurtent les mères handicapées et atteintes de désordres de l’alimentation qui souhaitent bénéficier d’un traitement, je voudrais citer l’exemple de l’Alberta. Aux termes de la Loi sur le renforcement de l’enfance, de la jeunesse et de la famille, lorsqu’un enfant est admis en traitement pendant plus de 200 jours cumulatifs, des dispositions sont prises pour ordonner qu’il soit placé sous tutelle permanente. Or, lorsqu’une mère n’a d’autre endroit que le foyer d’accueil temporaire pour s’occuper de ses enfants, il y a discrimination. Nous ne savons pas si le régime est identique dans d’autres provinces, mais nous pensons que si l’on veut offrir une structure et un cadre à la thérapie, il convient de mettre en place une filière de diagnostics de santé.
    La justice a également un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de réorientation pour santé mentale ou d’interventions de la Société Elizabeth Fry, dans les cas où les personnes sont arrêtées lorsqu’elles ont volé pour pouvoir financer leurs cycles d’hyperphagie, de même que pour s’assurer que l’on offre des conditions de traitement adéquates aux femmes et aux filles handicapées.
    Il convient également d’assurer une couverture médiatique positive aux femmes et aux filles handicapées et de proposer à ces dernières une programmation leur permettant de voir leur propre vie et leur propre réalité prises en compte dans les réflexions de la société canadienne. À ce propos, le CRTC devra jouer un rôle plus actif dans la promotion de telles mesures.
    S’agissant à présent de la pente dangereuse que représente le suicide assisté — et je précise que j’aborde ce thème car il occupe une place de premier plan dans les préoccupations exprimées par la société canadienne et représente un problème crucial pour les personnes handicapées —, nous sommes extrêmement conscients du risque de voir les femmes handicapées recevoir une priorité inférieure par rapport aux jeunes en matière de traitement lorsque les ressources allouées sont limitées. C’est ainsi que, dans le cas de la femme âgée de 53 ans à laquelle je pense, on a laissé la nature suivre son cours. Je vous renvoie, en l’espèce, au témoignage du 28 novembre 2013 du Dr Woodside.
    Dans les pays où l’euthanasie est en vigueur… dont le cas de Ann G, une femme de 44 ans atteinte d’anorexie mentale, morte par euthanasie. Il s’agit d’un cas parmi tant d’autres qui se sont produits en Belgique, avec d’autres exemples connexes, comme celui de l’euthanasie d’une petite fille, encore un bébé, atteinte de spina-bifida et qui a été euthanasiée.
    La famille humaine que représente le Canada doit pouvoir offrir mieux à tous ses citoyens, y compris les femmes et les filles handicapées.
    Je me dispose à préparer un mémoire écrit. Nous n’avons pas eu le temps d’en établir un pour aujourd’hui, car le préavis a été de moins d’une semaine. Je souhaite toutefois préciser que nous demanderons au comité de bien vouloir recueillir le témoignage d’une jeune femme, Kaley Roosen, qui prépare actuellement son doctorat à l’Université York. La thèse et les recherches de Mme Roosen sont axées sur les troubles de l’alimentation et sur les femmes atteintes de handicaps physiques. Je souligne que notre mémoire contiendra certains résultats importants découlant de ses recherches.
    Je vous remercie.
(1610)

[Français]

    Merci beaucoup. C'était tout un marathon. Chapeau aux interprètes qui ont bien suivi le rythme de vos propos.
    Nous commençons la période de questions.
    Madame Truppe, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais remercier tous les témoins d’être venus nous faire profiter de leur expérience.
    J’ai quelques questions à l’intention de presque tous les témoins, mais j’aimerais commencer par Mme Champagne.
    Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter. Je crois savoir que près de 17 000 personnes ont profité de vos services au cours de l’an dernier. Je ne crois pas que les autres témoins aient présenté des éléments équivalents, sauf si j’ai raté quelque chose… Vous avez des groupes de soutien, une ligne d’assistance téléphonique qui répond sept jours par semaine, un forum confidentiel de conversation en ligne et, si je ne m’abuse, une ligne permettant d’aiguiller les patients.
    J’aimerais savoir quels sont les gens qui vous appellent. S’agit-il des personnes malades ou de leurs familles, de gens qui les entourent et les aident, ou encore de tout cela à la fois?

[Français]

    Une panoplie de personnes nous appellent. Ce peut être tant celles qui souffrent de ce problème que des membres de leur famille ou des professionnels de la santé. Cette ressource est indispensable, car elle permet non seulement de donner de l'information, mais également de fournir du soutien, surtout quand l'accès à des professionnels n'est plus disponible. Quand ces gens se retrouvent à la maison à 19 heures ou à 21 heures face à leur souffrance, à leur solitude, ils ne savent pas vers qui se tourner. C'est une référence pour eux, une source de soutien, un endroit où ils peuvent être écoutés.

[Traduction]

    Est-ce que vous leur communiquez des informations leur permettant de savoir où s’adresser pour obtenir une aide, ou est-ce que leur nom est déposé quelque part afin qu’on les rappelle? J’aimerais savoir comment ces personnes sont renseignées. En tout cas, on peut être sûr que votre programme de sensibilisation a donné les résultats escomptés, puisque vous aidez un grand nombre de personnes. Comment arrivez-vous à leur communiquer vos coordonnées afin qu’elles puissent vous appeler de chez elles, à 7 heures du soir par exemple?
(1615)

[Français]

    C'est très intéressant. Il y a vraiment très peu de ressources. Nous sommes ni plus ni moins la porte d'entrée qui mène au réseau. Pour les professionnels de la santé, les gens dans les écoles, les ressources spécialisées qui ne sont pas en mesure d'offrir des soins rapidement, il s'agit de diffuser le plus possible le message sur l'organisation.
    Quand on doit dire aux clients qui essaient d'obtenir de l'aide qu'il n'y a pas de place, qu'il y a une liste d'attente, c'est automatiquement vers nous qu'on les dirige. Ce service est offert à l'ensemble du Québec. J'ai parlé plus tôt de gens qui vivaient en région et n'avaient pas accès à certains services. Or nous sommes pour eux une ressource indispensable en matière de soutien.
    L'année dernière, 6 000 personnes ont fait appel au service de référence et d'écoute, dont plus de 2 000 personnes après 17 heures, soit entre 17 heures et 21 heures. Habituellement, 50 % des gens nous appellent soit parce qu'ils ont besoin d'être soutenus, soit parce qu'ils ont l'impression qu'une crise alimentaire va avoir lieu, soit parce qu'ils sont en état de détresse. De plus en plus, les gens ont tendance à utiliser ce service pour bénéficier d'une écoute.

[Traduction]

    Pourriez-vous nous parler d’une pratique exemplaire qui mériterait d’être largement diffusée, puisque vous semblez obtenir de si bons résultats? Avez-vous partagé vos expériences avec des équipes d’autres provinces?

[Français]

    Oui, nous tentons de plus en plus de partager cette expérience. Je pense qu'ANEB a un modèle vraiment intéressant quant au continuum des services. Nous avons d'ailleurs présenté notre modèle d'intervention à l'Association des troubles alimentaires du Canada il y a deux ans. En plus de la ligne d'écoute et de référence, nous avons un modèle de groupe de soutien qui est intéressant et sur lequel de plus en plus de recherche se fait. On entend très peu parler de l'aspect communautaire parce qu'il est surtout axé sur le traitement. Ce soutien communautaire, qui est accessible, améliore vraiment la vie de plusieurs personnes. Il joue en effet un rôle important lors de la période avant le traitement et celle après le traitement, c'est-à-dire quand les gens retournent à la maison à la suite du traitement. Pour consolider leurs acquis, ils peuvent venir chez nous et obtenir du soutien de diverses façons.
    Si vous me le permettez, je vais ajouter que certains de nos services sont orientés en fonction de l'étape où est rendue la personne dans son cheminement vers le rétablissement. Si une personne n'est pas prête à téléphoner et à entreprendre une démarche thérapeutique, elle peut avoir recours à des services en ligne. Lorsque nous offrons nos services, nous tentons vraiment de déterminer où en est la personne dans son cheminement.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Cairns, vous avez dit, je crois, que vous tenez une conférence nationale tous les deux ans et que vous distribuez un bulletin trimestriel. Est-ce que vos conférences vous ont permis de mettre au point certaines pratiques que vous considérez comme particulièrement exemplaires?
    Je crois que les pratiques exemplaires ont tendance à évoluer constamment. Par exemple, j’étais à la conférence lorsque Mme Champagne a présenté, et cela fait partie du côté enthousiasmant de la chose, toute une série de personnes vraiment talentueuses qui accomplissent de grandes choses dans tout le pays. Ainsi, j’aime m’intéresser à la continuité des soins et essayer de combler les lacunes. Je travaille dans le secteur des soins tertiaires et j’aime beaucoup entendre parler des initiatives de prévention dans la communauté, c’est-à-dire intervenir avant que les soins tertiaires ne deviennent nécessaires. En tant que thérapeute se consacrant aux enfants et aux adolescents atteints de troubles de l’alimentation, j’apprécie beaucoup les soins thérapeutiques axés sur la famille pour les patients en soins externes, car cela arrête vraiment la progression de la maladie.
(1620)

[Français]

    Merci beaucoup.
     Madame Ashton, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Je remercie tous les témoins qui se sont présentés devant nous aujourd’hui. Je voudrais adresser mes questions à Mme Brayton et à Mme Cairns.
    Madame Brayton, tout d’abord un grand merci pour votre exposé et merci de votre vision très claire concernant l’expérience des femmes handicapées. Vous avez dit combien il est important d’adopter une optique féministe. Nous n’avons pas beaucoup entendu parler d’une telle optique dans notre comité, du moins pas de façon explicite, et je crois que l’on peut dire que nombre de témoins ont une approche critique en la matière. Quelle est la pertinence de cette approche féministe à l’égard des troubles de l’alimentation?
    Je pense que les statistiques justifient une telle optique, et même si la question touche de plus en plus d’hommes, on peut dire qu’elle affecte les femmes de façon écrasante. Par conséquent, l’analyse basée sur le genre et la perspective féministe acquiert une importance particulière, notamment pour comprendre les choses dans une perspective historique. Alors, quel est l’élément moteur? Là encore, j’ai évoqué les médias ainsi que la myriade de facteurs qui font que les jeunes femmes et les femmes de tous les âges et de tous les niveaux de capacité ou de handicap sont capables de se fixer des critères et des objectifs en ce qui a trait à leur image.
    J’ai décrit en détail nos préoccupations liées au fait que les femmes handicapées et les femmes sourdes, par exemple, ne sont guère évoquées dans les médias. Il s’ensuit qu’elles sont continuellement à la recherche de quelqu’un ou de quelque chose leur offrant un critère par rapport auquel se mesurer. Là encore, j’ai souligné que l’application du prisme féministe à l’incapacité ajoute une nouvelle dimension, à savoir que, bien souvent, les femmes handicapées sont fortement incitées à vivre en fonction de critères extérieurs, de normes qui ne leur appartiennent pas, plutôt que d’être acceptées et appréciées pour ce qu’elles sont.
    Avez-vous l’impression qu’il existe des tendances, peut-être dans les médias ou les médias sociaux, voire dans le public, concernant l’image que l’on donne des femmes et, peut-être plus particulièrement, des femmes avec des handicaps?
    La seule chose que j’ai vue à propos de femmes handicapées a été un spectacle que je considère comme une présentation médiocre des femmes handicapées. Je crois que ça s’appelle Push Girls; c’est un spectacle que l’on pouvait voir sur la chaîne Life l’année dernière. Je ne sais pas si quelqu’un l’a vu, mais le spectacle est axé de façon spécifique sur des femmes en fauteuil roulant, dans une perspective qui rappelle très fort Sex and The City, ce qui a de quoi décevoir. J’étais très contente de voir dresser le portrait des femmes atteintes de handicaps, mais on n’offrait pas une perspective équilibrée de la réalité. N’oublions pas que les femmes handicapées sont confrontées à la pauvreté, au chômage et à des degrés élevés de violence. Toutes ces choses figurent beaucoup plus dans leur réalité quotidienne qu’on ne le croit. Une fois de plus, il n’y a pas que l’image projetée par les médias, et c’est un gros problème.
    Merci de nous avoir fait part de ces observations. J’aimerais poser une question rapide afin qu’il me reste du temps pour interroger également Mme Cairns.
    La question de la souveraineté de la personne par rapport à son propre corps a évidemment été soulevée. Je veux parler de l’écart entre le traitement volontairement consenti et une certaine coercition médicale. Par ailleurs, il est évident que si nous ajoutons la dimension du handicap, la question devient extrêmement sérieuse. Avez-vous des observations à ce propos?
    Oui. La question du traitement imposé est une grosse question, notamment pour les femmes souffrant de handicap mental, et elle présente bien des aspects. Je suis sûre que nous pourrions lui consacrer une séance entière de comité à la question de l’électrochoc qui est l’une des plus connues, car elle concerne le traitement imposé à des femmes souffrant de problèmes mentaux.
    Par ailleurs, même si vous ne l’avez pas évoqué, je voudrais dire qu’il est très important d’examiner la question dans son contexte spécifique… Une fois de plus, le RAFH est une organisation qui s’occupe de handicaps multiples, et dans notre mémoire, nous rappelons que la dimension des troubles de l’alimentation existe d’ores et déjà, mais qu’il y a une perspective supplémentaire qui concerne les femmes souffrant de handicaps physiques.
    Je comprends très bien l’importance de la question concernant le traitement, Niki, mais je crois qu’il faut élargir la réflexion aux barrières liées à l’attitude et aux aspects physiques, auxquelles sont confrontées les femmes atteintes de handicaps, lorsqu’il s’agit tout simplement d’obtenir un traitement et d’être reconnues comme faisant partie d’un groupe à risque élevé, celui des femmes souffrant de troubles de l’alimentation.
(1625)
    Merci beaucoup. Nous recevrons avec intérêt le mémoire écrit et merci de nous faire profiter également du travail de l’étudiante en doctorat.
    J’espère que le comité invitera l’autre femme dont j’avais parlé car je pense que son témoignage serait vraiment important.
    Vous pouvez y compter. Merci, madame Brayton.
    Madame Cairns, je voudrais vous poser une question rapide concernant votre travail et celui de votre association pour identifier les défis particuliers auxquels sont confrontées les populations minoritaires dans le domaine des troubles de l’alimentation ainsi que des traitements. Je veux parler des Autochtones, des immigrants, des communautés LGBT et des personnes atteintes de handicaps. Avez-vous des choses à nous communiquer à ce propos?
    Malheureusement, étant donné que notre association est de création récente, nous ne nous sommes pas encore penchés sur ces sujets particuliers.
    Nous espérons avancer suffisamment pour aborder certains de ces problèmes. Déjà, au cours de l’an dernier, nous avons envisagé de consacrer du temps à comprendre pourquoi nous ne recevons pas de demandes de traitement provenant d’un éventail plus large d’appartenances ethniques. Par ailleurs, la question du traitement non volontaire est une question de premier plan, pour revenir aux aspects que vous avez soulevés plus tôt. Je pense que la question du traitement non volontaire concerne de très près la plupart des programmes de soins tertiaires.
    Cela dit, nous aimerions beaucoup avoir la possibilité de nous pencher sur ces domaines. C’est pourquoi, dans l’optique de nos recherches, nous souhaitons appuyer le processus en cours et traiter des personnes atteintes de handicaps ou provenant d’ethnies différentes. Pourquoi ces personnes ne se présentent-elles pas pour bénéficier d’un traitement? C’est un phénomène que nous avons observé, mais notre association n’avait pas les ressources nécessaires, ni peut-être les compétences, pour tenter d’en faire l’analyse.
    En quelques mots, madame Cairns, je me demande si vous partagez l’opinion de ceux qui ont décrit les effets contraires des campagnes pour une alimentation saine sur les personnes qui souffrent de troubles de l’alimentation.
    Oui, je suis pleinement d’accord. D’ailleurs, l’un de mes patients privés, à qui je disais que je me préparais à me rendre à cette audience, m’a déclaré: « Je vous en prie, dites-leur combien c’est dur pour nous. » Parce que tout compte fait, ces campagnes d’alimentation saine vous enjoignent de surveiller les calories que vous absorbez, de vous débarrasser de la moindre once de gras. Alors, oui, pleinement d’accord…
    Certes, il faut quand même diffuser de tels messages au public — après tout, je suis diététicienne de formation —, mais, comme je vous le disais, il ne faut pas ratisser trop large et réduire l’alimentation saine à ce genre de choses: éviter toutes les sources de matières grasses, bannir le sucre, ce qui ne laisse plus que les protéines. Et puis ne jamais cesser de faire de l’exercice…
    Il faut garder ce genre d’effets à l’esprit lorsqu’on diffuse de tels messages, parce qu’il y a des jeunes femmes et des jeunes gens qui risquent de les assimiler d’une façon trop extrême.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame O'Neill Gordon, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais vous remercier sincèrement tous et toutes d’avoir pris le temps de venir témoigner. Notre comité s’est vraiment attelé à cette étude et a beaucoup appris grâce à des témoins comme vous et à d’autres personnes qui se sont présentées à nous. Comme vous le savez tous, il est précieux de pouvoir recueillir les propos de personnes qui ont travaillé dans le domaine et qui ont une expérience directe de la réalité des troubles de l’alimentation.
    Je pose ma première question à M. Boese. Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter d’avoir perçu le besoin voici bien des années et d’être monté en ligne pour essayer d’y répondre.
    Vous dites que les Centres Avalon avaient opté pour une démarche multidisciplinaire. Comment votre équipe a-t-elle élaboré cette démarche, et comment pourrions-nous faire profiter de ce modèle d’autres organismes engagés dans le traitement des troubles de l’alimentation?
    La source de toutes nos informations est le Dr Paul Garfinkel, qui était la principale autorité dans ce domaine au début des années 1980.
    Je commencerai par rappeler que notre programme avait, dans son équipe, deux psychiatres, des psychologues, des art-thérapeutes et des nutritionnistes, soit en tout une trentaine de personnes, ce qui veut dire une masse d’information. Nous pensions qu’il faudrait environ trois mois pour réunir toutes ces données et bâtir un programme d’hospitalisation partielle. À l’époque, je veux dire il y a une quinzaine d’années, tout cela était entièrement nouveau.
    Je dois dire que les choses n’ont guère changé en 15 ans, puisque j’entends tenir les mêmes propos qu’à l’époque. Or, c’est une chose qui me perturbe profondément et je dois vraiment me tenir la bride bien serrée car il faut impulser le changement, parler de ces choses-là, sensibiliser les gens, avec les effets remarquables que l’on connaît. On me dit que lorsque le président Obama est entré en fonction, il a légiféré pour que chaque docteur doive obligatoirement suivre un cours portant sur les troubles de l’alimentation. Donc, pour ce qui est d’éduquer les gens, tout à fait d’accord.
    Cependant, je dois vous dire que lorsque nous avons voulu exploiter les informations provenant de Paul Garfinkel… En fait, je lui ai téléphoné car le psychiatre de mon équipe m’avait dit qu’il faudrait trois mois pour pouvoir réunir cet ensemble de connaissances auprès de la bibliothèque universitaire de Toronto. Quand je l’ai appelé, il m’a demandé: « De quoi avez-vous besoin, en fait? » Je lui ai dit ce qui m’intéressait et il m’a répondu: « Eh bien, ce paragraphe se trouve à la page 27 du 2e volume. » Et il a tout passé en revue. Alors, même s’il ne m’a pas tout donné, il nous a épargné trois mois de travail et nous avons pu colliger toutes ces informations. Je précise que l’élaboration du protocole a dû nous coûter entre 200 000 et 300 000 $.
    Nous avons donc ficelé le tout en soignant la présentation et nous l’avons communiqué à Homewood, à Guelph, avec qui nous avions passé un contrat, et ils se sont saisis de toutes ces informations… Nous voulions ouvrir une activité aux États-Unis et cela nous a mis dans une belle agitation. Ils exigeaient de nous cinq choses manquantes: un protocole qui soit à la fine pointe, quelque chose qui soit reproductible, quelque chose qui soit accompagné d’une licence d’exercer… ce qui n’était vraiment pas sérieux. Nous avons obtenu la première licence d’exercice dans l’État de New York. Je pourrais vous raconter comment nous l’avons obtenue, mais le temps presse. En tout cas, nous sommes allés jusqu’aux échelons les plus élevés.
    Je vous ai déjà raconté notre rencontre avec Hillary Clinton, ce qui n’était pas un mince exploit étant donné que nous cherchions à obtenir la parité avec les troubles de santé mentale. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a demandé si j’avais rencontré Hillary Clinton et quand j’ai répondu par la négative, parce qu’elle ne pouvait pas se libérer, elle m’a pris la main, m’a amené jusqu’à une de ses connaissances en déclarant: « Voici Art Boese de la société Avalon, c’est un ami et il a besoin de rencontrer Hillary Clinton. » Dix minutes plus tard, cette personne est revenue en me demandant si j’étais d’accord pour un rendez-vous à midi et demi. Là, j’ai demandé: « Demain à midi et demi? » Ma femme était avec moi et je lui ai demandé si je n’étais pas en train d’halluciner, et voilà, nous avons eu une rencontre en tête-à-tête avec Hillary Clinton dans une salle où se trouvaient environ un millier de personnes. Nous étions donc là, dans le centre, en tête-à-tête avec Hillary Clinton.
    Je lui ai posé la question et elle m’a dit: « Art, je vous appuie à 100 %. » À partir de là, il nous manquait encore deux choses: tout d’abord, des centres offrant toute une panoplie de soins afin que les patients puissent être traités à la cadence voulue, et non pas selon les caprices des Bureaux de santé mentale de l’État ou des thérapeutes, qui les font traîner en longueur.
    Comme je l’ai dit, nous avons sauvé un millier de vies. On a dit d’autres choses aussi, par exemple que nous avons traité 17 000 cas, ce qui est formidable sinon que nous les avons repris alors qu’ils avaient déjà échoué dans le cadre des soins ambulatoires personnalisés… Il fallait que nous ayons un point d’appui pour la suite du traitement… En général, le point de départ est le traitement en soins externes, alors que vos électrolytes sont déréglés et que votre poids a baissé. Alors vous vous rendez à l’hôpital et c’est là qu’ils vous font reprendre du poids.
    À ce stade-là, le patient se dit: « Là, ils m’ont vraiment aidé. » Mais ensuite le psychiatre coche la case et dit: « Très bien, Sally a été visitée et on en reste là. » La suite, c’est qu’elle revient et qu’elle échoue tout simplement; et là, elle ne retourne pas suivre le programme de traitement.
    Quelqu’un m’a appelé hier avant que je me rende ici pour me raconter que leur fille avait suivi le traitement de Avalon Hills en Arizona, après avoir tenté toutes sortes de traitements un peu partout et avoir manqué de mourir à chaque fois. Toujours est-il qu’elle a achevé le traitement à Avalon en pleine forme. Ensuite, elle est retournée chez son médecin qui lui a dit: « Très bien, montez sur la balance et voyons ce qu’il en est. » Et là, elle a immédiatement réintégré le programme. Sans plus. Donc, je pense que l’éducation est indispensable; cela, je le reconnais absolument, mais il faut faire quelque chose.
    Au Canada, nous n’avons absolument rien. Il y a de quoi hurler. Je travaille sept jours par semaine, d’arrache-pied. Je peux vous dire aussi que j’ai investi 3 millions de mon propre argent, et je vois que rien ne bouge. J’entends dire la même chose qu’il y a une quinzaine d’années et je peux vous dire que j’ai assisté à toutes sortes de réunions cliniques.
    Désolé de m’exprimer ainsi. Terence, faites-moi taire.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Arthur Boese: Mais je peux vous dire que je me suis tenu au courant sur le plan clinique. Chaque semaine, je me rendais en voiture à Buffalo et pendant une heure et demie je tenais une réunion avec le personnel. Étant donné que l’équipe est multidisciplinaire, chacun donnait son point de vue sur le patient: le psychiatre, le psychologue et le thérapeute. Je peux vous dire que j’ai beaucoup appris, même si je ne suis pas thérapeute moi-même. En fait, je proviens du secteur des valves et raccords, ce qui est bien loin de ce dont nous parlons, mais j’ai beaucoup appris.
    Cela dit, je sais faire avancer les choses. J’ai dirigé une dizaine de sociétés au cours de ma carrière et je les ai fait tourner.
(1630)
    C’est moi qui ai été le premier à obtenir le téléphone au Canada parce qu’ils n’y arrivaient pas. J’ai même installé les parois le long des routes, j’ai été le premier à le faire. Je suis une véritable dynamo, et vous pouvez compter sur moi pour réaliser les choses.
    Nous sommes tous d’accord pour dire que les troubles de l’alimentation représentent un problème, cela, c’est incontestable. Mais il ne suffit pas de s’asseoir en rond et de bavarder, il faut vraiment s’y mettre et faire avancer les choses.
    Pardon d’avoir été si long.
    Madame Champagne, vous avez dit que l’attitude est un facteur déterminant dans ce genre de pathologie, et nous en sommes tous d’accord. Comment aimeriez-vous voir les attitudes évoluer, et quelles suggestions pourriez-vous faire afin d’aller dans ce sens?
(1635)

[Français]

    Depuis quelques années au Québec, il y a un mouvement qui fait suite à la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée, qu'on appelle maintenant la CHIC. La CHIC a été mise en place par le ministère de la Condition féminine du gouvernement provincial. Ce mouvement a pour but de promouvoir une image corporelle saine et diversifiée et de favoriser l'engagement des milieux de la mode, de la publicité, des médias et de la santé. Il vise à concerter tous les partenaires pour amener un changement social et encourager la diversité des formes corporelles.
    Ce mouvement prend beaucoup d'ampleur et les gens y adhèrent de plus en plus. De grandes revues de mode comme Clin d'oeil ont décidé de signer cette charte. Il y a aussi le magasin Jacob qui a adopté une politique de non-retouche. On mobilise...
    Je dois vous interrompre ici, madame Champagne. Merci beaucoup. On a bien compris et on pourra suivre ça de près.
    Je cède maintenant la parole à Mme Duncan, qui dispose de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à tous nos témoins et merci de comparaître devant notre comité. Je commencerai par Mme Cairns.
    Madame Cairns, j’aimerais que vous me donniez des réponses courtes, s’il vous plaît. Je voudrais obtenir des précisions concernant les chiffres, et notamment savoir le nombre de cliniques pour patients en soins externes qui bénéficient de financement public en Colombie-Britannique.
    Je ne peux pas vous donner ces chiffres de mémoire, mais je pourrai vous les communiquer.
    Au niveau régional, il y a au moins huit cliniques de soins externes recevant un financement public et spécialisées dans les troubles de l’alimentation.
    Combien y a-t-il de lits bénéficiant d’un financement public en Colombie-Britannique, pour accueillir des patients souffrant de troubles de l’alimentation?
    Il y a 14 lits destinés aux enfants et aux adolescents, et 6 espaces de traitement en soins de jour à l’Hôpital pour enfants malades.
    S’agissant des adultes, je ne suis pas tout à fait sûre parce que je suis moins impliquée dans ce secteur. Cependant, il existe un protocole pour les patients hospitalisés dans les services médicaux, et Dre Josie Geller pourrait vous donner des détails.
    Très bien.
    Je voudrais être sûre d’avoir compris. Vous dites bien que, pour l’ensemble de la province de la Colombie-Britannique, il y a 14 lits pour enfants atteints de troubles de l’alimentation?
    C’est bien cela.
    Il existe également un service en résidence actuellement géré par Looking Glass en partenariat avec la province de la Colombie-Britannique, et je crois qu’ils ont également 14 lits, avec financement partagé entre le secteur privé et la province.
    Très bien, voilà qui est très utile et j’y reviendrai dans un instant.
    Il existe donc, en Colombie-Britannique, 14 lits en service de pédiatrie avec financement public. En d’autres termes, si les patients proviennent du nord de la Colombie-Britannique ou de l’île de Vancouver, j’imagine qu’ils doivent accomplir un voyage. J’aimerais donc savoir quel coût cela représente pour les familles lorsqu’elles ont un enfant admis en soins prolongés?
    En effet, cela représente un coût pour la famille. Le gouvernement provincial subventionne en partie le coût de transport pour certaines personnes qui habitent loin afin qu’elles puissent bénéficier du programme de soins de jour, car nous n’offrons qu’une hospitalisation partielle. Le financement les aide à payer l’hôtel et à bénéficier du programme, et tout cela coûte assez cher.
    Encore une fois, je puis vous obtenir les chiffres une fois que j’aurai consulté la directrice, Connie Coniglio, et j’essaierai de vous les communiquer par écrit.
    Merci, madame Cairns. J’aimerais avoir le nombre de cliniques dispensant des soins externes. Je m’intéresse aux centres bénéficiant d’un financement public et j’aimerais pouvoir faire une comparaison entre les lits destinés aux adultes et aux services pédiatriques, de même qu’aux soins en résidence; j’aimerais aussi pouvoir apprécier la distance moyenne que doivent parcourir les familles. Merci de votre aide.
    Je passe à présent à Mme Champagne. Pourriez-vous répondre aux mêmes questions à propos du Québec? Commençons, si vous le voulez bien, par le nombre de cliniques de soins externes.
(1640)
    S’agissant des cliniques de soins externes, je préfère prendre le temps de contrôler leur nombre, car je ne voudrais pas vous donner de chiffres erronés. Je peux toutefois vous dire que la clinique la plus spécialisée dans les troubles de l’alimentation se trouve à Montréal, et qu’elle est dirigée par le Dr Howard Steiger. Il y a également la clinique de la ville de Québec, et ce sont là les deux cliniques les mieux organisées offrant des services de soins externes pour les troubles de l’alimentation. Par ailleurs, on assiste à des regroupements de personnes qui essaient de mettre sur pied des cliniques de soins externes…
    Pardon de vous interrompre: j’essaie de constituer une étude de cas, et je vois que nous avons une clinique en Colombie-Britannique et une clinique au Québec, et je voudrais bien mettre la main sur d’autres chiffres.
    Vous avez dit que l’on peut obtenir une aide auprès des centres de santé publique dans les villes, mais pas en milieu rural. Ai-je bien compris, par ailleurs, qu’il existe au Québec entre 10 et 12 lits à financement public?
    C’est bien cela, à l’Hôpital Douglas.
    Rien d’autre?
    Rien d’autre.
    J’espère que tout cela figurera sous forme d’étude de cas dans le rapport, à savoir qu’il y a un centre en Colombie-Britannique et un autre au Québec. Merci.
    Vous dites que la plupart des gens n’ont pas accès à ces services, avec les conséquences désastreuses que cela comporte pour les familles puisqu’elles sont obligées de se tourner vers les soins privés.
    Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous donner une idée du coût des soins privés?
    Malheureusement, je ne dispose pas des chiffres mais je peux m’efforcer de vous les obtenir. En tout cas, je connais des personnes qui ont perdu leur emploi ou qui ont dû faire refinancer leur maison afin de pouvoir payer les soins pour leur enfant ou pour une personne qui leur est chère dans un contexte privé.
    Merci beaucoup.
    Madame Cairns, je reviens à vous à propos des recommandations. Vous dites que vous aimeriez stimuler et appuyer la recherche. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos recommandations au comité pour ce qui est des troubles de l’alimentation dans notre pays?
    Compte tenu du caractère particulier du système canadien, notamment le financement public, et compte tenu de ce que nous savons des différentes facettes des troubles de l’alimentation, nous devons commencer par faire un bilan de notre population et par constituer une base de données. Je crois que la nécessité de constituer une base de données des personnes souffrant de ces troubles a déjà été évoquée.
    Vous voudriez que nous ayons une sorte de registre national?
    Oui, un registre national qui inclurait également les services d’aide aux patients… Mais avant tout, il faut se soucier d’efficacité, car nous sommes complètement dans le brouillard et nous ne savons pas à qui nous devons venir en aide; nous ne savons pas qui sont les intervenants, quelles sont leurs modalités d’intervention et ce qui constitue un traitement efficace. Je sais que sur une toute petite échelle…
    Pensez-vous qu’il faudrait créer une chaire de recherche sur les troubles de l’alimentation?
    Oui, cela est absolument nécessaire afin d’avoir une action coordonnée et de dégager une vision générale pour le Canada, dans l’intérêt de sa population.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Young, qui dispose de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d’être venus nous faire profiter de leurs compétences.
    Je m’adresse à M. Art Boese. Art, je voudrais mentionner aux fins du compte rendu que nous avons travaillé ensemble sur cette question il y a une dizaine d’années. J’agissais à titre de consultant pour les contacts avec les instances gouvernementales, et je dois dire que j’ai échoué. C’est pourquoi je voudrais contribuer à mettre au jour votre démarche unique en la matière.
    Au plan financier, vous avez fonctionné à perte, et quelle qu’ait été votre intention au départ, vous n’avez pas gagné un sou pendant toute la période de déroulement du programme à Buffalo. Par ailleurs, l’excellent programme que vous aviez mis sur pied était à but non lucratif et je crois que vos coûts étaient d’environ 600 $ par jour, c’est-à-dire à peine une fraction du coût de Remuda Ranch et d’autres organismes similaires aux États-Unis. Votre centre se trouvait à une ou deux heures de voiture et donc accessible à des centaines de patients souffrant de boulimie et d’anorexie mentale, dont certains risquaient des conséquences mortelles. Vous avez donc créé le service, que vous avez bâti de toutes pièces, et les patients ne sont pas venus. Comment expliquez-vous cela?
(1645)
    Je n’ai pas vraiment de réponse, parce que comme je vous l’ai dit, cela dépendait de la bonne volonté des personnes qui aiguillaient les patients. Parfois, ils nous adressaient les patients, et la fois d’après ils disaient qu’il y avait toutes sortes de services en Ontario…
    Vous parlez des responsables de l’OHIP qui sont chargés d’approuver ou de rejeter les demandes de soins à l’extérieur du pays?
    C’est bien cela.
    Au début, nous avions un nombre assez consistant de patients, et puis les choses ont changé et le flux s’est arrêté. En dépit de tous nos efforts… Je leur ai même demandé si, en abaissant nos prix, cela changerait quelque chose. Et puisqu’il est question de prix, je peux vous dire qu’à l’époque cela coûtait 1 900 $ par jour à Remuda Ranch, qui est le plus cher, et hier, j’ai entendu dire que c’était 1 500 $ à Avalon Hills.
    Nous avons baissé notre prix jusqu’à 500 $, mais cela n’avait aucune importance pour l’OHIP; ce qui comptait pour eux, c’était de savoir où le patient voulait aller. C’est là que je me suis adressé au député provincial à Oakville en lui demandant si l’on pouvait obtenir un audit. Et ils sont donc venus et ont inspecté tous les services…
    Excusez-moi, peut-être que vous vouliez…
    J’ai encore la possibilité de poser deux autres questions et vous êtes une telle mine de connaissances que j’aimerais en profiter. Merci.
    Donc, lorsqu’un député provincial est intervenu — vous aviez mentionné Peter Kormos — et que le service de l’OHIP responsable des soins à l’étranger… Êtes-vous en train de dire que la question était en quelque sorte politisée?
    Absolument.
    Très bien, merci beaucoup.
    J’aimerais à présent que vous preniez le temps d’expliquer au comité ce que vous souhaiteriez dans une situation idéale… Prenons un peu de champ, si vous le voulez bien. Voici ma première question: pourquoi avez-vous choisi Buffalo, et pourquoi n’avoir pas suivi l’exemple de l’Hôpital Shouldice? Pourquoi n’avez-vous pas implanté votre centre dans l’agglomération de Toronto?
    Bien sûr, cela aurait été une bonne chose, et il y a l’exemple de l’Hôpital Shouldice qui est accepté depuis des années, et aussi Homewood qui fonctionne selon un régime analogue à celui du Shouldice. J’avais vraiment espéré que nous aurions pu faire de même, mais cela n’a pas été possible, c’est pourquoi, lorsque je me suis tourné vers les États-Unis…
    Mais qui vous a dit que ce n’était pas possible?
    L’OHIP.
    Qu’est-ce qu’ils vous ont dit?
    Ils m’ont tout simplement dit qu’ils n’assureraient pas notre couverture. Mais ce qu’il faut remarquer, c’est que si nous avions été dans un contexte hospitalier, ils nous auraient couverts. Par contre, à titre individuel, pas de couverture. Or, à l’évidence, ces patients ne se rendent pas en hôpital.
    Très bien, revenons à la situation idéale, à la situation rêvée. Si vous pouviez tout recommencer à zéro à partir de demain, quels services aimeriez-vous pouvoir offrir aux femmes et aux filles souffrant de troubles de l’alimentation dans l’agglomération de Toronto?
    Avant tout, il faut essayer de sauver la vie des patients, car, comme l’a dit le Dr Woodside lorsque nous avons organisé la veillée à la bougie voici quelques années, nous avons perdu 18 000 patients cette année.
    Je me suis rendu auprès des différents préposés dans les hôpitaux en leur demandant s’ils enverraient des patients aux États-Unis; lorsqu’ils m’ont répondu par la négative, je leur ai demandé pourquoi, et la réponse a été que l’OHIP ne couvrirait jamais les patients là-bas. En d’autres termes, ils se sont servis des patients comme de pions pour promouvoir leurs propres priorités. Quoi qu’il en soit, il n’était pas question d’obtenir une couverture pour les patients. C’était tout simplement…
    Quelle serait, pour vous, la situation idéale si vous pouviez recommencer à zéro demain matin?
    Si je pouvais faire les choses à ma manière, je créerais des cliniques complètement séparées des hôpitaux, je dirais à la campagne ou dans le bois. D’ailleurs, nous avons même fait des croquis du bâtiment parfait, où tous les intervenants peuvent siéger, psychiatres, psychologues, disons trois ou quatre d’entre eux opérant ensemble. J’ai tout ça dans mes dossiers.
    Aux États-Unis, nous avions dressé des plans couvrant toutes les activités du projet, et c’est la raison pour laquelle j’ai tendance à perdre patience à la perspective de devoir encore entendre les mêmes choses dans 15 ans — d’ailleurs, dans 15 ans, je n’y serai plus —, et que ça se répète encore et encore. Certes, il faut sensibiliser et il faut éduquer, mais il faut aussi agir.
    Il est essentiel, pour réussir, d’intervenir le plus tôt possible. Vous avez certainement entendu dire cela un million de fois, et c’est effectivement important, c’est pourquoi on essaie d’agir dans ce sens. Mais une fois que le patient est vraiment malade, alors ils ne veulent pas l’envoyer aux États-Unis, ils ne peuvent pas le soigner ici, et l’on se rend compte que… Je vous rappelle toutefois que le Dr Paul Garfinkel m’a dit que l’Ontario déversait en un an 4,5 millions de dollars de financement en direction des États-Unis.
    Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré et des réponses que vous nous avez données.

[Français]

    Madame Sellah, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je vous avoue que je n'en reviens pas. Tout d'abord, je remercie mon collègue M. Young d'avoir posé la question à M. Arthur Boese.
    J'aimerais vous féliciter de votre initiative. Je comprends que vous en faites une lutte personnelle, puisque vous avez eu deux enfants atteints de ce trouble alimentaire. J'ai beaucoup de sympathie pour vous et je vous remercie de ce que vous faites.
     Mon collègue qui m'a précédée a posé la question avant moi. Vous êtes résidant de l'Ontario. Vous êtes parti aux États-Unis ouvrir un centre. Je ne comprends pas l'attitude du gouvernement face à un problème aussi dramatique, que ce soit pour la personne atteinte ou son entourage. Le gouvernement, ici, n'a pas voulu vous aider en ce sens. Ai-je bien compris?
(1650)

[Traduction]

    C’est parfait.

[Français]

    Pourquoi, selon vous?

[Traduction]

    Pour moi, cela est évident pour vous comme pour moi.
    J’avais vraiment cru qu’en nous rendant aux États-Unis et en y faisant notre travail pendant un an, nous pourrions revenir avec toutes les informations nécessaires, je veux dire les dernières recherches concernant les troubles de l’alimentation, et mettre tout cela en application au pays. Après tout, je veux sauver des personnes qui font partie de notre population. Mais eux n’étaient disposés à rien faire, quels que soient les efforts. Terence m’a aidé, mais nous n’avons pas réussi à les faire bouger.

[Français]

    Est-ce à cause du système de santé que nous avons? Est-ce à cause des gouvernements qui se sont succédé? C'est un point d'interrogation pour moi comme pour vous.
    En tant que membre d'un comité chargé d'étudier le domaine législatif, j'ai beaucoup de questions en tête. Vous n'êtes pas le premier ni le dernier dans cette situation. Connaissant tout le potentiel canadien qui pourrait faire des choses extraordinaires à l'échelle locale ou internationale, je trouve dommage qu'on laisse partir ces personnes à l'extérieur du pays. Cela me préoccupe beaucoup.
    J'ai une autre question pour vous. Je sais que vous avez fermé vos centres à cause de problèmes financiers. Vous aviez des équipes multidisciplinaires pour prendre en charge le patient. Pourriez-vous me donner le nombre approximatif de rechutes pendant cette période et me dire quelle en était la cause?

[Traduction]

    Vous savez, ce n’est pas facile à accepter, parce que c’est une œuvre de longue haleine, sur un grand nombre d’années. Mais en ce qui concerne notre taux de succès avec les patients qui sont venus nous voir après avoir échoué dans la thérapie individuelle, avec en général un taux d’échec d’environ 65 %… je veux parler des personnes qui se sont adressées à nous après, et non pas celles qui sont venues d’emblée chez nous.
    Nous faisions de notre mieux pour les suivre, mais c’était très difficile. Les systèmes en place ne nous permettaient pas de faire un bilan de suivi au bout de trois ans — d’ailleurs, lorsqu’ils échouent, ils ne viennent pas vous le dire —; cela dit, le taux de succès avec les patients que nous prenions en charge était d’environ 85 %, c’est-à-dire un taux très élevé, et notre centre de traitement était tout aussi efficace que les autres, et même que Remuda Ranch qui faisait payer 1 900 $ par jour.
    C’est d’ailleurs ce que nous a dit l’OHIP lorsque j’ai enfin obtenu qu’ils fassent un audit. Ils ont commencé par tous les grands centres, parce que c’est ça que voulaient les patients, mais… en tout cas.

[Français]

    Madame la présidente, me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    Dans un même ordre d'idées, ma question s'adresse à Mme Champagne et porte sur l'expérience d'ANEB au Québec.
    Depuis la création de ce centre, comment évaluez-vous la réussite de ce programme? Y a-t-il eu une diminution des appels? Y a-t-il eu des retours positifs? Y a-t-il eu des rechutes? Depuis l'existence de votre centre, avez-vous évalué les résultats? Et s'il y a des résultats, pourriez-vous nous les communiquer, s'il vous plaît?
    En fait, je peux vous envoyer des chiffres. Il nous semble clair que de plus en plus de gens se tournent vers notre ressource pour obtenir de l'aide. L'année dernière, nous avons aidé plus de 17 000 personnes, et c'est toujours en pleine croissance. Nous constatons que nous faisons quelque chose de très positif en tenant compte de tous ces gens qui se tournent vers nous.
    C'est sûr que nous sommes une ressource communautaire, et non pas un centre de traitement. Nous évaluons quand même nos groupes. Il est clair que les questionnaires distribués avant et après le traitement nous permettent de constater une amélioration des symptômes. Toutefois, ça dépend de ce que nous évaluons. Cela ne se voit pas toujours dans l'assiette, mais peut se voir ailleurs aussi, par exemple dans l'état de la personne.
(1655)
    Me reste-t-il quelques secondes, madame la présidente?
    Il vous reste seulement cinq secondes pour dire merci.
    Madame Ambler, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins de comparaître aujourd’hui et de nous présenter ces informations infiniment intéressantes et utiles.
    Madame Cairns, je m’adresse à vous en tant que diététicienne à propos de la nutrition des adolescents. J’observe que vos travaux sur la diététique sont cités dans des manuels d’enseignement secondaire. Vous dites que les messages et conseils en matière de santé sont interprétés de façon extrême, et un autre témoin nous a déclaré qu’il arrive parfois que les troubles de l’alimentation soient déclenchés — je ne dis pas causés — par le dévoiement de conseils prodigués par les enseignants ou dans le cadre d’initiatives scolaires.
    C’est pourquoi je me demande comment aborder la question, c’est-à-dire inculquer de bonnes habitudes et attitudes alimentaires chez les jeunes sans provoquer de tels excès. Je m’inquiète que l’un des déclencheurs de tels comportements excessifs puisse être le simple fait d’enseigner à un adolescent à ne pas consommer de gras trans, par exemple, ou encore de se limiter à manger des protéines et des légumes, vous voyez ce que je veux dire. Je trouve effrayant qu’ils poussent le message jusqu’à des conséquences aussi extrêmes.
    Je vous demande donc si vous entrevoyez une contremesure possible.
    Vous avez raison, il y a vraiment de quoi s’inquiéter et je vous remercie de cette question extrêmement pertinente. Cela revient à ce que je disais, parce que, s’agissant des troubles de l’alimentation, je me vois tout le temps obligée de dire, en tant que diététicienne: « Ce message ne s’adresse pas à vous. » C’est un message qui est dirigé vers le public en général et, comme je l’ai dit, je ne suis pas très sûre de la manière dont il est composé, par exemple lorsque nous disons: « Les matières grasses sont toujours nocives » quelles que soient les circonstances, ou encore « Faire de l’exercice, c’est toujours bon ». Je crois qu’il faut moduler ces messages.
    S’agissant à présent des programmes pédagogiques, c’est vrai que nous avons des échos de telles déviations, et je crois que pour les éviter, il faut mieux former les instructeurs et les éducateurs en général, et aussi avoir pleinement conscience des répercussions et de la forme que doit prendre la campagne de sensibilisation.
    Je recommanderais donc, entre autres, d’élaborer une campagne de sensibilisation coordonnée. À ce propos, Santé Canada fait un travail magnifique d’établissement de priorités lorsque l’on veut s’attaquer, entre autres, à l’obésité ou aux problèmes cardiovasculaires. Il faut tenir compte de toutes les spécificités, parce qu’il y a, par exemple, un grand nombre de personnes qui souffrent de problèmes cardiaques, et parce que j’ai entendu certains témoins qui m’ont précédée dire que nous sommes confrontés à une épidémie d’obésité. Alors je demande si tel est vraiment le cas ou si c’est nous qui craignons tout simplement une telle épidémie. Il nous faut étudier attentivement les messages diffusés afin de voir quels peuvent être leurs effets pervers. Bien sûr, c’est la personne atteinte de troubles de l’alimentation qui risque de pousser le message jusqu’à des conséquences extrêmes, mais il nous appartient de ne pas forcer le trait, comme je l’ai déjà dit, et de toujours penser aux répercussions que peuvent avoir les messages que nous diffusons.
    Et cela commence avec le programme pédagogique.
    Je suis sûre que l’on pourrait appliquer cette observation à l’ensemble des consommateurs dans des circonstances tout à fait ordinaires, de même qu’à la désinformation dont nous faisons trop souvent l’objet. Lorsque les gens parlent d’habitudes alimentaires saines… Par exemple, même dans le cas d’étiquetage des produits alimentaires, on envisage de faire mentionner le nombre de calories, ou de les rendre plus visibles. D’ailleurs, cette mention figure déjà pour les aliments préparés et transformés.
    Pensez-vous qu’il serait dangereux de mentionner le nombre de calories sur l’étiquette d’un emballage alimentaire?
    Oui, cela constitue un gros danger.
    Il y a une vingtaine d’années, j’étais bien heureuse de pouvoir insister et insister encore sur le fait que les gens n’avaient pas connaissance du nombre de calories et du nombre de grammes de matières grasses ou d’hydrates de carbone ou de sucres qu’ils absorbaient. Plus on facilite la diffusion de ce genre d’informations et plus les patients en font usage; or, compte tenu de l’impact des chiffres et du fait que leur comportement est déterminé par les troubles de l’alimentation dont ils sont atteints, cette information représente un gros danger.
    Donc, dans ce cas, une information limitée est à éviter.
    Vous pensez que cela peut avoir des effets pervers, n’est-ce pas?
    Tout à fait. Lorsque j’ai suivi ma formation de diététicienne, on me disait qu’il fallait informer le public et laisser les gens faire leurs propres choix. Mais il en va peut-être différemment, car ce genre d’information risque d’être utilisée de façon tout à fait nocive.
    À titre d’exemple, il existe une application extrêmement populaire de l’iPhone, qui s’appelle MyFitnessPal. Quelle idée formidable: grâce à elle, les gens peuvent surveiller les calories qu’ils consomment, ce qui les aide à surveiller également leur poids et contribue à une bonne santé. Aujourd’hui, être en bonne santé est plus ou moins synonyme d’être maigre, ou encore dans certains cas de perdre du poids.
    Je connais un grand nombre de jeunes filles en âge de fréquenter le collège qui sont devenues esclaves du FitnessPal et qui ne cessent de consulter les chiffres que leur communique cette application. C’est une façon extrêmement simple de les rendre obsédées par les calories qu’elles absorbent. Pour ma part, j’essaie de les faire s’en détacher, car c’est quelque chose de dangereux.
(1700)
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous devons maintenant arrêter la réunion publique, étant donné que nous devons planifier à huis clos le reste de notre étude avant d'aller voter à la Chambre. Ça fait partie de notre travail.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être venus partager avec nous leur expérience et leur expertise. Cela va vraiment nous aider dans notre étude.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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