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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude du maintien en disponibilité opérationnelle.
    Nous avons avec nous le professeur James Fergusson, de l'excellente Université du Manitoba, qui dirige le Centre d'études stratégiques et militaires.
    Professeur, je vous souhaite la bienvenue au comité qui a bien hâte d'entendre votre déclaration préliminaire.
    Le maintien en disponibilité opérationnelle est toujours une tâche difficile et importante en raison principalement de l'incertitude qui entoure les déploiements opérationnels futurs au niveau de l'emplacement géographique, le milieu dans lequel se déroule le conflit, les nouvelles technologies militaires et les exigences ainsi que les objectifs de la mission. Les choses se compliquent davantage lorsque les forces armées font l'objet de compressions budgétaires importantes, comme c'est le cas des Forces canadiennes aujourd'hui.
    La demande à laquelle les forces doivent répondre est double. Tout d'abord, elles doivent maintenir leurs activités quotidiennes ainsi que leurs engagements existants en ce qui a trait à leurs capacités, leur personnel, la formation et l'enseignement. De par leur nature, ces exigences constituent une demande non discrétionnaire et donc relativement fixe pour ces ressources. En outre, ces engagements, sont principalement associés à un rôle de non-combat.
    La deuxième exigence consiste à assurer une disponibilité opérationnelle pour répondre à des engagements futurs largement imprévisibles. Il s'agit d'engagements discrétionnaires à deux égards. Tout d'abord, les FC n'ont pas la capacité de se préparer entièrement à toute situation d'urgence future. Il faut donc décider pour quel type d'urgence il faut se préparer. Deuxièmement, les ressources que l'on peut y consacrer sont celles qui n'auront pas été engagées pour répondre aux exigences fixes.
    Enfin, la disponibilité opérationnelle pour l'avenir prévisible devrait diriger notre attention sur le pire des cas — les missions de combat futures. L'objectif principal est de maintenir en état de disponibilité opérationnelle des forces aptes au combat. La transition de forces aptes au combat vers des rôles de non-combat n'est pas toujours facile. Cependant, le coût d'un manque de préparation au combat est bien plus élevé que le coût associé au fait de ne pas être préparés pour des fonctions de non-combat.
    Étant donné qu'ils dépendent de la première exigence dont font l'objet les Forces canadiennes ainsi que de leur évolution au fil du temps, les investissements dans la disponibilité opérationnelle constituent une cible évidente de compressions budgétaires. En outre, un ambitieux programme d'acquisitions d'immobilisations mis en place au cours des dernières années constitue un élément multiplicateur. Par le passé, les décideurs de la défense qui étaient confrontés à des compressions budgétaires ciblaient d'abord le personnel, car les ressources humaines représentent le poste budgétaire le plus important et que c'est le moyen de protéger les immobilisations, qui ont des répercussions sur l'état futur de disponibilité opérationnelle. Les décideurs ciblent ensuite les immobilisations parce qu'elles représentent les investissements futurs et permettent de protéger la disponibilité opérationnelle immédiate.
    Le fait de réduire le personnel limite les effectifs disponibles pour assurer la disponibilité opérationnelle, par rapport aux engagements existants. À cet égard, une solution probable consisterait à réduire le personnel de réserve occupant des postes à temps plein qui ont remplacé des postes clés, plus particulièrement en ce qui a trait au service de formation et d'enseignement lié à l'Afghanistan. Bien que leur suppression pourrait permettre de réaliser des économies et de protéger la disponibilité opérationnelle normale des forces, ce personnel de réserve devrait être remplacé par du personnel des forces régulières, à moins que leurs postes soient abrogés. En outre, le fait de supprimer ces postes complètement minera la disponibilité opérationnelle future étant donné qu'il s'agit de postes clés qui permettent d'assurer la communication des leçons tirées d'opérations passées à la relève.
    Il y a aussi la possibilité de remettre à plus tard les acquisitions d'immobilisations afin de protéger les investissements immédiats en matière de disponibilité opérationnelle. Qu'il s'agisse des F-35 ou du programme de construction navale, le fait de chercher à augmenter la durée de vie utile de l'équipement existant est associé à la possibilité de coûts supplémentaires. En outre, il faut tenir compte de ces acquisitions qui sont essentielles pour s'acquitter des engagements fixes existants et assurer une disponibilité opérationnelle.
    À la lumière de ces considérations, et en l'absence d'indications très claires selon lesquelles les décideurs de la défense devront réduire les effectifs des forces régulières ou retarder des acquisitions, la disponibilité opérationnelle, plus particulièrement en matière de formation, risque d'en pâtir. Une fois de plus, les réserves pourraient avoir à en assumer le fardeau, dans l'espoir que les déploiements futurs pourront être effectués par les forces régulières, et que cela laissera suffisamment de temps pour former des forces de réserves à des fins de maintien et de remplacement. De toute évidence, cela sera variable d'un service à l'autre.
    Par exemple, il n'y a pas de forces de réserve disponibles pour la flotte de CF-18. En effet, la question de la disponibilité opérationnelle par rapport au type de ressources disponibles varie d'un service à l'autre. Par exemple, l'armée de l'air et la marine, à titre de plates-formes polyvalentes devant offrir une certaine souplesse, sont moins vulnérables que l'armée de terre aux différents milieux de combat, si l'on part de l'hypothèse que des ressources suffisantes peuvent être investies dans la formation pour tous les rôles. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de solution unique pour tous les services en matière de disponibilité opérationnelle.
    Cependant, les forces envisagent deux alternatives fondamentales au maintien de la disponibilité opérationnelle. La première consiste à désigner des unités précises pour assurer une disponibilité opérationnelle en matière de combat, le modèle de la FOI des forces spéciales, par exemple. Ces unités pourraient donc être considérées comme premiers intervenants pour des missions futures imprévisibles. Elles concentreraient notamment leurs efforts sur la formation au combat mais aussi sur l'interopérabilité avec les alliés. Dans le cas d'un déploiement à l'étranger, ceci permettrait de gagner du temps pour former des forces de remplacement ou mettre en place des forces de maintien, en partant de l'hypothèse que du financement supplémentaire spécial serait fourni pour ce type d'opération par le gouvernement. Les Forces canadiennes non mobilisées seraient donc principalement chargées de répondre aux engagements quotidiens. Parallèlement, d'autres unités pourraient se spécialiser dans des rôles précis de non-combat.
    Le problème, c'est que cela créerait une force armée à au moins deux vitesses — certaines unités étant aptes au combat et d'autres, non. Dans certains cas, cela existe déjà en fonction de tâches et de plates-formes spécialisées au sein des services. Cependant, une force armée à plusieurs vitesses soulève des questions relatives au moral des troupes, au maintien en poste des effectifs et au recrutement.
    Autrement, les FC peuvent continuer de soumettre les unités à un principe de rotation régulière à des fins de formation au combat ou de maintien en disponibilité opérationnelle. Bien que cela permet de maintenir un certain degré de disponibilité opérationnelle dans l'ensemble des forces, la profondeur de cette disponibilité opérationnelle en est limitée.
    Il y a aussi la possibilité d'éliminer les capacités existantes et de réduire ainsi les types de combat que les forces peuvent mener. Cela, de toute évidence, a des implications politiques considérables pour les gouvernements. Les capacités à elles seules ne devraient pas dicter les engagements politiques. En outre, le programme d'acquisition d'immobilisations au cours de la dernière décennie et à l'avenir limite considérablement la possibilité de supprimer certains types de capacités. En ce sens, les forces sont prisonnières de leurs décisions passées. En outre, les capacités perdues seront aussi très difficiles à se procurer de nouveau si l'avenir ne correspond pas aux attentes. Et même dans ce cas, une évaluation détaillée des capacités existantes est nécessaire.
    Pour conclure, la disponibilité opérationnelle pâtira des compressions budgétaires à venir, mais l'avenir n'est pas si sombre que cela. L'expérience opérationnelle des Forces canadiennes au cours de la dernière décennie et plus permet de nous assurer que la disponibilité opérationnelle peut être gérée, du moins dans un avenir immédiat.
    Les forces sont dotées d'une expérience de combat approfondie qui est le résultat des interventions récentes en Afghanistan ainsi qu'en Libye. L'élément clé est le maintien en poste du personnel d'expérience et la transmission de cette expérience au moyen de la formation et de l'enseignement, pour la relève. Dans la mesure où l'avenir immédiat est conforme à cette expérience pour ce qui est des engagements opérationnels futurs, la disponibilité opérationnelle est donc tout à fait gérable.
    Le danger, cependant, est que les engagements opérationnels futurs ne soient pas conformes aux expériences passées. Les Forces canadiennes peuvent bénéficier d'une bonne disponibilité opérationnelle mais combattre dans le mauvais conflit. La leçon à tirer de cela, c'est que les Forces canadiennes, comme la plupart des forces armées occidentales, n'étaient pas bien préparées à la transition spectaculaire des opérations de dissuasion et de maintien de la paix de l'époque de la guerre froide à des opérations de combat et de soutien de la paix comme celles que l'on connaît depuis les deux dernières décennies. À l'exception du fait que les opérations à l'étranger supposent une intervention selon l'état de préparation actuel et que le spectre d'opérations possibles peut-être discerné ou identifié, personne ne peut prédire à quels types précis d'opérations, de conflits ou de milieux de combat les FC pourront être confrontées.
    Comme je l'ai dit précédemment, les FC ne peuvent être prêtes à intervenir dans tous les types de situations d'urgence du spectre d'opérations. Au mieux, il est essentiel d'assurer le maintien de compétences de base en matière de combat et de parvenir à un équilibre entre la disponibilité opérationnelle immédiate motivée par les expériences passées et la disponibilité opérationnelle future pour des environnements imprévisibles. Tel est le véritable défi de la disponibilité opérationnelle.
    Merci.

  (1110)  

    Merci professeur. Nous apprécions votre déclaration préliminaire.
    Nous allons entamer notre série de questions de sept minutes avec M. Christopherson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Fergusson. Vous nous avez fait un exposé très rigoureux.
    J'aimerais commencer par ce que vous avez dit à la fin, à savoir les défis imprévisibles à venir. Un de nos défis, en ce qui a trait à la disponibilité opérationnelle des forces armées, c'est de mettre la charrue avant les boeufs. Chacun a sa propre interprétation du terme « disponibilité opérationnelle ». C'est vrai aussi pour les témoins qui ont comparu devant notre comité. Je pense tout de même qu'on est tous d'accord pour dire qu'avant de pouvoir dire si on dispose de la disponibilité opérationnelle adéquate, il faut savoir de quel type d'opération on parle. D'abord, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec ça.
    Deuxièmement, en ce qui a trait aux défis imprévisibles de l'avenir — il s'agit là sans doute de la question la plus épineuse, parce que personne ne peut prédire l'avenir — étant donné ce qui se passe à l'heure actuelle, et le dénouement probable des différents conflits, à quoi le ministère de la Défense devrait-il accorder la priorité?
    Monsieur, pourriez-vous répondre à ces deux interrogations?
    Je suis d'accord. Je suis passé par plusieurs ébauches avant d'en arriver à mon mémoire final et chaque fois que je tentais de cerner le concept de « disponibilité opérationnelle », je me demandais toujours « disponibilité opérationnelle pour quoi? Pour quoi faire? »
    Il faut que le concept soit clairement défini. Quand on prend en compte ce qu'il adviendra dans l'avenir, les choses se compliquent. Voilà pourquoi j'estime qu'on devrait éviter de faire référence à des situations de combat ou des environnements militaires précis dans le cadre desquelles les forces armées pourraient jouer un rôle important, qu'il s'agisse de missions constabulaires ou de combat, pour identifier de façon générique ou abstraite le type de mission dont il est question. Ce qui m'amène à répéter ce que j'ai dit dans mon exposé: les missions de combat sont le type de déploiement des Forces canadiennes les plus extrêmes.
    Cela est relié, bien sûr, à la deuxième question qui est de savoir comment les situations de combat vont évoluer avec le temps? C'est excessivement difficile à prédire. Les universitaires comme moi vous diront qu'on évolue vers deux types de mission opposés.
    Le premier type, c'est la continuation de ce qui s'est produit au cours des deux dernières décennies: les États en déliquescence, les conflits intérieurs, les guerres civiles — ce qui se passe en Syrie aujourd'hui, par exemple. En somme, tout ce qu'on a connu depuis la Somalie et l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie va perdurer.
    Donc, pour les forces armées, il s'agit d'un environnement d'insurrection et de mesures anti-insurrectionnelles où les militaires ont leur rôle à jouer en matière de renforcement des capacités nationales. Je pense en particulier à l'expérience des Forces canadiennes en Afghanistan — où elles prenaient part à des opérations anti-insurrectionnelles, gagnant ainsi la confiance de la population locale, ce qui demandait des compétences bien précises, et former les Forces afghanes — et aux investissements qui ont été faits, surtout au Canada pour être sûr que les militaires étaient prêts à être déployés à l'étranger.
    Dans ce contexte-là, étant donné notre vaste expérience, le Canada peut facilement continuer ses activités. Voilà ce que j'entends quand je dis que le futur immédiat est la continuation de nos expériences passées. Si c'est effectivement ce qui se dessine à l'horizon — et je n'en suis pas convaincu, je dirais que la situation est assez gérable. Les militaires sont là, il s'agit de pouvoir les garder et d'avoir suffisamment de ressources pour les former en continu et d'assurer un bon transfert intergénérationnel entre les militaires actuels et ceux qui les remplaceront.
    Le problème, c'est que quand on étudie le monde tel qu'il est à l'heure actuelle, on remarque deux choses en particulier.
    Premièrement, et je suis convaincu de ne pas être le premier à vous en parler, on parle de plus en plus de la réapparition potentielle des conflits entre grandes puissances, surtout en référence à l'obsession grandissante des États-Unis pour la Chine. Qui dit conflit entre grandes puissances dit armes nucléaires. Et nous risquons d'assister à la réapparition de forces dissuasives très utilisées à l'époque de la guerre froide. Ce qui nous occuperait en premier lieu ne serait plus les États en déliquescence. Ils existeraient toujours, comme ils existaient à l'époque de la guerre froide, mais, de façon générale, les gouvernements n'y ont pas prêté beaucoup d'attention ou s'y sont intéressés, mais dans le contexte de la rivalité caractéristique de la guerre froide. Cela fait longtemps que les Forces canadiennes n'ont pas connu une telle réalité et, par conséquent, ce serait quelque chose de relativement nouveau pour elles. Personne ne peut savoir comment tout cela se soldera.
    Il est clair que quand on a des ressources limitées, il est très difficile d'être au four et au moulin.
    En plus, de plus en plus, les opérations se compliqueront technologiquement parlant pour les Forces canadiennes; on ne peut qu'imaginer ce que cela voudra dire pour les opérations anti-insurrectionnelles de l'avenir. D'ailleurs, on a eu un avant-goût de ce phénomène en Afghanistan, quand on a constaté, par exemple, que les talibans utilisaient les médias sociaux, entre autres, ce qui nous a surpris étant donné ce qu'on pensait savoir sur la nature des talibans et sur la nature de la société afghane. Comme l'a démontré notre expérience en Afghanistan, on ne peut qu'imaginer les progrès technologiques qui se feront avec le temps.
    Vous voulez peut-être savoir ce que j'ai répondu à ceux qui m'ont demandé il y a une décennie environ où les Forces canadiennes allaient se retrouver après la Bosnie. À l'époque, j'ai dit qu'elles iraient en Afrique. Eh bien, ce n'est pas ce qui s'est produit, pas pour l'instant en tout cas. On pourrait se retrouver en Afrique comme au Moyen-Orient. Comment savoir?
    De plus, il faudra faire face aux forces certes irrégulières, mais équipées de technologies de plus en plus avancées, qui vont s'engager dans la guerre électronique en utilisant des appareils électroniques de brouillage et de mystification en vente libre pour tenter de mener à mal les structures technologiques occidentales. C'est un autre facteur qu'il faut prendre en compte, mais par conséquent on ne peut pas se contenter de...

  (1115)  

    Quand on pense aux opérations anti-insurrectionnelles traditionnelles, on pense aux déploiements de l'Armée de terre, aux patrouilles et aux missions traditionnelles anti-insurrectionnelles, mais il faut savoir que les opérations peuvent être beaucoup plus compliquées que ça. Alors, comment former les Forces canadiennes pour qu'elles puissent faire face à toutes ces éventualités? Comment les former, sachant qu'il est impossible de couvrir tous les cas de figure? C'est impossible. Même s'il n'y avait pas de compressions budgétaires, on ne pourrait pas former les Forces canadiennes pour qu'elles soient en mesure d'intervenir dans n'importe quelle situation. Ç'a n'a jamais été possible.
    Et c'est là que les choix deviennent réellement difficiles. Historiquement parlant, le ministère de la Défense nationale et les gouvernements, tous partis confondus, ont eu du mal à trancher.
    Désolé de vous interrompre. J'aimerais vous poser une dernière question rapidement.
    Désolé, j'ai du mal à être concis.
    Ne vous inquiétez pas, je vous aurais interrompu plus tôt si ce que vous disiez n'était pas pertinent.
    J'aimerais vous poser une petite question. Vous avez dit que nous nous attendions tous à ce que le budget de la Défense soit réduit dans le prochain budget fédéral. À votre avis, est-il dangereux de procéder à des compressions budgétaires sans savoir à quel type d'opération militaire les Forces armées canadiennes vont participer dans l'avenir?
    Monsieur Fergusson, étant donné que le temps de M. Christopherson est écoulé, je vous demanderais de répondre très brièvement.
    Que le budget du ministère de la Défense soit réduit ou non, là n'est pas la question. Même s'il n'y avait pas de compressions, ça ne voudrait pas nécessairement dire qu'on investirait les ressources de façon à être prêts à affronter ce que nous réserve l'avenir.
    Je pense que la question des compressions budgétaires et celle de la disponibilité opérationnelle des forces armées, ce sont deux questions distinctes, sauf dans la mesure où les compressions rendront la tâche plus difficile.
    Merci.
    Monsieur Opitz, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie chaleureusement d'être ici aujourd'hui. Je suis d'accord avec bon nombre des points que vous avancez. C'est très encourageant.
    J'aimerais parler du scénario d'instruction commun de l'armée, que vous connaissez sans doute. Trois membres du comité ont déjà fait partie des forces en travaillant dans les armes de combat, soit Mme Moore, M. Chisu et moi-même. Parmi les scénarios, il y a celui qui porte sur l'Afghanistan et qui était enseigné en tout premier. Ce type d'instruction axé sur la mission a été donné pendant les 10 dernières années.
    Cette formation avait été conçue pour un type précis de théâtre d'opérations. Or, le scénario utilisé lorsque j'étais au Secteur du centre de la force terrestre à titre d'officier d'état-major était assez générique pour être repris presque dans n'importe quelle situation. On pouvait ajuster les objectifs de formation intégrée, de sorte que les soldats soient prêts à faire face à n'importe quelle mission, qu'il s'agisse de l'édification d'une nation, du maintien de la paix ou d'un combat armé.
    J'aimerais que vous nous en parliez dans un instant.
    Vous avez également mentionné la disponibilité opérationnelle à titre de composante en éducation. Étant éducateur, je présume que vous connaissez bien le Collège des Forces armées canadiennes et l'Académie canadienne de la Défense, pour n'en nommer que quelques-uns.
    Que pensez-vous en général du scénario d'instruction commun de l'armée sur le terrain et de l'éducation militaire? Notre comité s'est rendu au Collège des Forces armées canadiennes ainsi qu'à d'autres établissements pour voir ce qu'il en est.
    Qu'en pensez-vous?

  (1120)  

    Je ne connais pas dans les détails la formation en vue des missions de combat. Je suis davantage spécialisé dans le domaine aérospatial.
    Je ne suis pas convaincu qu'on puisse appliquer un scénario d'instruction qui porte sur les opérations de contre-insurrection établi à partir de l'expérience afghane à d'autres missions de combat potentielles dans l'avenir. Cela me semble dangereux. Tout d'abord, la leçon tirée des opérations militaires sur le plan historique, pas seulement pour l'armée, mais pour la plupart des armées occidentales, est le sentiment que nous pouvons profiter d'une formation fondée sur les expériences passées.
    Laissez-moi vous expliquer l'exemple le plus criant. De la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la fin de la guerre froide, les armées alliées ont été entraînées pour faire face à une guerre semblable à la Deuxième Guerre mondiale, mais dans un environnement nucléaire. Beaucoup de gens, dont beaucoup d'universitaires, ont affirmé haut et fort que compte tenu de la structure même des armées alliées, elles ne seraient pas capables de faire face à la situation dans un environnement nucléaire. Ils ont avancé qu'il faudrait une restructuration de fond en comble des forces, restructuration qui n'a jamais eu lieu.
    Cela ne peut pas être utile en raison de la durée limitée de la formation... D'après mon expérience d'enseignant ou si vous le préférez, d'éducateur, les étudiants intégreront simplement le modèle dominant et ne seront pas vraiment capables d'essayer de comprendre la façon dont tout se déroulera, de comprendre que l'environnement de combat varie en fonction du type de population — neutre, favorable, hostile, voire inexistante, car habituellement, les civils s'enfuient. Il est impossible de faire cette différence. Il y a un danger à rester rivé à nos expériences passées. Voilà ce qui me préoccuperait.
    Au sujet de la question de l'éducation, je crois que ce volet est le plus vulnérable en ce moment, car c'est l'avenir. Il faut éduquer le personnel recruté, mais avant tout, les officiers, les jeunes officiers, qui dans 5 à 10 ans assumeront de plus en plus des postes de commandement. D'après la tendance, l'armée essaiera de restreindre cela. C'est un problème persistant au sein des forces armées, qui valorisent davantage l'expérience opérationnelle que l'éducation. En se fondant sur la façon dont les militaires se perçoivent, je ne crois pas qu'il y ait eu de changements considérables à cet égard. Le besoin constant de garder les forces dans un état de disponibilité immédiate permettant de faire face à l'inattendu, si on s'en remet à l'expérience passée, incitera les forces à restreindre cet élément ou à le remettre à plus tard. Cette approche peut fonctionner pendant une courte période de temps, et on peut espérer que les choses s'amélioreront et qu'on sera en mesure de rétablir la situation, mais on perd des compétences ou on les réduit dangereusement dans un avenir immédiat, et c'est comme perdre du matériel, un avion de chasse par exemple, pour le remplacer, il faut du temps et de l'argent. Je crois que les forces doivent se montrer très prudentes quand il s'agit de se tourner vers une solution, car, je le répète, c'est son point faible.
    Au sujet du scénario d'instruction commun de l'armée, je crois que s'il y a une leçon que nous avons bien apprise, c'est de ne pas nous battre dans la dernière guerre. L'utilité du programme est de permettre aux planificateurs d'ajouter de nouvelles dimensions en fonction des tendances de l'avenir. C'est un excellent concept.
    La technologie, ça aide.
    La technologie, ça aide.
    La simulation également, mais c'est coûteux.
    Oui. J'affirmerais qu'au Collège des Forces armées canadiennes, on reconnaît que l'expérience opérationnelle est fort précieuse, certes, mais que ce sont les leçons retenues et appliquées aussi par nos alliés qui font avancer les choses, car il ne s'agit pas seulement des Canadiens mais aussi de nos alliés.
    Vous avez également parlé des acquisitions et du maintien d'un équipement de base pour se préparer à toutes opérations futures. Que pensez-vous du maintien de nos acquisitions, de notre niveau d'équipement, des acquisitions de nouvel équipement pour les prochaines opérations?

  (1125)  

    Cela dépend du type de nouvel équipement dont vous parlez. Lorsqu'on parle d'acquisition de matériel, on pense en général aux grandes plateformes et aux gros achats, et ils deviennent le point central. Pour la plupart d'entre nous, et surtout dans le milieu universitaire, ce sont les petits achats, par exemple, le matériel électronique ou informatique, qui comptent. Je ne crois pas que quiconque ait vraiment la main haute là-dessus et sache de quels éléments on pourrait retarder l'achat.
    Pour ce qui est des grands programmes d'acquisition de matériel, je ne crois pas que l'on puisse faire quoi que ce soit pour l'instant. Je crois qu'on devrait aller de l'avant avec ces achats, même si, éventuellement, on devait en retarder l'exécution en fonction de l'économie. Somme toute, je ne vois pas comment on pourrait faire des économies à cet égard.
    Vous avez soulevé un bon point en abordant la question des petits achats et je crois qu'on en prendra bonne note, monsieur...
    Je suis désolé de vous interrompre, mais je tiens à dire que l'un des dangers réside dans le fait qu'un énorme battage publicitaire est accordé à l'achat de gros matériel comme les F-35, les destroyers et les navires de patrouille, alors que personne ne porte attention aux plus petites acquisitions. Ces petites acquisitions deviennent vulnérables, pour un ensemble de raisons, car seules les acquisitions majeures sont ciblées. Or, dans toute armée moderne, ce sont ces plus petits éléments, soit les sous-éléments intégrés aux plateformes qui comptent. Il peut s'agir de périphériques électroniques essentiels et de processus de modernisation qui permettent de rester à jour, en particulier par rapport à nos alliés.
    Eh bien, la technologie est essentielle pour multiplier les forces.
    Il me reste probablement une seule seconde, mais vous avez également mentionné la rotation des brigades d'intervention rapide.
    Je voudrais que vous m'expliquiez quelle sera l'incidence de cette rotation sur la disponibilité opérationnelle?
    Monsieur Opitz, votre temps est écoulé, alors je demanderais à M. Fergusson de répondre brièvement.
    Essentiellement, cela signifie que plus vous avez d'unités que vous essayez de maintenir en disponibilité et d'élargir, dépendamment des heures totales, moins vous avez de temps à accorder à chacune d'elle. En fin de compte, vous en arriverez à une armée de terre, de l'air ou navale, ou interarmées, peu importe, dotée de nombreux soldats qui ont une certaine expérience et connaissance et disponibilité opérationnelle, mais une capacité réduite d'exploiter les systèmes de formation de combat et tous les scénarios. Cet aspect aura été négligé, faute de temps. Les connaissances seront donc étendues mais peu profondes.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fergusson, je vous remercie également.
    Après avoir évolué dans les hautes sphères, j'aimerais que nous redescendions un peu plus bas vers un sujet qui nous touche d'un peu plus près, soit les F-35. Vous avez rédigé un article bien réfléchi à l'automne au sujet de ces avions de chasse. J'aimerais faire une mise en contexte en me référant à votre article, mais aussi aux témoignages que nous avons entendus au cours des derniers mois.
    Je crois qu'autour de cette table, tout le monde s'entend pour dire que nos avions de chasse doivent être remplacés. Nous admettons ce fait. Dès que l'armée perd une capacité, c'est perdu à jamais. Nous en convenons tous. Je ne sais pas si vous reprenez les propos de Dyer, qui a déclaré qu'on devait se débrouiller avec ce qu'on a quand une guerre éclate. C'est tout à fait vrai. On doit composer avec ce dont nous disposons dans nos entrepôts, et cela ne laisse aucune possibilité de remplacement.
    Hormis tous les retards et difficultés technologiques auxquels Lockheed Martin doit faire face et toutes les rumeurs au sujet des participants et non-participants, de même que toutes les hypothèses sur les coûts et les analyses stratégiques et militaires, je le répète, tout le monde s'entend pour dire que ces avions de chasse doivent être remplacés. Compte tenu du fait que quel que soit le conflit auquel nous participerons, qu'il s'agisse d'une opération continentale ou internationale, nous serons probablement partis à une coalition. D'après moi c'est un fait. On peut présumer avec certitude que s'il y a une intervention aérienne, les États-Unis y participeront. Il faut alors se demander quelle est la valeur ajoutée de la furtivité?
    L'un des témoins a déclaré que les appareils furtifs arrivaient toujours à détruire les appareils non furtifs et a même produit des statistiques à cet égard. Or, d'autres témoins ont déclaré que malgré ce fait, nous n'arrivons jamais les premiers, mais par la suite. Le gouvernement a carrément campé sa position au sujet des F-35 et, à certains égards, je dirais qu'il est pris à son propre piège, car la valeur stratégique de la furtivité, mis à part le type de modèle, peut être remise en question dans une certaine mesure.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la valeur ajoutée que représente la furtivité par rapport à d'autres options. Y aurait-il des solutions de rechange qui, comme l'a si bien dit un général britannique, pourraient faire l'affaire dans le cadre d'un conflit à venir?

  (1130)  

    Cette question porte sur des points très techniques. On peut faire référence à l'expérience libyenne où, en général, avant l'arrivée des forces de l'OTAN, les Américains étaient déjà présents. Cela appartient au domaine public. Apparemment, les Américains avaient déjà fait le gros du travail pour détruire les systèmes de défense aérienne de l'ennemi. Les États-Unis ont certaines capacités dont leurs alliés ne sont pas dotés, pas seulement des plateformes furtives, mais également des technologies et des systèmes de soutien, qui leur ont permis de neutraliser et de détruire des systèmes de défense aérienne relativement avancés dans le cadre de nombreux conflits. Notons qu'en Libye, on ne peut pas vraiment parler d'un système avancé.
    Ont-ils eu recours à des appareils furtifs? J'ai cru comprendre qu'ils n'ont pas utilisé leurs F-22 dans le cadre de ce conflit.
    Ils n'en ont pas eu besoin.
    Oui, je sais.
    Ils ont tout un ensemble d'éléments à leur disposition.
    Qu'est-ce que la furtivité apporte de plus? Je crois que c'est pour la défense de l'équipage aérien et l'achat de plateformes très coûteuses. On constate qu'il y a de moins en moins d'États qui acquièrent des systèmes de défense aérienne de plus en plus complexes. Mais ils ne vont pas rester à ne rien faire. Les pays comme l'Iran ne vont pas rester à ne rien faire et attendre pour savoir ce qui adviendra d'eux militairement en cas d'attaque. La Russie et la Chine essaient certainement d'élaborer des systèmes de défense aérienne encore plus avancés pour leur permettre de battre les systèmes américains sans avoir à céder leur supériorité aérienne rapidement.
    La furtivité représente une technologie de base ou une protection par rapport à un avenir incertain. Il s'agit d'une technologie mature actuellement, du moins pour les États-Unis et pour les F-35. J'aimerais vous retourner la question. Pourquoi ne voudrions-nous pas de la prochaine génération d'avions de chasse, qui vont durer au moins 30 à 40 ans? Pourquoi ne voudrions-nous pas nous doter de la meilleure technologie sur ces avions, quels que soient les autres modèles offerts sur le marché?
    L'argument qui a été avancé, c'est que si vous n'achetez pas d'avions furtifs, vous achetez des appareils qui deviendront des cercueils volants.
    C'est probable.
    Oui, c'est une façon assez tragique de décrire la situation, mais on ne sait pas dans quelle mesure la furtivité donne vraiment une longueur d'avance. Au moment où ces appareils seront livrés, peut-être qu'on aura trouvé l'antidote à la furtivité, ce qui rendra inutile tous les coûts additionnels.
    C'est possible. L'un des grands dangers ou problèmes auxquels doivent faire face toutes les armées, y compris l'armée américaine, c'est l'évolution rapide des percées technologiques. Comment les décisions sont-elles prises? Par le passé, nous avons parié que les développements technologiques avaient une durée de vie de 10, 20 ou 30 ans. En se penchant sur l'histoire de l'évolution des plateformes de combat depuis la Deuxième Guerre mondiale, on s'aperçoit qu'il y a rétrécissement de la durée de vie qui est passée à 20 ans, et que la capacité d'ajouter une composante modulaire aux nouvelles technologies recule également.
    Il n'y a pas de réponse sûre à votre question. Il n'y a pas de réponse claire, mais il y a d'autres raisons que la furtivité qui explique pourquoi les F-35 sont la seule option possible pour le Canada.
    Je comprends votre argument. Je ne suis pas certain d'être d'accord, mais je le comprends.
    Passons à un autre point qui a également été soulevé auparavant. Dans un contexte de coalitions, nous constatons que les États-Unis se détournent de l'Atlantique et se tournent davantage vers le Pacifique. Nécessairement, nous leur emboîtons le pas. Je ne crois pas qu'ils nous aient passé un coup de fil pour nous demander ce que nous en pensions. Ils choisissent la direction, et nous suivons. Par conséquent, il y aura une division des tâches, alors quels conseils donneriez-vous à la marine canadienne qui sera au coeur de cette transition? Quelles tâches devrait-elle réaliser dans le cadre de la participation globale à cette réorientation vers le Pacifique?

  (1135)  

    Elle devrait continuer de faire le même travail qu'actuellement, c'est-à-dire d'être fondamentalement capable d'intégrer effectivement un groupe opérationnel naval américain. Nous devrions continuer de mettre l'accent là-dessus.
    Y a-t-il des éléments stratégiques qui, d'après vous, devraient être relevés? Par exemple l'Arctique ou un élément de ce genre, car nous n'allons pas nous lancer en mission dans le détroit de Malacca, par exemple?
    Nous n'en avons pas la capacité. Si l'on cherchait à prendre la tête des opérations dans l'Arctique ou à relever les forces américaines dans l'Atlantique pendant que celles-ci se dirigent vers le Pacifique, nous n'en aurions pas la capacité. Ce qui nous amène à aborder une question encore plus grande, c'est-à-dire le potentiel des Forces canadiennes à devenir un chef de file. C'est malheureux, mais nous n'en avons pas la capacité.
    Oui, quoi qu'il advienne, nous ferons toujours partie d'une coalition.
    Exactement.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant commencer les séries de questions de cinq minutes.
    Monsieur Chisu, c'est à vous de commencer.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre déclaration liminaire. J'ai bien aimé vous écouter. Vous avez parlé des expériences et des leçons tirées de l'Afghanistan ainsi que des autres zones de conflit.
    Parlant de l'Afghanistan, vous savez qu'il y a eu un précédent à ce pays en ce qui a trait à la contre-insurrection. Nous n'avons pas participé directement à ces missions auparavant, mais notre voisin du Sud en avait fait l'expérience au Vietnam. C'était il y a une trentaine d'années. Beaucoup de leçons tirées de ce type de conflit peuvent également s'appliquer à l'Afghanistan.
    J'aimerais parler surtout des menaces. D'après vous, à quelles menaces le Canada est-il exposé, surtout en Arctique?
    De tous les pays arctiques, nous sommes les seuls qui possèdent le passage du Nord-Ouest. La tendance générale veut que ce passage soit une voie internationale librement accessible qui se situe sur notre propre territoire, j'estime qu'il s'agit d'une menace très réaliste. Nous avons parlé d'une flotte en Atlantique ou au Pacifique auparavant, mais dans le cas de l'Arctique, la menace se situe sur notre propre territoire... Le Panama est propriétaire du canal de Panama et l'Égypte, du canal de Suez. Il y a également tous les autres éléments rattachés aux territoires internationaux. Je ne voudrais pas que le Canada soit divisé par une voie navigable internationale à l'accès libre.
    D'après vous, que devrions-nous faire pour éviter cette situation? La tendance générale va dans ce sens et, personnellement, j'estime qu'il s'agit d'une menace au Canada.
    Eh bien, à mon humble avis, l'Arctique ne présente aucune menace militaire à la sécurité du Canada. Je crois que les chances sont quasi nulles que nous préparions des unités de combat armées pour battre une campagne militaire navale dans l'Arctique avec l'appui des forces terrestres.
    Malgré les changements climatiques qui sont enregistrés dans cette zone, les conditions demeureront néanmoins difficiles. Il faut se demander sur quoi porteront réellement les questions stratégiques.
    Il y a la question de la sécurité du Canada dans le Nord, celle de la maîtrise et du maintien des normes de pollution ainsi que celles de l'intégrité territoriale relative au transport maritime. Nous devons intervenir, et les Forces canadiennes peuvent avoir un rôle à jouer dans cette intervention, mais s'agissant de déployer des ressources militaires précises et de se doter d'une capacité en Arctique, je crois que ce serait une grave erreur.
    En ce qui a trait aux menaces à la sécurité du Canada, soit des menaces militaires, il s'agit exclusivement de risques rattachés au domaine aérospatial. J'ai toujours répété que c'est là-dessus qu'on devrait mettre l'accent. Si l'on cherche à préciser quelles sont les véritables menaces dans notre pays, en termes militaires, c'est sur le plan aérospatial.
    Comment envisagez-vous le fait que nous aurons une voie navigable internationale sur notre propre territoire? C'est déjà une explication en soi... Il est vrai que des sous-marins et des brise-glaces américains ont traversé le passage du Nord-Ouest. Je crois par conséquent que c'est une question importante qui ne porte pas seulement sur la sécurité. Il en va également de notre intégrité nationale.
    Il y a beaucoup de pays qui sont juxtaposés à un passage international et qui ont su gérer les questions relatives à ces voies de transit. Le Canada jouit d'un certain ensemble de droits découlant du fait qu'il s'agirait d'une voie internationale située dans des eaux intérieures: il a donc le pouvoir légal de faire respecter certains éléments de sa compétence ou de sa souveraineté dans la région.
    Je ne vois pas pourquoi cette zone serait très fréquentée par des navires armés. Du moins, le droit de passage inoffensif ne constitue pas un problème pour nous, non plus que pour les autres États situés dans cette zone. Pour ce qui est des sous-marins, cette question sera soulevée dans la mesure où les Russes ou les Chinois pourraient reprendre les politiques stratégiques nucléaires de l'État soviétique en essayant de faire de l'Arctique un bastion pour leurs sous-marins lance-missiles à propulsion nucléaire et leurs sous-marins armés de missiles balistiques.
    Si la glace recule, et que les rapports disent vrai, probablement que la stratégie des Russes ou des Chinois deviendra très problématique pour eux. Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi nous devrions dépenser beaucoup d'argent, outre pour nous équiper davantage en systèmes de surveillance pour savoir ce qui se passe. Pourquoi investir des sommes considérables pour essayer de contrer un problème potentiel de sous-marins dans le Nord...? Dans quel but? Qu'allons-nous en faire? Quels sont les scénarios que nous essayons d'envisager? Je crois qu'il s'agirait d'un investissement fort mal avisé.

  (1140)  

    Vous ne pensez donc pas qu'on devrait être présent dans l'Arctique... ?
    M. James Fergusson: Nous assurons une présence...
    M. Corneliu Chisu: Vous savez que si vous n'êtes pas présent là-bas, il y en a d'autres qui vont s'y installer.
    Nous assurons une présence et nous élaborons des systèmes de surveillance.
    Merci.

[Français]

    Madame Moore, vous disposez de cinq minutes.
    J'ai lu ce que vous avez publié. Vous expliquez que le choix d'un avion de chasse est politique et stratégique. Le fait de choisir un avion de dernière génération très performant, par exemple, permet de prendre des décisions politiques basées sur ce que nous voulons faire plutôt que sur nos limites. Il s'agit vraiment de se donner des capacités. Dans le cas du F-35, on parle bien sûr des dépassements de coûts qui y sont associés.
    À partir de quel moment cet investissement destiné à se donner des capacités n'est plus avantageux pour le pays, par exemple si ça empiète sur telle ou telle chose et que ça en compromet d'autres, sur le plan budgétaire?

[Traduction]

    Votre question est très bonne, mais il est quasiment impossible d'y répondre. En effet, vous parlez des coûts de renonciation. Vous voulez savoir ce qui est perdu en continuant d'investir dans ce projet si le prix augmente par rapport aux autres options et plateformes et aux diverses capacités qu'elles offrent et qui auraient pu être envisagées, par rapport aux considérations politiques et stratégiques, et par rapport aux considérations économiques, industrielles et technologiques?
    Personne ne le sait. C'est la première fois que le Canada se lance dans le développement de plateformes militaires. Historiquement, le Canada a toujours préféré attendre que les nouveaux aéronefs soient mis à l'essai par un autre pays pour ensuite investir. Cette façon de procéder permet dans une certaine mesure d'éviter les surprises quant aux coûts et aux caractéristiques techniques. Dans beaucoup de cas, nous nous sommes lancés dans le processus pour ensuite nous en retirer rapidement.
    Pour ce qui est du modèle de JSF ou de F-35 dont il est question, on avait l'impression que le consortium auquel on a adhéré tôt dans le processus allait faire bouger les choses rapidement. Malheureusement, les choses ne se déroulent pas toujours comme on le désire, et on aurait dû se rendre compte qu'il s'agissait d'une proposition risquée. Mais il faut savoir qu'étant donné les considérations politiques et stratégiques en jeu, ce qui se produit, c'est qu'on se fait piéger et qu'il est impossible de s'en sortir.

[Français]

    D'accord.
     Si, peu importe la façon dont nous étudions le budget, il s'avère que nous n'avons pas la capacité financière d'acheter 65 appareils F-35, serait-il préférable d'acheter 65 bons avions de chasse autres que des F-35 ou d'acheter moins de F-35? En d'autres mots, serait-il préférable, sur le plan stratégique, d'acheter 35 appareils F-35 ou 65 avions de chasse d'un autre modèle?

  (1145)  

[Traduction]

    Il serait sans doute préférable d'acheter moins de F-35. Nos alliés membres du programme ont pour leur part tous réduit leurs commandes en raison de restrictions budgétaires. Mais il faut comprendre que chaque fois qu'un aéronef est décommandé, le prix unitaire des avions augmente. Par conséquent, au bout du compte, les épargnes réalisées en décommandant ne seront peut-être pas aussi importantes qu'on aurait pu le croire.
    Pourquoi se dit-on surpris lorsque les grands programmes de développement militaire dépassent leur budget? C'est pourtant inévitable. Peu importe ce qu'on fait, il y a toujours dépassement des coûts. C'est en fait très prévisible comme phénomène. Ce qu'il nous reste à déterminer ce sont les coûts supplémentaires exacts et la somme maximale acceptable. Stratégiquement parlant, il n'y a pas d'autre solution pour nous.
    C'est vrai que du point de vue strictement budgétaire, il pourrait y avoir d'autres options. Mais si le Canada veut continuer à jouer un rôle important dans notre monde stratégique, c'est-à-dire le monde aérospatiale, les F-35, c'est la seule solution. Le Canada ne pourrait pas se contenter des Super Hornet, ni des SAAB Gripen, ni des vieux Eurofighters ou Rafaels. On n'ira pas acheter d'aéronefs russes ni chinois, bien évidemment. Ça se résume à ça. Et si on décide de ne pas procéder — ce qui serait une décision de nature politique —, il ne serait plus possible de former des coalitions avec nos alliés parce qu'eux ont décidé d'opter pour ces aéronefs.

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Norlock, la parole est à vous.
    Merci beaucoup. Par l'entremise du président je désire également remercier le témoin d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.
    J'aimerais parler d'un de vos domaines d'expertise, à savoir le monde aérospatiale.
    Monsieur Fergusson, dans un rapport intitulé Canada, National Security and Outer Space, publié en juin 2007 et rédigé pour la Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, vous écriviez:
     Bien que l'espace constitue un enjeu de sécurité nationale au Canada depuis 50 ans, la question n'a jamais été aussi complexe et importante qu'aujourd'hui.
    J'aimerais vous poser deux questions, peut-être trois. En tout cas il y en a deux principales. Quels développements ont marqué ce dossier de l'espace au ministère de la Défense nationale au cours des cinq dernières années? Puis, toujours par rapport à la sécurité nationale dans l'espace, à quel type de menaces dans l'espace le Canada fait-il face? Y a-t-il des armes en orbite qui permettraient d'attaquer le Canada sans qu'on le sache?
    Merci de cette question. J'ai tendance à m'éterniser, effectivement. C'est propre aux universitaires.
    Écoutez, je n'ai que cinq minutes.
    Très bien, je ne vous parlerai que brièvement des progrès alors. La Défense nationale, après un processus long et tortueux qui a duré 20 ans, a fait d'immenses progrès en ce qui a trait à notre présence dans l'espace. Il y a le projet Polar Epsilon et la possibilité de recevoir des données récentes de RADARSAT, de les analyser et de les diffuser. Lorsque la constellation RADARSAT se sera transformée en constellation globale, il y aura de grands avantages outre-mer pour les Forces canadiennes et nos alliés. Il y a aussi l'accès que nous avons aux communications à très haute fréquence sécurisée américaines, sans parler de l'élaboration d'un système — désolé je ne me souviens pas du nom du projet — visant à permettre aux forces terrestres d'avoir une plus grande spatio sensibilité, ce qui aura un impact sur leurs opérations. Ce sont là de véritables avancées.
    Maintenant, ce qui est important, c'est de continuer dans cette voie.
    Quelles sont les menaces actuelles de l'espace? À l'heure actuelle, il n'y aurait pas d'armes en orbite. Au cours des dernières années, de plus en plus de préoccupations ont été exprimées par rapport aux capacités antisatellites des Chinois, mais permettez-moi de vous dire d'où elles viennent. Tout satellite en orbite dans l'espace, au-dessus du Canada, qu'il soit en orbite polaire ou autre autour de la terre, peut être, s'il est bien maîtrisé, largué sur n'importe quelle cible. Il est en effet possible de larguer un satellite sur une ville grâce à des systèmes de guidage évolués et il est vrai qu'une grappe de satellites s'écrasant à toute vitesse sur une ville, ça pourrait constituer une arme.
    Nous ne savons pas du tout comment les pays comme la Chine, la Russie, ou l'Iran, qui est maintenant présent... C'est une des choses qui a vraiment changé au cours des cinq dernières années, à savoir le nombre de pays qui sont maintenant présents... en mettant en orbite des satellites, mais également en déployant des capacités de lancement. Cela pose des problèmes stratégiques de taille. Si je disposais de plus de temps, je pourrais vous en dire davantage.
    Donc, nous ne sommes pas sûrs à 100 p. 100, mais pour l'instant, personne n'a dit publiquement qu'il y avait eu déploiement d'une arme en orbite.

  (1150)  

    Prenons l'exemple d'un État voyou — sans le nommer, mais, bon, vous avez parlé de l'Iran, et nous savons que les terroristes visent à démoraliser et à déstabiliser — il serait facile pour cet État de démoraliser et de déstabiliser parce que nous savons qu'il existe des pays prêts à fournir la plateforme nécessaire pour mettre un satellite en orbite, sans poser trop de questions sur la provenance du satellite ou de l'équipement.
    Dites-vous que des États voyous pourraient potentiellement se servir de satellites dans le contexte d'un attentat terroriste visant à déstabiliser et terroriser?
    Théoriquement parlant, oui.
    Au début des années 1960, après le lancement de Spoutnik, les Américains avaient vraiment peur que l'Union soviétique déploie des armes nucléaires en orbite sans que personne ne le sache, ce qui leur permettrait d'attaquer des cibles américaines en moins d'une minute sans aucun préavis. Ce scénario ne s'est jamais concrétisé, car les autorités américaines et soviétiques ont voulu assurer une certaine stabilité stratégique.
    Mais aujourd'hui, une telle chose pourrait se produire. Théoriquement, c'est quelque chose qui pourrait se faire. À l'heure actuelle, c'est peu probable, mais il faut qu'on pense à l'avenir et qu'on tente de déterminer ce à quoi penseront les États voyous. Après tout, qui aurait cru qu'un jour un avion s'écraserait dans les tours jumelles? L'idée de lancer un satellite sur une ville nous semble folle, et pourtant...
    Qu'est-ce que ça pourrait causer comme dommages? Voilà la question qui s'impose.
    Je ne pourrais pas répondre à votre question.
    Si cela a peu d'importance, alors pourquoi s'en soucier?
    Dans un monde où sévit le terrorisme, ce n'est pas tant les dommages que les répercussions symboliques qui comptent.
    Alors c'est de la déstabilisation et de la démoralisation.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Kellway, c'est votre tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur Fergusson d'être là aujourd'hui.
    Vous avez décrit la nécessité de faire face à ce qui est imprévisible comme étant le véritable défi de la disponibilité opérationnelle. Je suppose que la question de M. Norlock et votre réponse viennent tout juste d'exacerber ce genre de préoccupations, mais je me demande si au moins une partie de la solution ne serait pas la politique, et si la politique peut aider à déterminer la question de disponibilité opérationnelle, à savoir, pour déterminer si on est prêt, mais également pour établir la disponibilité opérationnelle. Avez-vous des observations là-dessus?
    Il faut alors en venir à se demander comment on interprète la politique? En général, la politique, du moins en ce qui a trait à la politique publique — c'est-à-dire ce qui est communiqué au public ou ce qui m'est présenté — est généralement rédigée de façon relativement vague et suffisamment ambiguë pour être en mesure de couvrir tout type d'éventualités et pour permettre aux activités de se poursuivre sans dire clairement ce qu'elles doivent être.
    Je pense que ce que vous soulevez en fait ne relève pas de la politique, mais plutôt du monde militaire, du domaine de la doctrine et du développement de doctrines particulières. Pour les militaires, bien sûr, la doctrine c'est comme la Bible: c'est la façon de procéder. Nous avons beaucoup d'expérience pour ce qui est de développer des doctrines et d'y apporter des changements et de les faire évoluer au fil du temps, mais en gros, malheureusement, cela a lieu après les faits, une fois que nous sommes entrés en conflit et que nous constatons que la doctrine existante n'a pas fonctionné.
    J'aimerais signaler que je ne parle pas de la doctrine. Nous avons reçu de nombreux témoins militaires qui ont parlé de la doctrine dans le contexte de la disponibilité opérationnelle, et je pense que cette composante ne nous est pas, honnêtement, très utile dans cette étude.
    M. David Bercuson a témoigné l'autre jour, comme vous le savez sans doute, et il a soulevé cette question de politique ou plutôt ce qu'il avait appelé une série de principes. Je suppose que ce que j'aimerais, c'est de bien comprendre ce que nos intérêts nationaux sont pour ce qui est du domaine militaire, relativement à ce qui a été soulevé par d'autres. Par exemple, jusqu'où le Canada projette-t-il la limite de ses frontières?
    Ce qui est troublant, je pense, c'est que dans bon nombre de conversations que nous avons sur cette question, nous allons au-delà de la question de défense générale pour discuter d'une sorte de monde économiquement intégrée. Nous voyons le monde comme s'il était entièrement intégré en matière de sécurité nationale, et par conséquent, il est nécessaire pour nous de projeter nos frontières d'un bout à l'autre du monde, et cela ne nous aide pas du tout au bout du compte. Cela revient nous hanter dans une sorte de piège ou de défi dont vous avez parlé, de sorte que nous devons alors être prêts pour ce qui est imprévisible.
    J'aimerais vous présenter mon point de vue là-dessus brièvement. Pour moi, il semble primordial que nous devons établir une déclaration claire sur nos intérêts nationaux d'un point de vue militaire ou d'un point de vue des affaires étrangères, et c'est uniquement à partir de ces déclarations que nous pourrons discuter intelligemment de la disponibilité opérationnelle.

  (1155)  

    C'est un point que j'ai entendu souvent soulever par les militaires — c'est-à-dire qu'ils souhaitent avoir davantage d'orientation en matière de politiques. En fait, le problème c'est qu'il est impossible d'obtenir davantage d'orientation sur ce point. Les principes fondamentaux de la politique de défense du Canada sont en place depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale — la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord conjointement avec les États-Unis et la contribution du Canada à la paix et à la sécurité à l'échelle internationale. Quant aux missions précises, il faut tenir compte de la stratégie de défense Le Canada d'abord, du livre blanc de 1994 et du document de 1987 « Défis et engagements. » Vous pouvez réexaminer tous les livres blancs pour vous pencher sur cette question. Si vous les examinez en détail, vous pourrez déterminer quelle est la mission des Forces armées canadiennes. À quelques détails près, elle n'a pratiquement pas changé.
    C'est la traduction de ces missions en orientation particulière qui est politiquement problématique. L'une des leçons qui a été retenue découle du livre blanc de 1987 « Défis et engagements. » Le gouvernement avait établi comment il allait traduire cette vision dans les missions — voici l'orientation, voici ce que les forces vont faire. Au bout de deux ans, toutefois, l'économie a chuté, le budget a été grevé et le livre blanc sur les défis et engagements, en dépit de ce que disaient les fonctionnaires de la Défense nationale, a été relégué aux oubliettes. Voilà une leçon qu'ont retenue le gouvernement ainsi que ceux qui rédigent les politiques: on ne peut tout simplement pas fonctionner comme cela; c'est politiquement problématique parce qu'on ne peut pas prévoir l'avenir.
    Je pense que vous avez raison. Le problème consiste à traduire une politique générale, nos intérêts nationaux, qui au terme d'une vie ne sont pas appelés à changer, pour en faire une orientation particulière pour le développement des militaires et la doctrine militaire? Finalement, on a toujours laissé les militaires décider de ces questions. Et je ne vois pas comment cela pourrait changer. Je ne pense pas que vous pourrez aller très loin si vous vous dirigez dans cette voie.
    Merci.
    Monsieur Strahl.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire, qu'après mon bulletin météo controversé en provenance de la Colombie-Britannique plus tôt cette semaine, il est tombé de la neige mouillée hier, de sorte que tous peuvent se sentir mieux.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mark Strahl: Je sais, je sais. Je dois ravaler mes paroles. Je présente mes excuses.
    Une voix: Passez les mouchoirs.
    M. Mark Strahl: Je sais que vous avez dit que votre domaine d'expertise est l'aérospatiale, mais je voulais parler un peu de la marine. Je suis de la Colombie-Britannique, et nous mettons maintenant l'accent sur l'Asie-Pacifique. Nous procédons maintenant à la modernisation de nos frégates de la classe Halifax. Nous avons signé des contrats et nous sommes sur le point de construire de nouveaux destroyers et navires d'approvisionnement. Je me demandais tout simplement, étant donné vos observations sur la guerre conventionnelle, s'il s'agit de bons investissements, du point de vue stratégique. Est-ce que quelque chose nous échappe? Étant donné les diverses menaces auxquelles selon vous le Canada pourrait faire face, devons-nous toujours avoir une force navale puissante de type conventionnel en Asie-Pacifique?
    Vous semblez me demander si la façon actuelle dont on répartit la flotte entre l'Ouest et l'Est devrait se poursuivre. La question, telle que vous la posez, doit être considérée à la lumière des préoccupations croissantes concernant l'Asie-Pacifique comme le foyer dominant d'une rivalité future, de la compétition et des conflits. Le système actuel remonte à la guerre froide. La flotte était basée dans l'Atlantique, et il n'y avait presque aucun navire dans le Pacifique. Mais dans ce nouveau monde dans lequel nous nous retrouvons, les menaces se situeront dans le Pacifique, et la flotte devrait y être transférée. Notre concentration devrait être moins importante dans l'Atlantique.
    Devons-nous moderniser les forces conventionnelles de la Marine canadienne? Oui, nous devons le faire. Ces forces doivent être remplacées, parce que nous ne ferons plus d'escorte de convois comme pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce type de guerre fait maintenant partie de l'histoire. Je pense que certains de mes collègues doivent s'en rendre compte. Pour ce qui est de notre présence à cet endroit, le besoin d'engager à l'avance des forces et de les intégrer afin qu'elles soient interopérables avec les marines perfectionnées du monde et des États-Unis en particulier, tout cela fait que nous devons nous engager dans cette voie. C'est pourquoi j'estime toujours qu'il s'agit d'un investissement très important pour nous.

  (1200)  

    Je sais qu'en réponse à M. Chisu, nous avons évoqué le programme des sous-marins. On nous a dit que c'est un multiplicateur de force également, pas en termes peut-être de conflit sous-naval, mais plutôt en termes de surveillance ou de la capacité de projeter nos forces dans des endroits où elles ne peuvent pas être perçues par des satellites notamment.
    Si je comprends, vous auriez des observations à cet égard? Différents témoins ont déjà comparu dans le cadre de cette étude. Certains disent qu'il s'agit d'un gaspillage de ressources, tandis que d'autres disent qu'ils sont essentiels dans une marine moderne si l'on veut qu'elle possède cette capacité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez?
    Très rapidement, le fait de posséder des sous-marins offre une capacité qui a fait en sorte que nous avons été piégés par une mauvaise décision prise il y a bon nombre d'années. Nous avons investi des millions et des millions de dollars sans rien en retour, et le tout pour une vision du monde datant de la Deuxième Guerre mondiale où l'on s'est dit « eh bien, écoutez, tous les autres pays ont des sous-marins, par conséquent nous en avons aussi besoin », et notre décision reposait également sur d'autres facteurs. Ils étaient peu coûteux. Je pourrais vous en parler en long et en large.
    Et il y a un lien avec la décision entourant les F-35, on m'a posé une question à cet effet, et je pense qu'il y a un lien important. À quel moment dit-on que ç'en est assez? Nous avons été coincés par tous les investissements passés dans ce domaine, et en fait, on ne peut plus y échapper. Espérons et prions que cette capacité opérationnelle sera utile et précieuse dans l'avenir.
    Espérons que la capacité sera fonctionnelle d'abord et avant tout — véritablement fonctionnelle — et précieuse pour les intérêts stratégiques canadiens dans l'avenir.
    Ce que je crains, c'est qu'en fait nous ayons été piégés. Si vous voulez mon avis, l'argument qui a été présenté pour le Canada et les sous-marins relève davantage d'une image de la marine plutôt que des exigences stratégiques dont elle a véritablement besoin par rapport aux ressources disponibles.
    Je ne suis pas convaincu que pour des raisons de surveillance, les sous-marins nous soient véritablement utiles. Je ne suis pas convaincu que nous allons envoyer nos sous-marins conventionnels épier autour de la côte de la Chine ou de l'Asie du Sud-Est — pour épier quoi et pour faire quoi? Je ne suis pas convaincu qu'il faille utiliser nos sous-marins pour espionner des chalutiers et les prendre en photo — et à quoi cela servirait-il, les amener devant les tribunaux? Nous ne sommes pas capables ou bien nous ne le souhaitons pas, et il est stratégiquement dangereux d'essayer de développer une technologie de propulsion à anaérobie pour les sous-marins, les envoyer dans l'Arctique pour jouer au chat et à la souris avec les flottes stratégiques des États-Unis, de la Russie et, dans l'avenir, de la Chine. Je pense que cela pose problème pour nous. Il faudra y réfléchir davantage.
    Pour ce qui est de la valeur des sous-marins dans la surveillance de notre territoire, je pense que cela pourrait se faire avec bon nombre d'autres technologies plus rentables, mais je ne pense pas qu'on puisse se défiler de cette nécessité.
    Merci. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Brahmi, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai trouvé très intéressant le commentaire du professeur Fergusson, à savoir que le F-35 était la seule voie que nous pouvions choisir aujourd'hui. Pour ma part, j'aimerais lui soumettre une question hypothétique.
     Si nous devions réduire la flotte actuelle à une trentaine ou une quarantaine d'avions, que faudrait-il abandonner pour concentrer cette trentaine ou cette quarantaine d'avions sur quelque chose de plus important, finalement?

  (1205)  

[Traduction]

    Je suis toujours obnubilé par la joute des nombres. J'ai grandi dans l'âge nucléaire, lorsque les universitaires et les stratèges du monde étaient obsédés par la quantité d'armements nécessaire pour assurer la capacité en matière de frappe nucléaire. Maintenant nous en arrivons aux nombres.
    Je pense qu'en partie, cela repose sur ce qui suit. Combien sont suffisants? Est-ce que 30 ou 40 seront suffisants? Que perdrons-nous? Pour ce qui est du rôle fondamental de la défense du Canada que jouera un avion de chasse perfectionné et polyvalent comme le F-35, étant donné ce que je perçois du nombre que nous déployons quotidiennement ou laissons en attente quotidiennement pour NORAD et les missions de souveraineté aérienne, le fait de réduire le nombre de 30 ou 40 n'affectera en rien notre capacité à effectuer ces missions. Reste donc à savoir s'il suffit de 30 ou de 35...?
    Je pense que la question encore plus cruciale que le comité voudra peut-être se poser, c'est de savoir pourquoi alors il en faut 60 ou 65? D'où vient ce chiffre? Je n'ai pas de réponse, parce que chaque fois que j'ai posé cette question on m'a répondu qu'il s'agissait d'information classifiée.

[Français]

    Je pense qu'il y a aussi l'histoire de la dernière livraison de F-18. Leur nombre était supérieur à 100. C'était il y a une trentaine d'années et on dit qu'on pourrait faire la même chose avec une trentaine d'avions aujourd'hui. En fait, là est la question.

[Traduction]

    Si je me souviens bien, le nombre de F-18 que nous avions initialement achetés était 140. Ce chiffre provenait d'un calcul lié à une menace existante pour le Canada, c'est-à-dire un missile cruise lancé à partir d'un bombardier soviétique. Il fallait alors calculer le nombre d'aéronefs nécessaire également pour ce qui est de nos engagements étrangers avec l'OTAN et ce que nous pouvions déployer et maintenir sur ces théâtres d'opérations, dans le cas où nous devions participer à une campagne prolongée et assurer la rotation des forces.
    Il faut également se demander quelle est la capacité d'un F-35 relativement à celle d'un F-18, et la réponse c'est que la capacité est beaucoup plus importante, de sorte qu'on a besoin de moins d'aéronefs. Mais, je ne vois pas qu'il y ait une diminution des rôles que nous pouvons jouer si l'on réduit le nombre de F-35 de 30 ou 40.

[Français]

    Selon votre raisonnement, il faudrait que nous comptions un peu plus sur nos alliés de l'OTAN. Nous pourrions faire la même chose avec moins d'avions, si nos alliés de l'OTAN participaient davantage. Ça pourrait être une possibilité.

[Traduction]

    C'est très certainement une possibilité. Sauf pour les États-Unis, parmi les alliés, aucune petite nation aujourd'hui ne peut se permettre, en raison de la nature de la technologie militaire, de maintenir la capacité d'agir de façon indépendante. C'est tout simplement beaucoup trop coûteux pour nous tous. Par conséquent, cela ne dépend pas uniquement de nous, mais du fait que nous devons collaborer avec nos alliés et nous intégrer davantage à leurs systèmes.

[Français]

    Puisqu'il me reste une minute, j'aimerais aborder la question des sous-marins.
    Selon vos déclarations précédentes, vous pensez qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des sous-marins, principalement ceux de la classe Victoria.
    Pensez-vous que le Canada pourrait faire le choix de ne pas avoir de sous-marins? Si on se fie à l'exemple de la Grande-Bretagne qui ne possède pas de porte-avions, le Canada pourrait-il vivre sans sous-marins?

[Traduction]

    La réponse simple, c'est oui. C'est une réponse facile: nous pouvons vivre sans sous-marins.
    Nous aurons probablement un rôle à jouer — il s'agit d'un des rôles importants de l'avenir, si nous parlons de conflits outre-mer et de forces de déploiement avancé... Si nous prenons la stratégie de déni des forces navales chinoises, et la plupart des observateurs estiment que la Chine se dirigera dans cette voie en matière de capacités, nous aurons potentiellement à traiter avec des sous-marins. Mais il n'est pas nécessaire d'avoir un sous-marin pour faire face à un sous-marin. Il y a des percées technologiques et des technologies de plus en plus sophistiquées, des technologies de contrôle à distance, par exemple, qui nous permettraient de faire face à une menace sous-marine.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame Gallant, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fergusson, vous avez dit que même s'il n'y avait pas de compressions budgétaires, nous ne serions pas en mesure de former les personnes nécessaires pour qu'elles puissent savoir ce qu'elles doivent faire pour lutter contre une guerre cybernétique. Dans quelle mesure devrions-nous compter sur des spécialistes de TI du secteur privé pour mettre en place une disponibilité opérationnelle et pour contrer une véritable attaque?

  (1210)  

    La première partie de ma réponse c'est que la Défense nationale — le gouvernement — n'a pas le choix pour ce qui est de travailler avec le secteur privé, parce que la plupart des biens clés sont de propriété privée.
    Mais la question la plus importante est la suivante. Mis à part les besoins en matière de préparation des forces pour faire face à des cyber-attaques sur nos capacités militaires, particulièrement sur le terrain ou au Canada — et je me fais un devoir de dire nos capacités militaires — et le besoin potentiel visant le développement de nos capacités cybernétiques de contre-attaque et d'offensive pour nos opérations militaires à l'étranger, comme le brouillage, les virus informatiques et d'autres menaces du même genre, je ne pense pas qu'en termes d'enjeux nationaux ici que les cyber-menaces, particulièrement à notre infrastructure critique nationale, soient un travail qui relève du ministère de la Défense nationale.
    Je pense que le problème, c'est que le ministère de la Défense, en partie parce qu'il doit faire face à des questions de cyber-attaque relativement à ses propres systèmes, est devenu l'acteur par défaut qui doit prendre le devant sur cette question. Je pense que tout gouvernement doit s'interroger sérieusement pour déterminer qui doit s'occuper de cette question. Selon moi, elle relève du ministère de la Sécurité publique, de sorte qu'il faut adopter les lois nécessaires, si j'ai bien compris le processus législatif, pour que les responsables puissent jouer un plus grand rôle de chef de file fonctionnel. Je pense que la responsabilité pour ces questions devrait essentiellement relever de la GRC et du SCRS.
    Comme vous l'avez mentionné, il y a du chevauchement interministériel dans le cas des cyber-menaces. Existe-t-il selon vous des possibilités de collaboration entre les organismes gouvernementaux ou bien de partage de tâches qui n'existent pas à l'heure actuelle? Vous dites que c'est nécessaire, mais que de votre point de vue, il y a des lacunes entre ce que nous pourrions faire et ce que nous faisons à l'heure actuelle?
    Je ne peux pas véritablement répondre à cette question, parce que je ne sais pas exactement où se situent les lacunes, mais il existe toujours des problèmes lorsqu'il y a des chevauchements. Il existe toujours des problèmes pour ce qui est du partage de l'information entre des organismes. C'est un dossier, comme je l'ai suggéré, dont la Défense nationale devrait véritablement se retirer. Le gouvernement doit placer ses ressources dans un organisme central qui serait responsable de l'infrastructure essentielle du Canada à l'échelle du pays et qui négocierait avec les provinces —, qui ferait plus que tout simplement coordonner ou faciliter les activités, mais qui, en fait, assumerait beaucoup plus un rôle de régulateur en chef à cet égard.
    Voulez-vous dire la mise en place d'un organisme du type du Bureau de la protection des infrastructures essentielles qui existait autrefois?
    Tout à fait. L'une des raisons pour laquelle on s'est tourné vers la Défense, c'est que dans le cadre du bogue de l'an 2000, c'est la Défense qui a dû en assumer la responsabilité, personne d'autre ne voulait ce dossier.
    Encore une fois — et vous en avez peut-être déjà partiellement parlé — pour ce qui est d'une guerre cybernétique, de quelle façon pourrions-nous collaborer pour ce qui est du partage des tâches ou de l'information avec nos alliés pour suppléer à ce que nous ne faisons pas actuellement?
    Vous entrez maintenant dans le monde très secret du partage des renseignements de sécurité et je ne peux que vous présenter des suppositions.
    Mais l'élément qui manque — et ça c'est en parallèle à une guerre cybernétique ou à une cyber-menace, et je n'essaie pas de minimiser le problème —, c'est que l'histoire nous présente de nombreux exemples où des nations s'entendent tacitement en raison de leurs propres intérêts dans le contexte d'une guerre potentielle entre elles à ne pas faire telle ou telle chose. Étant donné que les sociétés modernes et de plus en plus même les sociétés en développement, c'est-à-dire nous tous, sont vulnérables au monde cybernétique, il s'agit d'un domaine où nous devons commencer à discuter ou bien à reconnaître tacitement qu'il faut faire quelque chose... et nos intérêts font en sorte que nous nous éloignons de cette solution.
    Maintenant, cela ne règle pas le cas des attaques terroristes potentielles ni des acteurs non étatiques qui les livrent, et qui doivent nous préoccuper. Mais je suis un peu sceptique pour ce qui est de l'accent que nous devrions mettre et des montants que nous devrions investir, à l'extérieur des exigences normales pour la sécurité, dans ces domaines.
    Vous dites qu'il n'y a aucune preuve qu'une arme spécialisée existe dans l'espace. Comment pourrait-on alors générer des impulsions magnétiques? Y a-t-il même des éléments de preuve qui pourraient suggérer que ce type d'armes existe véritablement?

  (1215)  

    Parlez-vous d'une arme à impulsion électromagnétique, d'une EMP?
    Il n'y a aucune preuve à l'effet que ce type d'armes existe. Il n'y a que des rapports disant que les États-Unis et d'autres pays les mettent à l'essai et les développent, en partie pour des activités offensives potentielles ou défensives. Il existe toute une panoplie d'armes différentes qui peuvent être déployées dans l'espace. Il s'agit de technologies potentiellement à double usage qui proviennent du secteur civil et qui sont transférées au secteur militaire.
    Il faudrait plutôt vous adresser à un scientifique sur la façon dont on pourrait s'en servir, parce que je ne sais pas comment elles pourraient être utiles. J'ai appris au fil des ans à ne plus avoir confiance en ce que me disent les scientifiques.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Alexander, vous avez la dernière question de la série à cinq minutes.
    Monsieur Fergusson, nous avons passé beaucoup de temps, surtout dans les années 1990, à nous préoccuper de la prolifération d'armes chimiques, biologiques, nucléaires et radiologiques. Croyez-vous que cette menace s'est accrue, est demeurée stable ou bien qu'elle a diminué au cours des 10 à 15 dernières années? Et comment cela devrait-il influer sur notre réflexion sur la disponibilité opérationnelle?
    Je me suis longtemps posé des questions sur ce sujet. La menace de la prolifération nucléaire s'est, je pense, accrue au fil du temps. Le talon d'Achille du traité de non-prolifération nucléaire — que nous voyons maintenant se déployer complètement dans le cas de l'Iran — c'est que l'on dit que l'on signe un traité de non-prolifération nucléaire et l'on déclare publiquement que l'on n'acquerra pas d'armes nucléaires, mais qu'en retour on donne accès à la technologie nucléaire. Au fil du temps, lorsque les circonstances politiques changent et qu'un nouveau régime décide qu'il veut se lancer sur cette voie, il dispose alors de la technologie ainsi que des connaissances fondamentales et des scientifiques pour aller de l'avant. C'est exactement le cas de l'Iran aujourd'hui. Si l'on retourne en arrière, les bases de son programme nucléaire reposent sur un élément du traité et le transfert de technologies nucléaires à des fins pacifiques au régime du shah, grâce aux États-Unis, de l'Allemagne de l'Ouest et d'autres pays. Une fois que ces bases sont installées, un pays peut décider d'aller de l'avant.
    Donc, je pense que la menace nucléaire a lentement évolué, parallèlement au développement, dont les preuves sont de plus en plus nombreuses, des systèmes de lancement de missiles balistiques de longue portée. Mais j'ai toujours cru que la question du nucléaire était distincte de celle des armes chimiques et biologiques. Je ne vois pas d'accroissement considérable, ni de preuve tangible, ni de raison valable, qu'il s'agisse d'intervenants étatiques ou non, qui feraient en sorte que cela serait utile politiquement d'avoir recours à des armes chimiques ou biologiques. Pour les fous de ce monde, ou les criminels, le peu d'information que nous avons à leur égard peut être préoccupant, mais je ne m'en fais pas trop pour ce qui est des éléments chimiques et biologiques... Je dirais que cette menace s'est stabilisée ou qu'elle a diminué.
    Sur un sujet tout à fait différent maintenant, selon moi, le consensus qui se dégage, au terme de l'expérience en Afghanistan, est que l'utilisation de nos ressources de défense ou de celles de nos alliés pour appuyer la construction d'une nation ne devrait se faire que de façon très ciblée et de façon très disciplinée.
    Il est très problématique d'essayer de faire en sorte que du personnel militaire ou de commandement participe à des activités d'établissement d'institutions civiles. Voilà ce que nous a dit la collectivité de l'aide au développement et celle de l'aide humanitaire au fil des ans, même dans le cas des pro-militaires. Mais les militaires ont un rôle à jouer en matière de formation, et je pense que vous l'avez mentionné plus tôt, certainement pour ce qui est des militaires étrangers, voire quelquefois des services policiers, et c'est exactement ce que nous faisons maintenant en Afghanistan. Pensez-vous qu'il s'agit d'un rôle important pour lequel les Forces canadiennes devraient se préparer dans l'avenir?
    Vous avez mentionné l'Afrique. Manifestement, nous sommes engagés dans une certaine mesure à jouer ce rôle en Afrique, mais il y a aussi des besoins dans certaines parties de l'Asie, de l'Amérique latine et ailleurs. Bien sûr, il se peut également qu'il y ait des besoins continus parmi nos alliés de l'OTAN dans des théâtres spécialisés en Europe. Quelle est l'ampleur de ce défi? Nous ne pouvons pas prédire l'avenir, mais comment évaluez-vous la probabilité que nous participions à ce genre d'activité?

  (1220)  

    Les probabilités dans le domaine de l'Afrique ou de la construction de nations avec les forces armées?
    Oui, la construction de nations dans ces domaines ciblés.
    Je pense que c'est extrêmement problématique et qu'il y a des leçons que nous tirerons plus facilement au fur et à mesure que nous nous éloignerons dans le temps de la mission en Afghanistan, qui a connu des problèmes. Je pense que la présence doit plus que tenir compte des sensibilités des cultures locales, lorsque l'on fait ces opérations à l'échelle des villages. Mais il ne s'agit pas là de construction de nations en tant que telle. Une partie repose sur ce que l'on entend par construction de nations. Mais, lorsqu'il y a des représentants militaires qui jouent un rôle à des niveaux plus élevés dans le processus de construction de nations, aux niveaux des gouvernements nationaux et des districts provinciaux, et qui offrent des conseils non militaires, j'ai tendance à penser que c'est extrêmement problématique et que cela repose sur le rôle pour lequel nous concevons et conservons des forces armées. Il s'agit également d'une question de disponibilité opérationnelle.
    Si je peux éclaircir la question, vous avez dit que la construction de nations était probablement un domaine dans lequel les Forces canadiennes devraient se préparer. Que vouliez-vous dire par cela?
    Non. Si je l'ai mentionné, permettez-moi de me corriger. Je ne pense pas que les Forces canadiennes devraient être prêtes pour la reconstruction d'une nation. Ce sont les forces de développement, les experts en reconstruction de nations, les civils, qui doivent changer leur façon de penser et se préparer à ce type de missions dans des environnements non sécuritaires et en collaboration avec les militaires.
    Ce problème n'est pas un problème militaire. Le problème se trouve de l'autre côté. Voilà ce que je dirais.
    Merci.
    Je pense que les leçons qu'on tirera de plus en plus de l'Afghanistan c'est que les nations occidentales seront longtemps réticentes avant de vouloir refaire cela.
    Merci.
    Cela met fin au second tour de parole. Nous allons procéder avec trois questions pendant le troisième tour, une par parti.

[Français]

    Madame Moore, vous disposez de cinq minutes.
     J'aimerais poser des questions au sujet des F-35 et des avions de chasse en général.
    Le choix des F-35 n'est pas nécessairement le meilleur choix lorsqu'on considère exclusivement nos opérations internes. En effet, cet appareil vole moins longtemps et la distance d'atterrissage est plus longue. C'est donc plus difficile de le faire atterrir sur une piste en Arctique. De plus, il a un seul moteur, ce qui entraîne des risques supplémentaires en cas de défaillance de moteur.
    Pourquoi n'a t-on pas considéré la possibilité d'avoir deux petites flottes d'avions de chasse, une correspondant davantage à nos besoins internes et l'autre à nos besoins externes? Pouvez-vous nous dire pourquoi cette solution n'a pas été étudiée?
    Vous dites que le fait d'avoir une flotte composée exclusivement de F-35 limiterait nos forces aériennes, et que plusieurs autres avions de chasse ont de bonnes capacités et sont moins dispendieux. Une des seules distinctions notables des F-35 est la furtivité, mais c'est une capacité que les Américains possèdent déjà.

[Traduction]

    Pour répondre à votre première question, on pourrait songer à deux flottes plus petites, mais dans ce cas, on ne parle pas seulement d'avions de combat spécialisés de moindre capacité, quel que soit le nom qu'on leur donne, pour des rôles nationaux comparativement à ceux que l'on déploierait à l'étranger. On parle aussi de lignes de soutien, de lignes logistiques et de lignes de formation longues et de grande envergure qui doivent être en place pour s'occuper d'avions différents et des besoins de formation qui sont différents. Cela fait augmenter les coûts. À ma connaissance, si vous regardez le processus suivi, ce n'est pas une option que la communauté active a examinée de près.
    Dans les années 1980 et au début des années 1990, il y a eu une décision consciente de tous les grands acteurs occidentaux au sujet des capacités aériennes que la solution au problème, étant donné les avancées technologiques, était de développer une plateforme à rôles multiples, pour éliminer les plateformes spécialisées et les rassembler dans une seule plateforme capable de tout faire. Voilà la logique motivée par la technologie et les coûts, et la diminution des budgets de la défense, dans le contexte des contraintes budgétaires.
    Voilà d'où vient cette idée d'avoir une seule plateforme qui peut tout faire. Cette idée de base demeure, et c'est une idée militaire fondamentale que le combat est ce que l'on cherche, et qu'on ne peut y ajouter les autres rôles. Je ne sais pas si je serais d'accord avec vous pour dire que le F-35 n'est pas un choix optimal. Il peut certainement s'occuper du rôle de la souveraineté aérienne. Je n'ai pas de réserve, étant donné ma connaissance des lieux d'opérations avancées existants.
    La question du moteur est intéressante. Cela revient à la raison pour laquelle nous avons acheté le F-18, ou pourquoi les militaires ont essayé de simplifier les F-18. Je ne pense pas que cela soit un problème majeur, mais seul un ingénieur pourrait vous dire quel est l'accroissement de la possibilité de perdre un moteur des F-35 dans l'Arctique.
    Le point clé est qu'on ne veut pas avoir des plateformes différentes à cause du coût de chacune d'elles. C'est à cause du coût que l'on veut acheter les avions plus coûteux et avancés qui peuvent remplir tous les rôles, plutôt que d'avoir deux ou trois flottes. La Défense nationale n'a pas toujours utilisé cette approche, mais c'est la logique en place depuis longtemps.
    En ce qui a trait aux autres capacités aériennes qui coûtent moins cher, je ne suis pas convaincu qu'au bout du compte elles seraient vraiment moins dispendieuses. Il faut être prudent. Les gens citent des chiffres liés à la ligne de production. Voilà le coût par unité. Les entreprises qui se font concurrence sont contentes de vous dire quel est le coût par unité avant le début de la production. Cela dépend où se trouve la production. Cela dépend quelles sont vos demandes. À ma connaissance, toutes les autres options, mis à part le Super Hornet, n'ont pas deux moteurs. Ce sont tous des avions à un moteur, si je me rappelle bien. Cela ne règle rien. De plus, ces avions ont moins de capacités. Je pense que vous avez tort de croire que la seule capacité est la furtivité. Il y a beaucoup d'autres capacités avancées sur cet avion qu'on ne peut ignorer et qui n'existent pas sur les plateformes de la génération précédente.

  (1225)  

    Nous allons poursuivre.
    Monsieur McKay.
    Je voulais poursuivre brièvement la discussion au sujet des sous-marins. Les militaires ont convaincu le gouvernement de l'époque qu'ils étaient absolument nécessaires pour des fins stratégiques et de surveillance et d'autres choses, et bien sûr, le programme ne s'est pas très bien déroulé depuis. Apparemment, notre pays s'est très bien porté, merci beaucoup, entre le moment où nous n'avions pas cette capacité sous-marine et maintenant. Nous voilà donc 10 ans plus tard. Nous nous apprêtons à tirer notre première torpille. C'est une journée passionnante.
    Le vice-amiral est venu ici. Bien sûr, il a défendu vigoureusement notre besoin de sous-marins. Vous semblez dire qu'il n'était même pas clair qu'on en avait besoin lorsque le gouvernement les a achetés. C'est encore moins discutable qu'on en a besoin maintenant. Il y a d'autres « plateformes » pour découvrir ce dont on a besoin, là où on en a besoin, et les renseignements nécessaires. Il est peu probable que l'on entre dans un conflit vraiment grave avec qui que ce soit. Nous ne nous attaquerons pas aux Russes, aux Américains ou aux Chinois avec nos sous-marins, alors vraiment, à quoi servent-ils?
    Conséquemment, conseillez-vous au gouvernement que c'est une des choses qu'il devrait abandonner? Ce fut une mauvaise affaire, et elle ne fait qu'empirer, et la possibilité qu'elle soit utile jusqu'en 2030 est assez minime.
    Je conseille au gouvernement d'examiner de près avec une étude détaillée indépendante la situation actuelle.
    On dirait un politicien.
    Je dis cela parce qu'il y a des choses que je n'ai pas mentionnées. Il y a une chose que l'on semble vouloir ignorer à propos des sous-marins. Les États-Unis et le Royaume-Uni n'utilisent plus de sous-marins classiques. Lorsqu'ils seront opérationnels, nous serons l'un des alliés principaux avec des sous-marins classiques. Ils pourraient apporter une contribution importante à la formation et au développement des technologies, des tactiques et des doctrines pour faire face aux adversaires potentiels outre-mer de nos alliés.
    Est-ce que cela en vaut l'investissement? Qu'en tirerons-nous, en payant tout cet argent pour faire cela pour nos alliés? Qu'en retirons-nous, par rapport à tous les autres coûts? Voilà pourquoi je pense que nous avons besoin...

  (1230)  

    Croyez-vous qu'il s'agit d'une opération de formation survalorisée? Est-ce l'argument pour justifier de les garder?
    Le seul argument qui pourrait me convaincre, c'est s'il y avait une valeur stratégique politique qui en découle.
    Merci.
    Ma question finale concerne le rapport du général Leslie, qui est l'autre grande chose que l'on semble vouloir ignorer, et en fait il semble y avoir beaucoup de choses que l'on veuille ignorer. Ni le ministre, ni le CEMD n'ont encore répondu au rapport du général Leslie, ce qui correspond aux observations du professeur Bland concernant certains de ces rapports, c'est-à-dire qu'ils ne font que dormir sur les tablettes. D'une façon ou d'une autre, les militaires devront faire face à des compressions budgétaires en dollars absolus ou en pourcentage. Le général Leslie a présenté une série de réponses possibles, et c'est la seule chose qui ait été rendue publique.
    Les Forces militaires britanniques sont passées par la même situation. En fait, elles ont publié un rapport et sept mois plus tard, le mettaient en oeuvre. Voici ma question pour vous, qu'est-ce que vous aimez et n'aimez pas du rapport du général Leslie, en 25 mots ou moins?
    En 25 mots ou moins, ce que j'aime du rapport du général Leslie, c'est qu'il présente un problème de longue date des forces militaires occidentales, qui est le ratio dents-queue — personne n'aime utiliser cette expression aujourd'hui, contrairement à moi — dans le cadre duquel la queue continue de s'élargir. C'est en partie dû aux nouvelles missions des forces, qui doivent faire des choses qu'elles n'ont pas faites par le passé, comme collaborer avec d'autres ministères, utiliser de nouvelles technologies, etc., qui prennent de plus en de place. C'est aussi une réponse aux politiques gouvernementales plus générales sur — et j'utiliserai un terme que je n'aime pas mais que tous les gouvernements aiment utiliser, pas le présent mais tous les gouvernements — la transparence et la responsabilité, qui fait aussi élargir la queue.
    C'est utile de le faire. Je m'en méfie, toutefois, parce que je ne crois pas que cela soit du tout un rapport équilibré. Je ne pense pas que l'héritage de ce que les militaires canadiens ont appelé la transformation militaire ait été utile pour régler les différents problèmes dont on parle dans le rapport. Je pourrais mentionner le processus de transformation du général Hillier qui disait que nous allions régler les problèmes et placer plus de gens à la pointe des forces, aux dents et à la queue, mais complètement l'opposé qui s'est produit.
    Je dirais que le rapport traite d'une partie du problème. La deuxième partie ne s'y trouve pas, il s'agit d'une enquête d'un examen externe sur la situation militaire. Voilà ce qui manque, d'après moi.
    Merci.
    La dernière question est pour M. Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Dans votre conversation avec M. Alexander, je pense que nous avons convenu que la reconstruction d'une nation pose problème aux forces militaires. Cependant, qu'en est-il des situations où des États faillis n'ont pas les forces de sécurité nécessaires pour défendre leur souveraineté et appliquer l'État de droit? Pensez-vous que nous devrions être prêts pour des missions de formation multinationales ou de l'OTAN?
    Soyons clairs. Je ne crois pas que les missions de formation — la formation des forces armées d'un État après une guerre civile ou qui essaie de se redévelopper ou se restructurer — soient problématiques. En fait, je pense qu'elles sont très importantes. Cela s'applique non seulement à la formation des militaires, mais aussi, si l'on regarde le modèle du Partenariat pour la paix de l'OTAN, de la formation des gens dans les ministères de la Défense. Voilà où l'expertise des militaires et des fonctionnaires civils de la défense est essentielle. Mais cela ne veut pas dire que les militaires devraient s'occuper des choses qui dépassent leur sphère de compétence ou leur expertise, nonobstant le fait que j'ai toujours été très septique face à notre participation aux exercices de reconstruction des nations.

  (1235)  

    Je veux revenir à l'achat des F-35. Vous avez presque fini votre argumentation concernant les dépenses par rapport à, par exemple, la capacité de survie, les multiples plateformes à terme, et les dépenses à terme par rapport à la dépréciation de la technologie. Par exemple, on peut acheter un avion de combat de quatrième génération. Présentement, nous en avons un depuis près de 40 ans. On achèterait une version mise à jour de cet avion. On peut s'attendre à ce qu'il dure un autre 30 ou 40 ans. Que pensez-vous d'un tel achat par rapport à l'achat d'un F-35?
    Vous avez parlé de certaines des capacités. Et vous avez raison, il ne s'agit pas seulement de la furtivité. Il fait automatiquement pour les pilotes de nombreuses choses qu'ils doivent faire eux-mêmes dans les cockpits présentement. En n'étant pas distrait par ces choses, en ayant des systèmes automatiques qu'on n'a pas présentement, le pilote peut piloter de façon plus efficace cet aéronef comparativement aux autres versions ou aux versions plus anciennes. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Il est difficile de faire des commentaires à ce sujet. D'après moi, dans le monde où je vis, il faut passer au travers tous les rapports et les études universitaires, gouvernementales, et des entreprises pour avoir une idée des capacités qui s'y trouvent vraiment. Elles sont si avancées et sophistiquées qu'on ne saura pas ce qu'elles peuvent et ne peuvent pas faire avant qu'elles soient opérationnelles. Et même alors, on a de la difficulté à les juger.
    Voici ce que je pense, et c'est peut-être la meilleure façon de répondre à votre question. Si on achetait un avion de quatrième génération, ou de quatrième génération et demie, quel que soit le nom qu'ils leur donnent, plutôt que le F-35, quand auriez-vous besoin de les moderniser et remplacer des composantes clés pour que la plateforme soit interopérable et le plus efficace possible? Au moins avec le F-35, on déploie une plateforme qui est à la fine pointe de la technologie d'aujourd'hui. Cela devrait nous rassurer. Et l'avion devrait être mieux structuré, étant donné que les ingénieurs pensent à comment nous allons à l'avenir en retirer des composantes pour faire entrer de nouvelles technologies. Si on utilisait des avions plus anciens qui ont des technologies plus anciennes, il faudrait peut-être commencer à remplacer ces technologies beaucoup plus tôt. Alors plutôt que d'avoir une modernisation à mi-vie d'un F-35 après 15 ou 20 ans, il faudra faire une modernisation à mi-vie de l'autre plateforme dans cinq ans, après avoir déjà dépensé beaucoup d'argent.
    Il n'y a aucune garantie d'une façon ou d'une autre, bien sûr, parce que nous ne savons pas quelles seront les avancées technologiques. L'une des capacités essentielles qu'aura le F-35 d'après moi, c'est d'être en mesure d'intégrer diverses plateformes pour que toutes les parties aient une image opérationnelle commune, ce que la plupart des autres n'ont pas, et vous en avez déjà parlé, dans le cadre de la réflexion américaine moderne sur la guerre réseaucentrique. Cela permet ce qu'on appelle une approche de système à système. Ma compréhension et mon opinion du F-35, parce qu'il intègre les capacités de la marine et de la force de l'air... Il s'agit de plateformes différentes. Mais si elles sont structurées pour participer à une image opérationnelle commune, pour la réception et la transmission, l'efficacité des forces sera améliorée où qu'elles soient utilisées.
    Je pense que c'est une chose dont les gens ne veulent pas parler. Plutôt que de penser à la façon dont cela s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus large de systèmes et de réflexion militaire sur ce qu'on appelait notre révolution des affaires militaires pour l'avenir, on s'acharne à affûter certaines choses.
    Merci.
    J'ai deux questions pour vous, monsieur Fergusson. J'ai beaucoup apprécié votre exposé et vos réponses aux questions posées par les membres du comité.
    Lors d'un des échanges, vous avez dit que le plus grand défi pour les Forces canadiennes et la plus grande menace pour le Canada venaient des airs. À quelle menace faites-vous allusion? Et pourquoi est-ce si important d'avoir la capacité de défendre les intérêts canadiens?
    En fait, cela relève d'une fonction dont on ne parle à peu près plus: la géographie. Nous habitons dans une partie intéressante du monde. Nous ne pouvons être atteints qu'à distance, et compte tenu de l'évolution de la technologie et des technologies militaires, la situation a changé dans les 50 à 60 dernières années, depuis la Deuxième Guerre mondiale, époque durant laquelle il n'y avait en fait aucune menace militaire contre le Canada. De nouvelles menaces ont vu le jour grâce à la technologie qui permet à des entités de plus en plus éloignées de nous atteindre.
    Toutes ces menaces sont attribuables à l'évolution des avions, des missiles balistiques et, de plus en plus maintenant, des engins qui gravitent dans l'espace — des satellites, entre autres.
    Si l'on considère comment les appareils de l'aéronautique et de l'aérospatiale se sont intégrés de plus en plus dans l'économie mondiale, on se rend compte qu'ils sont essentiels dans le secteur de l'aérospatiale et plus particulièrement pour une économie moderne et de pointe comme celle du Canada.
    Notre pays est immense. Pour pouvoir communiquer avec les gens d'un bout à l'autre du pays, nous avons besoin de systèmes de télécommunications de pointe, etc. Foncièrement, à mon avis — si on pense en termes militaires traditionnels — ces menaces contre le Canada se manifesteront par le truchement de l'aérospatiale et des ondes électroniques. C'est là que se trouve le noyau du problème à mon avis; c'est là que les Forces canadiennes, le gouvernement et la Défense nationale doivent concentrer leurs efforts, si nous voulons vraiment accorder la priorité à la Défense nationale et à la défense du Canada.
    C'est pour cette raison que j'estime que l'aérospatiale est l'élément clé actuellement.

  (1240)  

    Je comprends.
    Vous avez fait aussi une autre observation brièvement dans votre déclaration, et c'est un sujet qui est mentionné également dans le rapport du général Leslie sur la transformation. Il s'agit de la conversion des postes des forces de réserve en postes à temps partiel, du retour de ces soldats à la vie civile et de leur remplacement par les forces régulières au sein des opérations des Forces canadiennes.
    Vous avez mentionné que cela poserait un problème de disponibilité opérationnelle, de capacité opérationnelle globale. Puisque nous sommes maintenant dans une période de plus faible activité, pourquoi estimez-vous que c'est un problème?
    Comme bon nombre des membres du comité le savent, et je suis certain que des réservistes ont comparu devant vous — j'espère que certains d'entre eux ont pu vous parler de ces questions — il existe de longue date des problèmes et des tensions entre les forces régulières et celles de réserve. Cela remonte aux années 1950 et 1960.
    Dans des périodes de ressources financières et d'investissements limités, la première victime a toujours été la réserve, les citoyens soldats, la milice. Il faut faire très attention, car la réserve des forces terrestres diffère de la réserve de la marine et de celle de l'aviation. Comme je l'ai dit dans mes remarques, on ne peut pas avoir une solution unique pour toutes ces réserves, car ce sont des entités différentes, malgré le principe de l'interopérabilité.
    L'objectif est toujours de protéger les forces régulières, ceux que j'appelle les intervenants de première ligne. Si on veut protéger leur capacité d'intervenir, dans quoi va-t-on sabrer? Ce sont les réserves qui sont vulnérables en fin de compte. La situation des réserves a changé depuis la période qui a précédé la mission en Afghanistan. Que s'est-il produit une fois que cette mission a pris de l'ampleur et qu'elle est devenue le centre de l'attention, surtout pour l'armée, mais aussi pour l'ensemble des Forces canadiennes, qui ont commencé à en retirer du personnel? On a commencé à gonfler les rangs des réserves et à envoyer les réservistes au combat. Ces réservistes sont devenus essentiels au maintien de la mission en Afghanistan et de la défense canadienne.
    À mon avis, il faut être en mesure de réagir immédiatement, à l'avenir. On peut alors placer les réserves au second plan, car si nous devons participer à des opérations importantes de nouveau à l'étranger, nous espérons que nous aurons le temps d'étoffer les rangs, de les former et de les équiper pour prêter main-forte aux forces existantes.
    Le problème, toutefois, c'est qu'il faut s'assurer que certains de ces éléments qui ont étoffé les rangs ne soient pas entièrement éliminés. C'est une sorte de cercle vicieux. Je crois savoir qu'un grand nombre de réservistes fréquentent à plein temps des établissements de formation et d'enseignement. Il faut conserver ces postes, car ils sont essentiels à la capacité d'intervention, et si on les perd sans pouvoir les remplacer, on se retrouvera avec un problème. Quand un serpent commence à avaler sa queue, il finit par disparaître. C'est mon point de vue.
    Je ne suis pas un expert des réserves, mais je pense qu'elles sont une question importante si on veut comprendre comment le ministère de la Défense nationale et l'armée pourraient résoudre le problème de la disponibilité opérationnelle à l'avenir.

  (1245)  

    Merci, monsieur. Votre témoignage nous a été très précieux.
    Avant de lever la séance, j'informe les membres du comité que notre programme a changé. Comme vous le savez, on nous a renvoyé le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour 2011-2012 ainsi que le Budget principal des dépenses pour 2012-2013. Les ministres Fantino et MacKay ont convenu de comparaître devant le comité le 13 mars. On avait prévu une réunion du comité de direction à cette date, initialement. Comme nous n'avons qu'un témoin prêt à comparaître à la réunion du 15 mars, nous consacrerons une heure à ce témoin, M. Rob Huebert, de l'Université de Calgary, et le comité de direction se réunira durant la deuxième heure.
    Voilà. Je suis prêt à recevoir une motion d'ajournement.
    Une voix: Je propose la motion.
    Le président: La séance est levée.
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