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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 44e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 20 juin 2012, nous étudions le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés).
    Aujourd'hui, nous accueillons Josephine Santos, gérante en programmes, Initiative des meilleures pratiques de soins de longue durée, de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario; Melanie Perka, superviseure en programmes sociaux, Groupe d'intervention pour la violence envers les personnes âgées, de Catholic Social Services; et Patrick Power, travailleur social en programmes sociaux, Groupe d'intervention pour la violence envers les personnes âgées, de la ville d'Edmonton. Les groupes d'intervention pour la violence envers les personnes âgées ne forment qu'une seule entité.
    Dans sa lettre, le greffier vous a expliqué que si vous aviez un exposé, vous aviez jusqu'à 10 minutes pour le livrer. Je vous ferai signe après 9 minutes, ce qui permettra de répartir le temps équitablement. Une fois tous les exposés livrés, les membres du comité vous poseront des questions.
    Comme je l'ai déjà expliqué, la sonnerie retentira à 17 h 15, et nous terminerons la réunion à ce moment-là.
    Madame Santos, si vous avez un exposé, veuillez commencer.
    Bonjour. Je m'appelle Josephine Santos. Je représente l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, ou l'AIIAO. Je suis infirmière autorisée et je supervise le travail de l'association sur la prévention de la violence envers les personnes âgées. Ce dossier a toujours été une priorité de notre association, et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne au sujet du projet de loi C-36.
    Les infirmières et infirmiers croient fermement que personne ne mérite d'être victime de maltraitance ou de négligence. Toutes les personnes âgées devraient être en mesure de vivre leurs dernières années dans le respect, la dignité et la sécurité. À titre individuel et en tant que membres de la société, nous devons protéger les personnes âgées et enrayer complètement la maltraitance dont elles sont victimes, car c'est notre devoir.
    L'AIIAO appuie sans réserve les modifications proposées au Code criminel visant à tenir compte de l'âge et de tout autre élément de la situation personnelle, par exemple, la santé et la situation financière. Toutefois, ces modifications n'entraîneront pas, à elles seules, les changements nécessaires pour mettre fin à la maltraitance et à la négligence à l'égard des aînés.
    Étant donné qu'un grand nombre de cas de maltraitance des aînés ne sont pas signalés, l'AIIAO encourage fortement l'adoption d'une approche à plusieurs volets qui vise, entre autres, la prévention efficace des causes fondamentales de la vulnérabilité des aînés à la maltraitance et à la négligence, par exemple, la pauvreté, la discrimination, l'isolement social et le manque de logements abordables. Les recommandations de l'AIIAO sur la façon d'agir sur ces déterminants sociaux de la santé sont décrites plus en détail dans le mémoire que nous avons remis au comité.
    De novembre 2011 à avril 2012, j'ai eu le privilège de représenter l'AIIAO au sein du Groupe de travail sur les soins et la sécurité dans les foyers de soins de longue durée de l'Ontario. Le groupe de travail a été créé en réponse aux articles parus dans les médias au sujet de cas de maltraitance et de négligence — dont certains n'avaient pas été signalés — dans les foyers de soins de longue durée. En 2011, plus de 3 200 incidents de maltraitance et de négligence ont été signalés au ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario. Cela signifie environ 3,5 cas par 100 lits d'établissements de soins.
    Les sondages, les mémoires et l'examen de la preuve nous ont appris que parmi les facteurs les plus importants menant à la violence et à la négligence dans ce secteur, on compte les problèmes liés au personnel — par exemple, un nombre insuffisant d'employés, une charge de travail élevée et un manque de formation et de compétences. Il y a aussi d'autres facteurs, notamment la démence, la santé mentale et la toxicomanie menant à des comportements agressifs ou violents. Un résidant peut parfois être victime de violence et représenter un danger pour lui-même, pour d'autres résidants ou pour les employés. En fait, environ la moitié des incidents signalés en 2011 concernaient la violence entre résidants. Cela signifie que les résidants ayant des besoins particuliers doivent être mieux appuyés, afin de garantir leur sécurité et celle de tous les autres vivant dans leur milieu. Parmi les domaines dans lesquels on doit apporter des améliorations sur le plan de la sécurité, on retrouve le financement des établissements spécialisés, les services spécialisés dans les établissements de soins de longue durée, les conditions physiques appropriées, les programmes spécialisés et un nombre suffisant d'employés possédant les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre soin de résidants vulnérables ayant de grands besoins.
    En mai 2012, le Groupe de travail sur les soins et la sécurité dans les foyers de soins de longue durée a publié son rapport avec une liste de 18 actions pour améliorer les soins et la sécurité — des actions qui ne sont pas seulement pertinentes en Ontario, mais aussi d'un océan à l'autre. En plus d'appuyer ces actions, l'AIIAO a récemment envoyé des commentaires à notre gouvernement provincial dans le but d'aider à améliorer la stratégie des soins aux personnes âgées de l’Ontario. Nous vous avons apporté des exemplaires de ce mémoire, car il contient nos recommandations fondées sur des données probantes sur la façon d'améliorer les soins aux personnes âgées, les soins de santé et la sécurité dans tous les secteurs, y compris les normes minimales en matière de soins infirmiers dans les soins de longue durée.
    À l'aide du financement du gouvernement fédéral, l'AIIAO et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada ont créé, en 2010, les centres d’excellence pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés dans 10 établissements de soins de longue durée au pays. Cette initiative a entraîné des résultats positifs, par exemple, les employés qui s'occupent de cas de maltraitance ont modifié leur comportement et ils se sentent plus compétents. Pour continuer sur la lancée de ce projet, l'AIIAO, grâce au financement du gouvernement fédéral, élabore des lignes directrices sur les pratiques exemplaires qui mettront l'accent sur la sensibilisation, la prévention, la détection et les stratégies d'intervention à mettre en oeuvre lorsqu'on soupçonne ou qu'on signale des cas de maltraitance ou de négligence. Ces lignes directrices s'ajouteront à celles déjà élaborées par l'AIIAO et fondées sur l'observation en clinique, par exemple, les soins centrés sur le client, le dépistage et les stratégies de soins pour les adultes âgés souffrant de délire, de démence et de dépression, la promotion de la sécurité, les différentes méthodes de contention et la prévention et la gestion de la violence en milieu de travail.
    Toutes ces directives fondées sur l'observation, et des ressources pour leur mise en oeuvre, peuvent être téléchargées gratuitement sur notre site Web, ainsi que des renseignements sur l'Initiative des meilleures pratiques de soins de longue durée de l'AIIAO.
    Merci encore une fois de nous avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. J'ai hâte de répondre à vos questions.

  (1535)  

    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Mme Perka ou de M. Power.
    C'est un grand honneur pour moi de vous parler aujourd'hui d'un sujet aussi important, non seulement pour les équipes que je représente, mais aussi pour de nombreuses personnes âgées au pays.
     À Edmonton, Catholic Social Services a mis sur pied des ressources et des appuis en matière de maltraitance des aînés pour travailler avec les cas présentant un risque faible à modéré, et pour répondre aux appels reçus à la ligne d'information sur la maltraitance des aînés. Nous avons aussi un partenariat avec l'équipe d'intervention pour la violence envers les personnes âgées, qui s'occupe des cas à risque élevé. Nos équipes veillent à ce que la question de la maltraitance des aînés cesse d'être un sujet tabou au sein de la société canadienne.
    La modification proposée au Code criminel dans le projet de loi C-36 et l'appui qu'elle a reçu à ce jour démontre que notre gouvernement fédéral reconnaît aussi la nécessité d'examiner attentivement le problème de la maltraitance des aînés et de le dénoncer. Selon les documents actuels, les seuls arguments s'opposant à la modification proposent, en fait, d'en faire plus, ce qui correspond à la position présentée aujourd'hui.
    Voici la modification proposée:
que l'infraction a eu un effet important sur la victime en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière,
    J'aimerais attirer l'attention de ceux qui n'ont pas travaillé directement sur le dossier de la maltraitance des aînés sur les mots « un effet important », afin de mieux comprendre la portée de cet effet et toutes ses subtilités.
    J'ai personnellement vu une personne âgée pleurer et perdre ses moyens pendant qu'elle révélait les supplices que lui avait infligés son fils toxicomane. Réfléchissez un moment au mot « supplice ». Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit? Vous pourriez vous dire qu'il lui a quémandé de l'argent pour s'acheter de la drogue ou qu'il a mis des trésors familiaux en gage pour se procurer l'argent. C'est probable, mais cette dame a aussi parlé d'une nuit horrible pendant laquelle, dans une rage provoquée par la drogue, son fils lui a fait descendre un escalier en la tirant par les cheveux et en lui mettant le couteau sous la gorge pour la prendre en otage. Dans ce cas, les mots « un effet important » ou même « supplice » ne semblent pas suffisants. Je pourrais littéralement vous fournir des pages de scénarios qui montrent à quel point ces effets importants peuvent être nuisibles et destructeurs pour la santé et le bien-être d'une personne âgée.
    Les effets de l'exploitation financière des aînés sont aussi dévastateurs. L'an dernier, notre équipe a participé à une enquête sur un cas d'exploitation financière où la somme volée à un couple dépassait plusieurs millions de dollars. Ce qui est surprenant, c'est qu'une telle somme ait été volée à un couple de personnes âgées de la classe moyenne par leur petit-fils. Le couple a été forcé de déclarer faillite, de vendre leur maison et d'annoncer à leurs créditeurs qu'ils ne pouvaient plus les rembourser. On ne peut pas mettre un prix sur les perturbations qu'entraînent de tels évènements dans la vie d'une personne âgée ou dans celle de n'importe qui. Les conséquences sont beaucoup plus graves.
    Il est aussi important de souligner que notre équipe a mis l'accent sur la santé, et que cela comprend non seulement la santé physique, mais aussi le bien-être psychologique, social et spirituel. Selon Santé Canada, le vieillissement sain est « un processus permanent d'optimisation des possibilités permettant d'améliorer et de préserver la santé et le bien-être physique, social et psychologique, l'autonomie et la qualité de vie ainsi que de favoriser les transitions harmonieuses entre les différentes étapes de la vie ». Lorsque l'un de ces aspects est compromis, ou s'ils le sont tous, la santé de la personne âgée dans son ensemble risque davantage de décliner, en raison du caractère irréparable de certains des dommages infligés.
    La maltraitance est un traumatisme. Au cours d'un séminaire, la Dre Covington, une spécialiste en traumatisme, a dit:
Un traumatisme peut entraîner un TSPT dans le système limbique. ... Un traumatisme provoque un déséquilibre dans la chimie du cerveau et peut prédisposer une [personne] à la consommation d'alcool et de drogue, aux troubles de l'alimentation, à l'automutilation et aux problèmes de santé mentale.
    Selon un article du National Institute of Justice Journal, la démence chez les personnes âgées peut exacerber le traumatisme causé par une agression sexuelle. Une étude a d'ailleurs démontré que sur 20 personnes âgées victimes d'agression sexuelle, 11 sont décédées pendant l'année suivant l'agression.
    Au cours de nos interventions auprès d'aînés maltraités, nous avons constaté que les perturbations à la santé sur les plans social et spirituel pouvaient provoquer une dépression, l'anxiété, des tendances suicidaires et d'autres problèmes de santé mentale. Il faudrait aussi mentionner que la culpabilité qui ronge la personne âgée maltraitée peut être extrêmement pénible, car l'agresseur est souvent son propre enfant adulte qu'elle a élevé de son mieux, ou un petit-fils ou petite-fille qu'elle avait été heureuse de voir naître, et non un étranger.
    Pour ces raisons, et un grand nombre d'autres, un système pénal qui permet de tenir compte de ces effets lors de la détermination de la peine pourrait ne pas réussir à provoquer un changement mesurable en ce qui concerne la maltraitance des aînés, car un grand nombre d'entre eux ne souhaitent pas lancer une enquête criminelle contre un être cher. Il existe sans aucun doute une peine appropriée pour ceux qui maltraitent les aînés, mais dans un grand nombre de cas, ce qui est encore plus important, c'est que les personnes qui aident les aînés à se sortir d'une situation de maltraitance ont besoin de ressources, de financement et d'appui.

  (1540)  

    Le résumé législatif publié en avril dernier a été très clair à ce sujet:
un examen de la littérature sur la maltraitance des aînés a remarqué que « le recours au droit criminel est moins fréquent quand ce sont les personnes âgées qui sont l'objet de maltraitance et de négligence ».
    Selon les statistiques de notre équipe, de décembre à mai dernier, la violence émotionnelle a représenté presque 30 p. 100 de notre travail. La violence émotionnelle constitue rarement une infraction punissable dans le cadre d'une enquête criminelle. Pour cette raison, un grand nombre de personnes qui appellent notre ligne d'information, à Edmonton, nous communiquent leur grande frustration ou leur sentiment d'injustice après avoir signalé, comme les annonces et les affiches leur ont dit de le faire, un cas de maltraitance envers une personne âgée. Ils ne se rendent pas compte des limites des interventions — sur le plan légal, etc. Nous espérons donc que le gouvernement fédéral continuera de s'occuper de la question.
    Nous recommandons respectueusement de maintenir — ou même d'augmenter — le financement des programmes de services sociaux qui forment de telles équipes. Il est très important de se pencher sur la question d'un salaire plus équitable, car un grand nombre de ces travailleurs viennent d'organismes à but non lucratif au sein de la collectivité et il y a un grand roulement, car ils se dirigent ensuite vers les postes financés par le gouvernement, pour lesquels ils sont mieux payés. De plus, il faudrait surtout appuyer les interventions, sensibiliser la population et exercer des pressions pour qu'on effectue l'examen des lois provinciales et des lois qui, dans certains cas, protègent les agresseurs.
    Je vous remercie encore une fois de faire ces premiers pas en vue d'honorer les aînés et la population la plus vulnérable du Canada. Je me servirai de l'expérience acquise par notre équipe dans ce domaine difficile pour répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    La directrice du Département des services sociaux de l'Hôpital général juif, Mme Maxine Lithwick, vient d'arriver pour comparaître devant nous.
    Je pense que vous avez reçu une lettre du greffier qui vous expliquait que vous avez 10 minutes pour livrer votre exposé.
    D'accord. Je vous ferai signe si vous vous rendez à neuf minutes.
    D'accord, mais je ne pense pas parler plus de six minutes.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invitée. Je veux aussi vous féliciter d'avoir travaillé sur la modification proposée.
    Je travaille dans le domaine de la maltraitance des aînés depuis près de 30 ans. Au cours de ma carrière, mes collègues et moi-même avons tenté d'encourager l'adoption d'une loi plus sévère.
    Les personnes âgées maltraitées sont plus vulnérables que les jeunes. Les effets sur leur santé, leurs finances et leur qualité de vie peuvent être plus importants. Nous voulons faire passer le message que la maltraitance des aînés est tout simplement inacceptable.
    Par contre, il s'agit d'un sujet extrêmement complexe. Très souvent, la victime entretient une relation de confiance avec l'agresseur; par exemple, il peut s'agir d'un enfant adulte. Parfois, cette personne est le seul lien émotionnel entretenu par la victime. La situation est donc très complexe — rien n'est tout blanc ou tout noir  —, mais les conséquences peuvent être très graves. C'est pourquoi j'aime que la modification tienne compte des circonstances aggravantes. À mon avis, c'est essentiel.
    Je crois aussi qu'il est important de faire la différence entre l'agresseur qui est aussi un membre de la famille de la victime et la personne qui profite d'un aîné en raison de son âge et de sa vulnérabilité. Les enjeux sont très différents dans chaque cas. Prenons l'exemple du soignant privé, du comptable ou du voisin qui profite de la personne âgée sur le plan financier ou qui lui prodigue des soins de piètre qualité: ces gens ne profitent pas nécessairement d'une valeur émotionnelle positive. Ils agissent seulement par appât du gain ou par désir de contrôler. Je pense que les conséquences pour ces gens... Il faut être clair: la maltraitance est inacceptable.
    Très souvent, si l'agresseur est un membre de la famille, l'aîné maltraité a beaucoup de difficulté à dénoncer la situation. En effet, il ne voudra pas se rendre devant les tribunaux et ne dira rien contre le membre de sa famille, car il a peur d'être abandonné ou de faire l'objet de représailles, ou il a d'autres raisons.
    Je remets en question la façon dont ce type de loi sera mis en oeuvre. Je crois fermement que pour qu'une telle loi soit efficace, il faut que les procureurs connaissent bien les questions qui touchent les personnes âgées et le sujet de la maltraitance des aînés et que les juges doivent savoir poser des questions pertinentes à cet égard. Il faut aussi planifier la façon dont ces cas seront présentés devant les tribunaux, car une personne âgée ne témoigne pas comme une jeune personne. Tous les éléments peuvent être assez différents.
    Il est aussi important de déterminer si la personne âgée est mentalement capable ou non, car cela a aussi des effets sur le degré de vulnérabilité. Cela est lié aux circonstances aggravantes et aux conséquences sur la personne âgée. Encore une fois, l'aîné maltraité physiquement ou exploité financièrement n'est pas nécessairement mentalement capable; les gens de son entourage doivent donc témoigner à sa place, ce qui peut causer des difficultés.
    Je suis d'accord avec ma collègue, c'est-à-dire que nous devons aussi offrir les ressources appropriées, que ce soit pour les soins de santé ou pour accompagner une personne âgée qui veut porter plainte et témoigner ou porter des accusations contre une personne qui l'a maltraitée. En effet, les aînés trouvent ce processus terrifiant et difficile.
    En ce qui concerne les circonstances aggravantes, j'aimerais ajouter qu'à mon avis, elles surviennent lorsque les besoins d'une personne ne sont pas satisfaits. Par exemple, elle ne reçoit pas les soins de santé appropriés, elle ne fait pas l'objet d'une supervision adéquate, et ses médicaments ne sont pas bien gérés. Toutefois, lorsqu'une personne se retrouve sans ressources financières pour vivre selon le mode de vie auquel elle était habituée, cela a aussi des effets importants sur les plans émotionnel et psychologique, et sur sa qualité de vie.

  (1545)  

    Il y a un autre élément qui me préoccupe un peu. J'ai mentionné que la personne âgée ne souhaite pas nécessairement porter des accusations contre la personne qui la maltraite. C'est ce que j'appelle « signaler » les cas de maltraitance. J'ai entendu dire que des directeurs de banque ont été témoins de fraudes sur des comptes bancaires, mais ils ne savent pas s'ils doivent communiquer avec la police. Leur patron peut leur dire que le client ne leur a pas dit qu'il y a un problème. Si on demande au client s'il souhaite que la banque communique avec la police, il dira non. Mais il demeure que les banques sont témoins d'un grand nombre de fraudes, et, à mon avis, il y a beaucoup de travail à faire relativement au signalement des cas de maltraitance des aînés. Vous devez faire savoir que la maltraitance ne sera absolument pas tolérée et que vous allez étudier en profondeur les répercussions de la maltraitance sur les personnes âgées.
    Globalement, c'est ce que j'avais à dire. Quand j'ai réfléchi à cette question, je me suis rendu compte que j'avais autant de questions que de choses à dire. Je serai plus que ravie d'entendre vos questions, qui me permettront sans doute de mieux comprendre cet amendement.
    Merci.

  (1550)  

    Merci.
    Nous allons passer aux questions. Chaque député dispose de cinq minutes, alors si je vous coupe la parole lorsque vous êtes en train de répondre, ce sera seulement par souci d'équité.
    La parole est d'abord à Mme Boivin.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous quatre de vous être déplacés pour cette étude importante de la modification que l'on veut apporter au Code criminel. Au nom de nos aînés, je vous remercie du travail que vous faites.
    Je pense que tout le monde autour de cette table, tous partis confondus, est conscient que ça ne résoudra pas tous les problèmes que vivent nos aînés quotidiennement. Il y a beaucoup d'autres avenues à explorer, mais on va s'occuper de cette question pour l'instant.
    Vous avez compris que le projet de loi C-36 touche essentiellement la partie traitant de la détermination de la peine. Cela ne fait pas de la maltraitance une infraction. Cela s'applique seulement à l'étape qui suit le procès. On est conscient que, dans certains cas, il se peut qu'il n'y ait pas eu de procès alors qu'il aurait dû y en avoir un. Or, dans le cas où un procès s'est tenu, la maltraitance est présentée comme un élément aggravant dont on veut que la cour soit saisie avant le prononcé de la sentence.
    Parfois, en comité ou à la Chambre, nous nous demandons quelle est la portée ou quelle est l'importance de notre travail. La semaine dernière, pendant que nous étions dans nos circonscriptions respectives alors que la Chambre ne siégeait pas, dans ma région, il s'est produit un cas absolument horrible, très médiatisé. Dans un centre hospitalier, une dame de 99 ans — je n'invente rien — se serait fait agresser sexuellement par un préposé aux bénéficiaires. Si ce n'est pas horrible, je ne sais pas ce qui peut l'être. Il est certain que lorsque la population apprend une telle chose, elle voudrait pendre haut et court l'accusé. Il aura droit à son procès, j'en conviens; on ne court-circuitera pas cette étape. Je serais toutefois bien aise de voir le projet de loi C-36 devenir réalité et que la cour applique cette modification qu'on veut apporter au Code criminel, à savoir le fait de considérer comme facteurs aggravants l'âge de la victime et l'effet de l'infraction sur cette personne.
     La plupart d'entre vous ont abordé une de mes inquiétudes, soit le fait qu'on mentionne que cela a eu un effet important. Je me demande — et je vous pose la question — s'il n'y aurait pas lieu d'enlever la notion d'« effet important » du sous-alinéa proposé. Voici ce qu'on pourrait dire, tout simplement.

[Traduction]

    Pour que mes collègues anglophones comprennent bien, je vais le relire.
    L'alinéa 718.2a) du Code criminel est modifié par adjonction de ce qui suit:
que l'infraction a eu un effet important sur la victime.
    Que penseriez-vous d'enlever le mot « important »? Nous voulons aider les victimes, mais, en tant qu'avocate, je me demande si nous ne créons pas un débat en cour. Quelle est la définition d'« important »? Parce que la victime est une personne âgée, il est certain que l'infraction a eu un effet sur elle en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière. À mon avis, on pourrait supprimer ce mot. Qu'en pensez-vous?
    Je crois que cela faciliterait les choses. Je pense qu'en conservant la partie qui concerne les circonstances aggravantes, cela permettrait...
    Il faut bien comprendre. Cette partie sur les circonstances aggravantes figure déjà dans le Code criminel. Nous ne voulons pas l'éliminer. La question ne se pose même pas, car c'est la façon générale de... Il s'agit simplement d'une liste de facteurs qui aide le juge à déterminer la peine. Elle ne fait pas partie de l'amendement. Elle ne sera donc pas supprimée. Ne vous inquiétez pas. Les circonstances aggravantes ne seront pas éliminées. Je m'interroge sur la formulation de la première partie de cette disposition, c'est-à-dire que l'infraction a eu un effet important sur la victime.
    Je vous demande précisément s'il ne vaudrait pas mieux supprimer le mot « important » dans cette disposition?

  (1555)  

    Le point que vous soulevez est très valable. Quand j'ai lu cette disposition, j'ai pensé la même chose. Un avocat de la défense pourrait très bien demander qu'on définisse le mot « important ».
    La personne a 99 ans. On peut dire qu'elle ne sait pas ce qui se passe ou quoi que ce soit d'autre.
    C'est exact. Je vous remercie de soulever ce point parce que j'y ai pensé moi aussi. Je ne voudrais surtout pas qu'un amendement suscite un débat sur la définition d'un mot. Comment définir le mot « important »? Chaque personne est différente. Une personne qui vit une expérience traumatisante peut s'en remettre et continuer à vivre une vie très satisfaisante, tandis qu'une autre personne n'arrivera pas à s'en remettre.
     Merci, madame Boivin.
    Monsieur Jean, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'intéresse à ce que vous avez dit au sujet de la définition du mot « aîné », car il y a eu certaines discussions à ce sujet. Je crois qu'il y a environ 11 mesures législatives dans lesquelles un aîné est une personne âgée de 65 ans et plus. Dans d'autres lois, un aîné est une personne qui a entre 55 et 70 ans. Je crois comprendre que chacun a une interprétation différente de ce mot dans le contexte de ce projet de loi.
     Est-ce que chacun d'entre vous pourrait me donner sa définition du mot « aîné » et son opinion sur cette question?
    Commençons par Mme Lithwick.
    C'est une question difficile. Du point de vue financier, on peut dire que la situation financière de bien des gens âgés de 65 ans et plus qui sont retraités est différente de ce qu'elle était quand ils occupaient un emploi. Financièrement parlant, les personnes âgées d'au moins 65 ans sont des aînés.
    Sur les plans physique et psychosocial, ou quand il est question de soins de santé, les aînés sont des personnes qui présentent un profil gériatrique. Il s'agit de personnes souffrant de divers problèmes de santé qui entraînent une perte d'autonomie.
    La définition n'est pas absolument claire. Dans le domaine des soins de santé, je sais que de plus en plus on considère comme étant des aînés les personnes de 75 ans et plus parce qu'elles présentent davantage de signes et de symptômes du vieillissement, qui ont une incidence sur les plans physique, psychologique et psychosocial.
    Il ne me reste que quelques minutes, et j'aimerais être certain de bien comprendre. Vous dites que les personnes de 75 ans et plus sont considérées comme étant des aînés, et que les personnes qui souffrent de problèmes sur le plan psychologique ou physique qui les rendent vulnérables pourraient être considérées comme étant des aînés également.
    Madame Perka, allez-y.
    Chez nous, les personnes de 65 ans et plus sont considérées comme étant des aînés, mais nous étudions aussi l'état de la personne. Nous avons accepté des gens plus jeunes — je crois que la personne la plus jeune avait 58 ans — en raison de leur santé mentale et de leur grande vulnérabilité.
    La démence ou...
    Monsieur Power, vous êtes d'accord avec Mme Perka, n'est-ce pas?
    Oui, si je pense aux programmes que nous offrons. Nous examinons les cas des personnes de moins de 65 ans si elles souffrent de problèmes de santé par exemple. Nous allons peut-être étudier le cas d'une personne de 57 ou de 58 ans parce que son état est similaire à celui d'une personne de 85 ans.
    Existe-t-il des critères qui permettent d'établir une certaine uniformité au sein des provinces et des différents fournisseurs de soins de santé? Il serait utile pour tout le monde de le savoir.
    Oui. J'ai tendance à dire que le seuil est 65 ans parce que c'est l'âge fixé par de nombreux programmes fédéraux et provinciaux. Cependant, comme quelques-uns d'entre nous l'ont mentionné, des personnes moins âgées pourraient entrer dans cette catégorie en raison de certains facteurs.
    Je crois que 65 ans demeure la norme. Dans le passé, on a déterminé que l'âge serait 65 ans parce que les gens ne vivaient pas beaucoup plus vieux que cet âge-là.

  (1600)  

    L'âge moyen était de 67 ans à l'époque.
    Oui. Maintenant c'est différent, mais l'âge est demeuré le même. Beaucoup de gens, que ce soit des aînés ou des professionnels, considèrent encore que le seuil se situe à 65 ans.
     Madame Santos, il ne reste qu'une minute, alors...
    D'après les directives que nous suivons, les personnes âgées de 65 ans et plus sont considérées comme étant des aînés.
    Est-ce que vous tenez compte de l'état de santé mentale et physique?
    Oui.
    D'accord.
    Croyez-vous qu'il sera possible de nous communiquer ces meilleures pratiques et de...?
    Je ne vais pas en faire une question, car je n'aurai pas le temps; notre président est très strict à ce sujet.
    En ma qualité d'avocat, j'avais l'impression que l'information devait être communiquée aux gens et que les avocats devaient prendre les mesures nécessaires pour obtenir des procurations conjointes notamment — je vois que vous acquiescez — avant que les gens se retrouvent dans cette situation.
    Par exemple, deux ou trois enfants d'une personne âgée pourraient disposer de procurations pour gérer son argent, ou encore une maison de soins pour aînés pourrait avoir des règles particulières qui sont communiquées aux proches — il devrait y en avoir deux ou trois — pour s'assurer qu'ils mettent en sécurité les avoirs de la personne âgée. Pensez-vous que ce serait une bonne chose?
    Vous pouvez me répondre par oui ou non.
    C'est difficile de répondre par un oui ou un non. C'est vraiment...
    Mais pensez-vous qu'on peut aider les gens en leur fournissant des lignes directrices ou en les informant de la sorte?
    Les lignes directrices, la sensibilisation, tout cela est important; et c'est une bonne chose d'avoir deux procurations. Ce n'est pas toujours nécessaire, mais c'est un bon conseil à suivre.
    Oui.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    La plupart des témoins que nous avons entendus se sont dits favorables à ce projet de loi faisant de la vulnérabilité une circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine. Mais certains d'entre eux, malgré leur soutien au projet de loi, ont indiqué que l'on avait surtout besoin d'une stratégie globale en matière de maltraitance des aînés.
    Comme vous le savez tous beaucoup mieux que la plupart d'entre nous, cette maltraitance peut notamment prendre une forme psychologique, émotionnelle, financière ou physique.
    L'un des témoins représentant CARP, l'Association canadienne des individus retraités, a formulé des recommandations en faveur de l'adoption d'une stratégie globale. Je vais vous les soumettre en vous demandant ce que vous en pensez. Vous pouvez aussi nous proposer d'autres mesures pouvant s'inscrire dans une telle stratégie.
    Voici donc quelques-unes de ces recommandations: un service d'écoute téléphonique pour la maltraitance des aînés; une obligation de signaler les cas de maltraitance; un soutien accru pour les personnes prenant soin des aînés; un soutien d'enquête spécialisé pour les infractions criminelles existantes — et vous en avez mentionné quelques-unes, Maxine — notamment grâce à la formation des policiers; des services de soutien aux victimes; et des refuges pour les aînés.
    Je vais en rester là pour l'instant en vous demandant vos commentaires au sujet de ces différentes recommandations pouvant faire partie d'une approche globale, ou toute autre suggestion que vous pourriez avoir à nous faire. Parlez-nous aussi de la pertinence de travailler ensemble à cette fin pour tous les ordres de gouvernement (fédéral, provincial et autres).
    Je crois que nous devrions commencer par un service d'écoute téléphonique. Un tel service existe déjà à Edmonton. Personnes âgées comme professionnels peuvent appeler pour obtenir des conseils, du soutien et de l'information. Je crois que c'est extrêmement utile. Cela permet de mieux faire connaître la problématique de telle sorte que les gens sachent que des solutions s'imposent. C'est une bonne idée d'offrir un service semblable à quiconque, en réalité, souhaite obtenir des conseils.
    Il y a aussi d'autres possibilités. Pour les services de soutien, nous avons une équipe multidisciplinaire. Elle existe depuis 1998 à Edmonton et j'aimerais vous en parler davantage. On a pu réunir au sein d'une même équipe des professionnels de la santé, des spécialistes en santé mentale notamment, des policiers et des travailleurs sociaux comme moi qui nous occupons du volet développement communautaire. Ainsi, lorsqu'un nouveau cas se présente, ce n'est pas seulement un agent de police ou un travailleur social qui s'y intéresse; nous essayons tous ensemble de comprendre la situation, aussi complexe soit-elle, de déterminer la meilleure approche à adopter et qui devrait prendre le dossier en charge en pouvant compter sur le soutien des autres membres de l'équipe. Cette façon de faire a été très efficace pour nous aider à bien comprendre les différents cas et à prendre des mesures en conséquence.
    C'est simplement une suggestion que je ferais. S'il existe d'autres possibilités de constituer des équipes semblables... Il y en a une à Calgary et maintenant une à Waterloo, et je sais que d'autres interventions communautaires ont cours également en Alberta. C'est donc une possibilité que je vous soumets en matière de soutien à apporter.
    Je n'en dirai pas plus pour l'instant, car je suis persuadé que d'autres souhaitent prendre la parole.

  (1605)  

    Je crois que nous avons besoin d'une approche multidisciplinaire pour contrer la maltraitance à l'endroit des aînés. Une simple modification au Code criminel n'est pas suffisante. C'est un problème complexe et il faut intervenir sur plusieurs tableaux. Mais cela n'enlève rien à l'importance de la modification proposée qui apporte une précision déterminante. Nous devrions avoir une stratégie nationale de lutte contre ce phénomène en établissant un lien entre ce que prévoient le Code criminel et les différents codes civils en la matière. Le droit civil québécois comporte une excellente loi contre l'exploitation des personnes âgées. Je crois que les autres provinces pourraient s'en inspirer. Je pense qu'il faut assurer la continuité entre une telle loi civile qui s'occupe de l'exploitation des aînés et l'application du Code criminel lorsque les sévices deviennent graves.
    Selon moi, il y a encore beaucoup de travail à faire.
    Je serais plutôt d'accord avec toutes les recommandations que vous nous avez soumises. Notre service d'écoute téléphonique est très occupé. Il y a même de nombreux professionnels qui appellent pour savoir si tel ou tel cas satisfait aux critères et ce qu'ils doivent faire exactement. Il y a donc du soutien à tous ces niveaux.
    Le devoir de signaler les cas est un point intéressant, car il y en a toujours quelques-uns qui font valoir que l'on risque ainsi d'occulter les choses, mais j'estime tout de même qu'il serait très important que les professionnels soient tenus de signaler les cas semblables. Nous sommes confrontés à la Loi sur la liberté d'information et la protection de la vie privée et il y a des renseignements qu'il nous est impossible de divulguer. La confidentialité pose toujours problème. Mme Lithwick l'a signalé dans le cas des banques.
    Oui, la question de la confidentialité est toujours problématique.
    Nous devrions sans doute nous pencher davantage sur la question de l'obligation de signaler les cas, surtout pour les professionnels. Nous devrions en outre l'examiner dans la perspective non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des instances provinciales, de telle sorte que des pressions s'exercent au sommet pour que tous ces changements soient apportés.
    Merci.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins et un mot de bienvenue tout particulier à M. Power et à Mme Perka, mes concitoyens d'Edmonton. Merci de votre présence.
    Madame Perka, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné le cas d'une dame âgée qui s'est fait tirer par les cheveux et extorquer de l'argent. Nous convenons tous qu'il ne s'agit pas d'un événement insignifiant. Comme vous le savez peut-être, des tribunaux d'autres provinces, notamment en Colombie-Britannique et en Ontario, ont déjà, en s'appuyant sur le libellé actuel de l'article 718, considéré l'âge et la fragilité d'une personne comme des circonstances aggravantes. Est-ce que l'un de vous deux pourrait nous dire si un tribunal albertain a déjà fait de même pour déterminer une peine? Ce n'est pas arrivé à ce que je sache, en tout cas.
    Je ne pourrais pas vous dire que je suis au courant d'un cas de la sorte.
    Vous non plus. D'accord, merci.
    De toute évidence, vous êtes favorables à ce projet de loi et estimez que ce serait une bonne chose si les tribunaux considéraient toujours l'âge de la victime au moment de la détermination de la peine.
    Dans une certaine mesure. Je vais vous dire, et je crois que cela a déjà été souligné, tant dans notre résumé que dans d'autres observations formulées, que ce projet de loi est bien intentionné. Il va permettre de sensibiliser les gens à la gravité de ce phénomène. Nous pourrons ainsi cerner la nature du problème dans le but de trouver des solutions, ce qui nous amènera vers d'autres résultats. Nous devrons toujours composer avec cette situation où les aînés eux-mêmes doivent participer activement au processus.
    D'après ce que nous avons pu constater jusqu'à maintenant, ils ne souhaitent généralement pas se prêter à un processus semblable à l'égard d'un enfant adulte — je parle bien sûr des cas où c'est la famille qui est impliquée — d'un neveu ou peu importe... En pareils cas, ils ne veulent pas intenter des poursuites pour que des accusations soient portées. Même s'il est certes possible pour les services policiers d'aller de l'avant avec des accusations, il leur faut être certains de pouvoir compter sur la collaboration de la victime tout au long du processus judiciaire. Il y a donc des difficultés à surmonter.

  (1610)  

    Certainement. En outre, comme l'indiquait Mme Boivin, l'article 718 n'entre en application que lorsque des accusations ont été portées et qu'un verdict de culpabilité a été... Je me rends compte qu'il peut y avoir une certaine réticence à faire en sorte que des accusations soient portées au départ. On peut supposer que des organisations comme la vôtre, Catholic Social Services, informent les gens de leurs droits et des options qui s'offrent à eux lorsqu'ils sont victimes de maltraitance. Je présume que cela fait partie de votre mandat.
    Bien sûr, d'autant plus que nous travaillons en collaboration très étroite avec l'agent de police faisant partie de notre équipe multidisciplinaire.
    Certainement.
    J'aimerais poursuivre dans le sens de certaines des questions posées par Mme Boivin concernant le qualificatif « important ». J'ai du mal à m'imaginer une situation où la maltraitance envers un aîné n'a pas d'impact sur la victime. Je crois que tout crime a des répercussions sur une personne ou une autre. Ne croyez-vous pas, ou ne seriez-vous pas tout au moins disposés à envisager, que le qualificatif « important » a tout à fait sa place pour réserver aux cas qui sont les plus graves l'application de cette disposition spéciale prévoyant des circonstances aggravantes dans la détermination de la peine. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je voudrais d'abord entendre Mme Perka, si vous n'avez pas d'objection.
    J'hésite seulement à vous répondre parce que je crains que tout cela ne débouche sur un débat ouvert.
    Je vais vous dire pourquoi je crois que ce qualificatif est essentiel. Si vous accordez une protection spéciale à tout le monde en toutes occasions, vous ne protégez plus personne. J'estime qu'en utilisant une expression comme « un effet important », on réserve la disposition en question pour les cas les plus graves, plutôt que d'en permettre l'application pour tous ceux où les torts causés ne sont pas nécessairement assez considérables pour justifier d'en faire une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine.
    Qu'en pensez-vous?
    Eh bien, tout dépend de la perception des gens.
    J'ai travaillé sur le dossier d'une femme qui devait prêter de 100 à 200 $ par mois à son fils, et qui ne pouvait plus ensuite payer son loyer. C'était extrêmement important pour elle. Devant un tribunal, comment un tel cas sera-t-il considéré comparativement à celui de l'exemple que je vous ai donné où plusieurs millions de dollars ont été extorqués? À première vue, ces montants de 100 $ ou de 200 $ peuvent paraître moins importants, mais ce n'était assurément pas le cas dans la vie de cette femme.
    Je conviens que le terme « important » est plutôt subjectif...
    Merci, monsieur Rathgeber. Vous n'avez plus de temps.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je suis très heureuse de prendre la parole à la suite de mon collègue, car je désire également ajouter mon grain de sel au sujet de cette question très pertinente relative au projet de loi devant nous.
    On a parlé un peu plus tôt de tolérance zéro. On veut protéger les aînés. On veut que cessent les crimes qui sont commis envers les aînés parce qu'ils sont des aînés. Dans cette optique, selon moi, s'il y a un effet sur une victime en raison de son âge, il faut que ce soit un facteur aggravant. On n'a pas besoin de prouver si c'est important ou non pour la victime ou pour l'accusé. Si un effet est présent chez la victime en raison de son âge, cela doit être pris en compte comme étant un facteur aggravant.
    Que pensez-vous de cette idée que je formule?
    J'aimerais préciser quelque chose au sujet de la tolérance zéro. Selon moi, la tolérance zéro est nécessaire dans les centres de soins de longue durée, les hôpitaux et les institutions. La tolérance zéro est nécessaire dans ces endroits.
    Cependant, dans le cas des personnes qui sont maltraitées par leurs proches, je pense qu'on doit avoir une approche visant la réduction des méfaits. Parfois, ce membre de la famille est le seul lien qu'elles ont dans leur vie.

[Traduction]

    Nous voulons que les gens sachent bien que les mauvais traitements ne seront pas tolérés, mais cela s'inscrit également dans un continuum.

[Français]

    Je vais laisser Mme Perka répondre, car je pense qu'elle avait quelque chose à dire à ce sujet.

[Traduction]

    Je serais plutôt d'accord. Je ne voudrais pas que l'on mette l'accent uniquement sur l'âge parce qu'une personne peut être rendue vulnérable et exposée à la maltraitance en raison d'autres facteurs, et il ne faudrait pas nécessairement insister sur l'importance...
    Je suis d'accord avec Mme Lithwick quant à l'échelle de gravité des effets et à la nécessité de voir vraiment comment les choses se passent, car il existe dans bien des cas une forme de soutien mutuel, si je puis m'exprimer de la sorte, entre l'aîné et la personne qui lui inflige des mauvais traitements. Ainsi, c'est souvent cette personne qui va transporter l'aîné d'un endroit à un autre, pour ses rendez-vous médicaux ou peu importe. L'aîné s'en remet à cette personne pour des services semblables. On peut même parler dans certains cas d'un contact social entre les deux individus. Ce sont donc des éléments qu'il faut aussi prendre en considération dans notre analyse de la situation.
    Peut-être que cela peut s'inscrire dans le contexte de la modification proposée, parce qu'on souhaite envisager toute la problématique. Vous ne vous contentez pas de dire que la personne a mal agi et qu'on doit lui imposer une peine de trois ans par exemple; il y a d'autres éléments à prendre en compte. Il est possible que la personne coupable prenne soin de l'aîné d'une manière ou d'une autre.

  (1615)  

[Français]

    Je vais préciser de nouveau ma question.
     Je ne parle pas du résultat, sur le plan de la peine à imposer. Je suis d'accord avec vous pour dire que celle-ci doit tenir compte de l'âge ou du lien avec la victime. Tout ça doit être pris en considération. Je veux surtout savoir, dans le cas où il y a un effet en raison de l'âge de la personne, s'il ne faut pas prendre cela en compte. Il ne s'agit pas seulement de l'importance de l'effet, mais du fait que, pour une personne, s'il y a déjà un effet en raison de son âge, celui-ci doit être pris en considération.
    C'est cette nuance que je veux apporter. Merci.

[Traduction]

    Oui.
    Désolé, mais je voudrais faire un commentaire. Si nous nous limitons à parler de l'âge, nous nous engageons sur un terrain dangereux. J'estime qu'il faut aussi considérer le bien-être de la personne, ses capacités cognitives et tous les éléments semblables. On ne va tout de même pas affirmer qu'une personne de 85 ans n'a pas les capacités cognitives suffisantes simplement parce qu'elle a 85 ans. Il faut voir comment les choses se passent à la maison, la mesure dans laquelle l'aîné peut prendre certaines décisions, les gens qui en tirent avantage. Si la personne avait 55 ans, ce serait un peu la même chose. Je ne crois pas que l'âge soit le seul facteur déterminant. Différents professionnels ont d'ailleurs lancé un cri d'alarme à ce sujet. Il faut se montrer prudent lorsqu'on examine ces cas dans la perspective de l'âge, car on risque de sombrer dans l'âgisme.

[Français]

     Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je parlais du choix entre « effet important » et simplement « effet », mais il y a effectivement l'âge et, comme on le mentionne dans le projet de loi, le degré de vulnérabilité en cause.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Goguen.

[Français]

    Je voudrais d'abord remercier les témoins.
     Évidemment, votre témoignage clarifie certains aspects. Nous apprécions beaucoup vos commentaires.
    J'ai travaillé dans un domaine lié aux personnes âgées. Madame Lithwick, vous avez dit plus tôt que vous travailliez dans ce domaine depuis longtemps et que vous aviez toujours oeuvrer pour apporter des modifications au Code criminel pour protéger les aînés

[Traduction]

    avec une loi qui a du mordant. Est-ce bien ce que nous proposons ici? Est-ce un pas dans la bonne direction?
    Je crois que l'on envoie un message à toutes les personnes qui maltraitent criminellement un aîné. Un tel comportement ne sera pas pris à la légère dans notre société. Je viens tout juste de participer à une rencontre avec des policiers et d'autres professionnels de la santé qui s'emploient à... Au Québec, nous avons un plan d'action en matière de maltraitance des aînés, et tous les intervenants se sont réjouis de ce projet de loi lorsque je l'ai porté à leur connaissance. De nombreux éléments entrent en jeu avant que l'on en arrive à l'étape de la détermination de la peine. C'est ce qui peut être problématique. Mais tous veulent que le message soit lancé. Il faut que tous ceux qui maltraitent les aînés et se rendent coupables d'autres crimes à leur endroit sachent bien que cela ne sera pas toléré. Ce sont des crimes graves.
    Il ne circule pas actuellement de message en ce sens. Nous savons à quel point la fraude à l'endroit des personnes âgées est un phénomène répandu. Nous avons également pu recenser de nombreux cas de négligence envers les aînés. Nous savons que c'est une question complexe, mais le mécanisme d'intervention par voie juridique ou pénale constitue actuellement une solution de dernier recours. Lorsque les choses se gâtent à ce point, nous voulons que le message soit bien clair.
    Il va de soi que la situation ne saurait être réglée par une simple modification au Code criminel qui serait apportée en vase clos. Je sais qu'il y a le programme Nouveaux Horizons. Il y a eu une campagne publicitaire à la télévision pour contrer la maltraitance à l'endroit des aînés. On m'a indiqué que les résultats avaient été plutôt bons. C'est certes une façon de concrétiser les efforts déployés. Je suppose que vous êtes du même avis et que nous devrions sans doute en faire davantage, n'est-ce pas?
    Vous semblez avoir acquis une large expérience sur la scène internationale. Est-ce que la modification proposée fait en sorte que notre situation peut se comparer favorablement à ce que vous avez pu voir dans d'autres pays? Pouvez-vous penser à d'autres solutions qui pourraient nous être utiles?

  (1620)  

    Je dirais que les lois sont très différentes d'un endroit à un autre. Dans certains cas, la maltraitance des aînés relève davantage du droit civil. Il y a la question du signalement obligatoire. Aux États-Unis, il faut signaler toute situation de maltraitance, mais cela ne donne pas lieu là-bas à un plus grand nombre de cas relevés que dans les provinces canadiennes où le signalement n'est pas obligatoire. Pour les motifs déjà mentionnés, il faut posséder des preuves suffisantes.
    Tout cela est effectivement comparable. Je sais que dans certains pays et certains États, on prépare des lois semblables, mais on s'emploie aussi à mettre en place tout un régime de droit des aînés afin que l'ensemble de la problématique puisse être prise en considération. Les procureurs sont des experts en la matière. Ils comprennent bien les problèmes de démence, de perte d'autonomie et de stress pour le pourvoyeur de soins, ce qui leur permet de savoir comment s'y prendre, en collaboration avec les services de police. Les juges sont également bien sensibilisés à la situation.
    C'est une approche holistique.
    Il me reste encore du temps?
    Oui, une minute et demie.
    On semble avoir discuté passablement de l'âge par rapport à la vulnérabilité et s'être demandé lequel des deux facteurs est le plus important. À mon avis, et j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, la vulnérabilité semble être le principal critère. De toute évidence, l'âge a différentes répercussions sur les gens pour diverses raisons.
    Estimez-vous que cette mesure législative indique à la population canadienne que nous n'allons pas tolérer la maltraitance des aînés, mais qu'elle met l'accent sur la vulnérabilité plutôt que sur l'âge? Une personne de 50 ans peut être plus vulnérable qu'une autre de 75 ans. On peut être bûcheron à 75 ans et en possession de tous ses moyens. La vulnérabilité n'est-elle pas le facteur le plus important à prendre en considération?
    Tout à fait, à mon avis. Je crois que nous en avons parlé lors de notre dernière conversation. Il est certain que la santé doit être mise dans la balance. Il ne faut pas s'en tenir qu'à l'âge. On connaît tous ici des gens qui ont 80, 85, 90 ou 95 ans. J'ai travaillé pendant une trentaine d'années dans le domaine de la gérontologie. Il est incroyable de voir ce que des personnes de 90 ou de 95 ans peuvent faire. On ne dira pas qu'une personne est vulnérable si ses capacités sont bonnes.
    Il faut aussi tenir compte de la vulnérabilité sur le plan psychologique.
    Merci.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Lithwick, vous avez parlé de tolérance zéro dans les centres hospitaliers. J'ai aimé aussi le fait que vous ayez parlé de réduction des méfaits, si des proches sont concernés. Vous avez parlé des difficultés du signalement, également, lors de votre exposé.
    D'autres témoins nous ont fait remarquer que la détermination de la peine est l'un des derniers stades de la procédure judiciaire, alors qu'un très faible pourcentage de cas de maltraitance d'aînés sont signalés à la police ou se rendent jusqu'au dépôt d'accusations devant les tribunaux.
    D'après vous, quel sera l'impact du projet de loi C-36, s'il y a lieu, en dehors des cas où la maltraitance d'aînés a fait son chemin jusqu'au stade de la détermination de la peine? Pensez-vous qu'il contribuera à prévenir la maltraitance d'aînés et qu'il encouragera aussi le signalement, qui est souvent si difficile à effectuer?

[Traduction]

    Je pense que lorsqu'on est rendu à la détermination de la peine, c'est qu'il s'agit probablement d'un cas assez grave. Il est difficile d'amener quelqu'un à porter plainte. Nous voulons que le message soit clair, surtout pour les fournisseurs de soins professionnels, non pas un aidant naturel qui a fait preuve de négligence, qui sont responsables de terribles plaies de lit, de malnutrition ou de fraude. Je suis d'accord, je crois que cela aura un effet.
    La plupart des provinces qui n'ont pas déjà un plan d'action en matière de maltraitance des aînés envisagent à tout le moins d'en établir un. Nous prenons tous des mesures à l'égard de la maltraitance des aînés dans divers domaines. Il y a des équipes comme celle que vous avez mise sur pied à Edmonton. Nous en avons aussi au Québec. Nous travaillons sur plusieurs fronts. La criminalité est un des aspects visés par les mesures que nous devons mettre en oeuvre.

  (1625)  

[Français]

    Je vais laisser la chance aux autres partenaires d'intervenir, s'ils le veulent.
    Personne ne désire parler, alors ma sous-question serait...

[Traduction]

    Je suis d'accord avec Mme Lithwick en ce qui concerne les autres mesures à prendre. Il faut un programme global, qui comprend notamment la sensibilisation. Nous voyons maintenant des publicités à la télévision qui présentent des situations qui surviennent. En Alberta, nous intervenons davantage dans les collectivités en adoptant une approche holistique pour régler les cas qui se produisent. Cet amendement au Code criminel aidera notre travail.

[Français]

    Je vous remercie.
    Me reste-t-il un peu de temps?

[Traduction]

    Il vous reste un peu plus d'une minute.

[Français]

    C'est bien.
    Y aurait-il lieu de prendre d'autres mesures pour dénoncer, prévenir et punir la maltraitance d'aînés? Pouvez-vous en dire plus, s'il vous plaît?
    La question s'adresse à l'un des quatre témoins, ou à tous les quatre.

[Traduction]

    Y a-t-il d'autres approches?

[Français]

    Mis à part l'adoption du projet de loi C-36, y a-t-il lieu de prendre d'autres mesures pour dénoncer, prévenir et punir la maltraitance d'aînés? De plus, y aurait-il lieu d'ajouter quelque chose au projet de loi C-36 pour prévenir, dénoncer et punir la maltraitance d'aînés?

[Traduction]

    En ce qui a trait à la prévention — peut-être que je ne répondrai pas à votre question — je peux vous dire qu'il existe un programme en Colombie-Britannique sur la littératie financière. C'est un très bon programme de prévention, dont les autres provinces pourraient s'inspirer. Il vise à enseigner aux personnes âgées comment éviter de se retrouver dans certaines situations et, si elles se retrouvent dans ces situations, comment s'en sortir le plus tôt possible. C'est une autre approche.
    J'aurai 65 ans dans huit ans, et je constate que ces situations sont très courantes. C'est normal et c'est subtil. Si une personne prête de plus en plus d'argent à ses enfants, il se pourrait que cela entraîne des abus. Parfois, tout se produit très vite et il devient presque impossible de revenir en arrière.
    Il faut donc des programmes comme celui sur la littératie financière, qui contribuent à donner aux personnes âgées la capacité de régler ces situations. Je m'exprime comme un travailleur social, car je suis un travailleur social. C'est le genre d'initiatives que nous devons mettre en place pour aider toutes les personnes, âgées ou non, à traiter avec les gens et pour leur enseigner comment éviter de se retrouver dans certaines situations.
    Merci.
    Monsieur Seeback.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Santos, je vous remercie d'être venue aujourd'hui. J'ai une question à vous poser parce que vous avez une formation spécialisée dans le domaine des soins infirmiers.
    Nous avons entendu parler de cas très scandaleux. Ma collègue, Mme Boivin, a mentionné un de ces cas. Croyez-vous que ce projet de loi pourrait être utile dans des affaires de ce genre, et y a-t-il d'autres mesures que nous devrions envisager?
    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous appuyons cet amendement au Code criminel, mais nous avons précisé, à l'instar des autres témoins, qu'il faut adopter une approche à multiples volets. Notre groupe de travail sur les soins de longue durée a constaté qu'il y a des cas d'abus envers les résidents des centres de soins de longue durée, et que souvent, ces résidents ont une déficience cognitive. On doit offrir du soutien à ces résidents. Par exemple, il faut réserver une section du centre de soins aux personnes atteintes de démence ou peut-être créer un centre de soutien pour les personnes qui ont des troubles du comportement afin d'assurer la sécurité de chacun.
    À plusieurs reprises, notamment aujourd'hui — je crois, madame Lithwick, que vous en avez parlé, à l'instar de la représentante de l'Association canadienne des individus retraités, lorsqu'elle a témoigné devant nous — il a été question de l'obligation de dénoncer. C'est un concept très intéressant, mais je ne dispose que de cinq minutes pour l'examiner, même un peu moins.
    Comment envisagez-vous cette obligation de dénoncer, et qui devrait détenir cette obligation? Comment imposer cette obligation?
    Madame Santos, vous pourriez répondre en premier, et les autres pourront répondre à leur tour ensuite.

  (1630)  

    Je pense que tout le monde a la responsabilité de dénoncer. Dans le domaine des soins de longue durée, je crois que l'organisme doit soutenir le personnel et protéger les dénonciateurs de sorte que si un membre du personnel dénonce un cas d'abus, il ne soit pas puni pour avoir fait un signalement.
    L'obligation de dénoncer existe dans la loi albertaine sur la protection des personnes hébergées dans des centres de soins. Je ne sais pas s'il existe des lois semblables dans les autres provinces. Cette loi vise à protéger les personnes âgées victimes d'abus ou d'agression de la part de membres du personnel d'un établissement de soins public. Nous constatons l'importance de cette loi puisque les cas sont signalés et réglés comme il se doit.
    Si je ne m'abuse, il existe en Nouvelle-Écosse une loi qui porte sur l'obligation de dénoncer et qui donne le pouvoir d'intervenir dans les cas d'abus envers les aînés. Dans d'autres provinces, il existe différentes dispositions concernant l'obligation de dénoncer dans certaines circonstances.
    Je voudrais bien qu'il existe davantage de dispositions sur l'obligation de dénoncer. Même en tant que travailleur social, je ne suis malheureusement pas obligé de signaler les cas d'abus envers les personnes âgées. Il n'existe aucune disposition qui me contraint de le faire. Je suis cependant tenu de signaler les cas d'abus envers des enfants.
    Croyez-vous que toutes les personnes qui prodiguent des soins aux aînés devraient avoir cette obligation? Croyez-vous que toutes les personnes qui travaillent auprès des aînés devraient avoir l'obligation de dénoncer?
    Oui, tout à fait.
    Je pense que l'obligation de dénoncer va à l'encontre du respect de la confidentialité exigé par les associations professionnelles. Si nous dénonçons, alors nous ne respectons plus la confidentialité. L'objectif du signalement des cas d'abus est d'assurer une intervention appropriée. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on dénonce un cas d'abus que ce cas sera considéré comme un acte criminel.
    Vous pensez que si l'obligation de dénoncer était imposée cela irait à l'encontre du devoir de respecter la confidentialité.
    Je pense qu'alors la personne ne serait plus tenue de respecter la confidentialité et qu'elle serait donc en mesure d'aider. Comme je l'ai dit, là où l'obligation de dénoncer existe — aux États-Unis, la plupart des États ont des lois qui obligent la dénonciation —, il n'y a pas nécessairement davantage de cas de maltraitance des aînés. Par contre, le système de soins de santé et de services sociaux est différent. Très souvent, les victimes de maltraitance peuvent seulement obtenir de l'aide si on a signalé les mauvais traitements.
    Comment imposer cette obligation? Est-ce qu'on met en place une loi qui s'applique à certaines personnes dans certaines professions? Est-ce ainsi dans d'autres pays? Est-ce que c'est ce que vous souhaiteriez?
    Je crois que oui. Pensons aux médecins, par exemple, et aux travailleurs sociaux. Il faut en effet déterminer qui a l'obligation de dénoncer.
    Au sujet de l'obligation de dénoncer, j'aimerais ajouter qu'il faut éduquer les gens pour qu'ils soient en mesure de reconnaître les cas de mauvais traitements. Il y a une lacune à cet égard. La personne qui fait un signalement se dit bien souvent qu'elle aurait probablement dû dénoncer plus tôt les mauvais traitements. L'objectif est d'enseigner aux gens quelles situations ils doivent dénoncer et quels cas n'ont pas à être signalés.
    Merci.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici. Ils ont pu voir que c'est tout de même un cadre de travail agréable, surtout quand on travaille sur un projet de loi pour lequel on s'entend quand même assez bien. On a aussi l'impression de pouvoir mettre en place des mesures pour améliorer les choses.
    J'ai eu la chance, la semaine dernière, de parler à quelqu'un que je connais depuis des années: le premier nageur à avoir fait la traversée du lac Saint-Jean, M. Jacques Amyot. Il a fait aussi deux fois la traversée de La Manche, entre le Royaume-Uni et la France. Cet homme, qui a presque 88 ans, se rend chaque année au lac Saint-Jean pour assister à la traversée. Il me racontait avec une étincelle dans l'oeil que, maintenant, il n'y va plus seul. Il est toujours accompagné quand il fait la traversée du parc en auto, ce qui lui prend environ trois heures. Il y a quelques années à peine, il a fait une sortie de route et il n'a pas voulu risquer de revivre l'expérience. Il est toujours impressionnant de voir quelqu'un de 88 ans qui se tient bien droit, en parfaite forme. On ne peut pas imaginer qu'il puisse être victime de maltraitance.
    Évidemment, dans le cadre de nos audiences, Mme Marie Beaulieu, de l'Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, nous a bien avertis qu'il n'y avait pas seulement la vulnérabilité ou l'état de la personne à considérer; son environnement aussi doit être considéré.
    Revenons à la question d'effet important et à la formulation du sous-alinéa proposé. Un objectif qu'on recherche depuis très longtemps est de contrer ce grave problème voulant qu'énormément de cas de maltraitance échappent au système de justice. Parmi les raisons pour lesquelles on se demande si le fait d'employer la formulation « effet important » dans la modification pourrait poser problème, c'est qu'on a peur de continuer à rater de trop nombreux cas qui pourraient passer entre les mailles du filet.
    J'aimerais pouvoir entendre votre opinion là-dessus. Le fait de considérer que cela a eu un effet sur la victime en raison de son âge peut-il permettre de ratisser plus large, quitte à utiliser des voies autres que le système de justice? Après tout, quand des policiers interviennent, ils peuvent très bien confier un cas aux services sociaux, par exemple, au lieu de...

  (1635)  

[Traduction]

    Sans le consentement de la personne?

[Français]

    Non, évidemment. Vous avez raison, bien sûr.

[Traduction]

    C'est pourquoi nous essayons de voir comment les gens peuvent dénoncer des situations si la personne ne souhaite pas que son cas soit signalé. Est-ce qu'on peut se présenter chez elle? Ce n'est pas si simple.
    La police transmet parfois à notre équipe multidisciplinaire des cas de maltraitance et nous demande d'aller constater la situation. Si la personne ne veut pas nous parler de ce qu'elle vit, nous n'insistons pas. Nous essayons de lui faire comprendre que si elle souhaite nous parler, nous serons là pour l'écouter.
    Avant de venir ici, j'ai dû m'occuper d'un cas de violence extrême, et trois policiers ont dû m'accompagner à la résidence en question. Nous avons discuté avec les personnes âgées, et les policiers m'ont dit être heureux de pouvoir compter sur mon soutien, car la veille, ils avaient dû procéder à une arrestation en raison d'un manquement à l'ordonnance de protection, mais le traitement du cas a été plus long que la période de détention préventive. D'après les policiers, ce travail en partenariat est inestimable.
    Mon collègue, Pat, a souligné qu'il faudrait davantage d'équipes multidisciplinaires au pays et qu'elles devraient travailler ensemble. Il est impossible d'améliorer les choses si seulement la police, un travailleur social ou une infirmière intervient.

[Français]

    J'aimerais revenir sur ma préoccupation relative à la formulation actuelle, dont j'ai parlé plus tôt. Ma crainte est-elle fondée? En effet, j'ai peur qu'on continue à échapper énormément de cas et qu'on ne puisse pas les prendre en charge d'une manière ou d'une autre.

[Traduction]

    Vous avez parlé, je crois, d'un homme âgé en possession de tous ses moyens. Si cette personne était victime d'un acte criminel, elle suivrait la procédure normale; elle porterait plainte. Si cet acte avait été commis par un membre de la famille, la situation serait alors différente. Cet homme aurait besoin d'un autre type de soutien.
    Dans cette disposition, on dit « en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière ». Quand viendra le temps de déterminer la peine, le juge devra examiner l'effet de la maltraitance sur la personne âgée, qui ne sera pas le même que pour une personne comme vous ou moi. On a profité d'une personne âgée parce qu'elle est fragile, et cela a eu un effet sur sa santé et sa situation financière.

  (1640)  

    Merci.
    Allez-y, monsieur Albas.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai bien aimé les exposés de tous les témoins. Nous avons tous un exemple à donner, qu'il s'agisse d'une situation dont nous avons été personnellement témoins ou dont nous avons entendu parler. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui.
    J'ai interrogé beaucoup de témoins au sujet du vieillissement de la population. En 2012, on compte 4,8 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, ce qui représente environ 14 p. 100 de la population canadienne. On prévoit que ce nombre dépassera les 10 millions en 2036, ce qui représentera presque 25 p. 100 de la population canadienne.
    Comme l'ont souligné le ministre de la Justice et certains témoins, le vieillissement de la population entraîne une hausse des cas de maltraitance des aînés, qu'il s'agisse de violence physique ou psychologique, d'exploitation financière ou de négligence. Des cas précis de maltraitance des aînés attirent régulièrement l'attention des médias, qui les dénoncent. Souvent, il s'agit de quelqu'un qui se fait passer pour le petit-enfant d'une personne âgée et qui lui demande de lui transférer de l'argent pour acquitter une facture ou pour payer des réparations d'automobile.
    Un grand nombre des situations que vous avez citées aujourd'hui se sont produites à domicile ou dans des centres d'hébergement. On a entendu dire notamment qu'une femme âgée de Scarborough atteinte de démence était forcée de dormir dans le garage de son fils. Mme Perka a donné un exemple particulièrement probant, et, malheureusement, je suis certain que chacun d'entre vous pourrait donner un exemple tout aussi probant.
    Étant donné ce changement démographique attribuable au vieillissement de la population, et, particulièrement, l'attention accrue accordée par les médias à la maltraitance des aînées ainsi que la façon d'aborder ce problème, estimez-vous — je vais m'adresser d'abord à Mme Santos puis aux autres témoins s'il me reste du temps — que ce projet de loi, à l'heure actuelle, devrait être adopté?
    Comme je l'ai dit, c'est une mesure utile, mais, d'un autre côté, il faut mettre en place d'autres ressources et adopter d'autres approches pour faire en sorte que... Je le répète, la population est vieillissante, et parmi les personnes âgées, on compte de plus en plus de gens atteints de démence. Par conséquent, il faut aussi veiller à répondre aux besoins de ces gens.
    Vous avez souligné — à l'instar d'autres témoins je pense — l'importance de ce projet de loi et de la sensibilisation. Actuellement, dans votre domaine, est-ce qu'on s'emploie à sensibiliser les gens à la maltraitance des aînés et à aider les professionnels à reconnaître les cas de mauvais traitements, car cela permettrait aussi au citoyen moyen de tirer parti de cette mesure législative.
    Oui. Avec l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, nous avons collaboré aux centres d'excellence pour la prévention de la maltraitance des aînés. Nous avons commencé d'abord par une dizaine de centres de soins de longue durée. En Ontario, nous essayons de faire de la sensibilisation dans tous les centres de soins de longue durée.
    Il y a non seulement votre association provinciale, mais aussi d'autres associations d'envergure nationale qui s'emploient à faire de la sensibilisation. Je le répète, cela s'ajoute au projet de loi, de sorte que des efforts sont faits pour prévenir la maltraitance et favoriser la dénonciation et aussi pour enseigner aux gens qui travaillent auprès des aînés à reconnaître les signes de maltraitance. Est-ce exact?
    Oui, et nous sommes également en train d'élaborer des pratiques exemplaires qui seront suivies non seulement en Ontario mais, nous l'espérons, dans toutes les provinces pour favoriser l'adoption d'une approche uniforme.
    D'accord.
    Je m'adresse maintenant aux autres témoins. L'association que représente Mme Santos semble certes mettre l'accent sur la sensibilisation. Est-ce que la mise en oeuvre de cette mesure législative coïncidera avec l'avènement de changements au sein de votre profession également?
    Il y a environ deux ans, une stratégie contre la maltraitance des aînés a été élaborée en Alberta et il y a un an et demi, un coordonnateur pour la prévention de cette maltraitance a été embauché et chargé de travailler aux différentes sous-stratégies découlant de la stratégie principale. Je crois qu'un mouvement est en train de prendre forme pour mieux cerner cet enjeu dans l'ensemble de la province, pour sensibiliser davantage la population et pour mettre au point ces interventions communautaires dont je parlais tout à l'heure. Dans toutes les petites localités de l'Alberta, j'entends de plus en plus parler de communautés entières qui se mobilisent derrière ces différentes sous-stratégies et qui essaient d'élaborer une intervention quelconque. Je sais, par le groupe d'intervention pour la violence envers les personnes âgées, que des efforts d'éducation sont déployés.
    Nous nous adressons aux étudiants de l'Université de l'Alberta et de l'Université de Calgary. Nous participons à des exposés et nous travaillons avec des réseaux de professionnels et d'autres organisations. Alors, ces choses se font, et c'est probablement le cas dans bien d'autres provinces.

  (1645)  

    Merci.
    Madame Findlay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être ici.
    Chaque fois qu'une question est posée et qu'un exemple est donné, je vous vois tous les quatre hocher la tête, montrant ainsi que vous savez très bien ce dont il s'agit, que vous avez déjà vécu ces expériences et essayé de composer avec ce problème. Il est clair que nous avons devant nous un groupe de témoins qui se trouvent sur la première ligne, et nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps d'être parmi nous, en particulier ceux qui ont fait un long trajet pour être ici.
    Je crois que nous savons tous — et j'inclus tous mes collègues ici — que ce n'est qu'un aspect de ce que nous essayons de faire pour sensibiliser davantage la population, améliorer les sanctions, trouver des façons d'élaborer des programmes qui peuvent aider les personnes âgées. Je me suis moi-même occupée de mes deux parents avant qu'ils décèdent et, comme tout le monde dans cette situation, j'ai vu leur capacité à composer avec le stress et différentes circonstances changer au cours de leur vie. Je crois que beaucoup de Canadiens font cette expérience et savent ce que c'est.
    Parmi toutes ces choses, en plus de ce type de mesure législative, notre gouvernement a lancé bon nombre de campagnes de sensibilisation et d'initiatives de financement. Je crois que la sensibilisation est un enjeu important. Nous savons, de par nos études et l'analyse des conclusions, que les gens sont plus sensibilisés à la maltraitance des aînés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient à une certaine époque. Par exemple, nous avons mis sur pied le programme Nouveaux Horizons pour les aînés, qui bénéficie maintenant d'un budget annuel de 45 millions de dollars. Nous avons augmenté le dernier budget de 10 millions de dollars pour essayer de créer des programmes.
    Madame Santos, je crois que votre organisme a présenté une demande de financement dans le cadre de ce programme. Qu'avez-vous l'intention de faire avec cet argent?
    Nous sommes en train d'élaborer les lignes directrices sur les meilleures pratiques, comme je l'ai mentionné, qui ne profiteront pas seulement à l'Ontario, mais à toutes les autres provinces également.
    De plus, nous allons mettre au point des indicateurs pour mesurer les résultats ainsi qu'un volet d'apprentissage en ligne afin de diffuser les recommandations issues des lignes directrices sur les meilleures pratiques.
    Est-ce que l'un ou l'autre des deux autres groupes a profité de ce type d'initiatives?
    Oui. Je fais partie du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés. Nous avons demandé un financement. Nous avons l'intention d'établir, sur une période de deux ans et demi, des liens de communication entre toutes les organisations du Canada, pour faciliter les échanges entre la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique, par exemple, et faire connaître ainsi les meilleures pratiques. Nous voulons établir tout un réseau partout au pays, pour qu'on puisse se parler, travailler ensemble, tous les Canadiens, si c'est possible. Je vois grand, mais nous espérons pouvoir mettre en place un réseau canadien encore plus grand. Le réseau lui-même existe maintenant, mais nous voulons consolider ce que nous avons.
    Le programme Nouveaux Horizons a financé, je crois, des projets dans toutes les provinces du Canada et il est très important pour le travail fait dans le domaine de la maltraitance des aînés. Il y a beaucoup de similitudes entre les projets menés dans la province. Je crois que le réseau canadien s'affaire à voir comment nous pouvons échanger l'information, pour que nous ne soyons pas toujours en train de réinventer la roue, mais chaque province a aussi ses propres initiatives.
    Le Québec a un plan d'action de quatre ans pour contrer la maltraitance des aînés. C'est un plan qui comporte de multiples volets; c'est intéressant. Si les gens ont la chance de le lire, je les invite à le faire. L'Ontario a eu son plan d'action. Je crois que le réseau canadien a aussi demandé un financement dans le cadre du programme Nouveaux Horizons, qu'il n'a pas obtenu, mais les gens offrent leur temps bénévolement pour établir des liens entre toutes les provinces et les territoires. Le travail bénévole est incroyable.

  (1650)  

    Je félicite tous ceux qui le font, parce que cet enjeu ne concerne pas seulement les gouvernements; ce sont des collectivités qui se mobilisent, tous ces gens qui sont sensibilisés, en particulier ceux qui se trouvent en première ligne. Nous apprécions donc vraiment tous vos efforts.
    Nous proposons maintenant cette mesure législative, ce qui créera cette coalition, comme vous l'avez mentionné. Si on en arrive à cette étape, on aura au moins cela.
    Il s'agit aussi de prendre une mesure dissuasive, de montrer notre préoccupation, pour que tous les Canadiens puissent voir que nous considérons qu'il s'agit d'une question grave. Lorsque je pratiquais le droit, avant de devenir députée, j'ai constaté à quelques reprises que, du simple fait que les agents de police interviennent et enquêtent, la maltraitance prend fin. Même si on ne va pas plus loin parce que la personne âgée ne veut pas témoigner, par exemple, la maltraitance s'arrête. On obtient au moins ce résultat.
    Êtes-vous d'accord là-dessus? Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    La recherche que j'ai menée a montré que, dès que vous détectez un mauvais traitement et que vous en parlez, la fréquence et la gravité diminuent de près de 50 p. 100. Il y a donc un impact.
    Excellent. Merci de cette réponse.
    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je reviens encore sur la question de la tolérance zéro, car c'est ce qui me frappe le plus. Je pense que c'est ce que le gouvernement essaie de faire, et nous sommes tout à fait favorables à cela.
    Des témoins que nous avons reçus avant vous, au début de l'étude de ce dossier, voyaient un lien entre la maltraitance envers les aînés et la violence conjugale, par exemple.

[Traduction]

Il n'y a pas très longtemps, on n'en parlait pas dans le Code criminel. Cette disposition a été ajoutée au même article où il est question d'éléments de preuve établissant que l'infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement de son époux ou conjoint de fait. C'était vu comme un facteur aggravant.
Encore une fois, je vais jouer aux avocats avec vous, parce que je comprends — nous comprenons tous, je crois — les impacts sociaux et tout ce qui doit être fait sur le plan du logement social, pour sortir les personnes âgées de la pauvreté. Nous sommes tous d'accord sur un très grand nombre d'aspects, mais nous nous penchons présentement sur la peine à infliger. L'unique objectif de notre comité est de voir si cette mesure va faciliter le travail fait contre la maltraitance des aînés, d'un point de vue criminel, afin d'établir la peine à infliger.
    En visant la tolérance zéro...

[Français]

    Je lis le titre du projet de loi:

[Traduction]

Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés). « Loi sur la protection des personnes âgées au Canada. » Nous voulons ajouter un facteur aggravant
que l'infraction a eu un effet important sur la victime en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière,
Vous êtes le dernier groupe de témoins que nous entendons avant d'entreprendre l'étude article par article, c'est-à-dire un seul article, celui-là.
    Si nous précisons « un effet important », nous laissons tout le reste, mais le qualificatif « important » me dérange encore. Ce n'est pas une question piège. Ce n'est pas pour esquiver quelque chose, parce que nous allons voter en faveur, peu importe ce qui arrive, mais je crois que si nous voulons modifier le Code criminel pour inclure la disposition sur la maltraitance des aînés au paragraphe 718.2... C'est tolérance zéro pour les enfants, c'est tolérance zéro pour un conjoint, alors ne devrait-on pas avoir un degré de tolérance zéro pour nos personnes âgées? Voilà ma question.
    Je crois qu'on devrait avoir un degré de tolérance zéro, vous avez raison. Si on recule dans le temps, on s'est peut-être intéressé d'abord aux mauvais traitements faits à un enfant, puis à un conjoint et on a dit: « Ce n'est pas acceptable dans notre société et nous devons régler ce problème. » Des lois ont ensuite été adoptées. Je suis donc d'accord avec vous à ce sujet.
    L'intimidation est un autre problème sur lequel nous devons aussi adopter une position ferme, pour faire comprendre que ce n'est pas acceptable, ni dans la cour d'école, ni ailleurs. Je ferais remarquer que les personnes âgées sont aussi victimes d'intimidation. Ce sera une tout autre question sur laquelle il faudra tôt ou tard se pencher.
    Je suis tout à fait en faveur d'une tolérance zéro. À savoir si cette disposition nous permet d'en arriver là... C'est utile dans une certaine mesure, mais je ne sais pas jusqu'où cela nous mènera. C'est certes utile. L'expression « un effet important »... Je ne vais pas souvent à la cour, mais je crois que les juges, les avocats... Par exemple, les juges tiennent compte de beaucoup de facteurs avant de rendre une décision. Je crois qu'il doit y avoir une certaine discrétion, si je peux m'exprimer ainsi, et certaines indications pour aider le juge à faire la part des choses et à dire: « Voici ce que j'ai décidé, à la lumière de certains de ces facteurs. »

  (1655)  

    Je crains que le mot « important » fasse l'objet de discussions à la cour. Si je reviens à l'exemple que Raymond a donné, au sujet de cette personne de 88 ans... Essentiellement, l'âge n'est pas un facteur, mais je dirais: « Mon gars, tu t'en es pris à cet homme. Il y a cette agression en soi, plus... » Évidemment, il y a un effet. Je ne veux pas qu'on s'éloigne de la question pour savoir si l'effet était important. Il y a eu un effet. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Chaque fois qu'un acte de violence est commis... Nous parlons du Code criminel; je ne parle pas d'autre chose. Il s'agit d'une personne accusée d'une infraction en vertu du code, et il est maintenant question de la peine à infliger. Personnellement, et je parle pour moi-même ici, je ne veux pas qu'il y ait un débat d'avocats sur l'expression « effet important ». L'effet est suffisant pour moi, et on protège encore plus la personne âgée. Il ne devrait pas y avoir de débat.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Concernant la prévalence de la maltraitance envers les aînés, certains des témoins qui ont comparu devant le comité, comme l'association CARP, nous ont dit que l'incidence était de 10 p. 100, selon des études universitaires, Statistique Canada, etc. Évidemment, ce pourcentage est peut-être plus élevé, premièrement parce que les cas de maltraitance ne sont pas tous signalés, et deuxièmement parce que les données de Statistique Canada et les données de la recherche universitaire datent d'il y a environ quatre ans. Dan Albas semble avoir des données même plus récentes. Par ailleurs, nous devons garder en tête que ce groupe démographique est en croissance, si bien que les cas de maltraitance envers les aînés ne feront qu'augmenter.
    J'aimerais aborder la question particulière des personnes vulnérables, dont M. Goguen a parlé. L'incidence ici est beaucoup plus élevée. Les personnes vulnérables étant définies comme étant celles qui dépendent des autres pour obtenir des soins ou qui souffrent d'une forme quelconque d'invalidité, l'incidence dans ces cas semble grimper à près de 30 p. 100.
    Compte tenu de votre expérience et de votre expertise, j'aimerais susciter des commentaires de votre part et ma question porte sur les causes systémiques de la maltraitance envers les personnes âgées vulnérables, ou sur ce qui contribue à cette maltraitance. Je parle principalement de situations dans le système de soins de santé; il est possible que les services de soins à domicile soient peu développés ou mal coordonnés, que les hôpitaux soient surpeuplés, que les soignants reçoivent peu d'aide ou disposent de ressources insuffisantes, que les options soient inadéquates pour les soins de longue durée, etc.
    Vous êtes tous impliqués d'une façon quelconque dans la prestation de services sociaux, alors voici la question que je vous pose. Les causes systémiques de la maltraitance envers les personnes âgées vulnérables dont je viens de parler sont essentiellement du ressort des provinces — et, évidemment, le gouvernement fédéral joue un rôle dans la subvention des services que les provinces ne peuvent pas fournir. Vous venez de provinces différentes — nous avons des représentants du Québec, de l'Ontario et de l'Alberta. À votre avis, ces causes sont-elles exacerbées, ou y a-t-il une amélioration, et comment ces situations peuvent être réglées et améliorées, etc.?
    Ce qui se produit dans le domaine des soins de santé — on a donné ici les statistiques sur la croissance de la population vieillissante — va avoir un impact énorme. La façon dont les services sont offerts et mis en oeuvre, les temps d'attente, le fait d'avoir assez de ressources et assez de personnel pour faire le travail — ces choses constituent un grave problème, à mon avis, sur lequel il faut se pencher. C'est pourquoi j'ai dit, avec le plus grand respect, que les provinces ont besoin, comme vous l'avez mentionné, d'un peu d'aide pour se mettre au diapason, parce que le problème va nous rattraper très rapidement.

  (1700)  

    Ce que vous avez dit est très important, en ce sens que la façon dont nous traitons nos personnes âgées est un indice de la façon dont nous nous respectons les uns et les autres dans notre société. Nous parlons de maltraitance systémique, du nombre de personnes âgées qui augmente et des besoins croissants en soins de santé de la population vieillissante. Si on ne s'attaque pas à ces enjeux correctement en tant que société, on contribue aussi à la maltraitance envers les personnes âgées.
    La maltraitance systémique se poursuit. Les gens ont peut-être de la difficulté à voir qu'ils participent à la maltraitance systémique, mais c'est ainsi.
    Nous avons des lois au Québec pour le placement des personnes âgées qui, à mon avis, sont abusives. Les personnes âgées doivent sortir de l'hôpital dans les 48 heures dès qu'elles n'ont plus besoin de soins de courte durée. On les place ensuite dans un lit d'évaluation, puis dans un lit de transition, avant de les amener à leur dernier lit. Elles sont déplacées quatre fois avant d'arriver à leur dernier centre d'hébergement. Pour moi, il s'agit de mauvais traitements.
    Nous devons nous pencher sur toutes ces choses. Si nous ne traitons pas le problème de façon systémique, nous sommes presque... Je ne sais pas quel est le mot, mais il ne suffit pas de regarder l'auteur d'un mauvais traitement.
    Oui, c'est un problème systémique qui doit être abordé de façon systémique également, qui nécessite des approches systémiques. On ne peut pas dire simplement qu'il s'agit de soins de courte durée, de soins de longue durée ou de soins communautaires. On doit travailler ensemble, en équipe, examiner la situation dans son ensemble pour pouvoir adopter une approche holistique.
    Je ferai simplement un commentaire sur les services de soins à domicile en Alberta. Il y a 15 ou 20 ans, on affirmait, études à l'appui, que les programmes de soins à domicile étaient la voie à suivre pour offrir des soins de santé aux personnes âgées: il fallait les traiter chez elles au lieu qu'elles aillent toutes dans des établissements.
    Nous sommes tout de même allés de l'avant et nous avons construit les grands établissements, en reconnaissant que ce n'était pas vraiment la façon la plus efficace de s'occuper de l'un ou l'autre des problèmes de soins de santé qu'on avait. Pour une raison quelconque, cette décision a été prise, et aujourd'hui, il nous faut encore trouver les ressources suffisantes pour offrir des soins à domicile. Je crois qu'il faut se pencher sur ce problème pour régler vraiment toutes sortes d'enjeux — pas seulement la maltraitance des personnes âgées — afin que nous puissions nous doter des effectifs nécessaires pour offrir des soins à domicile et former ce personnel également, qui doit se rendre sur place et composer avec ces problèmes.
    Voilà qui met fin à notre série de questions. En fait, nous en avons eu une de plus.
    Je remercie les témoins de leur présence. Vous nous avez donné beaucoup d'informations.
    En tant qu'ancien policier, je tiens à vous remercier de votre gentillesse envers les corps de police qui travaillent avec vous. Je crois que c'est là où tout doit commencer. Les agents de police sont bien souvent les premiers sur le terrain, et vous reconnaissez qu'ils sont en mesure de faire changer les choses et vous signaler ces problèmes.
    Merci.
    La séance est levée.
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