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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 mars 2013

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bienvenue aux députés. Sachez que nous devrons examiner une question imprévue durant 15 minutes à la fin de la séance, à 17 h 15. Nous avons donc amplement le temps d'étudier la question à l'ordre du jour.
    Bienvenue aux témoins. Votre présence est très importante aujourd'hui. Nous avons très hâte d'entendre vos exposés. Notre étude porte sur l'innovation technologique. Je pense que c'est une des études les plus intéressantes et les plus productives que nous n'ayons jamais réalisées au Comité de la santé. Les nombreuses idées présentées ont beaucoup stimulé notre réflexion.
    Nous accueillons Mme Pascale Lehoux, de l'Université de Montréal.
    Bienvenue. Je suis contente que vous soyez parmi nous aujourd'hui. Vous allez faire une présentation PowerPoint, n'est-ce pas?
    Excellent.
    Puis-je invoquer le Règlement, madame la présidente?
    La présidente: Bien sûr, allez-y.
    Mme Libby Davies: Merci.
    J'aimerais simplement obtenir une mise à jour sur la comparution de la ministre. Il ne reste presque plus de temps pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses, mais je veux m'assurer d'avoir le rapport sur les plans et les priorités, qui fait partie du budget principal, lorsque la ministre va témoigner devant le comité.
    La ministre va comparaître le 18 avril.
    Mme Libby Davies: D'accord.
    La présidente: Nous allons aussi discuter de régie interne à 17 h 15.
    Sur ce, madame, nous allons commencer par vous. Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé. Pouvez-vous commencer maintenant?

[Français]

    Madame la présidente, chers membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée.
    Lors de ma présentation, je vais vous inviter à considérer trois questions. Tout d'abord, qu'est-ce qu'une bonne innovation en santé? Ensuite, où s'en va la politique canadienne d'innovation en santé? Finalement, peut-on faire en sorte qu'une expertise de système de santé influence les entreprises innovantes?
    Au fil de ma présentation, je vais vous présenter trois messages et tenter d'expliciter une recommandation pour le gouvernement fédéral, soit la mise sur pied d'une instance intersectorielle de développement de l'innovation en santé qui serait expressément pilotée par le portefeuille de la Santé.
    Abordons la première question. Qu'est-ce qu'une bonne innovation en santé?
    J'imagine que les membres du comité savent déjà, de ce qu'ils ont appris au fil des témoignages, que les défis actuels en matière de financement et de prestation des soins de santé sont majeurs.
    Parmi les différentes visions dominantes qui concernent les technologies, vous avez probablement entendu dire que les technologies sont le résultat bénéfique mais imprévisible, voire ingérable, de la mise en marché des avancées scientifiques. Vous avez peut-être aussi entendu dire que les meilleures technologies sont nécessairement plus chères. Je crois qu'il y a une nouvelle position à adopter, soit celle de veiller à l'avenir des systèmes de soins, mais en concevant autrement l'innovation. Cela veut dire qu'il faut miser notamment sur le design. Je vais illustrer cela avec un exemple.
    La dialyse existe depuis les années 1960 et a été perfectionnée au fil du temps. Aujourd'hui, la dialyse hospitalière utilise des équipements spécialisés. Il y a des alarmes, des données sont recueillies en temps réel et elles sont informatisées. Toutefois, lorsqu'on demande aux patients ce qui compte vraiment pour eux, ils répondent que c'est le temps du traitement. Ils sont branchés sur la machine trois jours par semaine, à raison de trois à quatre heures chaque fois.
    On peut donc s'interroger sur le fait que, bien que cela existe depuis les années 1960, c'est seulement depuis peu que des appareils permettent de faire la dialyse à domicile, pendant la nuit. D'ailleurs, seule une poignée de manufacturiers les développent. Ces appareils permettent aux patients, entre autres, d'avoir une dialyse plus régulière et plus douce, d'avoir un régime alimentaire moins contraignant, mais surtout de maintenir un lien d'emploi. C'est crucial du point de vue de la santé publique.
    Le design, ce n'est pas seulement capitaliser sur les avancées technologiques; c'est surtout bien répondre aux besoins des utilisateurs.
    Pour ma part, il est clair que le défi actuel sur le plan des politiques n'est ni d'accroître ni de freiner l'adoption d'innovations. La vraie question, c'est de déterminer comment faire en sorte que de meilleures innovations voient le jour et comment nos politiques de soutien à l'innovation peuvent conduire à des innovations brillantes tout en évitant les échecs.
    De fait, environ 50 % des projets innovants échouent en cours de route, et ce, très souvent parce que ceux qui les conçoivent, en amont, ne comprennent pas très bien ce dont ont besoin ceux qui, en aval, donnent des soins.
    Le premier message est que, du point de vue d'un système de soins, les technologies devraient avoir explicitement au moins les trois caractéristiques suivantes. Il faut d'abord qu'elles présentent un intérêt relativement à leur contexte d'usage. Ensuite, elles doivent être conviviales sur le plan organisationnel, c'est-à-dire qu'elles soient faciles à utiliser dans des infrastructures plus légères. Finalement, elles devraient être pérennes, c'est-à-dire ne pas nécessiter de mises à jour trop fréquentes.
    Dans les grandes lignes, cela nous permettrait de réduire notre dépendance envers les services spécialisés qui se retrouvent uniquement dans les centres urbains, d'outiller les médecins de première ligne pour qu'ils prennent en charge adéquatement la population de leur territoire et d'agir sur les déterminants sociaux de la santé.
    Abordons maintenant la deuxième question. Où s'en va notre politique canadienne d'innovation?
    Le rapport Jenkins déposé en 2011 s'est penché sur une soixantaine de programmes fédéraux de soutien à la recherche en milieu industriel. Il faut souligner qu'une grande part de nos dépenses, soit de 70 à 80 % de celles-ci, se fait sous forme de crédits d'impôt aux entreprises.
    La figure illustrée à droite donne une idée de la surreprésentation des grandes entreprises dans ce programme, compte tenu du fait que 90 % du tissu industriel canadien est fait de petites et moyennes entreprises.
    Enfin, l'enveloppe de 6,4 milliards de dollars est à peu près l'équivalent de celle destinée à l'ensemble de la R-D en santé au Canada. Lorsqu'on examine plus finement, d'un côté, les principales sources de financement, mais également les principaux lieux d'exécution de la R-D, l'importance du secteur public est frappante. La catégorie de l'éducation supérieure en santé inclut les centres de recherche universitaire.
    Compte tenu de l'enveloppe destinée à la R-D et le fait que le gouvernement, le secteur public dans son ensemble, finance mais aussi achète les innovations, le gouvernement fédéral a des leviers importants pour jouer un rôle structurant en matière d'innovation. C'est là le deuxième message.
    Ce qu'il faut faire correctement, par contre, c'est distinguer au moins deux industries: celle des dispositifs médicaux et celle des biopharmaceutiques. Elles diffèrent sur le plan non seulement des répercussions économiques, mais surtout de la taille et de la structure. Les dispositifs médicaux sont majoritairement de petites et moyennes entreprises.
     Une distinction de ce genre, qui est cruciale, n'a pas été prise en compte dans le rapport Jenkins. Selon ce dernier, le problème principal est qu'on réussit très mal en matière de commercialisation, au pays. Il propose comme solution que l'État fournisse de l'aide aux entreprises pour croître, mais également pour faire davantage de recherche-développement en collaboration avec des universités, qui pourraient ensuite créer des entreprises dérivées.
    Or, ce type de modèle est fortement dépendant du capital de risque. La première difficulté à laquelle ces entreprises dérivées se heurtent se manifeste à l'étape du démarrage et à celle du développement, qui sont cruciales dans le parcours de développement de l'innovation. Dans nos études, nous observons que les investisseurs, et ultérieurement les actionnaires, exercent une pression énorme sur les entreprises dérivées pour qu'elles commercialisent les produits et génèrent des revenus, alors qu'elles ne sont pas toujours prêtes à le faire. Cela se fait au détriment des cliniciens et des patients, qui voient la valeur de la technologie augmenter.
    Conséquemment, il arrive très souvent que les entreprises soient vendues. Selon les données du Conference Board du Canada, environ la moitié des sorties de capital de risque au pays sont imputables à des acquisitions étrangères. Autrement dit, des fonds publics sont investis dans la recherche-développement, nos hôpitaux universitaires travaillent à concevoir des innovations, mais en fin de compte, les revenus de la commercialisation nous échappent en grande partie.
    Mon troisième message est que les entreprises devraient non seulement concevoir de meilleures innovations, mais sur le plan économique, elles devraient aussi contribuer à la création d'emplois, soit à la vitalité du tissu industriel canadien.
    Abordons enfin la dernière question. Comment peut-on faire en sorte qu'une expertise en système de santé influence favorablement et précocement le démarrage d'entreprises?
    Selon moi, une partie des difficultés auxquelles font face ceux qui conçoivent des technologies est associée à ce que j'appellerais le chaînon manquant — c'est indiqué par la flèche rouge sur la diapositive —, c'est-à-dire un meilleur arrimage entre deux modèles de création de valeurs: celui de l'entreprise et celui des systèmes de soins. Pour que cet arrimage se concrétise, on a besoin d'expertise.
     Pour sa part, Développement économique Canada recherche en général surtout le succès commercial et financier à plus ou moins court terme. On tend à favoriser certains secteurs plutôt que l'innovation.
    Du côté de la santé, on s'intéresse à la qualité des soins. On a accès à une expertise importante quant aux besoins et aux défis des systèmes de soins. C'est celle qui compte vraiment quand il s'agit de concevoir les innovations que j'ai qualifiées de brillantes ou d'ingénieuses.
    Je reviens maintenant à ma recommandation consistant à mettre sur pied une instance intersectorielle de développement de l’innovation en santé qui serait pilotée par le portefeuille de la Santé. Selon moi, c'est une stratégie de planification et de conception de l'innovation qui ne peut pas être réalisée par l'industrie présentement. Par ailleurs, aucun des portefeuilles, qu'il s'agisse de Développement économique Canada ou du ministère de la Santé, ne peut réaliser cet objectif en solo.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1540)  

[Traduction]

    Merci beaucoup de cet exposé très instructif. Nous passons maintenant au prochain témoin, M. David Jaffray, chef du département de physique des rayonnements, Princess Margaret Cancer Centre.
    Monsieur, vous avez 10 minutes. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé.
    Merci de m'avoir invité à donner mon point de vue sur les enjeux de l'innovation dans les soins de santé au Canada. Je vais tout d'abord me présenter pour situer le contexte de mon exposé, avant de soumettre trois messages précis à votre attention.
    Je travaille dans le Réseau universitaire de santé, une entreprise de prestation de soins, d'enseignement et de recherche qui génère 1,7 milliard de dollars par année et qui a été mise sur pied en vertu de la loi en Ontario. Certains connaissent peut-être mieux les hôpitaux concernés que le réseau lui-même, l'hôpital Princess Margaret, l'hôpital général de Toronto, l'hôpital Toronto Western et, récemment, l'Institut de réadaptation de Toronto. Je souligne que cette entreprise gère un budget de recherche d'environ 300 millions de dollars, venant de bourses fondées sur l'examen par les pairs, de collaborations avec l'industrie et d'activités philanthropiques.
    Je suis aussi professeur aux départements de radio-oncologie, de biophysique médicale et de génie biomédical de l'Université de Toronto. J'ai suivi une formation en physique à l'Université de l'Alberta, près d'où j'ai grandi. Je me suis spécialisé en biophysique médicale à l'Université Western Ontario. J'ai travaillé huit ans dans un grand hôpital axé sur la formation aux États-Unis.
    Je gère maintenant les systèmes de radiothérapie pour plus de la moitié des patients atteints du cancer dans le Grand Toronto, dans le cadre de mon travail à l'hôpital Princess Margaret, au Centre régional de lutte contre le cancer Southlake et au Centre de lutte contre le cancer Carlo-Fidani de Mississauga.
    J'ai dirigé un programme de recherche fondé sur les bourses et l'examen par les pairs et j'ai publié plus de 150 articles scientifiques sur les enjeux liés au traitement plus précis et plus efficace du cancer. Mon équipe publie des articles scientifiques, mais est aussi très active dans la commercialisation de technologies médicales. Je détiens un certain nombre de brevets sur de nouvelles technologies pour traiter le cancer, qui aident des centaines de milliers de patients partout dans le monde.
    En tant qu'inventeur et innovateur dans les soins de santé, j'ai récemment dirigé la mise sur pied d'une nouvelle organisation de recherche dans le Réseau universitaire de santé. Mes prochains commentaires portent sur cette organisation.
    L'Institut Techna vise à fournir au système de santé une compréhension profonde et concrète du problème de l'intégration des nouvelles technologies qui pourraient donner de meilleurs résultats et infléchir la courbe de coût des soins de santé. Le conseil d'administration du Réseau universitaire de santé a soutenu la fondation de l'institut en raison des progrès technologiques toujours plus rapides qui devraient améliorer le rendement et les pratiques du système de santé, en plus de réduire les coûts.
    L'institut est officiellement ouvert depuis 18 mois et joue un rôle important concernant les nouvelles technologies, le savoir-faire approfondi sur la motivation, les pratiques et les processus dans les soins de santé, le modèle tout juste présenté, ainsi que l'activité commerciale.
    Je vais maintenant soumettre trois messages assez simples. L'étude que vous menez est très importante. En 1943, Abraham Maslow a publié une théorie de la motivation humaine et une hiérarchie des besoins humains. Le premier tiers représente les besoins physiologiques. Nous constatons qu'une tendance globale se dessine afin de répondre à ces besoins. Le deuxième tiers, c'est la sécurité, à laquelle les soins et le maintien d'une bonne santé sont essentiels.
    Tout le monde veut des soins de grande qualité. En fait, le marché mondial des soins de santé, qui représente un peu plus de 5,7 billions de dollars américains, devrait atteindre environ 20 billions d'ici 2030. En comparaison, l'industrie automobile mondiale ne devrait atteindre que 1,7 billions de dollars d'ici 2015. Les soins de santé sont en train de devenir un marché mondial gigantesque.
    Les discussions sur l'innovation dans les soins de santé au Canada ne doivent pas se limiter à la productivité, aux coûts et à la qualité des soins que reçoivent les Canadiens. Il faut également parler des capacités du Canada de participer à un marché de haute technologie et de services qui connaît une des croissances les plus rapides au monde. Compte tenu de l'ampleur des investissements actuels dans les soins de santé au Canada, ce serait très dommage de rater l'occasion d'être un acteur concurrentiel dans cet énorme marché. Mon premier message, c'est que nous ne pourrons pas profiter des retombées globales de ce vaste marché si l'innovation est déficiente dans notre système de santé.
    Par ailleurs, un aspect essentiel qui fait défaut au système de santé au Canada, c'est l'économie de l'innovation. Une économie résulte d'encouragements et de la mise en oeuvre de politiques appropriées. Bon nombre des plus grands penseurs du monde travaillent dans nos établissements de santé. Nos professeurs en médecine sont respectés partout dans le monde pour leur expertise et leur intégrité et parce qu'ils privilégient des pratiques fondées sur des données probantes. Il est permis de croire que notre recherche médicale, nos compétences en génie et notre infrastructure sont de classe mondiale. Nos approches axées sur les pratiques multidisciplinaires et le patient nous donnent l'occasion d'établir les meilleures pratiques à venir en médecine.
    Compte tenu de nos antécédents, pourquoi ne pourrions-nous pas jouer un rôle de grande envergure en matière d'innovation dans les soins de santé et entrer avec confiance sur ce vaste marché mondial? Qu'est-ce qui nous empêche de tirer profit de nos acquis et d'employer les nouvelles technologies pour régler les problèmes du système de santé?

  (1545)  

    La solution n'est pas simple, mais je pense que c'est le principal problème. Tout va tomber en place si nous parvenons à bâtir une économie de l'innovation dans les soins de santé. Nous pourrions poser bien des questions pour trouver les bonnes solutions. Par exemple, le système de santé doit-il innover ou seulement fournir des soins? S'il ne doit pas innover, qui va le faire? Qui va investir dans l'innovation si nécessaire? Dans quels secteurs faut-il investir? Est-il approprié d'investir dans un hôpital? Pourrions-nous réaliser des économies et des gains d'efficience et améliorer la qualité? Devons-nous favoriser la propriété intellectuelle, l'attribution de permis ou les établissements d'enseignement?
    En 2010-2011, l'Ontario a dépensé 44,7 milliards de dollars en santé, soit 40,3 p. 100 de toutes ses dépenses de programmes. Selon les tendances actuelles, cette part va passer à 44 p. 100 d'ici 2017-2018. Ces dépenses constituent un énorme gaspillage de nos grandes compétences et de notre infrastructure remarquable si elles ne donnent lieu qu'à un service acceptable.
    En septembre 2012, l'Institut de médecine des États-Unis a publié un rapport sur les meilleurs soins de santé à moindre coût et les leçons à tirer de manière continue. C'est un changement majeur dans la façon de penser les soins de santé aux États-Unis, qui allie le moteur de l'industrie et l'apprentissage intégré. Le Canada n'aura plus le dessus en matière de données scientifiques. Si les États-Unis en viennent à bâtir une économie de la collecte de données et à investir dans l'innovation, ils seront un concurrent très difficile à battre sur le marché mondial des soins de santé. Nous devons établir une économie de l'innovation pour améliorer le système de santé au Canada.
    Enfin, il convient de parler des façons de stimuler l'innovation. Les organismes nationaux et provinciaux qui subventionnent la recherche ont consacré beaucoup d'efforts pour décloisonner la recherche universitaire classique. C'est pourquoi le préambule des bourses de recherche fournit d'excellentes justifications. Mais ce n'est peut-être pas la meilleure stratégie pour que l'innovation facilite les activités complexes liées aux soins de santé. Comme l'ont indiqué les témoins précédents, le processus et le modèle sont essentiels à l'intégration de la technologie dans le système de santé.
    La semaine dernière dans le Globe and Mail, le Dr Tony Pawson de l'Institut de recherche Samuel-Lunenfeld de Toronto a souligné les préoccupations d'un certain nombre de chercheurs concernant le changement qui s'est opéré dans le financement de la recherche translationelle. Il craint que cette approche nuise à la science fondamentale et à ses retombées. Nous pourrions investir directement dans l'innovation pour que les découvertes profitent au système de santé, au lieu de demander aux chercheurs qui n'ont pas les compétences d'encourager le système à intégrer leurs innovations. Le financement direct des innovations en matière de soins de santé, conjugué à une économie de l'innovation, serait plus efficace. Dans le modèle actuel, nous risquons de tout échouer, d'entacher notre réputation axée sur des données probantes en science fondamentale et de ne pas pouvoir bâtir une économie de l'innovation dans les soins de santé.
    En terminant, je vous remercie de m'avoir invité. Je répondrai aux questions avec plaisir.

  (1550)  

    Merci beaucoup de cet exposé instructif. Nous avons hâte de poser des questions.
    Nous passons maintenant à M. Jeffrey Hoch, qui va faire une présentation PowerPoint.
    Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé, que nous sommes impatients d'entendre.
    Merci beaucoup, madame la présidente, membres du comité, de me donner l'occasion de vous faire part de mes observations sur l'évaluation de l'innovation au Canada. Je vais décrire quelques-unes de mes propres expériences et mettre l'accent sur trois questions.
    Je précise que je parle seulement en mon nom personnel. Mes observations ne reflètent pas nécessairement la position de mes collègues ou des organisations pour lesquelles je travaille. Mon expérience en matière de politiques d'évaluation des technologies de la santé, l'ETS, concerne surtout les médicaments pour traiter le cancer. J'estime toutefois que mes observations peuvent mener à des conclusions générales qui vont au-delà du cancer et des médicaments.
    Mon point de vue se fonde sur ma carrière en tant qu'économiste de la santé. Au départ, j'étais un professeur d'université isolé dans sa tour d'ivoire, qui était en fait un bâtiment de deux étages. J'étudiais parfois des questions pertinentes, mais ce n'est qu'à la seconde étape de ma carrière, lorsque je me suis mis à examiner l'application concrète des outils d'ETS, que j'ai pris conscience d'un certain nombre de questions dont je vais vous parler aujourd'hui. Je travaille présentement à l'utilisation des outils que nous élaborons pour aider les conseillers en politiques, les décideurs et le système qui vont mettre en oeuvre les innovations.
    Je veux soulever trois questions très simples avec vous aujourd'hui. Tout d'abord, il n'y a pas assez d'argent pour fournir tout ce que les gens veulent dans le système de santé. Compte tenu de la rareté des ressources, nous devons prendre des décisions difficiles sur les aspects qu'il convient de financer et ceux qui ne le seront pas. Nous avons besoin d'outils pour aider les gens à fournir des recommandations, à prendre des décisions et à les appliquer au financement.
    De plus, les divers intervenants auront des opinions différentes sur la nature du problème et les outils nécessaires.
    Enfin, si nous décidons de faciliter l'innovation, nous devons aussi favoriser la création et la mise en oeuvre des outils nécessaires pour saisir les prochains enjeux. Avant de procéder aux achats, nous devons renforcer nos capacités et nos pratiques en la matière.
    Il y a trois ans, le dirigeant des programmes publics de médicaments au ministère de la Santé de l'Ontario m'a invité à discuter avec le Conseil des citoyens de l'Ontario, qui devait prendre position sur les médicaments innovateurs et dispendieux pour traiter les maladies orphelines. Je devais fournir des conseils sur l'économie de la santé.
    Afin d'expliquer au conseil pourquoi nous ne pouvons pas payer tous les nouveaux médicaments, j'ai comparé le budget de la santé et les traitements qu'il couvre à une valise et son contenu. Il va manquer d'espace si nous achetons tous les nouveaux médicaments. En fait, l'espace serait insuffisant même si nous n'achetions que les produits jugés sécuritaires et efficaces selon Santé Canada.
    Si la valise est déjà pleine et que nous voulons y mettre d'autres choses, deux options s'offrent à nous. Nous pouvons acheter de l'espace en augmentant les impôts ou en réduisant le budget de l'éducation ou des services sociaux. Sinon, nous pouvons libérer de l'espace en retirant un élément.
    Je pense que les responsables du Conseil des citoyens ont bien compris que nous devons choisir les traitements avec soin. Il nous faut les bons outils; la capacité d'élaborer et d'utiliser les outils est insuffisante présentement. Il sera encore plus important d'avoir ces outils à notre disposition si nous accélérons l'adoption des technologies.
    Les innovations sont confrontées à une variété d'obstacles en matière de remboursement au cours de l'ETS. Lorsque Santé Canada établit qu'un médicament est sécuritaire et efficace, il peut être vendu au pays. Mais le patient n'aura accès à un produit qui coûte cher, comme un médicament contre le cancer, que si quelqu'un d'autre l'achète, comme le ministère de la Santé ou l'hôpital.

  (1555)  

    Mon expérience m'a permis de distinguer quatre grandes catégories. Puisque chacune pose des difficultés différentes, les solutions doivent elles aussi être différentes. Prenons l'exemple d'un médicament oncologique novateur. À l'échelle nationale, le processus d’examen pancanadien des médicaments oncologiques pCODR soumettra une recommandation de financement aux provinces basée sur des données cliniques et économiques, sur les commentaires des patients et sur la faisabilité au sein du système. Cette recommandation est donc envoyée aux provinces. Certaines d'entre elles ont créé un comité distinct chargé des recommandations, comme le Comité d'évaluation des médicaments en Ontario, qui examine les données sur le médicament oncologique et formule à son tour une recommandation.
    En fait, les recommandations de comités provinciaux comme le Comité d'évaluation des médicaments s'inscrivent dans un contexte plus large et tiennent compte du traitement d'autres maladies. C'est donc à la lumière des deux recommandations en matière de financement du pCODR et du Comité d'évaluation des médicaments que l'administrateur des programmes publics du ministère de la Santé prendra une décision, parfois après avoir négocié à huis clos avec le fabricant du médicament. Chaque intervenant du processus d'évaluation des technologies de la santé, ou ETS, présente des défis particuliers. Le fait de négliger de consulter les contribuables, les conseillers en matière de politique sur l'innovation technologique en santé ou ceux qui appliquent les politiques conduira nécessairement à l'échec.
    Lors de la séance du 18 octobre 2012, votre comité s'est fait vanter les mérites du pCODR, un modèle recommandé pour les ETS à l'échelle nationale. Le pCODR a vu le jour après que les provinces ont créé des processus d'ETS distincts pour mieux répondre à leurs besoins en matière de médicaments oncologiques. Tant les patients que l'industrie sont grandement favorables au pCODR, qui vient des provinces. Ce sont elles qui l'ont conçu pour leur propre usage. Les méthodes et procédures novatrices du pCODR ont suscité l'admiration et ont remplacé d'autres processus d'ETS au Canada. Je tiens à faire écho aux propos de John Soloninka qui, dans son témoignage, a dit que l'excellent service à la clientèle du pCODR dans le domaine des ETS constitue un bon point de départ pour réussir à encourager l'innovation de façon durable et responsable.
    En tant qu'économiste, je manquerais à mon devoir si je ne soulignais pas l'importance d'adopter des mesures incitatives. Pour stimuler l'innovation, il faut mettre en oeuvre des moyens pour encourager ce genre d'efforts. Mais ne soyons pas surpris si les innovations se multiplient ensuite. Il ne suffit donc pas d'encourager les entreprises à créer des produits novateurs; il faut aussi permettre aux contribuables du système canadien de soins de santé d'utiliser l'ETS pour évaluer ce qu'ils obtiennent et ce à quoi sert leur argent. Nous ne pouvons pas espérer avoir un système de soins de santé durable et responsable si nos investissements ne suffisent pas à éclairer les décisions.
    Même si nous créons de nouveaux outils en santé, nous devrons inévitablement faire des choix. L'ETS aide les décideurs, les conseillers en matière de politique et ceux qui mettent en oeuvre les politiques à composer avec les difficultés que pose l'innovation. L'évaluation aide aussi les patients et les médecins à déterminer dans quelle mesure un nouveau traitement est préférable à un autre et quel en sera le coût supplémentaire. La recherche appliquée dans les domaines de l'économie, des services, des politiques et de l'éthique en santé fournira les données probantes sur lesquelles s'appuient les décisions politiques. Si nous voulons investir davantage en innovation, il faut parallèlement investir dans les domaines de recherche qui permettront d'en évaluer la valeur.
    Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Je suis prêt à répondre à vos questions.

  (1600)  

    Merci infiniment, monsieur Hoch.
    Nous allons maintenant écouter le témoignage de M. Adam Holbrook, directeur associé du Centre for Policy Research on Science and Technology, de l'Université Simon Fraser.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à vous parler d'évaluation et de promotion de l'innovation.
    Vous avez entendu le témoignage de plusieurs grands spécialistes en matière d'innovation et de gestion de l'innovation dans le secteur canadien de la santé. En tant que chercheur qui s'intéresse à l'innovation et aux mérites des activités de recherche et de développement, je m'attarderai davantage au volet théorique qu'aux exemples concrets qui ont été donnés jusqu'à maintenant.
    Mesurer et évaluer l'innovation est à la fois très simple et très complexe, qu'il s'agisse du secteur de la santé ou de tout autre domaine. La recherche et le développement forment un sous-ensemble de l'innovation. Jusqu'à maintenant, votre comité s'est surtout attardé à la façon d'améliorer le système canadien de soins de santé grâce à l'innovation, mais commençons plutôt par la recherche et le développement.
    La recherche et le développement présentent un intérêt parce qu'ils servent d'indicateur d'innovation. L'OCDE s'en est rendu compte il y a 50 ans, et c'est pour cette raison que les dépenses en recherche et en développement sont évaluées depuis. Il est relativement facile de mesurer les ressources allouées à la recherche et au développement — qu'elles soient financières ou humaines —, dont les résultats sont habituellement quantifiables: il peut s'agir d'articles de recherche, de brevets, de licences, de propriété intellectuelle officielle ou d'autres avantages économiques. J'aimerais simplement que vous gardiez à l'esprit la définition simplifiée des activités de recherche et de développement qui est proposée dans la Loi de l'impôt sur le revenu: « investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse » pour l'avancement de la science ou dans l'intérêt du progrès technologique.
    Bien. Mais qu'en est-il de l'innovation? Comme je l'ai dit, ce concept à la fois plus facile et plus difficile à définir. Selon le modèle de Schumpeter, l'innovation peut appartenir à une ou à plusieurs des cinq catégories suivantes: il peut s'agir d'un nouveau produit, d'un nouveau procédé, de nouvelles formes ou méthodes d'organisation, de nouveaux modes de production ou de nouvelles sources d'approvisionnement.
    Même si le comité s'attarde surtout aux deux premiers volets dans le cadre de son étude, à savoir les nouveaux produits et les nouveaux procédés, il devrait aussi tenir compte des autres formes d'innovation. Mais les opinions divergent. Dans son ouvrage Diffusion of Innovations, Everett Rogers parle de la transmission des idées. Il soutient que l'innovation ne se limite pas à un changement bien circonscrit, contrairement aux innovations radicales de Schumpeter. Selon lui, il s'agit plutôt d'une série de petites modifications qui, au fil du temps, finissent par entraîner un changement majeur. Les innovateurs reprennent les idées des inventeurs, et peut-être des chercheurs, puis les communiquent à ceux qui les mettront en oeuvre. Une innovation peut donc être attribuable à trois intervenants distincts.
    Comme je l'ai dit, il est relativement facile de mesurer l'efficacité de certaines activités de recherche et de développement et des innovations qui en découlent. Dans le secteur de la santé, la recherche et le développement sont habituellement officialisés au moyen de brevets et de licences, un savoir codifié qui peut être acheté et vendu. Mais même ce modèle simple comporte son lot de problèmes, surtout lorsque vient le temps d'évaluer les efforts. Il arrive que le savoir attribuable à la recherche ne se traduise pas par des bienfaits mesurables avant des décennies. Combien de temps faut-il essayer de mesurer la rentabilité d'une recherche? Certaines recherches donnent des résultats négatifs, et ne peuvent donc généralement pas être vendues. Pourtant, il est souvent aussi important de savoir ce qui ne fonctionne pas que ce qui fonctionne. Qui plus est, lorsqu'un brevet ou une licence est acheté par une société en capital-risque ou par qui que ce soit d'autre, le vendeur garde pour lui sa connaissance de ce qui ne fonctionne pas. C'est peut-être un des facteurs qui expliquent que les grandes sociétés préfèrent souvent faire l'acquisition d'une société plutôt que d'acheter une propriété intellectuelle isolée.
     Qu'elles proviennent des milieux universitaire, gouvernemental ou industriel, on peut dire que la plupart des recherches apportent des connaissances tacites, que les chercheurs gardent à l'esprit. La recherche est un processus d'apprentissage continu. Les chercheurs accumulent du savoir même s'ils doivent régulièrement se départir de certaines découvertes, que d'autres pourront exploiter sur le plan commercial ou non.
    Mais évaluer l'innovation est plus délicat. Comment l'amélioration d'un produit ou d'un procédé se mesure-t-elle? On peut le faire, mais encore une fois, les retombées s'accumulent souvent au fil du temps et sont loin de se limiter à un seul exercice financier. Il arrive que le fruit d'une innovation soit clairement identifiable, comme c'est le cas de certaines recherches, mais les bénéfices peuvent être progressifs et résulter de l'accumulation de petites modifications au fil des ans, qui peuvent comporter ou non des bienfaits mesurables pendant cette période. Comment peut-on mesurer les petites modifications apportées quotidiennement aux procédures d'un hôpital qui, en fin d'année, finissent par améliorer les résultats sur la santé ou par diminuer les coûts? Comment mettre le doigt sur les innovations qui ont été déterminantes? Surtout, comment savoir qui en est l'instigateur afin de le récompenser convenablement?

  (1605)  

    À la suite du rapport de M. Jenkins, on nous a demandé de réaliser une étude sur le transfert des connaissances entre la recherche et le développement en milieu universitaire et le secteur de la production. Certains résultats étaient intéressants. Ils sont préliminaires, et l'ordre dans lequel je les présente n'a aucune importance particulière.
    Pour commencer, les politiques canadiennes de propriété intellectuelle en milieu universitaire sont incohérentes, tout au plus. Compte tenu de l'absence de politique nationale unifiée en la matière, l'industrie hésite souvent à faire appel aux universités dans ses projets de recherche et de développement; elle ignore quelles seront les exigences en matière de propriété intellectuelle ou combien de temps prendra la négociation d'une entente acceptable à ce chapitre.
    Il y a de nombreuses irrégularités à cet égard. Par exemple, la plupart des universités n'ont aucune politique concernant les droits de propriété intellectuelle des étudiants de premier cycle ou des cycles supérieurs, alors que ceux-ci jouent un rôle important dans le processus de production des connaissances.
    J'aimerais mettre en opposition les questions de propriété intellectuelle et de déontologie, même si nous ne nous sommes pas penchés sur la question dans le cadre de notre étude. La politique d'éthique est relativement uniforme à l'échelle nationale, mais là encore, l'approbation d'une université sur le plan déontologique n'est pas garante de celle des autres membres du consortium de recherche. Le besoin d'obtenir les approbations distinctes de chaque université touchée sur le plan de l'éthique est un des aspects qui tourmentent tout chercheur, et pas seulement dans le domaine de la santé.
    Notre étude a aussi mis en lumière le besoin d'institutions « intermédiaires », à défaut d'avoir un meilleur mot. Dans d'autres pays, comme en Allemagne, des institutions semblables jouent un rôle de filtre entre l'industrie et le milieu de l'enseignement supérieur. Je peux en nommer deux au Canada — MaRS, dont la présidente est venue témoigner il y a quelques semaines, et FPInnovations —, mais c'est loin d'être suffisant. En Allemagne, ces organisations forment tout un système qu'on appelle les instituts Fraunhofer, mais qui porte différents noms, à vrai dire. On sait aussi que les instituts Fraunhofer élargissent leurs activités jusqu'au Canada et qu'une des organisations s'est déjà installée en Ontario.
    Il faut admettre que le principal rôle des universités est de créer du capital humain. La production de savoir à des fins particulières devrait incomber à d'autres intervenants, et peut-être à ce genre d'institutions intermédiaires.
    Je ne connais pas les chiffres au Canada, et je ne pense pas qu'ils existent, mais selon les données britanniques de la Royal Society, moins de 0,5 p. 100 des titulaires d'un doctorat en sciences au pays obtiennent un poste de professeur menant à la permanence, 17 p. 100 d'entre eux deviennent chercheurs au sein de l'industrie, tandis qu'ils sont 50 p. 100 à obtenir un emploi qui n'a rien à voir avec la science.
    Voici la question que j'aimerais porter à l'attention du comité: qui sont les innovateurs? Comment encourager les innovateurs de façon à stimuler l'innovation?
    En fait, ils sont souvent des entrepreneurs, qui sont à leur tour des innovateurs si l'on se fie au modèle de Schumpeter. Mais il existe d'autres catégories. Par exemple, les porteurs d'innovation à caractère social ne cherchent pas à générer des profits, mais plutôt à améliorer les conditions de vie, comme c'est le cas des organismes sans but lucratif.
    Il y a une autre catégorie d'innovateurs qu'il faut encourager, à savoir les intrapreneurs, des gens qui travaillent au sein de grandes organisations comme les gouvernements, mais qui sont peu susceptibles de recevoir une reconnaissance économique majeure pour leur travail.
    Est-il possible de former des innovateurs? Probablement, mais la plupart des chercheurs, surtout dans le domaine de la santé, doivent suivre une formation tellement longue qu'il serait vraisemblablement contre-productif de prolonger leurs études. En fait, il y a des chercheurs et des inventeurs qui ne feront probablement jamais de bons innovateurs ou entrepreneurs. L'histoire regorge d'exemples d'inventeurs qui n'ont jamais été reconnus pour leurs travaux de recherche et de développement, alors que d'autres personnes, des innovateurs, en ont détecté le potentiel et l'ont exploité.
    La plupart des programmes universitaires de transfert de technologie ont du mal à produire suffisamment de recettes pour être rentables. Je crois qu'il faut inciter les responsables de transfert de technologie à demeurer à l'affût des problèmes tout en offrant des solutions. Autrement dit, ils doivent à la fois rassembler les idées et diffuser l'information. Selon un des participants à notre projet, il faut encourager les « catalyseurs » de recherche et de développement et, par le fait même, les catalyseurs d'innovation.
    Que pouvez-vous faire? Votre comité doit recommander aux universités de ne pas succomber à la pression de produire un savoir codifié — c'est-à-dire des brevets et des licences; il doit plutôt les inciter à former le meilleur capital humain qui soit au pays.
    Je vous recommande aussi de trouver des moyens de reconnaître et de récompenser les porteurs d'innovation à caractère social et les intrapreneurs.
    De plus, les universités devraient adopter une série de politiques semblables en matière de propriété intellectuelle, mais pas nécessairement identiques, un peu à l'image du système d'approbation déontologique, mais sans l'obligation de recevoir l'approbation successive de chaque établissement.

  (1610)  

    Pour terminer, les décideurs recommandent une solution dans les deux sens: il faut stimuler la demande en recherche et en développement tout en évaluant les efforts de recherche et de développement dans le secteur de la santé, soit directement, soit par des institutions intermédiaires.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer le premier tour de sept minutes, et la parole est à Mme Davies.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je dois dire que j'ai eu plus de mal à suivre vos témoignages que ceux que nous avions entendus jusqu'ici. Vous avez soulevé tellement d'enjeux différents que je me demande un peu par où commencer.
    J'ai trouvé. J'ai assisté à une excellente présentation de Thomas King à Ottawa, hier soir. Vous le connaissez peut-être: il est un conteur hors pair qu'on entend très souvent à la CBC et qui a écrit de nombreux livres. Quoi qu'il en soit, il vient de publier The Inconvenient Indian, un roman qui raconte l'histoire du peuple amérindien en Amérique du Nord.
    Il a suggéré une analogie remarquable sur ce qui se passe au sein du ministère des Affaires indiennes, dont la structure ne permet pas de faire ce qu'il faudrait. Il a comparé cette situation à deux tranches de fromages: du cheddar, qui n'a aucun mal à se tenir bien droit, et du fromage suisse parsemé de trous, qui manque de corps et se replie, en quelque sorte...
    En venez-vous à quelque chose, madame Davies?
    Oui.
    C'était une excellente analogie, car il s'en est servi pour décrire ce qu'il considère comme le problème dans ce domaine, qui n'est pas le sujet d'aujourd'hui, mais j'ai été frappée par le fait que d'une certaine façon, ce que vous décrivez, c'est l'effet gruyère, en ce sens que nous avons beaucoup de bonnes innovations, mais avons-nous le système qui tient le tout de façon cohérente, et même si c'est le cas dans des secteurs précis, est-ce à l'échelle nationale? C'est en quelque sorte ce que je retire de vos propos aujourd'hui, et j'espère que je ne me trompe pas.
    Monsieur Hoch, afin de préciser un peu les choses, vous avez dit qu'il nous faut évaluer l'ETS, l'évaluation des technologies de la santé. Cela m'a semblé un peu étrange. Nous devons évaluer les évaluations. Non? Je n'ai pas bien compris.
    Je voulais savoir quel est le rôle de l'ACMTS à cet égard? L'agence est-elle l'organisme idéal pour la réalisation de ces évaluations, ou parlez-vous d'autre chose?
    Monsieur Holbrook, en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, encore une fois, je pense qu'il y a beaucoup d'éléments, mais je comprends ce que vous dites au sujet... En fait, à qui appartient le travail? Je sais que c'est une question qui revient sans cesse. Qui a cette responsabilité dans un pays comme le Canada? Nous vivons dans une fédération; nous avons des provinces. La prestation des soins de santé est un secteur de compétence provinciale, et nous essayons toujours de porter notre attention sur la responsabilité qu'a le fédéral à apporter des solutions pour certains des problèmes. J'aimerais vraiment que vous me donniez votre point de vue sur le rôle que devrait jouer le fédéral en ce qui concerne les problèmes que vous avez nommés. Je viens d'en nommer deux, mais vous aviez aussi beaucoup d'autres exemples.
    Est-ce que quelqu'un d'entre vous veut commencer?
    D'accord. Allez-y, monsieur.
    Merci.
    À qui incombe-t-il de tenter de régler la question de la propriété intellectuelle?
    On retrouvait le même type de question relativement à l'éthique. L'éthique est un mélange de normes sociales, de normes culturelles et de lois provinciales et fédérales. Au bout du compte, cela a été fait par un comité des trois conseils, si je ne me trompe pas, qui a émis un ensemble de lignes directrices, mais n'a pas imposé un processus à chacune des universités. Ainsi, toutes les universités suivent les lignes directrices, mais sous un angle différent.
    Je dirais qu'il devrait en être de même pour la propriété intellectuelle. La plupart des diplômés du secteur de la santé — pas seulement le secteur des soins de santé — reçoivent du financement d'une façon ou d'une autre, par des subventions fédérales, directement ou indirectement, et l'une des conditions liées à ces subventions, tout comme pour l'éthique, c'est qu'on devrait reconnaître leurs droits de propriété intellectuelle.

  (1615)  

    Monsieur Hoch, pouvez-vous nous parler un peu plus de... Je croyais vous avoir entendu dire que l'évaluation des ETS...
    Excusez-moi, mais j'étais un peu nerveux.
    Je voulais en quelque sorte faire un lien entre l'idée que l'ETS, c'est la capacité d'évaluer ce qu'on obtient. Par exemple, si je vais magasiner pour m'acheter une voiture, et que je ne suis pas un expert dans ce domaine, je vais avoir besoin d'aide pour évaluer le produit et les coûts, et je me réfère donc au Consumer Reports. L'ETS, c'est comme le Consumer Reports, et j'ai pensé que si l'on dépense beaucoup d'argent, ce serait bien de savoir ce qu'on reçoit en retour.
    Mais, ne le faisons-nous pas déjà?
    Ce qui nous amène à votre question suivante...
    Mme Libby Davies: Oui.
    M. Jeffrey Hoch: Je voulais aussi préciser que l'on pourrait considérer le pCODR (le Processus pancanadien d'examen des médicaments oncologiques) comme un mécanisme spécialisé pour le cancer. J'estime que l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) constitue un excellent point de départ. Si nous voulons favoriser davantage l'innovation, nous aurons de nouveaux défis à relever. J'ai l'impression, même si je ne travaille pas avec l'ACMTS, que l'on aura besoin d'un soutien additionnel.
    Je crois donc que la création de l'agence est un grand pas dans la bonne direction. Je suis très heureux que les provinces aient pu conjuguer leurs efforts pour concevoir un nouveau système d'évaluation des technologies de la santé pour les médicaments oncologiques, et je crois que si les innovations continuent de se succéder à un rythme aussi emballant, nous aurons besoin d'une aide plus soutenue.
    J'espère m'être mieux fait comprendre.
    Si vous permettez, j'aurais une brève question pour M. Jaffray. Je sais que l'Institut Techna n'existe que depuis 18 mois, mais j'aimerais savoir comment vous compter vous y prendre pour raccourcir, comme vous souhaitez le faire, le temps qui s'écoule entre la découverte d'une nouvelle technologie et son application clinique. Que fait Techna pour parvenir à un tel résultat?
    C'est un peu ce que disait Pascale tout à l'heure.
    Dans le monde des soins de santé, il y a des technologies à ne plus savoir quoi en faire. Ce n'est pas comme si tous attendaient la prochaine découverte. Ces nouvelles technologies, qu'il s'agisse d'outils de communication ou d'équipements chirurgicaux, sont comme des matières premières qu'il faut parvenir à exploiter.
    Nous constatons que les entreprises qui nous soumettent ces innovations technologiques voient un peu le système de santé comme une forteresse impénétrable. Tout cela est extrêmement complexe. À l'Institut Techna, nous avons réuni des médecins qui connaissent tous les détails des interventions, des administrateurs en milieu hospitalier et des gens possédant l'expertise technologique requise pour discuter avec le créateur de la technologie en vue d'accélérer sa mise en application.
    Merci, monsieur.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Lizon.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à M. Hoch. Est-ce la bonne prononciation?
    C'est Hoch comme dans scotch.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci beaucoup. Je croyais que c'était un nom d'origine allemande, mais je faisais fausse route.
    Un peu comme Mme Davies, je suis assez confus, ce qui fait que ma première question sera plutôt d'ordre général.
    Dans votre présentation vous indiquez qu'« il n'y a pas suffisamment d'argent pour tout payer » et vous utilisez cet exemple de la valise. Je suis tout à fait d'accord, car je ne crois pas que l'on n'en ait jamais assez pour quoi que ce soit. Si vous deviez déterminer ce qu'il faudrait exactement pour « tout payer », serait-il même envisageable que l'on puisse chiffrer les sommes nécessaires pour combler tous les besoins?
    C'est une question très difficile. Dans le secteur de la santé, les opinions peuvent beaucoup différer à ce sujet. Il y a d'abord le point de vue strictement clinique, celui des médecins. Il y a la perspective du patient quant à ce qu'il souhaite obtenir à titre de client. Le contribuable a aussi sa façon de voir les choses.
    Je suis désolé de ne pas vraiment répondre à votre question, mais je suppose que vous obtiendriez trois réponses fort différentes si vous la posiez à des représentants de ces trois groupes.

  (1620)  

    Voilà qui m'amène à ma question suivante. Vous avez parlé d'économie de la santé. Comment décririez-vous cette discipline? Quel rôle peuvent jouer les économistes de la santé dans la répartition appropriée des ressources financières au sein du système?
    C'est une excellente question.
    Dans mon rôle d'économiste de la santé, je procède à ce que j'appelle une analyse positive en aidant les gens à déterminer quelles sommes supplémentaires ils devront payer et ce qu'ils obtiendront en retour. Un peu dans le style du magazine Protégez-vous, on indique dans quelle mesure un nouveau médicament prolongera la durée de vie du patient et combien il en coûtera. L'autre partie du travail est davantage normative; il s'agit un peu de dire aux gens quoi faire.
    J'estime devoir fournir aux décideurs des informations qu'ils sont capables de bien comprendre. S'ils en arrivent alors à la conclusion que l'investissement est judicieux, ils pourront prendre une décision en conséquence. S'ils croient que le jeu n'en vaut pas la chandelle, tant pis. Mon rôle est d'informer les décideurs de manière à éclairer leurs choix.
    Concrètement, comment les choses se passent-elles?
    Comme je l'ai indiqué, je travaille au sein de l'unité de recherche pharmacoéconomique. Mon rôle consiste à soumettre les nouveaux médicaments oncologiques à une analyse coût-efficacité ou à critiquer des analyses semblables effectuées par d'autres. J'expose ensuite les résultats à un comité de recommandation en lui indiquant, par exemple: « Ce nouveau médicament pourra prolonger de deux mois la vie d'un cancéreux pour un coût supplémentaire de 30 000 $. Pour que les choses soient bien claires, j'ajoute qu'il n'existe pas d'autre traitement pour ce type de maladie et que cette innovation est considérée comme une percée importante. »
    C'est ce que je fais jour après jour. J'aide les gens à comprendre l'information, à l'évaluer et à l'utiliser.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui, tout à fait.
    J'ai une dernière question. D'une manière générale, êtes-vous satisfait de l'accueil réservé à l'information que vous transmettez? Êtes-vous parfois déçu? Il arrive sans doute que vous recommandiez la solution appropriée, mais que le comité décide après délibération que ce n'est pas nécessairement une bonne idée.
    Voilà une formidable question.
    Précisons d'entrée de jeu que je n'ai jamais l'impression de formuler des recommandations. Je m'efforce dans toute la mesure du possible de faire abstraction de mes opinions personnelles. Ce qui me dérange le plus, c'est lorsque les gens ne comprennent pas l'information que nous leur présentons. Je me donne pourtant un mal de fou à éviter les explications compliquées en essayant de répondre de façon aussi claire et précise que possible à la question que se pose le payeur.
    J'y vois en quelque sorte une occasion manquée. Rien d'étonnant que tant d'innovations ne bénéficient d'aucun financement. C'est que l'information nécessaire n'a pas été recueillie pour justifier la décision de financement, ou que les renseignements compilés indiquent qu'un investissement ne serait pas judicieux.
    Mais pour répondre à votre question, j'essaie toujours d'être le plus compréhensible possible.
    Merci beaucoup.
    J'ai une question pour Mme Lehoux. Désolé si j'ai mal prononcé votre nom.
    Au début de votre exposé, vous avez dit que les nouvelles technologies sont imprévisibles.
    Je trouve cela un peu étonnant. Pourriez-vous nous en dire plus long? Que vouliez-vous dire exactement?
    Je crois que je faisais référence au fait que les gens voient l'innovation comme quelque chose de bénéfique qui tombe presque du ciel et qu'il est impossible de gérer. On pourrait donc dire que les nouvelles technologies sont imprévisibles ou ingérables.
    J'estime qu'une grande partie du travail effectué en amont pour la conception d'une innovation peut être orientée et documentée. Aux premières étapes de la création d'une technologie nouvelle, il est possible de puiser à de nombreuses sources pour éviter les écueils. Bien des technologies ne seront jamais mises en application dans le système de santé. S'il arrive parfois que ce soit le système qui n'est pas prêt à les accueillir, c'est très souvent dû au fait que la technologie elle-même n'a pas été bien conçue.
    Je veux dire simplement que ce n'est pas l'innovation technologique elle-même qui est imprévisible. Dans le cas de certains échecs du point de vue des services de santé et de la recherche stratégique, les experts auraient sans doute pu affirmer dès le départ en consultant le plan d'affaires que l'on pouvait arrêter de perdre son temps avec cette innovation, car elle ne serait jamais appliquée dans le système de santé, que les fournisseurs ne l'utiliseraient pas et que les patients n'en bénéficieraient pas.

  (1625)  

    Désolée, monsieur Lizon, mais c'est tout le temps que vous aviez.
    J'ai l'impression qu'à peine une minute s'est écoulée.
    Le temps est bel et bien épuisé.
    Vous aurez peut-être une autre occasion; merci pour vos excellentes questions.
    Nous passons à M. Pacetti.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins de leur comparution.
    Comme je ne suis pas membre en règle du comité, j'aimerais m'assurer d'avoir bien compris vos exposés.

[Français]

    Madame Lehoux, au début de votre présentation, vous avez dit que le défi sur le plan politique n'était ni d'accroître l'adoption d'innovations ni de la freiner. Cela ne devrait-il pas les encourager?
    Non. Selon moi, le défi n'est ni d'accroître cette adoption ni de la freiner. Nous n'avons besoin ni de plus ni de moins d'innovations, mais de meilleures innovations. L'évaluation des technologies nous apporte des arguments pour essayer de comprendre ce qu'est une meilleure technologie sur le plan de l'efficacité, de l'innocuité et des coûts, mais ce n'est pas suffisant.
    Pour savoir ce qu'est une meilleure innovation, il faut comprendre simplement ce qu'on appelle le fardeau des maladies en termes épidémiologiques. Il faut savoir si nos efforts vont là où il y a de réels fardeaux en matière de maladie, au lieu d'avoir des innovations que notre collègue a qualifiées de progressives et qui nous permettent de faire une innovation de plus sans nous concentrer sur les problèmes cruciaux pour lesquels il n'y a pas de réponse actuellement.
    Vous avez dit que 50 % des nouvelles inventions étaient acceptées. Est-ce bien cela? Y en a-t-il autant?
    C'est difficile d'avoir des chiffres robustes, mais 50 %, c'est un chiffre prudent. Cela veut dire que 50 % des projets innovants vont échouer. Si on prend, par exemple...
    Cela veut aussi dire que 50 % de ces projets vont réussir.
    Oui, mais c'est un chiffre modeste. Certains vont jusqu'à 70 %. Cela dépend de ce qu'on mesure au démarrage du projet.
    Voulez-vous dire que jusqu'à 70 % des projets vont échouer?
    De 50 à 70 % des projets vont échouer.
    D'accord.
     Dans l'un des dépliants, il est question de décortication des dépenses. Je fais le calcul, et je ne comprends pas bien. Le financement provient du gouvernement fédéral à 21 %, des entreprises à 23 % et de l'éducation supérieure à 27 %. Si j'additionne ces trois chiffres, j'arrive à 71 %. Il manque encore 29 %. D'où provient cette part du financement?
    Toutes les sources ne sont pas sur la diapositive. J'en suis désolée. J'ai indiqué seulement les principales sources.
    Mais les autres...
    Elles sont provinciales.
    Elles sont provinciales? N'est-ce pas l'éducation supérieure?
    Non. Il y a les provinces également, les organismes sans but lucratif, ainsi que des sources étrangères.
    C'est parfait, merci.

[Traduction]

    Monsieur Hoch, il est notamment question dans votre présentation de la nécessité d'une planification accrue avec les innovateurs. Je ne suis pas certain de comprendre avec qui exactement vous voulez planifier. Serait-ce simplement avec votre client? Et qui serait votre client? Serait-ce directement le patient, ou encore l'hôpital qui dispense les soins? J'aimerais mieux comprendre.
    Je vais vous donner un exemple. Disons qu'un nouveau médicament produit des résultats chez des patients ayant un certain matériel génétique et que vous devez effectuer un test pour cibler ces patients-là.
    Puis-je vous interrompre ici? N'auriez-vous pas effectuer ces tests avant même d'avoir amorcé la recherche?
    N'aurais-je pas fait quoi?
    N'auriez-vous pas déjà planifié cela? On ne se réveille pas un matin en disant: « Ah! tiens, je vais découvrir un médicament et voir à qui il s'adresse et où nous allons trouver des gens pour le tester ».
    Je veux me montrer courtois envers mes collègues en recherche fondamentale. Peut-être pourraient-ils vous indiquer si cela est planifié à l'étape de la recherche en laboratoire?
    Il n'y a guère de planification qui se fasse en laboratoire. Cela met toutefois en lumière un point fort important: la valeur d'une innovation technologique ou même d'un nouveau médicament n'est vraiment bien comprise qu'après son adoption par le système de santé — son financement ne provient pas nécessairement des budgets généraux, mais peut originer en partie des sommes allouées aux activités de recherche.
    Pour tous ces aspects, il faut reconnaître que le système de santé est l'une des composantes du mécanisme d'évaluation. Je voulais faire valoir à quel point il est important de bien comprendre comment procéder avec ces évaluations. C'est là qu'entrent en jeu les évaluations des technologies de la santé. Par ailleurs, il nous faut aussi comprendre les répercussions de ces technologies nouvelles sur les processus en usage dans le milieu de la santé. C'est au sein même du système de santé que l'on peut déterminer la valeur de ces innovations. Si nous ne pouvons pas compter sur les intervenants capables de mettre en application ces innovations, c'est vraiment une occasion manquée pour nous.

  (1630)  

    C'est là que j'arrive difficilement à comprendre. Je suis conscient que les choses peuvent être plus compliquées lorsqu'on essaie de mettre en oeuvre un processus novateur, mais n'est-ce pas complètement différent dans le cas d'un médicament? Chaque médicament a une utilité très précise. Ce n'est pas comme si on pouvait tout à coup changer cela afin qu'il serve à quelque chose d'autre.
    Supposons que nous commençons à utiliser un médicament en milieu clinique. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on peut observer les différences de réaction au sein d'un groupe de patients. Comme notre hôpital se consacre à la recherche, nous en profitons pour recueillir des échantillons de tissus auprès de ces patients. Nous les analysons pour nous rendre compte en rétrospective que leurs caractéristiques particulières permettent de prédire l'efficacité du médicament pour chaque patient.
    Mais qui donc va procéder systématiquement à des tests semblables pour mieux gérer le recours à ce médicament dans le système de santé? Cela doit se faire au sein même du système. Malheureusement, notre système de santé n'est pas vraiment conçu de manière à favoriser l'innovation. Les attentes sont élevées à son égard, comme en témoigne l'étude menée par votre comité, mais le système n'est pas réellement propice à l'innovation.
    Je voulais seulement ajouter que si le ministère finance un médicament uniquement pour les patients dont le test est positif, il convient de se demander comment on va financer l'ensemble des tests, à quels laboratoires on va les confier et comment on va s'assurer que tout est dans l'ordre. Il y a certaines choses qui doivent se passer au niveau de la mise en oeuvre. Par ailleurs, il peut s'avérer nécessaire d'apporter des changements à un médicament parce que les études menées portaient sur un seul type de patient visé par le financement et qu'on se rend compte par la suite que d'autres patients pourraient en bénéficier davantage.
    Merci, monsieur Hoch.
    Nous passons à M. Carrie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Peut-être pourrais-je continuer un peu dans la même veine. Monsieur Jaffray, vous avez indiqué que le système n'est pas vraiment conçu pour favoriser l'innovation. Ma question s'adresse à vous et peut-être également à Mme Lehoux.
    Au Canada, il ne semble pas y avoir de liens concrets entre le milieu universitaire et l'industrie. Aux États-Unis, et je présume que vous avez passé un certain temps là-bas, il est souvent possible de travailler en milieu universitaire pendant la moitié de la journée et de consacrer le reste de son temps à l'industrie.
    Nous avons entendu parler de quelques-unes des mesures mises de l'avant, comme MaRS Innovation. Ailleurs dans le monde, il y a les instituts Fraunhofer. Je ne sais pas si vous pouvez nous aider à mieux comprendre pourquoi il y a un tel fossé et peut-être nous suggérer des pistes de solution du côté du gouvernement.
    Je me souviens qu'à Waterloo, notre école offrait des programmes de stage. Il était ainsi possible pour de jeunes étudiants d'interagir très tôt avec l'industrie.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les raisons qui expliquent selon vous ce manque de cohérence au Canada?
    M. Jaffray, puis Mme Lehoux.
    Certainement.
    Je dirais qu'il y a eu une certaine transition à ce chapitre depuis une bonne dizaine d'années, ou peut-être davantage. Il y a maintenant de bonnes relations entre le milieu universitaire et le système des soins de santé. C'est une réalisation remarquable et tout un actif pour notre pays; plus question de tours d'ivoire comme il y a 10 ans. MaRS Innovation est un bon exemple des avancées en la matière.
    Il est généralement reconnu que l'on a besoin des apports respectifs du milieu universitaire, du système de santé et de l'industrie. Les membres du comité ne seront pas nécessairement d'accord, mais j'estime que nous pouvons compter sur ces apports. Nous avons des gens qui partagent leur temps entre l'enseignement universitaire, les soins aux patients et les partenariats avec l'industrie. Le processus est en marche et nous faisons de notre mieux pour régler toutes les questions liées notamment à l'éthique et aux conflits d'intérêts.
    Il y a toutefois un aspect au titre duquel nous sommes déficients. Nous n'avons pas su instaurer au sein de notre système de santé un climat s'appuyant sur des attentes réalistes, un mandat clair et des incitatifs économiques pour favoriser l'innovation. Aux États-Unis, l'activité économique en matière de santé est guidée par les aiguillages et la concurrence entre partenaires. Nous ne voulons pas nécessairement qu'il en soit de même au Canada, mais il nous faut certains facteurs de stimulation.
    Les hôpitaux ne peuvent pas reporter leur budget d'une année à l'autre. Pourquoi un hôpital voudrait-il économiser si les sommes épargnées vont lui échapper de toute manière? Les gains d'efficience que j'obtiens dans mon secteur cloisonné vont bénéficier à un autre secteur, alors pourquoi faire des efforts? Il nous faudrait trouver une façon de coordonner nos activités de manière à faciliter le travail des innovateurs au bénéfice de tous.
    Si nous pouvions en arriver à une formule quelconque... et je n'ai pas vraiment d'idée à ce sujet, peut-être des crédits carbone pour l'innovation en santé? Je ne sais pas.
    Des voix: Oh, oh!
    M. David Jaffray: Il faudrait une formule nous permettant de monnayer la valeur entre les différentes composantes du système. Ainsi, les innovateurs seraient motivés à conjuguer leurs efforts. C'est l'élément qui nous manque. Nous sommes conscients qu'il nous faut un tel mécanisme.
    Je ne veux pas anticiper sur ce que Pascale pourrait vous dire...

  (1635)  

    Nos collègues du NPD s'emballent lorsque vous soulevez la possibilité d'une taxe sur le carbone.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Colin Carrie: Madame Lehoux.
    Je suis partiellement d'accord avec ce que mon collègue vient de vous dire.
    Je conviens que de nombreux liens ont été établis entre le milieu universitaire et l'industrie. Les intervenants du système de santé sont eux aussi connectés de bien des manières. Je siège au conseil d'administration de l'Institut des services et des politiques de la santé (ISPS), l'un des 13 Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) qui s'intéressent à la recherche stratégique et aux services de santé. Au cours des 10 dernières années, l'ISPS a redoublé d'efforts pour créer des liens semblables avec les décideurs et rendre disponibles les informations pertinentes.
    Il existe donc déjà de nombreuses connexions, et je ne crois pas qu'il nous en faille davantage. Il faut que nous puissions nous asseoir ensemble pour discuter de ces questions, chacun continuant à faire ce qu'il fait de mieux.
    Je ne suis toutefois pas d'accord pour dire que les États-Unis devraient servir de modèle au Canada, pas du moins pour ce qui est d'une stratégie de mise en valeur de l'innovation. Étant donné le manque de capital de risque au Canada, et il y a des chiffres pour en témoigner, nous nous retrouvons plus souvent qu'autrement du côté des perdants. Nous ne nous tirons pas très bien d'affaire à ce petit jeu là, et je ne pense pas que nous puissions renverser la vapeur dans un avenir rapproché. Nous ne pouvons en effet pas compter sur le même tissu industriel, sur le même genre d'entreprises.
    Je ne pense donc pas que nous devrions considérer les États-Unis comme un modèle à suivre.
    Monsieur Jaffray, vous avez la parole.
    Je tiens à préciser que je ne suis pas pour l'adoption du système de soins de santé américain. Quand je travaillais aux États-Unis, je savais très bien que pour équiper l'hôpital d'une nouvelle technologie, je devais démontrer au conseil d'administration qu'elle donnerait un rendement sur l'investissement de 15 p. 100. C'était une décision opérationnelle pour laquelle nous devions analyser très attentivement les répercussions de la technologie, les moyens de la mettre en place et ce qu'elle représentait pour notre environnement de travail et nos partenaires.
    Cette économie de l'innovation est mise en pratique dans les moindres sphères du système de soins de santé américain, et nous devrions en faire autant. Je ne dis pas que notre système devrait être axé sur les profits, mais il pourrait s'appuyer sur l'efficacité, la performance, la qualité ou la sécurité. Une économie de l'innovation nous permettrait d'y arriver en tirant avantage des possibilités technologiques et pharmaceutiques.
    Je pense également que nous devrions commencer à calculer ce que nous faisons. Vos commentaires m'ont étonné, monsieur Hoch. Il me semble vous avoir entendu dire qu'il faut investir dans la recherche pour en déterminer la valeur. Autrement dit, un nouveau médicament contre le cancer pourrait modifier le protocole que nous observons actuellement pour soigner cette maladie, et nous devrions peut-être avoir des moyens de comparer le nouveau protocole à l'ancien avant de prendre une décision sur le plan économique — ou plutôt en fonction de la qualité du traitement, qui devrait servir de facteur déterminant.
    Disposez-vous de données indiquant que certaines pratiques utilisées dans le système de soins de santé canadien ne fonctionneraient pas? J'ai déjà entendu dire que nous nous heurtons sans cesse aux mêmes petites difficultés, ce qui veut dire que nous n'observons pas nécessairement les meilleurs protocoles de soins.
    Avez-vous des données qui permettent de comparer un protocole a à un protocole b? À défaut de quoi, pourquoi n'en avons-nous pas et que pouvons-nous faire pour remédier à la situation?
    Je pense que c'est un très bon moyen de mener une analyse de rentabilité: ciblons les façons de faire qui n'aident pas les gens et qui nous coûtent cher, et essayons de les éviter.
    Une des difficultés propres au domaine de la santé est qu'il est très difficile de revenir en arrière une fois qu'une pratique a été approuvée et qu'elle est financée.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième tour de table. Je suis désolé, monsieur Carrie, mais nous n'avons plus de temps.

  (1640)  

    La discussion commençait à être très intéressante.
    Je sais. Vous aurez l'occasion de revenir sur cette question au prochain tour. Qu'en dites-vous?
    Nous allons passer au deuxième tour. Chaque membre aura cinq minutes, et il faudra donc porter un peu plus attention au temps. Je suspendrai la séance à 17 h 15.
    Nous avons 35 minutes, et nous commencerons avec Mme Sellah.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier tous les témoins ici présents de leurs pertinentes présentations.
    Ma question s'adresse à ceux d'entre eux qui pourront y répondre.
    De nombreux organismes, agences universitaires ou gouvernementales et centres hospitaliers procèdent à des évaluations des technologies de la santé, appelées ETS au Canada. L'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, appelée l'ACMTS, est un organisme à but non lucratif créé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en 1989 pour permettre aux décideurs d'avoir accès à des évaluations fondées sur des données probantes portant sur l'efficacité clinique et la rentabilité des produits pharmaceutiques et technologiques de la santé.
     De quelle façon le travail effectué par l'ACMTS diffère-t-il de celui des autres organismes d'évaluation des technologies de la santé au Canada? Par ailleurs, à votre avis, quelles mesures l'ACMTS pourrait-elle prendre pour coordonner les efforts dans le domaine de l'évaluation des technologies de la santé de façon à éviter les chevauchements et le gaspillage possible dans ce secteur? Enfin, à votre avis, les décideurs sont-ils davantage susceptibles de suivre les recommandations faites par l'ACMTS concernant les décisions de financement des médicaments et des technologies ou sont-ils davantage susceptibles de suivre les recommandations faites par les organismes locaux d'évaluation des technologies de la santé?
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Qui veut répondre à cette question? Madame Lehoux?
    Oui, je veux bien.

[Français]

    Je vous remercie de cette question.
    Il y a quelques années, j'ai étudié les agences d'évaluation présentes au Canada, à l'échelle provinciale et nationale. Quant à la duplication, je peux vous rassurer: ces agences travaillent de concert, elles se réunissent et se croisent régulièrement. S'il y a une chose qu'une agence ne veut pas, c'est refaire l'étude qu'une autre agence aurait déjà faite. Cela ne devrait donc pas vous préoccuper.
    Je pense que la question de l'arrimage entre les paliers provincial et national est plus complexe. Il y a eu des liens privilégiés que les agences provinciales ont établis avec les décideurs dans leur compétence. La position de l'agence nationale a toujours été de ne pas faire de recommandations, pour la simple et bonne raison que la santé est de compétence provinciale. Ses avis sont donc consultés et examinés, mais la responsabilité de la décision est entre les mains des décideurs.
    Ça revient donc aux décideurs de chaque province. D'accord.
    C'est pour cela que l'exemple du pCODR est un bon exemple. J'ai vu que le Québec n'était pas inclus.
    Je vais laisser mon collègue Jeff répondre.

[Traduction]

    Vous êtes sur la sellette, monsieur Hoch.
    Pourrait-on répéter la question, et nous dire combien de temps nous avons?
    Vous avez environ une minute et demie.
    Pouvez-vous prendre encore tout le temps qu'il vous faut pour poser la question?

[Français]

    Mme Lehoux a répondu en partie à la question en me disant que c'était aux décideurs de chaque province de prendre les décisions.
    Je vais vous poser une autre question. À votre avis, dans quelle mesure l'ACMTS communique-t-elle avec efficacité les conclusions de ses recherches aux décideurs, aux fournisseurs de soins de santé et aux autres organismes d'ETS au Canada?

[Traduction]

    Je pense que l'ACMTS les communique bien. Le problème est que l'hôpital est souvent le payeur ou le consommateur quand il s'agit d'appareils. Donc, même si l'ACMTS formule une recommandation et que l'Ontario en fait autant, seulement les hôpitaux qui ont suffisamment de ressources créeront une unité d'ETS. Il y en a une à McGill, et une autre à London, en Ontario. La décision est toujours prise dans la région concernée, et ce n'est malheureusement pas tout le monde qui a les moyens de se le permettre.
    Les recommandations de l'ACMTS sont nécessaires, mais les gens veulent aussi tenir compte des particularités de leur milieu.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur Hoch.
    Je suis désolé, madame Sellah, mais nous n'avons plus de temps.
    Nous passons maintenant à M. Lobb.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Le problème de l'innovation, ou la difficulté de trouver le prochain auteur d'une excellente idée, provient du fait qu'une personne qui va à l'école primaire et à l'école secondaire et qui fait de brillantes études à l'université, par exemple à l'Université de Waterloo avec laquelle elle fait quatre stages coopératifs, se demande ensuite ce qu'elle fera.
    Neuf diplômés sur dix optent pour l'emploi le plus payant. Ils ne choisissent pas l'approche entrepreneuriale qui les ferait vivre pendant encore cinq ans comme un étudiant pour développer leurs brillantes idées. C'est un élément du problème, pas seulement au Canada, mais aussi dans les autres pays développés. J'en suis convaincu.
    Nous devons donc nous demander comment renverser la tendance? Faut-il s'adresser aux ministères de l'Éducation des provinces pour tenter d'inspirer de la fierté aux nouveaux diplômés qui optent pour l'entreprenariat? Que pouvons-nous faire face à ce problème? C'est une question très importante, et il n'y a pas de solution miracle.
    Oui, monsieur Holbrook.
    Merci. J'ai deux courtes réponses à vous donner. Le gouvernement de la Colombie-Britannique m'a déjà posé cette question. J'ai répondu que je ne suis pas certain qu'il soit possible d'enseigner aux gens comment être innovateurs. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une capacité innée et qu'il faut plutôt se demander comment les établissements d'enseignement peuvent reconnaître ceux qui la possèdent; d'où mon commentaire désobligeant par rapport au fait qu'on ne peut pas enseigner à des diplômés en sciences de la santé comment devenir des entrepreneurs.
    Par ailleurs, nous pouvons aussi créer un environnement favorable aux innovateurs, et c'est d'ailleurs ce qui manque le plus aux innovateurs et aux intrapreneurs sociaux. Nous assumons que les innovateurs sont nécessairement des entrepreneurs dans le sens commercial du terme, et nous devrions peut-être nous demander, en particulier dans le secteur des soins de santé du pays, qui relève en grande partie du secteur public, comment nous pouvons récompenser l'infirmier, le technicien de même que le docteur qui a une idée. Les idées ne doivent pas nécessairement provenir de la recherche et développement. Toutes sortes de changements peuvent être apportés aux façons de faire et à la procédure. Je parle de simples changements liés au fonctionnement quotidien d'un hôpital.
    Comment pouvons-nous récompenser ces personnes? Que pouvons-nous faire pour que les gens réfléchissent aux moyens d'innover?
    Nous tentons de régler cette question du point de vue de la modélisation. Comment modéliser les activités entrepreneuriales au sein de ces nouveaux milieux? Dans le domaine des soins de santé, on a beaucoup discuté des intrapreneurs: les personnes qui réalisent des activités entrepreneuriales au sein d'une organisation, que l'on retrouve souvent dans les grandes entreprises, les hôpitaux et les établissements de soins de santé.
    Nous avons remarqué que les personnes sont attirées par les milieux où se tiennent des activités commerciales, où il est plus facile de transposer les idées. Je crois qu'il est très important de créer ce genre d'environnement qui favorise l'innovation. Ces milieux attirent les stagiaires d'été et les étudiants de premier cycle. Nous les voyons arriver en masse puisqu'ils voient une occasion de pouvoir faire une différence, d'aller plus loin et de créer des produits.
    Vous avez parlé des instituts Fraunhofer, dont un est situé à l'Université Western Ontario. Je crois que ce modèle est depuis longtemps la force motrice de l'industrie automobile en Allemagne et a permis au pays d'avoir une longueur d'avance sur presque tous les autres. Un professeur de l'Université de Windsor, cofondateur d'Auto 21, étudie la possibilité de créer un institut canadien de recherche sur l'automobile, qui ressemblerait beaucoup à Fraunhofer et qui favoriserait l'innovation et la recherche au Canada, principalement en Ontario et au Québec.
    Je pense également au rapport que nous voulons faire à la suite de notre étude. Y a-t-il une partie de ce rapport qui devrait recommander l'étude de certaines questions, pour aider les petites et moyennes entreprises, qui n'ont peut-être pas un grand département de recherche et développement bien établi, et leur permettre de travailler avec les universitaires, pour les aider...

  (1650)  

    Il ne vous reste que 30 secondes, monsieur Lobb.
    J'avais presque terminé ma question, alors je crois que cela ira. Est-ce que l'étude devrait donner lieu à des recommandations, ou est-ce qu'il y en a déjà?
    Pour répondre rapidement, les hôpitaux servent probablement eux-mêmes d'institution intermédiaire. La question est donc, comment obtenir un tel bassin de recherche? Comment faire pour que les hôpitaux puissent demander aux universités de faire une recherche sur un sujet, pour ensuite se tourner vers une entité commerciale et lui demander de lui fournir la boîte noire, par exemple, un appareil de dialyse à domicile?
    Merci, monsieur Holbrook.
    La parole est maintenant à M. Morin.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à Mme Lehoux.
    À la troisième diapositive de votre présentation PowerPoint, vous recommandez de mettre sur pied une instance intersectorielle. Savez-vous combien cette initiative pourrait coûter? S'il est question de mettre sur pied de nouveaux programmes ou de nouvelles entités, il va de soi que le gouvernement fédéral voudra savoir ce que ça implique comme coûts.
    Je ne me risquerais pas à avancer un chiffre, mais on dit ailleurs dans la présentation qu'il y a déjà des enveloppes budgétaires importantes destinées à la recherche-développement en santé. J'ai aussi mentionné les enveloppes sur lesquelles le rapport Jenkins s'était concentré. Ces enveloppes sont destinées à de la recherche industrielle. C'est donc l'équivalent. On parle de 6,4 milliards de dollars.
    Je pense qu'il y a des leviers importants au fédéral. Cependant, je ne peux pas préciser combien cela coûterait. Il faudrait faire un peu de recherche pour déterminer quel modèle devrait servir d'exemple. Je peux vous dire, par contre, que le Royaume-Uni est le pays vers lequel nous devrions nous tourner. La façon dont sa politique Health and Wealth se développe est extrêmement intéressante.
    Merci. J'en prends bonne note.
    À la sixième diapositive, vous indiquez qu'il faut miser sur le design pour veiller à l'avenir des systèmes de santé. Or les systèmes de santé sont différents d'une province à l'autre. Ce sont essentiellement les provinces qui vont pouvoir innover sur le terrain, dans leur propre système de santé.
     De quelle façon le fédéral pourrait-il innover? Est-ce en établissant une instance intersectorielle ou en créant autre chose dont vous n'avez pas encore parlé? Par ailleurs, qu'entendez-vous par « miser sur le design »?
    Concernant les systèmes de soins, il faut comprendre que même si chacun est de compétence provinciale, les défis et les besoins sont similaires. En fait, les défis et les besoins ne sont pas ceux du Canada uniquement; ce sont ceux de tous les pays développés. Partout les technologies et le personnel sont coûteux. Partout il est difficile de rejoindre les patients qui se trouvent à l'extérieur des centres urbains. Les défis sont les mêmes. Les défis des systèmes de soins sont ce à quoi il faut rattacher l'innovation.
    Pour ce qui est du design, il s'agit de pouvoir envisager la technologie dans un contexte d'usage réel. Je crois que dans plusieurs cas, on considère le médecin — dans bien des cas, le médecin spécialiste — comme l'utilisateur principal des technologies. Or dans le cas de plusieurs problèmes de santé, dont les maladies chroniques, c'est le patient qui devrait être l'utilisateur principal. On parle donc ici de favoriser l'autonomie du patient, sa capacité d'utiliser de l'équipement convivial. C'est une niche extrêmement importante.
    Merci.
     Vous avez dit dans votre présentation à quel point il était dommage que des compagnies étrangères achètent nos jeunes entreprises qui ont beaucoup de potentiel. Vous n'êtes pas la seule à l'avoir souligné. Au cours d'autres séances du comité qui portaient sur ces questions, plusieurs personnes ont mentionné également qu'il y avait au pays un problème de commercialisation.
     Au Canada, nous avons une loi sur l'investissement, mais elle ne s'applique pas vraiment à cela. En effet, il faut d'abord qu'il s'agisse d'entreprises d'au moins 312 millions de dollars, ce qui n'est probablement pas le cas pour la majorité des jeunes entreprises.
    Pensez-vous qu'on devrait utiliser l'effet dissuasif de cette loi, en y apportant des modifications particulières, ou qu'il serait préférable de se concentrer sur le côté positif de la chose et que le gouvernement fédéral prenne ces entreprises sous son aile, en quelque sorte, et les aide de diverses façons?
    Je ne suis pas une experte pour répondre à cette question. Vous avez peut-être autour de vous des collègues mieux placés que moi pour le faire.
    Dans ce cas, j'aurais une dernière question à vous poser.
    Il me reste une minute?

[Traduction]

    Vous avez une minute.

[Français]

    C'est bien, je fais ça vite.
    Dans votre troisième message, vous parlez de « concevoir et mettre en marché des innovations beaucoup plus ingénieuses que celles actuellement sur le marché ».
    Pesez-vous vraiment vos mots à propos des innovations au Canada? En effet, les nombreux témoins que nous entendons nous disent que nous sommes justement un pays de projets pilotes, mais que nous sommes incapables de partager les meilleures choses. Croyez-vous vraiment que nous ne sommes pas assez ingénieux?

  (1655)  

    Je viens du domaine de la santé publique. J'ai passé beaucoup de temps dans la recherche sur les services, les politiques et l'organisation des soins. Ce qu'on voit, malheureusement, ce sont beaucoup d'innovations qui ne sont pas adaptées au contexte ni aux besoins.
    C'est pourquoi je porte un jugement plus sévère. Je pense que des innovations plus ingénieuses nous permettront de réduire notre dépendance envers les services spécialisés dont le prix ne cesse d'augmenter. C'est ce qu'il faut éviter.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Block.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue. Je suis aussi du même avis qu'eux: il est difficile de concevoir certaines des idées qui nous sont présentées aujourd'hui.
    Une chose est sûre, ce que nous avons entendu aujourd'hui nous pousse à nous demander pourquoi l'innovation est importante, non seulement en santé, mais dans d'autres secteurs également, et pour le pays. Comme vous l'avez énoncé dans l'une de vos diapositives, madame Lehoux, du point de vue économique, les entreprises innovantes devraient contribuer à la création d'emploi et à la vitalité du tissu industriel canadien. Nous savons que l'innovation est importante dans de nombreux domaines.
    On a fait état de nombreux défis aujourd'hui. Monsieur Hoch, vous avez parlé d'une valise. Je crois que pour avoir une plus grande valise, il faut encourager l'investissement privé. Or, monsieur Jaffray, vous avez parlé de votre expérience aux États-Unis et vous n'êtes peut-être pas d'accord avec le principe voulant que l'économie de l'innovation soit un bon rendement sur l'investissement.
    Après toutes ces discussions, je me demande ce que devrait être l'économie de l'innovation.
    Vous pouvez tous répondre à cette question.
    Nous devons examiner les investissements actuels en santé et comprendre qu'il ne s'agit pas seulement d'un service. Ils permettent de déterminer ce qui aidera la population et de financer ces activités en vue de créer un système d'apprentissage dynamique qui favorise l'innovation technologique et pharmaceutique. À cela s'ajoute l'évaluation de la technologie de la santé, qui permet de confirmer l'efficacité du système.
    En ce moment, il faut investir. Personne n'investira dans un véhicule qui n'est pas conçu pour offrir un rendement. Nous devons établir une certaine économie. Elle devra offrir un rendement financier — c'est peut-être un modèle américain. On pourrait mesurer la qualité. On pourrait permettre aux hôpitaux de reporter leur budget. On pourrait stimuler la création et récompenser les inventeurs. Mais nous devons trouver un moyen de passer d'un système de santé axé sur les services à un système qui permet une amélioration constante des soins.
    Il ne faut pas utiliser les fonds affectés à la science fondamentale pour y arriver, puisqu'ils servent à la technologie. Il faudrait un nouveau financement pour l'innovation en matière de soins de santé qui mise sur la capacité du Canada.
    Quelqu'un d'autre veut répondre?
    Veuillez nous excuser de la complexité de nos explications. Pour moi, cela semble très simple. Certaines personnes fabriquent des choses; d'autres les utilisent, et d'autres encore financent leur fabrication. On peut se demander comment obtenir des choses que nous n'avons pas les moyens d'acheter. On peut s'efforcer de faire comprendre aux gens la valeur de ce qu'ils n'ont pas. Ou on peut penser à la façon d'obtenir les fonds nécessaires.
    Les coûts occasionnés pour les uns sont les revenus des autres. Les gens d'affaires n'investissent pas à perte. Si vous avez une idée qui vous permettra de faire de l'argent, quelqu'un d'autre se dit qu'elle devra la payer pour en bénéficier. Il me semble que c'est aussi simple que cela, du point de vue du payeur.
    Il vous reste une minute.
    Nous avons une autre réponse.
    Allez-y.
    J'ai une observation à faire. Lorsqu'on pense à cette économie de l'innovation, on oublie un intervenant, qui joue un rôle assez important dans le domaine de la santé: les fondations privées à but non lucratif. De par leur nature, ces fondations recueillent des fonds de personnes qui ont des intérêts particuliers, ce qui est intéressant. Par exemple, les responsables de la Fondation canadienne du cancer du sein ont commercialisé cette idée. L'argent dont elle dispose a été donné par les Canadiens ordinaires. Elle peut influencer les activités dans le domaine puisque non seulement elle recueille des fonds pour la recherche, mais elle en génère aussi. L'année dernière, environ 800 ou 900 millions de dollars ont été amassés par les organisations privées sans but lucratif du domaine de la santé. Ces montants ont probablement été multipliés deux ou trois fois grâce aux diverses contributions fédérales et provinciales.

  (1700)  

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Kellway.
    Merci, madame la présidente.
    Et merci à vous tous d'être ici aujourd'hui pour partager vos idées avec nous.
    La réunion est bien avancée, et je dois vous avouer que je ne suis pas certain d'avoir tout compris, notamment parce que vous nous avez dit quelque chose que nous n'avions pas encore entendu, c'est-à-dire que nous n'utilisons pas toute la technologie disponible. C'est peut-être une question de définition.
    Monsieur Jaffray, je crois que vous avez dit qu'il y avait, dans le domaine des soins de santé, des technologies à ne plus savoir quoi en faire. Or, ce n'est pas ce qu'on nous a dit jusqu'à présent — et c'est peut-être le préjugé que nous avons. L'autre jour, un spécialiste de la génomique nous a dit que seuls quelques-uns des 20 000 gènes étaient étudiés. Il y a tout un monde à découvrir; mais dans les universités, et dans l'industrie aussi je suppose, tout le monde se concentre sur les mêmes gènes. Vous semblez suggérer aujourd'hui qu'il ne s'agit pas de faire de nouvelles découvertes, mais bien d'adopter ce qui a été découvert, et que nous connaissons.
    Est-ce que j'ai bien compris?
    Oui. Il y a dix ans, l'idée de mettre un ordinateur dans sa valise était absurde. Aujourd'hui, on pourrait y mettre 50 iPad. L'innovation technologique est constante. Il importe de comprendre qu'il y a la science et la découverte, d'une part, et l'innovation en soins de santé, d'autre part. Nous avons dit qu'il fallait encourager les gens à traverser ces frontières, mais c'est un autre problème. Il faut comprendre les enjeux du domaine des soins de santé. Il faut faire intervenir les personnes qui comprennent la conception, de même que les défis et difficultés connexes. Les sociétés viennent nous présenter leurs technologies et nous demandent de les aider à les intégrer dans les soins de santé. Elles ne comprennent pas.
    Nous devons également évaluer cette question. Nous devons transformer le système de santé afin qu'il innove et aille de l'avant. Le monde offre tellement de possibilités. Nous n'avons pas encore trouvé une façon d'intégrer pleinement ces deux marqueurs aux soins de santé, sans parler des milliers d'autres qui pourraient apparaître. C'est un autre problème, et je ne crois pas que nous l'ayons abordé.
    Il y a un deuxième point dont je ne suis pas certain: l'enchaînement des évaluations et l'économie dont vous avez parlé. Encore une fois, nous n'avions pas étudié la question sous cet angle, mais si le système de santé est un lieu d'apprentissage vivant et qu'on y investit des milliards de dollars, il ne faut pas qu'il serve uniquement à offrir des services; il doit aussi favoriser l'innovation et la création. Or, si le système de santé fait également partie de votre processus d'évaluation, ce que vous avez dit clairement, je crois, comment créer l'économie avant l'évaluation?
    C'est comme la question de l'oeuf et de la poule. On en est plutôt au stade de l'oeuf aujourd'hui. Beaucoup de technologies sont offertes sans être évaluées, mais une culture d'évaluation de la technologie en matière de santé se développe, et constituera un élément clé qui permettra d'encadrer l'innovation de manière appropriée.
    Je comprends que vous n'êtes pas nécessairement d'accord avec ce modèle, mais vous avez donné l'exemple d'une économie de 15 p. 100, n'est-ce pas? Comment faites-vous pour déterminer qu'une telle économie sera réalisée avant que les mesures ne soient appliquées dans le système de santé?
     Le modèle que je suggère consiste à appuyer les hôpitaux pour qu'ils mettent sur pied une sorte d'équipe affectée à l'innovation. L'équipe pourrait par exemple proposer de réaliser une économie de 10 p. 100 en appliquant une certaine procédure de telle ou telle façon. La proposition pourrait être soumise à un bureau qui serait chargé d'en faire la présentation. Par exemple: « Nous avons ce plan. Si nous parvenons à l'instaurer, nous pourrons garder les 10 p. 100 économisés et les appliquer à d'autres innovations. Si nous n'y arrivons pas, nous renoncerons aux 10 p. 100. »
    En résumé, vous pourriez proposer une innovation, l'enregistrer et, s'il y a des économies, vous pourriez les garder dans votre budget et les affecter à autre chose. Selon cette dynamique, les hôpitaux deviendront des lieux où l'on recherche l'innovation, car cette dernière générera pour eux des ressources additionnelles qu'ils pourront utiliser pour régler d'autres problèmes.

  (1705)  

    Alors, en pratique, une équipe au sein de l'établissement — appelons-les « les entrepreneurs » ou quelque chose du genre — pourrait dire: « Si vous nous donnez le feu vert, nous pouvons vous faire économiser 15 p. 100 dans ce domaine. »
    Par la suite, à quoi emploient-ils les économies réalisées?
    Ils les utiliseraient pour alléger les pressions financières que subit déjà l'hôpital à maints égards: absence de soutien sur le plan des immobilisations, manque de fonds pour se procurer les équipements dernier cri ou pour remplacer les systèmes qui ne font plus l'affaire.
    Dans les hôpitaux, les questions budgétaires sont toujours un problème.
    Merci, monsieur Jaffray.
    Passons maintenant à M. Brown.
    Merci pour votre témoignage.
    Une des questions que j'ai posées à d'autres spécialistes qui sont venus témoigner sur l'innovation en santé portait sur la réglementation des appareils et produits médicaux. Lorsqu'il s'agit d'établir s'il serait possible de faire mieux au Canada, les opinions divergent. Un médecin nous a dit qu'il serait extrêmement difficile d'améliorer la situation alors que d'autres ont affirmé que cela serait en fait assez facile comparativement à ce qui prévaut aux États-Unis.
    Dans toutes les fonctions que vous avez exercées, avez-vous déjà eu des échanges ou entendu des points de vue sur ce que nous pourrions améliorer, ou sur la façon dont le gouvernement fédéral s'acquitte de son rôle? Une grande partie des soins de santé ne relève pas du gouvernement fédéral, mais c'est de toute évidence le cas de la réglementation sur les appareils médicaux. Les appareils médicaux peuvent assurément devenir des outils pour innover.
    Je peux répondre à une partie de votre question.
    Je pense que le processus de la USFDA est plus rigoureux, plus exigeant. Il s'agit d'un système fondé sur des classes, alors les exigences varieront en fonction du risque associé à chaque technologie. Cela explique peut-être pourquoi il y a tant de points de vue différents.
    La FDA est plus rigoureuse, et la plupart des sociétés vont d'abord en Europe. Il est plus facile de satisfaire au système de marquage CE. C'est une meilleure façon pour les sociétés d'engranger certains revenus d'une éventuelle commercialisation, avant de se présenter à la FDA. La FDA est associée au marché le plus important, et non le Canada, alors, c'est la façon de procéder.
    J'ajouterais que de nombreuses sociétés avec lesquelles nous travaillons présenteront leurs produits à la FDA d'abord, puis à Santé Canada, étant donné les exigences de ce ministère en matière de présentations. Même si nous parvenons à créer une technologie en collaboration avec eux, nous serons les derniers à pouvoir l'utiliser sur les humains, même si nous en sommes les cocréateurs. Ils s'adressent d'abord au CE, puis à la FDA et, finalement, à Santé Canada.
    Cela serait formidable si vous pouviez aplanir cette courbe d'évaluation en faisant en sorte que nos règlements se prêtent mieux à l'adoption sans toutefois lésiner sur la rigueur, mais en améliorant la réponse aux présentations réglementaires. Ainsi, les sociétés pourraient nous présenter leurs technologies tôt dans leurs démarches pour les faire adopter et nous pourrions dès lors amorcer ce cycle d'évaluation. Attendu que nous sommes dans ce milieu, nos innovateurs qui s'emploient à mettre au point de nouvelles technologies deviendraient des partenaires plausibles.
    Par exemple, je sais que nous attendons toujours une confirmation pour une technologie que Santé Canada devait évaluer dans les 70 jours. Le retard accumulé par le ministère dépasse de quelques mois ce délai. En général, nos partenaires de l'industrie nous disent qu'ils aimeraient procéder plus rapidement, mais ils savent qu'il y a des obstacles.
    Il y a place à l'amélioration.
    Je crois que ma question doit être posée à Jeffrey et à David.
    Dans ma circonscription de Barrie, nous avons travaillé un certain temps à la construction d'un centre régional pour le traitement du cancer. Il s'agissait d'un énorme projet échelonné sur une très longue période. Avec Garth Matheson, qui était avec le RVH à l'époque et qui travaille maintenant à Action Cancer Ontario, nous essayions de trouver des façons de... Or, la mise sur pied d'un centre régional pour le traitement du cancer exige l'embauche de beaucoup de personnes à la fois. M. Matheson avait trouvé des chambres radio-protégées mobiles aux États-Unis. Elles n'avaient jamais encore été utilisées au Canada et il a suggéré que nous les utilisions à Barrie. Alors, nous nous en sommes servi pour attirer des médecins, aider la population locale, puis nous avons déménagé à Peterborough.
    C'était une bonne démarche. Mais je sais qu'il a fallu un certain temps pour faire approuver cela au Canada, pour obtenir les approbations requises tant du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial pour être en mesure de nous servir de quelque chose qui n'avait jamais été utilisé au Canada.
    Sommes-nous en train de rater des occasions? Je me souviens avoir pensé que cette technologie était géniale. Elle nous permettait vraiment de créer un centre de traitement du cancer complètement nouveau, ce que nous n'avions jamais eu, et tellement plus efficace. Y a-t-il des choses qui se font ailleurs et qui pourraient nous permettre d'améliorer le système de soins de santé au Canada? Nous avons appris que ces chambres radio-protégées était utilisées couramment dans d'autres pays, mais qu'on ne s'en était jamais servi au Canada.

  (1710)  

    Je pourrais faire des commentaires puisqu'il s'agit là d'un volet particulier de mes compétences, mais je crois que la question ici consistait à savoir si les gens étaient à l'aise avec la perspective d'utiliser une approche de rechange pour ces chambres radio-protégées mobiles. J'aurais cru qu'il aurait été relativement simple d'obtenir les autorisations voulues des organismes de réglementation qui s'occupent de ces dispositifs de protection. Mais je crois que cela soulève un autre aspect intéressant, c'est-à-dire que cela nous fournit un prétexte pour travailler avec nos responsables de la réglementation afin de permettre aux innovations de passer à l'usage. Nous avons eu passablement de succès à cet égard auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. En effet, au cours des quelques dernières années, la commission et nous avons travaillé en collaboration afin de permettre que certaines technologies puissent être utilisées de façon sécuritaire.
    Merci, monsieur Jaffray.
    Passons maintenant à M. Wilks.
    Merci, madame la présidente.
    Je crois que mon collègue, M. Carrie, a des questions qu'il n'a pas eu le temps de poser, alors je vais lui donner le temps qui m'est imparti.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur Wilks.
    Je veux d'abord donner la chance à M. Hoch de terminer ce qu'il avait commencé à nous dire la dernière fois, car je trouve tout à fait surprenante notre façon d'analyser et de tester la validité de certains de ces protocoles. Lorsqu'il y a déjà un médicament, je ne crois pas qu'il soit toujours nécessaire de tester le nouveau médicament par rapport à l'ancien. On ne les teste qu'en fonction de placebos. Le coût d'un nouveau médicament est parfois 10 fois plus élevé que celui de l'ancien. J'aimerais que vous étoffiez votre affirmation selon laquelle nous devrions investir dans la recherche afin d'établir la valeur de ces choses. C'est ma première question.
    L'autre s'adresse à M. Jaffray. Vous avez dit que vous aviez un certain nombre de brevets et de produits commercialisés, et j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous y êtes arrivé? Vous semblez être de ceux pour qui le système fonctionne. Avez-vous des suggestions à faire au gouvernement fédéral, peut-être des recommandations pour nous aider à réduire les tracasseries administratives et permettre à plus d'innovateurs comme vous de passer de l'étape de la conception à celle de la commercialisation, d'obtenir un brevet et de mettre un produit sur le marché?
    Ce sont là mes deux questions. Je devrais me taire pour vous laisser la chance de répondre.
    Merci. Je vais répondre très rapidement afin que nous puissions écouter M. Jaffray nous dire comment avoir du succès en matière d'innovation.
    Pour résumer, disons que ce qu'il vous faut pour satisfaire aux exigences réglementaires est différent de ce qui intéresse ceux qui payent. Alors, lorsqu'il s'agit de la réglementation, vous pouvez utiliser des placebos, vous pouvez avoir de jeunes cobayes en excellente santé. Dans le monde réel, il se peut que les médecins ne soignent pas les malades avec des placebos. Il se peut que les personnes qui tombent malades ne soient pas jeunes et en santé. Il se peut aussi que vous souhaitiez que votre étude dure plus que, disons, six semaines. La preuve requise pour la réglementation n'est pas la même que celle dont nous avons besoin pour les payeurs. Si vous arrivez à exercer suffisamment de pression pour justifier le prix en vous contentant de répondre aux exigences réglementaires, pourquoi colliger tous les autres renseignements que demandent les payeurs?
    J'aimerais parler de cela aussi, madame la présidente. Je vais parler de ce que vous m'avez demandé.
    J'étais physicien et je travaillais dans un hôpital. Les systèmes de radiologie doivent être dirigés par des physiciens. La technologie que nous avons élaborée découlait de l'observation directe d'un problème en clinique et s'arrimait à une connaissance détaillée de ce qui était faisable. Nous pouvions mettre cette technologie au point, mais si cela signifiait qu'il fallait augmenter le temps de traitement de plus de 5 ou 10 minutes, la solution n'était pas financièrement viable. Elle aurait sapé les fondements économiques du traitement du cancer par radiothérapie. Alors, nous devions tenir compte de cela.
    Nous devions avoir une idée des technologies disponibles, et nous devions trouver un partenaire de l'industrie apte à nous aider à faire accepter ces technologies jusqu'au bout du processus, jusqu'au moment où leur mise en marché commence à rapporter. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'une compréhension nette des détails du système de santé était ce qui permettait de faire une synergie des technologies — qui, souvent, existent déjà — et d'obtenir des résultats. Nous avons breveté notre innovation, nous l'avons fait autoriser et ainsi de suite. Elle a en fait été produite au Royaume-Uni, et certaines des composantes sont venues d'un peu partout dans le monde. Dans le contexte de l'économie mondialisée actuelle, il est préférable de travailler avec des multinationales, car elles prennent beaucoup moins de temps que les entreprises en démarrage à mettre quelque chose sur le marché. Nous travaillons beaucoup avec les multinationales, car cela nous permet d'obtenir des résultats plus rapidement.
    S'agissant de l'intervention du gouvernement fédéral, je crois qu'il serait formidable qu'il fasse valoir aux provinces la nécessité d'innover en fonction de la prestation proprement dite des soins et pas seulement à partir d'essais cliniques. Revenons à ce que Jeff disait; parlons de la nécessité d'obtenir des données au-delà de six semaines. Transformons les visites de routine en des mécanismes qui nous permettront de recueillir pendant des mois et des années des données sur les résultats. Cela pourrait être extrêmement utile. Faisons en sorte que le système de santé se serve de la compréhension qu'il a de son fonctionnement interne, qu'il fonde ses innovations sur la prestation des services et qu'il prenne la propriété intellectuelle au sérieux. Nous avons là une chance unique.
    C'est pour cette raison que le changement survenu aux États-Unis me préoccupait. C'est une bonne chose, mais, en 2012, ils ont fait circuler des instructions indiquant: vous devez faire ceci, vous devez nous montrer des résultats concrets et nous vous financerons. Les États-Unis investissent. Ils intègrent les systèmes de TI, ils facilitent la collecte de données. Ils sont en train de transformer leur système de santé pour qu'il s'inscrive dans une économie fondée sur l'innovation. Bien entendu, nous pourrions discuter des motivations, je suis d'accord avec vous, mais la collecte de données reste l'élément fondamental. Nous devons faire cela au Canada.

  (1715)  

    Vouliez-vous commenter brièvement les propos de M. Hoch et nous en dire un peu plus long à ce sujet?
    Oui. J'ai mentionné cela à la fin. Dans le système de santé, la collecte de données sur les résultats a été, pour une large part, un passe-temps pour cliniciens universitaires. Nous devons faire en sorte que cela fasse partie des procédures et fournir les systèmes qui permettront de recueillir ces données. En faisant cela, nous aurons l'un des meilleurs systèmes au monde pour intégrer les technologies, nous pourrons mettre en place le processus d'évaluation des technologies de la santé et nous serons en mesure d'observer les résultats à long terme. En santé, il faut envisager les choses à long terme si l'on veut vraiment prendre la mesure de la valeur créée.
    Nous travaillons sur les dossiers de santé électroniques, est-ce pertinent?
    C'est de la technologie, pas un processus. Nous n'avons pas les problèmes que posent les processus.
    Cela était extrêmement intéressant. Nous pourrions vous inviter à nouveau et en apprendre tellement plus.
    Merci de vous être déplacé. C'est toujours très intéressant de comparer les propos des différents témoins. Vous avez présenté des points de vue nouveaux, et nous vous en sommes très reconnaissants. Tout cela est très stimulant, nous n'avons pas vu le temps passer.
    Je vais suspendre la séance pendant deux minutes, puis nous passerons à une réunion d'affaires à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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