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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la quatrième séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons aujourd'hui notre séance d'information sur la situation en Libye.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins qui ont déjà comparu dans le passé ainsi qu'à ceux qui sont ici pour la première fois. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir.
    Nous accueillons aujourd'hui deux représentants de l'ACDI: Vincent LePape, directeur, Afrique du Nord et Moyen-Orient, ainsi que Leslie Norton, directrice générale, Direction de l'assistance humanitaire internationale.
    Je crois que vous n'avez pas de déclarations préliminaires à faire, mais vous serez ici pour répondre aux questions.
    Nous avons aussi avec nous le lieutenant-colonel Robin Holman, juge-avocat général adjoint délégué, Opérations, ainsi que le brigadier-général Craig King, directeur général, Opérations, État-major interarmées stratégique.
    Soyez les bienvenus. Je crois que vous n'avez pas de déclarations préliminaires à faire, mais vous pourrez répondre aux questions. Merci beaucoup.
    Nous accueillons également Marie Gervais-Vidricaire — j'essaie d'améliorer ma prononciation en français —, directrice générale, Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, ministère des Affaires étrangères. Merci de votre présence.
    Et enfin, nous avons un dernier témoin, qui est Mme Martin. C'est vous qui allez faire la déclaration préliminaire d'aujourd'hui.
    Je pense que vous connaissez tous le fonctionnement du comité. Après la déclaration préliminaire, les membres du comité pourront poser des questions. Encore une fois, je vous remercie tous d'être ici et de prendre le temps de nous informer sur la situation en Libye.
    Sans plus tarder, je vous cède la parole, madame Martin, pour votre déclaration.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est vraiment un grand plaisir pour moi de vous rencontrer aujourd'hui dans le contexte d'une Libye qui a beaucoup changé ces dernières semaines. La plupart des Libyens, y compris les habitants de Tripoli, ont été libérés du contrôle du régime Kadhafi.
    Malgré cette évolution positive, il y a encore des civils en danger dans quelques villes où les forces pro-Kadhafi résistent avec acharnement à la fin du régime. Le combat se poursuit toujours près de Syrte et de Bani Walid, où les forces pro-Kadhafi offrent de la résistance.
    Par conséquent, le 21 septembre dernier, l'OTAN a pris la décision de prolonger sa mission, l'opération Protecteur unifié, pour 90 jours au-delà de la date butoir du 27 septembre. Les membres du Parlement, la semaine dernière, ont voté en très grande majorité en faveur du maintien du rôle prépondérant du Canada dans la protection des civils libyens et dans l'aide à la transition de la Libye vers une ère après-Kadhafi.

[Français]

    Alors que les forces loyalistes se retiraient au cours de l'été, le Canada a réagi rapidement en prenant un certain nombre de mesures visant à appuyer la nouvelle Libye.
    Le 25 août, le Canada a accrédité le nouveau chargé d'affaires de la Libye désigné par le Conseil national de transition — le CNT — et s'est aussi engagé à interagir avec le CNT comme gouvernement libyen jusqu'à ce qu'un gouvernement élu assume le pouvoir.
    Le 1er septembre, le premier ministre Harper a participé à la conférence des amis de la Libye, à Paris, où il a rencontré le président du comité exécutif du CNT, Mahmoud Jibril. Il l'a directement informé de la levée des mesures unilatérales imposées par le Canada contre le gouvernement libyen dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

[Traduction]

    Parallèlement, le Canada a demandé l'approbation des Nations Unies afin de permettre aux autorités libyennes d'avoir accès aux fonds gelés dans le cadre des résolutions 1970 et 1973 de l'ONU. Après avoir reçu les autorisations nécessaires du Comité des sanctions des Nations Unies, le ministre Baird a annoncé le 13 septembre que le Canada procédait au dégel de tous les actifs libyens détenus au Canada et dans des établissements canadiens, évalués à près de 2,2 milliards de dollars.
    Le dégel est un processus compliqué, parce que les fonds sont détenus dans des succursales de banques canadiennes au Royaume-Uni et sont libellés en dollars américains. Toutefois, les mesures nécessaires pour débloquer les fonds sont en grande partie terminées, et nous sommes en discussion avec le Conseil national de transition pour savoir où il souhaite diriger ces fonds.
    Tout récemment, soit le 20 septembre, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont participé à une réunion de haut niveau à New York. Cette réunion portait sur la Libye et était organisée par le Secrétaire général des Nations Unies pour coordonner l'aide internationale dans le cadre de la transition pilotée par la Libye. À cette occasion, le ministre Baird a rencontré M. Jabril à nouveau pour discuter de la participation du Canada.
    Comme vous le savez peut-être, le 16 septembre dernier, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2009, qui prévoit la mission d'appui des Nations Unies en Libye sous la direction de M. Ian Martin, représentant spécial du Secrétaire général, pour une période initiale de trois mois, afin d'appuyer les efforts libyens pour rétablir la sécurité et l'ordre public et promouvoir la primauté du droit, entre autres objectifs.
    Il a également allégé les restrictions imposées par les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que l'embargo sur les armes afin de permettre l'importation d'articles destinés à fournir une aide aux autorités libyennes relativement à la sécurité et au désarmement, ainsi que des armes légères pour l'utilisation du personnel de l'ONU, des médias et des spécialistes du développement.

  (0855)  

[Français]

    En ce moment, nous étudions les moyens de soutenir la transition de la Libye par une assistance de stabilisation ciblée. Des consultations sont en cours avec l'ONU et avec le CNT pour s'assurer que la contribution du Canada sera coordonnée avec celle des partenaires internationaux et répondra à des besoins ciblés par les Libyens eux-mêmes. Le Canada organisera son appui et son assistance en ce sens dans le cadre convenu avec le CNT.
     Nous avons cerné quatre domaines pour lesquels nous croyons pouvoir bénéficier d'une valeur ajoutée importante. Nous procéderons à développer cette programmation: premièrement, la bonne gouvernance et le renforcement des institutions; deuxièmement, la sécurité et la primauté du droit; troisièmement, le développement économique; et quatrièmement, les droits de la personne et le rôle des femmes.

[Traduction]

    L'ONU dirigera une série de sept missions après-conflit visant l'évaluation des besoins, et le Canada a exprimé un intérêt à participer à un certain nombre d'entre elles, notamment celles portant sur la sécurité publique et la primauté du droit, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants et, éventuellement, les besoins électoraux et constitutionnels.
    Outre le soutien à la Libye et la mise en application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Canada vise également le retour des services complets aux Canadiens en Libye par l'entremise de notre ambassade à Tripoli, y compris une aide aux entreprises canadiennes. À la suite d'une mission d'évaluation dirigée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et le ministère de la Défense nationale, le 13 septembre dernier, le ministre Baird annonçait que le Canada avait rétabli sa présence diplomatique en Libye, six mois et demi après avoir évacué tout le personnel et suspendu ses activités. Nous avons déployé une équipe réduite pour assurer la liaison avec le CNT et préparer la voie pour l'arrivée d'autres employés.
    À l'heure actuelle, l'ambassade continue ses activités dans des locaux temporaires en attendant la fin des travaux de réparation de la chancellerie. Bien qu'il n'y ait eu aucun dommage à la chancellerie, certains travaux et des mesures de sécurité étaient nécessaires pour la reprise des activités à cet endroit.
    L'ambassadrice du Canada en Libye, Sandra McCardell, que vous avez déjà rencontrée, je crois, est retournée à Tripoli. Dès qu'un niveau de sécurité adéquat sera atteint, l'ambassade pourra reprendre ses activités dans le but de fournir des services aux Canadiens.
    Vu le rôle du Canada dans la libération de la Libye et la nécessité actuellement dans ce pays de redresser l'économie et de rebâtir les institutions de gouvernance pour la nouvelle Libye démocratique, l'effectif de notre ambassade sera augmenté, du moins dans l'immédiat, afin d'accroître notre capacité d'analyse politique, d'engagement avec le CNT et de promotion des intérêts commerciaux canadiens.
    Des représentants du Canada sont déjà en contact régulier avec des sociétés qui exerçaient auparavant des activités en Libye ou qui ont manifesté un intérêt en ce sens afin de discuter de la façon dont le gouvernement du Canada pourrait mieux servir leurs intérêts.

[Français]

    L'équipe de notre ambassade à Tripoli a constaté d'importants changements sur le terrain. Les embouteillages sont de retour à Tripoli, un double signe que les biens de première nécessité, comme le carburant, sont maintenant disponibles et que les gens se sentent assez en confiance pour sortir de leur domicile. L'atmosphère générale est presque festive, avec le drapeau de la nouvelle Libye flottant bien en vue partout dans la ville. Les enfants comme les adultes arborent un tee-shirt et un casque à rayures rouge, noir et vert. En dehors de certaines zones où se déroulaient des combats violents, comme à Misrata, la majeure partie des infrastructures est intacte.

  (0900)  

[Traduction]

    À Tripoli, la précision des frappes de l'OTAN au cours des derniers mois était évidente; certains bâtiments administratifs ont été endommagés, mais guère plus. La Libye n'est pas un pays pauvre: sa richesse pétrolière lui sera d'une grande aide dans sa reconstruction. Bien qu'il y ait eu des dommages aux installations pétrolières, les réparations sont déjà commencées et la production est rétablie. Il faudra environ une année pour que la production reprenne son rythme d'avant la révolution.
    Malgré ces signes très encourageants, de véritables défis se profilent à l'horizon. Bon nombre des appels lancés avant le conflit afin d'améliorer la qualité de vie se font toujours entendre. La population réclame une meilleure éducation, de meilleurs services médicaux et de meilleures perspectives d'emploi. Les attentes quant à une amélioration rapide après quatre décennies de stagnation augmentent rapidement.
    Le CNT, qui a accompli un bon travail jusqu'à présent en maintenant l'ordre, est toujours en voie de rétablir les forces de sécurité et de désaffecter diverses milices qui avaient entrepris le combat pour libérer la Libye. Il se retrouve également avec la tâche difficile d'établir un gouvernement intérimaire. Bien qu'il ait souhaité réaliser ces objectifs le mois dernier, il s'est avéré que ce but était plus difficile que prévu. Puisque la Libye est maintenant libérée et que l'on a l'objectif commun de débarrasser le pays de Kadhafi, le CNT doit favoriser la cohésion parmi les personnes ayant des opinions politiques distinctes et tenir compte des ambitions personnelles.
    Des efforts continus ont été déployés pour étendre la composition du Conseil exécutif afin de le rendre plus représentatif et inclusif. Toutefois, à ce jour, un accord s'est révélé problématique. Hier, le président du CNT a annoncé que son cabinet avait été formé, mais c'était principalement pour confirmer la présence de la plupart des personnes qui faisaient partie du cabinet précédent.
    Selon des reportages locaux et des entretiens avec Mustafa Abdel-Jalil, président actuel du CNT, la formation du nouveau cabinet sera désormais reportée jusqu'à ce que la victoire soit déclarée. Cette victoire sera fort probablement déclarée après la prise de Syrte et de Bani Walid. À ce moment-là, le gouvernement temporaire actuel, c'est-à-dire le cabinet qui a été confirmé hier, sera dissous et un nouveau gouvernement de transition sera formé dans un délai d'un mois.
    Lors de récents entretiens, M. Jalil a mentionné qu'à ce stade, il est plus important d'avoir un cabinet compétent qui peut rapidement ramener le pays à la normale. Un gouvernement représentatif sera formé après la tenue d'élections. Puisqu'il est le chef actuel qui semble avoir l'autorité morale et les capacités de leadership que la plupart des Libyens semblent accepter, sa voix est probablement l'indice le plus éloquent de ce à quoi ressemblera le paysage politique dans l'avenir.

[Français]

    Parmi les autres défis à l'horizon, il y a premièrement celui d'assurer le respect des droits de la personne et la primauté du droit, dans un pays qui a une mince expérience de la démocratie. Deuxièmement, il y a celui de réconcilier divers groupes et de prévenir les représailles, de sorte que tous puissent avoir leur part dans l'avenir de la nouvelle Libye. Et troisièmement, il y a celui de prendre le contrôle de plusieurs milliers d'armes qui circulent maintenant dans le pays et des jeunes hommes qui les transportent.
    Bien sûr, il y a aussi Kadhafi qui demeure au large avec un degré d'influence inconnu. Il s'agit de graves obstacles à surmonter. Les mesures prises pour relever ces défis établiront l'histoire du pays pour les mois et les années à venir.

[Traduction]

    Pour conclure, je tiens à partager avec vous la cote d'estime dont jouit le Canada en Libye à la suite de notre action décisive au sein de la mission de l'OTAN. Le président du CNT, Mustafa Abdel-Jalil, a remercié expressément le Canada de son aide au cours de sa première allocution publique depuis son retour à Tripoli. Vu l'appui quasi-unanime du Parlement à la participation continue du Canada à l'opération Protecteur unifié, le Canada continuera à jouer un rôle clé dans la protection des civils en Libye pendant que le peuple libyen s'occupera de reconstruire son nouveau pays.
    L'équipe et moi répondrons à vos questions avec plaisir.

  (0905)  

    Merci beaucoup, madame Martin.
    Nous allons commencer par le NPD.
    Madame Laverdière.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie Mme Martin de sa présentation, et vous tous d'être présents ce matin.
    Ma première question porte sur les activités militaires. J'aimerais beaucoup entendre le brigadier-général King nous expliquer un peu plus en détail les activités qui sont entreprises par l'OTAN en ce moment.
     En guise de préambule, on sait par exemple que les Libyens se retiennent eux-mêmes d'attaquer Syrte, parce qu'il y a encore beaucoup de civils à l'intérieur de la ville. On est à un point où les forces de résistance sont vraiment en milieu urbain. Il y a eu aussi de brefs rapports dans certains journaux disant que des civils auraient été tués par les forces de l'OTAN, à Syrte en particulier.
    J'aimerais donc qu'on nous explique un peu mieux les activités qui sont entreprises par l'OTAN en ce moment sur le terrain.
    Merci beaucoup, madame. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais répondre dans ma langue maternelle.

[Traduction]

    Je vous remercie. C'est une bonne question.
    Nous surveillons actuellement la situation de près à Syrte. Cette ville représente un bastion clé pour les forces pro-régime. Le fait qu'il s'agit également de la ville natale du colonel Kadhafi y ajoute un certain symbolisme.
    Les activités de l'OTAN se poursuivent. Nous continuons à mener nos opérations conformément à la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, et plus récemment la résolution de 2009. Toutes les activités entreprises par l'OTAN et les Forces canadiennes pour appuyer la mission de l'OTAN visent à protéger les civils. Par conséquent, le niveau d'activités militaires a été adapté à la situation qui règne autour de Syrte.
    Vous avez tout à fait raison de souligner qu'il s'agit d'un milieu urbain; il y est extrêmement difficile pour les pilotes de distinguer les cibles. On redouble donc de prudence pour éviter les situations que vous avez décrites.
    En ce qui concerne la situation sur le terrain, il y a eu une gestion de la campagne aérienne de l'OTAN, et elle a été atténuée. Elle a donc été évaluée de façon appropriée pour s'assurer que tout ce que fait l'OTAN là-bas est en appui du mandat.
    Je peux vous dire que la situation est surveillée de près, et que la force utilisée par l'OTAN et les Forces canadiennes est en appui du mandat sous lequel nous opérons depuis le début. Mais vous avez raison, c'est un milieu beaucoup plus difficile pour les opérations.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Y a-t-il encore des bombardements à Bani Walid et à Syrte? Y a-t-il des bombardements autour de Syrte, mais aussi à l'intérieur de la ville?
    Merci.
    La situation est gérée par le commandant sur le terrain. Là où sont les poches de résistance — à Bani Walid et à Syrte — et là où les populations civiles ont été menacées, une force a été utilisée.
    Le commandant utilisera la force appropriée à la situation sur le terrain, alors cela change constamment. Vous pouvez comprendre que les combats, à l'heure actuelle, sont de nature assez changeante. Je peux vous dire qu'une force a été utilisée à proximité de Syrte et de Bani Walid, mais en ce qui concerne les poches de résistance dans cette ville — et nous parlons de deux poches de résistance majeures à Syrte —, le rapport que j'ai lu ce matin indiquait que la poche de résistance la plus au sud était aux mains des forces anti-Kadhafi. Là où cela s'est produit, on ne déploiera donc probablement pas autant d'efforts.
    Il y a toujours une application de la force, mais je dois vous dire que cela varie fréquemment, étant donné le caractère fluide de la situation sur le terrain.

  (0910)  

[Français]

    Merci beaucoup. Je sais qu'il ne me reste que quelques minutes, mais on pourra y revenir.
     Je comprends qu'il y aura une mission pour évaluer les besoins sur le terrain pour la reconstruction de la Libye. J'aimerais quand même que Mme Gervais-Vidricaire nous donne les grandes lignes de ce que le Canada peut apporter, en particulier dans cette situation.
    En effet, il y aura plusieurs missions d'évaluation des besoins. La communauté internationale s'est entendue pour que ces missions soient coordonnées en grande partie par les Nations Unies. Il y en a plusieurs. En fait, il y en a dix, dont sept sont coordonnées par les Nations Unies.
    Comme on l'a dit précédemment, les Nations Unies ont ouvert un bureau à Tripoli. Toutefois, on dit que trouver les bons interlocuteurs constitue un véritable défi pour les gens sur place, parce que l'établissement de leurs besoins doit évidemment se faire en coordination et en consultation très étroite avec les Libyens eux-mêmes.
    Compte tenu de la situation qui existait jusqu'à hier, où on a confirmé à nouveau le cabinet, il était apparemment très difficile de trouver les bons interlocuteurs. On espère que la situation va s'améliorer.
    Le Canada espère faire partie de certaines de ces missions d'évaluation des besoins. Nous avons exprimé un intérêt plus particulier pour la mission qui va s'occuper des questions de sécurité publique et de la primauté du droit — ce qu'on appelle en anglais la rule of law —, mais aussi des questions de désarmement, de démobilisation et de réintégration.
    En fait, notre Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction — ou START en anglais — enverra, dès la semaine prochaine, un agent qui sera sur place et qui fera la liaison avec le bureau des Nations Unies et les autres partenaires sur place. Je pense que cela va être très utile.
    On avait espéré que ces missions d'évaluation allaient présenter leurs conclusions vers la fin de septembre ou le début d'octobre. Toutefois, je pense qu'on aura besoin d'un peu plus de temps.
    Par contre, des besoins qui semblent déjà assez évidents ont été cernés par les Libyens, notamment en ce qui concerne le déminage ou comment on s'occupe de ces bombes qui n'ont pas explosé et de ces munitions qui restent une menace.
    Les services de déminage des Nations Unies sont saisis de cette question. Étant donné que c'est un besoin très urgent, on est en train de regarder ça de près, parce que c'est peut-être quelque chose qu'on pourrait faire relativement rapidement.
    Dans l'ensemble, je pense que la règle qui s'applique est de favoriser la coordination avec la communauté internationale par l'entremise des Nations Unies et la collaboration étroite avec les Libyens. Tant qu'ils n'auront pas déterminé clairement ce qu'ils aimeraient que la communauté internationale fasse, on devra être patient.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Brown. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup d'être ici ce matin. Je pense que c'est le moment idéal pour nous de vous entendre.
    J'aimerais maintenant parler de l'ACDI, car je crois que c'est une partie importante des activités du Canada là-bas. Le Canada a réagi aussitôt qu'il a eu connaissance des bouleversements; nous sommes intervenus sur-le-champ. J'aimerais que vous nous donniez un petit aperçu de la manière dont nous sommes intervenus là-bas. Quels sont les besoins actuels? Le Canada aura-t-il la possibilité de poursuivre son aide à l'avenir?
    Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens de la Croix-Rouge, comme vous le savez, et nous avons discuté de cette question. Ils m'ont parlé de certaines de leurs activités, mais j'aimerais que vous nous parliez des partenaires avec lesquels nous collaborons et de l'efficacité sur le terrain.
    Je vais vous laisser la parole, car je suis certaine que vous pouvez nous fournir beaucoup d'informations.

  (0915)  

    Si vous le permettez, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue du programme bilatéral, mais je commencerai par dire que je pense que beaucoup d'entre nous sont conscients que beaucoup de régions de la Libye touchées par le conflit sont très stables actuellement. Sur le plan humanitaire, la Libye est en voie de se stabiliser, et beaucoup de nos partenaires humanitaires commencent à penser mettre un terme à leurs activités d'intervention humanitaire et à se tourner vers la reconstruction ou le redressement rapide et la reconstruction. C'est la première étape.
    Le Canada était sur place pendant l'étape de l'intervention humanitaire et il a été un des premiers pays donateurs à répondre aux appels lancés par l'ONU et la Croix-Rouge. Nous avons répondu avec une aide de l'ordre de 10,6 millions de dollars. Parmi nos partenaires, il y avait les divers partenaires de l'ONU, du Programme alimentaire mondial à l'UNHCR — le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — et l'IOM, de même que le Comité international de la Croix-Rouge, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et la Société canadienne de la Croix-Rouge.
    Comme nous le savons tous, au début du conflit, beaucoup de personnes se sont déplacées. Il y a eu une grande migration, beaucoup de personnes déplacées tant au sein du pays qu'à l'extérieur du pays. Les personnes qui ont quitté le pays ont été prises en charge principalement par l'UNHCR et l'IOM. Beaucoup de ressortissants des pays tiers ont été renvoyés dans leur pays d'origine.
    Actuellement, à l'échelle du pays, il y a encore beaucoup de personnes déplacées. On estime que le total se situe entre 100 000 et 150 000. Cela m'amène à vous parler de Bani Walid et de Syrte. Uniquement à Bani Walid, on estime qu'il y a environ 40 000 personnes déplacées. Nous avons les rapports du CICR de la fin de semaine. Les gens du CICR avaient réussi à entrer dans Syrte pour y mener une première mission et, d'après ce qu'on peut déduire des reportages des médias — qui nous concernent tous, je pense —, ils ont tenté d'y retourner une deuxième fois pour y faire une évaluation. Cependant, ils n'ont pu le faire en raison de la violence.
    Ils avaient visité l'hôpital pour y évaluer les besoins, et ils ont constaté, évidemment, qu'on avait besoin d'oxygène et de carburant. Beaucoup de personnes ont été touchées par l'actuel siège de la ville et les besoins en matière d'aide médicale sont criants. Nous croyons comprendre que des milliers de civils fuient la ville de Syrte. Nous avons aussi cru comprendre que l'ONU essaie de préparer... Accumuler des stocks n'est peut-être pas la bonne expression, mais on tente d'acheminer de l'aide dans la ville et dans les environs en prévision du déplacement des personnes à l'extérieur de la ville.
    Voilà donc la situation actuelle. Le reste des besoins humanitaires concernent des zones très précises et les partenaires que l'ACDI a financés sont sur place et poursuivent leur intervention de façon très active. Il s'agit principalement du CICR, qui est présent à Syrte et à Bani Walid, mais je crois comprendre que l'UNICEF a distribué de l'eau aux personnes qui ont fui Bani Walid.
    Puisque la situation sur le plan humanitaire se stabilise dans l'ensemble du pays, il y aura une certaine diminution de l'intervention humanitaire tandis que les mesures de redressement rapide et de reconstruction commenceront à prendre de l'ampleur.
    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Vincent LePape, qui vous parlera du rôle de l'ACDI à plus long terme.
    À ce jour, nous n'avons pas de programme bilatéral en Libye et l'ACDI n'a financé aucun projet d'aide au développement. Comme ma collègue l'a mentionné, le soutien de l'ACDI s'étendait seulement à l'aide humanitaire.
    Pour ce qui est de l'avenir, nous attendons les résultats de l'évaluation de l'équipe de stabilisation de la Libye — toutes les évaluations dont mes collègues ont parlé — pour savoir quels seront les besoins, parce qu'en ce moment, cela demeure très nébuleux. Donc, le MAECI participe à l'évaluation et l'ACDI suit le dossier de près. En ce moment, nous attendons le résultat de l'évaluation.
    Merci.

  (0920)  

    Pouvez-vous nous donner une idée de la capacité de la Libye de s'approvisionner elle-même en aliments? La Libye était-elle autosuffisante dans le passé? Le pays a beaucoup de ressources. Puisque nous nous apprêtons à lui redonner accès à son argent en dégelant tous ses actifs, la Libye aura son propre financement, mais quelle est sa capacité de produire ses propres aliments, ou sa propre chaîne de production alimentaire? Savons-nous combien de temps il faudra au pays pour rétablir ces relations — si elles ont été interrompues — ou pour recommencer à produire leurs propres aliments?
    Merci d'avoir posé la question.
    En réalité, la Libye est un pays relativement riche qui ne dépend pas de l'aide au développement. En conséquence, je pense que ce sont les Libyens eux-mêmes qui financeront sa reconstruction et décideront de son avenir. Il y a divers rapports sur le moment où la Libye pourra revenir à un niveau de production qui lui permettra de tirer des revenus du pétrole, par exemple, mais il y aura une période de stabilisation et le pays pourrait avoir besoin d'aide pendant un certain temps. À long terme, cependant, il est évident que le peuple libyen pourra compter sur ses propres ressources.
    Si vous le permettez, j'ajouterais simplement qu'en ce moment, le plan de l'ONU indique que l'insécurité est l'une des difficultés actuelles; donc, en fait, vous avez mis le doigt en plein sur le problème. Historiquement, je pense que la Libye a été un importateur de produits alimentaires et sa richesse en ressources lui a permis de gérer elle-même ses problèmes en matière de sécurité alimentaire. La question de la production est une chose, mais la question réside vraiment dans sa capacité d'avoir les ressources qui lui permettent de continuer d'importer des aliments à l'avenir.
    Merci.
    Monsieur Eyking.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir présenté cet exposé.
    Ma question porte davantage sur les institutions démocratiques du pays et sur l'aide que nous pourrons apporter aux Libyens pendant le processus.
    Il y a environ 20 ans, après la chute du rideau de fer, à Berlin, les anciens pays du Bloc de l'Est qui avaient été sous le régime communiste ont dû apprendre comment traverser ce processus. Donc, ils ont reçu beaucoup d'aide, non seulement de l'Union européenne, mais de nous aussi, à tous les chapitres: la formation, les élections, la gouvernance, les systèmes judiciaires, les restrictions militaires, tout.
    À l'occasion de l'inauguration de la bourse, j'ai visité la Pologne, et on m'a dit qu'on s'était inspiré de ce que fait le Canada et qu'on faisait la même chose. On s'est inspiré de notre Constitution, de notre Charte des droits. Je constate que la même chose se produit avec le CNT.
    Je suppose que ma question est la suivante: quelle est notre stratégie? Le Canada va-t-il collaborer avec d'autres pays, comme ce fut le cas pour les pays du Bloc de l'Est? On pourrait penser que ce sera plus facile, puisque cela ne concerne qu'un pays, mais je pense que ce sera probablement plus complexe en raison de l'organisation du pays, particulièrement en ce qui a trait aux militaires. Donc, de façon plus détaillée, quelle est notre stratégie? Allons-nous aller là-bas, traiter avec eux et leur montrer la voie à suivre? Allons-nous faire venir des Libyens au Canada pour les renseigner sur l'ensemble du processus institutionnel pour la réforme démocratique?
    Je pourrais commencer à répondre à votre question, puis je vais céder la parole à Mme Gervais-Vidricaire, qui pourra ajouter les détails.
    Contrairement aux pays de l'Est, la Libye n'était pas une société fermée, et beaucoup de Libyens qui sont retournés pour participer à la révolution ont une grande expérience dans les pays occidentaux. M. Jalil lui-même est un avocat qui a une grande expérience du monde occidental. Donc, dans le pays en soi, on ne manque pas autant d'expérience.
    Cela dit, la reconstitution des institutions démocratiques et, aussi, celle des institutions économiques — c'est-à-dire d'un modèle économique plus ouvert, un marché qui n'est pas sous le contrôle du régime de Kadhafi et de ses associés, mais qui fonctionne plutôt selon le principe de l'économie de marché — sont des éléments pour lesquels la Libye aura besoin d'aide et de conseils techniques spécialisés. Il s'agit d'un des quatre aspects prioritaires pour lesquels le Canada — en fonction de son expérience en Europe de l'Est, mais aussi dans d'autres pays qui ont entrepris une importante transition — a déterminé qu'il pourrait fournir une certaine aide.

  (0925)  

    En effet; pour compléter ce qui a été dit, il est certain que la démocratisation sera tout un défi, et nous pourrons certainement y contribuer de façon positive.
    Une des missions d'évaluation des Nations Unies portera sur les processus électoral et constitutionnel; nous verrons donc quels seront les besoins. Je pense que l'objectif de la mission d'évaluation est d'organiser, à un certain degré, la répartition de tâches, pour que les pays qui désirent jouer un rôle positif, comme le Canada, puissent participer tout en évitant les chevauchements inutiles.
    Évidemment, il convient de souligner qu'au gouvernement, nous voulons jouer un rôle et nous voulons faire les choses correctement. Je sais pertinemment que des ONG canadiennes — et je pense à Droits et Démocratie — se sont déjà montrées intéressées. Bien entendu, ces organismes ont beaucoup d'expérience dans les domaines de la démocratie, la démocratisation, les processus électoraux, etc. Plusieurs intervenants y participeront. Il est important que les gouvernements jouent un rôle à cet égard, mais le rôle des ONG de la société civile est très important aussi.
    En ce moment, il nous est difficile de vous dire précisément ce que nous ferons, parce que nous n'avons pas les résultats de la mission d'évaluation.
    Il faut plus d'une personne pour faire avancer les choses. Vous parlez d'un chef de file, mais ce que vous voulez, en réalité, c'est que l'ensemble de la population...
    Avez-vous une idée du genre de système qui devrait être mis en place? Serait-ce un régime parlementaire? Un régime semblable à celui des États-Unis? Y a-t-il des discussions sur ce qu'on va mettre en place? Je suis certain qu'en ce moment, il n'y a pas trop de députés et de choses du genre dans les parages. Donc, quel genre de système devrait-on instaurer?
    L'été dernier, le Conseil national de transition a publié l'ébauche d'une déclaration constitutionnelle, dans laquelle on définit certains éléments d'un cadre constitutionnel. On envisage l'Instauration d'un régime présidentiel multipartite. La composition exacte de leur parlement ou de leur congrès — peu importe le nom qu'on lui donnera — n'a pas encore été établie. Lorsqu'il aura été nommé, une des fonctions essentielles du gouvernement de transition sera de mettre sur pied une commission constitutionnelle qui déterminera ensuite avec précision de quelle façon le peuple libyen veut se gouverner à l'avenir.
    Ce sera un important débat en Libye. On devra concilier des points de vue divergents. Il faudra aussi concilier et prendre en compte les différences régionales. La révolution a commencé à Benghazi, qui est dans l'ouest du pays, et s'est déplacée vers Tripoli, dans l'est, la région la plus peuplée du pays. Ceux qui ont amorcé le mouvement ne sont pas représentatifs de l'ensemble de la population du pays. On devra donc entreprendre un important processus de réconciliation. Je pense que cela s'est reflété dans les difficultés rencontrées par rapport à la nomination d'un cabinet intérimaire, et c'est pourquoi on a reporté l'exercice pour permettre la tenue, en coulisse, de discussions sur la marche à suivre.
    Vous savez ce qui s'est produit au Yémen, où il y a un régime parlementaire. Or, il y a deux factions qui ne semblent tout simplement pas... Cela pourrait se produire en Libye aussi.
    Mon temps est écoulé? Merci.
    Merci.
    Voilà qui met un terme au premier tour. Nous passons à la deuxième série de questions. Chaque intervenant aura cinq minutes.
    Nous allons commencer avec M. Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, messieurs, merci de comparaître aujourd'hui.
    Si vous le permettez, j'aimerais commencer par Mme Martin et parler simplement d'un reportage diffusé en fin de semaine dernière sur un avion de Turkish Airlines qui s'est posé à Tripoli, qui indique la reprise des vols commerciaux vers Tripoli. Je me demande si vous pouvez nous mettre à jour sur les avis aux voyageurs du Canada à l'intention des citoyens canadiens qui pourraient vouloir se rendre en Libye.

  (0930)  

    Nous avons aussi remarqué le signal envoyé par le vol de Turkish Airlines. En effet, le transporteur aérien a annoncé la reprise de son service vers la Libye. En réalité, on a affiché un grand nombre de vols, dont la majorité a finalement été annulée. Le fait qu'on ait pu envoyer un avion est bon signe. Cependant, dans une conversation que j'ai eue hier avec les gens qui sont sur le terrain, on m'indique qu'en général, on considère que les aéroports ne sont pas encore sécuritaires pour les vols commerciaux. On s'emploie activement à corriger la situation.
    L'autre facteur qui est plutôt pertinent, c'est que pour les personnes qui doivent se rendre en Libye, les conditions de sécurité varient d'un endroit et d'une région à l'autre. Ce qui est vrai à certains endroits ne l'est pas nécessairement ailleurs. Il y a environ une semaine, nous avons révisé notre avis aux voyageurs. Auparavant, l'avis était que les Canadiens devraient éviter tout séjour en Libye et qu'ils devraient en sortir si possible. L'avis révisé recommande d'éviter de se rendre en Libye, à l'exception de Tripoli et de la région de Benghazi, où nous conseillons d'éviter tout voyage non essentiel. Il s'agit d'un léger assouplissement des restrictions de voyage, et cela s'explique par la stabilité croissante à Tripoli et dans la région de Benghazi. Cela correspond à ce que plusieurs de nos principaux alliés font et recommandent à leurs citoyens.
    Je vous remercie de cette mise à jour.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné quatre domaines dans lesquels le Canada pourrait aider la Libye. Deux d'entre eux sont la sécurité et la primauté du droit; les droits de la personne et le rôle des femmes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus par rapport à ces domaines? Quel genre de programmes qui seraient bénéfiques pour la Libye pouvons-nous offrir?
    Encore une fois, nous verrons bien quels sont les besoins précis. Par exemple, s'il y a des besoins sur le plan de la formation de policiers, l'Arrangement sur la police civile au Canada nous permet de déployer des policiers. Nous pourrions le faire en Libye, au besoin. Ce serait une aide très concrète et très pratique. En collaboration avec l'ONU et nos partenaires, nous déterminerons ce qui doit être fait et qui est le mieux placé pour le faire.
    Pour ce qui est des droits de la personne et du rôle des femmes, que prévoyez-vous?
    Ce serait le renforcement des capacités et la consolidation ou la création des institutions qui peuvent aider à protéger les droits de la personne. La formation des médias, à un moment ou à un autre, sera importante, surtout avant qu'il y ait des élections. Il y a un certain nombre de questions pour lesquelles le renforcement des capacités et la formation seraient les moyens à prendre.
    Merci.
    Lors de notre dernière séance sur la mission en Libye, il a été question du rôle joué par d'autres pays de la région dans la transition. Madame Martin, pourriez-vous faire le point sur la contribution des pays voisins à la situation en Libye?
    Merci.
    Bien entendu, la région vit présentement une période de transition majeure. Le printemps arabe, comme nous aimons maintenant l'appeler, a commencé en Tunisie. Bien sûr, la Tunisie travaille elle-même à l'élection d'une assemblée constituante qui sera chargée de rédiger la nouvelle Constitution. L'élection aura lieu plus tard ce mois-ci.
    L'Égypte, son voisin de l'autre côté, vit aussi une vaste réforme, des bouleversements sociaux qui ont mené au départ de Moubarak et maintenant à son procès pour les actes qu'il a commis. Je dirais que les choses progressent, non sans difficultés, comme il fallait s'y attendre, en toute honnêteté. Nous avons vécu la même chose dans des pays de l'Europe de l'Est. Il faut beaucoup de temps pour reconstruire une culture institutionnelle et démocratique dans des pays qui vivent ce type de transition.
    L'Algérie qui, contrairement à d'autres pays, ne passe pas par un vaste processus de réforme, envisage néanmoins de faire certaines réformes.
    Ce sont les pays qui se trouvent de chaque côté de la Libye. Au fond, ils apportent leur contribution en ce sens qu'ils connaissent eux aussi des transformations, de la déchéance du régime actuel à la reconstruction d'un pays.
    Les pays qui se trouvent au sud de la Libye — le Tchad, le Niger et le Soudan — sont essentiellement des pays sahariens, qui connaissent leurs propres difficultés. Vous avez sans doute lu les reportages selon lesquels des membres de la famille Kadhafi auraient franchi la frontière du Niger, et les Nigériens semblent être conscients de leurs obligations à l'égard de la Cour pénale internationale, notamment, dans la gestion de la situation. Cela contribue aussi à l'effort global.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, Mouammar Kadhafi demeure toujours introuvable. Nous ne savons pas où il est. Nous ne savons pas quelle influence il a, et nous avons le sentiment qu'il a beaucoup de ressources à sa disposition. Une question demeure: où pourrait-il tenter de s'enfuir et quelle aide peuvent apporter les pays voisins dont nous parlons?
    À ma connaissance, le Tchad ne s'est pas du tout engagé de façon importante dans le processus. Bien entendu, le Soudan connaît ses propres difficultés, à cause de sa récente séparation en deux pays. Les combats se sont intensifiés là-bas.
    Pour résumer, je crois que la plus grande contribution, c'est que tous ces pays font face à des difficultés communes causées par des situations similaires, mais pas identiques, et il ne fait aucun doute qu'il y a des éléments comparables à certains égards.
    Je dirais que deux mécanismes internationaux sont en cours. Il y a tout d'abord le Partenariat de Deauville qu'a lancé la présidence française lors de son sommet à Deauville, et lors d'une conférence que le groupe qu'on appelle les amis de la Libye a tenue à Paris. Une réunion a eu lieu ensuite à New York pour déterminer comment les pays peuvent aider ces autres pays. Comme ils font tous partie de ce partenariat, en ce sens, ils discutent en tant que partenaires égaux au sujet des prochaines étapes à suivre.
    Le deuxième mécanisme, c'est l'Initiative du G8 pour le Moyen-Orient élargi et l'Afrique du Nord.
    M. Bob Dechert: Me reste-t-il encore du temps?

  (0935)  

    Non, vous avez utilisé également l'autre partie de votre temps.
    Nous passons à Mme Sims, qui dispose de cinq minutes.
    Je veux vraiment vous remercier pour l'information que vous nous donnez. Je comprends très clairement que nous attendons une évaluation stratégique pour déterminer ce que nous pouvons faire de plus en matière d'aide humanitaire.
    À l'heure actuelle, d'après la Croix-Rouge, la situation est très difficile à Syrte et à d'autres endroits où les hôpitaux n'ont pas les médicaments qu'il faut et n'ont pas d'oxygène, et même si la Croix-Rouge a été capable de s'y rendre, à ce que je sache, c'est dangereux de transporter de l'oxygène.
    Je sais que nous nous sommes engagés militairement à prendre le contrôle des deux villes, pour être polie. Donc, que faisons-nous à l'heure actuelle pour faire face à la situation humanitaire qui est très difficile dans certaines des régions, surtout à Syrte et l'autre objectif militaire?
    Je connais un volet, et je veux donc savoir ce que nous faisons du côté humanitaire.
    Je vous remercie de la question.
    Il est difficile de fournir de l'aide humanitaire lorsque des bombes explosent. C'est une question qui nous préoccupe — la sécurité des travailleurs humanitaires. Ils peuvent intervenir uniquement lorsque le conflit actif cesse.
    Le 1er octobre, le CICR a pu entrer dans Syrte, et il a été en mesure de faire une brève évaluation de la situation. Je crois comprendre que l'organisme Médecins Sans Frontières a aussi pu observer la situation. Les deux organismes ont rapporté qu'il y avait des morts et des blessés et qu'il manquait d'eau, d'électricité et de vivres. Alors, oui, il y a des besoins humanitaires.
    Lorsque le CICR a lancé son appel, le Canada a fourni plus de 3 millions de dollars. C'est l'un de nos partenaires humanitaires les plus importants. Nous avons une grande relation de financement avec le CICR, et il nous demandera encore notre aide et celle de leurs donateurs importants si cela s'avère nécessaire, mais pour l'instant, il n'a pas demandé d'aide additionnelle. Cela dit, le CICR est présent et sera prêt à intervenir dès que les combats cesseront.
    De plus, comme le Canada, l'ONU est extrêmement préoccupée par la protection des civils à Bani Walid et à Syrte. Elle a mobilisé des gens en périphérie des deux villes pour fournir de l'aide humanitaire, des vivres et des fournitures médicales de façon à aider toute personne à partir. Nous croyons comprendre que jusqu'à 40 000 personnes déplacées à l'intérieur ont fui à partir de Bani Walid, et qu'elles ont eu l'aide d'organismes onusiens qui se trouvaient en périphérie. Malheureusement, c'est l'une des situations difficiles où les travailleurs humanitaires veulent entrer et fournir de l'aide, mais ils ne peuvent pas le faire lorsque les combats sont intenses au point où ils le sont actuellement.
    Si cela se poursuit encore longtemps, le CICR discutera de façon active avec les militaires pour qu'ils nous avertissent lorsqu'il y aura un arrêt des hostilités. À ce moment-là, nous interviendrons et aiderons les gens qui en auront besoin. Je crois comprendre qu'à l'hôpital là-bas, il y a des blessés, et que les gens sur place ont fait savoir quels étaient les besoins. Nous attendons pour entrer et répondre à ces besoins.

  (0940)  

    Je suis contente que nous ne voulions pas faire entrer du personnel parce que cela pourrait mettre leur vie en danger. Toutefois, du côté de l'OTAN, de nos propres forces, a-t-on envisagé la possibilité d'un cessez-le-feu ou d'un répit temporaire pour que l'on puisse fournir de l'aide humanitaire? D'après nos propres enquêtes, et d'après ce que nous entendons dire, les besoins sont très criants.
    Lorsque la situation sur le terrain nécessite l'interruption provisoire des efforts de l'OTAN, le commandant qui dirige l'opération prend cette décision, comme il l'a fait récemment. De plus, je veux souligner que le CNT, les forces anti-Kadhafi, ont également mis en oeuvre des mesures pour arrêter les combats afin de permettre le déroulement de certaines de ces activités. En effet, au cours du dernier mois, dans un certain nombre de situations à Bani Walid et à Syrte, il y a eu des cessez-le-feu. On a entrepris des négociations en vue de régler la situation en causant le moins de dommages possible pour la population civile et les combattants. Toutefois, comme nous nous en sommes clairement rendu compte, ces efforts n'ont pas produit les résultats que nous espérions. C'est donc un contexte difficile. Des mesures ont été prises, tant du côté de l'OTAN que de celui du CNT, pour créer les conditions permettant une intervention humanitaire.
    Nous revenons aux conservateurs, et à M. Dechert.
    Madame Martin, pouvez-vous faire le point sur la situation économique de la Libye? Exporte-t-on du pétrole? Y a-t-il des revenus? Quelle direction prendra l'économie au cours des prochains mois?

  (0945)  

    Je commencerais par dire que nous avons relativement peu de renseignements sur la situation économique en général. Le FMI et la Banque mondiale font des évaluations, qui seront disponibles bientôt, et nous donneront probablement quelques renseignements.
    Cela dit, nous savons qu'on rétablit progressivement la production de pétrole, qui est à la base de l'économie Libyenne. Elle est à un tiers de ce qu'elle était avant la révolution. On s'attend à ce qu'il faille environ un an avant d'atteindre les niveaux de production normaux.
    L'autre sentiment que nous avons au sujet de l'économie libyenne relève davantage de l'information anecdotique que de l'analyse. C'est fondé sur les observations des membres de notre équipe qui se trouve en Libye présentement. Ils sont témoins d'activités. Ils voient des produits inonder les boutiques à nouveau et des familles magasiner. Il paraît que les files d'attente pour obtenir du carburant se comparent à celles que nous voyons au Canada au début d'une longue fin de semaine. On constate que la confiance revient.
    Toutefois, les entreprises doivent remettre leurs voies d'approvisionnement en marche. Les limites imposées au transport commercial constituent encore une contrainte. Il y a des routes qui traversent la Tunisie. La frontière qui sépare la Libye de la Tunisie s'est ouverte il y a trois ou quatre semaines, ce qui a permis l'entrée d'un très grand nombre de produits au pays. La situation s'améliore.
    Vous avez dit que la production de pétrole est à un tiers de ce qu'elle était avant la révolution. Est-ce attribuable à l'infrastructure qui a été détruite et qui doit être remplacée? Y a-t-il des possibilités pour des entreprises canadiennes de participer à la reconstruction de cette infrastructure?
    L'infrastructure du secteur pétrolier a subi très peu de dommages, et les réparations sont en cours. C'était l'une des répercussions. Les autres concernent les voies d'approvisionnement et l'interdiction d'importer et d'exporter. Un processus est en cours visant à lever les sanctions contre la Libye pour permettre la circulation des biens. Je crois que nous verrons les choses s'améliorer progressivement à mesure que nous avancerons.
    Un certain nombre d'entreprises canadiennes menaient déjà des activités dans le secteur pétrolier libyen. Elles se sont dit intéressées à y retourner. De nouveaux joueurs se pointent parmi les entreprises canadiennes. Nous leur donnons des renseignements pour voir où ils pourraient jouer un rôle ultérieurement, non seulement dans le secteur pétrolier, mais aussi dans d'autres secteurs de l'économie libyenne.
    La reconstruction n'est pas comparable à celle que nous avons connue dans les Balkans, où il y a eu de nombreux bombardements causant la destruction d'infrastructures civiles. La majeure partie de l'infrastructure est restée intacte. Cela répond aux besoins en matière de développement qui avaient précédé la situation.
    Il y a une autre intervention. Allez-y, madame Gervais-Vidricaire.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Il y a un avocat canadien dans notre ambassade depuis la semaine dernière. Il a une mission temporaire qui consiste à examiner le cadre juridique pour les entreprises canadiennes et les entreprises en général, en vue de donner des conseils aux entreprises canadiennes sur la façon dont elles peuvent réintégrer le marché, et pour les entreprises canadiennes qui avaient des contrats, sur la façon de s'assurer que les contrats seront respectés.
    Je dois vous arrêter ici.
    Pour le prochain tour, nous entendrons d'abord M. Goldring. Nous allons recommencer. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de comparaître ici aujourd'hui. Avant tout, je veux féliciter vivement nos militaires pour leurs efforts exceptionnels. C'est extraordinaire de voir à quel point le Canada est bien représenté sur la scène internationale dans un tel contexte. Cela fait honneur à notre pays.
    Je veux dire un mot à ce sujet. Je dois dire que c'est la première intervention officielle de l'Aviation royale canadienne dans un effort militaire international depuis la guerre de Corée, n'est-ce pas?

  (0950)  

    Eh bien, monsieur, vous vous souviendrez que nous avons aussi participé aux efforts menés au Kosovo.
    L'Aviation royale canadienne.
    L'Aviation royale canadienne — tout à fait, monsieur.
    L'Aviation royale canadienne; il y a une distinction à faire ici.
    Oui, bien sûr.
    Comme j'ai moi-même fait partie de l'Aviation royale du Canada, je suis quelque peu sensible à la terminologie utilisée.
    J'ai une question au sujet du transfert des actifs qui ont été gelés. Ont-ils bien été transférés et débloqués de façon à ce que les fonds soient disponibles pour la suite des choses? Quelles contraintes s'appliquent encore? Sont-ils accessibles pour la suite des choses?
    En un mot, oui. C'est un processus complexe et, à l'heure actuelle, des discussions sont en cours avec le CNT sur ce qu'il veut que nous fassions des fonds. C'est son argent, et il doit nous dire où mettre l'argent et à quel moment. Ces discussions sur la façon de disposer des fonds sont en cours.
    Est-ce que les complications sont liées en partie à la création d'institutions démocratiques? Parce que, naturellement, beaucoup d'entreprises canadiennes menaient des activités et bon nombre de Canadiens travaillaient en Libye auparavant, et c'est le cas depuis bien des années. Le nouveau régime met-il en place des institutions démocratiques? Nous parlons de la participation du Canada et peut-être dans une partie du processus d'élaboration. Est-ce que cela empêche présentement les choses d'aller de l'avant de quelque façon que ce soit, ou y a-t-il des structures qui fonctionnement encore très bien?
    Très brièvement, je dirais que la Banque centrale de la Libye existe toujours. Elle fonctionne encore relativement bien. De plus, c'est à la discrétion du Conseil national de transition, que nous, ainsi que la plupart des autres pays et des membres des Nations Unies, avons reconnu comme l'autorité légitime en Libye.
    Donc dans le sens où oui, nos yeux sont tournés vers la création d'institutions démocratiques, ce n'est pas une condition pour donner au CNT l'accès aux fonds. Il a présentement l'autorité de nous dire ce qu'il veut que nous fassions des fonds.
    Et à propos du développement de ces institutions démocratiques, vous aviez affirmé qu'il y aurait un débat sur la suite à donner sur ces institutions et leur composition. Avons-nous une stratégie permanente sur ce qui peut être fait? Je crois savoir que le comité a mené une étude sur le développement des démocraties au niveau international et sur une sorte de structure à laquelle nous voudrions voir le Canada s'associer de façon suivie. Je crois que cela s'inscrirait exactement dans cette perspective. Et plutôt que d'attendre que se mette en place une négociation au niveau international — sur les parties prenantes et leur action — avons-nous notre propre plan d'action à proposer, puisque nous sommes un des grands contributeurs dans cette région?
    À votre dernière question, je répondrais « non ». Nous ne voulons pas intervenir en tant que pays et mener notre propre action sans consulter nos partenaires et les Nations Unies.
    Non sans consulter, mais…
    Non, mais nous devons savoir ce que veulent les Libyens avant d'offrir notre contribution. Pour l'instant, nous ne savons pas exactement ce qu'il faut faire. Il serait donc un peu prématuré de leur dire: « D'accord, le Canada va vous aider et nous allons faire ceci ou cela ». Mais dès que nous verrons une occasion d'intervenir, je crois que nous avons la capacité de le faire assez rapidement, ce qui est une bonne chose.
    J'aimerais ajouter un commentaire sur ce que vous venez de dire à propos des institutions, dans le secteur des banques, par exemple. La Banque mondiale dirige la mission d'évaluation des besoins pour tout ce qui a trait aux services partagés, tels que la gestion des finances publiques, la préparation et l'application du budget, et les banques. Les Libyens devraient en être satisfaits.

  (0955)  

    À propos du développement démocratique…
    Monsieur Goldring, soyez très bref, s'il vous plaît.
    Je pense à Haïti, où nous nous sommes beaucoup investis. En fait, le Canada y a géré les élections et il était prêt à le faire encore.
    Merci, Peter.
    Nous allons passer à Mme Ayala, qui a cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions en tête.
    Étant donné que la Libye n'est pas signataire de la Convention de Rome, les collaborateurs de Kadhafi et Kadhafi lui-même pourront-ils être jugés devant une cour internationale? Quel est le plan pour juger les collaborateurs de Kadhafi, puisque le système judiciaire libyen n'est pas encore établi?
    Comment éviter les actes de vengeance, et comment désarmer les miliciens? Quels sont les défis posés par la démobilisation des nombreux combattants rebelles et leur intégration au sein des forces armées régulières, de la police ou simplement de la société civile?
    J'ai une autre question très pertinente. La Libye n'est pas un pays isolé, ce n'est pas une île. Comment stabiliser l'ensemble de la région sahélo-saharienne afin d'éviter que la Libye ne se retrouve dans une situation de chaos?
    Selon la presse, l'ambassadeur Mohamed Loulichki « a pointé du doigt l'absence de coopération transfrontalière, de coordination sécuritaire et la collusion de différents trafics qui font de l'espace sahélo-saharien, un arc de crise et une zone grise où s'opèrent des collusions entre ces acteurs [non étatiques], les trafiquants d'armes et les mouvements terroristes » tels qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique. Voici ce qu'il dit: « [...] nous pensons que toute situation de déséquilibre sociopolitique est à même de perturber la dynamique économique de la zone à plus ou moins longue échéance. »
    Donc, comment combler le vide créé par le départ de Kadhafi, en ce sens qu'il était capable d'agglutiner les forces? Quelle sera la stratégie à adopter afin de compenser le soutien financier que Kadhafi offrait à ses voisins? Il faudrait s'assurer que la paix sera instaurée dans la région.
    Merci.

[Traduction]

    Je demanderai à notre collègue des services juridiques du ministère de la Défense nationale de répondre à la question qui a été posée sur la convention de Rome. J'essaierai ensuite de répondre à vos autres questions.
    Il est important de comprendre et de ne pas oublier que dans tous les cas de crimes présumés commis par des citoyens libyens ou sur le territoire de ce pays, il incombe au premier chef à la Libye, en tant que pays souverain, de les sanctionner. L'article 17 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale prévoit une juridiction complémentaire. La Cour pénale internationale n'assume cette juridiction que si un État ne peut — ou ne veut — pas exercer la sienne.
    Il est probablement prématuré d'envisager l'intervention de la Cour pénale internationale tant que les autorités libyennes, après avoir satisfait leurs besoins au plan de la restauration des capacités ou du développement, n'auront pas eu l'occasion d'exercer leur juridiction sur M. Kadhafi et ses comparses.
    Je ne connais peut-être pas toutes les subtilités du Statut de Rome et leurs rapports avec la situation libyenne, mais j'ajouterai que la Cour pénale internationale a en fait émis un mandat d'arrêt contre Kadhafi. La question est de savoir si le processus permettra d'exécuter ce mandat et de le traduire en justice.
    Concernant les subtilités juridiques sous-jacentes, je ne pourrais malheureusement pas y répondre tout de suite. Je pourrais peut-être consulter des collègues du ministère et vous en reparler.
    Vous vous interrogez sur les défis de la démobilisation en Libye, mais aussi sur la situation de ce pays dans la région et sur les risques de déstabilisation. Vous avez abordé la question des terroristes et des factions présentes dans la région.
    Il y a tout d'abord le défi de la démobilisation. La lutte contre les forces de Kadhafi a été menée par diverses milices qui se sont soulevées et unifiées pour se débarrasser de lui et de son régime. Il faut maintenant essayer de récupérer les armes qui circulent dans le pays.
    On a capturé des bases militaires. Diverses factions se sont emparées de dépôts d'armement, de sorte que le pays regorge d'armes. Le Conseil national de transition en est très conscient et s'en inquiète. Franchement, nous pourrions voir si nous pouvons apporter une aide dans ce dossier.
    Quant à la question plus globale du terrorisme dans la région, tout comme bien d'autres pays, le Canada s'en inquiète depuis un certain temps. La région sub-saharienne est vaste et peu peuplée, mais la police y est absente. Ces dernières années, nous avons vu la montée de la branche maghrébine d'al-Qaïda dans la région. Nous travaillons donc avec les pays concernés pour élaborer des programmes qui rendront moins attrayante l'adhésion à ces groupes terroristes.
    C'est une lutte permanente. En fait, le risque de déstabilisation menace toujours toute la région. Mais nous avons des raisons d'être optimistes: avec les changements qui s'opèrent dans de nombreux pays et les réformes qui sont apportées pour répondre aux besoins des populations, l'attirance que suscitent les groupes terroristes et criminels commencera à diminuer avec le temps.

  (1000)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant de l'autre côté de la table.
    Je crois que vous aviez une brève question à poser, monsieur Schellenberger. Nous finirons ensuite par Mme Brown.
    Oui, une petite question.
    Tout était sous le contrôle de Kadhafi. Lorsqu'on parle d'institutions comme les banques, je suis sûr qu'il avait quelque chose à voir avec la banque nationale. Il n'y avait vraiment pas d'institutions telles que nous les connaissons au Canada. On me dit que certains pays d'Afrique n'ont même pas de service d'état civil. La Libye n'est pas si arriérée, elle en a, et elle a aussi les institutions fondamentales d'une société.
    Grâce à ces fondements, il ne devrait pas être trop difficile de les aider à mettre sur pied une démocratie, parce que les données fondamentales sont là, n'est-ce pas?
    Je pense que vous avez raison. Comme je n'ai pas eu l'occasion d'aller en Libye, je ne sais pas exactement ce qui s'y trouve; mais en fait, la population est éduquée, même si elle ne l'est pas autant qu'elle le voudrait. Les hôpitaux fonctionnent, les institutions fonctionnaient, les banques fonctionnaient, la banque centrale aussi.
    Le problème vient du fait que ces institutions étaient régies par une dictature. Il s'agit maintenant de réorganiser leur fonctionnement dans un contexte démocratique et transparent, soumis aux forces du marché et non au contrôle d'un pouvoir central. Il s'agit de revoir la répartition de la richesse de façon à ce qu'elle ne s'accumule pas entre les mains d'une poignée de gens, mais soit distribuée et utilisée pour le bien du pays.
    Je me demande si Marie a quelque chose à ajouter.
    J'ajouterais ceci: lors d'une réunion récente à laquelle j'assistais, l'ambassadrice McCardell a fait un commentaire sur ce thème, particulièrement par rapport au secteur juridique. Elle disait qu'il y a un système juridique, il y a des avocats; le problème provient de l'intervention politique constante dans le processus juridique, plutôt que de l'absence d'institutions.

  (1005)  

    Merci.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    À propos de Mme McCardell, qui est venue nous voir il y a quelques mois, je me demande si nous pourrions parler de notre ambassade en Libye. Nous avons restauré les relations diplomatiques avec ce pays. Ainsi, lorsque la situation ira mieux, nous verrons toutes les fonctions diplomatiques reprendre leur place. La Libye est pour nous une région géographique clé en Afrique du Nord. Pourriez-vous nous dire quelle pourrait être la situation de notre ambassade à l'avenir. Avez-vous discuté de la possibilité de l'agrandir et d'élargir les services offerts à la Libye? Quand redeviendra-t-elle fonctionnelle? Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Avec plaisir.
    L'ambassadrice McCardell n'est pas ici parce qu'elle est à Tripoli. C'est un grand pas en avant pour renforcer l'effectif de l'ambassade. Je dirais pour commencer que nous avons rétabli nos relations diplomatiques avec la Libye. En fait, nous ne les avons jamais rompues. Il y a deux semaines, nous avons envoyé une toute petite équipe préparer la voie, rétablir les systèmes de communication, qui fonctionnent désormais. Nous avons récupéré nos lignes téléphoniques directes. Nos systèmes informatiques protégés fonctionnent à nouveau à partir de la chancellerie, où sont situés les locaux de l'ambassade. Ces deux dernières semaines, ils fonctionnaient à partir d'un hôtel.
    Pour l'avenir, avenir auquel Marie faisait allusion, nous avons temporairement envoyé des experts sur les questions contractuelles et juridiques que pourraient se poser les gens d'affaires et avons mis un délégué commercial à leur disposition. Nous envisageons de détacher un agent politique pour analyser la situation du pays et discutons de l'effectif de soutien à envoyer. Essentiellement, nous souhaitons que l'ambassadrice McCardell nous avise sur ce dont elle a besoin afin de répondre aux attentes du gouvernement. Toutes ces mesures sont en cours.
    Nous avancerons avec prudence. Les premiers besoins sont grands à l'ambassade à Tripoli. Au printemps, nous réévaluerons la situation pour déterminer ce qu'il nous faut pour poursuivre après l'été. Nous calibrerons notre action dans le contexte de l'examen stratégique qui se poursuit et dont vous êtes certainement au courant. Nous devons en effet fournir les services nécessaires en tenant compte des restrictions auxquelles tous les ministères du gouvernement font actuellement face.
    Je donne maintenant la parole au NPD. Mme Laverdière et M. Morin vont partager leur temps de parole, je crois.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai très brève puisque mes collègues ont aussi des questions.

[Français]

    J'aimerais revenir sur la question militaire et demander au brigadier-général King de commenter la question suivante.

[Traduction]

    N'est-il pas vrai que si nous avons des opérations aériennes, qui consistent essentiellement à envoyer des bombes en milieu urbain, nous multiplions de façon significative les risques de faire des victimes civiles alors que le rendement — excusez-moi l'expression — ou ce qu'on en retire, n'est pas si grand, puisque ce genre de situations se règlent habituellement au sol?
    Merci beaucoup.
    Vous faites allusion au processus de ciblage que l'armée utilise lorsqu'elle envisage le recours à la force dans quelque environnement que ce soit. Pour des raisons de sécurité, je n'entrerai pas dans le détail de ce processus. Je peux toutefois vous dire qu'il s'agit d'un processus élaboré, assorti d'un certain nombre de mécanismes qui permettent de s'assurer que le dommage au sol n'est pas plus grand qu'il ne faut pour atteindre l'objectif militaire, à savoir protéger la vie des civils dans la mesure du possible, et que, au-delà de tous ces mécanismes, ce sont nos pilotes qui, au bout du compte, offrent la protection finale en décidant de lâcher ou non leurs munitions.
    Tout au long du processus, je peux dire que le mode de campagne que nous menons à l'appui de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU consiste à infliger le minimum de dommages au sol et le minimum de pertes en vies humaines.

  (1010)  

[Français]

    Voici ma question à l'intention de Mme Martin.
    La Libye n'est pas un pays reconnu pour sa démocratie: c'est un pays qui a une longue histoire de rivalités tribales. Où en est-on rendu pour que des gens assiégés soient prêts à mourir? On voit que les derniers rebelles seront là jusqu'au bout. Généralement, quand on en arrive là, c'est qu'il y a une impasse sur le plan politique. Je me demande à quel point la composante tribale ou ethnique du conflit a été évaluée et étudiée. Il arrive que certaines racines soient beaucoup plus éloignées.
    Parmi ses projets, Kadhafi avait celui de construire un oléoduc d'une longueur de 700 km pour vider la nappe phréatique d'une partie du pays et acheminer toute l'eau vers l'autre partie afin de développer une industrie agricole pour laquelle il voulait faire venir 5 millions de travailleurs des pays voisins. Maintenant qu'on a atteint une phase presque finale, où tout le monde va mourir, ne devrait-on pas s'interroger sur la possibilité que les récriminations de certaines de ces personnes soient légitimes, qu'elles craignent réellement pour leur vie ou leur avenir à long terme?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Votre question est très pertinente, mais il est difficile d'y répondre, car nous ne connaissons pas encore l'issue des rivalités ou des divergences qui s'opposent en Libye.
    Vous avez absolument raison: les tribus, les ethnies et même les perspectives religieuses sont très diverses dans le pays. Et comme je l'expliquais plus tôt, il y a un clivage Est-Ouest, entre la région de Benghazi et celle de Tripoli. Les difficultés dans lesquelles se débat le Conseil national de transition pour former un nouveau cabinet découlent en partie, je crois, des autres problèmes auxquels il fait face.
    Cela dit, les questions tribales ou ethniques ne sont pas encore prédominantes dans le débat. On se demande plutôt de quelle nature sera le régime, quelle place, au sein des structures politiques, sera accordée à certains groupes comme les Frères musulmans. Autant de questions difficiles pour les Libyens. C'est clair, ce sera un État islamique, mais il leur faudra déterminer exactement quelle en est la couleur et la nature.
    Sur la question de l'eau, je suppose que vous faites allusion au grand projet de rivières artificielles, qui est actuellement en cours d'exécution. Ce projet permet déjà de fournir de l'eau à Tripoli et à d'autres grandes villes à proximité, mais il comporte plusieurs phases et n'est pas encore terminé. Il est donc clair qu'il y a eu des négociations pour qu'un pipeline desserve différents groupes et différentes régions du pays.
    Si vous le désirez, cela me fera très plaisir de vous fournir d'autres informations sur ce projet particulier.

  (1015)  

[Français]

    Le fait est que cette eau vient d'une nappe phréatique qui date d'une période glaciaire remontant à des millions d'années. La réserve pourrait fournir de l'eau à la Libye pendant plusieurs centaines d'années. Or selon le plan de Kadhafi, cette eau servirait à une production agricole intensive. La réserve serait alors vidée en 15 ou 20 ans environ. C'est ce que j'en sais. Ça pourrait être un enjeu.
    Je ne suis pas en mesure de vous donner des détails sur ce projet. Je pourrais peut-être vous transmettre l'information par écrit.
    Une prochaine fois. D'accord.
    Oui. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je tiens à remercier les représentants de la Défense nationale, des Affaires étrangères et du Commerce international, et de l'Agence canadienne de développement international qui sont venus témoigner aujourd'hui.
    Je vais suspendre la séance pour que nous puissions poursuivre à huis clos et nous préparer à discuter des travaux futurs.
    Je remercie à nouveau les témoins de leur présence ce matin.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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