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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 016 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 mai 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

    Bonjour à tous. Nous allons maintenant entamer la 16e séance du Comité permanent de la défense nationale. Conformément à l'article 108 du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur le rôle des soldats canadiens dans les missions de paix après 2011.

[Traduction]

    Nous avons le plaisir de recevoir Mme Mia Vukojevic, d'Oxfam Canada.
    Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous disposez de 5 à 10 minutes pour nous présenter votre exposé, puis les membres du comité pourront vous poser des questions. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
    Bonjour tout le monde. Je remercie le comité de m'avoir invitée pour représenter Oxfam et m'entretenir avec vous aujourd'hui.
    Comme vous le savez, Oxfam contribue depuis de nombreuses années à des opérations et des missions de maintien de la paix en situation de conflit, en plus de travailler aux côtés des forces militaires canadiennes en situation de conflit et de désastre. Le Sri Lanka après le tsunami, le Pakistan après le tremblement de terre en 2005, Haïti aujourd'hui; ce ne sont que quelques exemples des endroits sinistrés où nous avons travaillé. Nous sommes aussi présents dans les secteurs en conflit, par exemple dans les Balkans.
    Je travaille actuellement comme gestionnaire des programmes humanitaires à Oxfam Canada. Je possède 20 années d'expérience dans le travail humanitaire. J'ai entrepris ma carrière dans mon pays d'origine, la Croatie, où j'ai pu être témoin du travail effectué par les forces militaires canadiennes en 1992-1993 jusqu'en 1995.
    J'espère que ma présence ici aujourd'hui permettra de jeter un peu de lumière sur le sujet que vous étudiez, mais je crois qu'il est important de souligner que mon exposé et mes commentaires suivent le point de vue d'un organisme de développement humanitaire et tiennent compte des enjeux auxquels nous nous attaquons. Mon exposé, et probablement les réponses que je vais donner à vos questions, seront grandement influencés par mes expériences.
    J'aimerais aborder essentiellement deux questions dans mes remarques préliminaires, soit la prestation de l'aide humanitaire par les forces militaires en général et par les forces militaires canadiennes, ainsi que la protection des civils en situation de conflit.
    Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'Oxfam Canada, en tant qu'ONG à mission humanitaire, croit que les forces militaires, y compris les Forces canadiennes, devraient jouer un rôle limité dans la prestation de l'aide humanitaire à l'extérieur du Canada.
    Nous croyons que les forces militaires canadiennes ne devraient contribuer à la prestation de l'aide humanitaire qu'en dernier recours, car c'est ce que dicte le droit humanitaire international. Et c'est ainsi en raison des grandes différences qui persistent entre les missions militaires, d'une mauvaise connaissance de la culture locale, du manque d'efficacité et de rentabilité (parce que les coûts rattachés à l'aide humanitaire sont loin d'être les mêmes d'une organisation militaire à l'autre), etc.
    Je n'irai pas plus loin, mais si vous avez des questions à cet égard, je serai heureuse de vous en dire plus et de vous donner des exemples.
    Je pense que les forces militaires canadiennes devraient utiliser stratégiquement leurs capacités uniques pour fournir de l'aide humanitaire. Ce que je veux dire par là, c'est que les Forces canadiennes ne devraient pas se restreindre à acheminer des colis aux personnes déplacées, car elles ont des capacités qu'aucune autre organisation civile n'a, comme soulever des poids lourds, réparer des infrastructures, gérer l'aspect logistique, et j'en passe. La prestation de l'aide par les forces militaires canadiennes devrait être assurée selon une orientation humanitaire claire et de façon coordonnée avec d'autres intervenants du secteur humanitaire, plutôt que de façon indépendante. Leur intervention devrait aussi être limitée dans le temps. Dès que les intervenants civils, principalement et de préférence le gouvernement local, sont en mesure de fournir eux-même l'aide humanitaire, les forces militaires canadiennes devraient se faire moins visibles. Le même principe devrait également s'appliquer aux organismes internationaux d'aide humanitaire, évidemment.
    Comme je l'ai mentionné, je crois que le Canada devrait développer ses capacités logistiques, ses capacités de recherche et de sauvetage, et d'autres capacités du genre pour compléter celles des ONG canadiennes et des autres ministères canadiens, de manière à maximiser la contribution du Canada aux efforts humanitaires déployés partout dans le monde de la façon la plus rentable et efficace possible.
    En tant qu'organisme humanitaire, Oxfam croit que tous les civils, hommes et femmes, frappés par une crise humanitaire, qu'il s'agisse d'un conflit ou d'un désastre naturel, devraient recevoir de l'aide, mais aussi de la protection. Ce sont les deux axes de l'humanitarisme mondial: l'aide et la protection sans égard au statut social, aux croyances politiques et aux allégeances, tant que ce sont des civils.
    Toutefois, la protection des civils est un sujet qui échappe aux missions diplomatiques, à la communauté internationale en général, aux missions de maintien de la paix des Nations Unies, aux organismes humanitaires, bref, à tout le monde. L'histoire nous renvoie une image peu reluisante de ce qui a été fait pour protéger les civils.
    À ce jour, alors qu'on arrive à fournir une aide de qualité dans des délais raisonnables, la protection pose toujours un problème de taille. Il suffit de penser à la République démocratique du Congo, aux camps du Darfour, à Haïti, etc.
    Jusqu'à la fin des années 1990, le mandat des opérations traditionnelles de maintien de la paix ne prévoyait même pas la protection des civils. Ce n'est qu'en 1999 que la plupart d'entre elles ont intégré la protection des civils à leur mandat. Mais même lorsque c'est le cas, toutes sortes de restrictions limitent ce qu'elles peuvent faire.
    Les missions traditionnelles de maintien de la paix mandatées par les Nations Unies relèvent encore beaucoup de l'improvisation, et sont essentiellement des outils de gestion des conflits. On s'en sert quand on a épuisé nos options et que cela semble pouvoir fonctionner. Mais on ne fournit pas suffisamment de ressources, d'outils ni de capacités à ceux qui participent aux opérations de maintien de la paix pour pouvoir protéger les civils dans le cadre de ces opérations.
    Le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a fait des efforts pour améliorer la situation en offrant notamment de meilleurs outils, plus de clarté et des ressources suffisantes. Bien que les choses se soient améliorées, il y a encore beaucoup de chemin à faire. Au bout du compte, les opérations de maintien de la paix des Nations Unies représentent encore un mécanisme international légitime et unique qui aide à protéger tous les civils dans un monde polarisé. Bien que ces opérations ne soient pas parfaites, Oxfam croit qu'elles demeurent notre meilleure option.
    Après 2011, nous croyons que les forces militaires canadiennes devraient envisager de prendre part aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies qui sont axées sur la protection de civils. J'aimerais à cet égard insister sur les mots « opérations de maintien de la paix des Nations Unies ».
    Les opérations de maintien de la paix peuvent encore s'avérer un outil crucial, un parmi tant d'autres, au même titre que les mesures diplomatiques, les moyens de pression, les sanctions et les programmes d'aide, pour s'assurer que les civils sont protégés en situation de conflit. Pour que de telles opérations soient efficaces, les soldats canadiens doivent être déployés au bon endroit au bon moment, avec les missions et les outils appropriés, et ils doivent travailler en étroite collaboration avec les groupes humanitaires et les communautés locales, mettant tous leurs propres compétences à contribution.
    Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies doivent être repensées et nécessitent de nouveaux investissements, et les Nations Unies ont déjà entamé ce processus. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du projet « Nouvel horizon » que le Département des opérations de maintien de la paix a entrepris. Le gouvernement du Canada devrait prendre part à ce processus pour veiller à ce que le système se soit amélioré d'ici la fin de 2011.
    Vu ses antécédents en matière de maintien de la paix et sa réputation internationale d'intervenant impartial et crédible dans le contexte de conflits de toutes sortes, le Canada peut influer sur le processus que suivent actuellement les Nations Unies pour tenter de revoir la façon dont elles assurent leurs opérations de maintien de la paix et pour les rendre plus efficaces, efficientes et stratégiques. Ainsi, les forces militaires canadiennes risqueraient moins de participer à des missions qui sont vouées à l'échec.
    Nous croyons qu'en participant à des missions axées sur la protection des civils, les forces militaires canadiennes pourront se concentrer sur leurs compétences particulières sans avoir à faire concurrence avec les organismes humanitaires pour distribuer de l'eau et de la nourriture. Elles pourront plutôt compléter ce que peuvent faire les organismes d'aide pour protéger les civils (même si leurs capacités sont plutôt limitées) et mettre à profit leurs forces à cet égard.
    J'aimerais terminer en précisant que c'est en septembre 1993 que j'ai été mise en contact pour la première fois avec les forces militaires canadiennes; c'était à Medak Pocket, en Croatie. Je ne sais pas combien d'entre vous connaissez cette opération. J'étais là-bas en tant qu'interprète pour l'Union européenne. Malgré la terrible mission que leur avaient confiée les Nations Unies, et en dépit du manque de ressources, de l'absence d'outils appropriés et d'un mécanisme décisionnel inadéquat, les Canadiens ont réussi à agir comme il se devait et à protéger les civils.
    Ce sont le genre de choses qui peuvent faire, selon moi, un monde de différence.
    Merci.
    Je crois avoir le mauvais canal. J'ai le canal français; je suis aussi désolée de n'avoir pu m'adresser à vous en français. J'invoque le fait que je suis une immigrante et une néo-Canadienne pour me faire pardonner. J'y travaille, croyez-moi.

  (1110)  

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    La première question sera posée en anglais par M. Wilfert.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue. Nous sommes nombreux, ici, à être accusés à l’occasion de ne pas bien capter les choses, alors ne vous en faites pas.
    Dans le rapport intitulé Pour des lendemains plus sûrs: Protéger les civils dans un monde multipolaire, Oxfam traite particulièrement du sommet mondial de l'ONU de 2005, qui portait sur la responsabilité de protéger les civils. Pouvez-vous nous dire, en ce qui a trait à la gestion des conflits, comment le Canada pourrait contribuer de façon constructive à la coordination des efforts des ONG et des efforts militaires en vue d'atteindre les objectifs du sommet tenu en 2005?

  (1115)  

    Ce sont deux questions distinctes selon moi. La première porte sur la responsabilité générale de protéger les civils, en tant qu'outil international qu'il nous incombe à tous d'appliquer. Puis, vous voulez également savoir comment le Canada peut mieux coordonner l'aide humanitaire dans le cadre de ses efforts militaires.
    Pour Oxfam, la responsabilité de protéger les civils est un outil précieux que les Nations Unies, ou à tout le moins quelques-uns des principaux contributeurs gouvernementaux, auraient dû prendre davantage au sérieux. Le plus grand avantage que présente cet outil à notre avis, c'est qu'il ne se concentre pas sur l'une ou l'autre des étapes de la gestion de conflit, mais il aborde plutôt l'ensemble du processus et met beaucoup l'accent sur la prévention, le renforcement des capacités et l'établissement des institutions et de la société civile, de façon à prévenir les conflits en premier lieu.
    Toutefois, on semblait au départ vouloir surtout insister sur l'intervention militaire. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour nous éloigner de cette tendance, et pour sensibiliser la société civile et les populations. Nous avons vu le potentiel de cet outil, et c'était aussi la position de nombreuses autres ONG.
    La déclaration de 2005 de l'ONU a été vue comme un pas de géant vers la reconnaissance de la responsabilité de protéger les civils en tant qu'outil légitime, mais aussi vers la reconnaissance de l'ampleur de sa portée. Cependant, il est arrivé à plusieurs reprises que soit invoquée la responsabilité de protéger les civils dans des situations auxquelles elle ne s'appliquait pas. Cela a pour effet d'engendrer encore plus de confusion et de résistance dans des pays qui n'étaient pas chauds à l'idée de se servir de cet outil au départ, parce qu'ils considèrent qu'il porte atteinte à leur souveraineté.
    Dans le cas de la République démocratique du Congo, le gouvernement a indiqué qu'il voulait que tout le monde soit sorti d'ici un an. Pour la communauté internationale, le droit de protéger s'accompagne d'une responsabilité, si on se réfère au document de 2005, et nous allons pourtant abroger cette responsabilité. Ce n'est pas évident lorsqu'un gouvernement souverain ordonne à la communauté internationale de se retirer pour son propre bien, alors qu'on donne au moins l'impression de se préoccuper du droit de protéger. Pourtant, on sait que des viols collectifs et des tueries ont encore lieu, surtout dans l'est du Congo.
    Comment faire pour trouver un juste milieu entre la question de la souveraineté nationale et celle de l'obligation internationale en vertu du droit de protéger, si nous croyons que cette dernière devrait passer avant tout?
    C'est une question difficile, et je ne prétends pas connaître la réponse. La responsabilité de protéger les civils prévoit de ne pas attendre que le gouvernement invoque sa souveraineté, comme c'est le cas au Congo, mais plutôt de travailler à ses côtés et de l'appuyer ou de faire pression sur lui pour éviter des moments comme celui-là.
    Aussi, la responsabilité de protéger les civils a perdu quelque peu de sa crédibilité, parce que des gouvernements et des intervenants internationaux importants l'ont délaissée et ont arrêté d'en parler et de la soutenir. On oublie ainsi peu à peu que la souveraineté a ses limites et que les civils et les populations du pays ont des droits, dont le droit de ne pas être exposé à la violence, et que l'État est fondamentalement le premier responsable de la protection de ses propres civils.
    Je me souviens que lorsque les forces de Julius Nyerere, à l'époque président de la Tanzanie, avaient envahies l'Ouganda pour chasser Idi Amin Dada, les leaders africains avaient dénoncé publiquement le gouvernement de la Tanzanie, pour le féliciter en privé. De l'hypocrisie à l'état pur. L'argument invoqué essentiellement pour justifier cette invasion était la responsabilité de protéger, même si le concept n'existait pas à ce moment-là malgré les besoins, mais aussi celle de vouloir s'occuper de la souveraineté avant tout, raison hypocrite s'il en est une.
    Permettez-moi de préciser que la situation a quelque peu changé, c'est-à-dire que la communauté internationale s'entend sur le fait que la souveraineté ne se limite pas aux droits des États, mais elle englobe aussi leurs responsabilités envers leurs citoyens. C'est donc dire que le concept de souveraineté a ses limites.

  (1120)  

    Nous pourrions tout de même prendre l'exemple du Cambodge, quand on a dénoncé l'invasion par le Vietnam. Et il y a beaucoup d'autres exemples de ce genre. Ce n'est pas un dossier facile.
    Vous nous avez dit qu'il fallait envoyer les forces militaires canadiennes au bon moment, leur fournir les bons outils et leur confier une mission appropriée.
     Je ne sais pas exactement à quoi cela devrait ressembler, mais je crois que les Forces canadiennes, avec leurs nombreuses années d'expérience, et le ministère des Affaires étrangères, au nombre de missions qu'il a menées et auxquelles il a pris part, seraient certainement en mesure d'aider le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies à élaborer les bons outils et à déterminer quel serait le meilleur moment pour intervenir, ainsi que les missions les plus appropriées.
    Et cela implique une meilleure coordination entre les ONG au Canada, le gouvernement canadien, les Forces armées canadiennes, etc.
    Exactement.
    Avez-vous une idée du genre de structure qui faciliterait ce type d'opérations?
    Je pense que certains des modèles utilisés par le gouvernement canadien au Soudan, avec entre autres le groupe de travail sur le Soudan, ont raisonnablement bien fonctionné. Je sais que la plupart des participants à ces groupes de travail, c'était à tout le moins le cas lorsque j'en faisais partie en 2004 et en 2005, étaient de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères. J'estime que le ministère de la Défense nationale devrait être davantage impliqué dans ce mécanisme de coordination, et je crois que c'est le cas maintenant.
    En fait, j'ai pour théorie que les forces stratégiques des différentes divisions du gouvernement du Canada devraient être utilisées de façon optimale pour contribuer le plus efficacement possible aux efforts de paix et aux efforts humanitaires dans le monde.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vais maintenant céder la parole à M. Bachand pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord présenter mes excuses à M. Wilfert. La semaine passée, il a lu un texte en français, mais je n'ai pas tout compris. J'ai dit à la blague que j'aimerais avoir la traduction. Je tiens à dire à M. Wilfert que je salue ses efforts à l'égard du français. J'espère qu'il va continuer, même si c'est parfois un peu boiteux, ce que je peux comprendre. Je lui avais promis que je m'exécuterais aujourd'hui. C'est fait.
    Bienvenue, madame Vukojevic. J'espère que vous allez bien. Le terme « opération de paix » est celui sur lequel tout le monde s'est entendu. Il y a plusieurs types d'opérations de paix: il y a le maintien de la paix, qu'on appelle en anglais peace keeping, et la consolidation de la paix, qui se traduit par peace building. Ce sont deux principes assez différents, je pense. Dans le cas de l'Afghanistan, il s'agit beaucoup plus de consolidation de la paix. On y établit la paix beaucoup plus qu'on ne la maintient. En effet, le maintien de la paix implique qu'il y a une entente entre les divers camps, qu'on est là uniquement pour s'assurer que tout se passe bien à la suite d'un entente de cessez-le-feu. Nos soldats se rendent en Afghanistan pour construire la paix parce qu'il n'y en a pas. C'est différent. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Selon vous, comment les groupes comme Oxfam interagissent-ils avec les Forces canadiennes? Les militaires nous disent souvent que les groupes comme le vôtre, les ONG, ne pourraient jamais offrir des services adéquats sans leur protection. Selon une autre école de pensée, fournir de l'aide humanitaire ne serait pas vraiment le rôle des militaires. J'aimerais savoir comment vous concevez le rôle d'Oxfam ou d'autres ONG dans un milieu hostile comme l'Afghanistan, où l'on établit la paix davantage qu'on ne la maintient.

[Traduction]

    Merci de me poser la question. C'est une question très pertinente, que j'espérais éviter.
    Les situations comme celle de l'Afghanistan sont réellement difficiles pour nous, autant qu'elles le sont pour les Forces canadiennes, je présume. Je crois que les militaires ne sont pas nécessairement les mieux placés et qu'ils n'ont peut-être pas non plus toutes les compétences et les capacités nécessaires pour mener à bien par eux-mêmes des opérations de consolidation de la paix. Bien qu'ils aient un rôle à jouer dans les efforts de consolidation de la paix, je pense qu'on parle de capacités distinctes: celles pour le maintien de la paix, et celles pour la consolidation de la paix. Il est évident pour moi que la présence des forces militaires est requise dans le cadre des efforts de consolidation de la paix, puisque l'Afghanistan s'avère un des plus durs environnements qui soient. Je pourrais vous donner d'autres exemples de situations où les opérations et les missions de paix ont été très efficaces grâce à une combinaison des efforts des organismes humanitaires, des gouvernements nationaux, des sociétés civiles nationales, des efforts de développement, de même que du soutien institutionnel au gouvernement, en vue de bâtir la paix conjointement.
    Je pense que l'évolution de la nature des conflits — les conflits internationaux ayant progressivement céder la voie aux conflits internes où s'affrontent deux groupes qui ont tous deux des droits légitimes dans un même pays — nous a compliqué la tâche en fait de développement, comme elle l'a compliquée pour les Forces canadiennes qui essaient de consolider la paix dans ces circonstances.
    En résumé, selon moi, les efforts ne devraient pas seulement provenir des forces militaires, et je crois que le rôle que devraient jouer les militaires dans le cadre des efforts de consolidation de la paix, c'est celui d'assurer un environnement sécuritaire, de façon à ce que d'autres intervenants puissent faire le travail pour lequel ils ont précisément été formés. Lorsque les Forces armées canadiennes affirment que sans elles les ONG ne pourraient pas offrir de l'aide, les ONG répliquent généralement en disant que si les forces militaires étaient en mesure de sécuriser l'environnement, elles n'auraient aucun mal à fournir de l'aide. C'est l'argument de l'oeuf et la poule qu'on entend fréquemment sur le terrain.
     J'espère avoir répondu à votre question.

  (1125)  

[Français]

    D'après ce que je comprends, vous admettez qu'ils ont un rôle à jouer. En Afghanistan, le milieu est terriblement hostile. Il est difficile de dire à ces gens qu'ils sont responsables et que s'ils avaient le contrôle de la sécurité et qu'ils sécuriseraient les périmètres, votre présence ne serait peut-être pas nécessaire. Ça me semble indissociable d'un milieu hostile. Il me semble qu'Oxfam ou n'importe quelle autre organisation non gouvernementale ne pourrait pas évoluer librement dans un contexte comme celui de l'Afghanistan sans la protection des militaires.
    Vous avez un rôle complémentaire, en effet. Ma deuxième question porte là-dessus.
    Est-ce qu'Oxfam a l'habitude d'aviser le commandant des Forces canadiennes du type d'intervention qu'il va mener et de l'endroit où ça va avoir lieu? Inversement, les militaires vous informent-ils qu'ils vont procéder à un type d'opération donné pour faire en sorte que vous restiez dans un milieu sécuritaire? Autrement dit, y a-t-il une connexion bilatérale en vertu de laquelle vous vous informez mutuellement?

[Traduction]

    Je pense qu'au fil des années nous avons beaucoup amélioré les communications et la coordination au siège social. Sur le terrain, c'est très différent, selon les circonstances. Dans les environnements considérés comme « hostiles », je ne crois pas que cela se produise. Nous informons le gouvernement de l'Afghanistan, le gouvernement local, et les Nations Unies de la nature et du lieu de nos activités, mais je ne pense pas que nous allons trouver les militaires pour leur dire: « Voici ce que nous ferons la semaine prochaine et les endroits où nous irons. »
    Pourquoi pas?
    L'Afghanistan en particulier, et je dirais l'Irak, sont sans doute les deux seuls endroits où nous le faisons, parce que la sécurité s'est détériorée pour notre personnel, national et international, depuis l'arrivée des forces de l'OTAN en 2001. Nous n'avons pas de preuves que ces éléments sont directement liés, mais les gens sur le terrain nous disent souvent que notre association avec les militaires qui combattent les talibans fait de nous des cibles légitimes, en fait, parce qu'ils considèrent que nous sommes des alliés des forces qu'ils combattent.
    Je dois dire toutefois que cette situation est très différente des autres endroits où je suis allée et où j'ai travaillé, des Balkans au Soudan. Au Soudan, en fait, je dois vous dire, au Darfour plus précisément, que notre personnel a travaillé quotidiennement en étroite collaboration même avec les observateurs de l'Union africaine au début. Ils déterminaient littéralement qui était envoyé à quel endroit. Il y avait donc l'effet dissuasif du personnel international se trouvant dans une position différente. La mission africaine comportait très peu de gens et ils n'étaient pas en mesure de s'occuper de tout, mais la coordination était excellente. C'est encore le cas au Soudan.
    C'est le cas dans un très grand nombre de missions, bien plus que vous ne l'imaginez. Cela se fait souvent par l'entremise des mécanismes de coordination des Nations Unies, mais tant et aussi longtemps que cela fonctionne, ce sont les gens qui en profitent.
    Je dirais que les deux exceptions sont l'Afghanistan et l'Irak, et je crains que la Somalie ne soit bientôt la troisième.

  (1130)  

    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre exposé.
    J'ai deux ou trois questions. La première concerne votre commentaire sur le rôle que pourraient jouer les militaires dans l'aide humanitaire, dans une certaine mesure, et j'aimerais que vous fassiez le lien avec ce que vous avez vu du travail accompli par les militaires canadiens en Haïti au début de l'année. C'était une mission très brève. Nous avons quitté le pays en moins de 60 jours. Et nous avions un rôle bien précis à jouer. Est-ce le genre de mission dans laquelle les militaires pourraient jouer un rôle de nature humanitaire, ou avez-vous également d'autres situations en tête?
    Je vais commencer par Haïti, mais j'aimerais également parler du Sri Lanka, par exemple, et du Pakistan, car ce sont les trois exemples que je connais.
    Le tremblement de terre en Haïti est exactement le gendre de situation où la participation des militaires étrangers peut se justifier. Nous n'y voyons aucun inconvénient. L'ampleur du désastre était telle qu'il était évident que le gouvernement du pays, les Nations Unies et toutes les ONG déjà présentes au pays n'avaient pas les ressources nécessaires pour réagir rapidement et immédiatement aux besoins. Ce qui pose problème dans la participation des militaires étrangers, en particulier l'armée des États-Unis, c'est la nature de leur engagement. Je vais vous en parler plus en détail, puis faire une comparaison avec le Sri Lanka et le Pakistan.
    Au lieu de servir aux militaires, les seuls ayant la capacité de remettre l'aéroport en état de marche, l'aéroport a été congestionné le premier jour par l'armée américaine, et cela a duré des semaines. Oxfam avait trois avions qui devaient atterrir. Les atterrissages étaient échelonnés sur quelques jours. Ils devaient atterrir à Port-au-Prince le samedi après le tremblement de terre, mais ils ont été redirigés vers Saint-Domingue. Je sais que nous n'avons pas été les seuls dans cette situation. MSF a subi le même sort, et d'autres également.
    Le personnel des organismes humanitaires n'a pas pu, essentiellement, utiliser l'aéroport et n'a pas pu faire son travail pendant environ deux semaines, alors que l'armée américaine, qui est dotée d'une capacité phénoménale, aurait pu utiliser ces mêmes personnes et ces mêmes ressources pour remettre l'aéroport en état de marche. Ils ont finalement agrandi l'aéroport, ce que le gouvernement d'Haïti n'avait pas la capacité de faire — les ressources des Nations Unies sur le terrain étaient décimées — et les ONG non plus.
    La capacité de transport permet d'amener le personnel au pays, de la même façon que les navires ont été utilisés après le tsunami en Indonésie, de même que les hélicoptères. Au Pakistan, c'est l'armée pakistanaise qui s'occupait principalement de cette question, et d'autres gouvernements ont fourni des hélicoptères et des capacités de transport.
    En ce qui concerne la participation canadienne, je ne suis pas encore allée en Haïti — je pars mardi —, alors tout ce que je sais, c'est ce que mes collègues sur le terrain m'ont rapporté. Mais compte tenu de l'ampleur de la catastrophe et de mon expérience dans d'autres pays, je crois que l'épuration de l'eau était nécessaire à juste titre. Oxfam s'occupe beaucoup de l'approvisionnement en eau dans les situations d'urgence. À titre d'exemple, la coordination de l'EICC après le tremblement de terre au Pakistan a été excellente. Comme les organisations civiles, le gouvernement et les ONG n'avaient pas la capacité requise pour fournir de l'eau à toute la population sur-le-champ, l'EICC distribuait de l'eau dans une ville, tandis que Oxfam réparait les canalisations d'eau et s'occupait de l'approvisionnement en eau d'urgence dans une autre. Comme l'EICC a dû quitter le pays après 40 jours, la transition s'est faite en douceur. Tout a très bien été coordonné.
    Je dirais que le recours aux opérations de sauvetage comme la capacité de transport... Aucun pays, ni aucune organisation civile, ne possède suffisamment de ressources en matière de recherche et sauvetage pour agir assez rapidement après une catastrophe comme celle d'Haïti. C'est dans ce genre de situation, à mon avis, où l'utilisation stratégique des capacités militaires est justifiée et peut être élargie.
    J'ai également entendu dire que lorsque l'EICC est arrivée à Jacmel ou à Léogâne, la nouvelle circulait qu'il y avait une pénurie de personnel médical. Il n'y avait qu'une petite clinique de MSF, et comme la nouvelle faisait le tour du monde, la semaine suivante, il y avait cinq cliniques de santé dans une petite ville. Les militaires et les gouvernements des pays donateurs se sont beaucoup comportés comme les ONG ont la réputation de le faire: ils ont tous tenté d'attirer l'attention des médias. Ils se sont rués au pays et MSF s'en est occupé. Il n'était pas nécessaire d'avoir cinq hôpitaux.
    Ce que je veux dire, c'est que c'est parfois nécessaire, et il faut que ce soit fait de manière stratégique, pas sous la pression des médias. Il faut que ce soit fait en fonction des besoins et qu'on mette à profit la capacité des forces militaires.

  (1135)  

    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la relation entre l'action militaire et l'aide humanitaire? J'utiliserai l'Afghanistan comme exemple. Le gouvernement canadien s'emploie à construire des écoles, à titre d'exemple, dans des régions où il mène des opérations de combat ou tente d'améliorer la sécurité.
    Est-il vraiment possible d'accomplir du travail humanitaire, du développement, dans ce qu'on peut appeler une zone de guerre? À mon avis, les écoles elles-mêmes pourraient devenir des cibles. D'après vous, est-ce un problème auquel sont confrontées toutes les ONG, ou est-ce un problème qui existe uniquement en Afghanistan?
    En Afghanistan, et je dirais en Irak. Ce sont des environnements très politisés.
    Il n'existe pas assez de preuves, en fait, des retombées de ces opérations. Je viens de parler à Peter Walker, de l'Université Tufts, et ils ont effectué une recherche dernièrement sur des dépenses de 1,2 milliard de dollars pour des exercices de commandant, des opérations humanitaires de commandant — je ne suis pas certaine du nom — en Afghanistan, et on n'a pas la moindre idée de leur efficacité, des résultats atteints.
    Pour une organisation humanitaire, les opérations humanitaires n'ont qu'un seul but: offrir une protection et une aide de base aux civils. Il ne doit pas y avoir d'autre programme. Dans le cas des activités de développement de notre organisation, la situation est très différente, car nous avons un programme dans ce cas. Le travail humanitaire doit viser uniquement à sauver des vies et à atténuer les conséquences de la pauvreté. Je ne crois pas que l'armée canadienne, ou tout autre armée dans le monde, qui se bat actuellement en Afghanistan peut faire du travail humanitaire en respectant les principes humanitaires.
    Si l'armée canadienne construit des écoles pour une autre raison, elle doit appeler les choses par leur vrai nom. Je ne sais pas s'il faut parler de consolidation de la paix ou de développement, si vous voyez ce que je veux dire, mais, à mon avis, créer la confusion au sujet de ce qui est, et n'est pas, de l'aide humanitaire n'est utile à personne dans cet environnement.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Braid.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier de votre exposé ce matin.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé, dans le cadre d'une mission, de l'importance de fournir protection et aide, et vous avez dit que le bilan en matière d'aide est relativement bon, et le bilan en matière de protection beaucoup moins bon. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons qui font que le bilan en matière de protection n'est pas bon, et ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation?
    Je vais essayer.
    Il y a plusieurs raisons, bien sûr. Je pense que l'une des raisons tient au fait que la protection des civils a souvent été confiée aux organisations humanitaires et civiles des Nations Unies, qui, très souvent, n'ont pas les outils nécessaires pour le faire. Les Balkans en sont un bon exemple. À l'origine, les seules organisations qui avaient le mandat particulier de protéger les civils étaient le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — qui avait la protection comme mandat —, et le Comité international de la Croix-Rouge. C'est tout.
    Même les ONG qui parlent de protection ont des capacités très limitées. Nous essayons de tout faire pour que nos activités ne mettent pas la vie des habitants en danger, mais nous n'y arrivons pas toujours. Nous pouvons faire en sorte que notre présence ait un effet dissuasif, notamment à l'égard des activités criminelles et des attaques dans les camps, etc., lorsque nous sommes sur place. Lorsque les ONG internationales sont sur place, ces choses sont moins susceptibles de se produire. Et nous pouvons dénoncer les auteurs. Mais c'est à peu près tout ce que nous sommes en mesure de faire.
    La Cour pénale internationale est un atout, à mon avis, car les gens sont conscients que s'ils attaquent les civils, s'ils commettent des crimes de guerre, etc., ils risquent d'être poursuivis. C'est un atout, mais son pouvoir doit être renforcé, car malgré ses bons côtés, il n'existe pas de mécanisme pour trouver ces gens et s'assurer qu'ils seront traduits devant la justice. Il manque encore des éléments.
    La souveraineté est également un très gros problème, car tout repose sur l'État, et l'État a la responsabilité de protéger ses civils. Mais dans de plus en plus de conflits internes, l'État est en cause. L'État permet les violations des droits de la personne et les crimes de guerre, quand ce n'est pas l'État lui-même qui commet les crimes. Et bien entendu, comme il s'agit d'un conflit interne, les acteurs non étatiques ne sont pas assujettis aux normes internationales, au droit humanitaire international, et ne peuvent se voir imposer des sanctions par le Conseil de sécurité des Nations Unies, ou même par la communauté internationale très souvent.
    La mission des Nations Unies en Croatie en 1991 était appelée force de protection des Nations Unies. Elle n'avait pas de mandat de protection. Elle n'avait pas le pouvoir d'intervenir. En 1995, lorsque les forces croates ont pénétré dans la région sous contrôle serbe, je pense que c'est un général canadien qui a permis aux civils de se réfugier dans les camps des Nations Unies, allant ainsi à l'encontre des règles des Nations Unies et des directives de New York.
    Les gens qui avaient donc sans doute le pouvoir de protéger les civils n'en avaient pas le mandat, et n'ont toujours pas les outils et les ressources, etc. pour le faire. C'est pourquoi nous pensons, vous pensez que les militaires, comme les soldats canadiens, qui ont le respect... Dans les Balkans, on pouvait toujours faire davantage confiance à un soldat canadien qu'à un policier local. Il n'y a aucun doute là-dessus. On a l'impression que c'est un gaspillage d'expérience et de compétences de leur faire distribuer des boîtes de nourriture, et que cela mine leur crédibilité.

  (1140)  

    Dans votre réponse et dans l'exposé que vous nous avez présenté un peu plus tôt, vous avez donné des exemples où le mandat, les communications, la chaîne de commandement, les outils et les ressources pour les opérations de maintien de la paix, dans l'ex-Yougoslavie ou au Rwanda, ont été un échec. Est-ce encore le cas aujourd'hui?
    Vous avez parlé de réformes, d'un examen du processus et des procédures au sein du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies? Est-ce que nombre de ces problèmes ont été réglés, à votre connaissance?
    Certains l'ont été, et on s'emploie actuellement à régler les autres. Même si on réussit à les régler tous, le problème politique demeure, car les missions des Nations Unies sont créées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui est une affaire de politique. Il peut encore y avoir un problème de ce côté.
    Mais je pense que c'est maintenant une norme, en partie parce que la responsabilité de protéger fait partie intégrante du document adopté en 2005 par les Nations Unies. À l'heure actuelle, la quasi-totalité des missions de paix des Nations Unies a un volet protection des civils qui fait partie de leur mandat. À mon avis, cela crée une ouverture qui peut être poussée plus loin par des gouvernements comme celui du Canada et d'autres pays qui ont de la crédibilité au sein de l'ensemble des Nations Unies, et pas seulement d'une partie de la communauté des Nations Unies.
    Le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies peut faire beaucoup plus. Toutefois, si on réussit à mobiliser uniquement les Bengalis et les Indiens, et si les gouvernements comme celui du Canada et les forces armées comme celles du Canada, qui ont tant à offrir côté expérience et formation, etc., ne mettent pas la main à la pâte, je ne sais pas dans quelle mesure on réussira à régler ces problèmes.
    Dans quels types de missions les forces militaires — les Forces canadiennes, en l'occurrence — devraient-elles intervenir et travailler aux côtés des ONG et dans quels types de missions les ONG devraient-elles travailler seules, sans présence militaire? Quelle est la distinction ici?

  (1145)  

    Je pense que dans la plupart des situations de catastrophe, la présence militaire n'est pas nécessaire, sauf dans des cas exceptionnels. Pour moi, les cas exceptionnels depuis l'ouragan Mitch seraient le tsunami — où l'EICC est arrivée trop tard —, le tremblement de terre au Pakistan et Haïti. Le reste de ces catastrophes peuvent être prises en charge par les gouvernements locaux, les Nations Unies, les organismes humanitaires et les ONG.
    Nous devrions avoir de moins en moins de participation dans ces catastrophes répétitives. Le Mozambique connaît des inondations tous les ans. Même notre présence n'est pas nécessaire. Nous devrions former les organismes locaux à s'occuper de cette question.
    En termes de conflit, il est difficile...
    Allez-y, brièvement.
    ... pour moi de le dire. Il y a actuellement un débat très intense au sein du Département des opérations de maintien de la paix et, récemment, un document a été publié concernant le maintien de la paix préventif. Traditionnellement, cela signifiait séparer les rôles, missions d'observation, et ainsi de suite.
    Le maintien de la paix est certainement facile lorsque c'est entre deux États. Je pense que le Canada devrait s'intéresser aux opérations où sa crédibilité peut apporter une valeur et là où il y a clairement un problème en ce qui concerne la protection des civils. Ce n'est pas toujours le cas maintenant.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame Vukojevic.
    En droit international, comme nous le savons, le droit d'une personne de vivre à l'abri des abus et de la violence prime sur le droit du souverain de faire ce qu'il veut.
    Étant donné que de nombreux travailleurs humanitaires sont tués tragiquement et ciblés dans les environnements instables, à votre avis, quelles devraient être les règles d'engagement dans les opérations de maintien de la paix dans une zone de conflit? Faire feu lorsque l'on se fait tirer dessus, tirer pour protéger les travailleurs humanitaires ou pour défendre les civils? Quelles devraient être les règles d'engagement dans ces circonstances?
    Je ne suis pas certaine d'être vraiment compétente pour répondre.
    Je dirais que les militaires devraient avoir le droit de faire feu pour protéger les civils, mais il devrait y avoir des règles très claires pour éviter les abus, si vous comprenez ce que je veux dire. Il y a des gardiens de la paix qui viennent de toutes sortes de pays et de toutes sortes d'endroits. Je ne crois pas que les gardiens de la paix devraient protéger les travailleurs humanitaires. Nous...
    Ils ne devraient pas protéger les travailleurs humanitaires?
    Ils ne devraient pas le faire directement. Si vous protégez les civils et si vous assurez la sécurité dans le secteur, les conditions devraient être suffisamment sûres pour nous permettre de travailler. C'est notre condition préalable. C'est de cette façon que nous pensons pouvoir fonctionner. C'est de cette façon que nous avons fonctionné pendant longtemps, jusqu'à récemment.
    Comme vous le savez mieux que moi, les travailleurs humanitaires sont pris pour cibles. La question que nous nous efforçons de résoudre, c'est comment vous protéger pour que vous puissiez faire votre travail. Quel est le rôle des militaires pour ce qui est de vous permettre de faire votre travail et de vous protéger?
    Ce que nous disons à nos collègues militaires sur le terrain dans des endroits autres que l'Afghanistan et l'Irak, c'est qu'ils recourent au mécanisme de coordination, et ainsi, ils sauront où se déroulent les activités humanitaires. Et nous, nous saurons où se déroulent les opérations militaires et nous éviterons ces endroits.
    L'échange d'informations est vraiment important. Honnêtement, je ne pense pas que la protection directe des travailleurs humanitaires soit à conseiller, parce que notre protection, c'est l'inclusion et l'acceptation. C'est de cette façon que nous pensons que nous devrions nous protéger dans des opérations. Nous voulons être acceptés par les collectivités, par les civils. Par exemple, en Somalie à l'heure actuelle, il y a beaucoup de méchants qui se promènent partout, des groupes armés. Je ne veux même pas employer à leur sujet les mots que l'on devrait employer. À l'occasion  — plus souvent que dans beaucoup d'autres pays —, ils enlèvent des travailleurs humanitaires pour une rançon, pour les piller ou même pour tenter de les tuer.
    Nous croyons que notre meilleure protection, à part le fait de porter nous-mêmes des armes et de demander une protection armée, c'est de travailler dans les collectivités, et les collectivités négocient alors avec ces groupes armés. Ces derniers ne sont pas des armées légitimes. Ils viennent de ces collectivités. Chaque fois qu'il y a un incident en Somalie, nous suspendons nos activités et nous disons aux collectivités où nous cessons de travailler que c'est dangereux pour nous.
    Là où c'est faisable, c'est bien. Vous avez dit que la Somalie serait un excellent exemple. Je dirais que la RDC et le Darfour, où les travailleurs humanitaires sont ciblés... Je creuse parce que c'est un aspect fondamental de toutes les questions que nous essayons de résoudre. Y a-il un rôle à jouer par les gardiens de la paix pour ce qui est de défendre vos vies par la force?

  (1150)  

    Je ne le pense pas.
    Très bien.
    Quelle est la meilleure relation entre les travailleurs humanitaires et les militaires dans une zone de conflit où vous avez de bonnes relations avec les gens de la place, là où vous travaillez dans des zones où l'instabilité est extrême — l'est du Congo, qui était une possibilité à un moment donné, la Somalie? Dans les États défaillants où vous travaillez, quelle est la meilleure relation, à votre avis, entre les opérations de maintien de la paix et les opérations humanitaires?
    Je dirais lorsqu'il y a coordination par l'intermédiaire des mécanismes des Nations Unies. Lorsque je dis cela, je veux dire non pas être coordonné par les Nations Unies, parce que les ONG tiennent beaucoup à conserver leur indépendance et ainsi de suite, mais à nos yeux, l'échange d'information revêt une très grande valeur, et je suppose que c'est la même chose pour les militaires.
    Est-ce que les Forces canadiennes de maintien de la paix devraient se rendre dans l'est de la RDC?
    Je ne sais pas. Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Je vous dirais que du point de vue de la protection des citoyens, leur présence serait plus justifiée en RDC que n'importe où ailleurs.
    À quel moment l'EICC devrait-elle être utilisée, ou ne pas être utilisée?
    Comme je l'ai dit, elle a été utilisée à la perfection au Pakistan où elle est arrivée très rapidement.
    Les circonstances, et non pas...Que ferait-elle...?
    Les urgences extrêmes là où la capacité est dépassée, avec des éléments d'aide précis, choisis stratégiquement. Alors, plutôt que de transporter des colis, ce que n'importe quel organisme civil peut faire, les utiliser de manière stratégique en coordination. Si l'ONU assure la coordination, elle coordonne non pas seulement l'aide humanitaire, mais les militaires également.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    La parole appartient à M. Boughen, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Payne.
    Permettez-moi de vous souhaiter, moi aussi, la bienvenue, madame. Il est bien que vous ayez partagé une partie de votre journée avec nous.
    Je vais d'abord faire quelques observations. J'aime bien votre terminologie lorsque vous parlez de bâtir la paix plutôt que de maintenir la paix, parce qu'il me semble que la guerre fait rage dans différents endroits où nos gens sont envoyés. Il n'y a pas de paix. C'est une zone de conflit. Nous essayons de bâtir la paix, mais nous ne maintenons pas la paix, parce qu'avant notre arrivée, il n'y avait pas de paix.
    Je pense que la conduite de la guerre a un peu changé, et nous le voyons en Afghanistan. Comme vous le dites, les gens sont là. Vous pensez qu'ils sont de votre côté. Je suis certain que nos troupes pensaient la même chose, mais un de nos soldats a reçu un coup de hache à la tête pendant une discussion sur la façon de répondre à certains besoins de ces gens. Alors, c'est un peu risqué là-bas. Lorsqu'il n'y a pas d'uniforme, vous ne pouvez pas dire si les gens sont des militaires ou non.
    Comment voyez-vous la distribution de quoi que ce soit que vous distribuez si vous ne faites pas intervenir les militaires, si vous n'avez pas l'assurance que si quelqu'un reçoit ce dont il a besoin, quelqu'un d'autre ne viendra pas le lui arracher des mains sous prétexte qu'il est plus gros, ou plus dur, ou qu'il a deux fusils plutôt qu'un seul? Comment voyez-vous que cela puisse se faire?
    Il n'y a pas de réponses parfaites. En tant qu'ONG, nous avons souvent été accusés d'être responsables du fait que des parties de l'aide humanitaire se retrouvent entre les mauvaises mains ou que l'aide ne parvient pas aux gens à qui elle est destinée. Nous faisons parfois des choix très difficiles.
    Même en laissant de côté des endroits actuels comme l'Afghanistan, je peux vous donner l'exemple d'une catastrophe naturelle à Aceh, ou des situations où nous acheminons des fournitures et des aliments par hélicoptère dans un endroit et que le groupe armé sur place qui reçoit l'hélicoptère insiste pour qu'on lui remette ces fournitures. Nous remettons ces fournitures à ces gens qui disent qu'ils vont se charger de les distribuer. D'abord, nous ne pouvons pas vraiment les croire. De toute manière, nous ne devrions pas fournir de l'aide aux militaires, mais le seul choix que nous avons alors, c'est de repartir. Alors, ce que nous faisons dans ces situations, c'est que nous essayons de négocier avec ces gens. Parfois cela fonctionne, parfois, non. Parfois nous devons ramasser nos effets et repartir. Mais parfois, nous parvenons à faire en sorte qu'ils nous permettent de faire la distribution sur place. Ce n'est toujours pas une garantie que certains d'entre eux, qui se présentent comme des civils, n'utiliseront pas la nourriture par après. Une méthode que nous utilisons, c'est de trouver la femme qui dirige la famille, alors, une épouse et mère, pour distribuer la nourriture et les autres formes d'aide. Habituellement, cela fonctionne.
    Oxfam a de la chance, du fait que nous ne nous occupons que rarement d'aide alimentaire; nous nous occupons habituellement d'eau et d'hygiène. Il n'y a pas autant de concurrence au sein des groupes armés pour l'eau et hygiène qu'il y en a pour les aliments. Cependant, il y a des tentatives pour utiliser nos actifs: nos entrepôts sont pillés et ainsi de suite. Il s'agit de jongler constamment avec ces choses. Nous avons dû accroître notre investissement en matière de sécurité. Par exemple, comme je l'ai dit dans le cas de la Somalie, dès que quelque chose arrive à l'une ou l'autre des agences, nous suspendons nos activités. Personne n'entre. Rien ne se passe pendant quelques jours. C'est malheureux, parce que cela signifie que des civils souffrent, mais c'est la seule façon de nous assurer, du moins dans la mesure du possible, que l'aide n'est pas utilisée à mauvais escient.
    J'espère que cela répond à votre question.

  (1155)  

    Oui, c'est bon.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez une minute. Voulez-vous utiliser votre temps maintenant? Non? Très bien, nous y reviendrons.
    Monsieur Paillé.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous.
    Lorsqu'il y a une crise, qu'elle soit humanitaire ou autre, arrive-t-il que le Canada intervienne sans nécessairement être coordonné avec l'ONU? Le Canada décide-t-il parfois de déployer à un endroit donné des militaires et des bateaux, par exemple, sans passer par l'ONU?

[Traduction]

    En fait, je ne connais pas beaucoup de cas concernant le Canada en particulier — j'en connais davantage dans le cas d'autres gouvernements. Je pense que même la mission en Afghanistan a été sanctionnée par l'ONU comme une mission approuvée par l'ONU. Ce n'est pas une mission de l'ONU, mais l'ONU a obtenu une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Alors, je ne connais pas d'autres cas que l'intervention au Kosovo.

[Français]

    D'après ce que je comprends, dans la plupart des cas, lorsque l'aide humanitaire est dispensée par une ONG, la perception des civils qui reçoivent cette aide est plus positive, du fait qu'il ne s'agit pas de gens armés, d'une armée? Comprenez-vous ce que je veux dire? Selon votre expérience, est-ce que dans la majorité des cas, quand c'est une ONG bien identifiée, et non une armée, qui dispense l'aide, la distribution est plus efficace et la perception plus positive? Pouvez-vous le confirmer?

[Traduction]

    Je pense que c'est définitivement perçu d'une manière plus favorable, surtout dans les cas où une ONG était déjà présente sur le terrain, et il en est ainsi dans la plupart des cas. Lorsque nous faisons tout juste arriver, le même problème de perception se pose, surtout lorsque beaucoup de gens arrivent en même temps, mais lorsque nous sommes déjà présents sur le terrain, il y a une différence certaine au niveau de la perception, en ce qui concerne nos objectifs, nos buts. Ils nous connaissent tout simplement. Nous sommes dans le paysage depuis longtemps; alors, la question de crédibilité est certainement plus facile pour nous.
    Il y avait un autre aspect dans votre question. S'agissait-il uniquement des perceptions? Les perceptions, certainement, et vous voyez cela tout le temps.
    Je pense qu'il y a également une différence... Vous ne pouvez pas appliquer cela de manière universelle; alors, lorsque la crise est d'une ampleur extrême, comme à Haïti, alors, les gens ne se soucient pas vraiment de savoir qui leur apporte de l'aide. S'ils ont besoin d'aide médicale, alors, ils ont besoin d'aide médical et ils ne sont pas nécessairement sélectifs à l'égard des personnes qui leur sauvent la vie. Je pense que notre principal avantage, c'est que nous étions déjà présents sur le terrain, alors, les gens nous connaissent. La plus grande partie de notre personnel est constitué de gens de la place, alors, c'est très différent, je dirais.

[Français]

    Pourrait-on résumer votre témoignage d'aujourd'hui en disant que les Forces canadiennes auraient avantage à tenter d'influencer l'ONU, afin que la coordination soit améliorée, et à améliorer sa façon de faire à l'échelle internationale plutôt que de se concentrer sur l'aspect militaire? Je parle encore ici de l'orientation des Forces canadiennes.

  (1200)  

[Traduction]

    Certainement. Je suis d'accord avec votre affirmation. Cependant, je dirais également qu'il y a des cas où une action militaire sous forme de maintien de la paix, d'observateurs et de personnel peut encore s'avérer nécessaire. Les Nations Unies pourraient être en mesure de prévenir un grand nombre de crises et un grand nombre de situations malheureuses grâce à une meilleure coordination, à des activités de prévention, à la diplomatie, et le reste, mais je pense qu'il y aurait quand même un certain nombre de crises où une opération militaire serait nécessaire dans le cadre d'une opération de paix.
    Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

    J'aimerais savoir quelle image on a du Canada sur la scène internationale pour ce qui est de son implication humanitaire. Y a-t-il un pays qui, selon vous, serait un exemple à suivre en matière d'implication, de coordination, de respect des rôles de chacun?

[Traduction]

    Le Canada jouit d'une excellente réputation pour son travail humanitaire à l'échelle internationale, mais cela est attribuable principalement aux efforts qu'il consacre aux efforts humanitaires, à la coordination, etc., des Nations Unies, et à ses ONG. À l'échelle nationale, cela peut être différent à cause des images que vous voyez, mais très peu de gens à l'échelle internationale et au sein du système et de la communauté de l'aide humanitaire considèrent les efforts militaires canadiens comme une contribution importante, et le jugement universel au sein de la communauté de l'aide humanitaire civile, c'est que cela est extrêmement coûteux. Le coût aux États-Unis est de 40 p. 100, lorsque les militaires mettent en oeuvre des activités humanitaires.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Payne.
    Merci, monsieur le président. J'espère que vous n'avez pas été insulté par mes propos plus tôt?
    Non, ça va.
    Très bien, merci. De toute façon, je suis désolé si je vous ai insulté.
    Madame Vukojevic, en regardant l'impact rapide et l'effondrement rapide en ce qui concerne l'équipe provinciale de reconstruction et en écoutant certaines de vos observations voulant que si vous travaillez avec les militaires, certainement, pour l'autre côté, cela peut sembler, en fait, ne pas être la meilleure situation... Si vous regardez une partie du travail que l'EPR a effectué en Afghanistan et la construction d'écoles et un certain nombre de ces choses, et l'infrastructure qui a été mise en place, est-ce que l'un ou l'autre des organismes humanitaires aurait été en mesure de faire cela sans les militaires?
    Je pense que oui, si les militaires assuraient la sécurité à cet endroit. Je ne pense pas que les militaires aient beaucoup à ajouter en ce qui concerne la construction de l'école, le fait de regrouper la collectivité, de l'organiser et de la faire penser à plus long terme, et les besoins et où l'école devrait être construite. Ils ont certainement une meilleure capacité logistique et ils peuvent assurer la sécurité dans un endroit, si vous comprenez ce que je veux dire. Je ne dis pas que les militaires ne devraient jamais faire cela; je dis simplement que le processus de construction de l'école ne se limite pas uniquement au fait d'ériger un bâtiment.
    Je comprends.
    Ce sont les étapes qui précèdent. C'est d'amener la collectivité à croire qu'elle est propriétaire de l'école, que l'école lui appartient, de manière qu'elle la protège, plutôt que de ne jamais l'utiliser ou de rester indifférente si l'école est détruite.
    D'après moi, cela serait davantage du développement. Et les organisations humanitaires ont commis tellement d'erreurs pendant une si longue période de temps en apprenant comment faire du développement efficace que je pense que si les militaires veulent en faire, au moins ils ne devraient pas répéter nos erreurs, en pensant qu'en construisant le bâtiment, vous avez réglé quelque chose. Pour cette collectivité, il y a des répercussions en termes de coût, qui seront les enseignants, est-ce que les filles pourront la fréquenter, combien de temps elle sera ouverte, qui va assumer les coûts, est-ce que la communauté estime que l'école lui appartient, etc.
    Je ne dis pas cela parce que les militaires sont incapables de le faire. Si les militaires décident de le faire de cette façon, ils peuvent le faire. Je dis simplement que je ne suis pas certaine que ce soit la manière la plus efficace d'utiliser les actifs militaires.
    Si les organismes humanitaires construisaient des écoles, pensez-vous que les talibans n'essaieraient pas de les détruire?

  (1205)  

    Pas nécessairement. Ils pourraient tout de même tenter de les détruire.
    Je pense que CARE a mené une étude en Afghanistan et que le pourcentage d'écoles qui deviennent la cible de bombes est plus petit. Toutefois, on a également conclu, sur la question des écoles bâties par l'UNICEF, par CARE et par d'autres ONG, qu'il fallait faire plus de recherches pour déterminer si d'autres facteurs, comme l'emplacement géographique, ont aussi leur importance, et non seulement le groupe qui a construit l'école.
    Vous avez parlé des groupes armés de la Somalie, du retrait du matériel et de ce genre de choses, ainsi que de la possibilité que vous quittiez certains pays. Quand vous partez, emportez-vous votre matériel avec vous? Le laissez-vous sur les lieux?
    Nous emportons notre matériel avec nous.
    Nous évaluons constamment les risques et nous tentons de les gérer. Lorsqu'ils deviennent trop grands... Par exemple, nous accomplissons maintenant nos opérations en Somalie à partir du Kenya. Nous n'avons ni entrepôts ni camions en Somalie. Tout le travail est fait du Kenya. Nous y allons, nous travaillons, nous partons; nous y retournons, puis nous repartons. Nous procédons de cette manière parce que c'était rendu trop dangereux; les attaques contre les travailleurs humanitaires étaient trop nombreuses, et ce ne sont pas seulement les travailleurs humanitaires internationaux qui sont ciblés, mais aussi ceux du pays.
    Les civils qui se trouvent là ne bénéficient donc d'aucune protection?
    Non. Exactement. Nous tentons de consolider les organismes progressistes et de défense des droits de la personne afin qu'ils puissent notamment faire de la surveillance. Or, ils deviennent ensuite des cibles, eux aussi, comme ce fut le cas en Somalie. Le directeur administratif d'un des organismes partenaires d'Oxfam de ce pays a été enlevé récemment par Al Chabaab en raison de ses activités. Il appartenait à un organisme de défense des droits de la personne.
    Vous avez parlé tout à l'heure des années 1990 et de l'ONU, en particulier du programme médiocre, si je peux le décrire ainsi, mis en place pour protéger les civils. Vingt ans se sont écoulés depuis; à votre avis, quels changements ont été apportés pour progresser sur ce plan?
    L'ONU a créé des outils. Elle a élaboré de nouvelles directives pour les soldats du maintien de la paix et les opérations. Elle essaie d'inciter les pays participants à faire des demandes et à améliorer la formation de leurs soldats. Conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, les missions sont mieux définies et fournissent de la protection aux civils.
    Prenons l'exemple du Darfour. La situation est peut-être mauvaise, mais la présence de l'Union africaine et des Nations Unies a contribué à la protection des civils. Le conflit n'est pas réglé — on n'a donc pas réussi à résoudre le problème —, mais le nombre d'attaques contre les civils au Darfour a beaucoup diminué, et ce, parce que la mission est maintenant bien équipée.
    La nature des conflits a aussi modifié les besoins. Il ne faut pas nécessairement de gros camions et de chars, comme ceux utilisés dans les Balkans pendant les années 1990. La mobilité est essentielle; des hélicoptères sont nécessaires pour se rendre rapidement d'un endroit à l'autre. Les véhicules blindés et autres se déplacent en plus petits groupes.
    On a donc quelque peu modifié les méthodes employées afin qu'elles se plient et qu'elles soient adaptées aux besoins de la situation.
    Merci beaucoup.
    Nous cédons la parole à M. Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Vukojevic, j'aimerais reprendre un des fils de notre discussion et aborder à nouveau le sujet de l'Afghanistan. D'un côté, nous tentons de gagner le coeur et l'esprit de la population en construisant des écoles et des cliniques. De l'autre, des intervenants non étatiques les détruisent et tuent les gens. Quel rôle nos forces armées devraient-elles jouer dans de telles circonstances?
    Devrions-nous construire des écoles? Ce n'est pas très clair. Vous sembliez dire que oui, et que si l'armée n'était pas là, la plupart survivraient. Cette hypothèse est-elle juste?
    En toute honnêteté, je ne sais pas ce qui permettrait de résoudre la situation en Afghanistan. C'est très complexe. Oxfam est là-bas depuis 30 ans; elle y était à l'époque des talibans et pendant tout le conflit. C'est un cas tellement compliqué qu'il est difficile de déterminer ce que l'armée canadienne devrait faire.
    Je ne suis pas convaincue que la construction d'écoles contribue à régler le problème. Je ne sais pas si une telle mesure modifie la perception que les gens ont de la présence étrangère, notamment. Or, ce point est propre à l'Afghanistan. C'est très...

  (1210)  

    C'est un droit fondamental; on veut permettre aux petits enfants d'avoir une éducation et d'acquérir des compétences afin de pouvoir contribuer à un État opérationnel. Voici donc ce que j'aimerais savoir: puisqu'il s'agit là d'une des conditions à remplir pour qu'un État fonctionne, que pouvons-nous faire pour permettre à ces enfants d'aller à l'école ou d'obtenir des soins de santé afin qu'ils deviennent des membres productifs de la société?
    Sincèrement, je ne sais pas. J'ai parlé à une personne de l'Université Tufts qui a fait des recherches, qui s'est promené et qui a discuté avec des Afghans — des groupes de consultation, des femmes, des hommes, etc. Il m'a dit qu'à leur avis, c'est surtout en travaillant à l'ordre public et à la diminution de la corruption qu'on réussirait à régler le conflit. Les questions posées, c'est ce qui les mettait en colère, ce qui les poussait à se joindre à des groupes armés et tout cela.
    Or, c'est justement pour qu'il y ait un appareil de sécurité national fiable et tout à fait opérationnel que nous sommes là. Si l'Afghanistan, la Somalie, la RDC avaient des appareils de sécurité nationaux convenables, la plupart des missions de maintien de la paix ne seraient pas nécessaires. Le fait qu'ils n'en aient pas montre que...
    Peut-être qu'au lieu de déployer des efforts pour construire des écoles qui se font ensuite détruire, on devrait se concentrer sur l'armée et travailler à la formation des membres des forces de sécurité afghanes. Franchement, je ne suis pas experte en la matière et je ne sais pas si mon avis sur la question est fiable, mais je dirais que rétablir l'ordre public et...
    On essaie, mais je vais passer à autre chose, car vous avez soulevé une autre question épineuse, soit celle de la Somalie et d'Al Chabaab.
    Dans ce cas-là, on pourrait dire que les enlèvements et les meurtres aveugles, ainsi que l'insécurité alimentaire chronique et la malnutrition sévère sont les marques d'un désastre humanitaire. Si on se rendait dans ce pays — et la présence des camps de formation d'al-Qaïda ainsi que la protection qui leur est offerte par Al Chabaab posent des problèmes de sécurité pour nous — afin de défendre nos propres intérêts en matière de sécurité, comment notre armée et les intervenants humanitaires de la Somalie interagiraient?
    Mieux qu'en Afghanistan, je dirais, dans le sens que les organismes humanitaires... La situation diffère quelque peu. Il arrive que nous soyons ciblés, mais il s'agit d'incidents en Somalie, tandis qu'en Afghanistan, c'est la norme.
    La population ne considère pas les organismes humanitaires comme des ennemis. Je ne pense pas que les Somaliens aient aussi peur d'Al Chabaab et des autres groupes, ni qu'ils les appuient. La population civile de la Somalie, qui compte des millions de personnes déplacées vivant sur la route qui mène hors de Mogadiscio, ne sont pas nécessairement en faveur des programmes. Selon moi, si la mission de l'ONU pouvait assurer la sécurité et se débarrasser des méchants et ainsi de suite, et si nous continuions à fournir de l'aide humanitaire, la Somalie se trouverait dans une meilleure situation que celle qu'elle connaît depuis 15 ans.
    Que devrions-nous faire pour améliorer la façon dont nous utilisons les ressources d'un pays victime d'une catastrophe naturelle, dans les cas où il en reste? Il me semble que nous n'employons pas convenablement ces ressources.
    Je pense que la situation d'Haïti était unique à tous les égards. Le pays a été détruit, et les ressources étaient déjà limitées.
    Je parle du Pakistan...
    Le Pakistan est un exemple d'un gouvernement qui a pris la situation en main, comme tous les gouvernements devraient le faire, idéalement. Il a coordonné les efforts, et nous avons tous travaillé en fonction de son plan d'aide humanitaire et de reconstruction.
    Je pense que les organismes de reconstruction et de réhabilitation après le tremblement de terre ont reçu beaucoup de soutien, y compris de la part du gouvernement du Canada. Les ONG ont collaboré avec les collectivités afin de créer des comités au sein même de ces collectivités. À mon avis, il faut travailler à différents échelons, et non seulement, par exemple, avec le gouvernement central ou la protection civile. La différence, selon moi, c'est qu'une fois que les ONG sont là, elles sont en mesure de travailler avec les collectivités. Les Nations Unies peuvent collaborer avec les ministères de la Santé et autres, mais le gouvernement du Canada pourrait appuyer les régies nationales d'urgence. Or, c'est là un exemple concret d'un cas dans lequel la méthode a fonctionné.
    En outre, le gouvernement de l'Inde est un bon exemple d'une situation dans laquelle le besoin d'interventions externes a été considérément réduit par l'accent placé sur le renforcement de la capacité interne de réagir.

  (1215)  

    Merci.
    Je donne maintenant la parole à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président, et merci à notre témoin. Je tiens à mentionner que je partagerai mon temps de parole avec M. Braid, s'il en reste.
    Vous avez mentionné un théâtre d'opérations et une zone sinistrée. Mes questions porteront sur ces deux endroits.
    La première concerne la Bosnie. En 2001, longtemps après que les combats aient cessé et que la situation ait été stabilisée, nos soldats sont restés pour aider à maintenir la paix. Ils procédaient à des opérations de temps en temps, plus ou moins pour trouver des caches d'armes. Or, pendant une série de missions de ce genre, ce qu'ils ont trouvé, en fait, ce sont des cachettes remplies d'aliments non périssables, de graines, d'articles pour la maison — tous des biens acquis grâce aux dons faits aux organismes humanitaires et destinés à la population. Ces cachettes semblaient être contrôlées par des conseillers municipaux, qui faisaient partie d'un genre de chemin de fer clandestin pour les biens, d'un marché noir. Voilà la première situation.
    Maintenant, on entend parler de ce qui se passe à Jacmel, où les gens érigent des villages de tentes fantômes dans le but de glaner davantage d'aide. Quelles mesures votre organisation prend-elle pour éviter ces deux types de situations — l'utilisation des dons de bienfaiteurs pour créer un marché noir et faire de l'argent, ainsi que la création de faux lieux pour que Jacmel reçoive peut-être davantage de matériel — et s'assurer que les biens, les services et les soins se rendent jusqu'aux personnes à qui ils sont destinés?
    Dans le cas d'Haïti, c'est facile: la coordination d'abord et avant tout. Si nous nous organisons très bien, nous saurons tout et nous ne deviendrons pas la proie de faux villages de tentes, par exemple. De façon générale, la coordination est un grand problème à Haïti, en partie parce que les organismes sont trop nombreux, et aussi en raison des faiblesses de l'ONU et du gouvernement d'Haïti. Or, selon moi, une bonne coordination permet d'éviter ce genre de choses. Ainsi, même s'ils érigent un village de tentes, ils ne recevront pas d'aide si nous — les organismes humanitaires, l'administration locale, les militaires, les journalistes, bref, tous ceux qui sont sur le terrain — sommes bien organisés. Il y a suffisamment de gens à Haïti pour que nous soyons au courant et que nous ne nous laissions pas tromper.
    Il s'agit peut-être d'un exemple de corruption, mais à mon avis, la corruption en Haïti n'est pas systémique. Des gens pauvres tentent de profiter d'une abondance de matériel. Il faut empêcher ce genre de comportement, mais je ne pense pas qu'il pose autant problème que la corruption systémique. Celle-ci existe en Haïti, mais le village de tentes n'en est probablement pas un bon exemple.
    Le cas de la Bosnie est plus compliqué et plus difficile à gérer, car il s'agissait bien de corruption et il y avait probablement une certaine intention — un but militaire ou un objectif quelconque —; les différentes factions constituaient peut-être des stocks qu'elles auraient pu vendre si la guerre avait repris ou quelque chose. Certaines personnes là-bas croient toujours en cette possibilité.
    Pour éviter cette situation, nous distribuons les biens directement, nous établissons de bonnes listes et nous commençons avec des évaluations adéquates. Nous ne distribuons pas les choses à la hâte. Nous enregistrons les gens, comme l'ONU le faisait en Bosnie, et plutôt que de vider le camion dans une collectivité ou à un centre, nous remettons directement les biens aux personnes.
    La Bosnie est un des endroits où une grande partie de l'aide est venue, non par le biais des Nations Unies et des grandes ONG, mais plutôt des efforts et de la bonne volonté des gens de partout en Europe. Une famille allemande pouvait donc remplir un camion de biens, le conduire jusque-là et le remettre simplement aux autorités locales, ce qui est impossible à contrôler. Cet exemple montre encore une fois l'importance de la coordination.
    Je pense que de telles choses se produisent bien moins souvent maintenant grâce aux efforts de coordination, car la communauté humanitaire a beaucoup travaillé en ce sens. Cela arrive encore, mais beaucoup moins lorsqu'on est bien organisé.
    Je ne crois pas que nous ayons vraiment à nous inquiéter lorsqu'une personne reçoit 10 kilos d'un bien et en vend cinq pour se procurer une quantité équivalente d'autre chose. Si c'est fait à petite échelle, ce n'est pas un sujet de préoccupation: c'est un mécanisme d'adaptation, c'est la façon dont les gens affrontent la crise. Or, ce qui pose vraiment problème, c'est quand de grands entrepôts commencent à s'emplir.
    Les ONG associées à l'ONU ont lancé nombre d'initiatives axées sur la qualité et la reddition de comptes. Elles reposent sur une bonne gestion des données, sur le partage des bases de données, sur la comparaison des noms, sur la délivrance de pièces d'identité, etc., et elles visent à éviter ce genre de situation, ainsi qu'à individualiser l'aide.

  (1220)  

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Braid, si vous avez...
    Je n'ai pas besoin de mon propre temps de parole. Le temps est écoulé, n'est-ce pas?
    Oui. C'est pour cette raison que je vous ai alloué cinq minutes. Prenez le temps qu'il vous faut.
    D'accord. Dans ce cas, j'aimerais juste poser une dernière question.
    En tant qu'organisme qui se trouve sur le terrain à bien des endroits dans le monde, avez-vous une idée des situations qui couvent et qui demanderont peut-être un jour la participation des Forces canadiennes?
    Oui. La situation qui m'inquiète beaucoup, c'est celle du Zimbabwe. J'espère que ce ne sera pas le cas, mais le pays est aux prises avec tellement de difficultés: la crise humanitaire; les répercussions des changements climatiques; les années postérieures de sécheresse; le choléra; l'hyperinflation, qu'on a maintenant stoppée, sans toutefois régler les problèmes fondamentaux de l'économie; le manque de libertés politiques; et, au fond, la dictature. Je me demande depuis très longtemps quand le tout sautera. J'avais bien peur l'an dernier, après les élections. C'est donc là un cas qui m'inquiète beaucoup. Si quelque chose se produit, il s'agira d'un conflit interne, et non d'un conflit externe.
    Certaines missions existantes sont sources de préoccupations — par exemple, celle de l'ONU au Tchad, qui sert au fond à protéger les réfugiées du Darfour. Le gouvernement du Tchad veut que l'ONU parte, et on négocie et renégocie constamment. C'est un cas très important.
    Or, les nouveaux... On ne sait jamais ce qui peut se produire dans les anciennes républiques soviétiques et les régions qui les entourent. Oxfam n'est pas très présente à ces endroits, mais vous connaissez les régions dont je parle — l'Ossétie et autres.
    Voilà ce qui me vient à l'esprit en ce moment.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Si la première victime de la guerre, c'est la vérité, la deuxième doit être le langage; notre examen de la question du maintien de la paix après 2011 vise donc en fait à trouver des moyens de rallier la population canadienne autour de nos politiques. Les Canadiens se sont évidemment beaucoup prononcés sur ce qui se passe actuellement en Afghanistan. Le terme « maintien de la paix » connote bien sûr qu’il y a de la paix à maintenir, ce qui ne serait pas le cas au Congo et à bien des endroits déchirés par la guerre en ce moment.
    Comment nous conseilleriez-vous, à nous, les décideurs, de présenter le langage et l’approche de façon à obtenir l’adhésion du public? En réalité, une grande partie du travail touche plutôt le rétablissement de la paix, et Oxfam ainsi que d’autres organismes jouent en fait un rôle d’appui fondamental: vous aidez les personnes sur les lieux qui sont soit déplacées, soit les victimes évidentes du conflit. Il est clair qu’on travaillait au rétablissement et non au maintien de la paix en Somalie en 1993, et pourtant, les gens avaient l'impression qu’il s’agissait d’une mission de maintien de la paix, comme c’était évidemment le cas en Bosnie.
    Quels conseils nous offririez-vous sur ce plan? Nous ne rallierons pas la population si elle croit que nous continuerons simplement à procéder de la même manière.
    Je pense que vous pourriez parler de la protection des civils au cours des missions de paix. Ces opérations touchent tous les aspects de la question, et je crois que ce serait juste de se servir de ce point. Selon ma connaissance des Canadiens et de leur réaction à la souffrance des gens à l’étranger, il est clair, à mon avis, que l’ensemble de la population approuverait que le travail soit centré sur la protection des civils.
    Qu’une situation donnée se rapporte soit au rétablissement de la paix, soit au maintien de la paix parce qu’un accord a été signé pour la semaine suivante, les observateurs militaires ou qui que ce soit, en autant que le travail soit centré sur la protection des civils plutôt que sur l’appui d’un côté ou de l’autre, surtout dans le cas des conflits internes, qui sont très difficiles à régler et à comprendre, et les Canadiens disent: « C’est trop compliqué. »
    Je pense qu’il serait raisonnable de proposer à la population canadienne qu'on se concentre sur la protection des civils, des victimes innocentes, sur leur sécurité, en même temps que nous les aidons, que le reste du gouvernement du Canada fait du travail diplomatique et qu’il y a de la médiation et autres par l’entremise des Nations Unies pour résoudre le problème.

  (1225)  

    Je vous remercie de votre réponse. Je pense que votre proposition nous ramène, encore une fois, au sommet de l’ONU de 2005. Elle permettrait peut-être aussi de traiter des difficultés liées au renforcement des capacités, ainsi qu'à la pauvreté et à l’inégalité — toutes des questions qui semblent obtenir le soutien de l’ensemble des Canadiens.
    Je crois que les termes sont importants, car leurs connotations montrent vraiment à quoi nous travaillons. Puisque traditionnellement, la politique étrangère canadienne repose sur les droits de la personne — notre discussion porte certainement sur le droit à la protection —, je suis heureux d’entendre vos commentaires. Je les trouve utiles. Évidemment, lorsque nous parlons de ne tolérer aucunement les crimes de guerre, nous pourrions en faire plus, nous qui avons joué un si grand rôle dans la création de la Cour pénale internationale. Encore une fois, je pense que ces valeurs font partie de ce que vous avez décrit.
    La population canadienne approuverait ce travail.
    Je pense que ce point est très important.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Bachand.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Vous nous avez parlé plus tôt du nouveau programme New Horizons. J'ai en main un document qui s'intitule: International peacekeeping missions and civilian protection mandates: Oxfam's experiences. Je vais vous lire un passage de ce document parce qu'il parle justement de New Horizons. On y lit ceci:

[Traduction]

    « Le Département des opérations de maintien de la paix et le Département de l'appui aux missions de l'ONU arrivent à un point critique de leur évaluation du rendement des opérations de maintien de la paix. Ils apportent les changements institutionnels nécessaires pour répondre aux défis à venir. Sous la direction du secrétaire générale, Alain Le Roy et Susan Malcorra ont lancé récemment une initiative de réforme intitulée « Nouvel horizon », qui vise un examen approfondi et l'amélioration de huit éléments clés du maintien de la paix. Avec le cinquième — la clarté et le consensus par rapport aux nouvelles tâches —, on propose des étapes à suivre pour obtenir le consensus sur le plan des politiques; on présente également des exigences concernant tant le renforcement du maintien de la paix que la protection des civils, ce qui devrait permettre d'élaborer des politiques nécessaires. »

[Français]

    J'aimerais que vous nous entreteniez du nouveau programme New Horizons. En outre, si vous connaissez les huit aires de maintien de la paix, j'aimerais que vous nous en parliez un peu.

[Traduction]

    Je ne pense pas être spécialiste de la question. En fait, Oxfam essaie de convaincre les Nations Unies et le DOMP d'élargir leurs consultations et de collaborer avec tous les autres intervenants. Je sais qu'ils ont publié récemment un rapport qui présente entre autres des options de réforme et différents types de missions qu'ils pourraient mener. Nous l'examinons actuellement, et nous prévoyons leur faire part de nos commentaires.
    Je ne participe pas à des entretiens directs avec les Nations Unies. Selon nous, c'est important. Je pense que leur plan Nouvel horizon montre que la protection des civils devrait être considérée comme primordiale et devrait constituer une partie essentielle de leur mandat. Pour nous, ce point est fondamental. Nous voulons nous assurer que si l'ONU lance de nouvelles missions de paix, si elle adopte de nouvelles doctrines, etc., que la protection des civils en fera partie. Le projet touche de nombreux aspects techniques; on parle beaucoup de choses comme les règles d'engagement, par exemple. Nous ne sommes pas nécessairement les mieux placés pour contribuer sur ce plan. Or, lorsqu'il est question de la protection des civils, de l'aide humanitaire, de la relation avec les intervenants et les acteurs civils, ainsi que des éléments des missions de paix de l'ONU qui ont fonctionné, selon notre expérience, nous sommes prêts à partager.

  (1230)  

[Français]

    Si je comprends bien, ce travail est en cours. Le programme New Horizons a été lancé et il y a des consultations à ce sujet, j'imagine. Où en sommes-nous à cet égard? Est-ce qu'un échéancier a été établi pour la production d'un rapport et l'établissement des nouvelles politiques en matière de maintien de la paix?

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'ils aient d'échéancier. À ma connaissance, ils n'en ont pas. Ce sont les Nations Unies; il est donc probable que le projet traîne pendant deux ou trois ans. C'est pour cette raison que j'ai dit au cours de ma déclaration que le moment est bien choisir d'agir. Je sais qu'ils mènent des consultations, y compris avec la société civile et les plus grands pays participants. Ils ont commandé un rapport à des universitaires.
    Il s'agit d'un exercice exhaustif. Ils se penchent sur les procédures internes, sur les tendances mondiales en matière de développement, ainsi que sur les conflits et les opérations en cours. Beaucoup d'aspects portent précisément sur les opérations militaires. Ils procèdent à un examen approfondi. Ils sont censés se fonder sur le rapport Brahimi de 2000 et bâtir sur celui-ci, car ils voient qu'il a mené à des changements favorables. Ils doivent réformer complètement la méthode, les politiques, les détails opérationnels — bref, la façon dont le DOMP fonctionne. Au fond, il s'agit d'une refonte globale.

[Français]

     Je ne veux pas m'attarder sur le cas de plusieurs pays. Prenons l'exemple de l'Afghanistan. Que fait OXFAM, quelle est sa politique et combien d'employés y a-t-il dans ce pays? Embauchez-vous des Afghans dans le cadre de vos programmes ou s'agit-il de gens de l'extérieur?

[Traduction]

    Ce sont surtout des Afghans. Nous avons du personnel. Nous nous concentrons par-dessus tout sur l'aide humanitaire, mais nous travaillons aussi un peu au développement. La plupart de nos employés... En général, le rapport est d'une personne de l'extérieur à 10 du pays. En Afghanistan, la différence est encore plus grande. Je pense qu'il y a seulement trois personnes de l'extérieur en ce moment, et elles travaillent en collaboration avec les Nations Unies, avec le comité sur les relations civilo-militaires et avec d'autres.

[Français]

    Merci bien.
    Et maintenant, monsieur Harris.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je m’intéresse au Canada après 2011, donc je ne veux pas vraiment parler de l’Afghanistan en ce moment.
    Vous nous avez parlé de l’efficacité du Canada en Croatie, malgré le caractère inadéquat de son mandat. Vous nous avez dit que l’armée canadienne avait acquis une très bonne réputation dans le cadre de cette situation de conflit; elle était plus respectée que la police locale. Le Canada s’est donc forgé une certaine réputation à l’échelle internationale.
    Ce qui m’intrigue, c’est le fait que le Canada n’a pas vraiment participé aux missions de l’ONU au cours des dernières années. Selon certains calculs, il y a eu maintenant 15 ou 18 opérations militaires, qui comptaient, d’après ce que j'ai constaté, quelque 84 000 soldats. Le Canada contribue 5 500 de ces derniers et cinq millions de dollars par année. Autrement dit, nous ne participons pas vraiment aux missions de l’ONU.
    Compte tenu du fait que la résolution 1265, qui porte sur l’obligation de protéger les civils, a été adoptée par le Conseil de sécurité en 1999, et du projet Nouvel horizon, d’abord, savez-vous si le Canada participe à cette initiative visant à rebâtir les missions de maintien de la paix et à renforcer le mandat de protection des civils, point qui, selon vous, fait maintenant partie de tous leurs mandats? Ensuite, le Canada devrait-il considérer la possibilité de contribuer davantage à cette initiative après 2011 ou devrait-il continuer à participer aux projets des États-Unis ou de l’OTAN qui n’ont rien à voir avec l’ONU — autrement dit, continuer à faire ce qu’il fait actuellement? Finalement, l’ONU a-t-elle suffisamment modifié sa façon d’aborder le maintien de la paix, ou pourrait-elle le faire, pour s’adjoindre les Canadiens et pour que l’efficacité et la réputation du Canada aient une certaine valeur?

  (1235)  

    Je ne sais pas si le Canada participe aux projets actuels de l’ONU. Je présume que oui, mais il y a différents niveaux de participation. Peut-être qu’une personne du MAECI contribue occasionnellement aux discussions liées à l’initiative Nouvel horizon, dans le cadre de laquelle, selon moi, le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file. Je pense aussi que le Canada pourrait aider à apporter des changements significatifs à l’intérieur même du projet et qu’il pourrait le mener plutôt que d’en laisser la direction aux autres.
    À mon avis, avec le leadership et la participation du Canada, on pourrait apporter suffisamment de changements à la façon dont l’ONU gère ses missions de paix. En outre, malgré tous les défauts de l’ONU liés à l’acceptabilité universelle et à son rôle, je crois qu'il conviendrait parfaitement de participer au projet. Je pense aussi que le Canada pourrait diriger le processus et l’influencer de façon à le modeler conformément à ses valeurs, à ses priorités et plus.
    Ai-je répondu à votre question?
    Oui. Franchement, je partage votre avis et je voulais juste savoir comment vous décririez ce rôle.
    Est-ce en raison de la capacité unique du Canada, de sa réputation ou de ses valeurs?
    Sa crédibilité, ses valeurs...
    Tout cela est accompagné de grands...
    La perception du monde est importante; le Canada est encore considéré comme un intervenant qui n’a pas d’intérêt dans des conflits externes, sauf dans le cas de l’Afghanistan, je dirais.
    Ce n’est pas seulement que les Canadiens reconnaîtraient l’importance de la participation du Canada à la réforme des opérations de paix de l’ONU et aux missions de paix en général; c’est que la plupart des membres de la communauté internationale — les nations des Nations Unies — seraient très ouverts à l’idée que le Canada les modèle, y contribue et les modifie. À mon avis, le Canada occupe une place distincte au sein de la communauté internationale.
    Vous avez dit tout à l'heure que certains des chefs de file mondiaux ne semblaient pas promouvoir l’idée que les Nations Unies participent à la protection des civils. Aviez-vous des exemples précis en tête?
    L’appui du Département des opérations de maintien de la paix et le nombre de militaires que les pays ayant le plus de ressources contribuent ont diminué au cours des 10 dernières années. Ce n’est pas seulement le Canada; ce sont également d’autres pays. Les mesures ne sont pas aussi radicales que le retrait du Canada de la mission de l’ONU, mais c’est bien ce qui se passe.
    Je sais que mes collègues d’Europe parlent avec des fonctionnaires européens de la force européenne qu'on met sur pied actuellement et avec les ministères de la Défense de leur pays au sujet de l’importance de faire participer des intervenants progressistes très fiables à la discussion sur les missions de paix et au débat sur la protection des civils. Le problème prend de l’ampleur.
    Je présume que vous considérez ce qui s’est produit dans la poche de Medak, même si ces actions allaient à l’encontre des opérations, comme un point fort des activités du Canada en matière de protection des civils.
    Je ne sais pas s’il s’agissait d’un point fort. Ils sont arrivés tard. Le village — tout avait été brûlé. Or, ils ont agi en se fondant sur des principes et des valeurs liés à la protection des civils et de leurs biens. En outre, une fois sur les lieux, ils ont réussi à les protéger. En 1995, au cours de l’opération Storm, ils ont protégé les civils en abritant ceux qui ne pouvaient pas se sauver dans les quartiers de l’ONU.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier de votre participation, madame Vukojevic. Je pense que tous l'ont trouvé utile. Merci de votre présence ici aujourd'hui.
    Sur ce, nous concluons notre seizième séance. Merci à tous les membres. Je vous souhaite une bonne journée.
    La séance est levée.
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