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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 018 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mai 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    C'est la 18e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne et nous sommes aujourd'hui le mardi 25 juin 2010.
    Vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-4, la loi de Sébastien, modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    J'ai quelque chose à signaler aux membres du comité au sujet de cette étude. Jusqu'à la date limite du 14 mai, vous avez proposé 44 témoins. Une semaine plus tard, une semaine après le délai, nous avons reçu une autre liste du Bloc québécois. Il y a un certain nombre de questions à régler. D'abord, comment gérer la liste de témoins que nous avons déjà? Deuxièmement, qu'advient-il de la liste proposée par le Bloc? Enfin, il faut fixer une date pour une réunion du comité de direction. Toutes ces questions sont importantes parce que nous essayons de gérer la situation et de faire avancer l'étude du projet de loi.
    Comme le comité de direction n'a pas pu se réunir à cause de conflits d'horaire, je propose que nous recevions huit témoins à chaque séance de deux heures et entendions les témoignages rapidement. J'espère que l'étude article par article sera terminée au plus tard le 15 juin. Cela nous donne donc sept autres séances pour une quarantaine de témoins et l'étude article par article.
    J'ignore quelle est la volonté du comité. Je veux assurer une gestion efficace et efficiente qui ne lèse personne, mais sans faire traîner les choses inutilement.
    Qu'en pensez-vous?
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Je crois que ça dépend des témoins. Certains ne peuvent pas être insérés dans un horaire aussi serré. Huit témoins en deux heures, ça donne 15 minutes par témoin. Dans ces conditions, je ne crois pas que nous puissions finir le 15. Je ne pense pas qu'on puisse prendre ces décisions ce matin, alors que des témoins attendent déjà pour témoigner. Ils sont importants, et je pense que nous devrions discuter de cela dans le cadre d'une réunion régulière du sous-comité.

[Traduction]

    Monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Nous devrions avancer le plus rapidement possible. Nous avons l'obligation envers ceux que nous représentons de faire avancer l'étude du projet de loi. La date butoir de la fin de juin approche. La session parlementaire sera interrompue pour l'été et nous ne reviendrons qu'à la fin de septembre. Beaucoup d'autres comités dont j'ai fait partie ont siégé au besoin pendant de plus longues heures, surtout à cette époque-ci de l'année. Je suis disposé à le faire, si les autres sont d'accord.
    Les témoins sont nombreux et je crois qu'ils diront des choses semblables. Le jeudi 27 mai, par exemple, nous accueillons trois organisations: Défense des enfants-international-Canada, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada et Justice for Children and Youth. Monsieur le président, je dirais, d'après leurs noms, que ce qu'elles auront à dire sera probablement très semblable. Fort bien. Nous devrions tous les entendre. Mais il y aura probablement des similitudes, nous pourrions accueillir plus de témoins à chaque séance. Chaque témoin pourra s'exprimer et nous pourrons faire avancer les affaires de la population le plus rapidement possible.
    J'appuie votre proposition de huit témoins par séance afin que nous puissions terminer cette étude avant la fin de juin.
    Merci.
    Monsieur Murphy.
    Sur le plan pratique, étant donné que nous siégeons de 11 à 13 heures et qu'il y a beaucoup de travaux de comités, nous n'allons pas trouver d'autre créneau, pourquoi ne pas prolonger les séances jusqu'à 13 h 30 au besoin? Nous avons cette autre chose qui revient à 14 heures presque tous les jours.
    Cela nous donnerait combien de séances à raison d'une demi-heure...
    Il reste sept séances d'ici le 15 juin.
    Une voix: Cela donne trois heures et demie?
    Je suppose que vous pourriez vérifier. Si vous pensez avoir besoin d'une demi-heure de plus pour un groupe de témoins, très bien, car c'est peut-être un peu juste, caser huit témoins. Supposons que chacun a un témoignage substantiel à livrer. Si tous les témoignages vont dans le même sens, vous avez peut-être raison de dire que nous pouvons y arriver en deux heures.
    Ajoutez la demi-heure ou gardez-la en réserve au cas, monsieur le président.
    Bonne idée.
    Oui, madame Mendes.
    Savons-nous si les 44 témoins sont en mesure de venir?
    Non, nous ne savons pas. Nous venons de commencer à élaborer le programme, mais s'ils sont tous disponibles...
    Nous n'avons pas encore parlé des témoins que le Bloc a ajoutés. Nous pourrions nous retrouver avec plus de 50 témoins. Nous essayons de gérer la situation efficacement.
    Je proposerais aussi que nous donnions à chaque témoin cinq minutes au lieu des 10 minutes habituelles pour faire son exposé, mais, s'il y a un témoin qui a vraiment besoin de 10 minutes ou si un député souhaite l'entendre pendant 10 minutes au lieu de cinq, nous pourrions l'accepter. Nous serions ainsi plus efficaces et nous aurions plus de temps pour les questions des membres du comité.
    Si vous voulez vous en remettre à moi, j'utiliserai cette latitude pour agir de façon équitable.
    Monsieur Dechert.
    Je voudrais simplement ajouter que la proposition de M. Murphy me convient. C'est une bonne idée de prolonger d'une demi-heure, tout comme votre proposition sur la durée variable des exposés des témoins.
    Tous ces aménagements nous permettront d'accueillir tout le monde et de faire le travail dans des délais raisonnables dans l'intérêt des Canadiens.
    Merci. Je vous suis reconnaissant de cette proposition.
    D'accord.
    À supposer que cela puisse marcher, nous allons nous y prendre de cette manière, quitte à nous adapter au fur et à mesure.
    Monsieur Woodworth.
    Je recommande instamment que le comité de direction se réunisse, étudie la liste des témoins proposés avant la date limite que nous avons acceptée et voie s'il y a des recoupements afin d'élaguer un peu la liste.
    J'hésiterais beaucoup à ajouter des témoins à la liste de ceux qui ont été proposés dans les délais convenus.
    Merci.
    D'accord, monsieur Woodworth, je vais faire de mon mieux pour inscrire une réunion du comité de direction au programme dans la semaine à venir. Nous avons essayé la semaine dernière. Nous avons essayé diverses dates, mais aucune ne convenait à tous les membres du comité. Nous allons essayer dans la semaine à venir.
    Quoi qu'il en soit, nous accueillons deux témoins du ministère de la Justice qui sont de retour parmi nous, Catherine Latimer, avocate générale et directrice générale, et Paula Kingston, avocate-conseil, Justice applicable aux jeunes, initiatives stratégiques et réforme du droit.
    Comme vous n'avez pas d'exposé à faire, passons aux questions tout de suite.
    Membres du comité, voici ce que je propose. Je crois comprendre qu'on préfère avoir des interventions de sept minutes avec le prochain témoin. Nous allons donc commencer par un tour de cinq minutes et nous irons le plus loin possible. Nous passerons à des périodes de sept minutes pour interroger le prochain témoin, le procureur général du Nouveau-Brunswick.
    Monsieur Murphy, vous commencez?

  (1110)  

    Je peux.
    Bonjour. Quel a été votre rôle comme conseillère à l'égard d'une partie ou l'autre du projet de loi ou sur le plan de la rédaction?
    Nous jouons le même rôle que les autres fonctionnaires: nous proposons des analyses et des conseils. Une fois les décisions prises, nous les appliquons loyalement.
    Bonne réponse.
    L'article 3 du projet de loi qui, par coïncidence, porte sur l'article 3 de la LSJPA, est très important. Il me semble, à bien le lire, qu'il modifie l'intention de... Je vous pose la question: change-t-il l'intention qui sous-tend la LSJPA?
    Le texte existant dit que cette loi vise à « prévenir le crime », à « réadapter » les adolescents, à leur faire prendre conscience des conséquences de leurs actes. La nouvelle proposition veut que la LSJPA « vise à protéger le public » au moyen de certaines mesures. Je voudrais connaître la genèse, l'origine de cette modification, la réflexion qui a abouti à cette modification.
    J'associe à cette question une autre expression qui figure à l'article 3 de la loi actuelle, ajoutant la notion de culpabilité morale moins élevée. De notre côté, nous considérons le préambule de la loi et les préoccupations de l'ONU en matière de justice pénale pour les adolescents, et nous sommes portés à penser que c'est une loi qui a été mise en place, comme celles qui l'ont précédée, expressément pour les enfants. Nous avons précisé à l'alinéa 3(1)b) que le système « doit être distinct de celui pour les adultes », et cela subsiste, mais on ajoute: « être fondé sur le principe de culpabilité morale moins élevée ».
    D'où vient cet ajout? Que veut-il dire? Comment le principe sera-t-il appliqué?
    La différence entre la disposition existante et l'article 3 qui est proposé est qu'on met l'accent sur la protection du public, qui est mise en évidence dans la nouvelle définition à l'article 3, mais les moyens d'assurer la protection du public restent conformes aux objectifs précédents. On assure la protection en obligeant les adolescents à répondre de leurs actes répréhensibles d'une façon proportionnée et juste, en appuyant leur réadaptation et en essayant de prévenir le crime, au départ.
    La deuxième question porte sur la « culpabilité morale moins élevée ». Cette notion trouve son origine dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire opposant la reine à D.B. Elle a statué qu'il existait un principe de justice fondamentale applicable aux jeunes, soit que ceux-ci ont droit à la présomption d'une culpabilité morale moins élevée. La nouvelle disposition intègre simplement le point de droit établi par la Cour suprême. Il s'agit maintenant d'un principe protégé par la Constitution aux termes de l'article 7 de la Charte. C'est donc simplement l'expression du droit existant.
    Je vous amène brièvement à l'article 38 de la loi existante et à l'article 7 du projet de loi. Celui-ci introduit les notions de dénonciation et de dissuasion, qui se trouvaient jusqu'ici seulement dans le Code criminel pour adultes, à l'article 718. Il a été jugé nécessaire de les ajouter ici, au paragraphe 38(2), comme il est proposé dans le projet de loi. D'où vient cette idée? Comment va-t-elle rendre la situation fort différente de celle du Code criminel pour ce qui est de la détermination de la peine?

  (1115)  

    Les notions de dissuasion et de dénonciation figuraient également, vous vous en souviendrez peut-être, dans le projet de loi C-25 du gouvernement présenté au cours d'une session antérieure. Cela se rattache à l'idée qu'il est important que les jeunes répondent de leurs actes.
    Vous avez raison. La dissuasion et la dénonciation figuraient jusqu'ici parmi les principes de détermination de la peine qui se trouvent dans le Code criminel, et elles se trouveront maintenant aussi dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ce qu'on envisage, c'est que, lorsqu'il s'agit d'évaluer ce que sont une peine ou une condamnation justes et proportionnées pour l'adolescent, en fonction de la gravité de l'infraction et du degré de responsabilité de l'adolescent, le tribunal a le droit de tenir compte, dans ce contexte, des principes de détermination de la peine que sont la dissuasion et la dénonciation.
    Mettons que la dissuasion et la dénonciation soient nécessaires. Voulez-vous dire que les juges n'accordaient pas assez de poids à ce qui se trouve déjà à l'article 38, soit que la peine doit « susciter le sens et la conscience de ses responsabilités » chez l'adolescent? Cela se trouve déjà dans la loi. Les juges du tribunal pour adolescents que je connais lisent ces dispositions attentivement et les appliquent. Ils tiennent à s'assurer que les jeunes se sentent responsables de leurs actes. Qu'est-ce que la nouvelle disposition va ajouter?
    Je pourrais peut-être préciser ma réponse de tout à l'heure.
    La différence entre les notions de dissuasion et de dénonciation qui figuraient dans le projet de loi C-25 et ce qu'on trouve ici, c'est que la notion de dissuasion générale ne fait pas partie de cette série-ci de dispositions. Il s'agit d'une dissuasion particulière. Le but visé est de donner à l'adolescent une peine juste et proportionnée qui l'aidera à comprendre qu'il doit éviter de récidiver. Il s'agit donc de marquer un point de repère et de proposer une mesure de dissuasion précise à l'adolescent.
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Actuellement, à l'alinéa 38(2)c) de la loi, on dit ceci:
c) La peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'adolescent à l'égard de l'infraction;
     Au sous-alinéa 3(1)a)(i) proposé, on dit ce qui suit:
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à protéger le public de la façon suivante :

(i) obliger les adolescents à répondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnées à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité [...]
    Quelle différence voyez-vous entre l'article déjà existant, soit l'article 38, et ce qu'on veut inclure à l'article 3?

[Traduction]

    Il existe une différence, car la disposition de l'article 3 proposé s'applique à des mesures et pas seulement à des peines. On essaie de s'assurer que, si le système de justice est persuadé qu'une mesure ou sanction de rechange ou extrajudiciaire convient à l'adolescent, cette mesure ou cette sanction sera proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. La disposition s'applique non seulement à la détermination de la peine, mais aussi à toutes les mesures du droit pénal qui peuvent être imposées aux adolescents au moyen de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Il s'agit de s'assurer jusqu'à un certain point que les adolescents dans le besoin qui sont soumis à une sanction extrajudiciaire ne sont pas frappés par une mesure ou une peine coercitive hors de proportion avec la gravité de l'infraction ou le degré de responsabilité, parce que nous ne voulons pas finir par punir ceux qui sont dans le besoin. Nous voulons veiller à ce que la peine soit proportionnelle à la culpabilité de l'adolescent.

[Français]

    C'est une très bonne réponse. Justement, on voit la différence entre une peine et une mesure. N'est-il pas dans la nature des choses que les mesures soient calculées en fonction de la personne à qui le juge veut les imposer? La peine, elle, prend en considération la gravité objective, la responsabilité de l'accusé. On voudrait un principe qui s'applique à une peine et appliquer ce dernier à une mesure qui, normalement, tient beaucoup plus compte de facteurs subjectifs comme les chances de réhabilitation, les moyens de réhabilitation, le milieu familial, le niveau d'instruction, et ainsi de suite.

  (1120)  

[Traduction]

    Il est certain que les dispositions sur la détermination de la peine de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents exigent que la mesure proportionnée soit la plus susceptible de favoriser la réadaptation de l'adolescent. Il s'agit ici de s'assurer que la réaction du système de justice pénale respecte cette règle tout à fait fondamentale: se laisser guider par la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité.
    Nous avons beaucoup cherché à voir comment nos systèmes s'agencent avec d'autres domaines où on cherche plus directement à assurer le bien-être des adolescents et leur développement en toute sécurité. Dans le système du Québec, par exemple, il y a une convergence. Le directeur provincial a une nomination croisée entre le directeur du bien-être de l'enfant et la justice pour les adolescents.
    Il y a beaucoup de cas où il peut y avoir collaboration entre les systèmes, mais il est important de s'assurer que le pouvoir du droit pénal qui vise ces objectifs n'est pas utilisé pour pénaliser ceux qui sont dans le besoin au lieu de les aider. L'idée de proportionnalité, c'est qu'il faut rester axé sur le vrai pouvoir du droit pénal, qui met l'accent sur l'infraction plutôt que sur le délinquant.

[Français]

    De toute façon, pour imposer un critère qui est déjà dans la loi, en ce qui concerne les peines, on retire le principe suivant:
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public;
    L'amendement fait en sorte de retirer ce principe, n'est-ce pas? Il est peut-être repris au sous-alinéa 3(1)a)(ii) proposé, mais comme un encouragement et non en tant que but visé par la loi.

[Traduction]

    Dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, cette mesure concerne le renvoi des adolescents aux mécanismes de prévention du crime ou de soutien dans la collectivité. Ce n'est pas nécessairement une mesure de responsabilisation aux termes de la loi. Par exemple, si on a l'impression qu'il existe des problèmes de santé mentale, l'adolescent est aiguillé vers le système local de soins de santé mentale. On ne menace pas l'adolescent qui a du mal à suivre le régime de soins en santé mentale, et le but est d'éviter de punir celui qui est dans le besoin au lieu du coupable.
    Voici un exemple. Nous craignons beaucoup que trop de jeunes ayant des problèmes de santé mentale ne se retrouvent devant le système de justice pénale parce qu'il n'existe pas de services pour eux. Nous avons eu récemment un forum avec des policiers et des responsables de la santé mentale pour encourager les policiers à comprendre et à connaître les services en santé mentale dans les collectivités pour qu'ils confient les adolescents à ces services au lieu de les inculper et de les soumettre au système judiciaire.

[Français]

    Vous vous éloignez vraiment de la question qui vous a été posée.

[Traduction]

    Merci. Nous en sommes à la fin de la question. Nous avons même largement dépassé la limite. De deux minutes.
    Passons à M. Comartin, qui aura cinq minutes.
    Ces questions étaient excellentes, cependant, monsieur le président.
    Vous pouvez poursuivre dans la même ligne.
    C'est ce que je vais faire, mais peut-être sous un angle différent.
    D'abord, à la page 2, à propos de la « culpabilité morale moins élevée », madame Latimer, je dois admettre, lorsque je lis cette disposition et lis l'extrait de l'arrêt de la Cour suprême... Je vous dirai ceci: cette notion est utilisée ici dans un contexte différent de celui de l'arrêt de la Cour suprême du Canada. En l'utilisant comme il le fait dans le contexte de cet article de la loi, le gouvernement ne tente-t-il pas de réduire la portée de cet arrêté et d'entrouvrir la porte, fût-ce de façon infime, à un rapprochement entre le système de justice pour les adolescents et le système de justice pénale pour adultes en permettant l'interprétation de cette disposition pour introduire la notion de dissuasion au sens général plutôt que particulier? C'est ce que j'entrevois, au moins sur le plan des interprétations possibles, une fois que les tribunaux interpréteront cette disposition.
    N'y a-t-il pas là un risque?

  (1125)  

    Je conviens avec vous qu'il est difficile de savoir comment cette disposition sera appliquée, car il a été établi que c'était un principe fondamental de justice. Au fond, cela change les règles du jeu pour nous, dans une certaine mesure. Nous avons travaillé très fort afin de voir quel est le développement cognitif moral normal chez les adolescents afin de mieux comprendre la signification de cette culpabilité morale moins élevée et de comprendre comment ce principe sera appliqué dans toute la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Il pourrait y avoir un effet de consolidation. Si l'adolescent a du mal à comprendre la relation de cause à effet, on peut se demander, peut-être, si des déclarations faites à la hâte, sans l'aide d'un avocat, doivent être retenues, car la responsabilité réduite de l'adolescent, pour ce qui est de comprendre...
    C'est déjà une affaire entendue, tant pour tout ce que nous savons sur les plans psychologique ou psychiatrique que pour ce que les tribunaux ont admis tant que j'ai exercé le droit, à compter des années 1970. Si nos tribunaux, jusqu'à la Cour suprême du Canada, reconnaissent que les jeunes ont beaucoup plus de mal à comprendre les relations de cause à effet, n'y a-t-il pas un risque important d'obtenir une interprétation contraire en ajoutant cet élément à la loi?
    S'il y a un risque, comme je le crois, qu'espérons-nous obtenir? Nous comprenons; en psychologie et en droit, nous comprenons. C'est acquis depuis longtemps. Il n'y a aucun problème sur ce plan, au sujet de la relation de cause à effet et de la compréhension de cette relation chez les jeunes. Qu'essayons-nous d'accomplir au moyen de cet article?
    D'abord, cet article reprend un point de droit énoncé. Depuis l'arrêt opposant la reine à D.B., c'est là le principe qui prime en justice fondamentale dans le système pour les adolescents. Qu'il soit exprimé ici ou non, c'est le cadre dans lequel la justice pour les adolescents serait assurée.
    Nous en apprenons de plus en plus sur les capacités cognitives et le développement des adolescents, ainsi que sur les déficiences cognitives qui influent sur leur perception de la relation de cause à effet. Ainsi, l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale est un problème grave du point de vue la conscience des conséquences des actes, et cela a une incidence sur les dérogations à l'administration de la justice. Si on impose beaucoup de conditions à des jeunes qui ne comprennent pas la relation de cause à effet, ils vont manquer à ces conditions et la réaction de la justice pénale sera exacerbée, tout cela parce qu'on n'a pas compris les limites des capacités cognitives.
    Selon moi, bien des raisons doivent nous pousser à mieux comprendre le problème de façon que le système de justice soit plus juste et plus efficace.
    J'ai mes doutes.
    En ce qui concerne la disposition qui porte sur la protection du public, je dois admettre que, en la lisant, je me suis demandé une fois de plus pourquoi cela se retrouvait là. Il en était question plus bas.
    Tout ce que j'ai appris en rédaction à la faculté de droit et toutes les causes que j'ai lues depuis me disent que, peu importe si le principe se trouve au début ou à la fin du paragraphe, il est là. En mettant cette notion en début de paragraphe, qu'est-ce qu'on accomplit en dehors du champ de la politique? Vous n'avez pas à répondre à ma question sur la politique. Je vous demande simplement, à titre de rédactrice, quel résultat cela donne.
    La seule différence nette entre l'ancienne disposition et celle-ci, c'est que c'était la protection à long terme qu'on trouvait dans la disposition existante, alors que celle-ci met l'accent sur une protection plus immédiate en laissant tomber la protection à plus long terme.
    Merci.
    Voilà qui met un terme à la période que nous avions pour ces témoins.
    Merci d'avoir comparu.

    


    

  (1130)  

    La séance reprend. Nous accueillons maintenant pour une heure l'honorable Kelly Lamrock, c.r., ministre du Développement social et procureur général du Nouveau-Brunswick.
    Le ministre est accompagné par James Burns, conseiller principal en matière de politiques, Direction de la politique et de la planification du Cabinet du procureur général du Nouveau-Brunswick.
    Bienvenue à vous deux. Vous savez que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.
    Cela me convient très bien, monsieur le président. Merci beaucoup.
    D'abord, merci de me permettre de témoigner. J'espère aujourd'hui vous faire part de deux points de vue en un seul exposé sur le projet de loi C-4 et vous parler un peu de l'expérience du Nouveau-Brunswick.
    J'apporte deux points de vue qui peuvent être utiles au comité. D'abord, je crois être le seul procureur général d'une province qui ait également la responsabilité des jeunes à risque dans un ministère à vocation sociale. Certaines mesures que nous prenons avec succès pour lutter contre la pauvreté, faire reculer la criminalité et atténuer la récidive chez les jeunes peuvent aider le comité à comprendre comment nous pouvons sévir contre le crime en prévenant le crime et en aidant les jeunes à risque à ne plus être à risque.
    Deuxièmement, permettez-moi de dire clairement que, du point de vue du Nouveau-Brunswick, l'actuelle LSJPA fonctionne bien. La criminalité chez les jeunes diminue. Moins de jeunes récidivent. J'espère que nous pourrons vous expliquer un peu pourquoi notre province obtient ces résultats et aussi comment le projet de loi C-4 ne fait pas qu'ajouter un autre niveau de mesures à l'égard des adolescents, mais risque plutôt d'empêcher le Nouveau-Brunswick d'appliquer des mesures qui donnent des résultats. Notre province a eu des réussites et nous espérons qu'elles seront respectées dans ce processus.
    Disons d'abord ceci: il semble absolument essentiel d'avoir un système de justice pour les adolescents qui vise à répondre aux besoins propres aux jeunes contrevenants. Une justice uniforme pour tous est vouée à l'échec. Ainsi, avec les jeunes, il y a plus de temps pour réformer les comportements. S'ils grandissent dans la pauvreté ou ont des problèmes de santé mentale, ou encore s'ils sont maltraités ou négligés au foyer, ces expériences peuvent être plus déterminantes et influer davantage sur le comportement que ce ne serait le cas chez un adulte qui a vécu davantage et a une perspective plus large.
    Les jeunes sont aussi moins conscients des conséquences à long terme et y pensent moins. La dissuasion n'est pas aussi efficace auprès d'eux. Tout parent qui a dit à son enfant: « Si tu n'étudies pas, tu n'iras pas à l'université et tu n'auras pas un bon travail » sait qu'il répond: « Oui, oui, je sais ça, mais c'est plus tard. Je suis immortel et je suis jeune. »
    Au Nouveau-Brunswick, nous avons été intransigeants avec le crime, mais cela ne s'est pas manifesté par ce que nous faisons une fois le crime commis, mais par ce que nous faisons pour éviter que le crime ne se produise. Voilà ce que c'est, pour nous, sévir contre le crime, et nous le faisons. Ainsi, nous avons légiféré pour autoriser la saisie de biens d'un propriétaire absent qui tolère que sa maison serve au narcotrafic ou à l'exploitation de la pornographie juvénile. Nous avons maintenant le pouvoir de saisir ces biens et de sévir contre les propriétaires absents. Nous avons une loi de protection des locataires qui permet à l'État d'éjecter ceux qui dégradent un quartier par un comportement antisocial. Voilà ce que c'est, sévir contre le crime.
    Nous nous attaquons aussi aux causes du crime par une réforme dynamique de notre système d'aide sociale. Nous avons des interventions énergiques, dont des ressources plus importantes en santé mentale à un stade précoce, la formation des tribunaux et une prestation intégrée des services, avec des équipes d'intervention dans les écoles qui repèrent les enfants maltraités ou négligés au foyer et leur offrent des services intégrés, qu'il s'agisse de santé mentale, d'aide pour les parents au foyer ou d'aide dans le système d'éducation.
    Si je peux, je vais énumérer rapidement cinq points du projet de loi C-4 qui risquent de nuire à ce que nous faisons au Nouveau-Brunswick et dont l'efficacité est avérée.
    Je dirai d'abord ceci. L'article 8 du projet de loi est l'un des premiers cas où le Parlement du Canada propose de criminaliser l'intervention d'aide. En effet, le projet de loi permet aux juges, lorsqu'ils déterminent la peine, de tenir compte de la participation passée à des programmes de traitement pour la toxicomanie ou la santé mentale ou même de choses aussi simples que des avertissements de la police.
    Voici pourquoi cela nous inquiète. Lorsqu'un jeune à commis une infraction sans violence et n'a pas délibérément causé un préjudice à autrui, nous voulons qu'il participe le plus rapidement possible à nos programmes d'intervention. Nous ne voulons pas faire intervenir les avocats ni avoir un long processus judiciaire. Nous voulons que le jeune participe à des programmes d'intervention. Si la loi dit que ces programmes risquent de jouer contre les jeunes, vous nous empêcherez d'appliquer des mesures efficaces.
    Pourvu que les jeunes admettent leur responsabilité et participent aux programmes, nous pouvons amorcer un processus qui transformera leur vie. Si on dit que cette participation, qu'il s'agisse de cercles de détermination de la peine, de service communautaire ou de counselling, joue contre le jeune au moment de la détermination de la peine, il y aura plus de jeunes qui feront appel à des avocats, il y aura plus de procès, et les jeunes obtiendront de l'aide bien moins rapidement. Selon nous, ce serait une erreur de criminaliser la participation aux programmes dont il est prouvé qu'ils marchent bien au Nouveau-Brunswick pour assurer la sécurité de la population et éviter la récidive.

  (1135)  

    Deuxième sujet d'inquiétude, je dirais, le projet de loi risque d'aller à l'encontre de son propre objectif en brouillant la distinction entre crimes intentionnellement violents et comportement imprudent ou risqué. Si la définition d'une participation à un comportement risqué était appliquée à tous les jeunes, je ne suis pas sûr que la plupart d'entre nous n'auraient pas été épinglés à 16 ans. Je peux le dire dans mon cas.
    En fait, il n'y a rien de mal, lorsqu'un jeune fait du mal à quelqu'un d'autre intentionnellement, volontairement, froidement, à le faire juger comme un adulte. C'est ce qu'il faut faire. Je suis père, moi aussi, j'ai des enfants et je veux qu'ils soient protégés. Mais mélanger les critères au point que l'infliction volontaire de préjudice serait traitée de la même façon qu'un comportement simplement imprudent ou risqué, dans lequel le jeune n'a pas décidé de blesser quelqu'un, cela va non seulement à l'encontre de tout ce que nous savons, mais risque aussi d'aller à l'encontre du programme de répression du crime qui sous-tend le projet de loi. En effet, au lieu d'être très précis et directif à l'égard des juges quant aux circonstances où les procureurs généraux peuvent ordonner à leurs procureurs de faire traduire tel adolescent devant un tribunal pour adulte, le projet brouille les eaux. La définition n'est plus claire pour les juges. Ils ont plus de latitude pour garder des délinquants dangereux dans le système pour les adolescents, et ce système s'en trouve détruit.
    À dire vrai, je pense que, à cause d'un libellé très approximatif sur ce qu'il faut pour renvoyer un jeune dans le système pour adultes, je craindrais fort, comme procureur général, si le projet de loi est adopté, qu'il ne nous soit plus difficile de renvoyer un jeune vraiment dangereux dans le système pour adultes.
    Troisièmement, je crains que le projet de loi ne fasse disparaître en grande partie la raison qui justifie l'existence d'un système pour les jeunes. Prenons par exemple l'article 7, qui ajoute la dissuasion aux facteurs à considérer. Les procureurs généraux essaient d'avoir très tôt le maximum de moyens de répondre aux besoins. Nous devons avoir un système pour adultes qui sévit contre le crime, insiste sur la responsabilité, qui s'attaque aux délinquants violents et les garde derrière les barreaux, où ils ne peuvent faire de mal à personne. Pas de doute. Il nous faut aussi un système pour les adolescents qui tient compte de leurs besoins propres. Cela veut dire en fait que nous insistons davantage sur la réadaptation. Bien franchement, nous savons que si un jeune de 16 ans vole une voiture, il ne sera pas enfermé à vie, mais retournera dans les rues.
    Comme procureur général et comme père, ce qui m'intéresse, c'est ceci: quelle sorte de citoyen ce jeune sera-t-il lorsqu'il sera libéré, à 18, 19 ou 22 ans? Qu'aurons-nous fait pour modifier la suite des choses? Sévir contre le crime, ce n'est pas attendre qu'il ait 22 ans, qu'il cause encore un préjudice et soit enfermé de nouveau. C'est plutôt s'assurer que le crime n'a pas lieu.
    En ajoutant la dissuasion et la dénonciation, en rapprochant le système pour les adolescents de celui qui est conçu pour les adultes, nous détruisons la raison d'être d'un système qui vise à empêcher les jeunes de récidiver, et il sera plus difficile de faire traduire des délinquants devant les tribunaux pour adultes.
    Le système de justice pour les adolescents a sa raison d'être. Et plus on essaie de le faire ressembler au système pour adultes, plus on brouille la distinction. Si nous ne pouvons pas faire participer les jeunes aux bons programmes pour les réadapter, nous, procureurs généraux, perdons la capacité d'assurer une justice efficace, une justice qui protège les gens.
    J'aurais une ou deux autres observations générales à faire qui ne sont pas liées au projet de loi.

  (1140)  

[Français]

    J'aimerais partager avec vous certaines des inquiétudes que nous éprouvons au niveau provincial.
     Au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick, nous sommes d'avis que l'adoption de ce projet de loi ferait en sorte d'empirer la situation pour les jeunes et les citoyens de la province. Par exemple, au cours des derniers mois dans notre province, le gouvernement fédéral a coupé le Programme Option-Jeunesse. Il s'agit d'un programme d'intervention destiné aux jeunes qui sont à risque à l'intérieur du système scolaire et du milieu familial. Il permet de faire des interventions intensives afin de s'assurer qu'ils ne vont pas devenir des criminels.

[Traduction]

    Si on oblige des provinces qui ne sont pas riches, comme le Nouveau-Brunswick, à dépenser de l'argent pour emprisonner des jeunes, il faudra réduire les programmes dont nous venons de parler. Comme les coupes fédérales dans des programmes comme Youth Options et des programmes intensifs comme Portage, qui nous permettent d'intervenir auprès de ceux qui ont des problèmes de drogue. S'il faut dépenser de l'argent pour mettre des gens en prison, je dirai que, au Nouveau-Brunswick, nous n'avons pas un seul dollar à consacrer à des mesures dont l'efficacité n'est pas prouvée. Vous allez nous obliger à réduire des programmes qui sont efficaces chez nous pour les problèmes de santé mentale et de drogue.
    Ce serait de la négligence de ne pas vous parler du rapport de Bernard Richard, défenseur provincial des enfants et de la jeunesse, au sujet d'Ashley Smith. Il est parfois facile de se perdre dans des arguments idéologiques, mais il y a des risques à suivre la mauvaise approche en justice pour les adolescents.
    Ashley était une jeune adolescente qui a été arrêtée au départ pour méfait. Elle lançait des pommettes aux gens du haut d'un arbre. Comme elle n'obéissait pas très souvent aux ordres donnés en prison, elle a été détenue dans des conditions de plus en plus sévères. Ce que nous savons maintenant d'elle, c'est que, en la confiant à un système qui n'avait pas le personnel, la formation ou les ressources pour déceler rapidement ses problèmes de santé mentale, nous ne l'avons pas aidée à se réadapter et nous n'avons pas assuré sa sécurité. Hélas, Ashley a fini par se suicider, et c'est dramatique. C'est parce que nous avons été trop prompts à la retirer d'un système doté des bonnes mesures de soutien pour la confier à un système qui ne mesure que l'obéissance aux ordres. Avec le recul, nous savons que, à cause de ses problèmes de santé mentale, cette façon de faire rendait cette issue presque inévitable.
    Si nous nous trompons, il y a des gens qui meurent, que nous nous trompions en incarcérant trop lentement ou au contraire trop rapidement. Je pourrais peut-être proposer d'autres idées qui intéresseraient le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Donnons-nous deux systèmes distincts, l'un qui serait axé sur la réadaptation et l'autre où la détention et le châtiment seraient plus importants. Laissez-nous plus de latitude et non pas moins, pour orienter les jeunes vers un système et les délinquants violents vers le système pour adultes. Et collaborez avec nous. Aidez-nous à offrir les moyens d'agir. N'éliminez pas les programmes qui nous aident à intervenir auprès des jeunes, mais aidez-nous plutôt à nous doter des ressources voulues pour déceler les problèmes et intervenir, former le personnel concernant des sujets très variés comme la santé mentale, les mauvais traitements au foyer et la toxicomanie, qui peuvent mener à l'échec.
    Je termine par la réflexion suivante, monsieur le président. Parfois, quand nous étudions des projets de loi comme celui-ci, nous sommes portés à prendre le mauvais exemple d'un jeune qui a mal tourné et à demander ce qui n'a pas marché. Si nous considérons les jeunes qui se sont réadaptés et demandons ce qui a bien marché, nous aurons probablement plus de chances de bien faire les choses à l'avenir. Le Nouveau-Brunswick finance des programmes qui donnent des résultats, et il ne veut pas perdre la possibilité d'appliquer ces programmes.
    Là-dessus, je remercie le comité, et je suis prêt à répondre aux questions.

  (1145)  

    Merci beaucoup.
    Tel qu'entendu, nous commencerons par des interventions de sept minutes. Chaque parti pourra intervenir une fois. Puis, ce seront des périodes de cinq minutes jusqu'à la fin de la séance.
    À vous, monsieur Murphy, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre excellent exposé, monsieur le procureur général.
    Je voudrais élucider un ou deux points. Vous avez un homologue fédéral, Rob Nicholson, procureur général et ministre de la Justice. C'est lui qui devrait défendre le projet de loi C-4 et comparaître ici, soutenant qu'on lui a demandé, que les procureurs généraux lui ont demandé ce genre de mesure. Trois petites questions à vous poser.
    Sauf erreur, tous les procureurs généraux au Canada voulaient qu'on donne suite aux recommandations très sensées du rapport de la Commission d'enquête Nunn. On en retrouve des éléments dans ce texte de loi, mais la majeure partie du texte n'a rien à voir avec les recommandations de la commission. Il s'agit essentiellement d'un programme du gouvernement qui vise à ajouter des sanctions pénales pour adultes dans la LSJPA, comme vous l'avez dit.
    Voici ma première question: estimez-vous que le projet de loi donne suite adéquatement aux recommandations Nunn et aux préoccupations des procureurs généraux au Canada, et plus spécialement à celles du Nouveau-Brunswick?
    Deuxièmement, quel niveau de consultations avez-vous eues avec le procureur général du Canada?
    Troisièmement, vous avez parlé de coupes fédérales directes dans un programme de Fredericton qui vous est très cher, un programme d'intervention précoce très axé sur la prévention. Par ailleurs, nous savons grâce aux travaux de Kevin Page, qui a établi les coûts de certaines mesures proposées par le gouvernement, que les coûts d'emprisonnement sont phénoménaux. Pour certaines des peines, il faudra compter sur les ressources des provinces. Or, aucune province ne nous a encore donné d'indications à ce sujet.
    Comment cela touche-t-il des provinces comme le Nouveau-Brunswick? À combien estimez-vous les coûts du programme conservateur de lutte contre le crime pour votre province? Je suis parti de là ce matin. À moins de trouver du pétrole ou du gaz en mer, comment aurez-vous les moyens de payer?
    Monsieur Murphy, je commence par le dernier point. Selon les estimations de mon ministère et si on considère toute la gamme des réformes législatives qui feraient augmenter les peines de prison, il est probable que les coûts supplémentaires, pour une province de la taille du Nouveau-Brunswick, se situeront entre 10 et 15 millions de dollars par année.
    Comme je l'ai dit, nous n'avons pas vraiment d'argent à consacrer à des mesures dont l'efficacité n'est pas prouvée. Ce qui me plaît, entre autres, dans des programmes comme Youth Options, c'est que nous suivons ces jeunes. S'ils récidivent, s'ils commettent d'autres crimes, s'ils ne prennent pas leur formation générale, nous ne voulons pas payer pour eux. Si Youth Options doit s'en tenir à une approche fondée sur des preuves, ce devrait être la même chose pour les gouvernements.
    Généralement, ces 15 millions de dollars proviendraient de certains des services supplémentaires dans les écoles, de la gamme des services sociaux que nous avons pour les familles et les jeunes à risque. Il y aurait moins d'aides à l'enseignement pour les enfants qui ont du mal à apprendre à lire. Il y aurait moins d'intervenants du comportement dans les écoles, moins de programmes de formation du personnel dans les établissements correctionnels ou les écoles pour déceler les problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Selon moi, si nous voulons exiger des programmes comme Youth Options qu'ils reposent sur une approche éprouvée qui donne des résultats, il faudrait exiger la même chose du gouvernement du Canada: qu'il montre comment cette approche fait diminuer le crime.
    Vous avez parlé des recommandations Nunn. Le Nouveau-Brunswick réclamait-il cette loi?
    Non. Je ne peux pas parler au nom de tous les procureurs généraux. Et, en toute justice pour le ministre Nicholson, il y a eu des tables rondes. Je n'ai pas vu de résumé des points de vue exprimés.
    Je dirais ceci: certaines des recommandations Nunn inspirées par le simple bon sens, par exemple sur la détention avant procès, sont très bonnes. Nous sommes en faveur. Sur d'autres points, il y a correspondance complète avec ce que les procureurs généraux réclament à l'unanimité.
    Sur d'autres points, cependant, notre province a dit très explicitement qu'elle ne voulait pas devoir augmenter les ressources consacrées au système pour les adolescents si ce système ne tient plus compte des caractéristiques propres aux adolescents. À propos de cette approche uniforme, je préférerais avoir un système pour adultes efficace, auquel il est plus facile de renvoyer les délinquants violents et garder un système pour les jeunes qui se charge de ceux qui n'ont pas commis d'infraction avec violence ou ont intentionnellement blessé quelqu'un. Répondons à leurs besoins réels au lieu d'appliquer l'approche uniforme d'un gouvernement omniprésent.

  (1150)  

    Il me reste deux minutes.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de ce qui marche bien au Nouveau-Brunswick et dit que la criminalité diminuait chez les jeunes.
    Nous avons des statistiques au niveau fédéral. L'argument, c'est que les crimes violents chez les jeunes sont peut-être moins nombreux, mais que les incidents ont plus d'ampleur.
    Comment mesurez-vous le niveau de criminalité au Nouveau-Brunswick? Qu'est-ce qui vous permet de dire que la criminalité chez les jeunes est à la baisse?
    Nous considérons surtout la récidive, définie de façon générale comme la perpétration d'autres crimes. Honnêtement, nous avons vu diminuer la criminalité chez les jeunes sur toute la ligne, qu'il s'agisse de crimes contre les biens ou d'infractions avec violence. C'est pourquoi je dis que, pour nous, sévir contre le crime, ce n'est pas ce que nous faisons après que la vie d'une personne a été bouleversée ou qu'une personne a subi un préjudice. Sévir contre le crime, c'est nous assurer que nous n'en arrivons pas là.
    Vous avez parlé de Youth Options. De combien d'argent le gouvernement fédéral a-t-il amputé le programme? Pourquoi l'a-t-il fait?
    C'était environ 280 000 $ par année. Il y a d'autres programmes semblables au Nouveau-Brunswick, mais ce programme nous permettait de repérer un jeune qui semblait à risque: nombreux problèmes de discipline à l'école, mauvais traitements ou négligence, situation compliquée au foyer ou absentéisme important. Il s'agissait souvent de repérer ceux qui n'ont pas un bon rendement dans la salle de classe ordinaire. Souvent, des jeunes qui ont des besoins divers apprennent moins bien lorsqu'on leur dit de se tenir tranquille et d'apprendre en classe. Le programme leur permettait d'obtenir l'équivalent du secondaire au moyen d'une expérience de travail, d'un programme d'éducation personnalisé, mais aussi en exigeant des comptes: s'ils ne participent pas, ils sont exclus du programme.
    Le gouvernement fédéral a dit que, d'après le partage des compétences, cela n'est pas son problème. Vous savez quoi? Nous cherchons les moyens de financer le programme. Si c'est mon problème, à titre de ministre des Services sociaux et de procureur général, très bien, nous allons trouver une solution. Mais ne venez pas prendre les ressources dont j'ai besoin pour offrir le programme pour les dépenser dans des mesures dont vous ne pouvez pas me prouver qu'elles me permettront d'assurer une plus grande sécurité aux habitants du Nouveau-Brunswick.
    Merci.
    Ce sera maintenant M. Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer pour un sujet qui, de toute évidence, vous tient à coeur autant qu'à moi-même.
    Je viens du Québec, et on en a déjà souvent discuté avec les gens des provinces Maritimes. Je me souviens qu'en 1998, quand j'avais exposé la méthode québécoise, les procureurs généraux des provinces Maritimes étaient venus me rencontrer.
    Est-ce que je me trompe en pensant que depuis 1985, votre système s'est beaucoup inspiré de la méthode québécoise?
    En effet, M. Ménard, il y a beaucoup de similarités. Je ne peux pas parler des racines historiques de ce programme, mais nous avons certainement beaucoup de choses en commun.
    Reconnaissez-vous que certaines dispositions de cette loi vont rendre plus difficile la pratique de la méthode québécoise et de celle du Nouveau-Brunswick?
    Absolument. Si le programme était adopté, d'une certaine façon, le gouvernement fédéral adopterait une approche qui serait la même pour tous. Cela signifie qu'une province devrait utiliser ses ressources de la façon préconisée par le gouvernement fédéral, et non à partir de l'expérience provinciale — dans notre cas, c'est le Nouveau-Brunswick.
    Soit dit en passant, au Québec aussi, le système de traitement des jeunes délinquants est confié au ministère de la Santé et des Services sociaux.
    Vous dites que vous avez été consultés par M. Nicholson. Avez-vous été consultés individuellement, ou avez-vous eu une réunion des ministres responsables de l'application de la loi?
    Il y a eu une table ronde avec les procureurs généraux, les ministres de la Justice de chaque province et territoire, dont M. Nicholson. Personnellement, je ne l'ai pas rencontré, mais selon mon souvenir, il n'y a pas eu de rencontre individuelle. Peut-être que les représentants des autres provinces en ont eu.

  (1155)  

    Combien de temps a duré cette rencontre?
    Si je ne me trompe pas, la table ronde à laquelle j'ai participé au Nouveau-Brunswick — il y en a peut-être eu d'autres — a duré environ six heures.
    Une journée.
    Une journée, oui.
    Je sais qu'en appliquant la loi actuelle, vous obtenez de bons résultats, soit une diminution de la criminalité juvénile. Vous pouvez donc très bien vivre avec cette loi, quitte à lui apporter quelques amendements qui tiendraient compte des recommandations du juge Nunn.
    C'est ça. Il y a unanimité parmi les procureurs généraux provinciaux, au sujet de la détention avant procès par exemple. L'angle juridique est plus net, plus clair. Avec ces changements, le statut actuel fonctionne bien. Cela nous permet de prendre nos responsabilités provinciales en ce qui a trait aux services sociaux et aux jeunes à risque, afin de réduire les risques pour tous les Néo-Brunswickois.
    Je m'attarderai au côté plus technique. Actuellement, l'alinéa 3(1)a) établit le principe général de la loi. Cet alinéa sera enlevé au profit d'une disposition qui est en tout point semblable — sauf une chose — à l'actuel alinéa 38(1)c), selon lequel la peine doit être proportionnelle au crime commis et à la responsabilité de l'accusé.
    Ne croyez-vous pas qu'en plaçant cet alinéa, qui s'applique actuellement à la peine, au début du texte de la loi, il y aura un effet pénalisant sur l'ensemble du système? Ne devrait-on pas plutôt chercher à appliquer la meilleure mesure au moment où le jeune est devant nous?
    Ça, c'est un des problèmes. C'est comme un procureur général qui veut donner un mandat clair aux procureurs de la Couronne.
    Il y a un certain problème, parce que le mandat dans le projet de loi n'est pas clair. Si on prend pour exemple que le but de la loi, qui est de protéger le public, se retrouve dans une section qui ne parle pas d'aider les jeunes à ne pas répéter leurs crimes...
    Prenons un cas célèbre en Nouvelle-Écosse: un jeune qui vole une auto, il l'a conduit en prenant beaucoup de risques et il tue quelqu'un. C'est certainement sérieux, mais de dire que c'est la même chose que quelqu'un qui agit dans le but de tuer, qui commet un acte violent ou un meurtre, c'est un peu problématique. Tous les tribunaux disent... Comme vous le savez, dans la Charte, il y a une grande différence morale entre quelqu'un qui a l'intention de tuer et quelqu'un qui a simplement fait une erreur, une erreur grave qui doit être dénoncée.
    Si on veut parler de changer la vie d'un jeune, c'est important qu'à l'échelle provinciale, nous ayons la liberté de faire cette distinction parce que c'est ce qui détermine la façon dont on va traiter le jeune. On peut perdre ça en utilisant un langage qui n'est pas clair dans texte législatif, qui met ensemble, dans un système de justice pour les jeunes ayant perdu sa distinction, des choses très différentes. C'est une barrière, pour nous, dans les provinces. Cela nous empêche de faire notre job.

[Traduction]

    Passons à M. Comartin, qui aura sept minutes.
    Merci d'être parmi nous, monsieur Lamrock.
    Je tiens d'abord à ce que vous fassiez savoir dans votre province que M. Murphy n'a jamais accepté mon offre de pari pour la Coupe Memorial, ce qui, en toute sagesse, était probablement le bon choix à ce moment-là.
    Les paris sont illégaux
    C'est sa façon d'éviter de prendre ses responsabilités.
    Soyons sérieux. Je voudrais parler surtout des coûts. Les 10 ou 15 millions dont vous avez parlé, cela vaut seulement pour cette loi-ci et non pour les autres projets de loi qui vont venir.
    Non. Soyons clairs. Nous avons fondé notre analyse sur la série de projets de loi que je désigne de façon générale comme les modifications visant la détermination de la peine et le crime. Les montants seraient à peu près égaux pour chacun, mais je ne voudrais pas donner de chiffres officiels pour l'instant.

  (1200)  

    Vous me perdez. Dites-vous que chaque projet de loi coûtera de 10 à 15 millions de dollars?
    Non. Tous ensemble.
    C'est donc le total. Je vois.
    À ce propos, avez-vous tenu compte du fait que le projet de loi à l'étude obligera la police à contrôler toutes les mesures extrajudiciaires? Avez-vous tenu compte des coûts, pour les forces policières, de ce surcroît de données à consigner?
    Non. Notre estimation tient compte uniquement de la détention et de l'incarcération. Si on veut qu'il y ait un mandat non accompagné de financement, ce sera en plus.
    Un ministre fédéral ou l'autre vous a-t-il jamais proposé des fonds supplémentaires pour couvrir ces coûts?
    Non.
    Le programme visé par les compressions était bien Youth Options?
    Oui.
    A-t-il été remplacé? D'autres fonds pour la prévention ont-ils été accordés à la province pour remplacer ce programme?
    Il y avait des fonds par le passé, il y a un ou deux ans, au titre de la capacité d'intenter des poursuites, mais la réponse est non. Strictement de ce côté, le gouvernement fédéral a dit qu'il laisse cette question aux provinces. Nous faisons des efforts pour remplacer ces fonds, mais rien ne viendra des autorités fédérales.
    On a donc justifié les coupes par le partage des compétences, comme vous l'avez dit, plutôt que des preuves concernant l'efficacité du programme.
    Je n'ai jamais entendu dire que le gouvernement fédéral sabrait le programme parce qu'il était inefficace et je ne connais aucun élément de preuve attestant de son inefficacité. Nos chiffres montrent qu'il est efficace.
    Je voudrais aborder une ou deux dispositions précises. Le projet de loi donnerait aux juges la possibilité de lever l'interdit de publication, qui est une règle générale interdisant l'information sur les crimes commis par des jeunes. Votre gouvernement a-t-il une position précise à ce sujet?
    Il faut agir avec grande prudence. De toute évidence, tout obstacle qui peut gêner la réintégration de l'adolescent, que ce soit dans le système scolaire où on peut être déjà enclin à les laisser tomber, à renoncer à les aider, que ce soit dans la recherche de travail, ce qui a un impact phénoménal pour faire sentir aux jeunes qu'il vaut la peine de se reprendre en main...
    C'est étonnant, quand on y pense. Généralement, qu'il s'agisse de bons jeunes à l'université qui ont des problèmes d'études ou de jeunes qui ont des besoins complexes, s'ils croient qu'un emploi qu'ils adorent les attend au bout du parcours, ils ont plus de chance de se reprendre en main. L'incitation à réussir est un moyen plus puissant, auprès des jeunes, que la crainte du châtiment, s'ils ne voient pas la raison.
    En ce sens, nous devrions toujours être très prudents. Même si cette disposition est modifiée, en tant que procureurs généraux, nous dirions sans doute dans les instructions aux procureurs, à moins que la cause ne soit renvoyée devant un tribunal pour adultes, de ne pas toucher à l'interdit de publication. Si l'affaire est assez grave pour qu'on lève l'interdit, elle devrait se retrouver devant un tribunal pour adultes, là où nous voulons de toute manière traduire les délinquants violents.
    Ce serait là votre critère.
    Effectivement.
    Avez-vous envisagé des lignes directrices à donner au judiciaire, en dehors de ce point particulier?
    En général, oui. Je puis vous dire que nous sommes très inquiets. Si nous perdons la capacité financière d'intervenir auprès des jeunes à risque et devons les enfermer, les Néo-Brunswickois ne seront pas plus en sécurité.
    Ce n'est pas une approche libérale larmoyante. Comme je l'ai dit, à la dernière session, nous avons légiféré pour autoriser la saisie des produits de la criminalité. Nous pouvons expulser des gens de maisons ou saisir des maisons et des voitures qui servent au trafic de drogues ou exposent des jeunes à des risques. Nous voulons bien consacrer de l'argent à tout ce que nous pouvons faire pour maintenir l'ordre et prévenir le crime. Chose certaine, j'ai demandé à mes collaborateurs du bureau du procureur général de voir quelle latitude nous avons. Si les autorités fédérales nous imposent cette approche sans des preuves abondantes, comment pouvons-nous nous assurer de conserver la capacité d'appliquer des mesures dont l'efficacité est prouvée?
    Nous aurons donc des lignes directrices pour les procureurs et nous respecterons la loi, mais nous chercherons tous les moyens de conserver l'approche que le Nouveau-Brunswick applique pour garder ses administrés en sécurité.
    Il vous reste une minute et demie
    Permettez-moi d'aborder un autre domaine.
    Une ou deux fois, vous avez dit que, si des modifications étaient apportées à la loi, elles devraient porter sur la détention avant le procès et toute cette étape. Percevez-vous dans le projet de loi quoi que ce soit qui marque un progrès à cet égard pour répondre à vos besoins?

  (1205)  

    Chose certaine, il y a des passages liés au rapport Nunn dont nous nous féliciterions. Si mon équipe était là avec de quoi écrire, je reprendrais probablement des propos que j'ai tenus au sujet du renvoi aux tribunaux pour adultes. Je dirais que, en essayant de tenir compte d'une foule de choses, comme le comportement à risque, dans cette gamme étendue de critères, on risque d'avoir donné aux juges plus de latitude pour ne pas renvoyer des délinquants violents devant les tribunaux pour adultes ou ne pas les mettre sous les verrous. Pour un peu, je voudrais qu'on resserre les critères. Mais j'admets, et il est important de le dire, que certains passages au sujet de la détention avant procès nous sont utiles. C'est un point qu'il fallait préciser.
    C'est tout, monsieur le président.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Et maintenant, M. Dechert. Sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, merci d'être parmi nous et de nous faire part de vos opinions.
    À l'heure actuelle, le Nouveau-Brunswick offre-t-il des programmes de réadaptation dans ses établissements pour les adolescents à ceux qui sont en détention?
    Je dirais simplement que nous essayons certainement de financer autant que possible ce genre de programme dans les établissements réservés aux jeunes. J'ajoute cependant qu'un certain nombre de nos programmes, comme Portage, assurent également la sécurité avec des programmes ciblés pour tout, de la toxicomanie jusqu'aux problèmes de santé mentale. Je réponds donc par l'affirmative, mais le fait est que nous n'avons pas un système pour enfermer les gens et un autre pour les traiter.
    Quand un jeune délinquant détenu dans un établissement provincial a commis un meurtre ou une tentative de meurtre ou encore une infraction sexuelle grave, quels programmes de réadaptation lui offrez-vous?
    Bien franchement, monsieur Dechert, si nous avons un jeune contrevenant qui est un meurtrier ou un délinquant sexuel récidiviste, je cherche à le renvoyer dans le système pour adultes.
    Mais il se peut que vous en ayez maintenant. Que faites-vous?
    C'est très possible, effectivement. Les mesures seraient étroitement adaptées au jeune. Nous évaluons le risque, voyons quand il doit être remis en liberté et, autant que c'est possible dans le système provincial, nous consacrons les ressources de la province au programme qui a le plus de chance de l'amener à se reprendre en main avant que nous ne devions le remettre en liberté.
    Je comprends.
    Si vous avez dans votre système un délinquant qui a commis un meurtre ou une tentative de meurtre ou encore un délinquant sexuel récidiviste, et vous devez en avoir...
    Nous en avons.
    ... serait-ce une bonne idée de les faire participer un peu plus longtemps aux programmes de réadaptation pour éviter la récidive?
    Ce serait une excellente idée d'orienter les ressources là où nous avons le plus de chance de succès.
    Comme vous le savez, les meurtriers et les délinquants sexuels sont des criminels fort différents. Si vous m'imposez une situation dans laquelle je n'ai pas pu les renvoyer au système pour adultes, ce qui est un risque un peu plus élevé à cause du projet de loi, et si je suis tenu de leur offrir des services s'ils se retrouvent dans le système où ils n'ont pas leur place, il y aura pour le délinquant sexuel une batterie de programmes très différents de ceux proposés à quelqu'un qui a pris délibérément la vie de quelqu'un d'autre.
    Je voudrais qu'on me laisse la latitude voulue, à dire vrai. Si ces délinquants doivent être enfermés, qu'on les envoie dans le système conçu pour enfermer des gens. Ne m'empêchez pas de le faire.
    Je comprends, mais, s'ils sont là, si, à cause de leur âge ou de leur incapacité de comprendre les relations de cause à effet, comme nous l'avons vu plus tôt, ou s'ils ont un autre problème... Ils sont là, et ils ont commis un crime grave. Vous avez sans doute des programmes en place pour eux, et nous voulons nous assurer qu'ils ont assez de temps pour suivre les programmes de façon que, à leur libération, ils ne récidivent pas.
    Quelle est la capacité actuelle des établissements de détention pour jeunes, au Nouveau-Brunswick?
    Chez le procureur général, nous divisons ce ministère. Je pourrais probablement vous procurer cette information.
    Ce serait utile. Merci.
    Bien sûr.
    Que pensez-vous de l'idée de réorienter le système de justice pénale vers la protection du public?
    Il est absolument essentiel de protéger le public, et c'est pourquoi le Nouveau-Brunswick a opté pour une approche un peu différente. Selon moi, pour protéger le public, il faut investir dans ce qui se passe avant que le crime n'ait lieu. C'est pourquoi j'ai un peu de mal avec des questions du genre: « Si le système échoue absolument et si un délinquant violent se retrouve dans le système conçu pour les jeunes, que ferez-vous? » Rendus à ce stade, nous avons déjà échoué.
    Du même coup, ce n'est pas seulement une loi pénale, mais tout le système qui doit viser à protéger le public. Pour moi, cela veut dire ceci: si nous avons un garçon de 12 ans qui est maltraité au foyer, renvoyé d'une famille d'accueil à l'autre, qui ne sait pas lire, il faut voir ce que nous pouvons faire pour le réorienter. J'ai vu les statistiques et je sais ce que nous faisons. Protéger le public, pour moi, c'est investir dans ce garçon de 12 ans et garder à la province la capacité de le faire, si nous voulons protéger le public.

  (1210)  

    Selon moi, personne ne prétend que nous ne devrions pas avoir des programmes provinciaux. Nous discutons aujourd'hui de la façon d'aborder les récidivistes violents et d'éviter qu'ils ne menacent davantage la société.
    Quelle est la situation budgétaire? Vous en avez parlé une ou deux fois à propos du programme Youth Options.
    Je crois savoir que, aux termes du budget de 2008, le Nouveau-Brunswick a eu droit à une augmentation de 3 p. 100 du paiement du transfert social fédéral-provincial. Pourriez-vous dire au comité ce que représentent ces 3 p. 100 sur une base annuelle?
    Si ma mémoire est fidèle, les paiements fédéraux-provinciaux doivent avoisiner les 80 millions de dollars par année pendant le mandat de quatre ans de notre gouvernement.
    Comme vous pouvez l'imaginer, le gros de cet argent sert simplement à absorber les hausses des coûts du système de santé et des salaires. Cette augmentation a été d'environ...
    Environ...
    C'est environ 400 millions de dollars.
    Sur un total de 15 p. 100 sur une période de cinq ans.
    Exact. Et nos coûts en matière de santé ont probablement ajouté environ 22 p. 100 au budget provincial, si je me souviens bien.
    Vous conviendrez avec moi que l'augmentation du transfert social compense largement la diminution de 280 000 $ dans les fonds du programme Youth Options.
    Si ce n'est pas une question oratoire et si vous voulez vraiment une réponse, c'est non.
    Voici ma réponse: le transfert social a été conçu avant que ces programmes ne soient envisagés. Le transfert est fondé sur les coûts que les provinces engagent pour honorer leur responsabilité d'assurer des soins de santé rapidement et des services sociaux.
    Le gouvernement fédéral sait pertinemment, car M. Harper en a souvent parlé, que le coût des soins de santé augmente d'environ 8 p. 100 par année et avale non seulement cette augmentation, mais d'autres ressources encore.
    Aucun gouvernement fédéral n'a souhaité, et c'est normal, permettre aux provinces de s'écarter de la Loi canadienne sur la santé. À moins d'une certaine souplesse de ce côté, et il n'y en a aucune, il me semble, quiconque a la moindre notion de calcul doit savoir qu'il n'y a pas de nouveaux fonds rattachés à cette nouvelle loi.
    Non, je comprends, mais il y a eu une augmentation des transferts fédéraux-provinciaux. Vous en convenez.
    Et vous convenez que les coûts des provinces ont augmenté plus encore.
    Il y a certainement des augmentations un peu partout, et vous conviendrez que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau-Brunswick sont en situation déficitaire, sur ce plan.
    Et je conviens que, pour autant, le programme Youth Options est disparu.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux interventions de cinq minutes.
    Allez-y, monsieur LeBlanc.
    Merci, monsieur le président.
    Kelly, merci de comparaître ce matin. Votre exposé a été très convaincant, et je comprends toute la réflexion que vous y avez mise.
    Monsieur le président, j'ai une brève question à poser. Mme Mendez en aura une également, s'il reste du temps.
    Kelly, dans une réponse à une question de tout à l'heure, vous avez fait ressortir un point intéressant: les instructions ou lignes directrices que vous donneriez à vos procureurs, ou le contexte dans lequel vos procureurs demanderaient une peine pour adulte.
    Il y a beaucoup de confusion, il me semble. Le gouvernement parle des jeunes délinquants récidivistes violents et de la modification de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il répète cela sans cesse, pour des raisons évidentes, parce qu'il exploite l'anxiété de la population au sujet d'un groupe très restreint. Dieu merci, les programmes dont vous avez parlé et d'autres interventions peuvent faire diminuer, espérons-le, le nombre de jeunes qui se retrouveront dans la catégorie des jeunes contrevenants récidivistes violents.
    Dans ces circonstances, cependant, vos procureurs conservent la possibilité de demander une peine pour adulte, n'est-ce pas?
    Ils n'auraient pas que cette latitude. Lorsqu'il est question de préjudice et de violence infligés intentionnellement à autrui, que ce soit par des délinquants sexuels récidivistes ou par ceux qui infligent volontairement de la violence au point de prendre la vie d'autrui, non seulement les procureurs ont cette latitude, mais les lignes directrices leur disent aussi qu'ils doivent toujours chercher à les faire renvoyer devant des tribunaux pour adultes. S'ils ne s'y retrouvent pas, nous avons échoué.
    Très instructif.
    Parlez-nous des facteurs dont les procureurs tiennent compte pour demander une peine pour adulte. L'infliction intentionnelle de préjudice est évidente, mais la loi actuelle vous donne cette latitude. Parlez-moi d'autres circonstances, en dehors de cet exemple, où vous demanderiez à vos procureurs de réclamer une peine pour adulte. Y en a-t-il d'autres? Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui facilite ou retreint l'exercice de cette discrétion?
    Voici où je veux en venir. Une grande partie du mouvement en faveur de cette loi tient aux efforts déployés pour convaincre le public que le système pour adolescents est un échec et que des jeunes récidivistes violents sont mis en probation et retournent à l'école dès le lendemain. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas, car il y a des moyens dans la loi existante de sévir contre ce petit groupe de jeunes récidivistes violents — et je laisse de côté la détention avant le procès, puisque je suis d'accord.

  (1215)  

    C'est justement ce que je veux dire. Si je peux laisser un message au comité, c'est bien celui-là.
    Vous pouvez me poser 100 questions sur ce que je ferais d'un délinquant sexuel violent dans le système conçu pour les jeunes. Il ne devrait pas s'y trouver. C'est comme me demander ce qu'il faut faire si un délinquant sexuel violent est inscrit à l'école en deuxième année. Je le ferais sortir de là. Je ne dirais pas qu'il faut faire en sorte que la salle de classe de deuxième année ressemble davantage au système pénal où les délinquants violents doivent se trouver. Je dirais qu'il faut le faire sortir de cette salle de classe.
    Il ne s'agit pas d'abattre les portes entre la prison et l'établissement de réadaptation, mais de prendre la bonne décision. En général, je dirais que rien, dans la loi actuelle, ne gêne notre action. Dans les modifications, il y a peu de choses qui nous empêchent de renvoyer les délinquants violents dans le système pour adultes, qui est leur place, sinon que, dans la hâte d'ajouter... Jusqu'à maintenant, il y avait une catégorie très claire. Nous avions une très forte probabilité de succès devant un juge. En ajoutant ce libellé étrange au sujet du comportement à risque ou du comportement imprudent, nous donnons aux juges plus de latitude pour garder des gens dans le système pour adolescents. Si ce qui inquiète, ce sont les juges conciliants avec le crime, je dirais que cette nouvelle disposition amoindrit les chances de succès lorsqu'il s'agit de renvoyer un délinquant violent dans le système pour adultes.
    Je ne veux pas exagérer le problème, et je ne pense pas que le risque soit énormément modifié, mais vous avez certainement donné aux juges davantage de discrétion pour garder dans le système pour adolescents des gens qui ne devraient pas s'y trouver.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Lamrock. Vous nous avez fait une présentation extraordinaire. Étant également originaire du Québec, je partage un peu les sentiments de mes collègues du Bloc sur le système québécois et les preuves qu'il a faites.
    J'aimerais revenir sur votre mention concernant le risque de criminaliser l'intervention. Pouvez-vous en parler un peu plus et développer sur ce qui semble, dans ce projet de loi, provoquer ce risque de criminalisation de l'intervention?
    Oui, madame.
    Je parle spécifiquement de l'article 8 de la loi qui parle d'une fracture dans la durée d'un mandat criminel qui est basée en partie sur la participation aux programmes non judiciaires, non punitifs. Au Nouveau-Brunswick — si je peux en parler très brièvement —, dans le cas d'une jeune personne qui n'a pas commis d'acte de violence, si elle assume la responsabilité de son acte, on la dirige très rapidement vers un programme où elle peut commencer à changer sa vie.
    Or, si nous devons, aux termes du mandat fédéral, garder une liste des participants aux programmes de lutte contre les drogues et aux programmes d'imputabilité, ou simplement une liste des individus qui ont reçu des avertissements de la police, notre inquiétude est qu'on utilise ces listes plus tard pour donner des punitions. Un avocat pourrait certainement dire à son jeune client de ne pas assumer ses responsabilités, de subir le procès et de passer plus de temps dans les procédures. Ainsi, il aura moins de temps à consacrer dans les programmes qui pourraient l'aider.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer à M. Ménard.

[Français]

    Quand je vous entends parler de tough on crime, j'ai l'impression que vous avez à faire face à une publicité qui devrait plutôt employer l'expression smart on crime. Quand je vous écoute parler, j'ai la certitude que vous cherchez à être smart on crime, ce qui veut dire dur quand c'est justifié, et orienté vers la réhabilitation quand c'est encore possible et justifié.
    Quant au nouvel article 3 proposé qui émet les principes généraux applicables à toute la loi, redoutez-vous que les sentences soient normalisée dans l'avenir?

  (1220)  

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais je vais recourir à l'interprétation pour pouvoir vous donner une réponse claire, monsieur Ménard.
    J'aurais des craintes. Si on prend les facteurs qui se trouvent dans le système pour adultes et les transpose, alors oui, les précédents commencent à devenir pertinents et on peut avoir une approche normalisée. Je reviens à ma réponse de tout à l'heure: si le problème, c'est que nous avons des délinquants violents dans le système pour adolescents, notre tâche ne doit pas être de faire ressembler ce système à celui des adultes, mais de renvoyer ces délinquants dans le système pour adultes, ce qui est leur place, pour éviter l'approche uniforme d'un gouvernement omniprésent et pour laisser les provinces régler le problème de la personne à laquelle elles ont affaire.

[Français]

    Êtes-vous d'avis que les résultats qu'on peut obtenir avec la loi actuelle dépendent beaucoup des mesures que chaque province décide d'appliquer à l'intérieur de cette loi?
    Je suis toujours d'avis que tout le monde peut faire des erreurs. Cependant, je crois que les gens qui sont directement impliqués avec les individus font moins d'erreurs que nous, les politiciens à la Chambre, qui proposons une solution pour tous les cas. Si on se préoccupe des statistiques, et si on veut des communautés en sécurité, sans criminalité et sans peur, je crois qu'il faut se fier davantage aux juges, aux avocats et aux professionnels qui travaillent directement avec chaque jeune personne. J'ai plus confiance en eux qu'en les politiciens qui proposent une solution unique pour tous les jeunes.
    Je vois que vous vérifiez tout de même de temps à autre l'efficacité des mesures que vous prenez vis-à-vis des jeunes délinquants.
    Connaissez-vous le taux de criminalité juvénile dans votre province par rapport au taux moyen au Canada? Est-il plus haut ou plus bas?
    Il est plus bas.
    Chez vous aussi il est plus bas.
    Il est plus bas.
    D'environ combien est-il plus bas?
    Ça dépend de la catégorie. Comparativement à la moyenne nationale, il est entre 5 p. 100 et 25 p. 100 dans certaines catégories.
    J'ai constaté qu'au Québec, on parlait d'une réduction de 57. Peut-être que cela...
    C'est exact.
    En appliquant les mêmes méthodes...

[Traduction]

    Ce sera M. Petit, qui a cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, un peu plus tôt, vous avez parlé de statistiques. Vous connaissez le Programme de déclaration uniforme de la criminalité. Il s'agit de ce que tous les policiers doivent déclarer aux fins de statistiques à l'échelle canadienne. Par conséquent, vous êtes touchés par ces statistiques, et il y a aussi les statistiques pour les jeunes.
    Tout d'abord, saviez-vous qu'en ce qui a trait à une déclaration uniforme de criminalité, aucun crime relié aux drogues n'est calculé?
    Oui, je le sais. Au Nouveau-Brunswick, nous conservons nos propres statistiques sur les crimes liés aux drogues. C'est une des raisons pour lesquelles on a accordé plus de pouvoirs aux policiers, c'est-à-dire saisir les automobiles et les maisons utilisées pour la vente de drogues.
    Saviez-vous aussi que dans vos statistiques, liées aux déclarations uniformes de criminalité, on ne tient compte d'aucun acte criminel lié au code de la route, comme la conduite avec facultés affaiblies, ainsi que tous les actes criminels commis avec une automobile? Saviez-vous que ce n'est pas inclus dans la déclaration uniforme de criminalité?

  (1225)  

    Oui.
    Dans ce cas, pouvez-vous me dire si vous les avez inclus dans les statistiques dont vous nous avez fait part lors de votre témoignage? Étaient-ils comptés dans la baisse de la criminalité chez les jeunes dont vous avez parlé? S'ils ne tiennent pas compte de la drogue et des actes criminels avec des automobiles, comment faites-vous pour nous dire que ceux-ci ont diminué?
    Dans toutes les catégories où on prend des mesures, notre taux est plus bas. Je reconnais qu'on ne le sait peut-être pas pour d'autres catégories. Je souligne toutefois qu'il y a certainement beaucoup de choses dans le monde qu'on ignore. Par contre, si on demande de nous montrer une étude ou un cas qui indique clairement que l'incarcération des jeunes fait diminuer la criminalité, on n'en a aucune.
    Tout ce qu'on sait est que notre approche fait en sorte que les taux sont plus bas. Il y a d'autres cas dont nous ne sommes pas au courant, et vous non plus. Si rien ne démontre que l'approche carcérale fonctionne, si je puis dire, le proposeur a le fardeau de la preuve. Montrez-nous une étude qui prouve que ça va fonctionner mieux que ce que nous faisons. Sinon, s'il vous plaît, monsieur, laissez-nous protéger seuls les Néo-Brunswickois.
    Monsieur le ministre, vous avez parlé de réhabilitation. Je pense que tout le monde reconnaît l'utilité de réhabiliter quelqu'un qui a commis un acte criminel. Vous n'avez toutefois pas parlé— ou je ne l'ai pas entendu — des victimes.
    Quels programmes avez-vous pour le soutien des victimes? Quand on protège le public, on doit protéger les victimes. Quels programmes avez-vous, outre l'emprisonnement provincial ou les pénitenciers de plus de deux ans plus un jour? Avez-vous des programmes spécifiques pour aider les victimes au Nouveau-Brunswick?
    C'est le cas, monsieur Petit. Je ne suis pas ici pour parler de ma vie, mais les personnes qui me connaissent savent bien que je connais beaucoup de membres de familles qui sont touchées par les crimes. Oui, nous avons des programmes pour aider les gens à rétablir une certaine qualité de vie après qu'ils eurent été victimes d'un crime.
    Comme un père qui aime beaucoup ses enfants, le meilleur service qu'on peut rendre aux victimes d'un crime est d'éviter un autre crime. C'est pourquoi nous visons à réduire le nombre de victimes et à nous assurer que si des jeunes sont à risque, nous disposons de moyens d'intervention, comme un centre d'urgence, comme le fait de donner aux forces policières plus de pouvoirs et plus de financement pour pouvoir saisir les choses utilisées pour commettre un crime. Pour nous, le meilleur service à rendre à une victime d'un crime est de s'assurer que quelqu'un d'autre ne sera pas victime d'un crime.
    Monsieur le ministre, saviez-vous que le nombre de victimes déclarées à la GRC — car celle-ci a un registre des victimes — est supérieur au nombre de crimes déclarés par les policiers chez vous? Il y a plus de victimes que de crimes déclarés par les policiers de la GRC. La GRC travaille chez vous. Il y a près de deux tiers de plus de victimes que d'actes criminels.
    Comment pouvez-vous nous donner des statistiques aujourd'hui si le nombre de vos victimes est supérieur au nombre de crimes commis? J'ai besoin de votre aide. On est en train d'étudier un projet de loi, et vous êtes un témoin.

[Traduction]

    Une réponse brève, s'il vous plaît.

[Français]

    Ça rejoint un peu le point que j'ai soulevé. J'ai parlé des ressources destinées à la prévention. Quand je parle de prévention, il s'agit non seulement des services sociaux, mais aussi du nombre de policiers, des programmes visant à retirer les voitures des criminels ou touchant les propriétaires pénalisés par le fait que leurs immeubles sont situés dans un voisinage où le niveau de criminalité est élevé.
     Ce sont des choses qu'on veut éviter. Je suis absolument certain que nous faisons face à des défis, au niveau provincial. Il faut s'assurer de répondre à chaque plainte reliée à un crime. S'il n'y a aucune preuve et qu'on utilise les fonds à des fins d'incarcération, ceux-ci ne seront plus disponibles pour les policiers, les programmes dans nos voisinages et les programmes de prévention, de même que pour les policiers pouvant répondre aux plaintes des victimes. C'est ce qui est important. Ne gaspillez pas les fonds s'il n'y a pas de preuve. En effet, on a besoin de plus de policiers et de plus de moyens pour éviter que des gens soient victimes de crimes.

  (1230)  

[Traduction]

    Merci à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'à M. Burns. La période prévue est terminée. Merci d'avoir comparu.
    Merci à vous tous. Ce fut une excellente journée.
    Nous allons vous laisser quelques minutes pour vous retirer, puis, M. et Mme Lacasse prendront place.
    La séance est levée pendant quelques minutes.

    


    

  (1235)  

    La séance reprend pour la dernière demi-heure. Nous accueillons Line et Luc Lacasse.
    Je vous souhaite la bienvenue au comité. Comme vous le savez, le nom de votre fils a été donné au projet de loi. Nous avons hâte de vous entendre. Vous avez 10 minutes pour faire un exposé, après quoi les députés pourront vous poser des questions.
    Madame Lacasse, vous voulez commencer?

[Français]

    Merci beaucoup.
    Bonjour à tous présents ici, aujourd'hui.
    Je m'appelle Line Lacasse et je suis accompagnée de mon mari, Luc Lacasse. Nous sommes les parents de Sébastien Lacasse qui a été assassiné le 8 août 2004 par un groupe de jeunes délinquants à Laval. Il était âgé de 19 ans seulement.
    Notre fils nous a été arraché et volé avec une grande violence par une dizaine de jeunes sans scrupule et sans respect pour la vie. Il a été battu avec acharnement, poursuivi, arrosé de poivre de Cayenne, piétiné, sans qu'on lui ait donné une chance, même s'il demandait qu'on arrête, et finalement, poignardé à mort.
    Aucun des 10 jeunes n'a cru bon d'appeler à l'aide. Tous sans exception ont quitté les lieux sans sentiment d'empathie pour le jeune homme qui baignait dans son sang et qui se mourait.
    La vie pour nous n'aura plus jamais le même sens. Cela ne touche pas que nous, la famille proche, mais aussi les grands-parents, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines, les amis et les voisins. La vie a basculé pour eux aussi. Sébastien était un boute-en-train, serviable, aimable, et tout le monde l'aimait.
    Quand le médecin m'a dit le 7 août qu'elle ne pouvait plus rien pour Sébastien, pour moi, sa mère, c'est comme si on avait coupé une partie de mon corps. Je me suis mise en position foetale et je suis tombée dans un autre monde.
    Son père, Luc, sa soeur, Julie, et moi sommes sortis à l'extérieur dans le stationnement de l'hôpital pour attendre l'arrivée de notre plus jeune fils, Maxime. Je me souviendrai toujours de son visage quand il nous a regardés de loin, après avoir compris et crié « non » avec une douleur intense. En se serrant les uns aux autres sans parler, nous savions que nous avions un long chemin de douleur, de tristesse, de colère et d'incompréhension à vivre avant de parvenir à la paix intérieure.
    Des sentiments jamais jusque-là ressentis par aucun de nous ont fait surface: la colère, la rage, l'injustice, la détresse, l'esprit de vengeance et la peur.
    Porter l'urne des cendres de Sébastien jusqu'à son dernier repos a été une douleur insoutenable. « Mon petit prout », comme j'aimais l'appeler, mon premier-né, n'était plus. La réalité nous a rattrapés assez vite. Maintenant, il faut apprendre à vivre avec son absence et sa mort tous les jours. La perte d'un enfant est inacceptable, surtout d'une façon si violente. En général, ce sont les parents qui devraient partir avant eux et non le contraire.
    Pour ajouter à notre drame, quelques jours plus tard, certains événements inconcevables sont arrivés. Mes deux enfants, Maxime et Julie, ont reçu des menaces de toutes sortes. De plus, des balles de peinture de couleur ont été tirées sur notre maison à l'aide d'un fusil. On a cassé des vitres de notre voiture, nous avons eu des menaces d'intimidation au cours du procès. De plus, une chanson discriminatoire envers notre famille a été composée par des amis des accusés. Les paroles étaient méprisantes et très irrespectueuses à l'égard de la mort de Sébastien. Cette chanson circulait sur Internet.
    Quelle est la valeur d'une vie aujourd'hui? Nous pouvons tous nous poser la question ici, autour de cette table.
    Mon fils Maxime a de plus vécu deux autres expériences violentes et dangereuses qui ont mis sa vie en danger. Une des situations s'est produite en 2007, dans un stationnement près de chez nous. Rubens Alexandre, un des meurtriers de Sébastien, a menacé de battre Maxime. L'ami de Max, qui était champion canadien de boxe, s'est interposé et a avisé l'assaillant de partir, car il n'avait pas le droit de s'approcher de Maxime. L'assaillant a donc quitté et est revenu 10 minutes plus tard en fonçant dans le stationnement avec sa voiture et a tiré quelques coups de feu avec un fusil en direction de Maxime. Heureusement, il n'a pas réussi à atteindre sa cible.
    Ce même Rubens Alexandre a provoqué une situation semblable à celle de Sébastien en poignardant un jeune homme de Brossard en sortant d'un bar. Ce dernier a heureusement survécu. Rubens Alexandre était accompagné de Maxime Renaud, lui aussi accusé du meurtre de Sébastien.
    Depuis la mort de Sébastien, Rubens Alexandre s'est fait arrêté plusieurs fois. Maxime Renaud, pour sa part, a été arrêté pour contrefaçon de carte bancaire. Il y a trois semaines, Rubens Alexandre s'est évadé du centre de détention de Saint-Jérôme.
    À la suite de tout ça, notre état de santé mentale et physique s'est détérioré: haute pression, angoisse, fatigue, impression de se battre inutilement. On se demande quand tout ça va arrêter.

  (1240)  

     Vous ne pouvez imaginer comment on peut se sentir quand on pense qu'un autre de ses enfants aurait pu mourir. La détresse dans notre famille, la peur pour Maxime, qui ne se confie pas afin de ne pas nous inquiéter, mais vit des angoisses intérieures extrêmes. J'ai subi un manque d'énergie qui m'empêchait temporairement de continuer à soutenir et aider les membres de ma famille.
    Pour ajouter à l'odieux, les procédures judiciaires sont un vrai cirque. Nous avons passé trois ans de notre vie à suivre cette procédure interminable et très difficile sur le plan émotif. Nous devions revivre cette nuit d'horreur de façon répétitive, à chaque étape des procédures, pour les différents accusés dans le dossier du meurtre de notre fils. Il était très important pour nous de suivre toutes les étapes de ces procédures pour essayer de comprendre l'incompréhensible. Nous étions le corps et la voix de Sébastien, qui n'était plus là pour raconter l'histoire d'horreur qu'il avait subie. C'est une violence que même les animaux ne s'infligeraient pas entre eux. Il était important de s'assurer que les meurtriers recevraient une sentence à la hauteur de leur crime et de la gravité des gestes inhumains qu'ils avaient posés le soir du 7 août 2007. Finalement, une peine proportionnelle à la gravité de l'acte.
     Il va sans dire que nous y avons laissé beaucoup de notre santé mentale et physique. Maxime, quant à lui, a quitté l'école par manque de concentration et à cause de cette trop grande peine. Julie a arrêté quelques cours temporairement pour les mêmes raisons.
    L'aide apportée aux meurtriers est exceptionnelle. Ils ont droit à de l'aide médicale et psychologique et peuvent continuer leurs études tout en étant encadrés, tout cela aux frais de nos gouvernements. Toutefois, ce qui est pathétique, c'est l'aide apportée aux familles des victimes. Il n'y a aucun appui de la part de ces mêmes gouvernements, ou si peu. Ce ne sont vraiment pas les 600 $ offerts par le gouvernement qui peuvent nous aider à faire face aux problèmes financiers créés par une telle situation. Nous avons plutôt le sentiment qu'on manque de respect à notre égard et que nous ne sommes pas importants pour nos élus. Finalement, ce montant est dérisoire et représente un affront face à la famille éprouvée. Nous sommes laissés à nous-mêmes avec notre peine et tous les problèmes et soucis qui s'ensuivent.
    Pour ce qui est des problèmes financiers, nous avons moins de revenus. Je ne pouvais pas travailler pour des raisons de santé. Luc travaillait moins afin de suivre le procès. Ce manque d'argent a fini par nous causer des soucis supplémentaires qui n'étaient vraiment pas nécessaires à ce moment-là. Heureusement que l’Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, l'AFPAD, existe. Elle nous a aidés et accompagnés au cours des procédures judiciaires. Nous avons également la chance d'avoir un ami avocat, qui nous a soutenu tout au long des procédures, et la famille, naturellement.
    La « Loi Sébastien », en mémoire de notre fils et en l'honneur de notre détermination, nous met un peu de baume au coeur. C'est gratifiant et rassurant de voir qu'un gouvernement se penche sur ce problème. Pour nous, le plus important est que ces gens aient pris le temps de nous écouter, d'entendre toute notre histoire pendant des heures, histoire que je vous ai résumée ici aujourd'hui à cette table. Je peux vous affirmer que ce n'est que le quart de ce que nous avons réellement vécu.
    Je sais que d'autres gouvernements se penchent beaucoup sur les statistiques, mais dites-vous bien qu'une seule vie perdue est déjà une vie de trop. Je ne souhaite à personne ici de vivre un tel drame. Je mets au défi toute maman ou tout papa qui a traversé une telle épreuve de s'opposer à ce projet de loi. Je peux vous assurer que si votre fils ou fille était battu à mort et tué aussi violemment, vous voteriez sans hésiter en faveur de ce projet de loi, qui permettra entre autres de punir des assassins, et ce, proportionnellement à la violence des actes qu'ils ont commis.
    J'ai reçu une belle éducation. Mes parents m'ont toujours dit que dans la vie, nous subissions toujours les conséquences de nos actes. Aujourd'hui, avec le système qui prévaut, le message communiqué aux jeunes est qu'il n'y a pas vraiment de conséquences graves s'ils tuent quelqu'un ou le blessent gravement. La violence est banalisée, un peu comme dans un jeu vidéo.

  (1245)  

    Je trouve donc essentiel de renforcer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, entre autres pour qu'il soit possible de détenir les adolescents en attente de leur procès. Si cette loi avait été en vigueur, nous n'aurions pas subi l'odieux d'attendre dans un corridor avec les accusés.
    Imaginez deux secondes que vous attendez à la porte avant d'entrer à la Cour et que les accusés du meurtre de votre fils attendent en ligne avec vous, et qu'en plus ces derniers peuvent pénétrer dans la salle sans fouille, alors que la famille de la victime et tous ceux qui l'accompagnent doivent passer à la fouille complète. C'est vraiment inconcevable à mes yeux. Il faut se rappeler que cette loi se rapporte à des crimes très graves.
    J'aimerais revenir à mon fils Sébastien, qui est décédé des suites d'actes d'une grande violence. Son meurtrier, Maxime Labonté, alors âgé de 17 ans et huit mois et qui l'a poignardé à plusieurs reprises, a reçu une sentence à vie pour meurtre sans préméditation et sera admissible à une libération conditionnelle après sept ans d'incarcération. Il sera ainsi admissible à une libération conditionnelle en août 2011. Il va s'en dire que nous aurons à contester cette demande, qui sera fort probable dans son cas. Nous devrons donc l'affronter à nouveau et nous devrons convaincre les décideurs de ne pas laisser sortir ce criminel.
    J'aimerais terminer en vous faisant réaliser que la famille a une sentence et une peine à vie quand elle perd un être cher de façon aussi cruelle et odieuse. Donc, si nous pouvons améliorer notre système de justice, soyons respectueux de la vie et sachons préserver la sécurité de tous en votant pour que ce projet de loi soit en vigueur le plus tôt possible. C'est évident que ça ne me ramènera jamais mon fils, mais au moins sa mort et son drame auront servi à quelque chose pour la société.
    Merci de votre écoute.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    D'abord, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Je ne crois pas que l'un ou l'autre d'entre nous puisse comprendre à quel point il doit vous être difficile de revivre ce cauchemar. Merci. Je tiens à vous assurer que vous êtes importants pour le gouvernement, et nous voulons écouter attentivement ce que vous avez à nous dire.
    Nous aurons du temps pour trois questions, peut-être, et je vais les limiter à quatre minutes chacune.
    Aucune? Très bien.
    Monsieur Ménard, vous pouvez avoir cinq minutes, puisque les libéraux vont s'abstenir.

[Français]

    Madame Lacasse, la première chose que je voudrais vous dire et que vous devriez comprendre, c'est que j'ai énormément de sympathie pour vous, comme d'ailleurs tous ici.
    Je suis père moi aussi, grand-père depuis peu. Je sais que c'est terrible qu'il vous ait été enlevé. Quand nos enfants se mettent à avoir des enfants eux aussi, à bien les élever et à chercher à leur donner le bonheur qu'ils ont reçu, c'est une des grandes joies de la vie qui reste pendant si longtemps après avoir fait notre devoir de parents, et cela vous a été enlevé.
    Cela dit, je ne sais pas qui vous a expliqué la loi, mais êtes-vous consciente que cette loi n'aurait rien changé dans le traitement de celui qui a poignardé votre fils?
    Peut-être pour lui. Cependant, pour ma part en ce moment, c'est le futur qui est important. C'est sur que Sébastien ne reviendra pas. Pour moi, c'est le futur qui compte. Je trouve qu'aujourd'hui on n'est pas assez sévère pour les jeunes. Oui, je suis consciente que ça n'aurait pas changé grand-chose dans le cas qui me concerne, mais cela n'enlève pas... Je l'ai vue, je l'ai étudiée et à mon avis c'est important qu'on renforce la loi.
    Vous réalisez quand même qu'il y aura probablement toujours des jeunes contrevenants. Il faut par exemple développer les meilleures méthodes pour qu'il y en ait de moins en moins.

  (1250)  

    Oui.
    Je pense qu'en ce moment, ce n'est pas le cas. Sur les 10 qui ont été arrêtés, il y en a au moins deux...
    Qui ont recommencé.
    ... qui ont recommencé. Ils sont allés en prison, ils y ont suivi des programmes et ça n'a rien changé.
    Je suis peut-être mal informé, mais je sais... J'ai cela ici dans les articles de La Mémoire du Québec qui répertorie tous les journaux...
    Oui.
    Il n'y avait qu'un seul assaillant qui était mineur, et c'est celui qui a poignardé votre fils.
    Excusez...
    Tous les autres avaient plus de 18 ans.
    Non, excusez, non, non.
    La peine la plus élevée à avoir été imposée aux autres était de quatre ans. Certains ont fait l'objet d'une sentence suspendue.
    Maxime Labonté n'était pas le seul.
     Il y en avait trois. Trois de ces dix jeunes étaient mineurs.
    Ils étaient onze.
    Ils étaient dix. Sur les dix, trois étaient mineurs, dont l'assassin principal.
    Il a écopé d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Oui, mais...
    Il va être libéré dans sept ans. Pour nous, sept ans, pour le meurtre de notre garçon...

[Traduction]

    Un instant, s'il vous plaît. L'interprète aura beaucoup de mal à faire son travail si nous ne posons pas les questions et ne répondons pas de façon ordonnée. J'invite donc M. Ménard à terminer sa question, après quoi M. et Mme Lacasse auront tout le temps de répondre.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    La peine minimale de sept ans est prévue à l'article 745.1 du Code criminel. Or le projet de loi qu'on vous a demandé d'appuyer ne propose aucun amendement à cet article du Code criminel. C'est pourquoi je dis que rien ne serait changé.
    Cependant, soyez sûrs que je désire autant que vous qu'il y ait moins de délinquance juvénile. De la même façon, vous savez très bien que j'ai pris des moyens radicaux pour lutter contre les crimes de groupes du crime organisé comme les Hells Angels et que ces opérations ont connu du succès. Soyez sûrs que nous poursuivons le même but, que nous voulons également que diminuent ces problèmes.
    Vous êtes conscients que la disposition voulant que cet individu soit admissible à la libération conditionnelle dans sept ans n'est pas modifiée par le projet de loi?
    Nous en sommes très conscients, mais ça ne nous empêche pas de voir que la loi peut comporter de bons éléments qui peuvent encadrer tout cela. Disons que j'ai suivi suffisamment le dossier pour savoir que parmi ces jeunes, deux autres étaient mineurs. Même s'ils avaient tous été adultes, j'aurais quand même le droit d'appuyer une loi qui porte sur les contrevenants, même si ça ne change rien pour ceux qui ont tué Sébastien. Il est vrai que ça ne ramènera pas Sébastien, mais les sentences qu'on impose aujourd'hui sont assez bonbon. Excusez le terme, mais c'est quand même la réalité.
    Dans une telle situation, on ne se sent pas appuyés; on a l'impression d'être oubliés, dans tout cela, en tant que victimes. Pour nous, c'est important. Je crois en la réhabilitation, mais je n'y crois pas dans le cas de certaines peines, de certains crimes.
    Comme le meurtre.
    Oui, exactement, et comme bien des choses.
    C'est ce qui est arrivé.

[Traduction]

    Nous donnons la parole à M. Woodworth pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je partage la sollicitude du président pour vous et sa crainte que nous ne puissions pas vraiment comprendre l'abîme où ce crime vous a plongés. Je vous remercie d'être venus témoigner.
    Je m'intéresse plus particulièrement aux crimes que vous avez décrits et qui ont été commis après la mort de votre fils. Si j'ai bien compris, vous avez dit que des coups de feu ont été tirés depuis un véhicule en direction de votre fils Maxime. Est-ce exact?

[Français]

    Oui. C'est Rubens Alexandre, un des assaillants de mon garçon, qui a fait cela. Naturellement, il n'y a pas eu de suites parce que les jeunes ne voulaient pas porter plainte. Ils disaient que ça ne donnait rien.

[Traduction]

    Je voudrais aller un peu plus loin à ce propos. Dans le fauteuil que vous occupez maintenant se trouvait, il y a quelques minutes, nul autre que le procureur général du Nouveau-Brunswick, qui a parlé de ce type d'infraction. Voici ma question: considérez-vous comme une infraction avec violence le fait de tirer des coups de feu à partir d'un véhicule en direction de votre fils Maxime?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Moi aussi.
    Le procureur général du Nouveau-Brunswick nous a dit tout à l'heure qu'il s'opposait à ce qu'on ajoute dans la définition d'« infraction avec violence » une infraction qui ne visait pas à causer un préjudice. Si celui qui a tiré à partir d'une voiture en direction de votre fils n'avait pas l'intention de le toucher, considérez-vous toujours qu'il s'agit d'une infraction avec violence?

  (1255)  

[Français]

    C'était un acte de violence parce qu'il voulait le toucher. C'est évident. Automatiquement, quand on prend une arme, on veut commettre un acte de violence.

[Traduction]

    J'ai le regret de dire que, devant le tribunal pénal, ce n'est pas toujours facile à prouver. Il peut arriver qu'on tire en l'air, simplement. Mais je suis d'accord avec vous: même si le tireur ne voulait pas toucher votre fils, c'est toujours une infraction dangereuse, à mon avis. C'est toujours de l'intimidation. Et c'est toujours une infraction qui mérite la prison.

[Français]

    Oui, je le pense aussi.

[Traduction]

    Je voulais simplement m'assurer que vous êtes d'accord avec moi. Merci.
    Et que pensez-vous de la possibilité que le juge qui détermine la peine d'un jeune soit autorisé à tenir compte des contacts antérieurs de ce jeune avec les représentants de la loi, même s'il n'y a pas eu d'infraction? Êtes-vous d'accord ou non?

[Français]

    Oui, je suis d'accord parce que ça donne quand même une bonne idée de ce que la personne était avant. Ça n'a pas été possible dans le cas du meurtrier de Sébastien. On n'a pas pu vérifier ses antécédents. Dans le cas contraire, on aurait pu savoir qu'il pourrait en venir à commette un crime aussi violent.

[Traduction]

    Je suis d'accord avec vous. La question semble un peu étrange, mais je la pose parce que nul autre que le procureur général du Nouveau-Brunswick, qui se trouvait dans votre fauteuil, a dit au comité que, selon lui, le juge ne devrait pas pouvoir tenir compte des comportements criminels antérieurs qui n'ont pas abouti à une condamnation.
    Voilà mes...
    Désolé. Vous aviez quelque chose à ajouter?

[Français]

    En fin de compte, c'est comme si on disait que les jeunes ne sont jamais responsables de leurs actes.
     C'est banalisé.
    C'est banalisé, en effet. Ça peut quand même indiquer le parcours suivi par le jeune avant d'en arriver à ce point. On banalise ça. On pense qu'à l'âge de 16 ou 17 ans, le cerveau du jeune n'est pas assez développé pour comprendre qu'il fait du mal. Je suis bien d'accord pour qu'on vérifie les antécédents.
     D'ailleurs, pour ce qui est de la société, on ne l'a pas protégée après le crime de Sébastien. Il y a tous ces individus qui continuent à se promener dans les rues. Ils ont encore poignardé quelqu'un à Brossard. Heureusement, il n'est pas mort. Il reste qu'il y a eu deux garçons, après Sébastien. Une de ces personnes n'avait pas 18 ans au moment où Sébastien est décédé.
    Je veux vous remercier.
    Merci.

[Traduction]

    Votre temps de parole est terminé.
    Nous entendons rarement le point de vue des victimes. Les Canadiens et le gouvernement devraient écouter les victimes plus souvent. Nous nous ferions une bien meilleure idée des difficultés que nous avons à surmonter dans le système de justice pénale.
    Encore une fois, merci à vous deux.

[Français]

    Merci à vous.

[Traduction]

    Le président: La séance est levée.
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