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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 045 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 février 2011

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 45e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, et nous sommes ici pour continuer notre étude sur les mesures de soutien par le gouvernement fédéral aux parents adoptifs.
    Nous tenons aujourd'hui notre dernière heure d'audience de témoins sur l'adoption. Nous sommes très heureux de recevoir quatre jeunes adultes — je crois que vous avez tous plus de 18 ans — qui sont ici pour partager avec nous leur expérience et leur histoire. Je vous remercie d'être parmi nous. Nous avons hâte de vous entendre.
    Chacun d'entre vous aura cinq minutes pour présenter son exposé, puis les membres du comité vous poseront des questions. Vous avez donc cinq minutes environ, mais je vais laisser un peu de marge de manoeuvre aux témoins parce que nous voulons probablement entendre toutes leurs histoires.
    Nous allons commencer par Miranda Eggertson.
    Oui.
    J'invoque le Règlement. Nous avons les biographies ici et je me demandais... Il y a Lisa Davis, qui semble ne pas être ici...
    Lisa est juste là.
    Je m'excuse, qui est donc la personne...?
    Judy.
    D'accord. Alors nous voulons probablement tous prendre note que comme elle ne peut pas nous expliquer sa situation, nous devons aussi tenir compte de sa biographie.
    Tout à fait. Merci, monsieur Vellacott.
    Très bien. Nous allons commencer par Miranda, après quoi nous allons entendre Alisha Bowie, Lisa Davis et Jon Daly.
    Nous allons commencer par vous, Miranda.
    Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler.
    Je m'appelle Miranda Eggertson. Je suis une jeune mère de 20 ans et j'étudie ici, au Centre Youville, à Ottawa. J'ai deux filles, Allysia, 16 mois, et Alexis, 4 mois. J'ai été adoptée quand j'avais 8 ans. J'ai vécu en famille d'accueil à Kenora, en Ontario, pendant diverses périodes de mes 15 mois jusqu'à 4 ans. Je retournais constamment chez mes parents biologiques jusqu'à ce que j'aie 8 ans, où j'ai alors été placée de façon permanente en famille d'accueil. J'ai dû changer de maison une dizaine de fois jusqu'à ce que je sois adoptée.
    Quand j'étais en famille d'accueil, je me sentais très seule. J'avais l'impression que personne ne voulait de moi. Je ne savais jamais combien de temps je resterais quelque part. Je me rappelle que je regardais les autres enfants avec leurs parents. Je m'ennuyais de mes parents et je me demandais pourquoi je ne pouvais pas vivre avec eux et pourquoi je n'avais pas le lien que les autres enfants semblaient avoir avec leur famille. J'avais l'impression de ne pas pouvoir faire confiance à ma famille d'accueil. Je ne voulais pas me rapprocher d'elle parce que j'avais peur d'être changée de famille encore une fois.
    Il y a beaucoup de choses qui me sont arrivées en famille d'accueil qui ne devraient arriver à aucun enfant. Quand ma travailleuse sociale m'a dit qu'elle m'avait trouvé une mère pour toujours, j'étais contente, mais j'avais peur aussi, parce que je devais laisser derrière moi ma mère biologique et mes autres frères et soeurs. Ma nouvelle maman était une journaliste célibataire d'Ottawa. Quand je l'ai rencontrée, je lui ai demandé pourquoi elle voulait m'adopter, moi plutôt qu'un bébé. Elle m'a dit qu'elle aimait les bébés, mais qu'elle avait vu ma photo sur la liste des enfants en attente du Canada et qu'elle voulait m'adopter. Je lui ai demandé pourquoi elle voulait m'adopter, puisque j'avais la peau foncée. Je ne comprenais vraiment pas. Je voulais être certaine qu'elle voulait de moi et qu'elle n'était pas folle.
    J'étais contente de me faire adopter, mais en même temps, j'étais vraiment confuse. C'était un peu difficile pour moi de grandir à Ottawa, parce que la plupart des autres enfants ne comprenaient pas l'adoption. Je me faisais beaucoup taquiner parce que j'avais une mère monoparentale blanche, et j'étais très fâchée d'avoir dû quitter ma famille biologique, parce que je m'en souvenais. J'avais beaucoup de « flashbacks » quand j'étais jeune. J'étais fâchée de tout ce qui m'était arrivé quand j'étais jeune, avant mon adoption.
    Quand j'avais 16 ans, je suis partie de mon côté pendant quelque temps pour essayer de me comprendre un peu. Je suis retournée dans ma réserve, et j'ai rencontré ma mère biologique, mes demi-frères, mes tantes, mes oncles, mes cousins et ma famille élargie. J'ai fait beaucoup de choses autodestructrices, mais je savais aussi que je pouvais toujours appeler ma mère pour obtenir de l'aide. C'est pourquoi je pense qu'il est préférable que les grands enfants soient adoptés plutôt que de vieillir en famille d'accueil, sans famille d'attache.
    Tout le monde veut pouvoir toujours compter sur quelqu'un. Quand j'étais dans la rue, j'ai rencontré beaucoup de jeunes sans-abri, qui étaient passés par des familles d'accueil. Ils n'avaient personne à appeler si les choses tournaient mal ou s'ils avaient un problème, sauf leurs vendeurs de drogues.
    Aujourd'hui, ma vie est beaucoup plus stable. J'ai une famille aimante, un réseau d'aide aimant, une famille adoptive, un conjoint, une famille biologique. Je fréquente une excellente école qui m'aide. J'ai ma place à moi, et j'espère aller au collège l'année prochaine. Si je n'avais pas été adoptée, j'aurais probablement grandi en marge du système. Je prendrais probablement encore de la drogue et je n'aurais pas de plan d'avenir. Je n'aurais probablement pas mes filles. J'aurais peut-être fini comme mes deux demi-soeurs. Ma soeur aînée est morte en travaillant dans les rues de Thunder Bay, et mon autre soeur s'est pendue quand elle a appris la mort de ma soeur aînée.
    Certaines personnes pensent que les familles blanches ne devraient pas adopter d'enfants autochtones, mais je pense que ce qui compte, c'est que la famille soit bonne, peu importe la couleur de la peau, la taille ou l'orientation sexuelle. Tout le monde mérite d'avoir une famille permanente, une personne vers qui se tourner qui sera toujours là.
    J'espère que ce comité pourra faciliter l'adoption pour qu'un plus grand nombre d'enfants comme moi soient adoptés.
    Merci.

  (1110)  

    Merci beaucoup, Miranda.
    Nous allons maintenant écouter Alisha.
    Bonjour. Je m'appelle Alisha. En ce moment, j'étudie à l'Université Carleton. Je suis en troisième année, et j'étudie les droits de la personne. J'ai été placée en famille d'accueil à l'âge de 10 ans, avec mes six autres frères et soeurs. Je suis l'aînée. Nous sommes maintenant neuf, en fait, mais c'est une autre histoire.
    En gros, j'ai été placée dans une famille d'accueil, où j'ai vécu pendant huit ans, jusqu'à mes 18 ans. J'ai toujours été dans la même famille d'accueil, mais je n'avais pas le sentiment de faire partie de la famille. Certains de mes frères et soeurs ont été adoptés. Il n'y en a qu'un qui ne l'a pas été. À partir de là, je me suis mise à les voir différemment. Ils avaient une famille aimante vers qui se tourner, pas moi. Je n'avais vraiment pas l'impression d'appartenir à cette famille d'accueil. J'avais aussi une soeur d'accueil du même âge que moi, et j'avais l'impression qu'elle n'était pas traitée de la même façon que moi.
    Maintenant, je continue ma vie hors du système de familles d'accueil. Je vais avoir 21 ans en août. En ce moment, je vis seule, et il est vraiment difficile de n'avoir personne vers qui se tourner. Je ne sais pas qui appeler quand je suis en crise ou que quelque chose va mal. Je me tourne vers ma travailleuse sociale, mais elle ne sera plus là très longtemps. C'est difficile aussi parce que je suis séparée de mes frères et soeurs.
    Comme je l'ai dit, ils ont été adoptés, et je ne peux pas les voir très souvent. Ils ont leur propre famille; je ne suis que leur soeur biologique. C'est un peu différent. Ils ont toutes sortes de choses que je n'ai jamais eues. Ils ont un endroit où rentrer quand ils sont en vacances.
    Quand je retourne voir ma famille d'accueil, c'est presque que comme si j'étais une invitée, et je ne sais pas où j'ai ma place. Il y a d'autres enfants qui vivent maintenant dans ma chambre. C'est vraiment difficile. Je ne sais tout simplement pas où est ma place. C'est mon histoire.
    Merci beaucoup, Alisha.
    Lisa.
    Tout le monde souffre un moment ou un autre dans sa vie de la perte de quelqu'un, de la déception, de la peine. Pour les jeunes en familles d'accueil, la question n'est pas quand cela va leur arriver, c'est sûr qu'ils vont connaître la perte, la déception et la peine plus qu'autre chose.
    La permanence crée un sentiment d'appartenance. La permanence pour les jeunes placés en familles d'accueil se décrit très simplement: c'est un besoin humain fondamental qui devrait être reconnu à tout le monde. Nous devrions tous savoir où aller à Noël. Nous devrions tous savoir où aller pendant les relâches universitaires.
    J'ai été placée en famille d'accueil à l'âge de trois ans. J'ai vieilli hors du système. J'ai maintenant 32 ans, et je suis enfin à l'université, de mon propre choix, et non parce qu'on m'a encouragée à y aller. Quand j'avais 20 ans, j'ai saisi ma dernière chance de profiter d'une éducation avec l'aide de la société d'aide à l'enfance. Je suis devenue esthéticienne, ce qui m'a menée vers un emploi du bas de l'échelle avec très peu de sécurité. J'avais une jeune famille, et c'était très dur, mais j'ai continué de faire du bénévolat et j'ai travaillé très fort à me construire pour pouvoir me rendre à l'université. Mais je fais tout toute seule. Donc quand j'ai besoin d'appeler quelqu'un pour savoir quoi faire de mon enfant de trois ans très caractériel, il est difficile de savoir vers qui me tourner. Il est difficile d'avoir un sentiment d'appartenance.
    J'ai eu une famille d'accueil permanente, ou du moins je pensais qu'elle était permanente. On m'avait promis la permanence, et je devais être adoptée à l'adolescence. Mon père d'accueil est mort quand j'avais 19 ans. Il ne m'a jamais adoptée parce qu'il était en train de prendre sa retraite et qu'il ne recevait pas suffisamment d'aide pour m'adopter. Donc quand, à 19 ans, j'ai donné naissance à un petit enfant, je me suis tout à coup trouvée totalement seule. La famille que je pensais avoir pendant tant d'années m'a tourné le dos. Je n'étais qu'une enfant qui avait été placée en famille d'accueil. Je n'avais aucune protection juridique. Je portais même le nom de ma famille d'accueil, ce qui a rendu les choses encore plus difficiles quand elle m'a tourné le dos. Toute la culture dans laquelle j'avais grandi et que j'avais appris à aimer n'était plus là. Je devais faire ma vie toute seule.
    Personne ne devrait perdre tout sens d'appartenance comme ça.
    Ce n'est pas par choix qu'on entre dans le système. On ne choisit pas d'être victime de violence. On ne choisit pas d'être frappé. On ne choisit pas d'être victime d'agression sexuelle. Quand la chance se présente d'offrir à des enfants comme Alisha, Jon, Miranda et moi quelque chose de permanent, un peu de stabilité quand rien n'a jamais été stable, c'est l'occasion pour nous de pouvoir redonner ce que nous recevons plutôt que de toujours rester dans un système qui va devoir nous soutenir pendant des années.
    Il y a beaucoup de jeunes en famille d'accueil qui n'ont pas la chance comme nous d'aller à l'université ou d'avoir quelqu'un à appeler. Beaucoup aboutissent dans la rue. Beaucoup finissent en prison. Les pourcentages sont absolument monstrueux. Cela représente un fardeau énorme pour le système, alors que la permanence permettrait de créer un lien d'attachement avec quelqu'un qui accepte d'être là pour le jeune. J'imagine que bon nombre des personnes ici avaient la chance d'appeler leurs parents quand elles en avaient besoin, quand elles vivaient quelque chose de difficile. Nous n'avons pas cette chance, et nous aimerions vraiment l'avoir.
    Merci.

  (1115)  

    Merci beaucoup.
    Jon, c'est à votre tour. Merci.
    Je m'appelle Jonathan Daly. Presque toute ma vie, j'ai fait la navette entre ma famille et des familles d'accueil. La première fois que j'ai été placé en famille d'accueil avec mes deux jeunes soeurs, j'avais trois ans. Après m'être promené entre deux ou trois familles, je suis retourné vivre avec ma mère. J'avais cinq ans. Quand j'avais neuf ans, un accident de voiture tragique a coûté la vie à mes deux soeurs, à ma mère et à mon beau-père. À partir de là, j'ai été placé en famille d'accueil de façon permanente. De 9 à 11 ans, j'ai eu trois familles d'accueil. J'ai vu beaucoup de choses, j'ai vécu beaucoup de choses, j'ai connu beaucoup de religions différentes, de cultures différentes, de méthodes parentales différentes. C'était très difficile pour moi parce que pendant ces deux années, où je suis passé par trois familles, j'ai vécu en moyenne huit mois dans chaque foyer. C'est très difficile de s'habituer à la façon dont les enfants sont éduqués, à la façon d'agir ici et là, aux religions. Cela m'a ébranlé. J'ai eu une enfance assez difficile.
    À l'âge de 11 ans, j'ai été placé dans ma famille d'accueil permanente, chez André Fontaine. C'est là où je vis depuis. J'ai 21 ans maintenant. Cela a fait 10 ans en mars dernier. Cinq ans après que je suis déménagé chez lui, il m'a adopté. Avant qu'il m'adopte, et même après, ce n'était pas facile. J'étais un adolescent, donc j'avais ma part de problèmes, mais je savais que j'avais ce réseau de soutien, donc cela m'a beaucoup aidé à m'en sortir. La plus grande crainte que j'avais quand j'étais enfant et qu'aucun enfant ne devrait avoir, c'était de devoir quitter ma famille. C'est l'une des pires choses qu'on puisse imaginer. On se fait des amis, on se fait une vraie famille, elle devient tout notre univers, puis il faut la laisser derrière...
    Donc quand j'ai été adopté, un fardeau énorme est disparu de mes épaules. Il y a quelqu'un chez qui je peux toujours aller ou que je peux toujours appeler pour avoir de l'aide, que ce soit pour faire mon lavage, pour payer mes impôts, pour apprendre à cuisiner ou pour présenter une demande d'admission à l'école, il est là quelle que soit la situation. Je peux toujours appeler André et son conjoint Darcy.
    Je dois pas mal tout ce que j'ai à ce réseau de soutien, au fait qu'il soit là, au travail social dont j'ai bénéficié aussi, à l'aide et à l'amour qu'ils m'ont toujours donnés, même pendant les périodes les plus perturbées de mon adolescence.
    Aujourd'hui, je vais à l'école. Je suis au collège Algonquin, où je suis un programme de quatre ans, et j'adore ça. J'ai tout un avenir devant moi, et je le dois vraiment à l'aide à l'enfance et à André, qui m'ont donné un foyer permanent et un sentiment d'appartenance.
    Merci.

  (1120)  

    Je vous remercie tous beaucoup de partager vos histoires avec nous.
    Habituellement, nous faisons un tour de table, et les membres du comité ont la chance de vous poser des questions. Nous avons habituellement des limites de temps pour chaque question aussi.
    Nous allons probablement faire un tour de table de sept minutes, donc c'est le temps prévu pour les questions et réponses.
    Monsieur Savage, vous vouliez commencer.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup, Miranda et Alisha, Lisa et Jon, d'être ici aujourd'hui.
    C'est peut-être un peu stressant pour vous de comparaître devant un comité parlementaire, mais peut-être pas non plus. Ça aurait été effrayant pour moi à l'âge de 20, 21 ou 32 ans, ou même à 50 ans, si je me rends là. C'est toujours un peu difficile, mais je dois vous dire que vous avez exprimé votre message très clairement et très efficacement aujourd'hui, je vous en remercie.
    Nous étudions cette question depuis quelque temps, et elle est très intéressante. Elle nous mène dans toutes sortes de directions.
    Clairement, vous quatre êtes le visage de l'adoption. Vous êtes les meilleurs porte-parole en faveur de l'adoption, de bien des façons, puisque vous expliquez comment elle peut changer la vie des gens. Bon nombre d'entre nous tenons la famille pour acquise. Elle était là quand nous sommes nés et elle était là pendant toute notre enfance, c'est mon cas du moins.
    Je pense que c'est vous, Alisha, qui a mentionné que vous n'aviez personne vers qui vous tourner quand vous viviez une quelconque crise personnelle. De mon côté, mon père était un grand homme. Il faisait beaucoup, beaucoup de choses, mais c'est ma mère que j'avais l'habitude d'appeler pour prendre une tasse de thé. C'est donc un message très puissant que vous véhiculez.
    Miranda, vous avez parlé de vos soeurs, dont l'une s'est pendue et l'autre est morte dans la rue. Que vous serait-il arrivé si vous n'aviez pas été adoptée, selon vous?
    Ce serait probablement la même chose pour moi, mes parents sont alcooliques, donc nous serions probablement laissés à nous-mêmes et... C'est un sujet très difficile, je m'excuse.
    Donc la différence entre une personne qui meurt tragiquement en bas âge et une autre qui a un lien familial encore aujourd'hui et qui poursuit des études postsecondaires, c'est que cette dernière a été adoptée et fait partie d'une famille?
    Oui.
    C'est très impressionnant.
    J'aimerais demander à n'importe lequel d'entre vous... Je ne sais pas si vous avez eu la chance de lire les témoignages que nous avons entendus, mais différents organismes et différentes personnes nous ont présenté leurs recommandations. Parmi elles, beaucoup ont été adoptées ou ont adopté. Est-ce que l'un d'entre vous a eu la chance de consulter ces témoignages et auriez-vous des recommandations précises à faire au comité pour faciliter l'adoption au Canada?
    Je peux vous répondre.
    Comme je l'ai dit, je pense que le fait de ne pas donner de liens permanents aux gens est plus lourd pour le système public que tout le reste. Le fait d'avoir des liens et un attachement envers quelqu'un sur qui on peut vraiment compter enlève tellement de pression sur le système.
    On pourrait élargir le programme d'AE... Peut-être que ces parents n'ont pas à récupérer physiquement de la naissance d'un enfant, mais la mère qui a porté un bébé dans son ventre a eu le temps d'établir un lien avec lui, et le père a eu le temps d'établir un lien de l'extérieur et par sa voix.
    Plus on a de temps pour établir un lien, plus on y investit du temps, plus cela fait une différence en bout de ligne et moins il y a d'occasions manquées. Je ne peux répéter assez combien il est important d'établir un lien d'attachement. Je pense qu'il est crucial de prévoir des mécanismes pratiques pour aider les parents adoptifs, comme de prolonger la période de prestations d'AE.
    L'autre chose que je trouve très important de mentionner, c'est qu'au Canada, tous les enfants n'ont pas les mêmes droits. De 0 à 18 ans, les enfants n'ont pas les mêmes droits d'une province à l'autre, parce que c'est une compétence provinciale, et je crois que cela va rester une compétence provinciale. Quoi qu'il en soit, je pense sincèrement que le gouvernement fédéral peut prendre sa place et déterminer qu'il doit y avoir une norme nationale, que chaque enfant devrait avoir accès à cette norme, un peu comme dans le cas de la Convention relative aux droits de l'enfant, selon laquelle tout enfant est supposé avoir la garantie d'un certain nombre de droits. Si le gouvernement fédéral prenait position en faveur de la permanence pour les enfants, quand des personnes comme nous parlons aux gouvernements provinciaux, nous pourrions leur dire qu'ils doivent respecter la norme nationale. Je pense que c'est primordial.

  (1125)  

    Cela montre les nombreuses facettes de l'adoption.
    Jon, vous nous dites que vous avez eu deux pères. Est-ce exact?
    Oui, j'ai grandi avec mes deux parents adoptifs, André Fontaine et Darcy MacPherson.
    Mon filleul a deux mères. Il y a des enfants autochtones avec des parents non autochtones. Comme vous l'avez mentionné, vous avez connu différentes religions. C'est la situation très dynamique de l'adoption, elle touche tellement de Canadiens.
    Je vous remercie beaucoup d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. C'est très éclairant.
    Merci beaucoup.
    Si vous êtes d'accord, j'aimerais poser une question complémentaire, parce qu'il vous restait une minute.
    Lisa, pouvez-vous nous parler un peu plus des différences entre les provinces, des différentes normes? Selon certains témoignages que nous avons entendus, il faudrait accroître la communication entre les provinces, mais je ne me rendais pas compte à quel point, peut-être que d'autres membres du comité le savaient. Quelles sont les grandes différences entre les provinces?
    L'âge auquel les enfants sont placés en famille d'accueil pourrait faire l'objet d'une norme fédérale.
    Pour l'adoption, en particulier, je sais qu'ici, à Ottawa, par exemple... Gatineau est tout près, c'est la porte d'à côté, mais si on veut adopter un enfant à Ottawa, mais qu'on vit à Gatineau, même si l'on travaille à Ottawa, que notre vie se déroule à Ottawa, c'est considéré comme de l'adoption internationale. Il faut payer pour sa propre évaluation et ce n'est pas...
    La présidente: Internationale?
    Mme Lisa Davis: C'est de l'adoption internationale.
    Parce que la personne est au Québec, c'est international?
    Oui. C'est un des obstacles énormes. Il y a des enfants qui ont besoin d'être adoptés, et la province d'où l'on vient ne devrait pas déranger. Ce type de barrière ne devrait pas exister. L'exemple du Québec est particulier, parce qu'il faut payer pour sa propre évaluation et le reste.
    Je pense que c'est la première fois que nous entendons cela.
    Je vais donner la parole à la prochaine personne.
    Madame Beaudin.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à tous.

[Traduction]

    Je vous prie tous de prendre les écouteurs pour la traduction.
    Nous allons nous interrompre un moment pour que le greffier s'assure que tout le monde a le bon canal et le bon volume.

[Français]

    Vous avez fait preuve, au cours de votre vie, de beaucoup de résilience et c'est tout à votre honneur, bravo. Je constate que vous êtes devenus quand même des jeunes femmes et un jeune homme accomplis ayant des projets et, surtout, des rêves. Et pour moi, c'est l'essentiel.
    J'ai une question à poser à Alisha pour m'assurer d'avoir bien compris. Vous faites une différence entre le fait d'être dans une famille d'accueil et le moment où vous pourriez être adoptée. Ai-je bien compris votre situation, Alisha? Je vois que vous avez été en famille d'accueil pendant huit ans. À vous entendre, vous semblez ne plus avoir de contacts avec cette famille d'accueil. Ai-je bien saisi l'histoire de votre vie?

[Traduction]

    Je pense que j'ai compris la question.
    J'ai passé huit ans dans une famille d'accueil, donc je faisais la distinction entre l'adoption et la famille d'accueil. Je n'avais pas de famille permanente. Si j'avais eu une famille adoptive, les choses seraient peut-être différentes, et j'aurais quelqu'un à qui m'adresser et à qui parler quand j'en ai besoin. J'aurais le sentiment d'avoir ma place quelque part et d'avoir de la valeur pour quelqu'un.

  (1130)  

[Français]

    Donc, vous n'avez plus de contacts avec votre famille d'accueil.

[Traduction]

    Non.
    Je retourne de temps en temps visiter ma famille d'accueil. J'ai plus de contacts avec ma soeur d'accueil parce qu'elle a le même âge que moi, donc nous avons pour ainsi dire grandi ensemble et nous sommes presque comme des amies. Bref, je les vois de temps en temps, mais comme je l'ai dit, c'est bien différent quand je vais chez eux. Elle m'a même dit que j'étais une invitée chez elle. Vous savez, on ne veut pas se sentir comme un invité chez quelqu'un avec qui on a vécu pendant huit ans. Ce n'est tout simplement pas ça. C'était presque ma famille, et cela m'a vraiment fait mal de les entendre me dire que je n'avais plus ma place chez eux.

[Français]

    Je peux comprendre. Vous servez essentiellement de soutien et d'exemple pour d'autres enfants qui auront à vivre des situations comme la vôtre.
    On a surtout rencontré des témoins qui nous parlaient des mesures que l'on pourrait prendre pour aider les parents. Vous êtes des enfants ayant vécu cette situation. Ma question s'adresse à vous quatre.
     Qu'aimeriez-vous changer par rapport à la vie que vous avez vécue? Qu'aimeriez-vous changer de l'adoption vue de l'intérieur, de votre expérience d'enfants adoptés?

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de cette question.
    Dans mon cas personnel, comme mon père d'accueil était en train de prendre sa retraite, c'était soudainement un énorme fardeau financier. Il ne s'attendait pas à devoir prendre sa retraite. Il s'est retrouvé contre son gré dans cette situation, qui a fait en sorte qu'il n'avait plus les moyens de m'adopter. Ç'aurait été extrêmement bénéfique qu'une partie de l'aide accordée aux parents d'accueil soit accordée aux parents adoptifs aussi, au moins pendant la période d'adaptation. Ça aurait signifié qu'à 19 ans, quand je voulais avoir un héritage familial, un simple lien avec la famille avec qui j'avais passé toute ma vie, je ne l'aurais pas perdu.
    Ce qu'Alisha a dit est extrêmement significatif: « presque ma famille ». Pourquoi faudrait-il devoir dire « presque une famille »? Chacun devrait avoir une famille. C'est tout. Nous sommes des êtres sociaux et nous méritons d'avoir une famille. Il ne faut pas oublier que dans la société, parfois, l'argent... L'important, en fin de compte, c'est de passer du temps avec sa famille, d'avoir un lien avec quelqu'un. On ne devrait pas avoir « presque une famille ». Si vous avez le pouvoir d'y changer quelque chose pour qu'on puisse avoir « une famille pour toujours » et un endroit où aller pour obtenir de l'aide...

[Français]

    Merci.
    J'ai une brève question. Qu'est-ce qui fait que cela a fonctionné dans votre cas? Comment expliquez-vous le fait que vous êtes devenus de jeunes adultes ayant des rêves et des projets?

[Traduction]

    Je peux vous dire que cela a été toute une bataille. Je répète que j'ai 32 ans et que mes camarades de classe en ont 19, qu'ils ont l'aide de leur famille, même si certains jeunes de 19 ou 20 ans n'en ont pas. J'ai 32 ans. Je me mesure à des gens qui ont de l'aide pour aller à l'université, mais pour moi, c'est toute une bataille. Je dois travailler. Je dois faire du bénévolat. Je dois m'occuper de mes enfants. Il y a donc parfois des manques ici et là. Je ne passe pas autant de temps avec mes enfants que je le voudrais. Je n'ai pas le choix. Je dois continuer d'évoluer et réussir à aider d'autres personnes dans la même situation que moi. Mais certains d'entre nous n'en ont pas le courage. Certains d'entre nous ont besoin de tout leur temps.
    Nous avons vécu beaucoup de choses dans nos vies. Personnellement, j'ai été victime de violence sexuelle et physique. Que quelqu'un ait le temps d'être simplement présent dans ma vie m'aiderait énormément. Nous manquons cruellement de temps pour nous guérir. Comment en sommes-nous arrivés là? Nous sommes des personnes très résilientes. Certains d'entre nous sont prêts à se lever et à se battre tous les jours, mais il y en a d'autres qui n'en ont pas la force. Je vous rappelle que dans nos prisons et dans nos rues, en ce moment même, plus de 70 p. 100 des gens n'ont pas de famille.

  (1135)  

    Monsieur Martin.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je sais qu'il faut beaucoup de courage pour comparaître devant un comité comme le nôtre pour venir raconter votre histoire, qui est tellement personnelle et intime. Je veux simplement vous dire que nous l'apprécions beaucoup, parce que cela nous permet d'apprendre, et j'espère qu'ensemble, nous pourrons formuler des recommandations à l'intention du gouvernement afin de permettre à plus de jeunes d'avoir une famille pour toujours.
    Nous avons entendu beaucoup de recommandations. Des gens nous ont dit ce matin qu'on pourrait prolonger la période de prestations d'assurance-emploi pour aider... Dans bien des cas, le problème semble en être un de ressources, d'avoir les moyens d'accueillir un autre enfant et tout ce qui vient avec lui, d'avoir les moyens de lui offrir l'aide et la formation dont il a besoin pour bien se développer. Les gens nous le demandent. Il y a des familles, des parents d'accueil qui sont venus nous voir, et ils nous ont dit que s'ils avaient accès à plus de formation, ils pourraient mieux s'occuper de ces enfants et ils seraient prêts à le faire plus souvent.
    Jon, vous avez dit avoir eu une adolescence difficile. Est-ce qu'il y avait des choses qui manquaient dans votre communauté, dans le contexte général, qui auraient pu vous aider à... C'est sûr que tous les jeunes ont leurs problèmes, mais peut-être serait-il possible de vous aider à ne pas sombrer si creux et à participer de façon plus constructive à la communauté, que votre famille adoptive ait plus de ressources elle aussi pour... La famille a son rôle à jouer, mais la communauté aussi.
    Y a-t-il des choses qui manquent dans la communauté et que nous pourrions recommander pour améliorer la situation en matière d'adoption?
    Il n'y a pas vraiment d'exemple qui me vienne à l'esprit pour la collectivité. Je sais que l'une des choses qui m'a vraiment nui, c'est de changer aussi souvent de famille et de ne pas recevoir l'aide dont j'avais besoin. Personne ne s'est vraiment soucié de moi.
    La première famille d'accueil qui m'a reçu après l'accident faisait partie des Témoins de Jéhovah, donc je n'avais pas la permission d'aller en thérapie. L'aide à l'enfance n'a jamais poussé non plus pour que j'aille en thérapie. Il semble presque évident qu'on aurait dû me forcer à aller en thérapie après tout ce que j'ai vécu, et je ne parle pas seulement de l'accident, parce que j'ai vécu toutes sortes de violences avant avec le conjoint de ma mère.
    Maintenant que j'y repense, le fait que l'aide à l'enfance n'ait pas exigé que je sois envoyé en thérapie est plutôt choquant. Je pense qu'une bonne partie des problèmes que j'ai vécus viennent de toutes ces choses que je n'ai jamais vraiment réglées.
    Vous dites donc, pour commencer, que si vous aviez été obligé... L'autre difficulté, c'est que dans ma région, quand on juge que quelqu'un a besoin de thérapie, il peut être compliqué de trouver un thérapeute, de trouver l'argent pour le payer et de tout organiser.
    Miranda, de votre côté, à quel point est-il important pour vous de rester liée à votre histoire, à votre culture, à votre bagage, à votre peuple. Est-ce important pour vous?
    Oh oui, c'est très important pour moi.
    Que pouvez-vous faire pour garder ce lien?
    Quand je suis retournée dans la réserve, je me suis sentie beaucoup plus près de mes racines. À Ottawa, je sais qu'il y a des communautés, des centres communautaires, mais je ne sais pas... C'était difficile quand j'étais dans ma famille adoptive. C'était difficile pour moi d'y aller avec ma mère adoptive. Je ne sais pas comment l'expliquer.

  (1140)  

    Mais c'était important pour vous d'avoir ce lien, de comprendre votre histoire, d'où vous veniez, pour être tout ce que vous vouliez être.
    Oui, c'est toujours important. Et je veux que ce soit important pour mes enfants aussi.
    C'est tout pour moi. Merci.
    Merci.
    J'aimerais poser une question pour compléter, si vous êtes d'accord, monsieur Martin. Il reste quelques minutes.
    Vous avez dit que d'avoir une famille pour toujours était un droit de la personne fondamental. Le comité en a parlé, nous avons parlé des droits fondamentaux au logement et à la nourriture, mais je pense que nous n'avons jamais entendu cette idée-là. Nous savons que cela existe, mais l'idée n'a jamais été présentée de cette façon.
    Est-ce que l'un d'entre vous pourrait nous dire ce qu'il en pense? Les parents d'accueil vous logent et vous nourrissent, mais je pense que ce qui est exprimé ici, c'est que c'est un droit fondamental d'avoir une famille pour toujours. c'est peut-être là où nous sommes négligents, si je vous comprends bien, nous ne protégeons pas ce droit.
    Diriez-vous que c'est une chose qu'on oublie au gouvernement?
    Totalement. Nous avons signé la Convention relative aux droits de l'enfant à l'échelle nationale, et elle garantit certains droits aux enfants.
    Quelqu'un d'autre a mentionné aussi qu'on tenait la famille pour acquise. Je pense que c'est si facile de l'oublier parfois, puisque tant de personnes ont une famille. Si vous saviez ce que nous donnerions pour vivre toutes les querelles familiales que les gens autour de nous trouvent normales.
    Là est le problème. Nous n'avons même pas le droit d'avoir ce qui est normal, ce que tous les autres tiennent pour acquis. C'est peut-être pourquoi ce droit est laissé de côté, le droit à un sentiment d'appartenance, à être lié à une personne de confiance.
    Je trouve que vous l'exprimez très bien. Le gouvernement n'a jamais abordé la chose comme un droit fondamental.
    Le logement et la nourriture, c'est bien beau, mais on en a en prison aussi. On peut toujours quêter pour cela. Cela se trouve presque partout. Par contre, les enfants n'ont pas le pouvoir de choisir certaines choses. C'est pourquoi il faut des gens comme vous, qui ont le pouvoir de nous protéger quand nous n'avons pas le choix, de faire en sorte que nous ayons quelqu'un sur qui compter.
    Je pense que c'est la responsabilité de notre gouvernement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Watson.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de comparaître, d'avoir livré des témoignages aussi éloquents et d'avoir faire preuve d'autant de courage. J'ai rarement évoqué le fait que j'ai été et n'ai jamais parlé en public des circonstances entourant cette adoption. Je vous sais donc gré de nous en avoir tant dit sur la question.
    Pour ma part, j'ai été adopté quand j'étais bébé; je n'ai donc pas eu à me débrouiller dans le système de bien-être de l'enfance. Je n'ai donc pas vécu la même chose que certains d'entre vous avez. L'adoption n'en demeure pas moins douloureuse. À l'aube de la quarantaine, je dois encore consulter un thérapeute pour résoudre des questions qui remontent à mon adoption. Je réalise certains progrès, par contre, il y a donc de l'espoir. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre expérience.
    J'ai probablement assez de questions pour en poser pendant deux heures. Je vais donc faire ce que je peux avec le peu de temps qui m'est accordé.
    Comme je ne suis pas familier avec le système de bien-être de l'enfance, je me demande si vous pourriez répondre à quelques questions de base. Existe-t-il beaucoup de liens ou de rapports entre les jeunes dans le système de bien-être de l'enfance? En vous plaçant dans des familles d'accueil, vous isole-t-on des autres?
    Essayez de répondre brièvement.
    Je vais répondre.
    J'ai travaillé à la société d'aide à l'enfance pendant environ un an. Je crois que Lisa y travaille actuellement. Quand on est en famille d'accueil, on bénéficie du soutien du système de bien-être de l'enfance. La société d'aide à l'enfance d'Ottawa offre un programme appelé Children's Aid Society Teams ou CAST. Il permet aux jeunes qui résident dans des familles d'accueil de se réunir afin de s'aider mutuellement au sujet des difficultés qu'ils connaissent dans les foyers de groupes ou d'autres problèmes.

  (1145)  

    Ce programme leur donne l'occasion de se réunir, mais outre cette initiative, une fois que vous êtes placés, vous ne savez pas nécessairement ce que vivent les autres jeunes pris en charge par le système de bien-être de l'enfance, n'est-ce pas?
    Voulez-vous lui répondre?
    Je passerai à la prochaine question, alors.
    D'après ce que vous avez pu voir, pouvez-vous me dire si le système canadien de bien-être de l'enfance est en crise? D'autres témoins nous ont affirmé que c'était le cas. Qu'en est-il selon vous? Vous pouvez répondre simplement par oui ou non.
    Je peux dire que tout dépend de la province où l'on habite. C'est encore l'une de ces questions où il n'y a pas d'uniformité à l'échelle nationale.
    Est-ce que certaines provinces font mieux ou moins bien que d'autres à cet égard? Laquelle serait un exemple à suivre?
    C'est difficile à dire, car cela dépend de... Par exemple, il existe 52 ou 51 organismes en Ontario.
    M. Jeff Watson: Je crois qu'il y en a 53.
    Mme Lisa Davies: Cinquante-trois organismes, qui ont tous leur propre conseil d'administration et leurs propres normes. Ils fonctionnent tous différemment. Je ne veux pas faire preuve d'un parti pris favorable, mais je crois que celui d'Ottawa est un organisme en milieu urbain exemplaire à bien des égards. Mais il n'existe pas vraiment de norme à l'échelle nationale, et j'ai l'impression que le milieu traverse effectivement une crise.
    Quels sont les incitatifs ou les services dont vous ne pouvez plus vous prévaloir quand vous atteignez l'âge limite? Quand vous n'êtes plus pris ne charge par le système, quel soutien perdez-vous, si l'on peut dire?
    Essayez de répondre le plus brièvement possible.
    Si l'on est aux études, le système nous aide jusqu'à 21 ans, mais j'ignore combien de ceux qui sont ici aujourd'hui pourront obtenir un diplôme avant d'avoir atteint cet âge. Du jour au lendemain, on se retrouve laissé à soi-même, avec des dettes et des problèmes qui s'accumulent. Je sais que bien des gens s'endettent, mais quand on a éprouvé beaucoup de problèmes psychologiques dans sa jeunesse, on a de la difficulté à poursuivre ses études et à faire tout ce qu'il faut pour réussir à devenir un membre productif de la société.
    Plusieurs sphères de compétences sont concernées, même en Ontario. Nous avons indiqué qu'il y a 53 sociétés d'aide à l'enfance. Mais au Canada, de façon plus générale, un certain nombre de systèmes s'occupent du bien-être de l'enfance et de l'adoption.
    Dois-je comprendre que vous êtes d'accord avec les témoins précédents qui affirment qu'il faudrait entreprendre des démarches pancanadiennes pour régler la crise qui secoue le système de bien-être de l'enfance? Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les autres partenaires devraient-ils élaborer une stratégie d'adoption nationale pour permettre aux enfants d'être adoptés définitivement et de ne plus dépendre du système? Dois-je comprendre que vous considérez que c'est ce que nous devrions faire?
    Je vois que vous opinez.
    Nous sommes absolument d'accord. Il faudrait adopter une stratégie nationale. Tous les enfants devraient jouir des mêmes droits, peu importe la province où ils vivent.
    Pourriez-vous nous dire ce qui fait obstacle à l'adoption à l'heure actuelle? Je sais que vous avez évoqué l'adoption internationale, mais existe-t-il d'autres facteurs qui empêchent les enfants pris en charge par le système d'être adoptés? Pourriez-vous nous en indiquer quelques-uns?
    Je crois qu'ici encore, on ne tient pas compte de l'importance de la permanence. Trop souvent, on s'attend à ce que le système de foyers prenne soin des enfants et des jeunes, alors qu'il faudrait plutôt privilégier l'adoption. Cette solution est préférable, car elle permet aux jeunes de former des liens dont ils bénéficient jusqu'à l'âge adulte et qu'ils ne peuvent nouer s'ils sont pris en charge par un système.
    Il me reste environ une minute et j'ai deux questions, que voici.
    Tout d'abord, je demanderais à ceux d'entre vous qui ont été adoptés de me dire quel soutien il faudrait offrir après l'adoption.
    Ensuite, toujours aux témoins qui ont été adoptés, je demanderais quelles difficultés ont éprouvées vos parents adoptifs. Je pense ici à la nécessité de prendre congé et de recevoir des prestations d'assurance-emploi, mais je suppose que tout dépend des difficultés qui se posent. Je ne parle pas des problèmes relatifs aux soins à donner aux enfants, mais des situations auxquelles ils ont été confrontés. Ont-ils de la difficulté à s'attacher? Éprouvent-ils des problèmes psychologiques, comme du manque de sommeil? Pourriez-vous me le dire?

  (1150)  

    Comme j'ai vécu bien des traumatismes pendant les huit années qui ont précédé mon adoption, c'est difficile à expliquer clairement. Je crois que les parents ont besoin de beaucoup de soutien après l'adoption, car je leur en ai fait voir de toutes les couleurs. Je le fais encore, mais je sais...
    Je cause encore bien des soucis, moi aussi.
    Je sais que les jeunes qui ont toujours vécu avec leurs parents ruent dans les brancards, mais je testais ses limites parce que je me demandais si elle allait m'abandonner. Je n'étais pas certaine qu'elle me garde. Je ne passais qu'un certain temps avec elle à la maison, car je devais aller à l'école. J'aurais aimé passer plus de temps avec elle pour pouvoir me rapprocher d'elle et lui faire confiance, car beaucoup de gens m'ont menti et ne m'ont pas fait part de leurs intentions. Mes relations avec elle sont encore troubles, mais j'aurais aimé passer plus de temps avec elle et avec des personnes qui m'auraient aidée à passer le cap de l'adoption, car je venais juste d'être adoptée et je n'avais pas l'impression d'avoir le soutien dont j'avais besoin.
    C'était tout le temps dont M. Watson disposait, mais si quelqu'un veut ajouter quelque chose, je crois que nous serions... Auriez-vous des objections à ce que...
    Nous laisserons Jon finir. Il nous reste un peu de temps. Nous allons essayer.
    Allez-y.
    J'aimerais beaucoup ajouter quelque chose, mais je crois que Miranda a parfaitement décrit la situation. Je la laisserai donc poursuivre.
    Il semble qu'il y ait d'autres questions. Nous allons donc procéder très rapidement à un autre tour de deux minutes. Nous suivrons l'ordre habituel; c'est donc à M. Lessard d'intervenir.
    Est-ce que des libéraux ont une question de deux minutes?
    C'est Mme Folco qui était la première, en fait.
     Ce n'est pas une question, en fait. Merci, madame la présidente.
    Je vous dirais, à tous les quatre, que vos propos et la manière dont vous nous avez parlé ont fait une très forte impression. Vos récits étaient différents, mais vous avez clairement exposé vos difficultés. Je tiens à vous dire que vous avez fait preuve d'un grand courage, de beaucoup de persévérance et d'une solide connaissance de soi — et d'une force considérable aussi. Pour moi, le mot « force » revêt une grande importance.
    En regardant autour de vous, vous voyez des adultes qui ont réussi dans leur carrière et, dans une certaine mesure, dans leur vie personnelle également. Ils sont pas mal tous plus âgés que vous. Mais vous ignorez les secrets de leurs coeurs et de leurs âmes, et vous ne savez pas ce qu'ils ont vécu.
    Quand on rencontre des étrangers, on présume toujours qu'ils ont eu une vie facile et aisée, et que c'est ce qui leur a permis d'en arriver là où ils sont. Laissez-moi vous dire que je connais quelques personnes ici présentes aujourd'hui, et dont je tairai le nom, qui ont connu la guerre dans leur enfance, qui ont vécu une adoption difficile, qui ont souffert de l'absence de leurs parents, qui ont été malmenés par des membres de leur famille, qui ont vécu dans l'indigence et qui ont été victimes de discrimination. Voilà ce qu'ont vécu les personnes qui vous entourent.
    Si je vous révèle cela, remplie d'émotions moi aussi, c'est pour vous dire de ne pas abandonner. Même si vous avez traversé beaucoup d'épreuves, sachez que le pire est derrière vous, car vous êtes maintenant de jeunes adultes, pleinement conscients de vos forces. Vous vous êtes prouvé que vous possédiez la force nécessaire pour vous en sortir et il vous incombe maintenant de poursuivre votre route avec cette force, aux côtés de la génération que ceux d'entre vous qui ont eu des enfants ont créée.
    Je veux vous féliciter et vous encourager à ne pas baisser les bras. Souvenez-vous que tous les adultes que vous croisez ont leur propre vécu et que la vie n'épargne personne.
    Je tenais simplement à vous le faire savoir.
    Merci, madame Folco.
    Monsieur Vellacott, vous pouvez intervenir rapidement; vous avez deux minutes.
    Miranda, Lisa, Alisha et Jon, je vous remercie d'avoir témoigné aujourd'hui. Vous êtes des jeunes remarquablement équilibrés. Peut-être qu'un jour, Jon pilotera mon avion d'Air Canada ou de WestJet. C'est un jeune homme particulièrement incisif, mais quand il parle, il ne répète pas ce qui a déjà été dit.
    Mais je n'attendais rien de moins de la part d'un pilote; je l'en félicite donc.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Maurice Vellacott: Certains des termes très évocateurs que vous avez employés  — famille indéfectible, permanence, quelqu'un vers qui se tourner, interrelation, attachement inconditionnel — sont particulièrement lourds de sens. Alors que cette partie de nos travaux tire à sa fin, je me sens, d'une certaine manière, doublement chanceux.
    Je vais surprendre les membres du comité aujourd'hui, car ils ignorent probablement que j'ai également été adopté. Mais j'ai aussi une famille biologique affectueuse avec laquelle j'ai vécu toute ma vie. Quand je dis que j'ai été adopté, je veux dire que je l'ai été par un père céleste. Ainsi, même quand je suis loin de mes parents terrestres, dans d'autres régions du monde ou du pays, ma famille indéfectible veille toujours sur moi, si l'on peut dire.
    Je profiterai du temps qui m'est imparti pour ajouter que nous avons déjà traité du lien de la foi. Il est beaucoup question de l'adoption dans la Bible, un ouvrage que vous aurez peut-être l'occasion de consulter un jour. C'est pour cette raison que je suis très favorable à l'adoption et que je l'appuie entièrement. Dieu le père adopte les humains depuis des milliers d'années, bien avant... Qu'est-ce qui vient en premier, l'oeuf ou la poule, l'humain ou l'adoption divine? Je crois que c'est cette dernière qui précède tout. Pour cette raison, je crois que les membres du comité devraient favoriser l'adoption pour les principes fondamentaux sur lesquels elle repose.
    C'est ma façon de vous encourager et de vous remercier de nous avoir parlé aujourd'hui de la famille indéfectible. Je vous remercie tous d'avoir comparu.

  (1155)  

    Merci, monsieur Vellacott.
    Monsieur Lessard, vous disposez de deux minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci d'être là. On a tous grandi un peu, ce matin, à votre contact. Après avoir entendu votre témoignage, on se rend compte que votre parcours de vie va être marqué par ce que vous avez vécu jusqu'à ce jour. Vous pourriez nous éclairer sur un autre aspect. Ici, on essaie de trouver des façons de faciliter l'adoption et de mettre en place les meilleures conditions et tout le reste.
    Un fait demeure: au moment où on se parle, il y a encore plusieurs milliers d'enfants qui sont en famille d'accueil en attendant d'être adoptés. Nous comprenons que la famille d'accueil doit être un passage obligé très court avant que les enfants qui le souhaitent soient adoptés.
    Les familles d'accueil sont comme une facilité, elles existeront toujours. Sachant cela, quelles mesures pourrions-nous mettre en place pour que les mauvaises expériences que vous avez vécues en famille d'accueil ne soient pas vécues par d'autres?

[Traduction]

    Est-ce que l'un d'entre vous aimerait répondre à cette question?
    L'hébergement dans une famille d'accueil devrait certainement être temporaire, mais vous savez que cela a été loin d'être le cas pour moi et Alisha. Cette solution a perduré jusqu'à ce que nous atteignions l'âge adulte.
    Pour corriger la situation, il faut revoir le soutien offert aux personnes qui sont disposées à adopter des enfants. Un grand nombre de ceux qui sont prêts à accueillir temporairement des enfants seraient également prêts à les aider de manière permanente. C'est sensé être une solution temporaire, et je sais gré aux parents qui se proposent pour accueillir des jeunes, mais il faut faire davantage pour que ces mesures ne soient pas que temporaires.
    Je sais que des initiatives comme la Heart Gallery, qui permet aux enfants de choisir un programme et de jouer un rôle dans leur adoption, ont un impact considérable. Ce programme porte fruit, car il favorise les arrangements permanents. De plus, il favorise l'adoption à un âge plus avancé, en faisant le lien entre les adolescents qui n'espèrent plus être adoptés parce qu'il est difficile d'accueillir des jeunes de cet âge et les personnes qui sont prêtes à les adopter. Il permet aux personnes qui souhaitent devenir parents, mais qui ne veulent peut-être pas changer des couches, de se manifester.
    Les enfants ne devraient jamais être confiés temporairement à des familles. Il faudrait toujours penser à long terme et prévoir des solutions permanentes.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin à cette partie de la séance.
    Je tiens, au nom du comité, à vous exprimer toute notre gratitude. Vous nous avez fait une forte impression. Nous vous en sommes gré, et je sais que nous vous souhaitons tous la meilleure des chances.
    Je vais suspendre la séance pour deux minutes. Je vous demanderais de sortir très rapidement, car nous avons beaucoup de pain sur la planche et que nous allons nous réunir à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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