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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 012 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Nous sommes le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. C'est la séance no 12. Nous sommes le mercredi 21 avril 2010. Il est 15 h 30. Nous sommes dans la pièce 308 de l'Édifice de l'Ouest.
    À l'ordre du jour, il y a le projet de loi C-395, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (conflit collectif). Nous avons avec nous, chers membres, M. Guy André, qui est député de la circonscription de Berthier—Maskinongé, et M. Yvon Lévesque, député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui a demandé s'il pouvait prendre place comme deuxième témoin. Avez-vous objection?
    Je ne vois pas d'objection, alors prenez place, M. Lévesque. Bienvenue à notre comité.
    Messieurs André et Lévesque, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et vous connaissez le système aussi bien que moi, je crois.
    Monsieur André, vous voulez commencer, je crois. Allez-y.
    Ça me fait plaisir. Madame la présidente, mes collègues...
    Excusez-moi, monsieur André, il y a un rappel au Règlement point d'ordre.
    Monsieur Komarnicki.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je voulais juste faire un bref rappel au Règlement au sujet de la récente comparution de la ministre au sujet du Budget principal des dépenses et du rapport sur les plans et les priorités. Je sais que cela concerne M. Lessard, et je voulais donc qu'il soit présent au moment où je soulèverais cette question. Mes collègues et moi avions convenu de demander à la ministre de rester plus longtemps. Je pense que le délai fixé était de 90 minutes, et nous étions d'accord, puisqu'il s'agissait de poser des questions à la ministre et, bien entendu, de lui laisser le temps de répondre.
    M. Lessard a passé environ six minutes à poser des questions à la ministre, si bien que cette dernière n'a pas eu l'occasion de répondre. Nous estimons que ces questions peuvent être posées en dehors d'une séance de comité, si c'est ce que souhaite faire un membre, et ce en les faisant inscrire au Feuilleton. Donc, je suis d'avis que, à l'avenir, si nous demandons à la ministre de rester aussi longtemps, il faudrait aussi que cette dernière ait la possibilité de répondre aux questions. Selon moi, il n'est pas approprié qu'un membre consacre sept minutes qui lui sont imparties à ses questions, sans que l'on puisse obtenir les réponses à ces questions. Si nous souhaitons que la ministre reste plus longtemps, il faudrait que ce soit donnant, donnant.

[Français]

    Thank you, Mr. Komarnicki.
    Monsieur Lessard, souhaitez-vous y répondre?
    Madame la présidente, je suis heureux que notre collègue soulève ce point. C'est un point que j'aurais aussi pu soulever, car dans le passé, il m'est arrivé de poser une simple question et de me faire répondre pendant sept minutes. Alors, nous ne l'avons pas soulevé ici. C'est bien sûr que notre façon de procéder limite notre temps à poser nos questions. J'avais pensé que, dans les circonstances, vu la somme des questions, je poserais mes questions et que la ministre répondrait à celles qu'elle pouvait. Les autres réponses qui ne pouvaient pas être présentées ici auraient pu l'être par écrit. C'est ce que j'ai tout bonnement soumis.
    Est-ce qu'on veut faire en sorte de gérer notre temps différemment? Il faudra peut-être en discuter. À ce moment-là, il faudra aussi convenir que les réponses ne prennent pas de six à sept minutes.
    Merci, monsieur Lessard.

[Traduction]

    Monsieur Komarnicki, il me semble que l'objet de votre intervention n'était pas de faire modifier la procédure. J'ai l'impression que vous vouliez simplement exprimer votre opinion à ce sujet. C'est bien cela?
    C'est vrai, mais si nous avons accepté que la ministre reste plus longtemps, c'était en partie pour qu'il y ait un véritable échange de vues. Je ne propose rien de particulier, si ce n'est que nous souhaitons qu'à l'avenir, la ministre ait la possibilité de répondre aux questions qui lui sont posées.

[Français]

    Je pense qu'à ce moment-là, on pourrait dire à tous les membres que, dorénavant, lorsqu'un ministre vient — ou n'importe quel témoin —, il faudrait essayer de donner amplement le temps au témoin de répondre dans la limite des sept ou cinq minutes qui conviennent. Je pense qu'on peut s'arrêter ici, sur ce point.

[Traduction]

    Cela vous semble-t-il acceptable, monsieur Komarnicki?

[Français]

    Cela vous convient également, monsieur Lessard?
    Je voudrais peut-être aussi discuter du temps de réponse. Parfois, il y a des réponses qui peuvent être très courtes: on peut répondre par un acquiescement ou pas. Or, parfois, au bout de trois ou quatre minutes d'exposé, on se retrouve sans réponse. Alors, je ne sais pas comment on peut gérer ça, madame la présidente. Ici, c'est assez délicat de dire à un ou une ministre qu'il lui faut répondre directement; ils ne sont pas en contre-interrogatoire dans une cour.
    Ça devrait peut-être faire l'objet, justement, d'un débat ou de travaux futurs du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il faut qu'on examine la question pour que ça devienne convenable, autant pour les personnes qui posent les questions que celles qui y répondent.
    Je suggère, monsieur Lessard, qu'on laisse les choses comme elles le sont présentement et, si vous décidez de poursuivre cette réflexion, vous pourriez en discuter avec la présidente quand elle sera de retour, dans quelques minutes. J'hésite à aller de l'avant puisque je ne préside pas à cette réunion.
    J'aimerais ajouter quelque chose, si vous permettez. Si notre collègue M. Komarnicki est d'accord avec moi, on pourrait tout simplement soumettre la question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre parce que de toute façon, on ne pourra pas trancher ici.
    Je vous propose, à tous deux, de vous rencontrer après la réunion cet après-midi ou à un autre moment.
    Monsieur André, monsieur Lévesque, je m'excuse du contretemps. Monsieur André, cette fois-ci, allez-y pour de bon.
    Bonjour à tous.
    Madame la présidente, collègues de tous les partis, je vous remercie bien sûr de nous avoir invités ici, M. Yvon Lévesque, député, et moi-même, afin de discuter avec vous du projet de loi C-395, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (conflit collectif). J'ai déposé ce projet de loi à la Chambre pour la première fois lors de la deuxième session de cette législature, en mai 2009. Il vise à modifier la Loi sur l'assurance-emploi, afin de rendre admissibles les personnes ayant perdu leur emploi à la suite d'un conflit de travail, que ce soit un lock-out ou bien encore une grève.
    Comme vous le savez, le Bloc québécois maintient toujours que le régime de l'assurance-emploi ne remplit pas ses objectifs et devrait être reformé en profondeur, car il est peu accessible pour des milliers de travailleurs et de travailleuses. Le Bloc québécois propose donc une bonification complète du Régime d'assurance-emploi qui comprend notamment une amélioration de l'accessibilité au régime et l'élimination, bien sûr, du délai de carence. Cela dit, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui ne modifie pas en profondeur le Régime d'assurance-emploi. Tel n'est pas l'objectif, d'ailleurs, du projet de loi C-395.
    Ce projet de loi, madame la présidente, vise à combler une omission majeure, un manque à la Loi sur l'assurance-emploi, qui touche les milliers de travailleurs et travailleuses dont l'entreprise ferme à la suite d'un conflit collectif, que ce soit une grève ou un lock-out.
    Actuellement, la Loi sur l'assurance-emploi établit les prestations en vertu d'un salaire donné, sur une période de référence donnée. C'est ce qu'on appelle « la période de référence », que vous connaissez sûrement tous très bien étant membres de ce comité. Vous savez tous que la période de référence normale est de 52 semaines précédant le début de la demande de prestation, ou de la période entre le début d'une demande de prestation antérieure et le début de la nouvelle demande de prestation, et qu'elle est fondée sur le revenu assurable de l'assuré.
    Par contre, la période de référence peut être prolongée dans certains cas jusqu'à un maximum de 104 semaines pour différentes raisons dont, par exemple, l'incapacité de travailler à la suite d'une maladie ou encore d'une blessure. Si une personne ne travaille pas au cours de la période de référence, elle ne cotise évidemment pas au Régime d'assurance-emploi et n'est donc pas couverte par le régime.
    Alors, qu'arrive-t-il à la suite d'un long conflit de travail, dans le cas d'une grève ou d'une fermeture d'entreprise? Évidemment, si le conflit de travail est de courte durée, la personne licenciée pourra obtenir des prestations d'assurance-emploi si cette période s'inscrit dans la période de référence. Toutefois, si le conflit de travail est de longue durée, c'est-à-dire d'une durée supérieure à la période de référence, la personne licenciée n'aura finalement pas cotisé au Régime d'assurance-emploi pendant la période de référence, et ne se qualifiera donc pas aux prestations de l'assurance-emploi en raison des dispositions de la loi actuelle. Ainsi, la Loi sur l'assurance-emploi ne prévoit rien pour les cas de très longs conflits de travail, qui se terminent malheureusement par la fermeture d'entreprises.
    Prenons un exemple concret, madame la présidente, qui s'est produit au Québec. On connaît le cas des 425 travailleurs et travailleuses de Domtar à Lebel-sur-Quévillon, qui ont été mis à pied en décembre et privés d'assurance-emploi. Je tiens d'ailleurs, madame la présidente, à saluer mon collègue ici présent, le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui est à l'origine du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Cette entreprise est située dans sa circonscription.
     Je veux également souligner tout particulièrement la présence, parmi nous, de M. Mario Pothier, président de la section locale 1492 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et, bien sûr, celle de Josselin Bouchard, un travailleur qui a été directement engagé dans ce conflit de travail, à Lebel-sur-Quévillon.

  (1535)  

    Ce sont des gens qui ont écopé en raison de l'omission actuelle relative à la Loi sur l'assurance-emploi.
    Ainsi, en lock-out depuis environ trois ans, la compagnie Domtar a finalement annoncé la fermeture définitive de son usine à Lebel-sur-Quévillon, le 19 décembre 2008. Étant donné la longue durée du conflit, trois ans, et le fait que les travailleurs et travailleuses licenciés n'ont accumulé aucune heure travaillée au cours de la période de référence, soit 52 semaines, ils n'étaient pas admissibles à l'assurance-emploi, bien qu'ils aient cotisé pendant 25 ou 30 ans à ce régime.
    En somme, bien qu'en lock-out depuis plus de trois ans, les employés de Domtar avaient toujours un lien d'emploi. Ils ne cotisaient pas, puisqu'ils percevaient des prestations d'un fonds de grève, et ils n'ont évidemment accumulé aucune heure travaillée au cours de la période de référence. Ainsi, en vertu de l'article 27, ils n'étaient pas admissibles au Régime d'assurance-emploi.
    Cette situation est exceptionnelle et choquante. Il s'agit là d'une lacune majeure de la Loi sur l'assurance-emploi qu'il faut corriger dans les meilleurs délais. J'en appelle, ici, aux députés de tous les partis: ils doivent être vraiment à l'écoute de ce projet de loi. Nous devons agir pour aider ces travailleurs et travailleuses qui sont laissés pour compte par le Régime d'assurance-emploi.
    N'oublions pas que parmi ces travailleurs et travailleuses, à Lebel-sur-Quévillon, plusieurs avaient travaillé sans interruption — comme je l'ai indiqué auparavant — pendant 25, 30, 35 ans et même plus. Ils ont évidemment payé des cotisations pendant toutes ces années, sans jamais recevoir une cenne de l'assurance-emploi. Ils ont perdu leur emploi par suite d'un long lock-out de trois ans, ils ont tous fait une demande, par principe, pour retirer de l'assurance-emploi, mais les prestations d'assurance-emploi leur ont été refusées, madame la présidente. Pourquoi devraient-ils se voir refuser des prestations d'assurance-emploi? C'est inconcevable, c'est honteux et c'est triste. Ces travailleurs ont payé souvent très cher cette injustice.
    Ce projet de loi C-395propose d'exclure de la période de référence la période couverte par le conflit collectif. Ainsi, le travailleur qui perdrait son emploi à la suite de la fermeture d'une entreprise subséquente à un lock-out ou à une grève verrait le calcul de ses prestations basé sur la période de 52 semaines précédant le conflit. Que le conflit dure deux ou trois ans, on calculerait en fonction de la période précédant le conflit.
     Au Québec, selon les données du ministère du travail que nous avons étudiées, de 1995 à 2004, il y a eu en moyenne un peu moins de quatre conflits de travail de longue durée par année. Ce sont des conflits qui peuvent se résoudre, comme dans le cas du Journal de Québec, après plus de 14 mois. Le cas des employés de Domtar est exceptionnel, car au Québec, à peine 8 conflits de travail ont duré plus de 721 jours entre 1995 et 2004, et à peine 0,5 p. 100 des conflits au cours des 20 dernières années se sont éternisés plus de deux ans.

  (1540)  

    Je vous demanderais de terminer.
    Je vais terminer, madame la présidente.
    Et encore faut-il que le conflit se conclue par la fermeture de l'entreprise. Ainsi, il est évident que c'est un problème qui n'est pas fréquent, mais il est profondément injuste pour ces hommes et ces femmes.
    J'estime donc que l'adoption de ce projet de loi serait une façon simple et équitable de corriger cette lacune du programme d'assurance-emploi. Par souci de justice, j'invite donc tous les députés du comité à appuyer ce projet de loi. Ne pas le faire serait priver des centaines de travailleurs de ce qui leur revient, de ce qui leur est dû étant donné les cotisations qu'ils ont payées pendant plusieurs années. Merci.
    Je suis maintenant disponible pour répondre à vos questions.
    Merci, monsieur André.
    Monsieur Lévesque, même si vous n'avez pas eu l'occasion de faire une présentation, vous aurez amplement l'occasion, je pense, de répondre aux questions.
    Les questions peuvent être adressées, évidemment, à l'un ou l'autre de nos témoins.
    Nous commençons par une ronde de sept minutes
    Madame Minna.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Je suis d'accord avec l'intention du projet de loi. À mon avis, il faut effectivement s'attaquer à ce problème, mais je voudrais vous parler d'un certain nombre d'éléments à propos desquels des précisions s'imposent — en ce qui me concerne, du moins.
    Qu'arrive-t-il si une personne qui est en grève trouve un emploi à temps partiel et travaille tout au cours de cette période, si bien qu'elle touche des prestations? Comment pourrait-on suivre cela et traiter ce genre de situation? Que propose le projet de loi pour combler cette lacune? Pour moi, le projet de loi ne propose rien à cet égard, étant donné qu'il prévoit un changement qui est relativement simple.

[Français]

    Je vais tenter de répondre à votre question. Bien sûr que le projet de loi propose qu'on tienne compte de la période de référence avant une grève ou un lock-out. Ainsi, si le travailleur est admissible à l'assurance-emploi et qu'il a travaillé suffisamment d'heures avant le conflit pour y avoir droit, grâce à ce projet de loi, il va avoir droit à l'assurance-emploi après le conflit, bien sûr.
    Si le travailleur accumule, par exemple...Vous savez, lorsque les travailleurs sont en grève ou en lock-out, ils ont souvent droit à un fonds de grève, il y a un montant de fonds de grève qui est attribué. Par exemple, si un travailleur travaille un certain nombre d'heures, alors qu'il est en grève, j'imagine qu'on tiendra compte des heures qu'il aura accumulées pendant cette période, parce qu'il aura cotisé à l'assurance-emploi.
    L'essentiel de ce projet de loi est de tenir compte de la période de référence avant le conflit et avant la période de grève.

  (1545)  

    Monsieur Lévesque, voulez-vous ajouter quelque chose?
    La Loi sur l'assurance-emploi est faite de telle manière qu'une personne qui demeure en lien d'emploi avec une entreprise, qu'elle soit en grève ou en lock-out, n'a pas droit à l'assurance-emploi. Pour acquérir ce droit, elle doit prouver sa disponibilité à travailler. Ainsi, si elle est en grève, en cours de grève, toutes les heures travaillées ne sont pas en lien d'emploi avec l'employeur pour lequel la personne est en grève. Par contre, cela lui donne le droit d'accumulation d'une période de référence. Si en cours de grève, la personne acquiert suffisamment d'heures pour se qualifier, cela lui donne droit à l'assurance-emploi par la suite, peu importe si l'entreprise où elle travaille régulièrement est en grève ou pas.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je comprends que le projet de loi garantit que les personnes qui sont en grève ne vont pas perdre la période durant laquelle elles étaient en grève pour les fins du calcul de leurs prestations d'assurance-emploi. Je comprends très bien cela, mais la loi prévoit déjà une prolongation d'un maximum de 52 semaines, pour les personnes qui sont malades ou qui ont d'autres problèmes. C'est ce que prévoit déjà la loi, mais vous proposez de l'allonger encore. Vous proposez de la prolonger au-delà des 52 semaines actuellement prévues; vous parlez de 104 semaines, mais en réalité, le projet de loi ne précise aucun maximum. Je me demande pourquoi vous avez cru bon de faire cela et pourquoi cette situation-là mérite d'être traitée différemment.

[Français]

    Il y a d'autres situations, comme l'assurance-emploi et les prestations de maladie. C'est un exemple qu'on donne. Il y a un projet de loi présenté par le Bloc québécois. Quelqu'un qui subit une maladie, comme un cancer, actuellement, il n'a droit qu'à 15 semaines d'assurance-emploi. Nous allons présenter cet aspect dans un autre projet de loi, car selon nous, il est également très pénalisant pour quelqu'un qui n'a pas d'assurance privée pour combler le manque de revenu pendant la période de maladie.
    Le projet de loi qu'on propose s'attarde plus particulièrement aux situations de grève ou de lock-out pour les travailleurs qui vivent cette situation.

[Traduction]

    Mais vous proposez de dépasser les 52 semaines. Vous voulez faire inclure toute la période de la grève, de sorte que ce serait très différent des exemptions que prévoit déjà la loi — pour la maladie, par exemple. Je vous demande donc pourquoi vous voulez allonger encore cette période.
    Je comprends votre argument; vous dites qu'une personne pourrait être en grève pendant beaucoup plus longtemps, mais c'est la même chose pour une personne qui est malade, alors qu'il existe déjà un maximum. Je me demande donc pourquoi il faut, selon vous, traiter cette situation-là différemment des autres. Qu'est-ce qui justifie que cette situation-là soit traitée différemment?

[Français]

    Il faut remettre les choses en contexte. Il y a eu une grève qui a précédé le lock-out de Lebel-sur-Quévillon, c'était la grève de Radio Nord — qui fait partie d'une région. On est dans un endroit où les villes sont moyennes ou petites. Quand une entreprise est en grève, bien souvent c'est presque toute la municipalité qui est en grève. La grève de Radio Nord a duré plus de deux ans. Si l'entreprise avait décidé de fermer à la suite de la grève, ces gens n'auraient pas eu droit à l'assurance-emploi. C'est par contre ce qui est arrivé à Lebel-sur-Quévillon.
    Lebel-sur-Quévillon est une ville mono-industrielle. Les autres villes ne sont pas à l'abri de ça, il faut prévoir ça. La plupart des gens qui y sont allés sont déménagés à Lebel-sur-Quévillon et y ont acheté des maisons pour y faire leur vie. Ils ont travaillé pendant 25 ou 30 ans, ou même au-delà de 30 ans, dans plusieurs cas. Ils sont très bien établis, ils ont leurs maisons. Lebel-sur-Quévillon est un ville isolée. La ville la plus près est à 170 kilomètres environ. Ces gens n'ont pas la possibilité de voyager, soir et matin, 170 kilomètres pour aller travailler. Ils n'ont pas pu se qualifier pour une autre période d'assurance-emploi.
    Ça peut arriver à d'autres villages. Les travailleurs n'ont pas le contrôle de la situation dans des cas semblables, c'est plutôt l'entreprise qui a le contrôle. Souvent, l'entreprise va utiliser un lock-out ou forcer les travailler à déclencher une grève pour prolonger leur période de restructuration pour se maintenir dans l'économie. Quand, à la fin de la grève ou du lock-out, ils voient qu'ils n'y arrivent pas, ils ferment les portes. Qui en subit les contre-coups? Ce sont les travailleurs de l'entreprise.

  (1550)  

    Merci, monsieur.
    Je passe maintenant la parole à M. Lessard.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais remercier aussi mes collègues de leur présentation. Pour les collègues qui n'ont pas préparé le projet de loi ou n'ont pas vécu cette période à Lebel-sur-Quévillon, il serait peut-être opportun de décrire un peu comment ça s'est passé. Il faut remettre les choses en contexte: l'employeur aurait pu fermer avant. Il l'a pourtant fait à un moment où ses propres employés n'avaient plus aucun recours.
    Peut-être pourriez-vous expliquer un peu, monsieur Lévesque, car vous êtes assez au courant de ça.
    Ça faisait déjà plus d'un an que les travailleurs étaient en négociation pour le renouvellement de leur convention collective. Si je me souviens bien, au début de la journée, il y avait eu une rencontre avec l'entreprise pour négocier et trouver des ententes — les autres témoins aussi ont vécu l'expérience, ils seront plus aptes à vous l'expliquer en détail. Environ une demi-heure plus tard, les gens de la sécurité entraient dans l'entreprise pour sortir les travailleurs.
    On sait qu'à ce moment-là, la pâte kraft était en difficulté. L'employeur est un producteur de pâte kraft. Au moment où les responsables de l'entreprise devaient se restructurer, pour essayer de se rétablir, de se refinancer et tout ça, le lock-out était une bonne solution pour eux. Ça leur donnait une période de temps nécessaire pour essayer de se retrouver. Quand ils ont vu qu'ils n'y arrivaient pas, ils ont fermé.
    De tous ces travailleurs qui demeurent dans cette municipalité, il n'y en a qu'une faible partie qui a décidé occasionnellement d'aller travailler ailleurs. Ils se relevaient pour essayer de trouver un peu de travail ailleurs, vu le peu de possibilités qu'il y avait dans un village de ce genre.
    La ville la plus près est à quelle distance de Lebel-sur-Quévillon?
    Environ 170 kilomètres.
    La ville la plus près est à 170 kilomètres. C'est vraiment isolé.
    Monsieur André, pour préparer votre projet de loi, je crois comprendre que vous avez aussi regardé les effets concrets sur les travailleurs proprement dits et sur les familles. À la fin d'un conflit d'une telle durée, le fait de penser pouvoir recevoir de l'assurance-emploi et se retrouver dans une situation comme nous le décrit M. Lévesque... Quels sont les effets observés qui vous ont amené à faire le projet de loi?
    D'abord, il faut dire que ces travailleurs n'ont eu qu'un fonds de grève pour subvenir à leurs besoins pendant près de trois ans, durant le lock-out. Comme vous le savez, un fonds de grève n'offre pas un revenu aussi élevé que celui d'un emploi. Lorsque l'entreprise a fermé ses portes, les travailleurs se sont retrouvés sans le sou. Ils n'avaient pas droit à l'assurance-emploi. Pour subvenir à leurs besoins, ils ont probablement décidé de puiser dans leurs propres économies et dans leurs REER ou de vendre leur maison. Malheureusement, le gouvernement ne leur a pas offert d'appui financier dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Pourtant, celui-ci aurait dû être accessible à ces travailleurs, qui avaient cotisé à ce régime pendant 25 ou 30 ans.
    Ces travailleurs ont donc subi un grave appauvrissement. Plusieurs sont devenus prestataires de l'aide sociale, au Québec. Comme l'a bien précisé M. Lévesque, il s'agissait dans ce village d'une mono-industrie. En effet, c'est cette seule industrie qui faisait vivre les gens du village. Nombreux sont ceux qui ont vendu leur maison à rabais, des maisons bâties avec leurs économies, au fil des ans. Par exemple, des maisons qui valaient 100 000 $ ou 125 000 $ se sont vendues 25 000 $. Des gens ont dû déménager et changer de milieu. Nous avons vu également un taux de divorce ou de séparation très élevé, ce qui a eu des répercussions sur les enfants. Il y a eu des conséquences importantes sur les plans social, économique et même psychologique pour ces travailleurs qui ont tout simplement été abandonnés par le programme d'assurance-emploi.

  (1555)  

    On sait à quel point vous tenez à cela. Ce n'est pas tant la mise en application que le coût d'une telle mesure qu'on nous donne en fait d'argument. Mes collègues vont sûrement y revenir plus tard.
     Avez-vous été en mesure de calculer quels seraient les coûts d'un tel programme, dans les circonstances?
    L'évaluation des coûts n'as pas été faite parce que ce type de conflit se règle, de façon générale. Or il y a des exceptions. Dans ce cas-ci, on parle de 450 travailleurs qui ont été privés de l'assurance-emploi. Je n'ai pas fait le calcul, mais je demanderais peut-être au comité de le faire. Je ne crois pas que ce soit des sommes exorbitantes. Il s'agit de 450 chômeurs et d'une période de 50 semaines. Sans vouloir offenser qui que ce soit, je rappelle que le gouvernement conservateur prévoit retirer des cotisations de l'assurance-emploi 19 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années. On sait très bien également que le gouvernement a accumulé 55 ou 60 milliards de dollars au moyen de la caisse de l'assurance-emploi. Je suis convaincu qu'on peut répondre aux objectifs du projet de loi C-395, qui ne représente pas des montants exorbitants. D'autres projets de loi destinés à bonifier le Régime d'assurance-emploi ont été présentés, par exemple pour abolir le délai de carence. Malgré le coût de ces mesures, il va rester dans la caisse de l'assurance-emploi un surplus bien suffisant pour que le gouvernement puisse s'en servir à sa guise, comme il le fait depuis plusieurs années, que ce soit pour la réduction du déficit ou pour autre chose.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Martin.
    Vous devrez excuser ma voix; je suis un peu enrhumé.
    Je voudrais dire, tout d'abord, que je vous suis reconnaissant d'avoir proposé cette mesure. En ce qui me concerne, c'est une très bonne idée. Je n'y avais pas pensé moi-même, mais selon moi, c'est le prolongement logique de la protection que nous accordons aux travailleurs. Aucun travailleur ne souhaite faire la grève; aucun travailleur ne décide facilement de faire la grève. En général, c'est quelque chose qui se produit dans le contexte normal de la négociation d'un contrat. À un moment donné, le travailleur n'a d'autre choix que de retirer sa main-d'oeuvre et de faire valoir ses arguments de cette façon-là.
    La plupart des travailleurs acceptent de plein gré de cotiser à l'assurance-emploi pendant qu'ils travaillent, et, en fait, bon nombre des travailleurs que j'ai connus au fil des ans ne se prévalent jamais des prestations de l'assurance-emploi, étant donné qu'ils ne sont pas au chômage. Mais nous savons tous que lorsqu'on est au chômage pendant un certain temps, et surtout si on est en grève… Les travailleurs de Vale Inco à Sudbury qui sont actuellement en grève touchent 200 $ par semaine. Cela ne paie pas grand-chose et, comme vous nous l'avez fait remarquer tout à l'heure, il peut arriver assez rapidement que ses actifs disparaissent, si on se voit dans l'obligation de les vendre ou d'y avoir recours parce qu'on a besoin d'argent pour nourrir ses enfants.
    Avez-vous proposé cette mesure en raison de la situation au Québec en particulier, où le taux de syndicalisation de la main-d'oeuvre est très élevé? Avez-vous fait une évaluation au sujet de la situation ailleurs au Canada?

  (1600)  

[Français]

    Non. Je me suis davantage attardé à la situation du Québec, mais je suis convaincu qu'il y a d'autres cas de ce genre dans le reste du Canada. Là également, il y a eu des grèves et des lock-out d'entreprises.
    Je crois que le système économique et l'évolution des marchés ont donné lieu à ce genre de problème. La mondialisation du commerce a entraîné une plus grande concurrence, que ce soit au Canada ou au Québec. Le nombre de travailleurs qui devront subir une grève ou un lock-out de plus de 100 semaines est très limité, peu importe que ce soit au Canada ou ailleurs. Le phénomène est tout récent. Il est important de faire valoir que les travailleurs ont droit à l'assurance-emploi si leur entreprise, avant même que la négociation ne commence, décide qu'elle n'a pas les moyens de poursuivre ses activités et ferme immédiatement ses portes. Ça ne représente pas un coût supplémentaire. Si l'entreprise ferme après le délai, ce n'est pas non plus un coût supplémentaire. Généralement, l'entreprise fait des gains quand il y a un dialogue avec les employés. Normalement, ces derniers diminuent alors leurs demandes et même ce qu'ils ont déjà. Si l'entreprise ne réussit pas à faire une entente, c'est généralement parce qu'elle a tué le temps avant d'essayer de régler un problème.
    Bref, on parle ici d'un droit que les travailleurs ont acquis avant que cette démarche de l'entreprise ne soit enclenchée. Dans le cas de la démarche normale que poursuit une entreprise pour fermer ses portes, on ne parle pas d'un coût supplémentaire pour la caisse de l'assurance-emploi.

[Traduction]

    Avez-vous consulté un grand nombre d'intervenants avant de préparer ce projet de loi et de le déposer à la Chambre? Là je ne parle pas uniquement des syndicats… Je constate que nous recevrons cet après-midi un représentant du SCEP. Il me semble que, notamment dans les petites localités, où une grève peut avoir une incidence considérable, les chefs d'entreprise et la chambre de commerce, par exemple, pourraient s'en inquiéter, car non seulement les travailleurs ne reçoivent pas, et ne peuvent recevoir, des prestations après coup s'ils sont mis à pied — selon la formule que vous établissez ici — mais ils n'ont pas d'argent à dépenser dans les commerces de la localité.
    Qui avez-vous consulté au sujet du projet de loi?

[Français]

    Parlons de l'ensemble des démarches entourant les modifications au programme d'assurance-emploi présentées par le Bloc québécois —, ce projet de loi comme les autres projets de loi. Des consultations ont été engagées auprès des syndicats, bien sûr, et en rapport avec les employeurs et d'autres institutions.
    Je vous donne un exemple relatif au délai de carence, aux projets de loi portant sur la suppression du délai de carence et à ce projet de loi. Les employeurs ne sont pas toujours très heureux de laisser leurs employés sans revenu, dans une situation de délai de carence, par suite d'un lock-out ou d'une mise à pied temporaire.
    Lorsqu'on bonifie le Régime d'assurance-emploi, je crois que c'est l'ensemble de la société qu'on aide. C'est pour cela qu'en règle générale, les mesures proposées par les projets de loi qui touchent à l'assurance-emploi sont souvent très bien acceptées par des employeurs, des employés, des groupes sociocommunautaires, des groupes socioéconomiques, des chambres de commerce. En effet, ils savent très bien que lorsqu'on prive un milieu d'un revenu, on pénalise l'ensemble de ce milieu. Ce sont des travailleurs qui sont appauvris, qui ne peuvent pas acheter, et cela a parfois des conséquences sur la famille et les enfants.
    En effet, l'ensemble des mesures qui sont proposées dans le projet de loi C-395, comme dans les autres projets de loi, ont été faites par le Bloc québécois après consultation avec l'ensemble des acteurs socioéconomiques du Québec.

  (1605)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur André.
    La parole est maintenant à M. Komarnicki.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à M. André.
    Je constate que la disposition relative à l'entrée en vigueur du projet de loi indique que la date d'entrée en vigueur est le 1er janvier 2008. Pourquoi avez-vous choisi cette date? Pourriez-vous nous expliquer sa signification?

[Français]

    En ce qui a trait à la signification de cette mesure dont on parle ici, disons qu'elle a été introduite lors du conflit à Lebel-sur-Quévillon. C'est à ce moment-là que l'usine a fait l'objet d'un lock-out: 425 travailleurs n'ont bénéficié d'aucune mesure de soutien en rapport avec l'assurance-emploi. C'est en raison de ce long conflit qui a duré trois ans qu'on a proposé que ce soit rétroactif.

[Traduction]

    Oui, mais le projet de loi ne vise pas uniquement cette situation-là. Êtes-vous d'accord avec moi? Il visera quiconque n'aura pas été jugé admissible à l'assurance-emploi entre 2008 et 2010 en raison d'un manque d'heures. Ainsi ce projet de loi leur permettrait d'être jugés admissibles maintenant et de remonter en arrière, à 2008, 2007 ou peut-être encore plus loin, s'il est question d'inclure toute la durée du lock-out ou de la grève dans le calcul de la période de référence.
    C'est bien cela?

[Français]

    Si votre gouvernement veut proposer d'aller encore plus loin, vous aurez sûrement l'approbation du Bloc à ce sujet. Si on voulait revenir à 2004 et à 2005, je suis convaincu que le Bloc vous appuierait.
    Il faut retenir une chose de cette situation, de ce conflit vécu par de nombreux travailleurs en 2008: il y a eu des répercussions importantes, un impact d'injustice...

[Traduction]

    Je vous arrête là, monsieur André. Je comprends très bien que vous parlez de ce conflit en particulier, mais je vous demande si cette mesure s'appliquerait à d'autres situations qui ont pu se présenter entre 2008 et 2010, et peut-être même auparavant, étant donné que ce projet de loi ne s'applique pas à une seule situation. C'était ça ma question.

[Français]

    Cet ajustement à la loi a été fait dans le but de corriger une injustice flagrante au moment où elle est arrivée. C'est sûr que la présentation de ce projet de loi visait un groupe de travailleurs en particulier. Or peut-elle toucher d'autres groupes de travailleurs? On spécifie bien à ce sujet... Tout comme pour le retrait préventif, tout comme pour les prisonniers, par exemple, qui font exception, il s'agit de créer l'exception dans la loi qui concerne ce type de travailleur qui doit subir... On ne parle pas d'un travailleur qui est mis à pied en 2007 et qui n'a pas acquis le nombre d'heures nécessaires. Est-ce qu'il peut se prévaloir de ce recours? Non, il ne peut pas; ce ne sont que les travailleurs...

[Traduction]

    Dans ce cas, je suppose que vous ne vous êtes pas demandé si ce projet de loi s'appliquerait de façon plus générale, ni ce qu'il pourrait engendrer comme coût. C'est bien cela?

[Français]

    S'il s'agit d'applications dans le même genre, oui — partout ailleurs au Canada, oui. Si les travailleurs subissent le même sort que ces travailleurs, ça pourrait s'appliquer à eux.

[Traduction]

    Et avez-vous pu déterminer combien de situations de ce genre pourraient se présenter et combien cela pourrait coûter?

[Français]

    Actuellement, selon la recherche qui a été faite, il y a un seul conflit ayant duré aussi longtemps dans les dernières années qui ferait l'objet du recours à ce programme — même aujourd'hui.
    Ça ne représenterait même pas 425 travailleurs. Car au moment où l'entreprise a décidé de fermer ses portes, approximativement 180 de ces travailleurs auraient eu droit — ou auraient droit aujourd'hui — à ce programme.

  (1610)  

[Traduction]

    Donc, si je comprends bien, ce projet de loi ne vise pas exclusivement cette situation-là; c'est une mesure d'application générale. Si j'ai bien compris ce que vous essayez de m'expliquer, la période de référence serait prolongée d'un nombre de jours égal au nombre de jours pendant laquelle l'intéressé était en grève ou en lock-out. En réalité, vous essayez indirectement de rendre admissible une personne en incluant les heures pendant lesquelles elle était en grève, même si elle n'était pas prête à travailler pour l'employeur en question et n'avait donc pas de relation, pour ainsi dire, avec l'entreprise en question.
    Ai-je bien compris?

[Français]

    Je ne comprends pas pourquoi, à la suite d'un lock-out, les travailleurs qui ont cotisé pendant 20 ou 25 ans à la caisse de l'assurance-emploi —  comme leurs employeurs, d'ailleurs — , qui n'ont jamais retiré 1 ¢ de prestations d'assurance-emploi, n'ont aucunement droit à l'assurance-emploi. On parle ici de lock-out, d'une situation où l'entreprise ferme ses portes pendant trois ans.
    C'est inconcevable. C'est une injustice sur ce plan.

[Traduction]

    Veuillez m'excuser.
    Si je vous ai bien compris, on pourrait, si les heures correspondant à la durée de la grève sont incluses pour les fins du calcul de la période de référence, de sorte que le travailleur devient admissible à l'assurance-emploi, et si l'on admet qu'à la fois l'employeur et l'employé paient des cotisations, conclure indirectement que l'employeur devrait verser des cotisations pour le nombre d'heures qu'a duré la grève afin que les employés puissent potentiellement toucher des prestations, même si ces employés n'étaient pas prêts à travailler et n'avaient pas de relation avec l'entreprise.
    Pensez-vous que cela pourrait être injuste envers l'employeur?

[Français]

    Quant à savoir si c'est injuste envers l'employeur, je vous dirais premièrement que les employés sont encore en lien dl'emploi. Pendant la durée d'un conflit, d'un lock-out ou d'un grève, les employés sont encore en situation d'emploi. Ils ne travaillent pas ailleurs, les employés aux prises avec ce conflit, dans un village mono-industriel où les seuls emplois qui existent dans cette municipalité en particulier se trouvent à l'entreprise qui fait l'objet d'un lock-out.
    Par conséquent, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas recevoir des prestations d'assurance-emploi. Peu importe la période de référence, ils ont cotisé à la caisse de l'assurance-emploi. Ça ne pénalise pas les employeurs, je l'ai dit. Lorsque les employeurs mettent à pied des travailleurs qui se retrouvent sans ressources financières, ces employeurs ne sont en règle générale pas fiers de cette situation.
    Or une mesure sociale comme l'assurance-emploi doit être là pour répondre aux besoins de ces travailleurs qui sont dans ce type de situation. Et c'est ce qu'on veut démontrer par ce projet de loi.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer le deuxième tour, qui sera de cinq minutes.
    Notre premier intervenant sera M. Savage.
    Merci, madame la présidente.
    D'abord, je voudrais vous féliciter tous les deux d'avoir réussi à faire avancer le projet de loi jusqu'à cette étape: M. Lévesque, d'en avoir été l'instigateur en raison de ce qu'il a observé dans sa propre collectivité, et M. André, d'avoir accompli le travail qui lui a permis de le faire avancer jusqu'ici.
    Je ne sais pas si j'ai vraiment une question à poser. J'ai une brève observation à faire, et ensuite je vais vous laisser la parole.
    Les travailleurs qui font la grève ou qui sont en lock-out ont effectivement besoin de protection en vertu du Régime d'assurance-emploi. Et il y a une autre catégorie de personnes dont il faut s'occuper. Je ne sais pas si c'est ce à quoi Ed faisait indirectement allusion tout à l'heure, mais il existe effectivement un autre groupe de personnes qui ont souffert au cours de la récente récession, c'est-à-dire ceux et celles dont les heures de travail ont été réduites par une entreprise en difficulté, qui se voit dans l'obligation de réduire les heures de travail de ses employés — dans certains cas, pendant longtemps —  et éventuellement de les mettre à pied, si la compagnie doit fermer ses portes. À ce moment-là, ces personnes n'ont pas le nombre d'heures nécessaire pour être jugées admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Et elles sont prises entre l'arbre et l'écorce, car si elles décident d'abandonner leur emploi quand on leur annonce que leurs heures de travail seront réduites, elles ne seront pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi, étant donné qu'il s'agit d'un départ volontaire. Mais si, après avoir décidé de continuer à travailler pour cette entreprise, elles sont mises à pied, cet état de chose a également des conséquences pour les prestations qu'elles vont recevoir.
    Je me demande donc ce que vous en pensez.
    Souhaitez-vous réagir, monsieur André?

  (1615)  

[Français]

    En effet, dans un conflit de ce type, certains travailleurs pourraient travailler un certain nombre d'heures et ne pas bénéficier de l'assurance- emploi. Certaines personnes peuvent avoir travaillé un certain nombre d'heures même avant la période du conflit. Dans certaines situations, il y a des travailleurs qui peuvent travailler dans l'entreprise et accumuler le nombre d'heures requises pour bénéficier de l'assurance-emploi. Ce sont des situations qui existent.
     Il y a d'autres situations qui peuvent se présenter, comme dans la situation d'une grève à long terme ou d'un lock-out. Vous savez, parfois les employeurs ne réembauchent pas nécessairement l'ensemble des travailleurs qui ont été mis en lock-out ou qui étaient en grève pendant plusieurs années. Dans ces cas, c'est une autre situation où il y a 50 p. 100 des travailleurs qui sont réembauchés et qui ont le droit à un revenu. Les autres 50 p. 100 des travailleurs, lorsqu'il y a eu des mises à pied suite à de longs conflits, n'ont pas droit à l'assurance-emploi. C'est encore une pénalité.
    Il faut mettre aussi la situation en contexte. On ne peut pas comparer Lebel-sur-Quévillon à des villes comme Trois-Rivières, Toronto, Sarnia, Windsor ou Hamilton. Lebel-sur-Quévillon, c'est 425 travailleurs sur une population d'environ 900 travailleurs. J'ai fait le calcul pour savoir ce que serait l'équivalent pour Montréal. Les 425 travailleurs qui ont perdu leur emploi à Lebel-sur-Quévillon représentent l'équivalent de 55 000 pertes d'emploi à Montréal. Comme à Lebel-sur-Quévillon, à Montréal, une perte soudaine de 55 000 emplois mettrait tout le reste de la population en difficulté. Il y a le désavantage d'une grande ville comparativement à Lebel-sur-Quévillon qui est une petite ville et où les gens sont très près les uns des autres. Le travail a été partagé et tous ceux qui travaillaient dans les entreprises de la ville ont su partager le travail pour permettre aux gens d'accumuler le nombre d'heures nécessaires. Il y avait cette possibilité; tandis qu'un travailleur qui est mis en lock-out ou qui est en grève n'a pas cette possibilité.
     Si vous me le permettez, en réponse à la question qui a été posée tout à l'heure, je dirai qu'on ne demande pas de calculer des heures pendant la période de grève ou de lock-out; on demande d'éliminer cette période dans le calcul pour la reporter au moment où la grève ou le lock-out a été décrété.

[Traduction]

    Il me reste 30 secondes seulement.
    Le Président a déclaré que cette mesure devra faire l'objet d'une recommandation royale. Êtes-vous convaincu que le gouvernement acceptera de lui donner la recommandation royale? Deuxièmement, lorsqu'il est question du programme d'assurance-emploi, on peut, de manière tout à fait légitime, se demander si la recommandation royale devrait être exigée, étant donné que nous parlons de la caisse d'assurance-emploi plutôt que du Trésor. Je me demande donc si vous avez une opinion au sujet de la recommandation royale qui est exigée pour ce projet de loi.
    Vous n'avez que quelques secondes pour répondre; je vous demande donc d'être très bref.

[Français]

     Brièvement, notre démarche vise à faire des pressions sur le gouvernement pour que ce projet de loi reçoive la recommandation royale. Nous voulons que des mesures relatives à l'assurance-emploi soient mises en avant. L'ensemble des projets de loi que nous présentons visent à aider les travailleurs qui sont privés de revenus, tout simplement.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Vellacott.
    Cher collègue, je voudrais revenir sur une question soulevée plus tôt par M. Komarnicki. En tout cas, il semblait vouloir l'évoquer.
    Le projet de loi C-395 indique clairement que vous souhaitez que les employés touchent des prestations au cours d'une période où ils sont en lock-out. Si je peux me permettre de reformuler ou de répéter la question, à votre avis, les employeurs devraient-ils être dispensés du versement de leurs charges sociales ou bénéficier d'une autre forme d'indemnisation lorsque leurs employés font la grève?
    En d'autres termes, comme nous le savons tous, les employeurs et les employés cotisent à l'assurance-emploi. Ces montants sont défalqués de nos chèques de paie. Vous semble-t-il juste d'accorder un avantage à l'une des parties mais non à l'autre? C'est ce que vous faites en réalité. Vous permettez aux travailleurs de toucher des prestations, alors qu'aucun travail n'est réalisé. Pensez-vous que l'employeur devrait donc être dispensé de ses charges sociales ou bénéficier d'une autre forme d'indemnisation au cours de cette période?

  (1620)  

[Français]

    Pendant un conflit ou une grève, si l'employeur n'engage pas de travailleurs, il n'y a pas de versement de cotisations, et les employés non plus ne versent pas de cotisations à l'assurance-emploi.

[Traduction]

    Il doit continuer à cotiser pour les personnes qui sont en grève au cours de la période de grève, n'est-ce pas?

[Français]

     Il n'y a aucun coût relatif à l'assurance-emploi.

[Traduction]

    C'est vrai? Je ne sais pas si c'est vrai.

[Français]

    Absolument.

[Traduction]

    Vous dites que, au cours de la période de grève, il ne cotise pas? À mon avis, il continue à cotiser en vue des prestations qui seront versées.

[Français]

    Le travailleur ne cotise pas à l'assurance-emploi durant une grève. Absolument rien n'est versé.

[Traduction]

    Aucune prestation n'est versée.
    Il va falloir que nous vérifiions cette information.
    Si le gouvernement indemnise l'une des parties à la négociation, par l'entremise de la mesure que vous proposez, selon vous, quel sera l'effet sur les négociations entre les employeurs et les employés? En d'autres termes, y aura-t-il des conséquences si le gouvernement accorde un avantage financier à l'une des parties?
    Selon moi, c'est une question tout à fait légitime. Peut-être pensez-vous qu'il n'y aura pas d'incidence du tout. Le gouvernement donne de l'argent à l'une des parties, mais l'employeur n'obtient rien à ce moment-là.

[Français]

    Tout d'abord, je ne crois pas que l'employeur indemnise les travailleurs, ou vice-versa. C'est un droit, tout simplement. Les travailleurs ont cotisé pendant de nombreuses années à l'assurance-emploi, et par suite d'un conflit de longue durée, ils ont droit à des prestations, tout simplement.
    À mon avis, cela ne pose pas nécessairement problème. De plus, on sait très bien que les cotisations à l'assurance-emploi des employés et des employeurs ont permis au gouvernement d'accumuler d'énormes surplus depuis plusieurs années. On parle de 60 milliards de dollars accumulés dans la caisse de l'assurance-emploi, et de 19 milliards de dollars qui s'accumuleront encore au cours des prochaines années.
    Je crois que les employés sont pénalisés dans ce contexte, et non pas les employeurs, parce que les cotisations versées ne servent pas à soutenir les travailleurs.

[Traduction]

    Très bien. Merci.
    Je comprends que l'employé a cotisé à l'assurance-emploi, mais il en va de même pour l'employeur pour la période en question. Il n'y a pas qu'une seule partie qui cotise à l'assurance-emploi.
    Avez-vous fait une évaluation du coût de cette mesure pour le Trésor fédéral?

[Français]

    Comme je l'ai dit, l'exemple qu'on vous donne concerne 425 travailleurs et travailleuses. On parle d'environ 180 travailleurs et travailleuses qui auraient reçu des prestations d'assurance-emploi pendant 50 semaines, dans ce cas. Je vous laisse calculer combien cela peut coûter. Je pense que le comité est en mesure de faire ce calcul. Ce n'est pas énorme. C'est pourquoi on met en avant des mesures pour bonifier le Régime d'assurance-emploi, ou abolir le délai de carence. Il faut se rappeler que le gouvernement a accumulé d'énormes surplus avec les cotisations des employeurs et des employés. Il y a 60 milliards de dollars.
    Faites le calcul, je suis sûr qu'il vous reste encore plusieurs milliards de dollars pour éponger vos déficits au détriment des travailleurs, comme cela se fait présentement. Ces mesures ne sont pas très coûteuses.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Beaudin, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup, chers collègues, d'être ici aujourd'hui pour nous parler de ce projet de loi.
    Si je comprends bien, vous souhaitez que lors d'un arrêt de travail causé par un conflit collectif, les travailleurs qui sont sans revenu fassent partie des exceptions, tels les détenus et les personnes qui ne peuvent plus travailler et n'ont plus de revenu pour cause de maladie. Vous souhaitez que ces travailleurs sans revenu fassent également partie des exceptions en vertu de la loi.
    Monsieur Lévesque, vous avez dit quelque chose d'intéressant plus tôt lorsque vous parliez du cas de Lebel-sur-Quévillon, sur lequel j'aimerais revenir. Vous disiez que c'était une ville mono-industrielle et donc que ces personnes tiennent à leur emploi puisque les possibilités de travailler dans d'autres entreprises sont très rares.
    Par la même occasion, vous avez parlé de la situation économique. En effet, cela peut donner envie à un employeur, par exemple après trois ans de lock-out, de faire des mises à pied, comme ça a été le cas chez vous.
    J'aimerais savoir si vous croyez que ce projet de loi peut redonner un peu de pouvoir aux employés, ou tout au moins les rassurer, et peut-être limiter la tendance à l'exagération de certains employeurs qui décident d'effectuer des mises à pied en masse au bout d'un certain nombre d'années de grève ou de lock-out.

  (1625)  

    Je ne crois pas que le projet de loi proprement dit donne plus de pouvoir aux travailleurs ou aux employeurs. C'est tout simplement un projet de loi qui vise à rendre justice à des travailleurs qui ont versé des cotisations pendant 30 ans et, dans certains cas, 40 ans pour se protéger d'une fermeture d'entreprise.
    Si une entreprise qui se considère comme étant en difficulté financière décide un jour de forcer ses travailleurs à faire la grève, ou de décréter un lock-out pour se protéger et essayer de redresser sa situation, les travailleurs n'ont aucun contrôle sur ça. Le projet de loi vise à rendre justice à ces travailleurs.
    Par exemple, une personne qui est mise en prison — c'est bizarre — a droit à 104 semaines de prestations. C'est défini. C'est différent pour le travailleur en grève ou en lock-out.
    On vient de vivre une situation de lock-out de plus de trois ans sur laquelle les travailleurs n'avaient aucun contrôle. Il y avait de petites entreprises à proximité. Certains, pendant que leurs collègues s'assuraient qu'aucun travailleur ne prenait leur place, allaient dans les environs « faire des timbres d'assurance-emploi » — c'est l'expression qu'ils utilisent. Un roulement s'est établi.
    D'autres, par contre, quelque 180 travailleurs, n'ont pas pu trouver d'emploi à proximité, la ville la plus proche étant à une distance de 170 kilomètres. Alors, l'entreprise ferme ses portes et les travailleurs n'ont pas accès à l'assurance-emploi. Combien pensez-vous que les maisons valent après la fermeture d'une entreprise quand il n'y a pas d'autre entreprise dans la région?
     Ces personnes ont payé leur maison 150 000 $ ou 200 000 $, dans un endroit isolé. Au bout du compte, elles se retrouvent avec des maisons dont la valeur originelle de 150 000 $ en moyenne passe à 40 000 $ ou 30 000 $ dans certains cas. Elles ont tout perdu et n'ont aucun contrôle sur cela.
    Ça n'arrive pas qu'à Lebel-sur-Quévillon. Ça peut arriver n'importe où ailleurs. Dans un grand centre comme Montréal ou Toronto, si on parle de 425 travailleurs, c'est une goutte d'eau dans la mer. Il reste qu'une partie de ces travailleurs pourront peut-être être de nouveau admissibles à l'assurance-emploi, selon leur champ de compétence, en travaillant dans de petites entreprises des environs, mais ce n'est pas donné à tous.
    Pourquoi pénaliser un travailleur dont l'entreprise n'a pas voulu faire des mises à pied, ou n'a pas été assez honnête pour effectuer des mises à pied, au moment où elle fermait? Ça n'empêcherait pas l'entreprise de négocier un retour au travail, si la fermeture n'est pas définitive. Si elle est fermée temporairement, ça donne à ces travailleurs les droits qu'ils ont acquis pendant toutes ces années. Cependant, cela n'a pas été fait.
    C'est ce qui amène ma prochaine question. Si un projet de loi comme celui-ci était adopté, serait-il possible d'éviter une situation comme celle que vous avez vécue à Lebel-sur-Quévillon, c'est-à-dire que l'employeur a attendu trois ans pour faire des mises à pied sans considération pour ses travailleurs?
    En tous cas, l'employeur n'aurait pas d'avantages à le faire.
    Dans le fond, y a-t-il un avantage réel? Il n'y a pas d'avantages. C'est peut-être une petite vengeance exercée en raison des conflits qui ont eu lieu au fil des années. Ça faisait 40 ans que cette entreprise existait et c'était un milieu syndiqué « tissé serré ». Je ne dis pas que c'est ce qui est arrivé, mais c'est probablement ça.
    Pour répondre en partie à cette question, je dirai que dans certaines situations, ça pourrait donner lieu à des abus. Par exemple, dans le cas de travailleurs qui sont en grève pendant deux ans, ce qui est plus long que l'actuelle période de référence, l'employeur pourrait profiter un peu de la situation. En effet, sachant que les travailleurs n'auront aucun revenu à la suite du conflit, l'employeur pourrait se servir de cette situation à des fins de négociation. Selon moi, ce projet de loi pourrait permettre d'éviter ce genre de cas.

  (1630)  

     J'aimerais ajouter quelque chose, rapidement.

[Traduction]

    Très rapidement. Merci.

[Français]

     J'ai été un peu surpris de la décision voulant que ce projet de loi nécessite une recommandation royale, compte tenu qu'en réalité, il ne représente aucun coût. En effet, en temps normal, si on avait agi en toute justice, ces travailleurs auraient reçu une compensation.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je voudrais poser une question très rapidement. Si je vous ai bien compris, vous parliez de détenus qui sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Nous avons tous entendu ce qu'a dit l'interprète. Est-ce bien cela que vous vouliez dire?

[Français]

    Oui, dans le cas des détenus, on parle dans la loi d'une période de référence de 104 semaines.
    C'est une exception.

[Traduction]

    Très bien; merci beaucoup.
    Monsieur André, je crois savoir que vous allez nous quitter maintenant, mais que M. Lévesque va rester.
    Nous allons recevoir un autre groupe de témoins. Vont-ils se joindre à vous à la table?

[Français]

    Je vais me placer ici.

[Traduction]

    Très bien. Nous allons donc inviter les autres témoins à venir s'installer à la table.
    Si vous permettez, je voudrais que nous réglions une petite question administrative.
    Si je ne m'abuse, vous avez tous reçu une copie de la motion relative à la demande budgétaire. Il faudrait qu'un membre propose l'adoption de la motion, pour que nous soyons en mesure de supporter les dépenses liées aux témoins.
    M. Casson en fait la proposition.
    (La motion est adoptée.) [Voir Procès-verbaux et témoignages]
    Voilà qui est fait. Merci beaucoup.
    Nous sommes donc prêts à entendre nos témoins. Je souhaite la bienvenue à Mario Pothier, Pierre Céré et Michel Ducharme. Merci infiniment de votre présence et bienvenue au comité.
    L'un d'entre vous fera un exposé de 10 minutes, après quoi nous pourrons ouvrir la période des questions.
    Monsieur Ducharme, voulez-vous commencer?

[Français]

     Merci. On va se partager la présentation. De plus, celle-ci va être brève.
     Nous voudrions vous remercier au nom de nos deux organisations, soit le Conseil national des chômeurs et chômeuses et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des ressources humaines, nous vous remercions de nous avoir invités à échanger avec vous sur le projet de loi C-395.
     Nous avouons d’emblée être favorables au projet de loi, du moins à son intention, qui consiste à faire du conflit collectif un motif pour prolonger la période de référence. Je profite cependant de l'occasion pour mentionner que le texte du projet de loi recèle certaines erreurs. En effet, avant d’établir les motifs de la prolongation, il faut saisir la définition de « période de référence ». Cette définition se trouve au paragraphe 8(1) de la loi. La période de référence ne peut dépasser un maximum de 52 semaines précédant la demande d’assurance-emploi. Or le projet de loi ne modifie pas cette notion de la période de référence.
     Examinons maintenant la prolongation de cette même période de référence. La loi permet la prolongation de cette période de référence d’un nombre équivalent de semaines pendant lesquelles, au cours de la période de référence, on se retrouverait dans l’une des situations prévues au paragraphe 8(2). Le projet de loi C-395 vise à ajouter l’arrêt de travail dû à un conflit collectif comme raison de prolongation de la période de référence. Nous sommes tout à fait favorables à cette première proposition du projet de loi. Nous pensons que ça s'inscrit dans la modernisation dont devrait faire l'objet l'assurance-emploi. Nous ne comprenions pas comment il se faisait que ça n'ait pas été encore inclus dans les motifs d'exception.
    Pierre.

  (1635)  

    Madame la présidente, je prends le relais, puisque c'est un mémoire conjoint de la FTQ et du Conseil national des chômeurs et chômeuses.
    Je voudrais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe du projet de loi C-395. On croit que cette deuxième proposition, qui vise à dépasser la prolongation maximale de 104 semaines, ne peut se réaliser sans avoir redéfini la période de référence, qui demeure, dans ce projet de loi, la période de 52 semaines qui précède la demande de chômage.
     Je vous référerais à la page 3 du document — que vous avez tous en versions française et anglaise. C'est une transcription de cette partie de la Loi sur l'assurance-emploi, soit le paragraphe 8(1), qui définit la période de référence, et les paragraphes 8(2), 8(3), 8(4), etc., qui définissent les motifs exceptionnels de la possible prolongation de la période de référence. Vous constaterez, en comparant le projet de loi, que ce dernier ne vise que le paragraphe 8(2), c'est-à-dire les motifs qui peuvent entraîner la prolongation de cette période de référence, et non pas une modification de la définition de la période de référence, qui reste une période de 52 semaines.
    Par ailleurs, madame la présidente, on comprend très bien l'intention derrière le projet de loi. C'est-à-dire qu'on cherche à assimiler toute la période d'un conflit collectif à la période de référence et permettre de prolonger cette dernière de 52 semaines supplémentaires pour inclure la dernière année de travail qui précède le conflit collectif, afin de qualifier des travailleurs qui seraient victimes d’une mise à pied après un conflit collectif. Je dois vous avouer que, pendant la première heure, mes oreilles ont parfois bourdonné. On a assimilé la volonté du projet de loi à recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant la durée du conflit collectif. Ce n'est pas cela, le projet de loi. Si on identifie que la période du conflit collectif donnerait droit à des heures de travail pour pouvoir se qualifier, on se trompe là aussi. Il faut saisir ce que sont une période de référence et la possible prolongation de cette période de référence.
    Non seulement nous comprenons, mais nous sommes favorables à cette intention du projet de loi, c'est-à-dire de prolonger la période de référence, parfois, de plus de 104 semaines. On pense d'ailleurs que d'autres motifs de prolongation de la période de référence devraient aussi permettre de dépasser ce maximum de 104 semaines. On pense ici aux travailleurs, aux travailleuses qui sont — et je cite l'alinéa 8(2)a) — «  incapable[s] de travailler par suite d'une maladie [ou] d'une blessure ».
    Il y a des gens qui sont victimes d'un accident de travail et qui vont être couverts par un régime provincial de santé et sécurité. Il y a des gens qui vont être victimes d'une grave maladie et qui vont être parfois couverts par un régime d'assurance-salaire. Par contre, si une personne a passé les deux dernières années sous un régime de la CSST ou sous un régime d'assurance-salaire, lorsqu'elle retournera au travail, elle ne pourra pas bénéficier de l'assurance-emploi s'il y a perte d'emploi, parce que, en effet, la période de référence est de 52 semaines et peut être prolongée au maximum de 52 autres semaines. Je vous réfère encore une fois au paragraphe 8(2) à la page 3 . En d'autres mots, malgré les motifs prévus pour possiblement prolonger la période de référence — il y a entre autres: maladie, blessures, détenu, recevoir une indemnité de départ, etc. —, on limite ça à 104 semaines. Il serait possible, toujours dans l'esprit de ce projet de loi — en comprenant un peu l'intention qu'il y a derrière —, qu'il y ait certaines situations exceptionnelles qui puissent permettre d'aller un peu plus loin que 104 semaines.
    Je voudrais aussi porter à votre attention la Loi sur l'assurance parentale du Québec. Ce n'est pas la première fois que je viens ici et ce n'est pas la première fois, mesdames et messieurs les députés, que je vous parle de la Loi sur l'assurance parentale québécoise. Cette loi est un prolongement de la Loi sur l'assurance-emploi. Nous avons, au Québec, à partir de 1998, et ça a été mis en application le 1er janvier 2006, rapatrié une partie de la Loi sur l'assurance-emploi. C'est cette partie de la Loi sur l'assurance-emploi qui touche aux prestations de maternité et parentales. Quand on a créé ce projet de loi en 1998, et on l'a finalisé en 2006, on a calqué la Loi sur l'assurance-emploi.

  (1640)  

     Toutefois, on l'a étudiée et on a cherché à la moderniser. On a cherché à la moderniser dans ses critères d'admissibilité, dans son calcul du taux de prestations et dans la période de prestations auxquelles on a droit. Je vous réfère toujours à ce document. J'espère que vous l'avez. À la page 5, vous retrouvez la partie de la Loi de l'assurance parentale qui touche à la période de référence et à la question de la prolongation de la période de référence. Je le répète, la Loi sur l'assurance parentale mise en place au Québec est un prolongement de la Loi sur l'assurance-emploi. Au Québec et au fédéral, elle est assimilée à l'équivalent de prestations d'assurance-emploi.
    Quand je vous dis qu'on a modernisé cet aspect-là, ça signifie que le gouvernement québécois a réuni autour d'une grande table des représentants de la société civile. Des gens comme moi, des gens des organisations syndicales, des associations d'employeurs et de l'État ont réfléchi à la Loi sur l'assurance parentale. Je fais ce long préambule pour vous amener à la page 5 du document que nous avons déposé, soit à l'alinéa 31.2(1)d) du Règlement de la Loi sur l'assurance parentale. Vous retrouvez calqué le paragraphe 8(2) de la Loi sur l'assurance-emploi sur les motifs qui peuvent entraîner une prolongation de la période de référence. À cet égard, nous avons rajouté au Québec le motif qui résulte d'une grève ou d'un lock-out et qui permet la prolongation de la période de référence.
    On pense qu'au fédéral la Loi sur l'assurance-emploi pourrait s'en inspirer. On pense que le minimum qui devrait sérieusement être envisagé par la Chambre des communes serait de faire du conflit collectif, ce grand oublié comme cela a été mentionné un peu plus tôt, un motif qui puisse ouvrir ou donner droit à la prolongation de la période de référence, comme les autres motifs prévus au paragraphe 8(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. Il s'agit simplement de rajouter comme autres motifs le conflit collectif, la grève et le lock-out.
    Cette question, madame la présidente, et je termine là-dessus, ne dénote aucune partisanerie. Il n'y a vraiment aucune partisanerie. Nous croyons vraiment très humblement que le Comité permanent des ressources humaines pourrait aisément et unanimement en proposer l'adoption au Parlement canadien. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Merci infiniment pour votre exposé.
    Nous allons donc ouvrir le premier tour de questions. Dans un premier temps, ce seront des tours de cinq minutes, car nous devons confirmer l'heure à laquelle les cloches vont sonner. S'il y a une sonnerie d'appel à et quart et si nous nous en tenons à des tours de cinq minutes, chacun…
    C'est à la demie? Très bien. Nous n'étions pas tout à fait sûrs.
    Commençons donc par des tours de sept minutes; il devrait être possible de donner un tour à tout le monde. Nous allons commencer par Mme Minna.
    Merci, madame la présidente.
    D'abord, je tiens à vous dire que j'aime bien ce projet de loi. Vous avez clairement indiqué, dans vos remarques liminaires, que les personnes qui sont en grève et qui retournent au travail, ou qui sont congédiées quand l'entreprise ferme ses portes, ou une situation analogue se produit, ne devraient pas être pénalisées pour la période pendant laquelle elles ont été en lock-out ou en grève. Le fait est qu'elles ne sont pas au chômage. Leurs noms n'ont pas été biffés de la liste de paie. Elles continuent à travailler pour la compagnie en question; elles ne sont tout simplement pas payées au cours de cette période. Et c'est justement là qu'elles sont pénalisées. Donc, je comprends vos arguments, et je dois dire que je suis généralement d'accord avec ce que propose le projet de loi.
    J'ai posé des questions tout à l'heure à notre collègue qui propose l'adoption du projet de loi. L'une des questions qui a été soulevées concerne la possibilité — et comme vous représentez un syndicat, il me semble important de vous poser la question — que cette mesure accorde un avantage injustifié aux travailleurs. En d'autres termes, si les employés savent qu'ils ne vont rien perdre pour la durée de la grève, n'est-il pas possible que les négociations soient encore plus ardues, étant donné qu'on accorde cet avantage aux travailleurs?
    Cette possibilité a été évoquée, et même si je n'accepte pas cet argument-là, je tiens à ce que vous, à titre de représentants syndicaux, nous disiez ce que vous en pensez, étant donné que vous avez vécu des situations de ce genre et qu'il a dû vous arriver de négocier dans le contexte d'un débrayage ou d'un conflit de travail. Quel en serait l'effet, selon vous?

  (1645)  

[Français]

    Je ne vois pas le rôle que cela pourrait jouer. Je suis représentant des travailleuses et des travailleurs depuis plus de 35 ans. Je ne connais aucun travailleur qui souhaite être en grève, c'est une mesure ultime prévue par notre régime de négociation. Il est temps que l'on modernise la loi. Le recours à la grève ou au lock-out fait partie d'un régime de relations de travail reconnu par nos lois canadiennes et québécoises. Ce n'est pas illégal; ces mesures existent. En ce qui a trait au fait d'avoir droit à des prestations d'assurance-emploi, je souligne qu'on s'est donné un régime pour se protéger en cas de perte d'emploi.
    Nous payons tous, travailleurs et employeurs, des cotisations visant à nous protéger dans les cas d'une fermeture d'usine ou d'entreprise. C'est un élément de légitimité. Lorsqu'il y a un conflit de travail lors du renouvellement d'une convention collective, le but est de sauver des emplois. Certains syndicats donnent des prestations de grève, mais le but n'est pas d'être sans emploi mais de conserver cet emploi, de préserver les conditions de travail et d'en arriver à une entente. Au bout du compte, il se peut que ça ne fonctionne pas et qu'il y ait fermeture. C'est indépendant de la volonté du travailleur. Les travailleurs ont payé pendant 25 ou 30 ans et ont oeuvré pour une entreprise ayant toujours fonctionné et qui n'a jamais fait de mise à pied. D'un jour à l'autre, l'entreprise ferme. Il est donc illogique que les gens ne puissent pas se prévaloir des prestations d'assurance-emploi. Elles sont faites justement pour cela.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai une autre question.

[Français]

    Je ne sais pas si M. Pothier veut ajouter quelque chose.
    Je comprends mal qu'on puisse penser que le projet de loi, s'il entrait en vigueur, nuirait à une négociation. On veut que les travailleurs soient admissibles après la fermeture annoncée. À ce moment-là, il n'y a plus de négociations. La décision a été prise, l'entreprise est fermée, et c'est à ce moment-là que les travailleurs seront touchés par ce projet de loi. Je ne vois donc pas comment cela pourrait nuire aux négociations.

[Traduction]

    Merci.
    Ma seule autre question est sans doute plus courte, et elle concerne la prolongation de la période de référence en cas de conflit de travail, et la mesure dans laquelle il convient de conserver la disposition du projet de loi — c'est-à-dire, aucun maximum — ou de prévoir au contraire un maximum de 52 semaines, comme c'est le cas pour d'autres prolongations qui sont accordées en cas de maladie, de blessure, etc. Si je ne m'abuse, selon le projet de loi, la prolongation pourrait dépasser 52 semaines. Peut-être pourriez-vous me donner des détails à ce sujet.
    C'est ma dernière question, madame la présidente.

[Français]

    Je pense qu'il ne devrait pas y avoir de période définie. Un peu plus tôt, on a posé des questions comme: est-ce que cela arrive souvent? Dans l'histoire du Syndicat canadien des communications de l’énergie et du papier, qui représente 150 000 membres au Canada, la plus longue grève a été celle de Lebel-sur-Quévillon, et celle qui arrive au deuxième rang l'a été beaucoup moins. Ce ne sont pas des situations fréquentes; elles sont exceptionnelles. Par conséquent, je ne pense pas qu'il devrait y avoir de limite.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Merci.
    Il reste un petit peu de temps, si vous voulez l'utiliser.

[Français]

    J'ai discuté avec d'autres spécialistes de l'application de la Loi sur l'assurance-emploi. Dans son état actuel, le projet de loi C-395 ne permettrait pas d'aller au-delà des 104 semaines, parce qu'on n'a pas redéfini la période de référence. Pour nous il y a une marge entre, d'une part, ajouter au paragraphe 8(2) un nouveau motif — au même titre que les autres motifs — permettant la prolongation de la période de référence, celui du conflit collectif, et, d'autre part, aller jusqu'à redéfinir la période de référence dans des cas exceptionnels. Cela permettrait d'inclure ceux qui sont victimes de blessures, d'accidents de travail, de maladies, de conflits collectifs ou qui vivent des situations plus longues.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Lessard, vous avez la parole.

[Français]

    Tout d'abord, je voudrais vous remercier d'être ici pour apporter votre témoignage au sujet de cet important projet de loi. J'ai deux questions pour M. Pothier et M. Ducharme, qui est aussi du syndicat, je crois.
    Vous êtes un travailleur de Lebel-sur-Quévillon, donc vous êtes un syndiqué, monsieur Ducharme. J'ai deux questions qui relèvent un peu de l'application des règles pendant un conflit.
    Et j'ai aussi une question pour vous, monsieur Céré, au sujet de l'admissibilité à l'assurance-emploi.
    L'intervention de M. Vellacott, plus tôt, prête à interprétation en ce qui concerne les droits pendant un conflit. Selon moi qui ai participé à des négociations dans le passé, à moins que les choses n'aient changé, tout « tombe au neutre » — si on peut dire — et il n'y a aucun avantage marginal, ni aucune cotisation de part et d'autre pendant tout le conflit. Peut-être que vous pourriez m'éclairer quant à savoir si c'est toujours le cas.
    Je vais poser les trois questions en file pour vous donner tout le temps de répondre. L'autre question, et M. Pothier y a répondu en partie, concerne le nombre de conflits. Pour avoir droit à l'assurance-emploi à la fin d'un conflit — c'est à la fin d'un conflit qu'on a droit à l'assurance-emploi — il faut qu'il y ait fermeture ou mise à pied temporaire. Combien de ces conflits y a-t-il au Québec? Selon vous, qui êtes dans les relations de travail, combien de cas connus pourraient être touchés par ce projet de loi? Ces deux questions sont pour vous.
     Je vais poser tout de suite ma question à M. Céré. Cela donne-t-il des avantages supérieurs quant à l'admissibilité à l'assurance-emploi? Cela donne-t-il des droits supérieurs quant à l'admissibilité pendant une période de conflit, ou vient-on juste mettre en application ce qui existe déjà?

  (1650)  

    En ce qui a trait à la première question, je vous dirais que durant une grève ou un lock-out, il n'y a plus aucun avantage. Cela n'a pas changé, c'est resté pareil, ce sont toujours les mêmes choses. L'employeur ne défraie plus aucun coût. Les coûts qu'un employeur doit assumer sont liés au versement de la masse salariale. En grève ou en lock-out, il n'y a plus de salaires versés, il n'y a plus d'avantages versés, pas un sou n'est remis.
    En réponse à la deuxième question sur le nombre de conflits, je n'en connais pas d'autres, évidemment, d'aussi longue durée que celui de Lebel-sur-Quévillon. Aurait-il pu y en avoir d'autres? Certainement. Au Québec, au cours des dernières années, on a commencé à assister à des lock-out d'assez longue durée, de plus d'un an. En effet, cette situation aurait pu se produire ailleurs.
    J'ai entre autres en mémoire un conflit qui a été très difficile, que tout le monde connaît, à tout le moins les gens du Québec: celui survenu chez Vidéotron. L'enjeu de la négociation chez Vidéotron, dont les employés étaient en lock-out, était les emplois. L'employeur souhaitait abolir l'ensemble des postes de techniciens, il était tellement déterminé à le faire que toute une flotte de camions avait même été vendue. C'était clair, c'était au point de non-retour. Ce conflit, qui a duré plus d'un an, a finalement eu un dénouement heureux, car l'employeur s'est engagé à garder ses techniciens, il a racheté une flotte de véhicules. Il y a eu un dénouement heureux.
    À l'inverse, il aurait pu s'agir de centaines de travailleurs et travailleuses qui perdent leur emploi au moment de la fin d'un conflit. On se serait retrouvé exactement dans la même situation, où des gens ont versé des cotisations d'assurance-emploi pendant tout le temps qu'ils travaillaient et qui se retrouvent dans un conflit qu'ils n'ont pas recherché. Ils se seraient retrouvés à la fin du conflit sans emploi, le fruit d'une décision qu'ils n'avaient pas prise, et ils auraient pu subir la même situation que les gens de Lebel-sur-Quévillon. Ils auraient payé une assurance toute leur vie, comme travailleurs et travailleuses, sans pouvoir profiter de prestations.
    J'aimerais prendre quelques secondes, s'il vous plaît. La question doit être comprise comme il le faut. La question est de savoir s'il y a beaucoup de conflits qui durent plus d'un an, plus de 52 semaines, et qui se terminent finalement par une fermeture. La réponse à cela est non. C'est clair.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques] ... les qualifications.
    En ce qui a trait aux qualifications, cela donnerait-il plus de droits? Non, cela donnerait des droits équivalents aux autres travailleurs dans le sens suivant.
    Il y a une période de référence qui précède une demande de prestations d'assurance-emploi. Prenons l'exemple d'un conflit collectif qui s'est terminé. Les gens s'attendent à reprendre leur emploi. Il y a en a qui perdent celui-ci parce qu'il y a une fermeture ou une diminution de postes. À ce moment-là, ils font une demande de prestations d'assurance-emploi. Que va faire la Commission de l'assurance-emploi? Elle va vérifier si au cours de la dernière année ces gens ont travaillé. S'ils ont été en conflit collectif au cours de la dernière année, il n'y a aucune heure de travail, donc ils n'ont pas droit à l'assurance-emploi. Pourtant, ces personnes ont travaillé plusieurs années auparavant. La loi ne prévoit pas comme motif de prolongation de cette fameuse période de référence celui du conflit collectif. Au Québec, comme je le disais précédemment, l'assurance parentale prévoit ce motif.
    Si l'on ajoutait au paragraphe 8(2) un alinéa e) prévoyant que le conflit collectif puisse être un motif de prolongation de la période de référence, ces gens-là pourraient recevoir des prestations par suite de la perte d'un emploi. On ne dit pas que toutes les personnes en grève ou en lock-out puissent réclamer des prestations d'assurance-emploi. À celles qui perdent leur emploi à la suite d'un conflit collectif et qui déposeraient une demande d'assurance-emploi, on accorderait, à l'intérieur de la période de référence, une prolongation d'un nombre de semaines équivalent au nombre de semaines où elles ont été en conflit collectif. Si quelqu'un a été pendant neuf mois en conflit collectif au cours de la dernière année, il aurait donc droit à une prolongation de neuf mois. On irait chercher le temps de travail relié au conflit collectif pour permettre aux gens qui ont perdu leur emploi de se qualifier aux prestations. Il y a aussi les autres raisons qui sont prévues au paragraphe 8(2) de la loi. C'est très technique, mais c'est important de saisir cela pour voir la justification du projet de loi.

  (1655)  

[Traduction]

    C'est à vous, monsieur Martin.
    Encore une fois, je voudrais vous remercier de nous aider à mieux comprendre le pour et le contre de cette mesure.
    L'une des questions qui a été soulevée tout à l'heure concernait le coût et qui va supporter ce coût. Il me semble — je crois comprendre la situation, mais peut-être pourrez-vous m'aider — que l'argent versé sous forme de prestations d'assurance-emploi est prélevé sur la caisse, caisse à laquelle cotisent à la fois l'employeur et l'employé; l'argent n'est pas versé par le gouvernement. Par le passé, le gouvernement a justement eu recours à cette caisse pour transférer certaines sommes d'argent au Trésor afin de payer toutes sortes de choses, y compris le remboursement de la dette et, dans certains cas, des dégrèvements fiscaux considérables pour les grandes entreprises. Mais on n'a vraiment pris en considération les besoins des travailleurs qui se trouvent dans une situation particulière, comme celles que vous évoquez aujourd'hui.
    Ai-je bien compris?

[Français]

    Les prestations d'assurance-emploi sont payées à même les cotisations que les travailleuses, les travailleurs et les employeurs ont mises dans la caisse. Le gouvernement n'a pas versé d'argent dans cette caisse. Les prestations qui sont demandées pour ce régime d'assurance le sont à partir des contributions des employeurs et des travailleurs. Les coûts sont liés aux contributions et aux cotisations qu'ont faites les deux parties. Le gouvernement n'a pas mis d'argent dans la caisse de l'assurance-emploi.

[Traduction]

    Ma prochaine question concerne l'époque où le programme d'assurance-chômage a été mis sur pied. Il me semble qu'au départ, ce programme devait atteindre deux objectifs: premièrement, garantir aux travailleurs qui avaient perdu leur emploi un certain revenu pendant qu'ils cherchaient un autre travail, et deuxièmement, éviter que les travailleurs fassent faillite, ce qui coûte très cher à l'ensemble du régime.
    Par ailleurs, ce programme a été créé afin que les entreprises ne soient pas traînées devant les tribunaux en raison de conflits avec des employés qui avaient perdu leurs emplois. Cette caisse devait donc permettre aux entreprises de faciliter la transition à leurs employés ou encore de les garder chez elles en attendant que l'économie devienne plus prospère, quitte à les réengager à ce moment-là.
    Donc, au moment où le programme d'assurance-chômage a été créé, les deux parties devaient en bénéficier.
    Vous demandez simplement que nous continuions à l'améliorer dans ce même esprit, au profit des travailleurs notamment. Vous demandez la création d'une période de transition, à la fin d'une grève, si la compagnie ne réengage pas les travailleurs ou si elle ferme ses portes tout simplement, pour que les travailleurs puissent avoir de quoi vivre en attendant de trouver un autre emploi ou d'être réengagés par la même entreprise, si elle reprend ses activités commerciales.
    C'est bien cela?

  (1700)  

[Français]

    Avez-vous compris? Pour ma part, j'ai eu de la difficulté à suivre la traduction. Quoi qu'il en soit, il est clair pour nous que les prestations d'assurance-emploi versées aux travailleurs et travailleuses ayant perdu leur emploi ont d'abord pour objectif de leur permettre de ne pas faire faillite. Comme on l'a dit très souvent, c'est aussi une mesure hautement structurante pour l'économie locale, là où ont lieu les mises à pied et les pertes d'emploi. Elle permet de préserver la vie économique dans ces régions. En ce sens, nous pensons que c'est une mesure importante et structurante.
    Ce n'est pas toujours évident pour les dirigeants d'une entreprise d'être forcés de mettre à pied un travailleur très qualifié. Ils craignent toujours que le travailleur ne s'exile pour aller travailler ailleurs et qu'il ne soit plus là au moment où l'entreprise sera en mesure de reprendre ses activités. À Lebel-sur-Quévillon, si les travailleurs avaient eu droit à l'assurance-emploi dès la fin du lock-out ou de la fermeture définitive de l'entreprise, plusieurs d'entre eux seraient restés. En effet, la municipalité a fait beaucoup d'efforts pour essayer de redémarrer l'entreprise. Cependant, toutes les entreprises qui ont été approchées se sont rendu compte que la plupart des employés compétents de Domtar, par exemple, avaient quitté la municipalité. Dans cette ville isolée, faire revenir les effectifs compétents une fois qu'ils étaient partis n'était pas évident. Compte tenu de ce qu'ils venaient de vivre, c'était encore plus difficile. S'ils avaient reçu de l'assurance-emploi, la plupart de ces travailleurs seraient probablement restés et auraient aidé la municipalité à tenter de redémarrer l'entreprise. C'est un point de vue hautement économique.

[Traduction]

    Il me semble qu'il s'agit là de l'évolution naturelle d'un régime qui a été mis sur pied, me semble-t-il, pour protéger les travailleurs et les entreprise.
    Avant Noël, nous avons adopté une mesure visant à élargir le programme d'assurance-emploi de façon à y inclure les travailleurs autonomes qui désirent y cotiser. Je pense qu'ils ont fait la même chose au Québec. Il s'agissait là d'un changement qui a permis d'inclure plus de travailleurs, de façon à ce que le programme soit plus utile. Je trouve donc logique de faire la même chose dans ce cas-ci, puisque vous avez mis le doigt sur une situation où les travailleurs ont besoin d'aide, et je pense que cette mesure serait d'une utilité générale. Je n'ai pas de raison de penser que nous ne devrions pas appuyer la mesure proposée.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La parole est à M. Lobb.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier nos témoins d'avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd'hui.
    Pour la gouverne du comité, pourriez-vous me dire combien de temps a duré le conflit de travail le plus long qu'il y ait eu jusqu'ici? C'est par curiosité que je vous pose la question.

[Français]

    Dans le cas du Journal de Montréal, on parle d'un lock-out qui dure depuis plus d'un an. Je crois que c'est le seul long conflit, à l'heure actuelle. Des pertes d'emploi vont en résulter.

[Traduction]

    Avez-vous dit qu'il a duré un an?

  (1705)  

[Français]

    Plus d'un an.

[Traduction]

    Donc, ce conflit n'est toujours pas réglé. Le projet de loi qui est proposé vise des situations très rares. Je pense que nous sommes tous d'accord à ce sujet. Ce n'est pas le genre de choses qui va se produire toutes les semaines. En tout cas, espérons que non.
    Donc, si on s'appuie sur l'exemple du conflit de travail de Montréal dont nous venons de parler, mon propos est simplement que ce projet de loi ne va peut-être pas beaucoup aider ces travailleurs. Il est proposé de prolonger la période de référence, jusqu'à un maximum de 104 semaines, mais je me demande pourquoi on ne propose pas de l'étendre à 1 004 semaines. Je me pose la question. Peut-être pourriez-vous réagir.
    Il est évident que nous parlons d'une mesure très spécifique qui vise une population particulière. Mais nous venons d'évoquer un cas où ce projet de loi n'aiderait peut-être pas les travailleurs qu'il vise à aider. Peut-être pourriez-vous me fournir des éclaircissements à ce sujet, car j'ai l'impression que le projet de loi qui est proposé ne va peut-être pas aider les personnes qu'il cherche à aider. Aidez-moi donc à comprendre, je vous prie.

[Français]

    Nous disons deux choses. Tout d'abord, les conflits de travail devraient faire partie des mesures d'exception. On ne comprend pas que cela puisse ne pas faire partie des mesures d'exception.
    D'autre part, même si on introduisait cette exception tout de suite ou demain, on n'aurait pas réglé le problème de Lebel-sur-Quévillon. C'est assez clair, même si demain matin on introduisait cette exception, cela ne toucherait pas les conflits qui durent depuis plus de deux ans.
    C'est pourquoi nous disons qu'il faudrait aussi adopter une mesure d'exception relative à la mesure de référence et à la prolongation de la mesure de référence. Il faut la prolonger, parce qu'on ne toucherait pas à des cas encore plus rares, comme celui de Lebel-sur-Quévillon.
    Puis-je compléter?

[Traduction]

    Je vous en prie.

[Français]

    Je vous remercie. Dans le cas qui nous concerne, il n'est pas question de protéger antérieurement, mais c'est une question de justice. Cette question est apparue à cause de l'application de l'administration moderne des entreprises. Un tel fait n'avait pas été prévu par le législateur lorsque la loi originale a été déposée.
    En tant que législateurs, nous sommes là pour corriger les injustices possibles dans des lois. Il s'agit d'une injustice flagrante, apparue justement à la suite de ce conflit. Vivre un tel conflit ne protège personne d'autre. Ce conflit est arrivé. Le conflit au Journal de Montréal n'est toujours pas réglé. Ça peut s'éterniser. Supposons que le conflit au Journal de Montréal se poursuive encore 13 mois. Il excéderait alors la période qui lui donne droit à l'assurance-emploi, et on vivrait le même problème que celui vécu à Lebel-sur-Quévillon. C'est pour éviter que de tels problèmes surviennent dans le futur.
    Par exemple, prenons le paragraphe 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi qui est modifié. On dit que malgré le paragraphe 7, une prolongation de la période de référence peut équivaloir à la durée de la période de chômage en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif. On parle de toute la période du conflit collectif. C'est de cette durée que doit être prolongée la période de référence.
    Expliquons-le autrement, si vous voulez. À partir du moment où le conflit est décrété...

[Traduction]

    Merci.
    J'ai une ou deux autres questions.
    Par rapport à cette notion de conflit de travail, en Ontario, du moins, on parle en anglais d'une grève sauvage, lorsqu'il s'agit d'une grève qui n'est pas déclarée à l'expiration d'une convention collective. Je ne sais pas exactement comment cela se traduit. On parle d'une situation où les travailleurs décident tout simplement de débrayer. Au cours de ma propre carrière, j'ai vécu cette situation, non pas comme travailleur syndiqué, mais plutôt comme membre de la direction. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'une grève sauvage constitue une expérience intéressante. Pourriez-vous me dire si, aux termes de ce projet de loi, une grève de ce genre serait considérée comme un conflit de travail?

[Français]

    Je n'ai pas compris le terme. Ah, vous parlez de grève sauvage.
    Il est clair qu'on intervient parce qu'on trouve le projet de loi intéressant. Je crois qu'il s'inscrit dans les lois qui existent actuellement. On parle de conflits de travail qui s'inscrivent dans le régime actuel de négociations et de relations de travail prévu dans les codes du travail existants, tant au Canada qu'au Québec. Il s'agit donc de conflits légaux.
    C'est déjà arrivé.

  (1710)  

[Traduction]

    J'ai à l'esprit un autre type de conflit de travail potentiel. Qu'arriverait-il si un employé estimait que les conditions de travail étaient dangereuses et exerçait son droit de refuser de travailler? Serait-ce considéré comme un conflit de travail? Supposons que les installations de l'entreprise n'ont pas été bien entretenues et qu'un conflit de travail surgit en raison des conditions de travail. Si un groupe d'employé ou l'ensemble des employés décidait d'exercer leur droit de refuser de travailler, serait-ce considéré comme un conflit de travail légal aux termes de ce projet de loi?
    Vous avez très peu de temps pour répondre.

[Français]

    Quand des travailleurs ou travailleuses jugent une situation dangereuse, des dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail leur permettent d'exercer un droit de refus, mais celui-ci n'est pas éternel. Évidemment, la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec fait enquête et rend une décision. C'est de cette façon que les choses se règlent. On ne parle pas de grève, ici.

[Traduction]

    Je suis désolée, monsieur Lobb, mais vos cinq minutes sont écoulées.
    Ce n'est pas sept minutes?
    Oui, désolée. C'est bien sept minutes, et vous les avez eues vos sept minutes.
    Et si on disait neuf minutes?
    Non, vous n'aurez pas neuf minutes, mais c'était une bonne tentative.
    Je remercie les témoins pour leur participation. Nous allons vous laisser partir maintenant, étant donné que nous avons quelques questions administratives à régler. Merci infiniment de votre présence et des renseignements que vous nous avez fournis.
    Merci.
    [Le comité poursuit ses travaux à huis clos.]
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