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FEWO Rapport du Comité

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LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES AUTOCHTONES

PRÉFACE

Le réveil
À mon réveil la nuit
Je sens mes yeux inondés de larmes
Pour un instant, je reste saisie
Me demande pourquoi mes rêves me font pleurer
Je m’écrase contre les ombres
Trébuche dans les couloirs vides
Ouvre doucement la radio
Je cherche un sens à tout cela
Je crie dans la nuit, entends les voix
Des images qui font mal sur le mur
Chacune hante mes souvenirs, répète que je ne suis rien
Les images m’effraient, je n’y peux rien
N’oublie pas qu’elles ne sont que des ombres, n’ont aucun pouvoir!
Je m’écrase donc contre les ombres
Me heurte aux murs nus
Cherche un battement de cœur rassurant
Dans les murs de béton froid
La guitare à cordes métalliques hurle
Résonne au cœur de mon âme
Atterrée parce que je ne rêve pas, luttant pour me tenir bien haute
Le combat enterre la voix de la raison
Les larmes me font croire
Que tout ceci est moi! « Réalisant » que « non, ce n’est pas moi »!
Je m’écrase donc contre les ombres
Me heurte aux murs nus
Ouvre doucement la radio
Je cherche un sens à tout cela
Puis la voix commence à fredonner un air doux à mon âme
Résonne à l’unisson, puis une femme me tend la main
Disant : « Ce n’est pas ta maison, pas tes amis, pas ton amant,
La vérité se trouve dans ta chanson »
« Nous avons tous besoin d’un peu d’aide
Quand on a l’impression de ramper!!! »
Je ne suis pas folle, je guéris et peux m’élever au-dessus du désespoir!
C’est la réalité, je ne rêve pas!
La vérité est que « tout cela me tient à cœur! »
Je ne suis pas folle, je guéris et peux m’élever au-dessus du désespoir!
Les larmes sont réelles, je ne rêve pas
La vérité est que « tout cela me tient à cœur! »
Chanson interprétée par Jo-Anne Hansen dans son témoignage devant le Comité permanent de la condition féminine, le 21 janvier 2011

INTRODUCTION

[…] sur la scène internationale et nationale, le Canada n’a pas bien traité les femmes autochtones. Cela ternit l'image du Canada et cela continuera de la ternir à moins que l'on fasse réellement quelque chose à ce sujet. On peut y arriver. C’est ce qui alimente mon espoir. Oui, il y a des mesures qui peuvent être prises dans les collectivités et par nos dirigeants, par chacun des parlementaires, et à tous les niveaux, pour reconnaître le problème et s’y attaquer, en tant que chefs de file canadiens, de sorte que cela se fasse[1].

En mars 2010, le Comité permanent de la condition féminine (ci-après le Comité) a adopté une motion afin de réaliser une étude sur la violence faite aux femmes autochtones. Il a entendu de nombreux témoins, notamment des représentants d’organismes autochtones, des universitaires, des fournisseurs de services et des femmes autochtones, pour :

  • mieux comprendre l’étendue et la nature de la violence;
  • examiner les causes fondamentales de la violence;
  • recommander des solutions après consultation et avec l’entière coopération des femmes autochtones.

Entre avril 2010 et février 2011, le Comité a entendu 150 témoins des quatre coins du Canada. Il a d’abord tenu trois réunions à Ottawa avec des représentants d’organismes nationaux autochtones, de ministères et d’autres intervenants. Au cours des premiers mois de l’étude, il a effectué des visites d’information dans des collectivités autochtones et urbaines dans les provinces de l’Est et du Centre du Canada, soit à Iqaluit (Nunavut), Labrador City (Terre-Neuve-et-Labrador), Fredericton (Nouveau-Brunswick) et Montréal, Québec et Maniwaki (Québec). En janvier 2011, il a poursuivi ses visites d’information dans l’Ouest à Sioux Lookout et Thunder Bay (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Prince Albert (Saskatchewan), Edmonton (Alberta), Vancouver et Williams Lake (Colombie-Britannique), ainsi qu’à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest). Au cours de ces visites, le Comité a rencontré les organismes locaux et les fournisseurs de services, notamment des refuges pour femmes et des centres d’amitié.

En s’entretenant avec des femmes autochtones dans les grands centres urbains, dans les petites collectivités, dans le Nord et dans les réserves, les membres du Comité ont été frappés par l’urgence de la situation que subissent tous les jours des femmes, des hommes et des enfants autochtones. La violence envers les femmes autochtones est beaucoup plus courante et beaucoup plus grave que celle qui est faite aux femmes non autochtones.

S’il y a quelque chose de plus choquant que la violence même, c’est le silence dans lequel se perpétue cette violence. Le plus honteux dans tout cela, c’est peut-être ce silence, de nous tous, la majorité, qui choisissons de faire la sourde oreille aux nombreux cas de filles et de mères autochtones disparues qui ne font jamais la une des journaux, ainsi qu’à la cascade de suicides qui ne suscitent même pas d’inquiétude et d’indignation dans la population non autochtone. Ce silence complice a pour effet de perpétuer la situation. Il dit que la situation ne nous concerne pas, que nous ne voulons pas nous en occuper et que nous ne ferons rien pour qu’elle cesse.

Nous, membres du Comité, voulons unir nos voix à celles des femmes fortes qui, malgré une vie bien remplie, sont venues nous rencontrer pour nous faire part de leurs récits; nous voulons que la situation cesse. Nous faisons nôtre le rêve des femmes autochtones qui donnent naissance à de nouveaux fils et à de nouvelles filles que leurs familles recevront le soutien nécessaire pour mener une vie exempte de violence et de racisme. En tant que représentants élus, nous reconnaissons que nous devons jouer un rôle de chef de file pour briser ce silence.

Le présent rapport provisoire est un premier pas vers l’élaboration du rapport intégral que le Comité compte publier sur la violence faite aux femmes autochtones. Dans ce rapport, le Comité mettra en évidence ce qu’il a entendu des témoins à Ottawa et un peu partout au pays. Se fondant sur leurs témoignages, il exposera certains principes directeurs qu’il convient d’appliquer pour rompre le cycle de la violence envers les femmes autochtones. Une liste complète des recommandations sera intégrée au rapport final du Comité.

Dans le présent rapport, le Comité veut faire place aux femmes et aux hommes qui lui ont fait part de leurs récits dans l’espoir que les choses changent. Il espère rendre justice aux témoignages de personnes comme Marilyn George, qui a dit au Comité :

Je suis donc ici dans l'espoir que la voix des femmes des Premières nations sera clairement entendue. Je parle au nom de ma fille, de mes cousines. Je parle pour celles que j'ai perdues dans le passé, qui se sont suicidées à cause de la violence conjugale et des autres agressions dont ont été victimes de nombreuses femmes dans nos communautés[2].

MAINTES FORMES DE VIOLENCE

La violence chez les femmes autochtones est un mal répandu, qui est exacerbé par le racisme systémique et institutionnalisé, de même que les effets de la violence historique, entre autres, les pensionnats indiens, la Loi sur les Indiens et les autres héritages de la colonisation […] Pour de nombreuses femmes autochtones, la violence est une réalité quotidienne, et beaucoup trop d'entre elles ont été assassinées ou se sont enlevé la vie. De nombreux gouvernements ont financé des études dans ce dossier, mais très peu d'entre eux ont donné suite aux rapports et investi dans des solutions à long terme au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. Combien d'autres femmes devront mourir avant que l'on prenne des mesures concrètes[3]?

Il y a beaucoup de diversité chez les femmes autochtones. Certaines sont membres des Premières nations, d’autres sont métisses ou inuites. Certaines vivent dans des réserves, mais un plus grand nombre vivent à l’extérieur, dans des villes et municipalités du Canada. Selon Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), il y a plus de 100 000 femmes membres des Premières nations âgées d’au moins 15 ans qui vivent dans des réserves, près de 330 000 qui sont établies en dehors des réserves, environ 135 000 métisses et 16 000 inuites. En dépit de leur grande diversité, les peuples autochtones risquent beaucoup plus que les non-Autochtones d’être victimes de crimes violents et de violence conjugale[4]. Statistique Canada indique que 24 % des femmes autochtones ont déclaré avoir été victimes de violence conjugale en 2004, soit trois fois plus que le taux enregistré chez les femmes non autochtones (7 %). En outre, elles risquaient beaucoup plus que les femmes non autochtones de faire l’expérience des formes de violence les plus graves pouvant menacer leur vie, comme être battues ou étranglées, être menacées avec une arme à feu ou un couteau, ou être agressées sexuellement. Selon Statistique Canada, les femmes autochtones risquent également sept fois plus d’être victimes d’un homicide que les femmes non autochtones au Canada. Les recherches effectuées par l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) montrent que les femmes et les filles autochtones risquent autant d’être tuées par un étranger ou une connaissance que par un partenaire intime, alors que les homicides de femmes non autochtones au Canada sont souvent l’œuvre d’un partenaire intime.

Selon l’AFAC, plus de 500 femmes et filles autochtones ont été portées disparues ou assassinées au cours des 30 dernières années au Canada. Le Comité a rencontré des membres des familles de certaines d’entre elles au cours de ses déplacements au pays.

Des témoins ont attiré l’attention du Comité sur le taux de prévalence élevé de la violence dans les collectivités autochtones, sur la banalisation de la violence et sur la stigmatisation qui frappe ceux qui la dénoncent. La violence est principalement dirigée vers les femmes, mais beaucoup d’hommes sont aussi victimes de violence sous différentes formes. Des témoins ont fait remarquer que, dans de nombreuses collectivités, la violence est un phénomène intergénérationnel normalisé qui n’est jamais abordé ouvertement. Selon certains témoins, il est difficile de dire si ce problème est en hausse ou en baisse — dans maintes collectivités, il est chronique et endémique.

Partout où s’est rendu le Comité, des témoins ont abordé les causes fondamentales de la violence envers les femmes, dont la colonisation et le système de pensionnats. Ils voyaient dans l’acculturation qui en a résulté une manifestation non négligeable de la violence faite aux femmes et aux hommes autochtones. Partout, il a été question du lien entre l’acculturation et la violence. Par exemple, le Comité a appris que la perte de leur rôle a suscité chez les hommes inuits un sentiment de frustration qui se manifeste de différentes façons, notamment par la violence.

Au Nunavut, des témoins ont expliqué que, dans leur culture, les hommes exerçaient un rôle honorable de chasseurs et de pourvoyeurs de la famille, tandis que les femmes occupaient une place importante au sein de la famille et de la communauté. Les hommes ont été plus durement touchés par l’adoption d’un modèle de société eurocentrique. Ces témoins estimaient que les hommes ne s’étaient pas faits à la transition et qu’ils se trouvaient en porte-à-faux entre les deux cultures; ils abandonnaient l’école, étaient incapables de garder un emploi et de subvenir aux besoins de la famille. Ils étaient profondément désenchantés et cela se traduisait par des actes de violence entre hommes et contre les femmes.

Le rôle des femmes dans la famille a subi moins de bouleversements au fil du temps de sorte que les femmes ont peut-être été moins frappées que les hommes par le choc culturel. Au dire de témoins, la réappropriation culturelle constitue un élément clé du processus consistant à rétablir la santé des individus et la sécurité des collectivités. On a dit au Comité que les Autochtones ont besoin d’un système d’éducation qui promeut le savoir autochtone, tel qu’il leur est transmis dans leur propre langue. Il est également nécessaire de renseigner la population sur les peuples autochtones et sur leur histoire afin de dissiper les stéréotypes négatifs et les fausses perceptions.

Des témoins ont rappelé au Comité que les questions qu’ils soulevaient n’avaient rien de nouveau. Le Comité reconnaît que la situation n’est pas nouvelle; les témoignages qu’il a reçus reflètent les conclusions des rapports déjà publiés sur la question, dont le Rapport de la Commission royale d'enquête sur les Peuples autochtones (1996). Ce rapport fait état d’un certain nombre de facteurs liés à la violence dans les collectivités autochtones, dont la discrimination systémique à l’endroit des peuples autochtones, les privations économiques et sociales, l’abus d’alcool ou de drogues, le cycle intergénérationnel de la violence, l’effondrement de la vie familiale saine résultant des séjours dans les pensionnats, le racisme à l’endroit des peuples autochtones, l’impact de la colonisation sur les valeurs et la culture autochtones, ainsi que les logements surpeuplés et inférieurs aux normes.

Partout au pays, les témoins ont insisté sur l’adoption de deux approches fondamentales en vue de réduire la violence faite aux femmes autochtones :

  • une approche globale concertée contre la violence envers les femmes;
  • l’établissement de priorités et de solutions adaptées aux circonstances propres à chacune des collectivités.

De nombreux témoins estimaient que la violence envers les femmes était une manifestation de la violence très répandue dans leurs collectivités. Dans la société en général, la violence familiale est considérée comme un problème touchant les femmes; cependant, partout où s’est rendu le Comité, des témoins ont mentionné qu’il fallait adopter une approche globale pour lutter contre la violence. Ils ont insisté sur l’importance de la cellule familiale et sur la nécessité d’offrir des services non seulement aux femmes violentées, mais également aux hommes violents. Ils ont exhorté le Comité à adopter une approche globale au problème de la violence envers les femmes autochtones, une approche qui tient compte des problèmes systémiques plus profonds, tels la pauvreté, les piètres conditions de logement et le racisme.

Partout, des témoins ont mentionné qu’il fallait aider les collectivités à se doter des outils nécessaires pour trouver leurs propres solutions au lieu de leur imposer un modèle universel. Ils ont souligné l’importance qu’ont les programmes adaptés à la culture et le rôle de direction que peuvent assumer les collectivités autochtones dans l’élaboration des programmes, des services et des ressources.

Ces deux idées maîtresses formeront les principes directeurs sur lesquels se fondera le Comité pour formuler des recommandations dans son rapport final.

LA VOIE À SUIVRE : PRINCIPES DIRECTEURS

Des témoins ont vivement recommandé au Comité d’utiliser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[5] (la Déclaration) comme cadre pour l’élimination de la violence faite aux femmes autochtones. Approuvée par le Canada en novembre 2010, cette déclaration établit « les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde[6] ». Et à l’article 22 de la Déclaration, il est indiqué : « Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues[7]. »

En appuyant la Déclaration, le Canada a « réaffirm[é] sa volonté de nouer avec les Inuits, les Premières nations et les Métis une relation fructueuse, constructive et fondée sur notre histoire commune, le respect et le désir de faire face à l'avenir ensemble, et ce, pour accroître le bien-être des Autochtones canadiens[8] ». S’inspirant de cette déclaration, le Comité souhaite mettre en valeur les principes d’une approche globale dirigée par les Autochtones dans les recommandations qu’il présentera dans son rapport final sur la violence faite aux femmes autochtones.

A. Écouter ce que les peuples autochtones ont à dire et habiliter les collectivités

Nous devons leur montrer, par nos actions, que nous leur faisons confiance, que nous reconnaissons leurs droits et que nous avons foi en leur capacité d'assumer un leadership et de représenter les femmes. Nous devons écouter ce qu'elles ont à dire et répondre à leurs attentes[9].

Le Comité juge important de collaborer avec les Autochtones pour trouver des solutions au problème de la violence dans leurs collectivités. Dans l’allocution qu’il a prononcée le 11 juin 2008 pour présenter des excuses relativement aux pensionnats indiens, le premier ministre, le très honorable Stephen Harper, a indiqué que le système des pensionnats indiens reposait sur « l’hypothèse que les cultures et les croyances spirituelles des Autochtones étaient inférieures […] Aujourd’hui, nous reconnaissons que cette politique d’assimilation était erronée, qu’elle a fait beaucoup de mal et qu’elle n’a aucune place dans notre pays[10]. » De l’avis du Comité, il est nécessaire de le reconnaître pour aller de l’avant.

Le respect de la culture et des croyances autochtones exige que nous prêtions l’oreille à ce que les Autochtones ont à dire et que nous résistions à la tentation d’imposer des solutions à leurs collectivités. Conformément à la Déclaration, le Canada doit reconnaître le droit des peuples autochtones à collaborer activement à l’élaboration des programmes et des politiques qui les touchent :

Article 19
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Article 23
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’élaborer des priorités et des stratégies en vue d’exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d’être activement associés à l’élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d’autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l’intermédiaire de leurs propres institutions.

À Winnipeg, le Comité s’est rendu au Centre Ma Mawi Wi Chi Itata, qui sert de point de rencontre à la communauté autochtone urbaine de la ville. C’était un lieu florissant où se réunissaient enfants, jeunes et familles autochtones. Le Centre part du principe que la communauté a la capacité et la force d’accomplir de grandes choses, et c’est ce qui en fait le succès. Il considère qu’il doit mettre à profit les forces de chacun; il cherche à répondre aux besoins déterminés par la communauté et non pas à ceux qu’il croit cerner chez les gens. Le personnel du Centre se joint à la communauté pour trouver des solutions et des programmes, puis il en confie la direction aux membres de la communauté. En fin de compte, ces programmes donnent d’excellents résultats parce qu’ils répondent non pas aux besoins perçus, mais aux besoins véritables de la communauté, et parce qu’ils sont orientés vers les points forts plutôt que vers les problèmes.

Le Centre Ma Mawi Wi Chi Itata est un exemple vivant de ce que demandent les témoins des quatre coins du pays, c’est-à-dire la capacité de définir leurs besoins les plus criants, de mettre en œuvre des solutions adaptées à leurs collectivités et de trouver des moyens de tirer parti de leurs forces pour satisfaire aux besoins des collectivités.

B. Approche globale concertée pour lutter contre la violence faite aux femmes

Un changement de cette importance ne peut être mis en œuvre par une réforme partielle des programmes et services existants — malgré l'utilité d'une telle réforme. Il faut poser un geste officiel manifestant une intention nationale — une déclaration d'intention symbolique mais substantielle, accompagnée des lois nécessaires à sa mise en pratique[11].

Le Comité comprend qu’il n’est pas possible de lutter contre la violence faite aux femmes autochtones sans s’attaquer aux autres systèmes qui rendent les femmes vulnérables à la violence et qui font qu’il leur est difficile d’y échapper. Il faut donc une approche globale concertée pour lutter contre la violence envers les femmes autochtones. La vulnérabilité de celles-ci n’a rien de nouveau : elle est chronique.

Durant son dernier examen qui portait sur le Canada, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a formulé des recommandations pour le Canada en ce qui a trait à la violence envers les femmes et, plus particulièrement, les femmes autochtones portées disparues ou victimes de meurtres. Le Comité constate que les témoignages qu’il a entendus au sujet de la violence faite aux femmes autochtones confirment les conclusions du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes :

[…]les femmes autochtones du Canada continuent de vivre dans des conditions misérables : taux de pauvreté élevés, santé médiocre, logement inadéquat, absence d’accès à l’eau potable, faible taux de réussite à l’école et taux élevés de violence. Elles sont sous-représentées dans tous les domaines du marché du travail, en particulier aux niveaux élevés et aux postes de décision, souffrent davantage du chômage et subissent par rapport aux hommes des écarts de salaire horaire plus élevés[12].

Le Comité compte situer la question de la violence dans ce contexte plus large. En préparant son rapport final, il tiendra compte de la demande des témoins au sujet de l’établissement d’un plan d’action national par le gouvernement fédéral, réitérant à cet effet la proposition du Comité des Nations Unies selon laquelle le Canada devrait :

[É]labore[r] un plan spécifique intégré couvrant la situation particulière des femmes autochtones, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, […] traitant notamment les questions relatives à leur pauvreté, leur état de santé médiocre, leurs mauvaises conditions de logement, leur faible taux de réussite à l’école, leur faible taux d’emploi et de revenu[13].

On associait généralement la violence envers les femmes autochtones à l’effondrement global de la collectivité causé par l’incidence de la colonisation et des pensionnats sur les générations, de même que par le racisme systémique qui place encore les Autochtones au ban de la société. Le Comité a longuement entendu parler de la violence que subissent les femmes autochtones de la part de membres de leurs familles et d’étrangers. Des faits troublants l’amènent à croire que la discrimination et le racisme envers les Autochtones sont largement répandus dans certaines villes et qu’ils sont parfois l’œuvre des propriétaires, de la police ainsi que des services sociaux et de santé.

Le Comité n’oublie pas que la Déclaration engage le Canada comme suit :

Article 21
1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d’aucune sorte, à l’amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.
2. Les États prennent des mesures efficaces et, selon qu’il conviendra, des mesures spéciales pour assurer une amélioration continue de la situation économique et sociale des peuples autochtones. Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins particuliers des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones.

De l’avis du Comité, la lutte contre la violence faite aux femmes autochtones exige des interventions stratégiques, coordonnées sur différents fronts. Il faut notamment s’attaquer aux problèmes concernant la pauvreté, le bien-être des enfants, la disparition et le meurtre de femmes autochtones, le système de justice, le rétablissement des communautés, des familles et des gens, le logement, l’habilitation des dirigeantes autochtones et le racisme. Le Comité s’est fait dire aussi que les gouvernements fédéral et provinciaux/territoriaux doivent coordonner leurs efforts.

Conscient de la nécessité d’œuvrer sur plusieurs fronts, le Comité examine maintenant chaque aspect de la situation.

PAUVRETÉ

La pauvreté joue un rôle central dans la violence exercée à l’endroit des femmes autochtones. En fait, de nombreux témoins étaient d’avis que la pauvreté était le facteur le plus important.

D’abord, la pauvreté et le chômage peuvent mettre à l’épreuve les relations et augmenter le risque de violence, en particulier s’ils se conjuguent à d’autres facteurs de stress comme des logements surpeuplés. Le Comité a appris que « pour les femmes vivant dans la pauvreté, le manque d'accès à des logements sûrs et abordables constitue un obstacle majeur pour prévenir la violence ou y échapper et permettre aux femmes et à leurs enfants de vivre en toute sécurité[14] ».

La pauvreté a plusieurs visages. D’une part, le Comité a appris que le niveau d’assistance sociale n’est pas suffisamment élevé pour couvrir les dépenses de subsistance, comme le logement et la nourriture. Bien qu’il s’agisse d’un domaine de compétence provinciale, des témoins ont rappelé au Comité que les Nations Unies ont reproché au Canada son faible niveau d’aide au revenu. D’autre part, les mères seules qui touchent le salaire minimum ont du mal à joindre les deux bouts en raison du manque de services de garde d’enfants abordables. Pour ces raisons, bien des gens ont de la difficulté à se sortir de la pauvreté.

La pauvreté est décrite comme l’une des causes profondes de la violence quotidienne dont sont victimes les femmes autochtones. Comme un témoin l’a expliqué :

La pauvreté semble être la mère de tous les maux. Il est très difficile pour une femme de quitter une situation d'abus lorsqu'elle ne sait pas si elle pourra trouver un logement, lorsqu'elle vit de l'aide sociale — laquelle […] n'est pas suffisante pour subvenir à ses propres besoins sans compter ceux des enfants — et lorsque les ressources sont déficientes[15].

Des témoins ont parlé du « cercle vicieux » de la pauvreté, de la toxicomanie et de la prostitution dans lequel se retrouvent des femmes autochtones. Dans certaines villes où s’est rendu le Comité, des témoins établissaient un lien entre le taux de pauvreté élevée et la surreprésentation des femmes autochtones dans le commerce du sexe. Dawn Harvard, de l’Ontario Native Women's Association, a expliqué :

[…] bon nombre sont obligées d’accepter de vivre dans des conditions non sécuritaires pour éviter de se retrouver dans la rue, ce qui serait encore plus dangereux, ou dans des situations dans lesquelles leur vie est menacée. Beaucoup d'entre elles se tournent vers la prostitution, où elles sont obligées de vendre leur corps aux coins des rues pour essayer de nourrir leur famille. Personne ne devrait être placé dans cette situation, mais cela les rend terriblement vulnérables, ce qui contribue aux taux extrêmement élevés de violence[16].

AIDE À L’ENFANCE

Des témoins ont parlé du lien entre les services d’aide à l’enfance et la violence faite aux femmes autochtones. Ils ont dit au Comité que les femmes victimes de violence évitaient souvent de recourir aux organismes offrant des services de santé et sociaux de crainte que les responsables des services d’aide à l’enfance ne leur enlèvent leurs enfants. C’est ce qu’a expliqué Darcie Bennett, directrice de campagnes pour la Pivot Legal Society :

L’influence de la violence masculine dans leur vie, c’est ce qui ressort principalement de notre dernier projet auprès des femmes ayant eu affaire avec des organismes de protection de la jeunesse. Les femmes réagissent de diverses façons, mais avant tout, elles craignent de faire appel à la police en cas de violence familiale parce que des enfants ont déjà été appréhendés[17].

Des femmes autochtones qui comptaient sur le faible taux de prestations d’aide sociale se voyaient dans l’incapacité de s’offrir un logement sûr et adéquat et devaient opter soit pour un logement adéquat, soit pour de la nourriture; dans un cas comme dans l’autre, elles risquaient d’attirer l’attention des services d’aide à l’enfance pour négligence. En fait, dans tout le pays, des témoins ont dit au Comité que les enfants étaient souvent confiés aux soins des services d’aide à l’enfance et à la famille non pas parce qu’ils avaient été victimes d’abus, mais parce que les familles ne pouvaient subvenir à leurs besoins.

On a signalé au Comité que les coûts des services d’aide à l’enfance et à la famille offerts aux Premières nations avaient considérablement augmenté. AINC a indiqué qu’il avait « plus que doublé les fonds versés à ces fournisseurs de services au cours de la dernière décennie : d'environ 238 millions de dollars en 1998-1999, ils sont passés à environ 550 millions en 2008-2009[18] ». Des témoins étaient d’avis que les fonds devraient être affectés à la prévention et aux mesures de soutien plutôt qu’à la garde d’enfants en foyer d’accueil ou de groupe. Le témoignage de Donald Langford, directeur principal, Métis Child and Family Services Society, témoignait du mécontentement généralisé parmi les témoins :

Je verse 6 000 $ non imposables à certains de mes parents de famille d’accueil qui s’occupent de quatre ou cinq enfants. Imaginez comment ces familles pourraient vivre si nous leur donnions 2 000 $, que nous leur offrions de la supervision, des conseils et de l’aide. Nous mettons l'argent au mauvais endroit[19].

Déterminés à faire en sorte que la prise en charge des enfants devienne le dernier recours, les Services communautaires et familiaux du programme de protection de l’enfance de la Yellowknife Health and Social Services Authority offrent parfois une aide financière directe aux familles à faible revenu. Voici ce qu’a dit Sheila Nelson, gestionnaire du programme, à ce sujet :

C’est peut-être très difficile à croire, mais c’est en tout dernier recours que nous séparons l'enfant et sa mère qui a quitté une relation de maltraitance. Nous consacrons des sommes considérables pour aider les familles aux revenus très modestes, et, parfois, le soutien du revenu ne suffit pas. Il n’est pas rare que nous distribuions régulièrement des cartes-cadeaux[20].

Mme Nelson a aussi indiqué que son service paiera les factures de services publics et les arriérés de loyers pour que les familles puissent disposer d’un logement convenable et sûr.

Des témoins ont fait part d’autres sujets de mécontentement reliés au système d’aide à l’enfance. Par exemple, les services d’aide à l’enfance et à la famille dans les réserves ne reçoivent pas de fonds pour offrir des services aux membres de la collectivité qui sont à l’extérieur de la réserve; quant aux services prévus à l’extérieur des réserves, ils sont rarement adaptés aux réalités culturelles des Autochtones.

Le Comité a appris de plusieurs témoins que les jeunes femmes qui ont été prises en charge par le système d’aide à l’enfance étaient plus enclines à adopter des comportements présentant un risque élevé et les exposant à la violence. Le témoignage de Melanie Nimmo, professeure adjointe de justice criminelle à l’Université de Winnipeg et membre du conseil d’administration de la John Howard Society du Manitoba, est révélateur de ce que le Comité a entendu :

Pour ce qui est de ce qui se passe dans le réseau des foyers d’accueil, ce n'est pas comme si ces enfants étaient placés dans un environnement sain où l'on prend soin d’eux […] Le nombre de placements que vivent ces jeunes filles qui ont été exploitées sexuellement est effarant. En l’occurrence, penser qu’elles peuvent avoir un certain sentiment de valeur personnelle et d'estime de soi, compte tenu des conditions dans lesquelles elles vivent à la maison et dans la rue […] C’est vraiment déconcertant[21].

Selon les statistiques, les enfants des Premières nations sont surreprésentés dans le système d’aide à l’enfance. Au 31 mars 2010, environ 8 682 enfants dans les réserves (5,4 %) étaient pris en charge à l’extérieur du foyer parental. Cette proportion était près de huit fois plus élevée que celle établie pour les enfants vivant à l’extérieur des réserves[22]. En outre, elle ne représentait pas le nombre total d’enfants autochtones pris en charge parce qu’elle excluait les enfants autochtones (métis, inuits et membres des Premières nations à l’extérieur des réserves) qui étaient placés sous la tutelle des services d’aide à l’enfance des provinces et des territoires.

Le Comité était consterné d’apprendre qu’« [a]ujourd'hui, il y a trois fois plus d'enfants des Premières nations pris en charge par les organismes de protection de l'enfance qu'il n'y en avait à l'apogée de la période des pensionnats indiens[23] ». Des témoins lui ont fait savoir que le système d’aide à l’enfance était l’équivalent moderne des pensionnats et ils ont laissé entendre qu’il serait difficile de mettre fin à la violence dans les collectivités autochtones tant et aussi longtemps que des enfants seraient retirés de leur famille.

Le Comité a tenu à Ottawa une réunion de suivi sur l’aide à l’enfance avec des fonctionnaires et des représentants de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Les témoignages recueillis lors de cette réunion seront pris en compte dans les recommandations que présentera le Comité dans son rapport final sur la violence faite aux femmes autochtones.

FEMMES AUTOCHTONES PORTÉES DISPARUES ET ASSASSINÉES

[…] ces femmes […] Il s’agit de mères, de filles, de grands-mères, de tantes et de cousines. Il existe en effet deux grands facteurs qui unissent ces femmes et ces jeunes filles autochtones ayant disparu ou ayant été assassinées : elles étaient des femmes autochtones et elles étaient toutes aimées et appréciées de leurs familles[24].

Dans le cadre du projet de recherche et d’éducation Sœurs par l’esprit, l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) a recueilli des renseignements sur le nombre démesurément élevé de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées au Canada[25]. Le rapport final de ce projet de recherche fait état de la disparition ou du décès de plus de 580 femmes et filles autochtones au Canada. De ce nombre, 153 ont été assassinées entre 2000 et 2008, selon le rapport des Sœurs par l’esprit. En comparaison avec les femmes non autochtones, les femmes autochtones courent plus de risque d’être victimes d’un homicide; elles représentent environ 10 % du nombre total de femmes victimes d’homicides au Canada bien qu’elles ne constituent que 3 % de la population de femmes au Canada[26]. Elles courent également plus de risque d’être assassinées par un étranger[27]. Enfin, leurs meurtriers risquent beaucoup moins d’être condamnés[28].

Partout au pays, des témoins ont parlé au Comité d’amies et de membres de la famille portées disparues ou assassinées — des affiches montrant une fille disparue ont été distribuées, une présentation a été dédiée à une cousine tuée et il a été question d’amies disparues et assassinées.

On a rappelé au Comité que cette question retenait l’attention à l’échelle internationale et nationale depuis une décennie. En voici des exemples :

  • Amnistie Internationale a publié deux rapports, un en 2004 et l’autre en 2009, sur la question des femmes autochtones portées disparues et assassinées au Canada et sur la nécessité de protéger leurs droits[29].
  • En octobre 2008, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a exhorté le Canada à examiner les affaires de disparition ou de meurtre de femmes autochtones et à remédier aux carences du système ayant entraîné l’absence d’enquêtes[30].

Selon des témoins, si un pourcentage équivalent de femmes non autochtones avaient été portées disparues ou assassinées, les Canadiens auraient été indignés et auraient exigé des mesures immédiates. En 2008, à l’époque où elle était présidente de l’AFAC, Beverley Jacobs a affirmé devant une classe d’étudiants de l’Université de Western Ontario que si le même pourcentage de femmes non autochtones étaient portées disparues ou assassinées, leur nombre atteindrait le niveau astronomique de 18 000[31].

Des témoins sont d’avis que parce que la société est indifférente à leur sort, les femmes autochtones risquent davantage d’être victimes d’actes de violence dirigés contre elles de la part d’étrangers ou de connaissances. Comme l’a expliqué un témoin, les femmes autochtones sont « en quelque sorte ciblées[32] ». L’affaire Picton à Vancouver illustre les horribles conséquences d’une intervention inadéquate lors de la disparition de femmes, dont la plupart étaient autochtones. À l’instar de nombreux témoins, le Comité est convaincu qu’il faut intervenir le plus rapidement possible dans toutes les affaires de meurtre ou de disparition de femmes autochtones et qu’il faut prodiguer le soutien nécessaire à leurs familles.

Vu l’ampleur de la situation, des témoins ont demandé que le gouvernement du Canada ouvre une enquête publique indépendante sur la question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues au Canada.

On a dit au Comité que la police ne prenait pas au sérieux les déclarations concernant la disparition et le meurtre de femmes autochtones; on a fait état de retards dans les enquêtes et du manque d’efforts investis dans les recherches et les appels lancés au public. Certains témoins ont indiqué que le racisme et le sexisme persistaient au sein de certains corps policiers tandis que d’autres constataient que des efforts considérables étaient déployés pour sensibiliser les agents de police aux réalités culturelles et pour nouer des relations de travail avec des organismes autochtones. Des témoins ont demandé que les services de police soient tenus responsables de la mauvaise gestion des enquêtes sur la disparition et le meurtre de femmes autochtones.

Le Comité a également appris que les policiers dans les réserves n’ont pas toujours la formation ou les ressources nécessaires pour intervenir dans les situations de violence à l’endroit de femmes autochtones. Les querelles de compétence entre les forces de police dans les réserves, les forces municipales ou provinciales et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) peuvent compromettre les enquêtes. Ellen Gabriel, présidente de Femmes Autochtones du Québec Inc., a demandé à la police d’appliquer la résolution qu’a adoptée en 2006 l’assemblée extraordinaire des chefs de police du Canada et par laquelle ils reconnaissent la nécessité d’élaborer un protocole spécial pour les affaires de meurtre et de disparition de femmes autochtones[33].

Des représentants de services de police ont renseigné le Comité sur des initiatives visant à prévenir les décès et les disparitions et prévoyant des enquêtes au sujet d’affaires non réglées :

  • Dans le cadre du projet E-PANA, créé en 2005, on cherche à élucider les cas de femmes portées disparues et assassinées le long de la route 16 dans le Nord de la Colombie-Britannique, communément appelé la route des pleurs.
  • En 2003, la GRC et les services de police partenaires au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta ont mis sur pied le Projet des personnes disparues à risque élevé pour donner suite aux préoccupations concernant les affaires d’homicide et de disparition non résolues.
  • Le projet KARE, la troisième étape du Programme des personnes disparues à risque élevé, est réalisé avec la collaboration des services de police d’Edmonton. Dans le cadre de ce projet, on enquête sur les causes de meurtre ou de disparition de personnes, en particulier des travailleuses du sexe dans la région d’Edmonton. Une équipe proactive crée des réseaux de communication avec des travailleuses du sexe et des organismes sociaux à des fins de prévention.
  • Le projet Disappear, établi en 2007 par l’Association des chefs de police du Manitoba, examine les données et veille à la normalisation provinciale des politiques et des procédures relatives aux personnes disparues.
  • Le Groupe de travail intégré pour les femmes disparues ou assassinées a été mis sur pied en 2009 par le gouvernement du Manitoba, la GRC et le Service de police de Winnipeg pour faire enquête sur les cas de femmes disparues ou assassinées.

Dans le budget de 2010, le gouvernement du Canada a prévu 10 millions de dollars sur deux ans pour l’avancement du dossier de la disparition et du meurtre de femmes autochtones, grâce à l’amélioration des mesures d’application de la loi et du système de justice. Indiquons à cet effet la création d’un nouveau centre national de soutien policier pour les personnes disparues, l’amélioration de la base de données du Centre d’information de la police canadienne et les modifications qui s’imposent au Code criminel[34].

Des témoins reconnaissaient que le projet Sœurs par l’esprit de l’AFAC avait contribué à sensibiliser la population à la disparition et au meurtre de femmes autochtones et avait permis d’établir un lien important entre les familles des victimes et les autorités. Le 3 février 2011, l’AFAC a fait part au Comité d’une entente de contribution conclue avec Condition féminine Canada, qui prévoit l’affectation de 500 000 dollars à un projet appelé Du constat aux actes I, lequel consistera à élaborer des outils et des stratégies pour permettre aux femmes autochtones et à leurs collectivités de briser le cycle de la violence. Le 25 février 2011, on a annoncé que l’AFAC recevra 1 890 844 dollars, répartis sur trois ans, pour réaliser le projet Du constat aux actes II, qui vise à aider les collectivités à prévenir la violence envers les femmes autochtones et à y réagir. Ce projet prévoit une formation pour les policiers, les enseignants, les représentants de la justice, les travailleurs de première ligne en santé, les fournisseurs de services sociaux et les dirigeants locaux[35].

Lorsque vous pensez à quelqu’un qui était présent dans votre vie et qui est porté disparu, vous espérez son retour tous les jours. Vous y pensez tous les jours. Il y a un traumatisme tous les jours. Lorsque vous êtes aux prises avec ce traumatisme et que vous essayez de vous faire à l'idée que quelqu’un est porté disparu et qu’il ne fait plus partie de votre vie, vous avez un sentiment de perte et de deuil. Ensuite, lorsqu’on découvre que la personne en question a été assassinée, il y a tout le processus de deuil. Quelqu’un que vous connaissez ne fait plus partie de votre vie[36].

Des témoins ont indiqué qu’il fallait offrir des services aux victimes et du soutien aux familles des femmes autochtones disparues et assassinées. La majorité de ces femmes étaient des mères et leur absence se répercute sur la génération de leurs enfants, qui font face à un deuil. Beverley Jacobs, ancienne présidente de l’AFAC, a fait savoir que les familles des femmes disparues et assassinées ont besoin de ressources pour les recherches, de fonds pour les services de guérison, de counselling pour les personnes endeuillées, de services d’accompagnement devant la police et les tribunaux et de fonds pour les rassemblements familiaux[37].

Les familles demandent aussi que la police les tienne régulièrement au courant de l’avancement des enquêtes. La chef Kennedy, de l’Assembly of Manitoba Chiefs, a indiqué qu’un accord avait été conclu entre l’assemblée et la GRC pour la création d’un poste d’agent de liaison communautaire des Premières nations en 2009. L’une des principales tâches de l’agent consiste à agir comme intermédiaire entre les parents de femmes disparues et assassinées et la police[38].

LA RÉPONSE DU SYSTÈME DE JUSTICE

La façon dont le système de justice traite la violence envers les femmes et les filles autochtones soulève de nombreuses préoccupations, notamment en ce qui concerne les systèmes policier, judiciaire et correctionnel.

L’inaction part de la police dans des cas de violence envers des femmes autochtones préoccupe des témoins. Dans les situations de violence conjugale, la police ne donne pas toujours suite rapidement aux appels d’aide. Des témoins ont indiqué qu’il arrive que la police rejette les plaintes d’agressions sexuelles si la femme est autochtone et a un mode de vie jugé « à risque élevé ».

Des témoins ont fait part au Comité d’obstacles liés à l’application des lois : il arrive que des doubles accusations soient portées par la police et que des femmes soient traitées non pas comme des survivantes ou des victimes, mais comme des contrevenantes. Dans des affaires de violence conjugale, il arrive aussi que les femmes soient accusées en même temps que leurs agresseurs ou qu’elles soient accusées pour s’être défendues contre un homme ou un proxénète violent. Pour ces raisons, les femmes sont moins enclines à s’adresser à la police lorsque d’autres épisodes de violence surgissent.

Les femmes qui font l’objet d’accusations ignorent souvent leurs droits. Janine Benedet, professeure de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, a indiqué : « Nous continuons de voir des femmes qui, systématiquement, plaident coupables à des accusations moindres dont elles ne sont pas du tout coupables, simplement pour éviter la menace d'incarcération dans un pénitencier fédéral ou une peine d’emprisonnement à perpétuité, selon l’accusation qui est portée contre elles[39]. » À cause des compressions apportées à l’aide juridique, il est de plus en plus difficile pour ces femmes d’être informées et de faire valoir leurs droits.

Dans les collectivités éloignées et du Nord, les femmes qui veulent se prévaloir du système de justice font face à des obstacles de taille. Les juges, qui doivent se rendre des ces collectivités par avion, y vont peu souvent et doivent parfois reporter les audiences pour cause de mauvais temps. Faute de juge ou de procureur dans la région, il est souvent difficile d’obtenir une ordonnance de protection d’urgence et de la faire appliquer. Dans certaines collectivités, des témoins ont expliqué que les femmes doivent parfois témoigner dans des lieux publics où la cour est temporairement aménagée, par exemple au bar local. Il a également été question du soutien inaccessible de la police : à Yellowknife, des témoins ont mentionné que 11 collectivités du Nord ne disposent pas de postes de la GRC et doivent compter sur le travail d’agents établis dans d’autres localités[40].

Le Comité a entendu des témoignages partagés au sujet de l’application d’autres formes de justice dans les cas de violence conjugale. À Iqaluit, des témoins ont mentionné au Comité que les aînés demandent rarement à ce que des membres soient exclus de la collectivité; ils préfèrent garder les accusés au sein de la cellule familiale et de la communauté. Melanie Nimmo, professeure adjointe de justice criminelle à l’Université de Winnipeg et membre du conseil d’administration de la John Howard Society du Manitoba, a fait savoir que le programme de justice réparatrice responsabilise les contrevenants tout en favorisant le rétablissement des victimes et que 89 % des clients ont rempli les conditions sans récidiver[41]. D’autres témoins craignent cependant que les pratiques de justice réparatrice et d’autres formes de justice n’offrent de solution sûre pour les femmes victimes de violence. D’aucuns estiment qu’il faut établir des normes et des principes de sélection pour éviter que les femmes ne subissent à nouveau de la violence ou que leur sécurité ne soit compromise.

Le racisme demeure un sujet de préoccupation pour les Autochtones — en ce qui concerne la police et le système judiciaire. Comme l’ont suggéré des témoins, avant d’être d’embauchés, les juges et les agents de police pourraient être soumis à une vérification des antécédents et recevoir une formation sur la lutte contre le racisme et l'oppression, orientée en particulier vers les femmes autochtones. Il a été question de l’affaire de l’ex-juge David Ramsay[42] : en 2004, à Prince George, David Ramsay a plaidé coupable à des accusations d’agressions sexuelles envers des jeunes filles autochtones dont il avait présidé les causes en cour[43].

Des témoins ont dit au Comité que les infractions prévues dans le Code criminel concernant la prostitution ont pour effet d’accroître la vulnérabilité des femmes qui se livrent au commerce du sexe, car elles se voient contraintes de travailler dans des conditions hasardeuses et de défier la police. Les témoins ne s’entendaient pas sur la nécessité de modifier le Code criminel, ni sur les modalités des modifications, mais ils s’accordaient à dire que le fardeau de l’application devrait être imposé non pas aux travailleuses du sexe, mais à leurs clients. Kate Rexe, ancienne directrice de Sœurs par l’esprit, a indiqué que les femmes arrêtées pour prostitution sont rarement inscrites à des programmes de déjudiciarisation alors que les hommes ont souvent l’occasion de suivre des « cours obligatoires pour clients de prostituées[44] ». Par conséquent, les femmes autochtones se retrouvent avec un dossier criminel et s’enfoncent plus profondément dans la marginalisation.

La criminalisation soutenue de femmes et de filles autochtones fait qu’elles sont démesurément représentées au sein de la population carcérale. Selon Kim Pate, directrice exécutive de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, les femmes qui se sont déclarées autochtones représentent maintenant plus du tiers de la population carcérale dans les prisons fédérales[45]. À leur sortie de prison, elles sont encore plus marginalisées par la société et ont peu d’aide pour se réinsérer dans la population.

Des témoins représentant un certain nombre de collectivités ont parlé de l’amélioration des relations avec les services de police. À Sioux Lookout, le personnel du refuge pour femmes First Step a mentionné que la Police provinciale de l’Ontario réagit sans tarder aux signalements de femmes autochtones disparues et effectue des recherches jusqu’à ce qu’elle les trouve[46]. Kari Thomason, travailleuse en approche communautaire à la Métis Child and Family Services Society, a indiqué que la confiance s’étant développée ces dix dernières années entre la police et les travailleuses du sexe, celles-ci commencent maintenant à signaler les mauvais clients[47].

Des représentants des services de police ont exposé les difficultés liées au financement et aux ressources. Les ententes de financement avec les services de police autochtones donnent lieu à différents niveaux de rémunération pour les services. Dans les réserves, il a été dit que les services de police sont sous-financés par rapport à ce qu’ils sont dans les collectivités voisines.

 Le sergent d’état-major Mike Bartkus, du Service de police d’Edmonton, a parlé au Comité des mesures concertées et novatrices qui sont mises en œuvre pour prévenir la violence à l’égard des femmes et s’attaquer tout spécialement au problème de la violence familiale. Selon lui, l’augmentation des ressources dépend d’un changement de mentalité dans la collectivité, qui accordera priorité au dossier de la violence envers les femmes autochtones[48].

FAVORISER LES POSSIBILITÉS DE GUÉRISON

À l’occasion d’une rencontre avec un groupe de femmes et de fournisseurs de services autochtones au Centre d’amitié indien et métis à Prince Albert, des témoins ont dit au Comité : « Nous sommes une nation qui souffre. Si seulement les gens prenaient le temps de nous connaître. » [traduction] En fait, partout au Canada, des gens ont dit au Comité que la colonisation et les pensionnats avaient laissé en héritage beaucoup de bouleversements, de colère et de tristesse. À cela s’ajoutent les tensions continuelles que subissent actuellement les Autochtones au Canada et qui ont notamment pour nom la pauvreté, les logements inférieurs aux normes et le racisme. Tout cela exacerbe la violence envers les femmes autochtones.

Le présent rapport expose certains des grands problèmes systémiques qu’il faut régler pour briser le cycle de la violence. Certes, il importe de réduire les conditions de vie qui imposent un stress incessant aux communautés des Premières nations, mais il importe aussi de fournir des possibilités de guérison aux collectivités, aux familles et aux individus afin de briser le cycle intergénérationnel de la violence et de la toxicomanie.

De nombreux témoins ont souligné qu’il y a eu bien assez de recherches sur les besoins des femmes autochtones en matière de services. En fait, un rapport publié en 2005 et intitulé Researched to Death renferme un certain nombre de recommandations dont des témoins d’un peu partout au pays se sont fait l’écho; on y recommande des services de guérison complets et adaptés à la culture :

Ce qu’il faut, ce sont des fonds permanents pour appuyer des programmes et des services autochtones qui soient adaptés à la culture et qui soient conçus, fournis et mis en œuvre par des femmes autochtones, des aînés et des travailleurs communautaires autochtones en santé. Ces programmes et services doivent comporter un volet de consultation portant sur les traumatismes intergénérationnels et ils doivent être offerts selon une approche globale en matière de guérison; autrement dit, les victimes, les contrevenants et les familles de chacun ont tous besoin de soutien pour guérir et pour qu’un changement à long terme puisse s’opérer dans la collectivité[49].

Voici un bref aperçu des différents genres de services qui, de l’avis des témoins, doivent être offerts aux collectivités, aux familles et aux individus. Ces services sont offerts par de nombreux fournisseurs, notamment des organismes sans but lucratif.

A. Guérison communautaire

Des témoins ont signalé la nécessité d’appuyer les efforts de guérison des collectivités et d’offrir aux familles et aux individus des possibilités d’obtenir le soutien dont ils ont besoin pour se rétablir.

Des témoins ont dit au Comité que les projets de la Fondation autochtone de guérison avaient permis à des collectivités de s’attaquer aux racines de la violence en tirant parti des forces existantes de la collectivité. Ils ont insisté sur l’importance du soutien accordé aux initiatives de guérison dirigées par la collectivité. Le Comité a été à même de constater combien certaines collectivités font preuve de courage, de force et de créativité pour aider leurs membres à reprendre leur vie en main.

Par exemple, les Ayas Men Men Child and Family Services de la nation Squamish en Colombie-Britannique organisent diverses cérémonies pour développer la fierté chez les membres de la collectivité : des cérémonies en l’honneur des aînés, des cérémonies marquant la période de la puberté, passage important dans la vie des jeunes, et des cérémonies en l’honneur des enfants auxquelles sont conviés les membres de la famille, dont les parents biologiques et adoptifs. Dans d’autres collectivités, on fournit des occasions de contact avec les enseignements et les langues autochtones pour que les membres puissent se remettre de la perte de leurs liens culturels. C’est en renouant avec les enseignements et les traditions que de nombreuses collectivités peuvent commencer à se rétablir.

B. Services de soutien pour les familles et les individus

Les expériences de vie de ma mère et de ma grand-mère et la mienne m’ont permis d’apprendre de première main la nature intergénérationnelle de la violence faite aux femmes autochtones. Elle débute à l’enfance, avec la violence faite aux fillettes autochtones, et cette violence remonte très loin dans le temps[50].
La violence est grave et multiforme, c’est-à-dire qu'elle est physique, psychologique et sexuelle. Elle est plus répandue, mais aussi plus grave que chez les non-Autochtones. Elle débute très tôt, dès l'enfance. Elle se manifeste sur une très longue période de vie. Habituellement, ça commence à l’enfance et ça continue jusqu’à l'âge adulte. Elle est quotidienne, banalisée, et s’insère dans une dynamique familiale relationnelle, donc entre conjoints, et elle est transgénérationnelle[51].

Des témoins ont indiqué que la colonisation, les pensionnats de même que la disparition et le meurtre de femmes autochtones ont des conséquences intergénérationnelles qui sont intimement liées à la violence qui se manifeste dans de nombreuses collectivités et familles autochtones. La violence aussi est devenue intergénérationnelle parce que les enfants en viennent à la considérer comme une partie « normale » de la vie familiale et communautaire.

Aux quatre coins du pays, des témoins ont fait savoir qu’il est urgent de mettre fin au cycle de la violence, de travailler avec les familles, avec les hommes violents et avec les garçons avant qu’ils ne deviennent violents. Selon eux, il faut offrir davantage de services non seulement aux femmes victimes de violence, mais également à toute la famille et aux hommes qui perpétuent la violence. Il faut se rappeler, a-t-on dit au Comité, que les hommes autochtones qui commettent des actes de violence sont aussi des victimes de la colonisation et de l’oppression persistantes. Trop souvent, l’unique « service » auquel ils ont accès est l’incarcération, mais il existe peu de programmes offerts dans les prisons pour faciliter leur guérison et leur apprentissage[52].

Des témoins ont signalé que les femmes hébergées dans des refuges ou des maisons de transition retournent parfois à la maison auprès d’hommes qui n’ont pas reçu de soutien ni de services susceptibles de les aider à rendre la vie familiale plus sûre. Il est nécessaire d’offrir des services de toxicomanie et de santé mentale aux hommes, des programmes d’aide aux ex-détenus, des programmes visant à renseigner les jeunes hommes sur les relations saines et des programmes qui encouragent les hommes à faire figure de mentor les uns pour les autres afin d’entretenir des relations saines.

Le Comité a cependant appris qu’il existe très peu de programmes visant à aider les hommes autochtones à régler les problèmes de violence. Des fournisseurs de services lui ont dit que les collectivités des Premières nations ne reçoivent pas assez de fonds pour répondre aux besoins en matière de counselling, ni de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ni des volets de financement des services sociaux d’AINC.

Le Comité a appris que de tels programmes, lorsqu’ils existent, sont bien accueillis par les collectivités; ils s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux hommes adultes et favorisent les relations respectueuses que bon nombre considèrent comme fondamentales pour mettre fin au cycle de la violence[53].

D’un bout à l’autre du pays, d’excellents programmes sont élaborés à l’échelon local et comportent un volet culturel. Des témoins ont parlé au Comité de programmes novateurs de soutien par les pairs que mettent en œuvre des hommes autochtones pour aider d’autres hommes à briser le cycle de la violence, comme le modèle « I am a Kind Man » et le groupe Warriors Against Violence à Vancouver. Ces programmes reposent sur des approches et des enseignements traditionnels.

Le groupe Warriors Against Violence, établi à Vancouver, travaille auprès d’hommes pour prévenir la violence et forme des animateurs pour qu’ils transmettent le modèle à d’autres collectivités. Fondé sur la culture et les valeurs traditionnelles, le programme réunit des hommes pour qu’ils nouent entre eux des liens spirituels et pour qu’ils apprennent ensemble que la violence ne fait pas partie des responsabilités traditionnelles des hommes dans les familles et les communautés autochtones[54].

C. Soutien requis pour venir à bout de la toxicomanie

Souvent, dans les communautés, on dit aussi que ça prend toute une communauté pour élever un enfant … pour la plupart, les parents ne donnent pas d'encouragement parce qu'ils consomment de l'alcool ou souffrent de toxicomanie. Alors, l'enfant voit en grandissant que c'est normal pour lui de consommer. Il y a aussi la violence qui règne là; les enfants ne savent pas où aller, ils ne savent pas ce qu'est une vie normale[55].

Comme il n’est pas rare que la scolarité se termine à la neuvième année dans les écoles des collectivités des Premières nations qui sont éloignées, de nombreux jeunes des Premières nations vont s’établir dans des centres urbains comme Winnipeg pour terminer leurs études secondaires. L’éclatement culturel et l’éloignement de la famille en font des proies faciles pour les gangs et les revendeurs de drogues, qui les attirent dans le monde de la toxicomanie.

Partout des témoins ont indiqué que l’abus d’alcool et de drogues, incluant les médicaments sur ordonnance, avait un effet dévastateur sur toute la collectivité. Selon eux, la consommation abusive d’alcool et de drogues est à la fois un facteur qui contribue à la violence envers les Autochtones et un symptôme de cette violence[56]. Des témoins ont indiqué qu’il s’agissait d’un remède qu’on s’administre soi-même pour faire face à toutes les difficultés dans la famille et la communauté. En général, le traitement des toxicomanies et les services de santé mentale sont offerts conjointement dans la plupart des collectivités.

Dans de nombreux programmes, on ne prend pas en considération le fait que les dépendances sont plus fortes aujourd’hui et qu’elles nécessitent donc de plus longues périodes de réadaptation. Les programmes pour femmes autochtones en quête de traitement se font rares dans maintes collectivités et les enfants en sont souvent exclus, d’où la crainte que le service d’aide à l’enfance prenne en charge les enfants. Ce sont des obstacles au traitement chez les femmes.

En raison du manque de services de suivi dans le cadre des programmes, les participants retombent plus facilement dans la vieille ornière lorsqu’ils reviennent dans leurs collectivités. Des témoins estiment qu’il faut de meilleurs services de traitement après la désintoxication, dont le rassemblement des familles dans un milieu favorable. Ils croient aussi que davantage de centres de traitement pour la famille s’imposent dans les collectivités des Premières nations ou à proximité pour éviter que les femmes ne soient contraintes de laisser leurs enfants derrière elles.

Bien que le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones prévoie des fonds pour les collectivités des Premières nations, on a dit au Comité que les niveaux de financement ne sont pas assez élevés pour répondre aux besoins, pas même pour couvrir le salaire d’une personne ayant les titres de compétence requis.

D. Fonds du gouvernement fédéral pour les organismes sans but lucratif

Il est nécessaire de mettre en place des programmes qui ne se limitent pas aux refuges d’urgence et aux projets pilotes. Des témoins ont indiqué qu’il fallait s’attaquer aux obstacles socio-économiques dans les collectivités, adopter des programmes de prévention de la violence destinés en premier lieu aux enfants, mener des campagnes de sensibilisation, et instaurer des services de santé et sociaux durables et dotés de suffisamment de fonds. On a dit au Comité que tous les paliers de gouvernement devraient faciliter l’établissement de projets durables; les projets pilotes font du tort parce qu’ils manquent de cohérence et durent peu de temps.

Bon nombre d’organismes répondent aux besoins des collectivités en mettant ensemble les fonds provenant de divers ministères et paliers de gouvernement. Les témoins sont préoccupés par la façon dont les fonds publics destinés aux projets sont affectés aux organismes. Ils accueillent favorablement les programmes de financement pluriannuels, comme ceux de Condition féminine Canada. Il a été proposé d’assortir le financement des programmes d’options à plus long terme afin que moins de temps soit consacré à la présentation de demandes de subventions et davantage à l’exécution des programmes.

Des témoins ont expliqué au Comité qu’ils avaient du mal à respecter les dates limites pour la présentation des demandes de financement parce que les critères de financement étaient annoncés trop peu de temps avant. À cause des changements unilatéraux apportés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, à leurs priorités en matière de financement, les organismes ont de la difficulté à maintenir de bons programmes et doivent adapter les programmes aux besoins des bailleurs de fonds plutôt qu’à ceux de la collectivité.

Les longs délais de traitement des demandes ont des conséquences négatives pour les organismes. Les petits organismes ne peuvent pas offrir de services sans interruption, tandis que les gros organismes doivent parfois assumer le coût des programmes en attendant la décision au sujet du financement. Les décisions qui tardent à venir au sujet du financement nuisent aux fournisseurs de services, à leur personnel et, plus important encore, aux clients qui comptent sur ces services.

Il existe aussi des règles de financement qui compliquent la tâche aux organismes offrant des services aux Autochtones. L’impossibilité d’inclure le coût des aliments dans les dépenses admissibles au titre de certains programmes complique le travail auprès de personnes qui viennent d'endroits où il existe de véritables problèmes de faim et de sécurité alimentaire. Des représentants d’organismes ont expliqué au Comité que le financement fondé sur des projets ne permet pas d’assumer des coûts organisationnels comme le salaire du directeur général et la structure de gestion. Leslie Spillett, directrice exécutive de Ka Ni Kanichihk Inc., a dit au Comité à ce propos :

Le problème, c’est qu’on a besoin d’une structure de gestion pour gérer de façon efficace une organisation, mais les fonds accordés pour les projets ne le permettent pas. Il y a beaucoup d’exigences en ce qui concerne les rapports. Nous devons présenter de nombreux rapports, des rapports mensuels, et nous le faisons[57].

ÉVENTAIL DE LOGEMENTS

Pour les femmes qui cherchent à échapper à la violence familiale, ou même à la prévenir, la difficulté de trouver un logement peut constituer un obstacle imposant. Un foyer sûr et sain doit être suffisamment grand pour accueillir les membres de la famille. Les refuges d’urgence doivent être en mesure d’accueillir les femmes voulant échapper à la violence dès qu’elle surgit, et leurs enfants idéalement. Même à l’intérieur des réserves, les femmes doivent avoir accès à des logements adéquats et abordables où elles peuvent emménager avec leur famille. Des femmes autochtones et des fournisseurs de services ont mentionné au Comité que de tels logements sont rarement disponibles, sinon jamais, de sorte que les femmes n’ont d’autre choix que de rester dans une situation de violence ou d’y retourner. Bien que la situation des femmes dans les collectivités plus petites et isolées diffère de celle des femmes qui vivent dans les grandes villes ou qui vont s’y établir, le manque de services et de places dans les refuges est le même pour toutes les femmes autochtones qui veulent se soustraire à la violence.

A. Refuges, logements de transition/maisons de seconde étape

Quand une femme vient me voir, enfin prête à se soustraire à cette violence, l’occasion pour elle peut être très éphémère. Il arrive que ces femmes retournent chez elles, où elles continuent d’être dominées, sans pouvoir de nouveau sortir sans risque avant encore un bon bout de temps. Alors quand l’occasion se présente et qu’une femme est prête à quitter sa situation, sur-le-champ, il est absolument essentiel de pouvoir lui offrir un refuge[58].

En entendant ce message d’un membre du personnel d’un refuge à Prince Albert, en Saskatchewan, qui fonctionne à 99,9 % de sa capacité, le Comité a constaté que les refuges doivent être en mesure d’accueillir les femmes dès qu’elles sont prêtes à quitter leur foyer. Or, partout au pays, des témoins ont signalé le manque de refuges. À cause des restrictions en matière de financement, les séjours sont parfois limités : de six jours dans certains refuges du Québec[59], ils peuvent aller jusqu’à trois semaines à Edmonton[60].

Le Comité a également appris qu’il y a peu de maisons de seconde étape et de logements de transition pour les femmes autochtones qui fuient des situations où elles subissent de la violence.

1. Financement des refuges et des maisons de seconde étape

Nous savions qu'il nous fallait financer les refuges existants, qui étaient sous-financés, et nous étions conscients que les femmes continuent de nous réclamer des services pour leurs partenaires. Alors avec un financement restreint, comment y parvenir[61]?
Depuis de nombreuses années, nous tentons d'obtenir du financement pour établir un refuge pour femmes et enfants de la région relevant du Grand conseil, mais nous nous sommes heurtés à de nombreux écueils et n'avons pu obtenir de fonds[62].

Le Comité a appris que le financement des refuges et de leurs programmes provient de différentes sources, par exemple certains refuges dans des réserves sont financés par AINC, d’autres refuges par la Fondation autochtone de guérison, par l’Initiative des partenariats de lutte contre l’itinérance ou par Condition féminine Canada, ainsi que par les ministères provinciaux des Services sociaux. Le financement aléatoire, le fait que les fonds soient subordonnés à des projets et la courte durée de certains programmes de financement restreignent les services qui peuvent être offerts aux femmes voulant soustraire à la violence.

Il y avait un manque évident de maisons de seconde étape dans les collectivités, petites et grandes, aux quatre coins du pays. Conjuguée au manque de logements abordables, cette pénurie oblige souvent les femmes à faire des choix difficiles quand elles quittent les refuges. Bon nombre d’entre elles ont encore besoin de services de counselling et d’aide pour des questions qui touchent la vie de tous les jours avant de pouvoir se débrouiller par leurs propres moyens, mais ces services souvent n’existent pas. Trop de femmes reviennent donc à leur ancienne situation d’abus.

2. Coût du transport pour se rendre aux refuges

La situation des femmes autochtones des collectivités éloignées du Nord est très différente de celle des femmes de Toronto ou de bon nombre de femmes ici présentes, parce que nous pouvons prendre un taxi pour nous réfugier dans une maison d’hébergement pour femmes battues, mais s’il faut prendre un avion pour quitter la collectivité, il est beaucoup plus compliqué de fuir la violence. Si les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, ainsi que nos gouvernements des Premières nations et nos collectivités ne tiennent pas compte de ces circonstances très réelles, ils n’abordent pas la situation particulière des femmes autochtones, et ils ne protègent pas les droits des femmes de vivre sans violence et dans la sécurité[63].

Le Comité a appris que 70 % des collectivités du Nord et éloignées ne disposent pas de maisons sûres ni de refuges d’urgence[64]. Outre les obstacles culturels et linguistiques, les femmes qui doivent aller s’établir dans les grands centres pour y trouver un logement sûr doivent parfois faire face à des dépenses qui n’entrent pas dans le budget des fournisseurs de services, dans leur propre collectivité ou dans celle où elles doivent se rendre[65]. Dans les petites collectivités, si les fonds nécessaires sont vérifiés par la bande, les victimes peuvent s’adresser à des proches de l’agresseur pour trouver l’argent.

Dans les collectivités uniquement accessibles par avion, les femmes qui veulent s’enfuir doivent trouver un vol qui les mènera à l’extérieur de leur collectivité. Des représentants d’un refuge pour femmes à Sioux Lookout ont dit au Comité que le refuge assume le coût du vol à l’extérieur de la collectivité étant donné qu’il n’est pas couvert par celle-ci. Mais ce ne sont pas tous les refuges qui prévoient des fonds à cet effet, et les décisions à cet égard ne sont pas prises par la même personne. En outre, le coût du transport des enfants représente un obstacle de plus pour bien des femmes qui veulent fuir une relation violente.

Enfin, les femmes ignorent parfois qu’elles peuvent avoir droit à des fonds pour obtenir des services ailleurs; elles n’envisagent donc même pas de quitter le foyer.

3. Refuges dans les réserves ou à l’extérieur?

En cherchant à savoir si des refuges devraient être aménagés dans les réserves et dans des collectivités restreintes, le Comité a constaté que les témoins avaient des avis partagés à cet égard. Si l’on tient compte du coût du transport et des obstacles culturels et linguistiques, une solution locale serait préférable, mais des témoins estiment que les refuges dans les petites collectivités où tout le monde se connaît ne sont pas sûrs. Il a même été question d’au moins un refuge qui ne remplissait plus sa mission première, car la collectivité l’utilisait pour héberger des membres à cause de la pénurie de logements.

Ici comme ailleurs, les témoins croient qu’il faut se garder de recourir à une approche universelle pour créer et entretenir des refuges sûrs pour les femmes victimes de violence. Dans les grandes collectivités en particulier, il serait utile d’aménager un refuge doté de fonds suffisants. Dans d’autres collectivités, il pourrait être plus avantageux d’offrir les fonds nécessaires au transport des femmes vers des refuges à l’extérieur, soit dans des collectivités plus grandes des Premières nations, soit dans des villes voisines.

4. Services adaptés à la culture

Dans les maisons d’hébergement non autochtones, on parle beaucoup d’approches féministes et on encourage les femmes à trouver une certaine autonomie lorsqu’elles sont victimes de violence. On les encourage à prendre soin d'elles. On parle souvent d’être autonomes et de prendre soin d'elles. Par contre, on ne parle pas comme ça aux femmes autochtones. Ces femmes ne veulent pas laisser leur mari. Elles veulent unir la famille. Selon elles, quand on est marié, on est marié pour la vie[66].

Que les refuges soient aménagés dans les réserves ou à l’extérieur, des témoins étaient d’avis qu’il fallait veiller à ce que les femmes fuyant la violence aient accès à des programmes adaptés à leur culture. Le témoignage reproduit ci-dessus, qui provient d’une employée d’un refuge autochtone de Montréal, est semblable à ceux que le Comité a entendus un peu partout au pays. Des témoins ont signalé que les membres des collectivités des Premières nations considèrent la violence dans la perspective plus large de la famille et de la communauté; pour cette raison, les services qui incitent les femmes à rompre avec le passé et à se concentrer sur leur propre sécurité ne sont pas appropriés.

B. Logements disponibles et abordables

En ce moment, les femmes qui viennent à la maison de transition, surtout quand elles doivent quitter leur collectivité pour venir en région urbaine — la plupart des femmes vivent dans des collectivités rurales — finissent par se retrouver dans la même situation, dans la même collectivité, parce qu'elles ne trouvent pas de logement abordable[67].
L’un des principaux problèmes auxquels nous nous attaquons chez Pivot, c’est celui du logement. Même si la violence faite aux femmes touche toutes les couches économiques et culturelles de la société, pour les femmes vivant dans la pauvreté, le manque d’accès à des logements sûrs et abordables constitue un obstacle majeur pour prévenir la violence ou y échapper et permettre aux femmes et à leurs enfants de vivre en toute sécurité[68].

Partout au pays, les témoins ont fait part au Comité de problèmes de logement. Dans les centres urbains, il a été question du caractère abordable et approprié des logements. À presque toutes les audiences, des témoins ont indiqué que les femmes bénéficiaires d’aide sociale ne pouvaient pas trouver de logement sûr et adéquat pour leurs familles sans devoir dépenser plus que ne prévoyait leur chèque pour le logement; elles devaient aussi y consacrer une partie importante normalement allouée pour la nourriture. Dans de nombreuses collectivités, les logements abordables sont de plus en plus la propriété d’une poignée de gens, d’où l’augmentation possible des loyers. Compte tenu du racisme dont ont fait état un grand nombre de témoins, en particulier pour ce qui est du logement, les familles autochtones risquent davantage d’être victimes de discrimination de la part des propriétaires, qui, en moins grand nombre, possèdent de plus en plus d’unités.

Le Comité a également appris que le problème du logement est plus prononcé dans le Nord et dans les réserves. Par exemple, à la maison de transition Qimaavik au YWCA d’Iqaluit, des témoins ont dit au Comité qu’il existait une liste d’attente de six ans pour les logements dans cette ville de sorte qu’il est difficile pour les femmes de quitter le refuge, dont le taux d’occupation s’établit constamment entre 105 à 150 %. De même, au Labrador et dans de nombreuses parties du pays, il y a peu de places disponibles, sinon aucune, dans les maisons de seconde étape.

Des témoins ont indiqué au Comité que les logements surpeuplés et inférieurs aux normes étaient source de tensions qui peuvent dégénérer en violence. Selon la grande majorité des témoins, il faut investir davantage dans le logement dans les collectivités autochtones, y compris dans les maisons de seconde étape pour les femmes qui quittent les refuges. De nombreux témoins ont expliqué au Comité que, faute d’options en matière de logement, des femmes autochtones se voient contraintes de réintégrer un foyer où elles subissent de la violence.

RECONNAÎTRE ET APPUYER LES FEMMES AUTOCHTONES EN TANT QUE CHEFS DE FILE

En ce qui concerne les femmes des Premières nations qui vivent dans des réserves, le Comité a appris qu’il incombe aux conseils de bande de décider de la répartition des ressources, ce qui entraîne des différences dans la façon dont les collectivités traitent les incidents de violence. Le pouvoir discrétionnaire s’étend à diverses décisions, par exemple quelles femmes seront envoyées par avion dans un refuge au loin. Sensibiliser les chefs et les conseils de bande aux besoins des femmes victimes de violence exige des efforts soutenus de la part des femmes autochtones.

Les femmes autochtones qui se sont présentées devant le Comité ont parlé de la nécessité d’appuyer les groupes de femmes autochtones aux échelons local, régional et national pour mieux sensibiliser la population aux préoccupations des femmes et de leurs familles, de même que pour aider des femmes autochtones ayant la force nécessaire à défendre leur cause.

Des témoins ont expliqué au Comité que la Loi sur les Indiens avait profondément transformé le rôle des femmes dans maintes sociétés autochtones. Le témoignage que voici, de Dawn Harvard, présidente du conseil d’administration de l’Ontario Native Women’s Association, est représentatif de ce que le Comité a entendu :

Nous [les femmes autochtones] souffrons encore de cet héritage. Nous avons dû lutter durant des années pour essayer d’être de nouveau capables de fonctionner et d'être des membres utiles de nos collectivités, ainsi que pour récupérer notre autorité et nos responsabilités familiales […][69].

Le chef Angus Toulouse a expliqué :

Nos femmes étaient traitées avec un respect incomparable et même une certaine déférence tant par leur famille que par leur nation. Par exemple, les Haudenosaunis avaient recours à un système de gouvernance au sein duquel les femmes exerçaient des pouvoirs politiques et sociaux sans précédent. Tous les biens de leur nation leur appartenaient. Au sein du clan, elles tenaient leur propre conseil politique et avaient le pouvoir de démettre les chefs de leurs fonctions s’ils échouaient à la tâche. Chaque personne assumait des responsabilités précises à l’égard de sa famille, de sa nation et du Créateur. À ces responsabilités se rattachait un principe essentiel selon lequel notre existence collective dépendait de notre capacité de témoigner du respect à l’égard des femmes de notre nation et d’assurer leur sécurité. Pour comprendre pleinement l’horreur du contexte dans lequel nous et, en particulier, nos femmes vivons, il est important de souligner comment les choses se déroulaient dans le passé[70].

Les femmes autochtones, qui recourent aux services offerts dans la collectivité dans une proportion démesurément élevée, ne sont pas bien représentées dans les fonctions de gouvernance. On a dit au Comité qu’il était primordial de tenir compte de l’opinion des femmes autochtones dans l’élaboration de solutions au problème de la violence. Les femmes autochtones demandent qu’on les aide à accéder à des postes de direction.

RACISME

Nous vivons dans une société où les Autochtones sont encore considérés comme inférieurs. Les gens continuent de nous voir comme ils le faisaient à l'époque : ils pensent que nous sommes primitifs. Donc, en partie, ce processus n'est pas seulement axé sur ce dont les Autochtones ont besoin, mais aussi sur ce que les Blancs en général ont besoin d'apprendre en tant que descendants de signataires de traités, en tant que descendants de colons, parce qu'ils doivent aussi mettre fin au racisme[71].

L’ampleur du racisme auquel sont confrontés les Autochtones a troublé le Comité. Des témoins ont expliqué que le racisme provient d’autres membres de la société canadienne et qu’il se manifeste dans les médias. Ce qu’il y a de plus troublant dans tout cela, c’est la nature systémique du racisme, qui pénalise les femmes autochtones dans leurs relations avec les organismes gouvernementaux chargés de leur offrir des services de sécurité, de santé et sociaux. Le racisme est tantôt ouvert, tantôt systémique.

Ce racisme n’est pas sans conséquence préjudiciable. D’abord, des témoins ont parlé de l’intériorisation du racisme par les femmes autochtones, phénomène qui explique pourquoi ces femmes ne remettent pas en question la violence et les sévices qu’elles subissent de la part d’Autochtones et de non-Autochtones. De nombreux témoins ont relaté des expériences personnelles où ils ont été victimes de racisme. À ce propos, Sandra Lockhart a dit au Comité :

Je suis passée par tout le système d’éducation, la famille d’accueil et le pensionnat, et j’ai appris à intégrer en moi ce racisme pour survivre sur le plan affectif et vivre dans une certaine dignité. Je détestais être autochtone. J’avais honte des Autochtones. J’ai manqué tous les enseignements de ma grand-mère[72].

Ensuite, le Comité a appris que le racisme qui consiste à fermer l’œil sur la violence faite aux femmes autochtones augmente leur vulnérabilité face à la violence. Selon Justice for Girls à Vancouver, les filles autochtones sont la cible d’hommes violents entre autres parce qu’ils savent que la police et les tribunaux n’interviennent pas.

De nombreux témoins ont dit au Comité que les femmes autochtones redoutent les services sociaux, les hôpitaux, les services gouvernementaux et la police; certaines décident de subir de la violence plutôt que de solliciter de l’aide de la part de ces institutions.

Il a été question du racisme dans le contexte de la disparition et du meurtre de nombreuses femmes autochtones au Canada. Des témoins ont mentionné que les médias avaient une part de responsabilité, puisque les articles consacrés aux tragédies mettant en cause des Autochtones sont relégués aux pages intérieures ou aux dernières pages des journaux. De plus, dans les médias, on établit souvent un lien entre la disparition et le meurtre de femmes autochtones et les « comportements à risque » comme l’auto-stop ou la prostitution. Jo-Anne Fiske a relaté à cet effet l’histoire que voici :

Lorsque des femmes disparaissent sur l’autoroute 16, s’il s’agit d’une jeune femme blonde … la photo de cet enfant [est] en première ou deuxième page de tous les journaux du pays pendant des jours. Au même moment, un des membres de ma famille élargie a été retrouvé mort, et le seul commentaire dans le journal était qu’elle a été retrouvée morte à un endroit où l’on retrouve habituellement des prostituées. Eh bien, merci quand même, mais c’est aussi l’endroit où je promène mon chien, où je joue avec ma petite-fille et où je m’adonne à d’autres activités familiales. On n'a jamais mentionné qu’il s’agissait d’un parc public. Son nom n’a pas été mentionné, ce qui démontre un problème grave dans les médias, dans l’éducation du public, et chez les pouvoirs publics qui ont ainsi qualifié la victime[73].

Des témoins ont fait valoir la nécessité de renseigner les non-Autochtones sur ce qu’ils « ont besoin d'apprendre en tant que descendants de signataires de traités, en tant que descendants de colons, parce qu'ils doivent aussi mettre fin [à la violence due] au racisme[74] ». Il est nécessaire de s’attaquer au racisme dans toutes les couches de la société et de déployer des efforts de sensibilisation aux tout premiers échelons. Des témoins ont dit au Comité qu’il fallait modifier la façon dont on enseignait l’histoire dans le système d’éducation principal et offrir une formation continue concernant les Autochtones à tous les fournisseurs de services, afin d’établir des relations empreintes de compréhension, de respect et de confiance.

Le racisme découle non seulement d’un manque d’éducation et de formation, mais il prend aussi racine dans les politiques et les lois adoptées par le Canada au fil de son histoire. Le Comité a appris que le racisme systémique et institutionnalisé continue de limiter la capacité des femmes autochtones de profiter des occasions offertes aux autres Canadiens. Des politiques et des pratiques qui, en apparence, semblent tout à fait neutres, peuvent mener à de terribles actes de discrimination, que ceux-ci soient intentionnels ou non. La Loi sur les Indiens en est un bon exemple. Beaucoup de témoins l’ont pointé du doigt parce qu’à leurs yeux, elle est une source de discrimination pour les Premières nations et, plus particulièrement, pour les femmes des Premières nations. Un témoin a même avancé que « la Loi sur les Indiens a inspiré le régime de l’apartheid en Afrique du Sud[75] ». Muriel Stanley Venne, présidente et fondatrice de l’Institute for the Advancement of Aboriginal Women, a expliqué comment le racisme systémique avait joué un rôle permanent dans la vie des peuples autochtones[76] :

La Loi sur les Indiens a fait beaucoup de tort à toutes les femmes autochtones que je connais. Elle les a privées de leur droit d’être Indiennes et les a privées de leur propre identité et de tout ce qu’il y a d’autres dans cette loi. J’ai affirmé à maintes reprises que chaque geste de discrimination à l’endroit des peuples autochtones a été légiféré par le gouvernement. Il n’y a aucune autre façon de présenter cela. Tout ce qui a été fait a été légiféré par le gouvernement. Lorsque le gouvernement est venu chercher les enfants, les peuples autochtones, par la loi, n’avait aucun moyen de défense. En tant que Canadiens, nous devons faire face aux conséquences horribles de l’adoption de lois contre […] les gens de ce pays[77].

[1]              Témoignages, Muriel Stanley Venne, présidente et fondatrice, Institute for the Advancement of Aboriginal Women, 21 janvier 2011.

[2]              Témoignages, Marilyn George, représentante, services d'extension, Smithers, Colombie-Britannique, Ending Violence Association of British Columbia, 18 janvier 2011.

[3]              Ibid.

[4]              Jodi-Anne Brzozowski, Andrea Taylor-Butts et Sara Johnson, « La victimisation et la criminalité chez les peuples autochtones du Canada », Juristat, Statistique Canada – no 85-002-XIF au catalogue, vol. 26, no 3.

[5]              Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, résolution adoptée par l’Assemblée générale, 2 octobre 2007, A/RES/61/295, consulté le 24 février 2011, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid= 471355bc2.

[6]              Ibid., article 43.

[7]              Ibid., article 22.

[8]              Affaires indiennes et du Nord Canada, Énoncé du Canada appuyant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, consulté le 24 février 2011, http://www.ainc-inac.gc.ca/ap/ia/dcl/stmt-fra.asp.

[9]              Témoignages, Jo-Anne Fiske, professeure en études des femmes, Université de Lethbridge, à titre personnel, 21 janvier 2011.

[10]           Premier ministre du Canada, Le Premier ministre Harper présente des excuses complètes au nom des Canadiens relativement aux pensionnats indiens, 11 juin 2008, http://www.pm.gc.ca/fra/media.asp?id=2149.

[11]           Commission royale sur les peuples autochtones, À l’aube d’un rapprochement : Points saillants du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, cité devant le Comité, Témoignages, Lisa Yellow-Quill, codirectrice, Programme pour les femmes autochtones, Battered Women's Support Services, 18 janvier 2011.

[12]           Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Canada, CEDAW/C/CAN/CO/7, 7 novembre, par. 43.

[13]           Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Canada, CEDAW/C/CAN/CO/7, 7 novembre 2008, par. 44, citées dans le mémoire du B.C. CEDAW Group présenté au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Nothing to Report, janvier 2010, p. 8.

[14]           Témoignages, Darcie Bennett, directrice de campagnes, Pivot Legal Society, 18 janvier 2011.

[15]           Témoignages, Nancy Cameron, gestionnaire de programme, Programme communautaire Crabtree Corner, YWCA de Vancouver, 18 janvier 2011.

[16]           Témoignages, Dawn Harvard, présidente, conseil d’administration, Ontario Native Women's Association, 14 janvier 2011.

[17]           Témoignages, Darcie Bennett, directrice de campagnes, Pivot Legal Society, 18 janvier 2011.

[18]           Affaires indiennes et du Nord Canada, De meilleurs résultats pour les enfants des Premières nations : Le rôle d’AINC en tant que bailleur de fonds pour les Services à l’enfance et à la famille des Premières nations, Mis à jour : juillet 2010, http://www.ainc-inac.gc.ca/hb/sp/fncf/cfsd-fra.asp.

[19]           Témoignages, Donald Langford, directeur principal, Métis Child and Family Services Society, 21 janvier 2011.

[20]           Témoignages, Sheila Nelson, gestionnaire, Services communautaires et familiaux, programme de protection de l’enfance, Yellowknife Health and Social Services Authority, 20 janvier 2011.

[21]           Témoignages, Melanie Nimmo, professeure adjointe de justice criminelle, Université de Winnipeg, et membre du conseil d’administration, John Howard Society du Manitoba, 13 janvier 2011.

[22]           Bureau de la vérificatrice générale du Canada, « Chapitre 4 — Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada », Rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada, p. 2.

[23]           Témoignages, Cindy Blackstock, directrice générale, Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, 15 février 2011.

[24]           Témoignages, Nahanni Fontaine, conseillère spéciale sur la condition des femmes autochtones, comité du Cabinet chargé des questions autochtones, gouvernement du Manitoba, 8 février 2011.

[25]           Association des femmes autochtones du Canada, Sœurs par l’esprit, consulté le 28 février 2011, http://www.nwac.ca/fr/programmes/s%C5%93urs-par-l%E2%80%99esprit.

[26]           Association des femmes autochtones du Canada, Ce que leurs histoires nous disent : Résultats de recherches de l’initiative Sœurs par l’esprit, 2010, p. ii, consulté le 22 mars 2011, http://www.nwac.ca/sites/ default/files/imce/2010_NWAC_SIS_Report_FR.pdf.

[27]           Ibid. p. 29.

[28]           Ibid.

[29]           Amnistie Internationale Canada, Stolen Sisters, consulté le 28 février 2011, http://www.amnesty.ca/campaigns/sisters_overview.php.

[30]           Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Canada, CEDAW/C/CAN/CO/7, 7 novembre 2008.

[31]           David Scott, « What if a small city disappeared? », Western News, Université de Western Ontario, 11 avril 2008, consulté le 22 mars 2011, http://www.turtleisland.org/discussion/viewtopic.php?f=10&t=5945.

[32]           Témoignages, Marilyn George, représentante, Ending Violence Association of British Columbia, coordonnatrice des services d’extension, Smithers, Colombie-Britannique, 18 janvier 2011.

[33]           Témoignages, Ellen Gabriel, présidente, Femmes Autochtones du Québec Inc., 10 juin 2010.

[34]           Ministère de la Justice, Fiche d’information A : Mesures concrètes pour s’attaquer au problème des femmes autochtones disparues ou assassinées, Communiqué de presse, octobre 2010, http://www.justice.gc.ca/fra/nouv-news/cp-nr/2010/doc_32564.html.

[35]           Condition féminine Canada, Le gouvernement du Canada investit dans un projet communautaire visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, Communiqué de presse, 25 février 2011, http://www.cfc-swc.gc.ca/med/news-nouvelles/2011/0225-2-fra.html.

[36]           Témoignages, Beverley Jacobs, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, à titre personnel, 18 janvier 2011.

[37]           Ibid.

[38]           Témoignages, chef Betsy Kennedy, Assembly of Manitoba Chiefs, Première nation de War Lake, 13 janvier 2011.

[39]           Témoignages, Janine Benedet, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel, 18 janvier 2011.

[40]           Témoignages, Lyda Fuller, directrice principale, YWCA de Yellowknife, 20 janvier 2011.

[41]           Témoignages, Melanie Nimmo, professeure adjointe de justice criminelle, Université de Winnipeg, et membre du conseil d’administration, John Howard Society du Manitoba, 13 janvier 2011.

[42]           Témoignages, Asia Czapska, directrice des services d’assistance judiciaire, Justice for Girls, 18 janvier 2011.

[43]          CTV-News, « Former B.C. judge gets 7 years for sex assaults », http://www.ctv.ca/CTVNews/CTVNewsAt11 /20040602/ramsay_sentencing_20040601/, 2 juin 2004.

[44]           Témoignages, Kate Rexe, directrice, Sœurs par l'esprit, Association des femmes autochtones du Canada, 21 avril 2010.

[45]           Témoignages, Kim Pate, directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, 8 février 2011.

[46]           Visite de site, refuge pour femmes First Step, Sioux Lookout, 14 janvier 2011.

[47]           Témoignages, Kari Thomason, travailleuse en approche communautaire, Métis Child and Family Services Society, 21 janvier 2011.

[48]           Témoignages, Mike Bartkus, Section des crimes familiaux, Service de police d’Edmonton, 21 janvier 2011.

[49]           Pacific Association of First Nations Women, BC Women’s Hospital and Health Centre, BC Association of Specialized Victim Assistance and Counselling Programs, Researched to Death: B.C. Aboriginal Women and Violence, septembre 2005. [traduction]

[50]           Témoignages, Darlene Rigo, membre du collectif, Aboriginal Women’s Action Network, 18 janvier 2011.

[51]           Témoignages, Mylène Jaccoud, professeure titulaire, École de criminologie, Université de Montréal, à titre personnel, 10 juin 2010.

[52]           Témoignages, Lisa Michell, présidente et organisatrice, Women’s Memorial March of Manitoba, 13 janvier 2011.

[53]           Témoignages, Beverley Jacobs, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, à titre personnel, 18 janvier 2011.

[54]           Témoignages, Russell Wallace, vice-président, conseil d’administration, Warriors Against Violence Society, 18 janvier 2011.

[55]           Témoignages, Mélanie Denis-Damée, représentante substitut de la représentante provinciale, Conseil des jeunes femmes, Femmes Autochtones du Québec Inc., 11 juin 2010.

[56]           Voir, par exemple, Témoignages, Darlene Rigo, membre du collectif, Aboriginal Women's Action Network, 18 janvier 2011; Témoignages, Barbara Lacey, gestionnaire chargée de formation clinique, Service de santé mentale communautaire et de lutte contre les dépendances, Yellowknife Health and Social Services Authority, 20 janvier 2011.

[57]           Témoignages, Leslie Spillett, directrice exécutive, Ka Ni Kanichihk Inc., 13 janvier 2011.

[58]           Témoignages, Angie Bear, travailleuse en développement communautaire, ISKWEW Women Helping Women Co-operative Health Centre, 12 janvier 2011.

[59]           Témoignages, Sandra Tucker, directrice, Politique et programmes de prévention de la violence, Association des femmes Inuit Pauktuutit, 20 janvier 2011.

[60]           Visite de site, Bent Arrow Traditional Healing Society, Edmonton, 21 janvier 2011.

[61]           Témoignages, Lyda Fuller, directrice principale, représentante du YWCA de Yellowknife, Northwest Territories Coalition Against Family Violence, 20 janvier 2011.

[62]           Témoignages, Shirley Henderson, présidente, Commission des femmes du Grand conseil de Prince Albert, 12 janvier 2011.

[63]           Témoignages, Dawn Harvard, présidente du conseil d’administration, Ontario Native Women’s Association, 14 janvier 2011.

[64]           Ibid.

[65]           Témoignages, Christine Simard, directrice du développement des femmes, Nation Nishnawbe Aski, 14 janvier 2011.

[66]           Témoignages, France Robertson, coordonnatrice du dossier promotion à la non-violence et maisons d’hébergement, Femmes Autochtones du Québec Inc., 10 juin 2010.

[67]           Témoignages, Natalie McBride, directrice exécutive, Maison de transition Gignoo., 4 juin 2010.

[68]           Témoignages, Darcie Bennett, directrice de campagnes, Pivot Legal Society, 18 janvier 2011.

[69]           Témoignages, Dawn Harvard, présidente du conseil d’administration, Ontario Native Women's Association, 14 janvier 2011.

[70]           Témoignages, chef Angus Toulouse, chef régional de l’Ontario, Chiefs of Ontario, 14 janvier 2011.

[71]           Témoignages, Beverley Jacobs, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, à titre personnel, 18 janvier 2011.

[72]           Témoignages, Sandra Lockhart, présidente du Comité des peuples autochtones, Alliance de la Fonction publique du Canada, à titre personnel, 20 janvier 2011.

[73]           Témoignages, Jo-Anne Fiske, professeure en études des femmes, Université de Lethbridge, à titre personnel, 21 janvier 2011.

[74]           em>Témoignages, Beverley Jacobs, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, à titre personnel, 18 janvier 2011.

[75]           Témoignages, Mylène Jaccoud, professeure titulaire, École de criminologie, Université de Montréal, à titre personnel, 10 juin 2010.

[76]           Témoignages, Muriel Stanley Venne, présidente et fondatrice, Institute for the Advancement of Aboriginal Women, 21 janvier 2011.

[77]           Ibid.