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FAAE Rapport du Comité

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LE RÉFÉRENDUM AU SOUDAN :
LA SUITE DES ÉVÉNEMENTS APRÈS 2011

INTRODUCTION

En janvier 2011, la population du Sud-Soudan décidera par référendum si le Sud restera intégré à un Soudan uni ou s’il deviendra un État indépendant. Ce référendum est la pierre angulaire de l’Accord de paix global (APG) de 2005 qui avait mis un terme à un conflit armé dévastateur entre le Nord et le Sud. On ne saurait trop insister sur l’importance considérable de ce référendum pour le Soudan, ainsi que pour les pays avoisinants.

Le référendum est imminent, mais les problèmes demeurent nombreux : retards dans la mise en œuvre des dispositions de l’APG portant sur le référendum, désaccords qui perdurent entre le Nord et le Sud, possibilité de contestation des résultats du référendum par certains groupes à l’intérieur du pays, et, dernier problème, et non le moindre, risque d’une nouvelle flambée de violence qui mènerait à des déplacements de population massifs.

Cette étude est motivée principalement par le souhait du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (ci-après le Comité) que le référendum sur l’avenir du Sud-Soudan soit tenu à la date prévue, d’une façon juste et libre. Il est absolument crucial que la population soudanaise ait confiance dans la fiabilité des résultats du référendum faute de quoi une reprise de la violence serait à craindre.

Par ailleurs, le Comité est convaincu que le Canada peut faire œuvre utile dans cette région d’Afrique. Bien sûr, de nombreux pays sont aux prises avec les problèmes que causent la pauvreté, l’insécurité et la mauvaise gestion des affaires publiques, et tous ont besoin de l’aide de la communauté internationale. Cependant, le Comité estime que le Canada est particulièrement bien placé pour jouer un rôle utile à long terme dans la région compte tenu des efforts qu’il déploie déjà pour promouvoir la paix et la stabilité au Soudan et du type de savoir-faire qu’il peut offrir. Tout important qu’il soit, le référendum de janvier n’est pas une fin en soi. Il est donc essentiel que le Canada se donne une stratégie à long terme pour soutenir le développement du Soudan, quelle qu’en soit l’issue.

Le Comité a tenu des audiences en octobre et en novembre 2010 durant lesquelles il a entendu des spécialistes, des représentants d’organisations de la société civile, ainsi que des porte-parole du gouvernement du Canada et du gouvernement du Sud-Soudan. Il a pu se faire une idée de l’évolution de la situation sur le terrain grâce à l’information qu’il a reçue du Carter Center, qui observe actuellement l’inscription et la préparation des électeurs au Soudan, et au témoignage de fonctionnaires fédéraux qu’il a rencontrés avant et après leur visite au nord du Soudan et au Sud-Soudan.

APERÇU DE LA SITUATION

À l’exception d’une brève période de paix entre 1972 et 1983, l’histoire du Soudan est émaillée d’interminables conflits depuis la déclaration d’indépendance de 1956. Ces conflits internes sont causés par la marginalisation économique de certaines régions et la sous-représentation politique de certains groupes. Les régions périphériques du Soudan réagissent à ce qu’elles perçoivent comme une tentative du Nord, à savoir le gouvernement central de Khartoum, d’unifier le pays sous la bannière de l’arabisme et de l’Islam.

La conclusion de l’Accord de paix global (APG) en 2005 entre le gouvernement central et les rebelles du Sud a marqué un tournant. L’APG porte que le Sud décidera par voie de scrutin en janvier 2011 s’il reste intégré à un Soudan unifié ou s’il devient un État indépendant. Pour de nombreux observateurs, le référendum prochain constituera un moment décisif dans l’histoire du Soudan. L’inquiétude monte cependant depuis quelques mois devant les retards observés au niveau des mesures institutionnelles et logistiques nécessaires au déroulement du référendum à la date prévue et de manière crédible. Qui plus est, d’autres questions clés soulevées par l’APG, notamment le sort de la région d’Abyei et la démarcation de la frontière, ainsi que certaines questions qui concernent l’après-APG, comme la question de droits à la citoyenneté, doivent encore être résolues par les parties concernées.

Ainsi, comme on l’a déjà dit, on ne saurait exagérer l’importance du référendum prochain et de ses répercussions éventuelles sur l’avenir du Soudan. Il faut cependant se rappeler que ce référendum s’inscrit dans un contexte particulier. Le Soudan est le plus grand pays d’Afrique et il borde neuf autres pays. Son avenir revêt donc une importance cruciale pour la stabilité du nord et de l’est de l’Afrique. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les conséquences de la longue guerre civile qui a déchiré le pays, laquelle a été dévastatrice non seulement pour la population soudanaise, mais aussi pour toute la région environnante. La sous-ministre adjointe chargée de l’Europe, de l’Eurasie et de l’Afrique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), Jillian Stirk, a insisté sur ce point, quand elle a dit au Comité : « Les crises au Soudan sont une source chronique d’instabilité qui a des implications régionales, alimentant le commerce des armes légères, la contrebande et les conflits transfrontaliers. Une telle instabilité perpétue des violations des droits de la personne et de la souffrance humaine dans cette région du monde[1]. »

Si le rythme et l’intensité de l’activité diplomatique internationale au Soudan se sont accrus devant l’arrivée à échéance prochaine de l’APG en juillet 2011, cela reste insuffisant au vu de l’énormité des difficultés à venir. On observe déjà au Soudan de vastes mouvements de population qui pourraient s’intensifier après le référendum. Les besoins essentiels étaient déjà extrêmes au Sud-Soudan avant même que soit amorcé le processus référendaire, car le développement de l’infrastructure, des services, de l’éducation, des services de santé et de la gouvernance a pâti des dizaines d’années de conflits armés. Enfin, en ce qui concerne les pays avoisinants, la situation soulève des questions très délicates sur le plan politique et sur le plan diplomatique. Par exemple, certains pays d’Afrique, et l’Union africaine elle-même, semblent préoccupés par le précédent qu’établirait une sécession du Sud-Soudan. Les intérêts bilatéraux d’autres pays sont en jeu. L’Égypte, par exemple, qui borde le Soudan au nord, appréhende les conséquences du référendum sur le partage des eaux du Nil.

Le Comité insiste sur le fait que le Soudan ne doit pas affronter ces difficultés seul. Compte tenu des répercussions éventuelles du référendum sur la région immédiate du Soudan et sur l’ensemble de l’Afrique, la communauté internationale se doit de venir en aide à la population soudanaise. Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon l’a d’ailleurs admis implicitement quand il a déclaré devant le Conseil de sécurité que « [l]es prochains mois seront probablement difficiles pour la population du Soudan et la communauté internationale présente dans le pays », ajoutant que le référendum « peut changer l’avenir du pays et avoir des répercussions considérables dans l’ensemble de la région[2] ».

L’ACCORD DE PAIX GLOBAL

A. Historique du conflit

1. La guerre nord-sud

La guerre civile qui a opposé l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), un groupe rebelle, et le gouvernement du Soudan, a connu deux phases importantes, l’une durant la période 1956-1972 et l’autre durant la période 1983-2005. La reprise du conflit en 1983 était imputable à la division du Sud en trois provinces administratives et à l’imposition de la loi islamique (charia) et de l’état d’urgence. Il faut dire aussi que le Sud craignait d’être spolié dans la mise en valeur de ses ressources pétrolières (découvertes près de Bentiu en 1978) et la construction du canal de Jonglei (censé capter les eaux du Nil blanc pour leur faire contourner le marais du Sudd[3]. Suivant des estimations, la guerre aurait fait deux millions de morts et déplacé quatre millions de personnes. L’une des plus longues guerres civiles de l’histoire, elle est à l’origine d’une catastrophe sur le plan humanitaire parmi les plus complexes et les plus dévastatrices que le monde ait connues. Le conflit a pris fin avec la signature de l’APG en janvier 2005, dont la mise en œuvre et le contrôle sont assurés par une importante force de maintien de la paix des Nations Unies : la mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), laquelle compte presque 9 500 soldats, 486 observateurs militaires et 655 agents de police[4].

2. Le Darfour

Un autre conflit, d’origine plus récente, sévit par ailleurs dans la province du Darfour, située à l’ouest du Soudan, alimenté celui-là par l’exacerbation de vieux griefs politiques et économiques, par des conflits territoriaux et par la désertification croissante du territoire[5]. Lorsque des groupes de rebelles dirigés par le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) et Mouvement de libération du Soudan (MLS) se sont attaqués au gouvernement en 2003, celui-ci a soutenu directement et indirectement une campagne anti-insurrectionnelle faisant appel aux milices Janjawid et à d’autres groupes de rebelles armés pour mâter la rébellion. Les affrontements qui en sont résulté ont entraîné une vague de violence systématique et de mauvais traitements envers les populations civiles de la région du Darfour. Depuis le début des combats, entre 200 000 et 300 000 personnes sont décédées des suites du conflit (violence, maladie, famine) et 2,7 millions de personnes ont été déplacées. Les Nations Unies ont déployé une force de maintien de la paix au Darfour, l’Opération hybride Union Africaine/Nations Unies au Darfour (MINUAD), composée d’environ 17 000 soldats, 264 observateurs militaires et 4 747 agents de police[6].

Fait important à signaler, en mars 2009, la Cour pénale internationale (CPI) lançait un mandat d’arrestation contre le président du Soudan Omar El-Béchir pour crime de guerre et crime contre l’humanité; un second mandat d’arrestation, cette fois pour génocide au Darfour, était lancé en juillet 2010. Toutes les tentatives de médiation, et elles ont été nombreuses, ont jusqu’ici échoué et on n’a toujours pas obtenu de règlement politique global du conflit.

B. Les principaux volets de l’Accord de paix global

L’APG a été signé le 9 janvier 2005 à Nairobi par le gouvernement de la République du Soudan et le Mouvement populaire de libération du Soudan/l’Armée populaire de libération du Soudan (MPLS/APLS)[7]. Il est l’aboutissement de six ententes conclues par les parties entre 2002 et 2004[8]. L’APG, qui prévoyait une période préalable à la transition de six mois, suivie d’une période de transition de six ans, doit expirer en juillet 2011.

L’APG est un long document qui compte de nombreuses dispositions, lesquelles touchent tous les aspects de la vie au Soudan (gouvernement, administration et vie quotidienne) et prévoient notamment la création de commissions et tribunaux divers, l’adoption de mesures de sécurité, l’établissement de processus de démarcation de la frontière, les étapes menant à la réalisation d’un recensement de la population, le partage des revenus (dont ceux tirés du pétrole), le partage des pouvoirs et l’établissement de constitutions provisoires. Les principaux éléments politiques de l’APG sont l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale à Khartoum et la création de la région semi-autonome du Sud-Soudan, laquelle serait gouvernée pendant la période de transition par un nouveau gouvernement du Sud-Soudan, à l’intérieur d’une structure fédérale du pays. À l’échelle nationale et dans le Sud, l’APG prévoit par ailleurs un système de gouvernement décentralisé associé à une importante dévolution de pouvoirs[9]. Dans l’ensemble, comme Jillian Stirk du MAECI l’a expliqué au Comité, l’APG contient des dispositions ambitieuses qui visaient à « à transformer le Soudan et à rendre l’unité attrayante[10] » avant l’expiration de l’accord, le 9 juillet 2011.

Donc, conformément aux dispositions de l’APG, le Soudan a maintenant un gouvernement d’unité nationale reposant sur un partenariat entre le Parti du Congrès national — le parti majoritaire au sein du gouvernement d’unité nationale, dirigé par le président Béchir, qui gouvernait le pays depuis un coup d’État militaire en 1989 — et le parti minoritaire, le Mouvement populaire de libération du Soudan — le principal parti sudiste[11]. Des élections présidentielles et des élections législatives au niveau national et dans la région semi-autonome du Sud-Soudan devaient avoir lieu en 2009, mais elles ont été reportées à la période du 11 au 15 avril 2010. Le président national sortant — Omar El-Béchir — a alors été réélu avec 68 % des suffrages. Un bon nombre des autres candidats se sont désistés dans un mouvement de boycottage des élections peu avant le scrutin. Dans le Sud‑Soudan, le titulaire des fonctions de président durant la période de transition, Salva Kiir, a facilement conservé la présidence du gouvernement du Sud-Soudan avec 93 % des suffrages.

Deux référendums sont censés avoir lieu avant l’échéance du 9 janvier. Le premier doit porter sur l’avenir du Sud-Soudan et le second doit déterminer si la région d’Abyei, une région qui chevauche le Nord et le Sud, conservera son statut administratif spécial dans le Nord, tel qu’il est défini dans l’APG, ou si elle sera intégrée au Sud, indépendamment des résultats du référendum mené dans le Sud sur sa propre sécession[12]. L’APG prévoit par ailleurs deux consultations populaires pour les États du Sud-Kordofan et du Nil bleu — deux autres régions contestées situées dans le nord du Soudan[13]. Faisant le bilan de tous les processus enclenchés par l’APG, Elsadig Abunafeesa, ancien représentant des Nations Unies, a dit au Comité : « Aujourd’hui, le Soudan est dans une position où il pourrait être le plus grand pays d’Afrique[14]. »

LA POLITIQUE DU CANADA À L’ÉGARD DU SOUDAN

Le Soudan figure ces dernières années parmi les priorités de la politique étrangère du Canada. Les efforts déployés par le Canada visent à soutenir la mise en œuvre intégrale de l’APG et à résoudre la crise du Darfour. Le Canada a alloué plus de 800 millions de dollars au Soudan depuis janvier 2006. Jillian Stirk du MAECI a signalé que le Canada a adopté une approche pangouvernementale à l’égard du Soudan, la situation dans ce pays présentant de nombreuses facettes, et qu’il dirige son aide vers toutes les régions du pays.

Comme les fonctionnaires du MAECI l’ont expliqué au Comité, les activités du Canada au Soudan sont organisées suivant trois grands axes prioritaires. Premièrement, le Canada travaille « avec les Soudanais et les partenaires internationaux à limiter la violence et à améliorer la sécurité[15] », ce qui comprend l’affectation de soldats des Forces canadiennes et de policiers civils à la mission de maintien de la paix de l’ONU,MINUS, dans des postes « de formateurs et d’observateurs militaires », ainsi que le soutien des mesures de désarmement, de démobilisation et de réintégration. « Le Canada a fourni près de 430 gardiens de la paix militaires et civils à la MINUS depuis sa mise sur pied[16]. » Deuxièmement, le Canada cherche à réduire la vulnérabilité des populations par la voie d’une aide au développement et d’une assistance humanitaire, notamment auprès des réfugiés et des personnes déplacées. Enfin, le troisième volet de la stratégie du Canada met l’accent sur le rétablissement de la paix et la reconstruction à long terme au moyen d’activités visant notamment à augmenter la production agricole, à améliorer « l’accès à des services de base tels que l’éducation et les soins de santé pour les enfants et la jeunesse » et à renforcer les capacités au niveau de la gouvernance dans le Sud-Soudan[17] ».

Dans l’immédiat, le Canada cherche surtout à aider l’organisation du référendum. Mme Stirk a dit au Comité que le Canada « a fondé et copréside le groupe de travail des donateurs à Khartoum » et qu’il a « embauché un coordonnateur à temps plein afin de faciliter le travail du groupe[18] ». Il a aussi accordé sept millions de dollars au fonds commun du Programme des Nations Unies pour le développement voué aux référendums qui soutient les activités nécessaires à la tenue des référendums[19]. Les représentants du MAECI ont ajouté que le Canada a « créé un partenariat avec le Centre Carter à l’aide d’une contribution de deux millions de dollars afin d’observer les référendums eux‑mêmes, et nous prévoyons également déployer des observateurs au sein de la mission d’observation de [l’Union européenne][20] ».

Des fonctionnaires du Ministère ont aussi informé le Comité des dernières activités diplomatiques entourant la visite d’une délégation au Soudan en novembre. Deux fonctionnaires, Donald Bobiash, directeur général chargé de l’Afrique et Douglas Scott Proudfoot, directeur du Groupe de travail sur le Soudan, ont parlé des entretiens qu’ils ont eus avec divers interlocuteurs gouvernementaux, non gouvernementaux et internationaux dans le nord et le sud du Soudan, ainsi qu’avec des membres des diverses missions du Canada dans la région. M. Proudfoot s’est en outre rendu au Caire où il a rencontré des fonctionnaires égyptiens ainsi que le secrétariat de la Ligue arabe, laquelle exerce une forte influence en Afrique du Nord et au Soudan.

LE RÉFÉRENDUM DANS LE SUD DU SOUDAN

La plupart des témoins ont discuté du besoin impératif de tenir un référendum légitime sur l’avenir du Sud du Soudan à la date prévue. Par exemple, Jillian Stirk, du MAECI, a souligné qu’« étant donné l’anticipation qui se fait de plus en plus sentir chez les Soudanais du Sud à l’approche du 9 janvier 2011, beaucoup redoutent que tout retard dans la tenue du référendum mène à une violence généralisée et à l’effondrement de l’APG[21].». Le Canada a toujours insisté sur le respect intégral de l’APG auprès des deux parties.

De nombreux observateurs considèrent le référendum imminent comme un tournant historique pour le Soudan. Cependant, les retards et les conflits entourant le processus référendaire soulèvent des inquiétudes. Mme Stirk a dit au Comité : « Nous ne pouvons pas sous-estimer les défis d’organiser ces référendums de manière transparente et crédible. Des divergences politiques profondes et des soupçons semblent entraver les préparatifs des référendums[22] ». Le secrétaire général de la Commission référendaire du Sud-Soudan, Mohamed Osman al-Nujoomi, n’a été nommé qu’en septembre, et l’inscription des électeurs n’a commencé qu’à la mi-novembre. De plus, les défis géographiques et logistiques associés à l’inscription des électeurs sont importants. Comme l’a expliqué Mark Simmons, de FAR Sudan :

Le Soudan s’étend sur une superficie équivalente aux territoires du Québec et de l’Ontario réunis. Le Sud-Soudan, l’équivalent de l’Ontario en fait de superficie, possède probablement une centaine de kilomètres de routes pavées. Comment peut-on s’attendre à faire l’inscription des électeurs là-bas, de même qu’au Canada, en Éthiopie, aux États‑Unis, au Royaume-Uni et au Nord-Soudan, en six jours seulement […] même si la période d’inscription a maintenant été prolongée à 17 jours […][23].

Dans ce contexte, le représentant du gouvernement du Sud-Soudan, M. Joseph Malok, a déclaré au Comité que la communauté internationale et le Canada devraient « dépêcher des représentants pour s’assurer que le processus électoral se déroule sans heurts dans le Nord et dans le Sud du Soudan[24] ».

Le Carter Center, une ONG américaine chargée d’observer sur le terrain le processus référendaire au Soudan, a offert au Comité un compte rendu des progrès de l’inscription et de la sensibilisation des électeurs, à une étape relativement précoce des deux processus. Depuis septembre, le Centre a déployé 16 observateurs de longue durée qui seront présents au Soudan jusqu’en février. Il a envoyé 30 observateurs à moyen terme supplémentaires pour aider à l’inscription des électeurs, processus qui se terminera vers le 19 décembre. Durant la période immédiate du vote, le Centre prévoit « déployer 50 observateurs […] qui se joindront aux observateurs de longue durée et [au] personnel de base[25] ».

Sarah Johnson, directrice adjointe et chargée du programme pour le Soudan du Carter Center, et Sanne van den Bergh, directrice du bureau local pour le Carter Center, ont présenté au Comité un survol des principales difficultés rencontrées jusqu’ici :

  • Sous-financement de la commission et du bureau référendaires;
  • Centralisation extrême de la commission référendaire;
  • « [Q]uelques lacunes sur le plan des communications entre le président de la commission et les conseillers techniques internationaux. On a fait traîner les choses en ce qui a trait à l’approbation d’un certain nombre de documents importants, y compris le manuel d’inscription des électeurs et les règles s’appliquant aux observateurs»;
  • Absence de règlement relatif à la campagne;
  • Manque de véhicules pour la livraison des documents aux centres de scrutin;
  • « [C]aractère flou des critères d’admissibilité » à l’inscription;
  • Électeurs « très peu informés » dans le Sud et le Nord;
  • Aucun comité d’examen en place dans le Nord ou le Sud (pour traiter les appels);
  • « Dans le Sud, l’option de l’unité occupe très peu de place dans l’espace public»;
  • Les Sud-Soudanais vivant dans le Nord ont parfois « peur de s’inscrire » en raison de l’incertitude qui règne à propos de leur citoyenneté et bon nombre d’électeurs vivant dans le Nord « ne savent même pas clairement s’ils ont le droit de s’inscrire[26] ».

Mmes Johnson et van den Bergh ont reconnu que les préparatifs avaient progressé lentement au départ, mais que « les choses se sont considérablement améliorées au cours des quelques dernières semaines ». De plus, le personnel électoral « a été formé en temps opportun. Il semble que les documents ont été livrés dans les comtés et dans les centres de scrutin […] » M. Bobiash, du MAECI, a qualifié les progrès d’« efforts héroïques »[27].

À propos de l’inscription des électeurs, le personnel du Carter Center a dit au Comité qu’en date du 18 novembre 2010, « les taux de participation étaient très bas dans chaque État du Nord » du Soudan, mais « beaucoup plus élevés[28] » dans le Sud. La période d’inscription des électeurs devait initialement se dérouler du 15 novembre au 1 décembre, mais la Commission référendaire a annoncé, le 26 novembre, qu’elle prolongerait la période d’inscription d’une semaine parce que la participation dans certains centres du Sud avait été forte et avait entraîné une pénurie de documents d’inscription; il fallait donc attendre d’en recevoir d’autres. Un membre de la Commission référendaire, Chan Reek Madut, a déclaré aux médias : « Cela n’aura pas d’effet sur l’échéance du 9 janvier […] Nous allons diminuer le nombre de jours pour les rapports et les plaintes avant cette date. Ils seront condensés[29]. »

La formule actuelle du référendum occasionne un certain nombre de problèmes. Mme Johnson a expliqué que pour que le référendum soit « considéré comme valide », 60 % des électeurs inscrits doivent exercer leur droit de vote et que la « victoire de l’une ou l’autre des options exige l’obtention de 50 p. 100 plus un des votes[30] ». Ce seuil complique l’inscription des électeurs en raison du nombre de Sud-Soudanais qui habitent dans le Nord et du manque d’information sur le processus d’inscription et l’admissibilité. James Davis, de l’ONG canadienne confessionnelle KAIROS, a expliqué ainsi le point de convergence entre le seuil d’inscription et le nombre de Sud-Soudanais habitant dans le Nord :

Le problème, c’est que s’ils simplifient la procédure pour qu’un grand nombre de gens s’inscrivent mais qu’ensuite ils leur rendent les choses difficiles pour exercer leur droit de vote, on ne pourra pas obtenir à la fois un taux de participation de 60 % et une majorité de 50 % des voix plus une[31].

M. Simmons, de FAR Sudan, a lui aussi mentionné l’inscription des électeurs dans le Nord, déclarant au Comité que « [d]ans le Nord […] on incite les gens à demander leur citoyenneté dans le Sud, pour y avoir le droit de vote, ce qui augmentera le nombre de voteurs inscrits et réduira, en conséquence, le pourcentage de ceux qui pourraient être plus susceptibles de voter pour l’indépendance[32] ».

LA SITUATION DANS LA RÉGION D’ABYEI

Comme on l’a déjà mentionné, l’APG dispose qu’il doit y avoir un référendum sur l’avenir de la région d’Abyei, délimitée, au nord, par le Kordofan du Sud, et au sud, par les États de Unity et de Bahr El Ghazal Nord. Abyei jouit actuellement d’un statut administratif spécial sous le régime présidentiel national. Conformément à l’APG, le référendum d’Abyei doit avoir lieu en même temps que celui sur l’avenir du Sud‑Soudan; le processus accuse néanmoins des retards considérables. Jillian Stirk, du MAECI, a fourni l’explication suivante : « Tous les préparatifs pour le référendum d’Abyei sont actuellement suspendus parce que les deux parties à l’APG ne peuvent s’entendre sur la formation de la Commission pour le référendum d’Abyei[33]. »

Certains observateurs craignent que les désaccords au sujet d’Abyei ne ramènent la violence au Soudan. John Lewis, de KAIROS, a fait état du caractère délicat de la situation, pour les deux parties, déclarant au Comité que le gouvernement du Sud-Soudan avait « fait le parallèle entre Abyei et le Cachemire ». Il a ajouté : « Votre comparaison avec l’Inde et le Pakistan est sans doute pertinente, mais elle est aussi inquiétante[34]. » Mme Stirk a livré un message semblable, indiquant que « [l]a question du rattachement d’Abyei au Nord ou au Sud est une question sensible au Soudan […][35] ».

Ainsi, le discours animé sur le sort d’Abyei véhicule les positions bien arrêtées des parties, mais aussi le fait qu’Abyei est reconnue comme une pièce maîtresse des négociations dans le contexte plus vaste des questions encore en suspens qui concernent l’APG et ses suites. Le 14 octobre 2010, des représentants du Nord ont fait une déclaration aux médias selon laquelle « il ne fait plus de doute qu’on ne pourra tenir le référendum d’Abyei le 9 janvier 2011. Tous reconnaissent que cela n’est plus pratique. » Un membre du SPLM, Deng Arop Kuol, a toutefois répondu : « Retarder le vote n’est pas acceptable. Le peuple d’Abyei s’attend toujours à ce que le référendum ait lieu le 9 janvier. Si le gouvernement ne leur offre pas cette possibilité, nous pourrions nous en charger nous-mêmes[36]. »

Les observateurs doutent fort que le référendum d’Abyei aura lieu à la date prévue, et les spéculations sur le fait que le territoire pourrait faire partie d’une solution négociée entre le Nord et le Sud vont bon train. À son retour du Soudan, un autre responsable du MAECI, M. Bobiash, a dit au Comité : « Étant donné que la tension monte à Abyei, car il devient de moins en moins probable que le référendum puisse commencer le 9 janvier, on craint que des flambées de violence puissent éclater dans cette région et provoquer un conflit plus étendu. » Il a résumé ainsi les intérêts véritables des parties aux négociations :

Pour le Nord, Abyei est utilisée comme un atout pour obtenir davantage de concessions dans le cadre des négociations sur l’après-référendum, tandis que pour le Sud, Abyei est la patrie de membres clés du SPLM et est perçue comme le cœur de la lutte pour la libération du Sud[37].

Les efforts de médiation se sont intensifiés au cours des derniers mois. Sous l’égide des États-Unis, les deux parties ont entamé un dialogue en marge de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le Soudan, à la fin de septembre 2010. En octobre, les parties et les dirigeants locaux se sont engagés dans des pourparlers plus officiels, à Addis-Abeba, en Éthiopie, mais malgré les différentes propositions, ils n’ont conclu aucun accord. Ces discussions font désormais partie d’un processus de négociation plus vaste dirigé par le Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Soudan[38].

Des témoins ont dit au Comité que la plupart des questions en litige, à Abyei, portent sur la citoyenneté et les droits de pâturage. M. Proudfoot, du MAECI, a expliqué que la majorité des populations établies à Abyei sont issues du groupe ethnique des Dinka et « s’identifient au Sud », mais le principal point d’achoppement porte sur le statut d’un important groupe nomade du Nord, les Misseriya, qui font paître leur bétail à Abyei plusieurs mois par année. M. Proudfoot a déclaré : « Les Misseriya, qui ont toujours migré dans la région d’Abyei, s’identifient au Nord et sont arabophones. Mais combien d’entre eux peuvent être considérés comme des résidents d’Abyei pour le scrutin? Ils ne sont toujours pas arrivés à une conclusion à ce sujet [...][39] » L’APG nomme spécifiquement les Ngok Dinka comme des « résidants » d’Abyei, mais il dispose également que les critères de résidence doivent être examinés par la Commission référendaire d’Abyei, laquelle n’a pas encore été établie. Mme Stirk, du MAECI, a déclaré que « l’impasse est due principalement[40] » aux désaccords sur la situation de résidence et la qualité d’électeur des Misseriya.

S’ajoutent à toutes ces questions la délimitation exacte des frontières d’Abyei. L’APG prévoit la création d’une Commission des frontières d’Abyei pour délimiter le territoire. La Commission a fait connaître sa décision en juillet 2005, mais elle a été rejetée par le Parti du Congrès national (NCP). Après trois années d’impasse marquées d’épisodes de violence, les parties ont soumis le différend à l’arbitrage[41]. La Cour permanente d’arbitrage d’Abyei a rendu sa décision finale en 2009. Mme van den Bergh, du Carter Center, a déclaré au Comité : « À l’heure actuelle, la décision rendue par la Cour permanente d’arbitrage, la CPA, est toujours admise par les deux parties. Personne n’y a encore dérogé officiellement. Cependant, plusieurs autres propositions ont été formulées […] Aucune de ces propositions n’a été acceptée ou catégoriquement rejetée par l’une ou l’autre des parties[42]. » Le SPLM et le NCP ont déclaré qu’ils acceptaient la décision, mais les Misseriya l’ont rejetée, estimant qu’une trop grande partie de leurs pâturages se retrouveraient ainsi à Abyei[43]. Poursuivant son témoignage, Mme van den Bergh a déclaré que pour le moment « la décision de la CPA tient toujours, et la loi sur le référendum adoptée à Abyei prévoit toujours qu’une commission soit établie et que le référendum se tienne en même temps que celui du Sud-Soudan[44] ». Pour éviter qu’Abyei ne devienne « un point chaud dans les années à venir », M. Malok, un représentant du gouvernement du Sud-Soudan, a insisté sur le fait que « [l]a communauté internationale, et le Canada en particulier, doivent exercer des pressions politiques à la fois sur le NCP et sur le Mouvement populaire de libération du Soudan, le SPLM, pour que le référendum dans la région d’Abyei ait lieu en même temps que le référendum dans le Sud‑Soudan[45] ».

LES PROCHAINES ÉTAPES : OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

A. Préoccupations immédiates

Pour la communauté internationale, la priorité immédiate en ce qui concerne le Soudan est d’empêcher le retour de la violence et de veiller à ce que l’échéancier référendaire, tel que convenu dans l’APG, soit respecté. Dans son témoignage, Jillian Stirk, du MAECI, a déclaré : « Que la population du Sud-Soudan choisisse l’unité ou la séparation, le principal désir du Canada est de maintenir la paix et la stabilité au Soudan et dans la région[46]. »

Reconnaissant la fragilité de la situation, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a tenu une réunion de haut niveau sur le Soudan au siège des Nations Unies le 24 septembre 2010. Il a décrit les attentes de la communauté internationale à l’égard des processus référendaires dans le Sud-Soudan et à Abyei et a déclaré :

Nous espérons que les référendums seront pacifiques et menés dans un environnement exempt d’intimidations et d’autres violations des droits. Nous espérons que les deux parties accepteront les résultats et feront la planification qui s’impose. Enfin, nous espérons que les parties respecteront l’Accord de paix global, sans poser de geste unilatéral ni dans le Nord ni dans le Sud.

Il a poursuivi en disant que « peu importe l’issue du processus, le Nord et le Sud doivent coexister de manière pacifique[47] ».

Le Comité souhaite donner suite à cette volonté et demande instamment aux deux parties à l’APG de veiller à ce que le référendum sur l’avenir du Sud Soudan se déroule à la date prévue et d’une façon libre, juste et crédible pour tous les Soudanais. Le Comité demande également aux deux parties à l’APG de respecter pleinement l’issue du référendum et de comprendre que peu importe le résultat, une période de négociations entre le Nord et le Sud suivra inévitablement le scrutin et permettra de régler, de manière pacifique, toutes les questions résiduelles en suspens. Enfin, le Comité est convaincu qu’une solution négociée sur la situation de la région d’Abyei catalysera de façon déterminante les efforts de préservation de la paix.

Quel que soit le résultat du référendum de janvier, il aura des répercussions politiques, économiques, humanitaires et en matière de sécurité pour le Soudan et les environs, et la communauté internationale, dont le Canada, doit s’y préparer. Nombre de ces répercussions seront abordées ultérieurement, mais en ce qui a trait aux conséquences politiques éventuelles, M. Abunafeesa, membre retraité de la MINUS, a fait état de répercussions symboliques d’un référendum en Afrique liées directement à l’unité plutôt qu’à l’indépendance. Affirmant que le Sud a le « droit d’autodétermination », il a prévenu le Comité que le référendum pourrait avoir « des implications ou des ramifications possibles pour l’Afrique, tout particulièrement pour les pays voisins, comme le Congo, l’Ouganda, le Kenya et même l’Éthiopie — qui compte aussi des minorités — ainsi que le Tchad [...][48] »

Après avoir pris en compte les questions qui précèdent, le Comité recommande :

1.   Que le gouvernement du Canada prenne toutes les mesures possibles pour aider les autorités pertinentes à tenir le référendum sur l’avenir du Sud-Soudan, prévu pour le 9 janvier 2011, à la date convenue et d’une façon libre, juste et crédible. Dans cette optique, le gouvernement doit intensifier son engagement diplomatique auprès du gouvernement de l’unité nationale de Khartoum et du gouvernement du Sud-Soudan, et continuer d’appuyer le Carter Center et la mission de surveillance de l’Union européenne pour que ces deux organismes puissent contribuer à l’éducation des électeurs et surveiller le référendum au Soudan.

2.   Que le gouvernement du Canada travaille de concert avec ses partenaires internationaux pour encourager le gouvernement de l’unité nationale et le gouvernement du Sud-Soudan à respecter le résultat du référendum du 9 janvier 2011.

3.   Que le Canada envoie une délégation de haut niveau formée de ministres et de parlementaires dans le Nord et le Sud du Soudan immédiatement après le référendum pour manifester son intérêt soutenu envers un avenir pacifique pour le peuple soudanais, y compris au Darfour. De concert avec la société civile, la délégation devra évaluer les besoins sur place et définir avec les gouvernements comment le Canada pourrait le plus efficacement contribuer à l’atteinte de résultats optimaux.

4.   Que le gouvernement du Canada assure une surveillance étroite et offre son soutien en vue d’une conclusion juste et opportune des négociations entre les parties à l’APG en ce qui a trait à la région d’Abyei.

Sans présumer que la violence éclatera, le Comité croit fortement que le Canada et ses partenaires internationaux doivent prendre des mesures immédiates pour prévenir les conflits, tout en mettant en place une solide stratégie d’urgence en cas de conflit armé. Comme on l’a mentionné à maintes reprises, les répercussions du référendum pourraient prendre d’énormes proportions.

Le Comité tient aussi compte des témoignages qui lui ont été livrés à propos du fait qu’il est toujours possible de faire fond sur la voie de consolidation de la paix envisagée par l’APG. Au moment de leur seconde comparution devant le Comité après une visite au Soudan au début de novembre, des responsables du gouvernement du Canada se sont dits plus optimistes quant à l’avenir immédiat du pays par rapport à octobre. M. Bobiash, du MAECI, a déclaré qu’il se fondait sur « la très nette impression qu’aucune des parties en présence ne veut le retour à la guerre[49] ». Malgré les signes et les discours alarmants des derniers mois, « les deux parties ont réalisé des gains considérables au cours des cinq dernières années de paix et ne peuvent que bénéficier du maintien de la stabilité au Nord et au Sud[50] ». En même temps, les responsables continuent d’insister sur le fait que la situation est complexe et imprévisible, et qu’elle peut se détériorer rapidement. En fait, après le récent rapport d’un bombardement qui se serait produit dans la province de Bahr al-Ghazal occidental (Sud-Soudan), l’ONU a dépêché une équipe pour faire enquête. Au moment de terminer le présent rapport, le Comité prend note du fait que le 14 décembre 2010, un porte-parole des Nations Unies, Kouider Zerrouk, a déclaré aux médias « qu’après vérification, il a été établi [par les membres de la commission conjointe de cessez-le-feu] que des attaques aériennes ont eu lieu[51] ». Le Comité trouve cet incident et tout autre semblable très préoccupants et c’est dans cet esprit qu’il recommande :

5.   Que le gouvernement du Canada continue à suivre de près les événements entourant le référendum et porte une attention particulière aux actes d’intimidation ou de violence commis au Sud-Soudan.

La planification d’urgence est nécessaire devant la possibilité du déplacement à grande échelle de populations au moment du référendum et par la suite. Ces déplacements pourraient être occasionnés par l’incertitude que pourraient éprouver les Nord-Soudanais qui vivent dans le Sud et les Sud-Soudanais qui vivent dans le Nord, de même que la volonté de vivre dans un État plutôt que dans l’autre, si le Sud s’exprimait en faveur de l’indépendance. M. Proudfoot, du MAECI, a dit au Comité : « Même si la question de la citoyenneté est résolue de manière satisfaisante, il pourrait y avoir de vastes mouvements de population après le référendum, soit du sud au nord, soit du nord vers le sud[52]. »

Les mouvements sont déjà entamés. Mark Simmons, de FAR Sudan, une ONG œuvrant sur le terrain dans le Sud-Soudan, a déclaré au Comité à son retour au pays : « Nous observons […] une augmentation spectaculaire de gens qui prennent la direction du Sud[53]. » M. Proudfoot a souligné que le Canada a déjà des programmes en place au Soudan qui visent les déplacements de populations. Il a déclaré que l’ACDI s’était rendu compte qu’il était plus efficace de concentrer les efforts sur les services aux personnes déplacées « pour assurer le retour [de ces] personnes dans leurs collectivités [plutôt] que de cibler précisément les personnes déplacées[54] ». Ce raisonnement s’appuie sur le fait que si les collectivités ne sont pas bien outillées pour répondre aux arrivées massives, les personnes déplacées ne se réinstalleront pas nécessairement et pourraient se diriger ailleurs.

Compte tenu de l’ampleur et de la complexité des enjeux liés aux déplacements de populations au Soudan, il ne fait pas de doute que le Canada et la communauté internationale devront fournir un soutien immédiat et à long terme pour répondre aux besoins humanitaires qui s’ensuivront. Les défis à long terme, qui émanent de questions de citoyenneté non résolues, sont abordés dans la prochaine partie de ce rapport.

B. Le rôle du Canada : apporter un soutien à long terme au Soudan après le référendum

Le Comité est fermement convaincu que le Canada aura un rôle prolongé à jouer pendant la période post-référendaire au Soudan, particulièrement en matière d’aide au développement, d’aide humanitaire et de renforcement des capacités. C’est le message que tous les témoins ont transmis au Comité, notamment M. Davis de Kairos, qui a déclaré ce qui suit :

Les garants de l’Accord, les Nations Unies et la communauté internationale, doivent réitérer leur volonté politique et leur engagement, non seulement jusqu’au référendum, mais aussi pendant les mois et les années de transition qui suivront[55] .

M. Abunafeesa, fonctionnaire des Nations Unies à la retraite, a lui aussi soutenu que les « pays dignes de confiance » ont un rôle à jouer « pour rétablir la paix » et faire en sorte que le développement se poursuive[56]. C’est aussi le sentiment exprimé par le représentant du gouvernement du Sud-Soudan, M. Joseph Malok. Selon lui, le Canada a beaucoup à offrir pour régler les problèmes actuels entre le Nord et le Sud, « car il est respecté et sait faire preuve de leadership » et « n’a pas d’ambitions personnelles dans le Nord ou dans le Sud ». Pour reprendre ses termes, « [s]on seul objectif [celui du Canada] est le maintien de la paix dans l’ensemble du Soudan[57] ».

Le Comité se réjouit de voir que les représentants du gouvernement reconnaissent la nécessité d’un engagement canadien à long terme au Soudan au-delà de la date du référendum. Voici comment M. Douglas Scott Proudfoot du MAECI a décrit la position du Canada :

Si ce référendum est important dans l’histoire du Soudan, par contre, la suite des choses le sera encore beaucoup plus. C’est pour cette raison que le Canada oriente son action de façon non seulement à appuyer le référendum, mais aussi à favoriser un Soudan stable, propice au développement, quelle que soit l’issue du référendum[58].

Comme des témoins l’ont mentionné au Comité, le principal enjeu consistera à favoriser le développement de relations constructives entre le Nord et le Sud dans les années et les décennies à venir, étant entendu que les deux camps devront continuer à composer l’un avec l’autre, ne serait-ce qu’en raison de leur proximité et des terres, de l’eau et du peuple qu’ils partagent.

La réalisation de cet objectif fondamental exigera un soutien international concret à l’égard du développement dans le pays, en particulier en ce qui concerne l’amélioration de la gouvernance. En fait, même si la communauté internationale s’est surtout employée à surveiller le déroulement de l’inscription des électeurs et du référendum lui-même, de même que les enjeux immédiats liés aux déplacements, il ne faut pas oublier que les défis humanitaires actuels au Soudan sont énormes. Jillian Stirk du MAECI a dit au Comité qu’encore aujourd’hui « [o]n estime à 5,2 millions le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du Soudan, dont 2,7 millions d’individus au Darfour et quelque 430 000 réfugiés soudanais dans les pays voisins, dont plus de la moitié au Tchad[59] ». Zaynab Elsawi de l’organisme Sudanese Women Empowerment for Peace a tenu des propos semblables lorsqu’elle a affirmé au Comité que « [t]out le Soudan a besoin d’appui », pas seulement les régions touchées par la guerre[60]. C’est précisément pour toutes ces raisons que Mme Stirk a rappelé au Comité que « [f]ace à un pays possédant autant de potentiel et qui a connu tant de souffrance, nous devons demeurer déterminés à l’aider à trouver les solutions à long terme complexes qui leur procureront un brillant avenir[61] ».

Les parties suivantes traitent des principaux enjeux qu’il faudra prendre en compte dans le cadre d’une stratégie d’engagement à long terme envers le Soudan.

1. Questions non résolues

Même si le référendum sur l’avenir du Sud-Soudan est l’objet principal de l’APG et aussi la question qui a le plus retenu l’attention de la communauté internationale, plusieurs autres enjeux liés aux négociations post-référendaires demeurent en suspens, les plus importants étant la démarcation de la frontière, le partage de la dette nationale, la répartition des revenus tirés de l’exploitation du pétrole et les droits à la citoyenneté. Ce sont toutes là des questions qui doivent encore faire l’objet de négociations entre le Nord et le Sud. Jillian Stirk a dit au Comité que ni l’APG ni la constitution nationale intérimaire n’établissent de cadre précis quant aux mesures à prendre pour régler ces questions après la tenue du référendum. Chacun de ces enjeux est délicat et pourrait compromettre la paix. Des négociations en présence de médiateurs doivent donc se poursuivre dans les prochains mois.

En ce qui concerne précisément la question de la démarcation de la frontière, qui est censée être réglée dans les six mois suivant la signature de l’APG, M. Proudfoot a mentionné au Comité que le désaccord qui subsiste porte sur 20 % de l’ensemble du territoire, en l’occurrence là « où il y a des populations frontalières [vivant] des deux côtés[62] ». Les pierres d’achoppement en ce qui concerne la démarcation de la frontière découlent des considérations stratégiques et pratiques de l’un et l’autre camp, notamment à l’égard des droits fonciers et des droits de pacage, des sources d’eau et des ressources naturelles.

Même si les réserves pétrolières du pays se concentrent principalement au Sud‑Soudan, l’infrastructure nécessaire à l’exportation du pétrole vers les marchés se trouve dans le Nord et est contrôlée de là-bas. L’APG établit un régime provisoire de répartition des revenus tirés de l’exploitation du pétrole en vertu duquel les revenus du pétrole extrait dans le Sud seront répartis également entre les gouvernements du Nord et du Sud (2 % étant réservés à la région d’où provient le pétrole). Étant donné l’importance cruciale des revenus pétroliers pour l’économie soudanaise, il faudra élaborer un mécanisme de répartition des revenus qui s’appliquera après le référendum. Certains observateurs ont bon espoir que des progrès sont possibles dans ce dossier étant donné les intérêts économiques mutuels qui sont en jeu ici.

La plupart des questions encore en suspens qui concernent l’APG et ses suites n’ont pas été abordées en détail lors des audiences du Comité, si ce n’est pour souligner que le référendum est loin d’être l’aboutissement du processus de paix entre le Nord et le Sud. La quête de solutions négociées doit donc continuer à retenir l’attention si nous voulons que la paix dure. La citoyenneté est l’une des questions litigieuses que tous les témoins ont soulevée. Comme l’a expliqué M. Proudfoot au Comité, la citoyenneté est « peut-être [...] la question la plus importante pour ce qui est de la période suivant 2011[63] ». Comme il est mentionné précédemment, les Sud-Soudanais qui vivent dans le Nord et inversement, les Nord-Soudanais qui vivent dans le Sud, s’inquiètent de ce qu’il adviendra de leur citoyenneté, si le Sud vote en faveur de l’indépendance en janvier. M. Lewis de Kairos a résumé la situation de la façon suivante :

 [E]nviron 1,5 million de Soudanais du Sud vivent dans le Nord. Ce sont des gens qui ont été déplacés par la guerre qui ravage le Sud depuis des décennies. Leur avenir est incertain. Nous devons encourager les dirigeants soudanais du Nord et du Sud à faire la promesse qu’ils n’expulseront pas les citoyens de l’autre camp une fois que les résultats du référendum seront connus. Des membres du gouvernement du Sud-Soudan ont annoncé […] qu’ils étaient prêts à considérer comme des citoyens les Soudanais du Nord qui vivent dans le Sud. Nous n’avons pas reçu ce genre de garanties de la part du gouvernement du Nord-Soudan[64].

Pour sa part, Mark Simmons de l’organisme FAR Sudan a souligné le fait que certains Sud-Soudanais qui vivent dans le Nord ne seront pas nécessairement les bienvenus dans le Sud pour des raisons politiques. Il entrevoit certaines complications, qu’il a décrites de la façon suivante :

Le même problème se pose toujours pour les réfugiés […], ils inspirent de la méfiance lorsqu’ils reviennent chez eux parce qu’ils ne sont pas restés se battre pour l’indépendance, si vous voulez […] Pour ce qui est des chiffres, environ un demi-million de gens probablement partiraient d’eux-mêmes et un autre million seraient probablement expulsés si le gouvernement du Nord estimait qu’ils ne sont pas les bienvenus dans le Sud[65].

M. Simmons a en outre attiré l’attention du Comité sur le problème inhérent à cette situation, à savoir qu’il est difficile de savoir pour l’instant vers où se dirigeront ces populations. On craint qu’elles « se retrouvent dans un no man’s land le long de la frontière [...][66] ». Le Canada a fourni quelques conseils techniques aux deux camps sur les enjeux touchant la citoyenneté. Toutefois, comme il est expliqué précédemment, les questions non résolues en ce qui concerne la citoyenneté pourraient avoir un effet déstabilisant dans les prochains mois.

2. Les enjeux liés à la gouvernance dans le Sud

Dans l’ensemble, malgré la croissance économique enregistrée ces dernières années en raison principalement des revenus pétroliers, le Soudan est confronté à des défis de taille en matière de développement. Le pays se classe au 154rang sur 169 pays, selon l’Indice de développement humain des Nations Unies en 2010. Dans le Sud, si les résultats du référendum penchent en faveur d’une sécession, les besoins immédiats auxquels sera confronté le nouvel État en matière de développement seront énormes. Après des décennies de guerre et de sous-développement, la région est en effet l’une des plus pauvres au monde.

C’est là un aspect sur lequel tous les témoins ont insisté. Voici ce que M. Bobiash du MAECI a dit au Comité à ce sujet :« En un mot, les indicateurs de développement au Sud-Soudan sont parmi les plus bas au monde. L’accès aux soins de santé de base, à l’eau potable et à des routes est essentiellement inexistant pour la majorité des localités du Sud-Soudan[67]. » De même, une autre fonctionnaire du MAECI, Mme Stirk, a écrit que bien que le Sud-Soudan a à peu près la même taille que l’Europe de l’Ouest, rien ne saurait mieux illustrer ses besoins criants en matière d’infrastructure que le fait qu’il ne possède que 100 kilomètres environ de routes pavées. Selon son estimation, le taux d’alphabétisation y serait inférieur à 25 %[68]. Le problème de la scolarisation se pose aussi lorsque vient le temps d’évaluer la capacité des fonctionnaires du gouvernement dans le Sud. Philip Baker de l’ACDI a dit au Comité que plus de la moitié des fonctionnaires n’ont pas terminé l’école primaire « et […] seulement 5 p. 100 d’entre eux détiennent un diplôme universitaire ». C’est là, selon lui, le défi qui se pose à tout gouvernement qui, après avoir d’abord été un gouvernement militaire, amorce sa transition pour devenir un gouvernement civil[69].

Le renforcement de la capacité du gouvernement du Sud-Soudan, qui est déjà une entité semi-autonome investie de responsabilités officielles en matière de gouvernance, demeure donc un élément clé du soutien de la communauté internationale. Mme Stirk a insisté sur le fait qu’« [e]n dépit de cette autonomie, le gouvernement du Sud-Soudan souffre d’un manque profond des capacités de base nécessaires pour répondre efficacement aux besoins de la population du Sud[70] ». Joseph Malok, du gouvernement du Sud-Soudan, réclame l’appui du Canada et de la communauté internationale à cet égard parce que, selon lui, il est impossible « d’assurer la bonne gouvernance du pays […] sans renforcement de nos capacités […][71] ». De retour d’un récent voyage au Soudan, M. Proudfoot du MAECI a expliqué de quelle façon le Canada soutient les efforts de renforcement des capacités du Sud en matière de gouvernance, et a précisé que, peu importe les résultats du référendum, ce besoin allait demeurer. La perspective de l’indépendance n’a fait qu’amplifier l’urgence de cette aide[72].

Des témoins ont dit au Comité qu’après le référendum, toute la pression retombera sur les épaules du gouvernement du Sud-Soudan; les attentes de la population sont très élevées dans le Sud, et les gens là-bas espèrent que leur vie changera pour le mieux une fois le référendum passé. M. Bobiash du MAECI a dit au Comité qu’au cours d’une mission, lui et d’autres fonctionnaires du gouvernement canadien ont entendu beaucoup de gens « exprimer leur frustration à l’égard de l’appareil politique et des attentes non comblées quant aux dividendes de la paix qui ne sont toujours pas perceptibles dans la plupart des collectivités […] [73] » Il a décrit au Comité les défis qui se posent au Sud-Soudan en matière de gouvernance de la façon suivante : « Tant et aussi longtemps qu’il continuera d’avoir accès à ses richesses pétrolières, le grand défi pour le Sud-Soudan consistera à pouvoir traduire ces revenus et ceux reliés à l’aide internationale en prestations de services durables pour améliorer les conditions de vie de sa population, qui habite en grande partie dans des localités isolées éparpillées dans ce vaste territoire[74]. »

C’est dans ce contexte général que s’inscrit l’observation de M. Simmons de FAR Sudan selon laquelle l’amélioration de la gouvernance dans le Sud-Soudan, même si elle revêt une importance cruciale, doit s’accompagner de progrès en ce qui concerne la prestation de services régionaux, la gouvernance sous-nationale et la décentralisation. À son avis, l’une des choses qui fait obstacle aux efforts du Sud pour instaurer une gouvernance efficace c’est qu’il « copie le Nord, et que le Nord est fortement centralisé; le Sud a donc appris à gouverner de cette façon. Il répète la même erreur[75]. »

De fait, d’autres témoins ont aussi insisté sur la nécessité pour les donateurs de soutenir les organismes de la société civile soudanaise. Mme Elsawi de la Sudanese Women Empowerment for Peace a insisté sur le fait que les donateurs doivent entretenir des « relations au niveau de la base », s’ils veulent suivre et évaluer efficacement les résultats des dépenses engagées au titre de l’aide étrangère. Elle a recommandé la mise sur pied d’« une tribune de consultations entre les donateurs et les organismes de la société civile[76] ». Dans la même veine, M. Davis de Kairos a affirmé qu’« [i]l faut […], lors de la mise en place de nouveaux mécanismes de financement, prêter une oreille attentive aux organisations locales, y compris aux églises du Soudan, qui sont proches de la population et qui sont représentées par le Conseil, et leur donner un accès direct aux fonds disponibles[77] ».

Dans le contexte général de sa récente mission au Sud-Soudan portant sur l’introduction d’une nouvelle devise, le professeur émérite de l’Université Simon Fraser, James Dean, a insisté sur le fait que le renforcement des capacités doit favoriser le développement économique à plus long terme. Il a mentionné au Comité que jusqu’ici, le Sud-Soudan a beaucoup compté sur les revenus pétroliers et sur l’aide étrangère — ces deux sources génèrent l’équivalent de quatre milliards de dollars par année au total — pour financer la presque totalité de son budget de fonctionnement, d’où l’émergence de certains problèmes liés à la corruption.

M. Dean a évoqué la possibilité de concentrer les efforts sur le développement du secteur agricole au Soudan. Voici ce qu’il a dit à ce propos :

Tout pays qui s’appuie largement sur le pétrole ou l’aide étrangère est soumis à des mesures dissuasives pour trouver d’autres sources de revenus […] Il est donc impératif que le Soudan se dote d’une autre industrie d’exportation. Le secteur le plus prometteur est l’agriculture. Le Soudan n’est pas seulement le plus grand pays d’Afrique, il est l’un des plus fertiles[78].

Il a aussi souligné par ailleurs que les efforts pour étendre les activités du secteur agricole au Soudan devront tenir compte des enjeux liés aux droits fonciers et à la présence d’une importante industrie agroalimentaire contrôlée par des intérêts étrangers, qui est particulièrement bien implantée dans le Nord. Il a expliqué que des centaines de milliers d’hectares de terres arables avaient été vendus à des investisseurs étrangers, de sorte qu’en pratique « les collectivités, les tribus et les agriculteurs de subsistance ont pour ainsi dire perdu leur droit traditionnel d’occupation des terres[79] ». De même, le gouvernement a accepté de louer des terres à long terme « principalement dans le Nord mais de plus en plus dans le Sud ». La situation est d’autant plus compliquée qu’« [i]l n’y a pratiquement pas de lois foncières dans le Nord du Soudan ». Même s’il existe des lois foncières au Sud-Soudan, M. Dean doute que « l’esprit de la loi » soit observé.

Certaines des tensions auxquelles est actuellement confronté le Sud dans la foulée de ses efforts pour instaurer une unité politique suscitent des inquiétudes et font craindre à certains témoins une possible flambée de violence dans le Sud dans la période précédant ou suivant le référendum. M. Proudfoot du MAECI a dit au Comité que « [c]’est un […] problème, qui dure depuis le début du conflit — pendant la guerre civile et après. En 2009, qui a été une année de paix, 2 500 personnes ont été tuées dans le Sud du Soudan à la suite de violence interethnique[80] ».

M. Malok du gouvernement du Sud-Soudan a dit au Comité que le président du gouvernement du Sud-Soudan, M. Salva Kiir, a récemment « proposé un dialogue Sud‑Sud avec tous les partis politiques du Sud-Soudan pour essayer de trouver un terrain d’entente[81] ». M. Malok a également souligné au Comité qu’un pardon présidentiel a été accordé aux commandants de l’APLS et à ceux qui se sont rebellés contre le gouvernement du Sud-Soudan. Au dire de M. Malok, ce pardon a été « bien accueilli ». À son avis, « dans la perspective du référendum, il [faut] que la population du Sud-Soudan forme un bloc uni[82] ».

Lors de la séance de clôture du Forum des gouverneurs de six jours tenu à Djouba à la fin d’octobre, M. Kiir a réfuté les affirmations qui avaient cours alors dans les médias nord-soudanais selon lesquelles un désaccord serait apparu entre lui et son député, Riek Machar, et affirmé que ces reportages étaient une « tentative désespérée d’un groupe de personnes à court d’idées pour empêcher le déroulement du référendum en temps opportun[83] ». M. Kiir a ensuite réaffirmé que la population sud-soudanaise demeure unie et déterminée à relever « les défis associés au référendum et à la période qui suivra[84] ». Les observateurs surveilleront néanmoins de près la situation pour détecter le moindre signe de division dans le Sud.

L’autre facteur qui pourrait avoir un effet déclencheur et provoquer un nouveau conflit dans le Sud est la relative domination politique et militaire exercée par un groupe ethnique, en l’occurrence les Dinkas, sur les autres ethnies comme les Nuers et les Shilluks, qui est une source de tensions. M. Abunafeesa, fonctionnaire des Nations Unies à la retraite qui a fait partie de la MINUS, a dit au Comité « [i]l faut donc consolider les assises du Sud, au niveau local, en raison des conflits tribaux et de la rivalité entre les trois principales tribus [...][85] » À la lumière de cette analyse, il a soutenu qu’« [i]l importe surtout de veiller à la stabilité du Sud avant de voir à celle du Nord[86] ».

C’est précisément pour ces raisons que les efforts des donateurs internationaux pour renforcer la capacité de gouvernance du Sud sont si importants. M. Proudfoot a avancé le même argument lorsqu’il a parlé de l’aide canadienne et affirmé que : « C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si important de renforcer les capacités de la force de police du Sud du Soudan par l’entremise de formation, et d’appuyer et de renforcer la mission des Nations Unies au Soudan, ainsi que sa loi sur la stabilisation.[87] » Une gouvernance efficace à laquelle l’ensemble de la société est partie prenante, ainsi que la mise en place de programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion adaptés et d’une réforme des services de sécurité, pourraient faire contrepoids aux tensions politiques actuelles dans le Sud.

3. La nécessité de soutenir les femmes

Quelques témoins ont insisté sur le rôle que les femmes peuvent et doivent jouer en matière de prévention des conflits et de développement au Soudan. Le Comité a appris que pendant la guerre civile, les Soudanaises du Nord et du Sud ont réussi à unir leurs efforts dans la poursuite de leurs buts communs. Elles tentent maintenant de réaliser le même exploit dans le contexte du prochain référendum. Zaynab Elsawi a parlé de la difficulté pour les ONG comme la sienne d’évoluer dans un contexte où l’emprise de l’État est omniprésente comme au Soudan, et émis l’hypothèse que les groupes de femmes du Nord et du Sud « devron[t] peut-être [se] réunir à l’extérieur [du pays], comme par le passé ». À tous ces égards, ces femmes « méritent que le Canada et la communauté internationale les appuient[88] ».

Des témoins ont décrit les gains relatifs obtenus en faveur des droits des femmes dans le Sud-Soudan depuis 2005, comparativement à la situation des Nord-Soudanaises à cet égard. La constitution intérimaire du Sud-Soudan garantit la participation politique des femmes et leur réserve 25 % des sièges de l’Assemblée législative du Sud-Soudan et du Conseil des ministres[89]. Le Comité a de plus appris que le Cabinet compte sept femmes ministres et qu’il y a maintenant un ministère des genres. Toutefois, Mme Elsawi a souligné que ces progrès n’avaient pas eu d’écho dans le Nord. En effet, « les femmes du Nord n’en [des conséquences positives de l’APG] ont pas profité autant [que les femmes du Sud] ». En fait, Mme Elsawi n’a laissé planer aucun doute lorsqu’elle a décrit la situation des femmes au Nord-Soudan :

Nous, les femmes du Nord, y perdrons assurément. Le régime a commencé à nous traiter comme dans les années 1990, à l’époque où ses membres exerçaient leurs pleins pouvoirs sur les femmes […] Donc, je pense qu’ils attendent que les Soudanais du Sud prennent une décision avant de retourner à leur ancienne manière de traiter les femmes[90].

M. Lewis de Kairos a exprimé la même préoccupation lorsqu’il a dit au Comité :

Quand on parle à des habitants du Nord-Soudan, on sent très nettement qu’ils craignent que, sans le Sud, leur pays ne devienne, et ce sont leurs propres mots, « une autre Arabie Saoudite », notamment en ce qui concerne les droits des femmes. Ils redoutent que les gouvernements occidentaux—en l’occurrence les ONG occidentales—n’abandonnent le Nord au Parti du Congrès national, c’est-à-dire celui du gouvernement actuel[91].

Dans ce contexte, il est d’avis que le Canada pourrait « jouer un rôle de chef de file » pour soutenir la cause des femmes au Soudan et pour les aider, en particulier, à obtenir une plus grande place dans le processus de prise de décisions. Cela irait de pair avec la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, qui a fait l’objet d’un récent plan d’action de la part du gouvernement du Canada[92]. Le Comité est aussi d’avis qu’un plus grand nombre de partenariats officiels entre les femmes parlementaires du Canada et celles du Soudan pourrait être un mécanisme de soutien utile.

Pour encourager les femmes du Soudan à se prendre en charge, M. Lewis est aussi d’avis que le Canada devrait soutenir les initiatives proposées par les organisations féminines elles-mêmes. L’accès des groupes de femmes aux fonds destinés au développement a aussi été soulevé par Mme Elsawi. Elle a dit au Comité que la plupart des donateurs internationaux acheminent actuellement leur aide au développement par le biais de mécanismes de financement qui fonctionnent par paniers, en particulier le Fonds fiduciaire multidonateurs. Selon son analyse, « [p]our les petits groupes de femmes, il est très difficile d’avoir accès à ce fonds pour de très nombreuses raisons[93] ».

4. Le Darfour ne peut être laissé pour compte

Le Comité souhaite conclure le présent rapport par une déclaration sur la violence et l’instabilité qui perdurent au Darfour. Bien que ses audiences aient surtout été axées sur le référendum au Sud‑Soudan, les témoins ont rappelé au Comité que la crise humanitaire au Darfour est directement reliée à la stabilité générale du pays. Comme l’a fait valoir Mme Stirk du MAECI, « il est très important pour la communauté internationale de continuer à rappeler au gouvernement soudanais ses obligations relativement au Darfour[94] ». Le Comité est d’accord et exhorte vivement le gouvernement de Khartoum à cesser toutes ses activités militaires au Darfour, à garantir l’accès aux travailleurs humanitaires dans toutes les régions du Darfour et à négocier avec les groupes rebelles pour parvenir rapidement à une solution juste pour régler le conflit. De l’avis de M. Malok, représentant du gouvernement du Sud‑Soudan : « Le conflit du Darfour se résume à un problème d’inégalité aux niveaux du développement, de la représentation politique, de la participation aux décisions au centre, et de l’accès aux ressources et aux richesses nationales.[95] » Le Comité est donc d’avis que pour s’attaquer à ces griefs de longue date dans la région, il faut que le processus de paix soit aussi inclusif que possible et permette la participation de tout un éventail d’intervenants sociaux différents au Darfour, de façon à en accroître la viabilité.

Ayant examiné les enjeux à plus long terme dont il est question ci‑dessus, le Comité recommande :

6.   Qu’après la visite de la délégation de haut niveau proposée ci-dessus, le gouvernement du Canada, en partenariat avec la communauté internationale, élabore une stratégie pangouvernementale à long terme à l’égard du Soudan, comportant des mesures de soutien pour le Nord et pour le Sud. Cette stratégie doit comprendre les éléments suivants :

  • Maintien de l’engagement à l’endroit du Nord et du Sud-Soudan;
  • Maintien de l’aide pour répondre aux besoins humanitaires énormes dans toutes les régions du pays;
  • Soutien possible des mesures de renforcement des capacités afin de consolider la gouvernance au Sud-Soudan, notamment dans les secteurs de la justice et de la sécurité;
  • Conseils et soutien techniques axés sur la productivité agricole et le renforcement des lois foncières;
  • Mécanismes pour permettre aux organismes de la société civile, notamment aux organisations féminines, d’avoir directement accès au financement;
  • Soutien à la médiation et conseils techniques pour aider les deux parties à l’APG à résoudre les questions encore en suspens, comme la démarcation de la frontière, les droits à la citoyenneté, le partage de la dette et la répartition des revenus pétroliers;
  • Mise en œuvre intégrale au Soudan du Plan d’action du gouvernement du Canada relativement à la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et attention particulière accordée à la promotion du rôle des femmes dans la prise de décisions et dans le processus démocratique;
  • Maintien de la pression sur le gouvernement d’unité nationale de Khartoum pour arriver à un règlement politique immédiat, durable et inclusif du conflit au Darfour;
  • Maintien de la pression sur le gouvernement d’unité nationale de Khartoum et le gouvernement du Sud-Soudan pour garantir le plein accès aux organisations d’aide humanitaire à l’œuvre dans toutes les régions du Soudan;
  • Maintien des efforts pour répondre aux besoins pratiques découlant de la redistribution et du déplacement massif de la population à l’intérieur du Soudan, notamment grâce à un soutien financier accru aux organisations multilatérales œuvrant auprès des populations déplacées dans ce pays.


[1]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[2]        Secrétaire général des Nations Unies, SG/SM/13252; SC/10087; AFR/2062, 16 novembre 2010, http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/SGSM13252.doc.htm.

[3]           Economist Intelligence Unit (EIU), Country Profile 2009: Sudan, Londres, Royaume-Uni, 2009.

[4]           Voir http://www.un.org/en/peacekeeping/missions/unmis/facts.shtml (site consulté le 31 octobre 2010). Le mandat actuel de la mission de l’ONU expire le 30 avril 2011.

[5]           EIU, Country Profile 2009: Sudan.

[6]           Voir http://www.un.org/en/peacekeeping/missions/unamid/facts.shtml (site consulté le 31 octobre 2010). Le mandat de la mission de l’ONU au Darfour expire le 31 juillet 2011.

[7]           Le MPLS est l’aile politique de l’APLS.

[8]           Voir United Nations Mission in Sudan, The background to Sudan’s Comprehensive Peace Agreement, http://unmis.unmissions.org/Default.aspx?tabid=515, consulté le 8 décembre 2010.

[9]           Suivant le protocole sur le partage des pouvoirs de l’Accord de paix global entre le gouvernement de la République du Soudan et l’Armée/le Mouvement populaire de libération du Soudan.

[10]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010. L’article 2.5 du Protocole de Machakos de l’APG sur le droit à l’autodétermination de la population du Sud-Soudan porte que, au terme de la période de transition de six ans, un référendum organisé conjointement par le gouvernement du Sud-Soudan et l’Armée/le Mouvement populaire de libération du Soudan et supervisé par la communauté internationale sera mené auprès de la population du Sud-Soudan afin que celle-ci soit confirme l’unité du Soudan en optant pour le système de gouvernement établi dans l’Accord de paix global, soit vote pour la sécession.

[11]           EIU, Country Profile 2009: Sudan, p. 4.

[12]           Integrated Regional Information Networks (IRIN), Analysis: A guide to Abyei’s referendum, 14 juillet 2010, http://www.irinnews.org/Report.aspx?reportid=89832.

[13]           Katherine Almquist, Renewed Conflict in Sudan, Council on Foreign Relations (CFR), Center for Preventive Action, Contingency Planning Memorandum No. 7, mars 2010.

[14]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[15]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[16]           Ibid.

[17]           Ibid.

[18]           Ibid.

[19]           Ibid.

[20]           Ibid.

[21]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[22]           Ibid.

[23]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[24]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[25]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[26]           Ibid.

[27]           Ibid.

[28]           Ibid.

[29]           « Sudan extends vote registration after huge turnout », Reuters, Khartoum, 16 novembre 2010. [traduction]

[30]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[31]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[32]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[33]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre, 2010.

[34]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 26 2010.

[35]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010. L’International Crisis Group (ICG), un organisme non gouvernemental voué à la recherche de moyens de prévenir et de résoudre les conflits dans le monde, conteste la description courante de l’Abyei selon laquelle la région est riche en pétrole. Dans un rapport récent, l’ICG a écrit que le jugement de 2009 de la Cour permanente d’arbitrage sur la délimitation définitive d’Abyei « réduit la taille de la région » à ce qu’elle était au moment de la décision de 2005 de la Commission des frontières de l’Abyei, « ce qui contribue à retrancher les deux sites les plus lucratifs, les champs pétrolifères de Heglig et de Bamboo, de la région ». L’ICG indique que selon les estimations actuelles, les réserves de pétrole d’Abyei comptent pour environ 0,6 % des recettes totales du Soudan tirées du pétrole. Voir : ICG, « Negotiating Sudan’s North-South Future », Update Briefing, Juba/Khartoum/Nairobi/Bruxelles, 23 novembre 2010, p. 4. [traduction]

[36]           Andrew Heavens, « Sudan Abyei vote deadline ‘impossible’: north », Reuters, Khartoum, 14 octobre 2010.

[37]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[38]           ICG, Negotiating Sudan’s North-South Future, p. 4-9.

[39]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[40]           Ibid.

[41]           ICG, Negotiating Sudan’s North-South Future, p. 4.

[42]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[43]           « FACTBOX — Key facts about Sudan’s disputed Abyei region », Reuters, 23 novembre 2010, http://af.reuters.com/article/sudanNews/ idAFLDE6AM1V720101123?sp=true. [traduction]

[44]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[45]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[46]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[47]           Centre d’actualités de l’ONU, Remarks at High-Level Meeting on Sudan, Secrétaire général Ban Ki-moon, siège des Nations Unies, 24 septembre 2010, http://www.un.org/apps/news/infocus/sgspeeches/statments_full.asp?statID=965. [traduction]

[48]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[49]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[50]           Ibid.

[51]           « South Sudan bombing confirmed by UN ahead of referendum », BBC News, 14 décembre 2010, http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-11989787. [traduction]

[52]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[53]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[54]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[55]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[56]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[57]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[58]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[59]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[60]           Témoignages, réunion no 27, 7 octobre 2010.

[61]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[62]           Ibid.

[63]           Témoignages, réunion no 33, 18 novembre 2010.

[64]           Témoignages, réunion no 30, 16octobre 2010.

[65]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[66]           Ibid.

[67]           Témoignages, réunion no 35, 18 novembre 2010.

[68]           « Soutien du Canada apporté au Soudan avant et après les référendums : réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, discours de Jillian Stirk, sous-ministre adjointe, Europe, Eurasie et Afrique », p. 2.

[69]           Témoignages, réunion no 33, 18 novembre 2010.

[70]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[71]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[72]           Témoignages, réunion no 33, 18 novembre 2010.

[73]           Témoignages, réunion no 33, 18 novembre 2010.

[74]           Ibid.

[75]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[76]           Témoignages, réunion no 27, 7 octobre 2010.

[77]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[78]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[79]           Ibid.

[80]           Témoignages, réunion no 28, 19 octobre 2010.

[81]           Témoignages, réunion no 30, 26 octobre 2010.

[82]           Ibid.

[83]           « Kiir describes claimed rift with deputy a “desperate attempt” to delay vote », Sudan Tribune, 30 octobre 2010, accessible sur le site des services de dépouillement des médias de la MINUS : http://unmis.unmissions.org/Portals/UNMIS/MMR/MMR%2031%20Oct%2010.pdf.[traduction]

[84]           Ibid. [traduction]

[85]           Témoignages, réunion no 32, 2 novembre 2010.

[86]           Ibid.

[87]           Témoignages, réunion no 28, 19octobre 2010.

[88]           Témoignages, réunion no 27, 7 octobre 2010.

[90]           Ibid.

[91]           Témoignages, réunion no30, 26 octobre 2010.

[92]           MAECI, Offrir la paix et la sécurité à tous : Plan d’action du Canada pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, 6 octobre 2010, http://www.international.gc.ca/START-GTSR/women_canada_action_plan-plan_action_femme.aspx?lang=fra.

[93]           Témoignages, réunion no27, 7 octobre 2010.

[94]           Témoignages, réunion no28, 19 octobre 2010.

[95]           Témoignages, réunion no30, 26 octobre 2010.