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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 039 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons été retardés par un vote à la Chambre; je tiens à présenter mes excuses à nos témoins, qui se sont montrés très patients, et en particulier à Mme Healy, qui a été plus que patiente, puisque dans son cas, c'est la deuxième fois que cela arrive.
    Nous allons poursuivre notre discussion sur le projet de loi C-46, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République du Panama et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Panama.
    Aujourd'hui, nous entendrons trois témoins. Nous accueillons — de retour après que la dernière réunion a dû être annulée en raison des votes — Mme Teresa Healy, chercheuse principale, Développement des politiques économiques et sociales, Congrès du travail du Canada.
    Soyez de nouveau la bienvenue. Vous disposerez de tout le temps dont vous aurez besoin aujourd'hui.
    Nous procéderons un peu différemment aujourd'hui. Nous aurons une vidéoconférence, comme vous pouvez tous le voir ici, mais aussi une téléconférence.
    D'abord, nous accueillons M. Félix Wing Solís, directeur exécutif, Environmental Advocacy Center, Panama.
    Monsieur Solís, m'entendez-vous?
    Excellent, et nous vous entendons très clairement.
    Nous accueillons également, par vidéoconférence, de Montréal, M. Claude Vaillancourt, coprésident, Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens.
    Afin de faciliter les choses pour tout le monde, nous allons commencer à entendre nos témoins. Veuillez nous donner un bref aperçu de vos antécédents et de votre participation d'aujourd'hui. Nous allons entendre chacun des témoins, après quoi nous entamerons une série de questions.
    Commençons par M. Solís, à Panama.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, représentants du gouvernement du Canada et invités.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de livrer mon témoignage par téléconférence de la ville de Panama, au Panama.
    Depuis sa création, en 2007, le Centre d'intervention en environnement — Centro de Incidencia Ambiental, ou CIAM — le principal centre du droit de l'environnement de notre pays, a fourni bénévolement une représentation juridique devant des organismes gouvernementaux, des tribunaux nationaux et des organismes de défense des droits de la personne à des personnes et des collectivités autochtones touchées ou susceptibles d'être touchées par la présence de sociétés minières canadiennes. Parallèlement, le CIAM préconise un cadre législatif et stratégique plus strict en matière d'environnement, qui permettrait d'éviter les conflits grâce à la participation active des citoyens, à la consultation publique et à l'accès à l'information. Le centre offre également aux citoyens des solutions appropriées en cas de conflits.
    Dans le cadre de notre mission, nous avons estimé qu'il était important que le comité permanent entende les points de vue des collectivités panaméennes que nous représentons. Nous espérons que cela permettra au Parlement canadien de décider de façon plus éclairée si l'accord de libre-échange entre le Panama et le Canada devrait être ratifié, comme on le propose.
    Durant mon témoignage, je vais vous parler de deux sections précises de l'accord de libre-échange qui soulèvent de nombreuses questions au Panama. Il s'agit des prétendus accord sur l'environnement et accord sur l'investissement. L'accord sur l'environnement, comme on l'appelle au chapitre 17 de l'accord de libre-échange, est composé de trois articles qui constituent un énoncé non contraignant de principes ou de bonnes intentions. Par conséquent, il s'agit d'un traité non exécutoire, dont la mise en oeuvre dépend de la volonté politique.
    En fait, en raison de l'absence de volonté politique dont font preuve le gouvernement panaméen et les sociétés minières canadiennes, nous avons beaucoup de mal à croire que l'accord sur l'environnement va permettre au Panama de viser des normes de protection de l'environnement élevées et de continuer à améliorer ses lois et politiques en matière d'environnement, pour les raisons suivantes:
    Premièrement, le Panama n'applique pas ses lois environnementales de façon appropriée. En fait, durant la première année où le gouvernement actuel était au pouvoir, le nombre de collectivités ou de personnes qui ont demandé un avis juridique du CIAM en raison d'une non-conformité environnementale ou d'un manque de rigueur dans l'application des lois a doublé comparativement aux deux années précédentes.
    Deuxièmement, le Panama a tendance à affaiblir la réglementation actuelle tout en passant outre aux normes internationales et à la protection de l'environnement afin de favoriser les échanges commerciaux ou les investissements. En fait, notre gouvernement s'est engagé publiquement à modifier toutes les lois nécessaires pour permettre aux sociétés étrangères d'investir dans le secteur minier du Panama, même si cela nécessiterait une réforme constitutionnelle. Inmet Mining Corporation, une compagnie canadienne, a conclu avec une entreprise appartenant au gouvernement de Singapour un accord financier qui passe par cette réforme juridique.
    Troisièmement, le Panama n'a pas proposé de solution aux collectivités touchées par la violation des droits environnementaux. Par exemple, trois poursuites déposées par le CIAM devant la Cour suprême du Panama contre la mine aurifère Molejón sont en cours d'instance. La construction de cette mine a commencé en 2005 sans qu'on ait effectué une évaluation des impacts environnementaux. Les propriétaires, à l'époque, étaient trois entreprises canadiennes: Inmet, Teck et Petaquilla Minerals. Dans l'une de ces causes, on attend depuis plus d'un an que le tribunal rende son jugement définitif.
    Quatrièmement, le Panama refuse systématiquement d'accorder un droit d'accès à l'information en ce qui concerne les impacts environnementaux et sociaux. Au cours des trois dernières années, le CIAM a intenté 19 poursuites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information relativement à des demandes d'accès à l'information pour lesquelles aucune réponse n'a été reçue ou qui ont été rejetées. Par exemple, le CIAM a demandé officiellement d'obtenir une copie numérique de l'EIE pour la mine de cuivre Cobre Panama de la société Inmet. Le gouvernement a rejeté cette demande, et la société n'a envoyé le document au CIAM qu'après que nous nous sommes plaints de la situation à la conférence des Nations Unies sur le développement durable et l'exploitation minière, tenue à New York en octobre dernier, et à laquelle Inmet n'a pas assisté, bien entendu.
    L'audience publique sur l'EIE a eu lieu le 26 novembre, et les derniers commentaires devaient être présentés le 6 décembre, mais les collectivités et les ONG ont trouvé très difficile de parcourir une EIE de 14 500 pages, rédigée en langage très technique et entachée d'erreurs, en un laps de temps aussi court.

  (1600)  

    Cinquièmement, le Panama a cherché activement à se débarrasser de l'exigence de l'EIE en adoptant la Loi 30, en juin dernier. Il est vrai que cette loi a été annulée par la Loi 65 en octobre dernier, mais l'ébauche de règlement pour la nouvelle loi doit être soumise à la participation du public afin qu'on puisse déterminer quels projets ne nécessiteront plus une EIE. Ce fait montre que le niveau de protection environnement qu'apporte une EIE a diminué de façon frappante.
    Sixièmement, le Panama a permis à des sociétés irresponsables sur le plan environnemental et social d'investir dans notre secteur minier. Par exemple, une filiale d'Inmet a tenté sans succès de se soustraire au règlement relatif aux EIE en s'adressant aux tribunaux et en alléguant que seul son contrat s'appliquait. Une compagnie remplaçante, Minera Panama, qui appartient également à Inmet, tente de faire invalider une résolution créant la zone protégée de Donoso en 2008, qui entoure la mine d'or Molejón et la mine de cuivre Cobre Panama.
    Septièmement, le Panama a permis et continue de permettre à ces compagnies irresponsables de détruire une partie importante de notre incroyable biodiversité. En fait, la plus grande partie de la zone visée par l'accord de concession Petaquilla, y compris la mine de cuivre Cobre Panama d'Inmet, était une forêt vierge jusqu'à ce qu'on débute, en 2005, la construction de la mine aurifère Molejón, sans EIE, en violation de la loi panaméenne.
    Selon le chapitre 5 de la proposition technique finale du gouvernement pour l'établissement de la zone protégée de Donoso, plus de 80 p. 100 de la zone est encore recouverte de forêt, et on y trouve la biodiversité suivante: pas moins de 18 espèces végétales protégées, 8 mammifères protégés, ainsi que 335 oiseaux, 67 amphibiens et 12 reptiles en voie de disparition. Par conséquent, il est pratiquement impossible de construire un établissement dont la production serait de 90 000 à 100 000 tonnes par jour, pour environ 200 000 tonnes de cuivre par année — tout cela à l'intérieur de la zone protégée de Donoso, dans le Gulf of Mosquitoes, une aire importante de nidification, et à l'intérieur du couloir biologique méso-américain —, sans nuire grandement à cette forêt vierge.
    Huitièmement, le Panama ne respecte pas les pratiques traditionnelles des collectivités indigènes. Notre gouvernement a récemment modifié la loi relative aux recherches sur le territoire indigène Ngöbe-Buglé et a commandité pour la première fois les élections internes de cette communauté; elles ont été boycottées par plus de 70 p. 100 des électeurs. Tout cela s'est produit pendant que notre gouvernement annonçait son intention d'ouvrir Cerro Colorado, l'une des plus grandes mines de cuivre au monde, située dans la région de Ngöbe-Buglé.
    Neuvièmement, contrairement à d'autres accords de libre-échange comme l'ALENA et le CAFTA, cet accord ne fournit aux collectivités locales aucune solution précise pour mettre fin à ces violations.
    Je vais maintenant vous parler brièvement de l'accord d'investissement que l'on trouve au chapitre neuf de l'accord de libre-échange.
    Afin de rendre le commerce international équitable, le CIAM croit fermement que les pays en développement comme le Panama doivent avoir de meilleures conditions commerciales, ce qui leur permettrait ensuite d'atteindre des objectifs importants comme la durabilité de l'environnement et la justice sociale.
    Malheureusement, cela ne semble pas être le cas dans dans le cadre de l'accord sur l'investissement de 36 pages de l'Accord de libre-échange entre le Panama et le Canada. C'est un fait bien établi que la vaste majorité des investissements canadiens au Panama sont actuellement effectués dans le secteur minier. Par conséquent, nous pouvons en conclure que l'accord sur l'investissement a été conçu spécialement pour profiter aux sociétés minières canadiennes, qui versent, en vertu du code minier panaméen actuel,des redevances correspondant à seulement 3 à 4 p. 100 de leur bénéfice net. Ces sociétés bénéficient également de divers allégements fiscaux et diverses exemptions fiscales.

  (1605)  

    Par contre, les dommages environnementaux causés par la perte de la couverture forestière et des ressources hydriques associée à l'exploitation de la mine aurifère Molejón ont été estimés à 52,7 millions de dollars américains.
    Pacific Rim, une autre société minière canadienne, vient tout juste de faire l'acquisition du projet minier El Remance, au Panama. Pacific Rim a intenté une poursuite contre la République du Salvador en vertu du mécanisme d'arbitrage investisseur-État de l'Accord de libre-échange de l'Amérique Centrale, le CAFTA, parce que le gouvernement salvadorien ne lui a pas accordé de permis d'exploitation en raison de la négligence de l'entreprise de se conformer aux exigences juridiques.
    Compte tenu de tout ce qui précède, le CIAM demande au comité permanent de ne pas recommander la ratification de l'Accord de libre-échange entre le Panama et le Canada avant que cet aspect ait été renégocié par les deux parties avec le consentement éclairé préalable des collectivités touchées ou susceptibles d'être touchées, compte tenu du fait que les deux organes exécutifs ont inclus dans l'accord de libre-échange une disposition interdisant aux deux organes législatifs de formuler des réserves au moment de la ratification.
    Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Solís, en direct de Panama.
    Nous allons passer à notre téléconférence. Monsieur Vaillancourt, m'entendez-vous?

[Français]

[Traduction]

    Je crois que nous vous entendons très clairement.
    Nous accueillons M. Claude Vaillancourt, coprésident de l'Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de cette invitation et de me permettre de m'exprimer sur cet accord, qui soulève, je dois le dire, certaines inquiétudes.
    D'abord, j'aimerais présenter ATTAC-Québec. Il s'agit de la branche québécoise d'une organisation que l'on retrouve dans une vingtaine de pays sur quatre continents. ATTAC s'intéresse beaucoup aux questions de fiscalité et défend une taxe sur les transactions financières qui pourrait rapporter, selon les estimations, entre 400 milliards et 1 000 milliards de dollars par année, tout en ralentissant l’activité spéculative à court terme qui est très dommageable pour notre économie.
    ATTAC s'intéresse aussi à la question des paradis fiscaux, qui n'ont pas d'autre utilité, selon nous, que de favoriser l’évasion et l’évitement fiscaux, de laver l'argent sale du crime organisé, donc de favoriser une mondialisation de la criminalité, et de permettre de contourner les lois de l'État de droit. Or le Canada s'apprête à conclure un accord de libre-échange avec un des pires paradis fiscaux, l'un des plus actifs et l'un des moins coopératifs, qui se retrouve d'ailleurs sur la liste grise de l'OCDE. Pour cette raison, nous ne pouvons pas approuver un tel accord, qui présente aussi l'inconvénient de donner une forme de légitimation à un important paradis fiscal dont la plus grande activité économique, comme l'a dit Todd Tucker avec qui nous partageons d'ailleurs les analyses et qui a été convoqué par ce comité, est d'offrir des services financiers et juridiques à des multinationales et à des trafiquants de drogue.
    Certes, un accord de libre-échange peut intéresser beaucoup les gens d'affaires, mais ceux-ci ne forment pas la majorité de la population, et nous ne pensons pas, à ATTAC-Québec, qu'un tel accord sera profitable aux populations du Canada et du Panama. On considère que, pour les Canadiens, les pertes fiscales provoquées par l'activité des compagnies qui ouvriront des succursales au Panama vont être plus grandes que les avantages que peuvent en retirer certaines entreprises. Dans une période d'austérité financière comme la nôtre, l'une des pires choses consiste à favoriser l'évitement fiscal, alors qu'on a besoin, plus que jamais, de tout notre argent pour préserver des services publics de qualité.
    On a l'impression que cet accord peut avoir des conséquences négatives pour les Panaméens. Une baisse des droits de douane peut avoir des conséquences: d'abord, rendre les produits locaux moins compétitifs, ensuite, priver un État de précieux revenus. On sait qu'il y a un problème quand même important de pauvreté au Panama. Priver l'État de revenus peut donc avoir des conséquences pour une population pauvre.
    L'ouverture des marchés publics priverait le gouvernement d'un des rares outils dont il peut se servir pour favoriser l'économie locale en privilégiant les entreprises nationales. Il faut se rappeler que les pays les plus pauvres ont refusé de signer l'Accord sur les marchés publics à l'OMC, justement parce qu'ils avaient l'impression de perdre un pouvoir important. Cet accord a été ratifié sans consultation réelle de la société civile. Certes, on a consulté le patronat, mais l'ensemble de la population n'a pas été consulté et il n'y a pas eu de réel débat public sur cet accord. C'est pourtant une première. En effet, que le Canada signe un accord avec un paradis fiscal est quand même quelque chose d'assez particulier, et cela aurait dû faire l'objet d'un large débat public.
    Pour toutes ces raisons, ATTAC-Québec croit qu'il ne faudrait pas adopter la loi sur cet accord entre le Canada et le Panama.
     Merci beaucoup.

  (1610)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous en sommes maintenant à notre dernier témoin. Comme je l'ai mentionné, nous l'avions invitée la semaine dernière, mais nous avons dû lui demander de revenir. Il s'agit de Mme Teresa Healy, chercheuse principale, Service des politiques économiques et sociales, Congrès du travail du Canada.
    Je sais que vous avez présenté votre exposé la semaine dernière, mais je crois que nous vous avons un peu bousculée. Donnez-nous un bref compte rendu, et si vous voulez ajouter quoi que ce soit, n'hésitez pas à le faire. Nous passerons ensuite aux questions.
    Allez-y, madame Healy.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de revenir pour poursuivre notre discussion. Je ne voudrais pas abuser du privilège que l'on m'accorde ici; je vais donc résumer les principaux points dont j'ai parlé la dernière fois et indiquer quels enjeux mériteraient une discussion plus approfondie.
    En résumé, je vous ai parlé de certaines préoccupations exprimées par le Congrès du travail du Canada concernant les dispositions relatives au travail de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Panama.
    J'ai également abordé la question des violations des droits des travailleurs au Panama, et c'est le contexte dans lequel nous discutons de cet accord de coopération dans le domaine du travail.
    J'ai parlé de la crise politique due aux changements unilatéraux apportés au droit du travail par le gouvernement à l'été 2010, et des problèmes liés à la nouvelle zone de libre-échange de Barú, qui rend les négociations collectives facultatives durant les six premières années d'activités. Cela fait en sorte que certaines protections du code du travail ne s'appliqueront pas durant les trois premières années de travail et permet aux employeurs de renvoyer les travailleurs en toute légalité si les ventes diminuent.
    Ces nouvelles dispositions de Barú ont été rédigées après la signature de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Panama et sont contraires aux engagements pris par le gouvernement du Panama dans ce document.
    Aujourd'hui, je me ferai un plaisir de revenir sur ces questions, en particulier sur les restrictions contenues dans l'accord de coopération dans le domaine du travail et sur certains problèmes liés au droit du travail au Panama. Si vous le désirez, je pourrais aussi aborder la question de l'accord d'échange de renseignements à des fins fiscales qui a été proposé, ainsi que le fait que le Panama a accordé l'asile à un dignitaire colombien très influent accusé de violations graves des droits de la personne.
    Merci.
    Monsieur Silva, voulez-vous commencer?
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux de pouvoir poser des questions aux témoins qui nous ont présenté des exposés très intéressants sur les enjeux de l'environnement, de la taxation et du travail.
    Nous sommes conscients que les accords de libre-échange ne sont pas toujours parfaits. Je ne suis pas certain que nous vivions dans un monde où les lois et les accords sont irréprochables; quoi qu'il en soit, ces étapes sont cruciales, au Canada, pour ce qui est de déterminer comment s'effectueront les échanges commerciaux réglementés avec ces partenaires et ces pays.
    Le Canada participe déjà à des échanges commerciaux avec le Panama, comme avec plusieurs autres pays partout sur la planète. En raison de l'échec du cycle de Doha, qui a été infructueux, le Canada cherche à conclure des accords bilatéraux, ce qui n'est probablement pas la bonne solution. Toutefois, compte tenu de la situation, nous n'avons probablement pas d'autre option que de nous demander comment nous traiterons les échanges commerciaux.
    Ce faisant, le Canada a réussi à mettre en place des règles régissant les échanges commerciaux tout en faisant face à des problèmes de droits du travail et de droits de la personne. De nombreux accords bilatéraux signés par d'autres pays ne tiennent pas compte de ces enjeux. Le Canada est allé plus loin et s'est montré très progressiste à cet égard.
    Nous sommes conscients que tous ces pays ne voient pas les enjeux des droits du travail et de la personne du même oeil que le Canada. Nous savons toutefois que les droits de la personne sont mieux respectés au Panama qu'au Venezuela, par exemple. Les droits du travail aussi y sont mieux reconnus qu'au Venezuela, notamment en ce qui a trait aux personnes qui critiquent le gouvernement. Au Venezuela, nous savons que ceux qui n'appuient pas le gouvernement sont constamment arrêtés et torturés.
    Il reste bien des sujets de préoccupation, mais dans l'ensemble, le gouvernement s'y attaque. Nous travaillons en collaboration avec nos fonctionnaires et le gouvernement. Nous n'allons pas régler tous les problèmes liés au travail qui nous préoccupent, mais nous progressons.
    Je mets quiconque au défi de dire qu'aucun progrès n'a été accompli au Panama. Au cours des 10 dernières années, le pays a progressé remarquablement en matière de droits du travail et de la personne. C'est très positif, et ce devrait être encouragé. Tout n'est peut-être pas parfait et ne plaît peut-être pas à chacun, mais je défie quiconque de dire que le pays n'a pas progressé en matière de droits du travail, de droits de la personne et de droits environnementaux.
    On peut toujours trouver des problèmes non résolus dans tous les pays. Parallèlement, on constate des progrès considérables compte tenu de ce que le pays a enduré historiquement depuis bien des années, qu'il s'agisse de troubles civils ou de dictature. De plus, l'économie du Panama va très bien. Le pays a tenté de s'associer à différents partenaires partout dans le monde.
    Le Canada veut à juste titre compter parmi les partenaires du Panama. Le pays, qui est localisé stratégiquement dans cette région du globe, peut jouer un rôle majeur. Le Canada aussi veut assumer un plus grand rôle dans les Amériques, et le Panama serait d'un grand secours à cet égard.
    Je concède qu'il y a lieu d'améliorer le projet de loi. Si les témoins veulent proposer des modifications, j'aimerais les entendre. Aussi, pour être juste, il faut rappeler aux témoins que le pays a beaucoup avancé. Nous devrions appuyer le Panama et être fiers qu'il ait tant progressé au cours des dernières années. J'invite quiconque à dire qu'il n'a pas évolué durant la dernière décennie. J'aimerais le savoir si c'est le cas. Selon mes contacts là-bas, le progrès a été phénoménal. Les gens savent ce qu'ils ont lu dans les journaux.

  (1615)  

    On a aussi eu l'occasion de discuter avec les parlementaires, les ONG et les gens sur place. De plus, un nombre croissant de Canadiens vont au Panama. L'investissement des Canadiens là-bas est phénoménal, tout comme le nombre de Canadiens qui veulent s'y installer lorsqu'ils prendront leur retraite. Je ne sais pas si vous saviez que ce nombre a connu une augmentation de plus de 200 p. 100.
    Je pense qu'il faudra régler certains problèmes. Je ne dis pas que tout est parfait, mais je ne crois pas non plus qu'un rapport sur le Canada indiquerait qu'il est en tout point parfait. Je pense toutefois que nos démocraties sont parvenues à maturité. Le Panama a instauré la démocratie, et je crois que nous devrions tous être fiers de lui; bon nombre de pays semblables ont connu des guerres civiles et des dictatures pendant des années, et ils commencent tout juste à devenir lentement des démocraties à part entière. Je crois que nous devrions être fiers d'eux et appuyer ces gouvernements qui font des pas de géants.
    Monsieur le président, vous avez été témoin du nombre phénoménal de pays qui se sont améliorés dans les Amériques. Le Panama n'est pas le seul; il y a aussi le Brésil, dont j'aimerais certainement parler. Nous devons assumer notre rôle.
    Le commerce de la drogue est l'un des principaux problèmes qui sévissent dans ces pays — y compris au Panama. La drogue est un problème majeur, et je pense que nous devons travailler ensemble...

  (1620)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je comprends ce que dit M. Silva, mais par respect pour les témoins, pourrait-il poser des questions? Nous avons des gens fort compétents avec nous.
    Pardonnez-moi, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement.
    Quel heureux changement de voir que vous tenez compte des témoins, et non...
    Eh bien, monsieur le président, je ne siège peut-être au comité que depuis un an environ, mais je pense qu'il s'agit justement de la méthode qu'utilise M. Julian avec bien des témoins. Au fond, il formule des remarques plutôt qu'une question. Je ne vois pas pourquoi cette façon de faire le dérange. J'aimerais quand même poser une question à propos du fait que...
    Eh bien, vous ne pourrez pas le faire à ce tour-ci...
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: ... puisqu'il ne vous reste que 30 secondes environ sur les sept minutes allouées.
    En fait, depuis le début de mon intervention, je crois avoir demandé aux témoins s'ils peuvent affirmer qu'il n'y a eu aucun développement au Panama au cours des 10 dernières années. C'est là où je voulais en venir en parlant de la croissance du pays, des investissements canadiens et des partenariats que nous avons créés là-bas au cours des dernières années. Je ne cesse de demander aux témoins de me contredire et de prouver que c'est faux. À mon avis, les statistiques et le développement de nos échanges commerciaux et partenariats avec ce pays prouvent plutôt le contraire, en plus des progrès incroyables réalisés là-bas.
    Je crois qu'il faut l'admettre et le respecter. Nous devrions appuyer l'accord. Je crois que notre relation d'amitié pourrait se changer en partenariat, ce qui nous permettrait de nous attaquer aux nombreux problèmes de ce pays. Nous espérons que la relation ne se limitera pas au commerce, et que nous interviendrons aussi sur les enjeux sociaux et culturels, et sur les enjeux liés au travail. Je crois que c'est avantageux pour le Canada.
    De toute façon, il y a déjà des échanges commerciaux à l'heure actuelle. Il faut se demander si nous voulons mettre en place un modèle pour que les deux pays puissent travailler dans la même direction.
    Je crois que vos commentaires étaient pertinents et ont été bien accueillis, mais votre temps est écoulé. Malheureusement, les témoins ne pourront pas vous répondre ce tour-ci. Vous pouvez consulter vos collègues pour essayer d'obtenir la réponse au prochain tour.
    Je laisse maintenant la parole à M. Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les témoins, qu'ils soient à l'extérieur ou ici.
     M. Silva a dit qu'il avait constaté des progrès au Panama au cours des dernières années. Toutefois, là n'est pas la question. Il faut bien savoir qui en a profité. Il faut savoir aussi si un accord de libre-échange ne permettra pas, encore une fois, de n'augmenter les profits que d'une très petite minorité de personnes.
    Monsieur Vaillancourt, vous avez abordé la question de la fiscalité. Je ne sais pas si vous avez entendu ou lu les commentaires du dernier témoin qui a comparu ici lundi dernier, mais il y avait notamment le négociateur commercial en chef et sous-ministre du commerce et des négociations internationales du Panama qui nous a déclaré, par deux fois, qu'il n'était pas dans l'intérêt économique du Panama de conclure une entente d'échange de renseignements fiscaux. On comprend donc mieux pourquoi on pose la question au ministre du Commerce international du Canada de savoir s'ils vont conclure une entente d'échange de renseignements fiscaux, ce qui serait un minimum avant de conclure une entente de libre-échange.
    J'aimerais entendre votre commentaire à cet égard, monsieur Vaillancourt.

  (1625)  

    Revenons à la question du progrès. J'aimerais signaler qu'il n'y a pas eu de progrès sur le plan de la fiscalité. Le Panama est toujours un paradis fiscal des plus importants, des plus actifs. Je pense que cet échange de renseignements fiscaux dont vous parlez, monsieur Laforest, serait extrêmement important. Toutefois, selon ce qu'on connaît des paradis fiscaux, il semble peut-être utopique de demander cela, après tous les efforts de collaboration qui ont été faits. Je pense que depuis la réunion du G20 de Londres, en 2009, la question a été quand même ouvertement abordée.
    On a pu observer que les paradis fiscaux n'ont aucune volonté réelle de changer d'attitude. C'est la raison pour laquelle nous, de l'ATTAC, croyons que la meilleure chose serait peut-être tout simplement, pour le moment, de ne pas négocier d'accords commerciaux avec les paradis fiscaux. On ne pense pas que des changements soient possibles.
    On pense qu'il faut lutter contre les paradis fiscaux à la fois sur les plans international et nationaux. Le Canada devrait adopter des mesures réelles contre les paradis fiscaux en revenant, notamment, sur l'accord de double imposition qui est négocié avec la Barbade. Il faut aussi continuer la bataille au G20.
    Quelques bons pas ont été faits à Londres, mais c'est nettement insuffisant puisque les paradis fiscaux restent encore un problème majeur. Comme je le disais dans mon exposé, négocier un accord avec un paradis fiscal aussi important que le Panama constitue une légitimation des paradis fiscaux en général.
    En effet, d'autres témoins, notamment Mme Alepin et M. Deneault, nous ont dit exactement la même chose que vous. Ils ont dit que cela légitimerait un processus de blanchiment d'argent. La mafia internationale va profiter d'un tel accord pour blanchir encore plus d'argent.
    Vous dites qu'il serait utopique de penser qu'il pourrait y avoir un accord d'échange de renseignements fiscaux. D'ailleurs, nous l'avons proposé et le ministre a répondu qu'il avait fait parvenir une lettre à son homologue au Panama, mais qu'il n'avait pas reçu de réponse. Je pense que de plus en plus, c'est utopique de le penser. Le négociateur a dit, en effet que ce n'était pas dans l'intérêt du Panama de le faire.
    Je pense qu'il nous a donné une réponse assez claire. C'est évident pour nous que, si on ne conclut pas cette entente, on ne pourra pas voter en faveur d'un accord de libre-échange proprement dit, et c'est ce qu'on va faire. Par ailleurs, il fallait demander qu'un tel processus soit mis en place pour s'apercevoir que le Panama n'a pas cette volonté.
    J'aimerais poser une question à Mme Healy. Le groupe que vous représentez, le CTC est important. J'appuie ce que disait M. Vaillancourt, c'est-à-dire que le Canada a conclu une entente de libre-échange, pour la première fois, avec un pays qui est considéré comme un paradis fiscal. N'est-ce pas assez étonnant? Vous nous avez beaucoup parlé des droits des travailleurs. Est-ce un aspect que le groupe que vous représentez regarde aussi?

[Traduction]

    L'un des problèmes soulevés par la possible ratification et entrée en vigueur de cet accord, c'est qu'il conférera une légitimité aux multinationales qui fuient leurs responsabilités envers le Canada. Il est aussi possible que des filiales d'entreprises aient recours au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États contre les gouvernements démocratiques. À notre avis, il est stupéfiant que le Canada veuille ratifier un accord qui pourrait causer autant de dommages à son économie, étant donné qu'il est lié à une telle criminalité. Nous pensons que le comité devrait vraiment prendre cela au sérieux.

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question à M. Solís.
    Plus tôt, M. Silva parlait de progrès et d'une certaine amélioration de la situation pour les Panaméens. Vous, qui êtes sur le terrain, pouvez-vous nous dire si vous avez constaté les progrès dont parlait M. Silva? Constatez-vous qu'il y a une amélioration depuis quelques années?

  (1630)  

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    En fait, malgré l'augmentation du produit intérieur brut ces dernières années, le Panama figure au deuxième rang des pays dont la richesse est la moins bien répartie en Amérique latine, selon les chiffres de l'ONU. Seul le Brésil nous surpasse à cet égard. Il y a une énorme différence entre les superficies et populations des deux pays. De plus, le Brésil est un pays industrialisé contrairement au Panama, dont l'économie repose sur la prestation de services.
    Selon ces mêmes chiffres de l'ONU, 20 p. 100 de la population contribue à plus de 65 p. 100 du PIB, alors qu'un autre 20 p. 100 de la population en représente moins de 3 p. 100. Je cherche seulement à démontrer l'ampleur de l'inégalité. De fait, on ne peut supposer que l'augmentation seule du PIB améliore la vie des gens. Le taux de pauvreté du Panama se situe entre 30 et 40 p. 100. Je ne connais pas le chiffre exact, mais c'est quelque part entre les deux. C'est pourquoi je ne pense pas qu'une zone de libre-échange permettra d'améliorer la vie des Panaméens, surtout si nous n'avons aucune protection environnementale et sociale, comme je l'ai déjà dit.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Laforest, je vous remercie
    Monsieur Julian, vous avez sept minutes pour parler ou poser des questions, comme bon vous semble.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je m'excuse pour les actions de mon collègue précédemment. J'aimerais vous poser d'autres questions.
    M. Vaillancourt, comme vient de le demander M. Laforest, qu'a-t-on a eu du gouvernement panaméen? Selon le représentant qui était dans cette salle il y a deux jours, c'est une fin de non-recevoir à propos de la possibilité de signer un accord d'échange de renseignements fiscaux. Il a dit — et c'est dans les « bleus » — que, parce que cela ne sert pas les intérêts de l'économie panaméenne, le Panama ne va pas signer une entente ou un accord d'échange de renseignements fiscaux.  C'est très clair.
    Le gouvernement prétend que c'est toujours en jeu et toujours en train d'être négocié, mais le gouvernement panaméen a répondu définitivement que non, que cela n'arrivera pas parce que l'économie panaméenne serait touchée.
    Selon vous, est-ce en raison du fait que l'économie panaméenne est liée au blanchiment d'argent et souvent, selon l'Internal Revenue Service des États-Unis, aux narcotrafiquants que le gouvernement panaméen refuse d'avoir cette entente qui devrait être obligatoire avant la signature d'une entente de libre-échange?
    Monsieur Vaillancourt, vous n'avez pas compris que cette question s'adresse à vous?
    Oui, la question m'était adressée. Excusez-moi, je n'avais pas compris.
    Oh, excusez-moi.
    Je suis tout à fait d'accord sur ça. Comme je le disais, le Panama est quand même l'un des paradis fiscaux les plus importants et les plus actifs. Le crime organisé a beaucoup à voir avec tout ça. Cela dit, je n'ai pas fait d'enquête sur cet aspect particulier. Toutefois, je ne peux qu'abonder dans ce sens et répondre affirmativement à votre question.

[Traduction]

    Madame Healy, vous avez dit aujourd'hui que certains aspects du code du travail ne seraient pas en vigueur pour les employés de la zone franche de Barú au cours de leurs trois premières années en poste. Voici ce que nous a dit lundi un représentant du gouvernement du Panama:
Je peux vous assurer que le code du travail du Panama s'applique dans toute la république.
    Vous nous dites très clairement et tout spécialement que le code du travail ne s'applique pas et qu'il est vidé de sa substance. Puisqu'il ne me reste que quelques minutes, pourriez-vous brièvement nous donner des précisions entourant cette vidange du code du travail, ce qui contraste avec ce que le gouvernement du Panama tentait d'avancer?

  (1635)  

    Bien sûr. Si j'ai bien compris, le gouvernement du Panama a aussi dit que même si le code du travail est en vigueur dans l'ensemble du pays, certaines restrictions s'appliquent dans la zone du canal de Panama et la zone franche de transformation pour l'exportation à Barú.
    Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a simplement affirmé que le code était en vigueur partout. Vous dites très clairement que ce n'est pas le cas.
    L'application du code du travail est modifiée dans les zones franches. Par exemple, les droits relatifs à la négociation de conventions collectives sont inférieurs dans la zone du Canal de Panama, et ils y sont nettement inférieurs en ce qui concerne d'autres aspects comme le paiement des heures supplémentaires.
    Comme je l'ai dit, l'autre particularité du port de Barú, c'est qu'en raison de restrictions, les négociations collectives sont à la discrétion des employeurs au cours de leurs six premières années d'activité. Un autre article prive les travailleurs de certaines protections du code de travail au cours de leurs trois premières années en poste. Il s'agit d'une nouvelle loi qui porte sur la région économique particulière de Barú, en vigueur depuis quelques mois. De plus, l'article 18 stipule qu'un employeur peut légalement congédier un travailleur si le volume des ventes diminue considérablement en raison des fluctuations des marchés d'exportation.
    Les articles 7, 17 et 18 de la loi réglementent très explicitement la région économique particulière de Barú, et ils ne correspondent pas au code du travail de portée générale en vigueur partout au pays.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à M. Solís. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
    Bon nombre de personnes ont dit que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du cadre commercial canadien est le pire au monde, étant donné qu'il permet d'outrepasser les décisions démocratiques. Les effets que pourrait avoir ce mécanisme sur l'environnement vous préoccupent-ils? Vous avez exprimé des inquiétudes à l'égard de l'environnement au Panama. Croyez-vous que la situation pourrait empirer s'il était permis d'outrepasser ainsi les décisions gouvernementales locales ou nationales?
    Oui, effectivement.
    Nous croyons que ce mécanisme ne serait bénéfique que pour les entreprises exploitées au Panama qui ne tiennent pas compte du gagne-pain de la collectivité et qui ne consultent pas les citoyens lorsqu'elles prennent des décisions. Nous avons l'impression qu'une grande priorité est accordée aux investissements étrangers directs aux dépens des droits de la personne, de la protection de l'environnement et de la participation au processus décisionnel. Au bout du compte, cela pourrait avoir une incidence sur notre démocratie, nos processus démocratiques, ainsi que l'application et le respect des lois.
    Êtes-vous inquiets de ce dont vous avez été témoins dans d'autres pays, comme le Guatemala, où des entreprises font appel au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, et vont même jusqu'à se constituer en société ailleurs afin d'obliger le gouvernement à laisser tomber ses préoccupations et ses mesures environnementales aux dépens de la population?
    Tout à fait. Le 25 octobre dernier, nous avons pris part aux audiences de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Nous avons exprimé nos inquiétudes ayant trait au libellé, par exemple. Les défenseurs des droits de la personne et de l'environnement sont persécutés dans tous les pays méso-américains, qui vont du Mexique au Panama, et ce, en raison de leur activisme contre les sociétés minières, qui pour la plupart sont justement des entreprises canadiennes. Elles ont été accusées dans certains cas d'avoir eu recours à la violence contre des collectivités qui, avec l'appui des gouvernements nationaux, défendaient leurs intérêts, leurs droits et leur gagne-pain.
    D'autre part, disons que le gouvernement d'un pays de cette région — par exemple, celui du Panama dans ce cas-ci — essaie d'appliquer un nouveau règlement en matière d'environnement pour veiller au bien-être de ses propres collectivités. Comme vous l'avez dit, si ce règlement entre en conflit avec une entente sur un investissement, nous pouvons malheureusement avoir la certitude que les dispositions environnementales ne seront pas appliquées dans les intérêts de l'investissement étranger direct, que ce soit responsable ou non sur les plans environnemental et social.
    Merci beaucoup.

  (1640)  

    Je vous remercie, et vous aussi, monsieur Julian. Le temps alloué a bien été respecté.
    Je vais maintenant passer de l'autre côté; monsieur Keddy, vous pouvez y aller, si vous êtes prêt. Vous allez partager votre temps.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je vais partager mon temps avec M. Trost, mais avant, je vais essayer de poser deux ou trois petites questions.
    Quelqu'un a parlé plus tôt — je crois qu'il s'agissait de M. Solís — d'une mine de cuivre canadienne exploitée au Panama. Vous avez dit que la société allait abattre une grande partie des arbres qui se trouvent sur le terrain, un projet qui, d'après vous, n'est pas respectueux de l'environnement.
    Toutefois, il y a deux semaines, nous avons reçu des représentants des Clarke Educational Services, une entreprise canadienne des Premières nations. Donald-Fraser Clarke, un des représentants, travaille auprès de la communauté autochtone du Panama pour mettre en place des pratiques exemplaires en matière de consentement éclairé. J'ai oublié combien de gens l'entreprise représente, mais je crois que c'est environ 40 000 personnes. Veuillez m'excuser de ne pas me souvenir du chiffre exact.
    Finalement, M. Clarke dit dans ses propres mots tout le contraire de ce que vous dites. Il affirme que les pratiques exemplaires sont affinées, que le milieu des affaires est bien développé et propice au commerce, que les sociétés canadiennes sont bien positionnées et qu'une culture de responsabilité est implantée; je suis d'accord avec lui. Je ne comprends donc pas pourquoi vous êtes contre l'exploitation minière — étant donné que les gens peuvent donner leur consentement en toute connaissance de cause et qu'un groupe de gens formés est sur place, des spécialistes du domaine minier au Canada et de la politique qui travaillent à la mise en place de pratiques exemplaires sur le terrain.
    Nous ne sommes pas contre les pratiques exemplaires, le commerce ou le libre-échange en soi. Comme je l'ai dit, nous croyons que le libre-échange devrait aussi favoriser le commerce équitable...
    Mais dans cet exemple en particulier, vous avez dit que vous étiez contre. Or, nous avons entendu le témoignage d'un représentant qui travaille sur le terrain auprès de la communauté autochtone du Panama, et son opinion est tout à fait contraire à la vôtre.
    Oui, mais bien sûr, vous ne devez pas oublier que ces gens sont payés par les entreprises mêmes qui veulent défendre cette industrie au Panama, tandis que nous, nous travaillons directement auprès des collectivités et les représentons devant les tribunaux...
    Sauf votre respect, M. Clarke travaille auprès de la communauté. Il travaille avec elle. C'est ce que je vous dis.
    Je vais laisser la prochaine...
    J'ai une dernière petite question à propos de l'entente fiscale, que j'aimerais poser à M. Vaillancourt.
    Nous avons demandé au Panama de conclure avec le Canada un accord d'échange de renseignements à des fins fiscales, ou AERF. Les Panaméens veulent plutôt signer un accord concernant la double imposition. Après avoir entendu vos propos à cet égard, j'en avais une opinion négative. Par contre, si nous réglementons davantage la fiscalité, pour la rendre soit plus claire et transparente, comment cela pourrait-il être négatif?

  (1645)  

[Français]

    Je ne pense pas qu'un tel accord puisse permettre d'établir des règles claires. Rien dans cet accord ne laisse entrevoir cette possibilité. En fait, tout ce qu'on connaît des paradis fiscaux est qu'ils permettent l'évasion fiscale et l'évitement fiscal à grande échelle — surtout l'évitement fiscal. J'ai examiné cet accord, et je n'ai rien vu qui puisse permettre d'aborder la question de manière nouvelle, différente.
    M. Laforest a parlé du témoignage du représentant du Panama et de sa fermeture d'esprit concernant l'échange des renseignements. Pourtant, c'est absolument essentiel pour lutter contre les paradis fiscaux, contre l'évasion et l'évitement fiscaux. Je ne vois donc pas du tout comment cet accord pourrait permettre d'aborder la question des paradis fiscaux de façon différente, plus rigoureuse.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux trois témoins. N'importe qui d'entre vous peut répondre.
    En tant que législateur canadien, je dois principalement m'occuper de ceux parmi mes électeurs qui profiteront de cet accord, surtout dans le secteur agricole, une industrie importante dans ma circonscription. Nous avons entendu très peu de témoignages qui disaient que l'accord ne serait pas bénéfique dans ce secteur.
    D'après les témoins — j'espère ne pas exagérer leurs propos —, l'accord est désavantageux pour les Panaméens. Si je comprends bien, le Panama est un pays démocratique qui respecte la primauté du droit; je me demande donc pourquoi mon jugement devrait outrepasser les décisions des représentants élus par les Panaméens. Puisque cela me semble plutôt paternaliste, ma question est la suivante: pourquoi devrais-je m'immiscer dans le processus démocratique du Panama?
    Je vais vous parler un peu de moi. Je suis membre du Parti conservateur, et je viens du secteur minier. Je sais donc comment les groupes environnementaux du Canada ont faussé les registres des sociétés minières du Canada. Mon père a déjà été mis sur la liste noire d'une organisation syndicale parce qu'il était membre du Parti conservateur; je sais donc comment ces organisations peuvent porter atteinte aux travailleurs canadiens. Étant donné que je crois fermement à la propriété privée, je tiens catégoriquement à ce que les intérêts des investisseurs fassent partie de l'accord afin d'éviter que les régimes socialistes, qu'il s'agisse de gouvernements locaux ou nationaux, ne s'emparent de la propriété privée des investisseurs canadiens.
    Ceci étant dit, pourquoi devrais-je m'empêcher de voter pour une chose qui aidera mes électeurs?
    Une voix: Tout à fait.
    Si vous me le permettez, j'aimerais répondre.
    La Cour suprême du Canada a adopté le principe de précaution, une norme internationale valable visant à empêcher les effets et les dommages sur les plans environnemental et social. Selon ces mêmes normes, les sociétés minières canadiennes ne pourraient pas agir au Canada comme elles tentent de le faire et ont d'ailleurs déjà commencé à le faire ici, au Panama, étant donné que l'environnement est mieux protégé au Canada qu'ici. Par conséquent, les sociétés viennent exercer leurs activités ici de manière très inéquitable pour notre population; elles profitent du manque de protection, développent une infrastructure et utilisent des produits chimiques qui finiront probablement par se répandre largement dans la région qui accueillera ces projets en raison de nos fortes pluies — environ cinq mètres par année.
    En raison des pluies, il est impossible d'empêcher que la pollution des mines de cuivre ou d'or ne se répande jusqu'aux rivières et collectivités à proximité de ces immenses sites d'exploitation minière. La situation est différente au Canada, puisqu'il ne pleut pas là où se trouvent les mines. Vous pouvez le constater par vous-même. Je serais très heureux d'accueillir des députés canadiens ici, au Panama, pour qu'ils discutent avec les collectivités et visitent les sites; vous pourrez vous-mêmes vous forger une opinion à cet égard après avoir écouté les citoyens des collectivités et après avoir vu les sites faisant l'objet de ces investissements.
    Merci beaucoup.

  (1650)  

    Pardonnez-moi, mais c'est tout le temps dont nous disposions pour ce tour. Je pense que nous pourrons réaliser une deuxième série de questions si nous nous limitons à trois ou quatre minutes par intervention.
    Monsieur Malhi, pourriez-vous commencer?
    Veuillez m'excuser; avant tout, monsieur Solís, je me demandais si vous pourriez nous faire parvenir, par écrit ou par téléphone, ce dont vous avez parlé à propos de la Cour suprême. Certains d'entre nous semblent en douter. Pour que tout soit clair, pourriez-vous nous envoyer des renseignements sur le principe de précaution de la Cour suprême? Ce serait utile, car nous ne sommes pas au courant.
    Monsieur le président, la Cour suprême et bien d'autres tribunaux utilisent l'expression « principe de précaution ». On y a sans cesse recours dans diverses décisions à propos de tout.
    L'expression ne signifie pas nécessairement qu'un tribunal s'oppose à quoi que ce soit; elle veut simplement dire que nous devrions toujours observer tous les principes de précaution. Cela fait simplement partie de la langue internationale dont se servent constamment les différents tribunaux. Toutefois, elle ne revêt pas nécessairement une signification particulière dans une situation donnée. Il ne s'agit que du langage utilisé.
    Ce n'est pas le cas ici. C'est ce que je viens de demander.
    Allez-y, monsieur Malhi.
    Merci, monsieur le président.
    Quelqu'un a dit que le gouvernement du Panama ouvre ses portes à des entreprises irresponsables. Pourriez-vous s'il vous plaît nous en nommer quelques-unes? Aussi, croyez-vous qu'il existe des sociétés minières honnêtes et responsables? Veuillez nous en donner des exemples.
    À vrai dire, je les ai nommées plus tôt dans mon exposé. J'ai parlé de Inmet Mining Corporation, de Teck, de Petaquilla Gold et de Pacific Rim.
    Que pensez-vous de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Association européenne, dont la Suisse fait partie?
    Veuillez m'excuser; pourriez-vous répéter votre question, monsieur?
    Que pensez-vous de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Association européenne, dont la Suisse fait partie?
    Excusez-moi, mais je ne comprends pas la question. Je vous prie de m'excuser, monsieur.
    Aucun problème. Merci.
    La question est pourtant simple.
    M. Malhi cherche simplement à savoir ce que vous pensez de l'accord de libre-échange conclu entre le Canada et l'Europe, soit l'accord avec l'AELE, dont la Suisse fait partie.
    Malheureusement, je ne suis pas au courant des dispositions de cet accord.
    Je crois que M. Vaillancourt est peut-être mieux placé pour répondre. La question est liée à la fiscalité, car la situation de la Suisse ressemble à celle du Panama.

[Français]

    Quelle est la question? Est-ce qu'elle porte sur l'accord entre le Canada et l'Europe? Est-ce au sujet de l'AECG, soit l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Europe qui est actuellement en cours de négociation? Est-ce ce dont il s'agit?

  (1655)  

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    La question n'est pas pertinente puisque l'accord conclu avec l'AELE ne comporte aucune information financière, contrairement à l'accord négocié avec le Panama. L'accord avec l'AELE ne porte que sur les tarifs douaniers, et il ne comporte aucun des éléments de l'accord avec le Panama ayant trait à la fiscalité — ou au manque de transparence sur ce plan. Nous comparons donc des pommes et des oranges.
    Eh bien, c'est souvent le cas.
    Avez-vous d'autres questions?
    S'il reste du temps, j'aimerais poser une question à M. Vaillancourt à propos de l'accord avec l'AELE, qui comprend la Suisse et le Liechtenstein. Malgré le rappel au Règlement de mon collègue, j'ai compris que l'Agence du revenu du Canada avait mené plusieurs enquêtes au moins sur la Suisse. Au cours des négociations entourant l'accord avec l'AELE, il n'en a jamais été question. Fait intéressant, l'Agence du revenu du Canada a confirmé, à ma connaissance, que le Panama ne fait l'objet d'aucune enquête semblable, même s'il semble que cet enjeu soit très important. D'une part, j'aimerais donc savoir ce que vous pensez de ce manque de cohérence.
    L'autre partie de ma question a trait aux entreprises canadiennes. Si on s'inquiète effectivement de ce que le Panama soit un paradis fiscal, les moyens sont déjà en place. À l'heure actuelle, les entreprises canadiennes peuvent s'établir au Panama et en profiter. Comment la situation pourrait-elle empirer à la suite de la signature de cet accord de libre-échange qui, comme l'ont dit certains collègues, aiderait le secteur agricole et d'autres industries, et dont profiteraient certains de nos électeurs?
    Ma question comporte deux volets. Puisqu'il ne reste plus beaucoup de temps, je vous serais reconnaissante de bien vouloir répondre brièvement.

[Français]

    Pardonnez-moi de ne pas avoir posé ma question en français.
    Lors du G20 à Londres, en 2009, on avait considéré le problème des paradis fiscaux comme extrêmement important. Ainsi, on avait décidé d'entreprendre une série de mesures basées, entre autres, sur les échanges de renseignements.
     Disons que ces mesures étaient un premier pas. Elles montraient le lien entre la crise économique, les problèmes de revenus des gouvernements en période d'austérité et les paradis fiscaux.
    Or, que fait le Canada? Au lieu d'aller plus loin et de promouvoir des réformes qui nous permettraient de corriger toutes les évasions fiscales, le Canada conclut un accord avec un paradis fiscal. Oui, c'est vrai qu'actuellement, il est très facile de faire de l'évitement fiscal avec le Panama. Cet accord risque non seulement de faciliter l'évasion fiscale, mais d'envoyer le message que le Canada semble si peu préoccupé par la question des paradis fiscaux qu'il va conclure un accord de libre-échange avec l'un des pires paradis fiscaux.
    À mon avis, ce qu'on peut perdre par cet accord est beaucoup plus grand que ce qu'on pourrait gagner par certains liens économiques, qu'on ne nie pas, qui peuvent se tisser avec le Panama.

[Traduction]

    Merci. Nous allons maintenant aller de ce côté.
    Messieurs Cannan et Holder, pourriez-vous vous limiter à une question courte chacun? Qui aimerait commencer?
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins. C'est la deuxième fois que Mme Healy vient nous rencontrer, et je lui en sais gré.
    Nous avons parlé brièvement des accords parallèles solides qui ont été conclus dans les domaines du travail et de l'environnement. Nous cherchons, dans le cadre de notre stratégie commerciale mondiale, à élargir nos échanges avec des pays autres que ceux visés par l'Accord de libre-échange nord-américain. Je crois comprendre que le CTC éprouve des inquiétudes à ce sujet. Le gouvernement précédent a signé trois accords commerciaux. Nous en avons négocié huit. Nous croyons au commerce libre et équitable.
    Ma question s'adresse au Congrès du travail du Canada. Quels sont les accords de libre-échange qui reçoivent votre aval?

  (1700)  

    Ceux qui font la promotion du commerce équitable.
    Quels sont ceux qui ont reçu votre appui dans le passé?
    Les accords que vous mentionnez s'inspirent tous des principes néo-libéraux du libre-échange. Nous avons une série de règles qui...
    Ce n'est pas une question piège. Je veux simplement savoir s'il y a des accords parmi ceux que le gouvernement canadien — le gouvernement précédent et le nôtre — a ratifié dans le passé que vous appuyez. Quels sont les accords commerciaux qui ont recueilli votre appui au cours des 18 dernières années?
    Nous sommes contre les accords de libre-échange qui reposent sur le principe de l'investisseur-- État ou les principes néo-libéraux qui font fi des notions de justice sociale, d'égalité, de viabilité économique et de protection de l'environnement. Nous avons beaucoup d'idées sur les moyens à prendre pour promouvoir le commerce équitable.
    Peu importe ce que cela signifie.
    Merci, monsieur le président. Je vais céder la parole à M. Holder.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je pense qu'il posait une question quand il a dit « peu importe ce que cela signifie ».
    Il n'y a pas lieu d'invoquer le Règlement dans ce cas-ci. Il ne nous reste pas beaucoup de temps.
    Monsieur Holder, c'est à votre tour. On a posé une question et fourni une réponse.
    Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    Il me semble évident que nous ne partageons pas la même conception du libre-échange. Peu importe les questions que je pourrais vous poser ou les réponses que vous pourriez me fournir, notre position respective resterait probablement essentiellement la même. C'est malheureux dans un sens, car, franchement, quand je songe à ce que nous essayons d'accomplir avec cet accord au Panama, je dresse le constat suivant: l'accord de libre-échange conclu avec le Panama va entraîner, mesdames et messieurs, l'élimination immédiate des tarifs pour l'essentiel des échanges commerciaux entre les deux pays. Je ne vois pas comment cela peut nuire aux gens.
    Mme Healy a laissé entendre que l'accord de libre-échange va permettre aux multinationales de se soustraire à leurs responsabilités. C'est ce qu'elle a dit plus tôt. Or, qu'y a-t-il de mal à avoir un système d'échanges fondé sur des règles? Nous entretenons déjà des relations commerciales avec ce pays. En fait, les statistiques sur les échanges entre le Canada et le Panama font état d'une balance commerciale de 50 millions de dollars en faveur du Panama. Nos échanges bilatéraux totalisent environ 132 millions de dollars. Ils se composent essentiellement de produits panaméens qui sont exportés au Canada.
    Par ailleurs, je ne vois pas comment l'élimination de tarifs dans le but de favoriser la prospérité de nos deux économies, alors que nous traversons la pire récession que nous ayons jamais connue, peut entraîner des conséquences négatives, notre objectif étant de faire en sorte que les gens bénéficient de la dignité d'un emploi. Je sais ce qu'implique le concept de justice sociale. En tout cas, je crois le savoir. Je sais ce que veut dire de traiter les gens avec respect. Ce que nous essayons de faire, ici, c'est d'améliorer la qualité de vie des habitants de nos deux pays. J'ajouterais que nous avons conclu un accord de coopération dans le domaine du travail qui s'appuie sur la Déclaration de l'Organisation internationale du travail relative aux principes des droits fondamentaux au travail, et un accord sur l'environnement qui met l'accent sur la nécessité de protéger celui-ci.
    Pouvez-vous s'il vous plaît m'expliquer — et je m'adresse à vous, madame Healy, car je ne sais pas vraiment à qui poser la question — comment la non-conclusion d'un tel accord nuit aux habitants de Panama et aide les Canadiens? J'au du mal à suivre ce raisonnement, car je trouve très difficile d'être confronté à une position arbitraire qui, franchement, ne prévoit aucune latitude. Vous pouvez peut-être m'aider à comprendre dans les quelques minutes que vous avez.
    Rien ne me ferait plus plaisir que d'avoir une discussion sur ce sujet. D'abord, l'accord de coopération dans le domaine du travail englobe certains principes que nous jugeons importants et qui doivent être pris en compte dès le départ.

  (1705)  

    Est-ce que vous souscrivez à ces principes?
    Oui. Ils portent sur la liberté d'association et le droit à la négociation collective, ce qui est très positif. Toutefois, cet accord est plus faible, dans sa forme actuelle, que l'entente Canada-Colombie, et c'est là un point qui mérite d'être souligné.
    Je tiens à préciser que nous avons déjà un système d'échanges fondé sur des règles. D'où la question suivante: quelles règles va-t-on ajouter à celles qui existent déjà? Les quatre premières obligations définies dans l'accord parallèle sur le travail renvoient à la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Les trois autres renvoient à l'agenda pour le travail décent.
    D'après le mécanisme de règlement des différends qui est prévu, il revient aux parties de décider si une plainte doit faire l'objet d'un examen plus poussé. Or, ce ne sont pas tous les manquements aux obligations qui seront soumis à un groupe spécial d'examen. Seuls les manquements aux quatre premières obligations pourront l'être, pas ceux qui ont trait à l'agenda pour un travail décent.
    Autre point: la partie 3 de l'accord sur le travail précise qu'un groupe spécial d'examen peut être constitué si la plainte porte sur une question liée au commerce. Il y a lieu de se demander pourquoi elle ne peut aussi être liée aux investissements, le commerce et les investissements ayant tous deux été mentionnés plus tôt.
    Si nous avions plus de temps, nous serions en mesure de vous expliquer pourquoi nous nous opposons à l'accord parallèle sur le travail...
    J'ai une dernière question à poser.
    Est-ce que l'absence de règles ne constitue pas un meilleur arrangement que celui qui existe?
    Mais nous avons des règles. La question qu'il faut plutôt se poser est la suivante: le Canada est-il prêt à offrir un traitement préférentiel en matière de commerce et d'investissement au Panama? Le Canada et le Panama entretiennent déjà des relations étroites en vertu de toute une série de règles internationales qui touchent au commerce et à l'investissement. Ce qu'il faut se demander, c'est si le Canada est prêt à conclure un accord bilatéral préférentiel avec le Panama.
    Êtes-vous en train de dire que ces règles ne sont pas aussi efficaces que celles déjà en place?
    Elles ne sont pas aussi efficaces... Les droits dans le domaine du travail ne sont pas aussi bien protégés que les droits à l'investissement. Or, le lien entre ces deux notions est crucial.
    Vu sous cet angle, je suis d'accord pour dire qu'elles ne répondent probablement pas à vos critères. Je sais que votre position à cet égard est très ferme. Toutefois, l'accord de coopération en matière de travail — en matière d'environnement — ne satisfait peut-être pas vos exigences, mais il est beaucoup plus solide que les ententes déjà en place.
    N'oublions pas que nous entretenons des relations commerciales avec ce pays. Nous appliquons un système d'échanges fondé sur des règles qui permet une plus grande transparence et qui avantage le Canada et le Panama. Je considère donc cet accord comme une très bonne chose.
    Je vous remercie d'avoir été aussi éloquente.
    Merci, monsieur le président.
    Votre temps de parole est écoulé.
    M. André va poser une dernière question.
    Je suis content de vous revoir.

[Français]

    Bonjour. Monsieur Richardson, nous sommes allés au Panama ensemble. Vous vous souvenez, à l'époque, je siégeais au comité et on avait commencé à étudier la préparation de cet accord.
    Bonjour, monsieur Vaillancourt. Bonjour, madame Healy. J'ai la parole pendant cinq minutes et j'aimerais poser une question à chacun d'entre vous.
    Monsieur Vaillancourt, j'aimerais que vous disiez au comité à qui profite cet accord entre le Canada et le Panama, selon vous. À qui profitera réellement cet accord?
    D'autre part, avez-vous des données au sujet des sommes d'argent appartenant à des Canadiens et qui sont actuellement dans des abri fiscaux du Panama?
    J'aimerais également poser une question à Mme Healy. Vous êtes sûrement au courant qu'un projet de loi a été adopté au Panama, la loi 30. Cette loi pénalise un peu les syndicats et va même jusqu'à criminaliser certains syndiqués qui pourraient s'opposer à leurs conditions de travail. Je sais que cet accord touche beaucoup le secteur minier.
    Avez-vous des données? Pouvez-vous nous dire quels sont les impacts de ce projet de loi sur les conditions de travail des gens qui oeuvrent dans le secteur minier et sur les exploitants? Souvent, dans le secteur minier, il y a un problème en ce qui concerne le respect des normes environnementales. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Monsieur Félix Wing Solís, vous avez parlé de commerce équitable. Vous avez dit ne pas être contre les accords de libre-échange. Le Bloc québécois appuie, bien sûr, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, mais on était contre l'accord entre le Canada et la Colombie, qui a certaines similitudes avec l'accord entre le Canada et le Panama. Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais certains éléments se ressemblent en ce qui touche le secteur minier et le non-respect des conditions de travail.
    Dans quelle perspective voyez-vous ce commerce équitable? Le voyez-vous plus dans un contexte d'accord multilatéral? À mon avis, un accord multilatéral peut souvent mieux assurer une meilleure base de négociation et de respect de certaines normes internationales que ne peut le faire un accord bilatéral. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Comment percevez-vous un accord avec le Panama, qui serait équitable?

  (1710)  

    Est-ce que je peux répondre en premier?
    M. André Guy: Oui, allez-y, monsieur Vaillancourt.
    M. Claude Vaillancourt: D'abord cet accord, je l'ai déjà dit, ne profitera certainement pas aux Canadiens en raison de l'évasion, de l'évitement fiscal, ni aux Panaméens non plus. En ce qui concerne les droits de douane, je vais vous donner quelques statistiques des pays africains:
[...] la diminution de 40 % des droits de douane en Côte d’Ivoire a provoqué des licenciements massifs dans les secteurs de la chimie, des textiles, de la chaussure et du montage automobile. Au Sénégal, la réduction des droits douaniers de 165 % à 90 % a entraîné la disparition, entre 1985 et 1990, du tiers des emplois du secteur manufacturier.
    Diminuer les droits de douane rend donc les entreprises locales beaucoup moins concurrentielles. Cela risque d'avoir des conséquences. C'est important de le souligner.
    Pour ce qui est de savoir si on a des données, le problème en ce qui concerne les paradis fiscaux, c'est que l'argent va dans de grands trous noirs. On a fait des recherches et c'est extrêmement difficile d'avoir des données précises. Pour nous, c'est une espèce de défi constant parce que l'on se heurte au secret bancaire. À cause de ce secret bancaire, il n'y a aucun moyen de savoir. Ne serait-ce que pour cette raison, l'obscurité totale dans laquelle se déroulent les transactions, il faut renoncer à ce genre d'accord.

[Traduction]

    Concernant le droit du travail au Panama, ce qu'il faut surtout comprendre, c'est que l'adoption d'une nouvelle législation du travail a entraîné, cet été, une importante crise politique. Il y a eu des morts. Il s'agissait d'une crise très profonde.
    La législation a été retirée à la suite des objections formulées par la société civile. Les dispositions les plus controversées ont été supprimées. Toutefois, les limites imposées au droit à la liberté d'association au Panama continuent de poser problème. Le droit d'exercer des fonctions est toujours assujetti à des restrictions. Le nombre minimum d'employés qui peuvent se regrouper en syndicat est fixé à 40. Donc, pour éviter toute syndicalisation, les entreprises se restructurent dans le but de faire en sorte qu'elles ne comptent pas plus de 40 employés.
    Il y a aussi des problèmes du côté des fédérations et des confédérations qui souhaitent obtenir le droit de grève. Ce droit est limité dans le cas des entreprises qui ont moins de deux ans d'existence. Nous avons parlé des difficultés visant la zone du canal de Panama et la zone de Barú. Le droit des travailleurs maritimes de faire la grève est sévèrement restreint. Les services publics essentiels sont définis de manière très large, et l'exercice du droit de grève dans ce domaine est interdit, les travailleurs étant assujettis à l'arbitrage obligatoire. Encore une fois, il faut un minimum de 40 personnes pour former une association.
    Parmi les autres défis que soulève la législation du travail, mentionnons le droit d'organisation et de négociation collective, les contrats à court terme et la sous-traitance. Des décrets ont été adoptés en vue de régler certains des aspects les plus difficiles de ces questions. Toutefois, il nous est impossible de savoir dans quelle mesure les décrets pris en 2009 ont été appliqués.

[Français]

    Merci.
    M. Solís.

  (1715)  

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je ne crois pas que cet accord de libre-échange favorise le commerce équitable. Le CIAM prône l'adoption de normes communes les plus sévères possible dans le domaine environnemental et social. Par conséquent, nous sommes en faveur de tout accord de libre-échange ou de tout processus de négociation qui embrasse de telles normes.
    Par exemple, cet accord ne contient pas de dispositions environnementales aussi solides que celles qui figurent dans l'ALENA ou le CAFTA. De plus, il ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends.
    Merci.
    Encore une fois, merci, monsieur André. Nous sommes heureux de vous revoir.
    Voilà qui met fin aux questions. La réunion a duré une quinzaine de minutes de plus, mais nos témoins le méritaient bien. Ils ont été très patients avec nous, surtout lors de la téléconférence. J'espère que l'expérience n'a pas été trop pénible, monsieur Solís. Merci d'avoir participé à la discussion.
    Monsieur Vaillancourt, merci de vous être joint à nous.
    Encore une fois, madame Healy, merci d'être venue nous rencontrer.
    Je vais suspendre la séance pendant quelques instants, le temps que les témoins quittent la salle. Nous allons nous réunir à huis clos pendant une dizaine de minutes et discuter de nos travaux.
    [La réunion se poursuit à huis clos.]
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