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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 030 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 octobre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous sommes sur le point d'entamer la 30e séance du Comité permanent du commerce international.
    Conformément à l'ordre de renvoi, nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-8, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins d'un peu partout dans le monde. Ici même, se trouvent Richard Phillips et Gary Stanford, respectivement directeur exécutif et directeur de l'agriculture de Producteurs de grains du Canada. Ils nous arrivent de l'Alberta.
    Nous entendrons aussi des témoins par vidéoconférence, et c'est pourquoi je regarde l'écran. J'espère que vous pouvez m'entendre. Peut-être pourriez-vous le confirmer quand je vous présenterai.
    Commençons par Jeff Vogt, directeur adjoint du Département international de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles, la FAT-COI.
    Êtes-vous là, monsieur Vogt?
    Merci. Nous vous entendons très clairement. Nous entendez-vous bien d'où vous êtes, monsieur Vogt?
    Oui, parfaitement, je vous remercie.
    C'est parfait. Merci.
    Christoph Wilcke, recherchiste en chef à la Division du Moyen-Orient et Afrique du nord de Human Rights Watch, est à Munich, en Allemagne.
    Monsieur Wilcke, nous vous souhaitons la bienvenue.
    Je suppose que la journée tire à sa fin chez vous. Il n'est que 15 h 30 ici, à Ottawa.
    Nous commencerons par les déclarations préliminaires. J'invite M. Stanford, des Producteurs de grains du Canada, à bien vouloir commencer. Je vous prie de faire de courtes déclarations. Nous écouterons chacun de vous avant de passer aux questions du comité.
    Je vous cède la parole, monsieur Stanford; vous avez au maximum 10 minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je suis Gary Stanford, agriculteur du sud de l'Alberta. Je suis accompagné de Richard Phillips, qui représente aussi les Producteurs de grains du Canada.
    Notre organisme représente 80 000 agriculteurs prospères de partout au pays, qui produisent un large éventail de grains dont du blé, de l'orge, de l'avoine, du colza, du seigle, du triticale, des lentilles et des haricots. Le Canada est un chef de file mondial en matière d'échanges de produits agricoles et est quatrième en importance, parmi les exportateurs agroalimentaires du monde. Nous exportons la moitié de notre production de boeuf et de blé, 60 p. 100 de nos produits porcins et 70 p. 100 de notre canola.
    Un peu plus de 90 p. 100 des fermes du Canada dépendent directement de l'exportation, soit parce qu'elles exportent leurs produits, ou encore qu'elles les vendent sur le marché national à des prix établis sur le marché international. C'est plus de 200 000 fermes, réparties principalement entre toutes les provinces du pays. Des systèmes d'échanges commerciaux plus ouverts et équitables seront essentiels à la croissance et la prospérité futures du secteur agroalimentaire du Canada et à la vigueur de son économie en général.
    Nous préférerions une conclusion heureuse des négociations commerciales du Cycle de Doha, mais en attendant une reprise concrète de ces négociations, les accords bilatéraux peuvent nous être très avantageux, ou à tout le moins nous permettre de préserver notre compétitivité devant d'autres exportateurs. Les accords bilatéraux n'abordent toutefois pas les questions liées aux subventions nationales, aux soutiens internes et aux subventions à l'exportation. Ces mesures, bien souvent, font du tort non seulement aux agriculteurs du Canada, mais aussi à ceux du monde en développement. En votre qualité de politiciens qui représentez tous les partis, il importe que vous encouragiez le gouvernement à faire activement pression sur d'autres pays pour qu'ils retournent à la table de négociation de l'OMC.
    Je cède la parole à Richard, qui vous expliquera l'importance stratégique de la Jordanie pour les enjeux agricoles.
    Nous remercions le comité de nous avoir invités aujourd'hui.
    Pour ce qui est des importations, nous importons une petite quantité de légumes de la Jordanie. Au cours des dernières années, les importations agricoles, surtout de concombres et de cornichons, ont été de l'ordre de 1 million à 1,5 million de dollars.
    Nous, les agriculteurs canadiens, nous intéressons surtout aux exportations. En 2008, les exportations agricoles vers la Jordanie, des pois chiches et des lentilles, surtout, se sont chiffrées à plus de 12 millions de dollars. C'est un marché en expansion pour nous. Rien qu'en 2007, la Jordanie a été le plus important marché pour les pois chiches du Canada, qui lui en a expédié plus de 10 000 tonnes. Quant aux cultures, nous exportons aussi des graines à canaris, des haricots secs et des graines de tournesol. La Jordanie est aussi un modeste marché pour notre blé. Nous exportons d'autres produits agricoles aussi, comme des frites congelées, des aliments pour animaux et des aliments prêts-à-servir.
    Les exportations agricoles du Canada en Jordanie sont assujetties à des tarifs douaniers qui atteignent les 30 p. 100, actuellement. Cet accord, en premier lieu, supprimera les tarifs perçus sur la grande majorité des exportations canadiennes vers la Jordanie, ce qui bénéficiera directement aux exportateurs et agriculteurs canadiens; deuxièmement, il nous accordera un accès préférentiel par rapport à nos concurrents. Aucun autre concurrent de taille, comme l'Australie, n'a conclu pareille entente. Les États-Unis, pour l'instant, n'exportent pas beaucoup vers la Jordanie.
    Bien que les gains commerciaux immédiats ne semblent pas aussi importants qu'ils peuvent l'être pour d'autres pays, nous estimons que trois éléments stratégiques jouent en notre faveur.
     Tout d'abord, l'accès facile de la Jordanie à plusieurs autres pays en fait une plaque tournante du commerce et de la distribution au Moyen-Orient. Son dirigeant est plutôt modéré et son gouvernement est stable. À part les États-Unis, nous serons l'un de quelques exportateurs agricoles seulement à avoir un accord de libre-échange avec la Jordanie.
    Deuxièmement, le manque d'eau est pour la Jordanie un important obstacle à l'autonomie en agriculture. Un accord commercial paraît donc logique. Quand nous exportons nos produits agricoles, nous ne supplantons pas les produits locaux et ne faisons aucun tort aux agriculteurs locaux.
    Enfin, la Jordanie, avec ses six millions d'habitants, est une porte d'entrée dans un monde commercial plus vaste. Le Conseil de coopération du Golfe, composé de Bahreïn, du Koweit, d'Oman, du Qatar, de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. La population globale de ces pays est de 40 millions d'habitants. Cet accord permet donc d'espérer une entente future.
    En résumé, l'accord présente plusieurs avantages pour les Canadiens: de nouveaux débouchés commerciaux, de nouveaux partenariats, de nouveaux clients et une visibilité accrue pour les compagnies canadiennes. C'est pourquoi, au nom des 80 000 agriculteurs que nous représentons, nous vous encourageons vivement à appuyer cet accord commercial.
    Nous vous remercions de nous avoir accueillis aujourd'hui et nous répondrons volontiers à vos questions.

  (1545)  

    Merci beaucoup.
    Nous remercions les Producteurs de grains pour leur concision.
    Tournons-nous maintenant vers Washington et Jeff Vogt, le directeur adjoint du Département international de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles.
    Monsieur Vogt, voulez-vous faire une brève déclaration préliminaire?
    Volontiers. Je vous remercie.
    Bonjour.
    Je remercie le Comité permanent du commerce international de m'avoir invité à lui parler de l'accord proposé de libre-échange entre le Canada et la Jordanie.
    Bien que cet accord comporte de nombreux éléments qui méritent un examen attentif, je m'en tiendrai aujourd'hui à la question de savoir si le Royaume hachémite de Jordanie remplit actuellement les engagements qu'il a pris en signant de l'Accord bilatéral de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie. En un mot, la réponse est non.
    L'article 1 de l'accord stipule que chacune des Parties fait en sorte que ses lois et règlements, de même que les pratiques établies sous son régime, confirment et protègent huit catégories de principes et de droits. Les quatre premières touchent les droits fondamentaux du travail qu'énonce l'OIT dans sa Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail; les quatre autres se rapportent aux normes d'emploi minimales acceptables, notamment en matière de salaire minimum et de paiement des heures supplémentaires; à la prévention des maladies et accidents professionnels, et à la non-discrimination en matière de conditions de travail pour les travailleurs migrants.
    Bien que le Royaume hachémite de Jordanie ait récemment institué d'importantes réformes par décret du cabinet, le code du travail est loin encore de satisfaire aux exigences de l'article premier. Ainsi, par exemple, et c'est important, le code du travail interdit aux ressortissants étrangers de s'affilier à un syndicat. C'est une violation flagrante de l'un des principes fondamentaux enchâssés dans la Convention no 87 de l'OIT concernant la liberté syndicale, qui dit que:
Les travailleurs... sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
    Cette exclusion prive les quelque 300 000 travailleurs migrants de la Jordanie de la possibilité de négocier leurs modalités d'emploi.
    Le code du travail exige aussi un minimum de 50 travailleurs pour constituer un syndicat. Le comité de l'OIT sur la liberté d'association juge ce minimum trop élevé et suggère un seuil minimum plus approprié, soit une vingtaine de personnes.
    Le code du travail permet au gouvernement de s'ingérer dans les activités des syndicats, particulièrement au niveau de la confédération, mais aussi dans celles de certaines fédérations.
    Le code du travail autorise en outre le gouvernement à déterminer les industries dont les travailleurs peuvent constituer des syndicats et interdit la formation de plus d'un syndicat dans chacune d'elles, ce qui complique énormément la création de syndicats indépendants quand il existe déjà des fédérations. C'est évidemment une violation de la Convention no 87 et du principe de liberté d'association.
    Le code du travail exige aussi des travailleurs qu'ils fournissent à leur employeur un préavis de 14 jours avant de déclencher une grève, et peut imposer la médiation et la conciliation, pendant lesquelles les grèves sont interdites.
    L'OIT a aussi souligné qu'un système de médiation et d'arbitrage obligatoire qui fait obstacle au déclenchement de grèves enfreint le droit de liberté d'association.
    Ce n'est vraiment pas tout, mais ce sont les principales incohérences relevées entre les obligations qu'impose l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie, et le code du travail actuel de ce pays.
    L'article 3 de l'Accord dispose que le Royaume hachémite de Jordanie doit assurer l'application effective de son droit du travail, y compris des lois qu'il promulgue pour se conformer à l'article 1 de l'Accord de coopération dans le domaine du travail.
    Nous avons constaté une légère amélioration dans le secteur du vêtement, depuis que l'exposé du comité national sur le travail en 2006 et une plainte de la FAT-COI au sujet de la ZLE ont mis en lumière les épouvantables conditions de travail qui règnent dans les manufactures, les Zones industrielles qualifiées qui produisent des vêtements et les exportent vers les États-Unis et d'autres marchés. L'OIT a depuis créé un meilleur programme de travail, qu'un décret gouvernemental imposera bientôt à l'intégralité de l'industrie du vêtement. Le premier rapport de synthèse de l'OIT sur la Jordanie, toutefois, révèle plusieurs graves problèmes.
    En ce qui concerne le travail forcé, selon le rapport, les employeurs des deux tiers des manufactures évaluées fixent le couvre-feu à 20 heures. Les travailleurs, ne pouvant quitter les manufactures, sont donc confinés dans les dortoirs. L'OIT a constaté le non-respect des règles en matière de santé et sécurité au travail dans 65 p. 100 des cas, surtout à cause des piètres conditions de vie dans les dortoirs.
    L'OIT souligne aussi que le droit du travail de la Jordanie n'impose aucune limite générale quant au nombre d'heures supplémentaires, ni de nombre maximal d'heures par semaine et, ainsi, tolère d'énormes excès d'heures supplémentaires. L'OIT y voit un problème particulièrement grave.

  (1550)  

    Encore à propos de la liberté d'association, la grande majorité des travailleurs de l'industrie du vêtement sont des travailleurs migrants auxquels, je le répète, la loi interdit d'exercer les droits de liberté d'association et de négociation collective. Ce ne sont pas que ces travailleurs qui en souffrent, mais aussi les Jordaniens, tant dans le secteur du vêtement qu'ailleurs.
    Les problèmes, on s'en doute, ne se limitent pas au secteur du vêtement. De fait, nous pensons que les conditions doivent être encore pires en dehors de ce secteur, là où l'OIT n'assure pas vraiment de présence ni de surveillance. Le rapport de 2010 que le Département d'État des États-Unis a publié sur les droits de la personne en Jordanie a relevé au cours de la dernière année plusieurs violations des droits des travailleurs. Il était question notamment d'emploi de force excessive par la police pour mettre fin à des rassemblements pacifiques de travailleurs des ports; de travail forcé continu de travailleurs migrants employés comme domestiques — même si des règlements ont récemment été adoptés pour régler ce problème — et d'heures supplémentaires excessives dans le secteur privé en dehors des Zones industrielles qualifiées.
    La Jordanie, tant en droit que dans la pratique, ne respecte pas actuellement l'Accord de coopération dans le domaine du travail qu'elle a conclu avec le Canada. Je presse le Parlement du Canada à y réfléchir avant de ratifier l'accord.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Vogt.
    Nous allons maintenant à Munich, en Allemagne. Je suppose qu'il commence à se faire tard chez vous. Nous vous sommes très reconnaissants de comparaître, monsieur Wilcke, et d'avoir bien voulu attendre si tard pour nous parler.
    Christoph Wilcke est le recherchiste en chef de la Division du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord pour Human Rights Watch.
    Nous laissons la parole à M. Wilcke, qui est à Munich.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur le président, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, de me permettre de vous parler aujourd'hui du projet d'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie, et de la question des droits de la personne.
    Je me penche depuis 10 ans sur les questions de droits de la personne au Moyen-Orient, et je suis recherchiste pour Human Rights Watch depuis cinq ans et demi. À ce titre, je me suis concentré entre autres sur la Jordanie, et aussi sur l'Arabie saoudite, le Koweït et le Yémen. J'étais en Jordanie en juillet et août derniers pour faire enquête sur la situation des travailleurs domestiques, au chapitre des droits de la personne. Par ailleurs, je voulais voir si les changements que la Jordanie a incorporés dans ses lois et qu'elle a mis en oeuvre pour réglementer ce secteur ont eu des effets positifs.
    Avant d'aborder les enjeux liés au travail, toutefois, permettez-moi une parenthèse sur le contexte des droits de la personne en général dans le pays, en ce qui concerne l'administration de la justice et la liberté d'expression, d'association et de réunion.
    En novembre 2009, le Roi Abdullah a dissous le Parlement par décret et a ordonné la tenue de nouvelles élections dans l'année suivante. Les élections doivent avoir lieu dans deux semaines. Depuis la dissolution du Parlement, le gouvernement gouverne par décret et il a adopté une multitude de nouvelles lois, dont l'une sur l'indépendance du système judiciaire. Un assez grand nombre de juges — plus de 100, je crois — ont plutôt mal accueilli cette loi et les règlements afférents qui, selon eux, restreignent encore plus le système.
    Les professionnels du monde juridique de la Jordanie se plaignent depuis longtemps des pouvoirs administratifs et financiers dont jouit le ministre de la Justice sur la profession juridique. Dans ce pays, le ministre de la Justice recommande les candidats au poste de juge avant leur nomination par le Conseil judiciaire suprême. Un décret du roi avalise ensuite les nominations.
    La position des procureurs du pays constitue un autre sujet de préoccupation, en ce qui a trait à l'administration de la justice. Ils relèvent du ministre de la Justice, mais ce sont eux, et non des juges indépendants, qui émettent les mandats d'arrestation et de détention, lesquels ne sont pas revus par un tribunal judiciaire indépendant. Ces mandats sont valides 15 jours et peuvent être renouvelés pour une période maximale de deux mois avant qu'aucun juge ne les regarde.
    Il existe aussi en Jordanie plusieurs tribunaux spéciaux, dont le plus important est le tribunal de sécurité de l'État. Les deux tiers de juges de ce tribunal et son procureur sont des militaires. Il a compétence sur un grand nombre de questions touchant la sécurité intérieure, mais sur d'autres aussi, comme les affaires liées à la corruption.
    En cinq ans et demi, j'ai connu plusieurs cas où des avocats de la Couronne avaient émis des mandats d'arrestation et de détention sans faire au préalable un examen attentif des preuves fournies, ne se fiant souvent qu'aux plaintes de citoyens ou d'autres personnes.
    De plus, l'emprisonnement pour dettes a cours en Jordanie, en violation avec le droit international. Le pays est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l'article 11 interdit l'emprisonnement pour dettes.
    La Jordanie est devenue en mars 2009 l'un des premiers pays de la région à adopter une loi contre le trafic de personnes. Cette nouvelle loi digne d'éloges applique la définition internationale de la traite de personnes, qui englobe le travail forcé. Nous verrons plus tard ce qu'elle donne.
    Le pays applique aussi le concept de détention administrative — des détentions commandées par un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, le gouverneur local — sans le moindre examen judiciaire et pour une durée indéterminée.
    Pour ce qui est de la liberté d'expression, d'association et de réunion, la Jordanie a procédé en 2007 à une mise à jour de sa loi sur les publications, en prétendant ne plus emprisonner de journalistes. Bien que ce soit vrai, le code pénal du pays comporte encore une pléthore de dispositions qui violent le droit à la liberté d'expression, instituant en infraction notamment l'insulte au roi, le lèse-majesté ou le salissage de la réputation des institutions publiques comme le Parlement, un ministère ou ses membres.
    La Jordanie a adopté tout récemment, en août dernier, une loi sur l'Internet, laquelle assujettit les messages sur Internet à toutes ces dispositions du code pénal.
    En 2008, la Jordanie a procédé à une modeste mise à jour de sa loi sur les assemblées publiques. Le principal sujet de critique, c'est que le gouverneur jouit encore d'une discrétion absolue en matière d'autorisation des assemblées publiques, y compris des réunions de routine d'organismes non gouvernementaux qui pourraient souhaiter louer une salle d'hôtel pour discuter, par exemple, de surveillance des élections. Le gouverneur a régulièrement refusé d'autoriser ce genre de réunions.

  (1555)  

    En 2009, la Jordanie a fait une petite mise à jour de sa loi de 2008 sur les organisations non gouvernementales, qui est très semblable à celle de 1966. Cette loi continue d'accorder aux autorités de la Jordanie un vaste pouvoir de discrétion sur l'enregistrement des organisations non gouvernementales et, dans certains cas, aussi sur leur dissolution. Cela se fait par décret gouvernemental plutôt que par décision d'un tribunal indépendant. De plus, depuis 2009, pour la première fois, les ONG doivent obtenir l'approbation du premier ministre avant de rechercher du financement à l'étranger.
    La Jordanie a mis à jour sa loi sur le travail, comme le disait mon collègue, en 2008. Je crois que les étrangers sont maintenant autorisés à s'affilier aux syndicats. Ils n'ont toutefois pas de droit de vote, et ne peuvent donc voter en faveur d'une grève. Le grand progrès, dans la loi du travail de 2008, c'est l'inclusion des travailleurs domestiques qui, pour la première fois dans toute la région, sont assujettis à la loi sur le travail. Les mécanismes de protection sont par contre encore loin de protéger les travailleurs domestiques comme ils le font pour les travailleurs d'autres secteurs. Par exemple, les employeurs jordaniens peuvent légalement confiner à la maison leurs domestiques, pour la plupart asiatiques et de sexe féminin, et restreindre leur liberté de mouvement. De plus, comme l'a dit mon collègue, les heures de travail sont beaucoup plus longues que dans d'autres secteurs, et aucune limite n'est fixée aux heures supplémentaires.
    J'aimerais vous parler de certains événements survenus récemment, cette année même. Par exemple, une petite manifestation a eu lieu alors que le ministre de l'Agriculture devait prononcer une allocution dans le cadre d'une réunion. C'étaient ce qu'on appelle des journaliers, des employés du ministère, qui protestaient contre le congédiement récent de plusieurs de leurs collègues. Ces gens avaient travaillé pour le ministère du Travail plusieurs années sans jamais avoir eu le titre d'employés du gouvernement. Le dirigeant de ce modeste rassemblement non violent a par la suite été accusé devant le tribunal de sécurité de l'État d'avoir tenu un rassemblement illégal, et il a été condamné à la prison. En mai encore, un étudiant de l'université, Hatim as-Shuli, aurait, selon les accusations portées contre lui, écrit et publié dans son propre site Internet un poème qui, paraît-il, fait insulte au roi. Il a été détenu pendant 90 jours et accusé d'insulte au roi. Le procès se poursuit. La semaine dernière à peine, un incident est survenu à l'approche de la campagne électorale. Certaines personnes qui recommandaient aux Jordaniens de s'abstenir de voter, estimant qu'ils n'étaient pas libres, ont été arrêtées par le gouvernement pour avoir exprimé leur point de vue en public et provoqué un petit rassemblement non violent aux abords du bureau du premier ministre.
    J'ai pu jeter un bref coup d'oeil sur les clauses relatives au travail, dans l'accord de libre-échange qui est envisagé, et je pense que l'inclusion des normes de l'OIT est un pas important. Selon nous toutefois, il vaudrait mieux qu'elles fassent partie intégrante de l'accord plutôt que d'être l'objet d'un accord parallèle, pour que les infractions en matière de travail et de commerce aient le même poids. De plus, comme mon collègue l'a déjà souligné, la Jordanie ne respecte pas encore tout à fait tous ces accords et normes de l'OIT. Il aurait peut-être été plus judicieux de chercher des moyens de la pousser à les respecter en contrepartie d'un accord de libre-échange.
    J'incite vivement les membres du comité à considérer les infractions et les restrictions, dans les lois et pratiques de la Jordanie en matière de liberté d'expression et d'association, comme faisant partie intégrante des accords dans le domaine du travail, puisqu'elles peuvent constituer un obstacle au commerce. Mon collègue a déjà fait allusion aux Zones industrielles qualifiées. C'est de là que nous proviennent le plus de plaintes des travailleurs migrants. Ils se plaignent d'abus, de violence physique, de non-paiement du travail, de longues heures de travail et de confinement. Je conviens tout de même que le service d'inspection du ministère du Travail a amélioré un peu les choses depuis quelques années, en grande partie avec le soutien technique et financier des États-Unis, mais ces mesures n'ont pas encore porté fruit, en tout cas pas dans le secteur des travailleurs domestiques, sur lequel ont porté mes recherches récentes.

  (1600)  

    Pour terminer, je pense que les dispositions de l'accord de libre-échange qui concernent le travail auraient des chances d'améliorer les conditions de travail si la Jordanie s'y conforme pleinement. Je conseille vivement au comité d'envisager d'accorder le même poids aux enjeux liés au travail qu'à ceux qui concernent le commerce; de réfléchir à un moyen d'inciter la Jordanie à s'y conformer; de s'assurer que cette clause prévoit un mécanisme de plaintes individuelles; enfin, de porter une attention particulière aux droits des travailleurs migrants, et au travail forcé en particulier.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci d'avoir bien voulu rester nous aider, compte tenu de l'heure tardive chez vous.
    Nous allons entamer notre série de questions.
    Je précise aux membres du comité que nos représentants des Producteurs de grains du Canada devront nous quitter dans environ une demi-heure. Alors si vous avez des questions précises à leur poser, il serait bon de le faire maintenant.

  (1605)  

    J'aimerais leur demander de remettre leurs statistiques au greffier, pour que nous les ayons en mains. Ils ont fourni d'excellentes statistiques dans leur exposé.
    D'accord.
    Monsieur Phillips et monsieur Stanford, avez-vous pris note de la demande au sujet des statistiques que vous avez présentées dans votre exposé?
    Oui, nous pouvons vous les transmettre.
    Merci.
    Je crois que nous allons laisser la porte-parole du Parti libéral en matière de commerce international, Mme Hall Findlay, lancer le premier tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie infiniment tous les témoins pour leur présence. C'est un peu différent pour les témoins par vidéoconférence, mais leur participation est néanmoins très appréciée.
    Je vais interroger d'abord les Producteurs de grains, puisque le temps nous est compté. Quand vous fournirez ces documents, peut-être pourriez-vous y ajouter des comparaisons — avec certains de vos compétiteurs au Canada, dans vos domaines; ce que les écarts dans les tarifs douaniers signifient maintenant, et ce qu'ils pourraient signifier plus tard. Ce serait très utile.
    Je m'adresse aussi bien à M. Vogt qu'à M. Wilcke. Je crois bien que les enjeux liés aux conditions de travail, à la liberté d'expression et à la liberté d'association tiennent à coeur à tout le monde, ici, sans exception. Je pense que nous portons tous un vif intérêt à ces questions. Je vous suis reconnaissante d'avoir pris le temps de nous exposer certaines préoccupations qui s'y rapportent.
    Je pense que ce qu'il importe surtout de savoir, pour nous, c'est si le commerce contribue à ces situations ou y fait obstacle. Après tout, il s'agit ici d'un accord commercial, et nous appliquons des règles en matière de travail. J'apprécie les commentaires de M. Wilcke sur la pertinence d'un accord parallèle en matière de travail.
    J'ai une question d'ordre plus général, à savoir si vous pensez que l'amorce d'échanges commerciaux — ou leur augmentation, puisque nous en avons déjà avec la Jordanie — risque d'aggraver la situation.
    Monsieur Wilcke, peut-être pourriez-vous répondre le premier.
    Certainement. Je vous remercie.
    La Jordanie est un pays qui souffre d'un haut taux de chômage. Il y a un gouffre entre les chiffres officiels et les estimations. Sans compter que le taux de participation des femmes au marché du travail est des plus bas. L'Arabie saoudite, par exemple, affiche à peu près le même taux, qui est déjà faible pour la région, et le taux de la région est bas comparativement au reste du globe.
    La Jordanie peut créer de l'emploi par l'activité économique. Les zones industrielles qualifiées ont été constituées après la signature de l'accord de paix entre la Jordanie et Israël en 1994, et étaient censées être un véhicule par lequel la Jordanie fournirait les travailleurs; d'autres fourniraient le capital et les États-Unis, peut-être, le marché. Les travailleurs jordaniens n'en ont toutefois pas vraiment profité. La majorité des travailleurs de ces zones industrielles qualifiées proviennent de l'Asie. Les gens d'affaires de la Jordanie se sont tournés vers l'Asie, le Bangladesh, la Chine, l'Inde, le Sri Lanka et d'autres pays pour trouver de la main-d'oeuvre bon marché.
    Si je peux vous interrompre, je devrais peut-être reformuler ma question.
    Si nous n'augmentons pas nos échanges commerciaux, cela améliorera-t-il la situation? Je pense à la critique souvent exprimée que nous devrions nous abstenir de conclure ces ententes de libre échange, à cause de la situation qui règne dans d'autres pays. Dans le fond, ce que je voudrais savoir, c'est si le refus d'accroître nos échanges commerciaux améliorerait le moindrement ces conditions.
    Monsieur Vogt, peut-être pourriez-vous me répondre. Vous avez parlé de l'exposé de 2006 qui a contribué à améliorer certaines conditions dans le milieu du textile. De quoi s'agit-il?
    Tout d'abord, je pense qu'il est difficile de répondre à la question dans l'absolu, parce que cela dépend beaucoup de ce que comprend l'accord commercial. Il n'est pas seulement question de main-d'oeuvre... mais j'y reviendrai.
    Certaines choses qu'on retrouve de nos jours dans les accords commerciaux influencent la capacité des citoyens de tirer profit de leurs activités économiques, qu'on parle des dispositions sur l'investissement ou de la propriété intellectuelle, qui peuvent entre autres nuire à la santé publique, à l'accès à des médicaments...

  (1610)  

    Pardonnez-moi de vous interrompre, mais nous sommes tous très préoccupés...
    ... à la réglementation sur la santé publique ou l'environnement, etc.
    Puisque je n'ai pas lu les dispositions de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie, je ne peux pas en parler, mais je peux dire que les États-Unis travaillent là-dessus. Je constate de nombreuses similitudes entre les accords commerciaux des États-Unis et du Canada. Donc, concernant l'investissement dans la propriété intellectuelle et les dispositions sur l'acquisition de services, je répète qu'il faut simplement savoir que ces dispositions peuvent avoir une grande influence sur la population d'un pays qui conclut un accord avec un autre État.
    Pour ce qui est de l'exposé de 2006, le comité national du travail, sur le fondement de recherches effectuées en Jordanie, voulait donner suite à une plainte soumise par la Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles aux termes de l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie. Il était question de violations très graves des droits des travailleurs dans les zones industrielles qualifiées. Comme l'a dit M. Wilcke, on offrait des conditions vraiment insalubres, on gardait les passeports d'immigrants pour les forcer à travailler...
    Monsieur Vogt, je suis désolée, mais je veux simplement vous rappeler que nous sommes très pressés.
    Les abus nous inquiètent tous beaucoup. Essentiellement, ce que je veux savoir, c'est comment le fait de négocier, de passer un accord de libre-échange ou de refuser de le faire peut améliorer les choses?
    J'ai posé une question sur l'exposé, parce qu'à mon avis, les gens avaient l'occasion de s'informer; on a dénoncé les mauvaises conditions, ce qui, finalement, les a améliorées.
    Ce qui nous ramène à la question... Nous sommes tous indignés par les abus et les mauvaises conditions. Ce qu'il faut savoir, c'est s'il est ou non plus profitable de réaliser davantage d'échanges commerciaux.
    Comme la cloche vient de sonner, nous avons peu de temps.
    Je répète qu'il est ardu de répondre à la question dans l'absolu. Je pense que les échanges commerciaux avec un autre pays ne garantissent pas que ses travailleurs pourraient obtenir leur juste part des profits. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il importe que les accords commerciaux comprennent des dispositions sévères sur le travail et qu'elles soient prises avec le plus grand sérieux.
    Je vous remercie.
    Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein?
    Disons qu'il est à moitié vide; je cède la parole à M. Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue à tous les témoins. Dans un premier temps, je poserai une question à M. Phillips.
    Tout à l'heure, vous avez parlé de deux ou trois avantages stratégiques. Vous avez notamment dit que la Jordanie était membre du Conseil de coopération du Golfe et que l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie est intéressant, de même qu'important stratégiquement.
    Si vous oubliez ces stratégies, l'accord est-il quand même intéressant pour le groupe que vous représentez? L'accroissement du marché va-t-il être suffisant pour que ça vaille la peine, sans que l'on pense à la stratégie des autres de développer d'autres échanges?

[Traduction]

    Oui, si on met de côté toutes les autres raisons stratégiques, les tarifs s'élèvent à 30 p. 100. Si les tarifs baissent, les exportateurs canadiens auront un avantage financier considérable, en particulier pour les légumineuses, les pois, les lentilles et les pois chiches. On consomme beaucoup de ces produits, au Moyen-Orient. On n'arrive pas à faire pousser assez de légumineuses et on doit toujours en importer.

  (1615)  

[Français]

    Merci.
    Je m'adresse maintenant tant à M. Vogt qu'à M. Wilcke.
    Comme vous le savez, le Québec et le Canada sont deux nations commerçantes. Vous dites qu'il y a des problèmes liés à l'organisation du travail et que l'ensemble des encadrements ou des règlements ne sont pas respectés; de même, les droits humains ne sont pas toujours respectés.
    Monsieur Wilcke, vous voyez quand même quelques avantages à l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie.Tout à l'heure, je disais que le Canada et le Québec sont des nations commerçantes parce qu'elles ont un intérêt à vouloir commercer. On veut améliorer le commerce avec le Moyen-Orient, mais vous dites avoir des réserves sur la Jordanie.
    Pouvez-vous nommer des pays du Moyen-Orient où il y a une situation que vous identifiez comme étant difficile? Pouvez-vous identifier des pays qui seraient meilleurs que la Jordanie à cet égard?

[Traduction]

    C'est avec plaisir que je vais essayer de répondre à la question. Avant tout, je ne suis pas un spécialiste de la région. Je sais qu'en général, les zones industrielles qualifiées sont particulières à la Jordanie en raison de la façon dont elles sont établies. Cela dit, nous sommes bien conscients qu'il y a des cas de violation des droits des travailleurs dans un certain nombre de pays de la région.
    Mes propos ne visaient pas vraiment à décrire les problèmes, mais plutôt à décrire l'accès à la justice. Comment le système de justice de la Jordanie fonctionne-t-il lorsque quelque chose ne tourne pas rond? Il me semble juste de dire que la Jordanie n'encourage pas les gens à dénoncer les abus. Cependant, en dénonçant les abus, la communauté internationale peut inciter le gouvernement à passer à l'action. Les changements ne se feront pas tous seuls.

[Français]

    Je vais vous laisser répondre. Allez-y.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Il est évident qu'on parle d'un accord contraignant concernant les conditions de travail entre la Jordanie et le Canada. On peut certainement citer des pays de la région qui font mieux ou qui font pire que la Jordanie. Je pense bien sûr aux Émirats arabes unis, qui imposent des contraintes importantes et qui, en fait, bannissent tout simplement les syndicats. Par exemple, nous sommes très préoccupés par la liberté d'association et la négociation collective en Égypte.
    Donc, il y a un certain nombre de pays de la région qui nous préoccupent beaucoup en ce qui a trait aux droits des travailleurs. Cela dit, je pense que, dans le cas de la Jordanie, les deux pays ont négocié un accord contraignant et qu'il est évident qu'actuellement, la Jordanie ne le respecte pas. Si on ratifie la version actuelle de l'accord, on accepte essentiellement de faire des échanges avec un pays en sachant, dès le départ, qu'il n'en respecte pas les conditions.
    Concernant la question et d'autres chapitres qui, selon moi, méritent d'être examinés, je recommande évidemment qu'on discute avec le gouvernement de la Jordanie pour qu'il adapte ses lois et ses pratiques aux exigences de l'entente avant qu'elle soit ratifiée.
    Je vais simplement apporter une précision. Plus tôt, on a parlé de la liberté d'association et du droit de négocier collectivement pour les travailleurs migrants. Je suis en train de regarder le rapport de mai 2010 de l'Organisation internationale du Travail. Je pense qu'en 2008, on voulait étendre les droits des travailleurs aux travailleurs migrants, mais cela n'a pas marché. Ainsi, selon le rapport de l'OIT de cette année, les travailleurs migrants ne peuvent toujours pas se syndiquer ni négocier collectivement.

[Français]

    Je n'ai pas l'impression que vous avez tout à fait répondu à ma question, ni l'un ni l'autre. En effet, vous n'avez pas identifié un, deux ou trois autres pays.
    Monsieur Vogt, comment faites-vous les évaluations que vous nous livrez aujourd'hui? Allez-vous, vous-même, sur place? Êtes-vous allé en Jordanie? Avez-vous fait des évaluations de visu?

  (1620)  

[Traduction]

    Je ne suis pas allé en Jordanie, mais je suis allé au Koweït, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis.
    La Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles ont une organisation soeur, le Solidarity Center, qui a des bureaux partout dans le monde et qui s'occupe de divers programmes dans une soixantaine de pays en développement. Nous avons des bureaux au Moyen-Orient et nous parlons régulièrement aux travailleurs et aux organisations qui les représentent. Une grande partie de nos informations vient de nos bureaux sur place, des rapports de l'OIT et de la Confédération syndicale internationale, une organisation-cadre pour tous les syndicats du monde, et d'autres sources internationales fiables.

[Français]

    Cela répond bien à ma question.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Laforest.
    Passons à M. Julian, du NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de comparaître aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par MM. Wilcke et Vogt, parce qu'ils ont, à juste titre, souligné que ce n'est pas le commerce qui est bon ou mauvais en soi, mais le genre d'accord commercial conclu.
    Par exemple, nous connaissons les conséquences que l'ALENA a entraînées au Mexique. Les dispositions de cet accord de libre-échange ont nui aux conditions de travail de la plupart des Mexicains, provoqué l'effondrement de l'économie rurale et mené à l'intensification notable des hostilités entre les cartels de la drogue. Donc, la façon dont est structuré un accord commercial est très, très importante.
    J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Wilcke concernant le droit du travail. Si j'ai bien compris, on a seulement permis aux travailleurs étrangers de se syndiquer de façon symbolique; ces travailleurs ne peuvent ni participer aux activités ni voter et ils n'ont aucun droit, sauf le droit symbolique de se joindre à un syndicat. Je vous prie de m'éclairer à ce sujet.
    Je pense que ce que MM. Wilcke et Vogt essaient de dire, c'est que le Canada peut tirer des leçons de l'expérience des États-Unis et qu'il doit tout mettre en oeuvre pour qu'on respecte les accords internationaux, à l'avenir.
    Dites-vous tous les deux qu'au lieu d'accoler une étiquette de mauvais joueur à la Jordanie, le Canada doit adopter une attitude positive et négocier un accord commercial qui favorise les travailleurs jordaniens?
    Je vous remercie.
    On se méprend quelque peu sur le statut exact des travailleurs non jordaniens et leur droit de se syndiquer. Ce qui est certain, c'est que ces travailleurs n'ont pas le droit de participer aux grèves ni de les voter. Nous nous entendons là-dessus.
    Étant donné que j'ai discuté, au fil des ans, avec des travailleurs jordaniens, je sais qu'il y a des mécanismes indépendants qui ressemblent à un syndicat. Il y a une douzaine d'associations professionnelles pour les médecins, les avocats, les ingénieurs agricoles, les dentistes, etc. Ces associations sont strictement réglementées par le gouvernement de la Jordanie et elles n'ont pas beaucoup de liberté par rapport à ce à quoi on peut s'attendre.
    Vous avez demandé si nous devrions accoler à la Jordanie une étiquette de mauvais joueur. Je pense que la Jordanie réagit aux pressions internationales. Le Canada doit discuter avec la Jordanie des conditions de travail appropriées et des changements à apporter dans les ministères. Par exemple, en Jordanie, les ministres du Travail se sont succédé très rapidement. Seulement cette année, la Jordanie en est à quelque chose comme son troisième ministre du Travail.
    En juillet, on a retiré des pouvoirs au tribunal des salaires, qui était chargé par le ministère du Travail de régler les différends salariaux jusqu'à six mois après que les travailleurs avaient quitté leur emploi. Désormais, le tribunal peut seulement trancher les différends pour ceux qui occupent un emploi. Par conséquent, si on quitte son travail parce qu'on n'est pas payé, on n'a pas accès à ce mécanisme rapide. En Jordanie, la loi prévoit que les tribunaux habituels doivent régler les conflits de travail dans les trois mois. Mais dans les faits, cela ne se produit pas. Voilà un autre problème que je pourrais...

  (1625)  

    Monsieur Wilcke, je suis désolé, mais je dois vous interrompre.
    Je veux connaître l'avis de M. Vogt, car j'ai des questions à poser aux deux autres témoins et je n'ai que sept minutes.
    Je vous remercie.
    Effectivement, nous pourrions peut-être tirer des leçons de l'accord conclu entre les États-Unis et le Pérou. Malgré des différences importantes, l'accord de coopération conclu entre le Canada et la Jordanie ressemble beaucoup à l'accord de libre-échange existant entre les États-Unis et le Pérou pour ce qui est des conditions de travail. Nous nous appuyons notamment sur les dispositions de cet accord qui prévoient l'adoption et l'application des lois qui garantissent le respect des droits énoncés dans la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Les conditions de l'accord des États-Unis nous ont permis de discuter de changements très précis que doit apporter le gouvernement du Pérou à la législation sur le travail pour tenir compte des préoccupations de l'OIT et du mouvement syndicaliste dans cet État.
    Je pense que, même si on n'a pas réglé tous les problèmes majeurs, on a décidé de mettre en oeuvre l'accord commercial pour des raisons administratives. Néanmoins, je crois que l'accord de coopération dans le domaine du travail conclu entre la Jordanie et le Canada vous permet tout à fait d'exiger du gouvernement de la Jordanie que ses lois respectent les normes internationales. La Jordanie a déjà accepté, par écrit, de s'y conformer. Grosso modo, elle réaffirme les valeurs auxquelles elle adhère en tant que membre de l'Organisation internationale du Travail et qui sont comprises dans la déclaration de l'OIT. Évidemment, l'entente sur le travail a une plus grande portée que les principales normes, mais je crois qu'elle permet au Canada d'inciter la Jordanie à apporter les changements nécessaires, dans la loi et la pratique, pour améliorer le sort des travailleurs jordaniens. J'exhorte le Canada à profiter de la chance qui s'offre à lui.
    Merci beaucoup. Si vous pouviez parler de la structure de l'Union européenne concernant la Jordanie, je vous en serais reconnaissant. L'UE a des comités indépendants de surveillance et de protection des droits de la personne.
    Je m'adresse maintenant à MM. Stanford et Phillips.
    Beaucoup croient que nous avons une stratégie commerciale déficiente. Nous constatons que nos exportations diminuent lorsque nous signons des accords commerciaux bilatéraux. C'est ce qui est survenu avec Israël, le Chili et le Costa Rica; c'est arrivé à plusieurs reprises. Donc, il est évident que quelque chose cloche dans notre stratégie commerciale. La plupart des Canadiens de la classe moyenne gagnent moins, et nos exportations diminuent sur les marchés visés par des ententes bilatérales. Ainsi, je me demande si votre industrie a connu une augmentation des exportations sur les marchés bilatéraux. Je parle d'exportations, et non de chiffre d'affaires.
    Ensuite, avec le peu d'investissements qu'il accorde à la promotion des exportations, quelle figure le gouvernement fait-il auprès des autres pays qui investissent beaucoup plus? Le Canada semble toujours sous-financer la promotion des exportations, au lieu de joindre le geste à la parole.
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Concernant les fonds destinés à promouvoir les exportations, je pense que, ce printemps, nous avons parlé au nom de l'industrie des légumineuses à grains.
    A-t-on apporté des changements?
    Je devrai vérifier, mais selon les produits à exporter, le gouvernement a donné pas mal d'aide. Par exemple, le Canada a collaboré très étroitement avec les industries du canola et des légumineuses à grains pour augmenter les exportations non seulement sur les marchés bilatéraux, mais sur tous les marchés. Donc, il y a... Je ne sais pas si le Canada s'efforce d'aider une entreprise en particulier lorsqu'il négocie une entente bilatérale précise. Je ne pense pas qu'il y ait de financement direct. En effet, le gouvernement offre son aide de façon générale, et ce sont les entreprises et l'industrie des légumineuses à grains ou du canola qui déterminent les marchés prioritaires.
    Par exemple, nous pouvons négocier un accord bilatéral avec la Jordanie, mais elle n'est pas nécessairement un marché prioritaire pour l'huile de canola. C'est peut-être encore la Chine, le Japon, l'Union européenne ou un autre territoire. Dans une certaine mesure, le secteur privé doit déterminer ses priorités, car il arrive qu'elles ne correspondent pas exactement aux priorités des accords bilatéraux. Je pense que cela explique en partie pourquoi vous n'avez pas vu les exportations augmenter aussitôt après avoir passé un accord bilatéral. Étant donné que chaque pays a une production intérieure différente, les produits de certaines industries peuvent ne pas être une priorité. Si un État produit beaucoup d'oléagineux ou de céréales, il ne va pas en importer. Bref, nos exportations dépendent vraiment du marché.
    Si vous me permettez, je pense qu'on oublie parfois que, dans certaines cultures, on adopte une approche différente de celle des Nord-Américains. Il nous arrive de négocier seulement les prix, mais les responsables de bien des marchés veulent avant tout établir des relations à long terme et connaître les gens. Selon moi, les Canadiens n'ont pas toujours réussi à comprendre les autres cultures, et je répète que cela peut expliquer pourquoi les exportations n'ont pas tout de suite augmenté.

  (1630)  

    Effectuez-vous de la surveillance après que sont signés les accords bilatéraux?
    Les Producteurs de grains du Canada n'en ont pas les moyens.
    D'accord.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Julian.
    Je sais que MM. Phillips et Stanford devront bientôt partir. Voulez-vous faire une dernière...?
    Vous dites que vous allez rester encore 10 minutes? C'est très bien, car je suis sûr que les députés de ce côté-ci de la salle ont des questions à poser.
    Nous partirons après avoir répondu à quelques questions et fait une dernière remarque. Nous devons vous quitter pour exposer notre budget au Comité des finances, pas parce que nous n'apprécions pas votre compagnie.
    Je vous remercie.
    Passons au secrétaire parlementaire pour le Commerce international, M. Keddy.
    Merci, monsieur le président.
    J'espérais que les représentants des Producteurs de grains du Canada restent un peu plus longtemps. M. Holder a deux ou trois questions à leur poser.
    Avant que je cède la parole à M. Holder, je vais faire un commentaire. Je crois que c'est M. Stanford qui a parlé du Cycle de Doha et de l'OMC. Cela va sans dire, nous préférons obtenir des résultats grâce à la tribune multilatérale, et notre gouvernement a déployé des efforts à cet égard. Le problème, c'est que, si les choses n'avancent pas de ce côté-là, nous n'avons pas d'autre choix que d'essayer de conclure des accords bilatéraux. Nous avons assez bien réussi dans le domaine et je pense que, tout compte fait, c'est bon pour l'agriculture. Nous aimerions que la tribune multilatérale débouche sur de nouvelles avenues, mais si ce n'est pas possible, il faut envisager d'autres solutions.
    M. Holder veut poser deux ou trois questions sur l'agriculture.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier tous nos invités pour leur présence aujourd'hui. Vous m'excuserez — car je présume que pourrons poser une deuxième série de questions —, mais je voudrais adresser mes questions principalement à nos collègues de l'agriculture, les Producteurs de grains du Canada.
    La semaine dernière, l'association canadienne des éleveurs de bovins est venue témoigner devant nous. Comme vous, les éleveurs de bovins sont très favorables à un accord de libre-échange. Et comme vous, ils comprennent l'importance de la Jordanie à plusieurs égards. Même si le marché pour le boeuf n'est pas le plus important à l'heure actuelle et est plus petit que le marché des producteurs de grains dans certains créneaux particuliers, les éleveurs sont d'avis comme vous qu'il s'agit d'une occasion ayant une importance stratégique. Compte tenu des marchés existants au Moyen-Orient, cet accord ouvre de nouvelles portes aux entreprises canadiennes.
    Il est plutôt intéressant d'entendre les éleveurs de bovins parler, comme vous, de tarifs douaniers variant entre 10 et 28 p. 100. Vous avez indiqué que les tarifs étaient d'environ 30 p. 100.
    Les témoignages de nos quatre invités d'aujourd'hui représentent deux perspectives différentes, mais me paraissent faire partie d'un même ensemble, si vous voulez. Nous nous intéressons certainement au respect des droits de la personne, comme mes collègues d'en face l'ont indiqué tout à l'heure. C'est important pour nous, tout comme il est important que les accords contiennent des dispositions garantissant le respect des normes sur les conditions de travail.
    Mais nous ne devons pas oublier qu'il s'agit également de conclure un accord avantageux pour le Canada. Il ne faudrait pas rater l'occasion qui se présente. Alors que nous examinons le projet de loi visant à ratifier cet accord, je ne voudrais pas que nous oubliions ce qu'il va rapporter au Canada, notamment aux agriculteurs de partout au pays. Qu'il s'agisse des producteurs du Québec ou de l'Ontario, de l'Est, de l'Ouest ou du Nord, l'ensemble du secteur agricole au pays trouvera son compte dans cet accord, et il importe que nous le ratifiions.
    Parfois, je trouve que cette idée ne ressort pas assez dans le dialogue actuel. Bien que nous devions nous intéresser à ce qui se passe dans les pays avec lesquels nous concluons des accords commerciaux, je vous dirais qu'il n'a pas été question aujourd'hui de... Bien que nous ayons parlé de l’Accord de coopération dans le domaine du travail, je n'ai entendu personne mentionner l’Accord sur l’environnement, qui a également une importance vitale. Dans le cadre de nos efforts commerciaux, nous nous employons à établir un système reposant sur des règles qui n'existait pas auparavant.
    Alors, je voudrais revenir à ce point. Je voudrais souligner l'importance de l'accord pour le Canada. Il ne s'agit pas seulement de respecter les gens avec lesquels nous négocions.
    J'aimerais que vous nous disiez, monsieur Phillips et monsieur Stanford, pourquoi, de votre point de vue, cet accord est si important pour les producteurs de grains. Vous pouvez étendre vos arguments à l'ensemble du secteur agricole, si voulez, mais dites-nous pourquoi l'accord est si important. Pourquoi cet accord nous vaut-il une visite et un témoignage de votre part?

  (1635)  

    J'aimerais vous signaler que nous dépendons beaucoup de nos exportations, que nous soyons éleveurs de bovins ou producteurs de légumineuses, d'oléagineuses ou d'autres grains. Si nous pouvons continuer de nous efforcer d'ouvrir aux producteurs canadiens les portes de nouveaux marchés, dans d'autres pays, nous favoriserons la croissance de l'agriculture et nous aurons moins à nous inquiéter de subventionner les producteurs agricoles.
    En tant que producteur, c'est mon point de vue: je veux que mon entreprise continue de croître et je ne veux pas avoir à me demander si nous obtiendrons des subventions internes.
    Monsieur Stanford, êtes-vous en train de dire que cet accord aura comme effet de sauver la ferme familiale?
    Non, ce n'est pas le cas.
    Vous auriez pu répondre oui.
    Eh bien, oui, il sera bénéfique.
    Je vous ai entendu dire que l'accord avait passablement d'importance pour les producteurs de grains.
    Oh, tout à fait.
    Monsieur Phillips.
    Je crois que, parmi les dimensions fondamentales de la question — et je réponds en même temps à la question de M. Julian — se trouve l'idée que, dans la culture moyen-orientale, les affaires dépendent largement des relations que l'on réussit à établir. Selon l'anecdote courante, on ne peut pas acheter un tapis sans une longue négociation au fil de laquelle on boit trois tasses de thé. L'établissement de bonnes relations et d'un climat de confiance est un préalable essentiel à la conduite des affaires commerciales.
    Les liens familiaux élargis ont également une importance fondamentale dans les échanges commerciaux au Moyen-Orient. L'expérience de Sask Pulse, une grande entreprise de la Saskatchewan qui exporte des légumineuses à grain, a été révélatrice à cet égard. Une fois qu'on a un pied dans le marché et qu'on y a trouvé un client, il vous dira: « Vous savez, mon beau-frère habite de l'autre côté de la frontière, en Syrie », « mon cousin est en Irak » ou encore « la famille de ma femme vient d'Égypte ». Les portes s'ouvrent à l'intérieur, et c'est ainsi que de nouveaux contrats peuvent être conclus.
    Les témoignages des exportateurs canadiens indiquent que l'accès à un marché ouvre des portes dans toute la région, ce que les statistiques sur les échanges bilatéraux ne montrent pas. Je crois qu'il s'agit en fait d'entrer dans certains marchés avant que d'autres pays ne le fassent, pour commencer à nouer des relations conduisant à de nouveaux débouchés.
    Voilà qui est plutôt intéressant.
    Je vous ai vu regarder mon collègue d'en face pour vous assurer d'être bien compris.
    J'ai beaucoup de respect pour M. Julian.

  (1640)  

    Nous avons tous beaucoup d'estime pour lui, j'en suis sûr.
    Il a parlé un peu des gens qui disent que notre politique sur le commerce international est dysfonctionnelle. Je lui réponds que, selon ce que j'ai pu observer jusqu'à maintenant, les seuls à exprimer une telle opinion sont ceux qui n'ont jamais été favorables à aucun accord de libre-échange.
    C'est plutôt intéressant. Je l'ai entendu nous entretenir du Mexique et de l'ALENA. Je ne comprends pas comment — et ce n'est pas une question que je lui pose — l'accord de libre-échange unissant le Canada au Mexique aurait pu d'une manière ou d'une autre exacerber les problèmes de trafic de stupéfiants au Mexique. Quoi qu'il en soit, cela pourra faire l'objet d'un dialogue à un autre moment.
    J'ai un dernier commentaire à vous faire, à tous les deux, messieurs. Lorsqu'on vous a questionné sur l'aide du Canada pour la promotion des produits, vous avez indiqué que le gouvernement du Canada avait contribué très activement à la promotion du canola et des légumineuses à grain. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les mécanismes de cette promotion?
    Je n'arrive pas à me rappeler le nom exact du programme, mais il existe un programme fédéral — qui était en fait déjà offert du temps du gouvernement libéral — où les entreprises d'un secteur unissent leurs efforts, plutôt que d'obtenir de l'aide individuellement.
    On élabore un plan de commercialisation avec un objectif. Par exemple, comment pourrions-nous augmenter la vente de canola de trois millions de tonnes au cours des cinq prochaines années? J'ai choisi ce nombre au hasard. On détermine quel marché on vise, c'est-à-dire quels nouveaux débouchés on souhaite obtenir. À quels endroits dans le monde la classe moyenne est-elle en pleine croissance? Est-ce en Chine, en Inde? Comment devrait-on s'y prendre pour que les produits canadiens pénètrent ces marchés et pour qu'en toute équité, les exportateurs, les transformateurs et les agriculteurs canadiens y trouvent leur compte?
    Voilà l'approche employée.
    Si nous ouvrons l'accès au marché de la Jordanie et si nous créons des débouchés ailleurs dans le Moyen-Orient, craignez-vous de manquer de canola et de légumineuses pour approvisionner les marchés? Prévoyez-vous que les producteurs agricoles canadiens seront capables de suffire à la demande?
    Je crois qu'avec l'ouverture de nouveaux marchés, le canola se vendra sur les marchés où le prix est le plus élevé. Nos efforts de commercialisation seront dirigés en conséquence. La Jordanie ne sera probablement jamais un gros marché pour le canola, par exemple, puisque ce pays est approvisionné en huile d'olive à bas prix. En revanche, ce sera un bon marché pour les légumineuses à grain qui font partie de l'alimentation habituelle des Jordaniens.
    Nous irons où nous mèneront les forces du marché, je crois. Nous pourrions augmenter de beaucoup la production de canola. Je pense qu'il nous reste encore quelques années avant d'atteindre notre limite, pour ainsi dire.
    Alors, nous avons encore des chances de sauver la ferme familiale, monsieur le président.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur le président, pourrions-nous simplement dire quelques mots pour terminer? Nous devons partir témoigner devant le Comité des finances.
    D'accord.
    M. Phillips voudrait nous dire quelques mots en guise de conclusion.
    Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion d'être présents ici, aujourd'hui, et de nous avoir posé de bonnes questions.
    En général, je crois que nous pourrions résumer notre philosophie en disant que nous serions probablement en mesure de réaliser plus de changements une fois que nous aurons été admis sous la tente que si nous demeurons à l'extérieur. Je pense que c'est ce que certaines personnes ont essayé de dire aujourd'hui.
    Je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque j'ai entendu les observations de certains autres témoins, tout à l'heure. À une certaine époque, j'étais vice-président d'un syndicat de 17 000 personnes, alors je suis tout à fait au courant des droits des travailleurs. Je connais bien l'Organisation internationale du travail et certains dossiers dont elle s'occupe. Des témoins nous ont parlé du nombre excessif d'heures supplémentaires, et cela m'a fait sourire, car plusieurs employés du Parlement m'ont affirmé vivre ce problème.
    Une voix: Et aussi certains agriculteurs que je connais.
    M. Richard Phillips: Et certains agriculteurs aussi, bien sûr.
    Alors, sur ces mots, je vous laisse poursuivre vos travaux. Merci.
    Je prie les autres témoins de bien vouloir m'excuser, mais je vais prendre un instant pour remercier M. Phillips et M. Stanford, des Producteurs de grains du Canada.
    Nous vous disons adieu. Pendant que vous vous esquivez tranquillement, nous allons poursuivre nos questions en nous adressant aux autres témoins. Merci beaucoup.
    J'aimerais inviter l'un de nos vice-présidents, M. John Cannis, à commencer le deuxième tour de table et à poser des questions aux témoins à Washington et à Munich.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi de saluer nos invités, que ce soit ceux qui sont en train de partir ou ceux qui se trouvent en Europe et à Washington.
    À l'intention de M. Phillips, qui est en train de nous quitter, j'aimerais préciser, comme je me le fais souvent, que je préfère être sur place et y faire mon possible pour sensibiliser les gens et changer les choses, plutôt que de rester à l'écart et de n'être utile à personne.
    Monsieur le président et chers membres du comité, pendant que les autres membres du comité prenaient la parole, ma collègue Martha Hall Findlay et moi discutions de cette question en privé. Comme je lui disais, qui aurait pu s'imaginer, il y a 35 ou 40 ans, que des syndicats verraient le jour en Chine, par exemple? Qui aurait pu s'imaginer, il y a 35 ou 40 ans, qu'il serait question là-bas de droit du travail, de normes et de toute la panoplie des questions dans ce domaine? Je pense que, si la Chine en est là, c'est que nous avons eu l'audace de conquérir ce marché et d'y promouvoir ces changements. Et les Chinois ont beaucoup changé.
    Ce que les agriculteurs avaient à dire m'a impressionné, mais il y a aussi une contrepartie, monsieur le président, car ils ont parlé du groupe de pays, soit Bahreïn, le Qatar, les Émirats arabes unis, et ainsi de suite. J'ai été agacé récemment de constater que nous risquions de perdre ces partenaires simplement parce que l'accord commercial vise notamment l'accès à notre marché du transport aérien. Je voudrais que ce problème soit réglé également, d'une manière ou d'une autre, avec le transporteur aérien Emirates, de manière à ce que nous puissions avancer dans l'intérêt de tous.
    Monsieur le président, je voudrais poser une question aux deux témoins, peu importe lequel répond. Ce pourrait être le monsieur en Allemagne ou celui qui est aux États-Unis. Je reprends où mon collègue a dû s'arrêter pour donner aux témoins l'occasion de terminer leur réponse de tout à l'heure.
    Ces pays profitent-ils de la présence du Canada sur leur marché ou en subissent-ils un préjudice? Je demanderais aux témoins de bien y songer, car ils ont parlé de l'industrie du vêtement, mais pas des exportations agricoles, c'est-à-dire le boeuf, les lentilles, les pois chiches, et ainsi de suite. J'ai entendu les témoins nous parler sans arrêt de l'industrie du vêtement.
    Je me souviens, monsieur le président et chers collègues, des appels au boycottage de certaines marques lancés il y a quelques années — je n'en nommerai aucune pour ne pas être injuste —, en raison des conditions de travail des travailleurs fabricant les vêtements en question. La communauté internationale a réagi comme il se doit, tout comme l'entreprise visée.
    Je me demande si nous pouvons nous attendre à de bons résultats en mettant la clé dans la porte et en la jetant parce qu'il y a des violations... Nous avons entendu parler des violations. C'est le travail de notre comité de se pencher sur cette question.
    Messieurs, n'y aurait-il pas une autre manière de régler ces problèmes que de refuser de conclure un accord de libre-échange avec ce pays?
    J'aimerais entendre le point de vue de l'un ou l'autre des deux témoins à ce sujet, monsieur le président.

  (1645)  

    Je vais commencer, je crois.
    Il semble que le gouvernement du Canada avait déjà choisi la politique du rapprochement, plutôt que l'inverse et, grâce à l'Accord de coopération dans le domaine du travail, vous avez établi une série de conditions liant les parties. Je crois qu'il revient au gouvernement de veiller maintenant à ce que ces conditions soient respectées.
    Manifestement, le gros du travail incombe au gouvernement de la Jordanie, parce que l'accord implique une refonte de la législation et de la réglementation concernant le travail, dans ce pays. Mais, grâce à la participation de l'Organisation mondiale du travail, qui est déjà présente avec son programme Better Work dans le secteur du vêtement — du moins pour l'instant — et grâce à la coopération du gouvernement des États-Unis et d'autres pays, je crois qu'à long terme, une refonte des mécanismes d'application des lois régissant le travail est possible dans ce pays, de manière à ce que les employeurs adhèrent à ces lois.
     J'insiste encore une fois sur le fait que les deux pays se sont entendus sur cet accord de coopération dans le domaine du travail. Il sera important que les deux parties respectent pleinement l'accord et, au besoin, fournissent les ressources ou les capacités techniques à ceux qui pourraient en avoir besoin pour respecter les engagements pris dans l'accord.
    Si je vous ai bien compris, monsieur Vogt, vous êtes en train de nous dire de ratifier l'accord, puis de nous employer à mettre en oeuvre et à appliquer les lignes directrices. C'est ce que je comprends.
    Il ne m'appartient pas de vous conseiller de ratifier l'accord ou de ne pas le ratifier.
    Comme je l'ai dit au début, vous devez prendre en considération d'autres chapitres que celui qui porte sur le droit du travail. Alors, je ne suis pas en train de prendre position dans un sens ou dans l'autre. Je dis simplement qu'avec l'accord que vous avez conclu, vous vous êtes donné une influence considérable. Servez-vous-en et, au besoin, fournissez aux gens l'assistance technique nécessaire pour pouvoir mettre en oeuvre l'accord.
    Mais je pense qu'il serait important que vous agissiez avant de ratifier l'accord. Votre disposez maintenant d'une influence maximale pour amener la Jordanie à respecter les obligations prévues dans l'accord. L'expérience de l'accord entre les États-Unis et le Pérou nous a enseigné que nous pouvions nous en servir pour amener l'autre pays à modifier sa législation sur le travail. Bien qu'incomplètes, les modifications ont été substantielles à cet égard. Nous nous efforçons maintenant de déterminer minutieusement si le Pérou respecte ses obligations et applique les nouvelles lois.
    Merci.
    Je sais que le temps qui m'était accordé est écoulé, monsieur.
    Merci.
    Devrais-je répondre rapidement?
    Certainement. Allez-y, monsieur Wilcke.
    Je vous ferais en gros une réponse semblable, c'est-à-dire que, si vous ne ratifiez pas cet accord, je ne crois pas que le Canada puisse avoir une influence importante sur les conditions de travail en Jordanie. Cependant, il n'y a aucune garantie d'amélioration des conditions de travail de rattachée à l'accord, même avec les dispositions de protection qui y sont prévues. Vous devez vous demander, si vous choisissez de ratifier l'accord, comment vous pourrez procéder intelligemment à partir de là. Quelles seront les raisons qui motiveront la Jordanie à améliorer les conditions de travail? Comme mon collègue l'a dit, c'est maintenant que vous disposez de la plus grande influence.
    À votre place, avant de ratifier l'accord, j'exhorterais la Jordanie à s'assurer que toutes ses lois sont conformes aux normes internationales. Il serait sage de mettre en vigueur progressivement les réductions des tarifs douaniers et de les lier aux améliorations apportées aux normes du travail. Selon moi, les deux éléments les plus importants en Jordanie, en ce qui a trait au droit du travail, sont l'accès à la justice et les mécanismes pour déposer des griefs. Beaucoup de mesures doivent être prises relativement, par exemple, aux inspections faites par le ministère du Travail et au fonctionnement des tribunaux. Le gouvernement doit se préparer à surveiller l'ensemble de la situation.

  (1650)  

    Merci pour ce complément de réponse.
    Je cède maintenant la parole à M. Cannan, qui sera suivi par M. Guimond.
    Monsieur Cannan, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je voudrais faire suite aux observations de mes collègues sur le fait que nous sommes ici pour aider au développement des entreprises canadiennes, et que nous nous préoccupons aussi de la situation des droits de la personne partout dans le monde. Nous tentons de trouver le juste équilibre.
    J'aimerais revenir sur l'accord États-Unis-Jordanie conclu il y a presque dix ans, le 24 octobre 2000. Cet accord est entré en vigueur le 17 décembre 2001 et depuis, ces deux pays ont doublé leurs échanges commerciaux. Entre 2007 et 2009, ces échanges ont augmenté de près de 40 p. 100, passant d'un peu plus de 900 millions de dollars à 1,35 milliard de dollars.
    En tant que nation commerçante, le Canada tire de l'arrière. Nous devons aller de l'avant et mettre nos entreprises sur le même pied d'égalité que leurs concurrents grâce à un système commercial axé sur des règles auquel on a fait référence plus tôt.
    Pendant que les États-Unis continuent de négocier de façon musclée, nous voulons être des chefs de fil, tant au chapitre de l'économie que des droits de la personne. L'accord de coopération dans le domaine du travail respecte la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. La déclaration aborde, entre autres, la liberté d'association, le droit de négociation collective, l'abolition du travail des enfants, question que d'autres témoins ont soulevée, l'élimination du travail forcé ou obligatoire et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. De plus, l'accord comprend un mécanisme d'observation.
    Donc, ma question pour vous, messieurs, est la suivante: devrait-on prendre du recul pour rédiger un accord parfait tout en laissant les Américains accroître leurs échanges commerciaux, ou devrait-on aller de l'avant, créer un système commercial axé sur des règles et mettre en place un mécanisme d'observation afin d'améliorer la situation du travail et la situation économique des deux pays?
    Je ne peux pas et je ne pourrais pas vraiment parler au nom des entreprises canadiennes. Donc, je crois que je vais m'abstenir, sauf que je dirais que...
    Vous pouvez parler au nom des entreprises américaines, puisque vous avez appuyé cet accord en 2001.
    Je crois que la Jordanie constitue un très petit marché peu important pour les États-Unis. En fait, les exportations ont diminué abruptement, au moins pour les Jordaniens, notamment dans les Zones industrielles qualifiées après la crise, et le secteur est en déclin depuis un certain temps.
    Je crois qu'en grande partie, les accords conclus avec la Jordanie, ainsi que d'autres accords négociés par l'administration Bush au Moyen-Orient, n'étaient pas motivés par des considérations économiques ou géopolitiques.
    Je réitère qu'il est important que tous les pays négocient des accords de libre-échange qui comprennent des dispositions relatives au travail et à l'environnement. Comme je l'ai déjà dit, il est absolument essentiel que ces accords tiennent compte des investissements, des services, de la propriété intellectuelle et des marchés publics pour qu'ils soient équilibrés, au moins de notre point de vue, pour les travailleurs des deux pays.
    Pour répondre à votre question, je dirais que l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie pourrait être instructif sur le plan des dispositions relatives au travail. Je dirais surtout que ce n'est pas grâce à l'accord en tant que tel que les choses se sont améliorées, mais bien grâce à des organismes internationaux, comme la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles qui, plusieurs années après l'entrée en vigueur de cet accord, a mis au jour des violations, ce qui a mené le gouvernement américain à réagir, sur le plan diplomatique, tout comme le gouvernement jordanien.
    Vous avez demandé précédemment ce que l'UE faisait dans ce dossier. L'Union européenne a conclu un accord d'association avec la Jordanie, qui est entré en vigueur en 2002, si je ne m'abuse. Cet accord contient une disposition relative aux droits de la personne. Tous les six mois, un sous-comité sur les droits de la personne se réunit à Bruxelles et en Jordanie. Comme on l'a déjà dit, l'UE est en train de négocier un accord de libre-échange avec le Conseil de coopération du Golfe qui contiendrait des dispositions relatives aux droits de la personne.
    De notre point de vue, ce sont tous des points positifs. Toutefois, certains pays ont été récompensés par des accords de libre-échange qui contiennent des dispositions relatives aux droits de la personne, mais celles-ci ne sont pas respectées. Parfois, ces accords sont conclus malgré des manquements récents à ce chapitre. Donc, ce mécanisme n'améliore pas nécessairement le respect des droits de la personne.

  (1655)  

    Merci.
    Merci, monsieur Cannan.
    Nous allons revenir de ce côté-ci de la table. Nous avons sans doute le temps pour entendre deux autres intervenants. Nous allons donc poursuivre avec M. Guimond et terminer par M. Keddy.
    Je suis navré, monsieur Savage, mais nous n'aurons pas suffisamment de temps pour vous entendre et nous entretenir avec vous. Je vous remercie tout de même d'être venu.
    Nous devions également entendre M. Mayes mais, malheureusement, il ne nous reste plus suffisamment de temps. Je suis désolé, monsieur Mayes.
    Poursuivons maintenant avec M. Guimond.

[Français]

    Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, par rapport à l'entente entre le Canada et la Jordanie, le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Nous avons une rencontre intéressante aujourd'hui qui nous fait voir d'autres points de vue. Elle nous amène aussi un éclairage intéressant, particulièrement sur les droits du travail et les droits humains en Jordanie.
    Ma première question s'adresse à M. Wilcke. Vous avez démontré, dans un article paru en février dernier, des violations des droits fondamentaux par l'État jordanien, particulièrement par le retrait de la nationalité jordanienne à des Jordaniens d'origine palestinienne. On sait que, depuis 2004 et 2008, c'est environ 2 700 jordaniens d'origine palestinienne qui ont été touchés par cette situation.
    Où en est-on à cet égard, aujourd'hui?

[Traduction]

    Certainement, et je vais tenter d'être le plus bref possible.
    En février dernier, je me suis rendu à Amman pour discuter avec des responsables du ministère de l'Intérieur de la pratique jordanienne qui consiste à retirer de façon arbitraire la nationalité jordanienne aux citoyens d'origine palestinienne.
    En 1988, le roi Hussein de Jordanie a déclaré qu'il ne voulait plus rien savoir de la Cisjordanie sur le plan juridique et administratif, un territoire occupé par Israël depuis 1967, et que tous ceux qui habitaient cette région perdraient leur citoyenneté jordanienne.
    Ce que nous voyons aujourd'hui, ce sont les conséquences de cette décision. Les Jordaniens d'origine palestinienne qui vivaient à l'époque au Koweït, par exemple, ou même en Jordanie se font maintenant retirer leur citoyenneté jordanienne. C'est la pratique actuelle, et celle-ci contrevient clairement à la loi jordanienne. Elle va à l'encontre des textes internationaux que la Jordanie n'a pas encore signés, comme le traité sur la prévention de l'apatridie. De plus, cette pratique est utilisée dans le contexte des négociations de paix et de la situation au Moyen-Orient. La Jordanie veut avoir le plus grand nombre de personnes apatrides possible sur son territoire pour qu'ils puissent être considérés comme des réfugiés et renvoyés en Israël ou en Cisjordanie ou recevoir un dédommagement si jamais un accord de paix était conclu.
    Ayant perdu leur statut de résident de la Jordanie, ces gens n'ont plus le droit de travailler dans le pays, tant dans le secteur public que privé. La seule façon de contourner cet obstacle, c'est d'obtenir une permission spéciale de travailler, mais ces permissions sont délivrées par les services du renseignement de la Jordanie.

[Français]

    J'aimerais vous poser une dernière question à tous les deux. On pense que la Jordanie a la volonté de s'améliorer sur le plan des droits humains et sur celui des droits du travail. Sentez-vous cela?

[Traduction]

    C'est une très bonne question, et je crois que je vais laisser mon collègue y répondre. La question n'est pas si la Jordanie veut s'améliorer à ce chapitre. Il y a de nombreuses factions en Jordanie, et elles ont toutes des intérêts différents. Habituellement, le parlement jordanien n'a pas grand-chose à dire. Par exemple, il ne rédige pas les lois, contrairement au Parlement du Canada. Cette responsabilité revient au gouvernement nommé par le roi. Toutefois, la cour royale et certains membres du gouvernement — et le roi nomme un nouveau gouvernement et un nouveau premier ministre presque chaque année — sont plutôt progressistes dans leur volonté de faire avancer le dossier des droits de la personne, et parfois, celui des droits dans le domaine du travail.
    Ce ne sont certainement pas le parlement, ni la population qui sont à l'origine des changements apportés à la loi et à la pratique entre 2008 et 2010. Ces décisions venaient de plus haut. Il y a également beaucoup d'obstacles à franchir, notamment le fait que les services du renseignement s'opposent parfois à ce genre de réformes.
    Il y a un aspect important que nous n'avons pas encore abordé. La Jordanie impose encore des amendes pour des séjours indûment prolongés. Toute personne qui n'a pas le statut de résident en Jordanie se voit imposer une amende de trois dollars américains par jour pour avoir indûment prolongé son séjour. Cela signifie que beaucoup de travailleurs migrants qui quittent leur emploi, parfois et même la plupart du temps, en raison de conditions abusives — ils sont battus, ils ne sont pas payés, leur charge de travail est trop lourde — ne peuvent pas quitter le pays, parce que les amendes s'accumulent si rapidement, qu'ils n'arriveront jamais à les payer. J'ai rencontré des travailleurs migrants dans cette situation en Jordanie. Ils sont là depuis des mois et même des années sans pouvoir retourner chez eux en raison de ce contexte d'immigration.

  (1700)  

    Je suis d'accord avec mon collègue. Je crois que les gouvernements jordaniens des dernières années ont montré une certaine volonté à améliorer les conditions. C'est vrai qu'il y a eu quelques réformes judiciaires. Cela fonctionne dans le cas du Congrès des organisations industrielles pour la création d'un meilleur programme de travail dans les Zones industrielles qualifiées. Encore une fois, pour faire écho aux observations de mon collègue, il y a des différences au sein du gouvernement. Il reste encore beaucoup d'obstacles à franchir avant que le gouvernement jordanien adopte un ensemble de lois, de règlements et de pratiques totalement conformes aux normes internationales.
    Merci, et merci à vous, monsieur Guimond.
    Passons maintenant à M. Keddy.
    Merci, monsieur le président. Bienvenue à nos témoins.
    J'aurais quelques questions à poser.
    Premièrement, même si les représentants et les témoins du secteur agricole ne sont plus ici, il convient de revenir sur un point qu'ils ont soulevé, soit que la Jordanie a un sérieux problème d'eau, tout comme la plupart des autres pays du Moyen-Orient, d'ailleurs. Le Canada, les États-Unis et l'Union européenne disposent d'une quantité d'eau plutôt suffisante et de grandes ressources agricoles. Donc, il est clair que nous pouvons aider ces pays à subvenir aux besoins alimentaires de leurs citoyens, et cela pourrait être encore plus important pour l'avenir. La Jordanie ne constitue pas l'unique marché dans la région. Tous les pays du Moyen-Orient réunis représentent un marché d'au moins 40 millions de personnes. Selon moi, il s'agit d'une excellente occasion.
    J'en arrive à la question que je voulais poser. Nous avons ici des accords contraignants sur le travail et sur l'environnement. Comme tout le monde, je suis conscient des problèmes logistiques liés à la mise en oeuvre de ces accords, mais les explications de nos deux témoins portent un peu à confusion.
    Vous avez dit, monsieur Vogt, que l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie ne pouvait qu'être bénéfique à long terme. Je dirais la même chose au sujet de notre accord de libre-échange avec la Jordanie. Nous avons déjà des échanges commerciaux avec la Jordanie. Ce n'est rien de nouveau. Nous ne faisons que mettre en place un système commercial fondé sur des règles contraignantes pour les deux parties. Personne ne prétend qu'il s'agit d'une solution parfaite, mais ce que je veux dire, c'est que contrairement à un système commercial qui repose sur très peu de règles et sur des tarifs élevés, cette option ne peut qu'être profitable pour les deux pays à long terme. Tout ce que nous tentons de faire, c'est d'adopter des paramètres pour une situation qui existe déjà.
    J'aimerais d'abord entendre votre opinion sur le sujet, s'il vous plaît.

  (1705)  

    Je tiens premièrement à préciser une chose. Je ne crois pas avoir dit que l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie ne pouvait qu'être bénéfique pour les Jordaniens. Je suis désolé. Vous avez peut-être mal entendu.
    Peut-être que je vous ai mal entendu. Ce que j'ai noté, c'est que les gouvernements doivent s'assurer que les conditions sont remplies, et que l'amélioration de l'environnement et des pratiques de travail en Jordanie ne peut qu'aider. Peut-être que vous faisiez référence à la relation avec le Canada.
    Peu importe, l'important c'est qu'il y ait un engagement significatif, chose qui manquait dans l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie avant que ce manque soit dénoncé. Pour que cet accord soit pris au sérieux, les deux gouvernements doivent prendre des engagements significatif. Non seulement l'administration Bush n'a-t-elle pas vraiment supervisé la mise en oeuvre de cet accord, mais elle a envoyé une lettre au gouvernement jordanien pour lui dire qu'essentiellement, elle n'allait jamais appliquer les dispositions relatives au travail qu'il contenait.
    Pour que cet accord soit efficace, les deux gouvernements doivent prendre des engagements et entretenir un dialogue constructif de haut niveau. Pour revenir au point que j'ai soulevé plus tôt, le Canada se trouve actuellement dans la meilleure position possible pour influencer la Jordanie. Je ne crois pas que le gouvernement étudierait la possibilité d'aller de l'avant avec cet accord si le gouvernement jordanien ne respectait pas ses obligations en vertu du chapitre sur les investissements et de celui sur les services. Il est important que les engagements soient pris au sérieux et que les deux gouvernements fassent le nécessaire pour se conformer aux conditions de l'accord avant de le ratifier.
    Merci pour votre réponse.
    Celle-ci soulève une autre question, soit que... Je vais revenir au système commercial fondé sur des règles. Vous êtes conscient de l'importance du dialogue et de la présence des deux parties à la table de négociation. Vous savez aussi qu'il est important que les deux parties entretiennent des discussions franches sur les droits de la personne, les accords sur le travail et l'environnement. Cependant, est-ce que vous avancez que cela ne peut qu'améliorer la situation en Jordanie? Vous n'êtes pas en train d'insinuer que les États-Unis seraient prêts à annuler leur accord avec la Jordanie à ce moment-ci, n'est-ce pas?
    Pas du tout. Il serait inhabituel pour les États-Unis d'annuler un accord, peu importe les conditions sur le terrain. Il y a eu un coup d'État récemment au Honduras, et cela n'a pas été suffisant pour qu'ils étudient la possibilité de se retirer de l'accord de libre-échange avec l'Amérique centrale. Il est très rare qu'un pays se retire d'un accord économique international.
    Toutefois, cela revient à l'équilibre de l'accord lui-même. Comme je n'ai pas lu le reste de l'accord, je ne peux pas dire si, sur le plan de l'équilibre, il convient aux travailleurs canadiens et jordaniens. Si l'on regarde uniquement l'accord de coopération dans le domaine du travail, on peut dire que celui-ci offre des possibilités dont le Canada pourrait également profiter dans sa relation avec la Jordanie grâce à l'Organisation internationale du Travail ou d'autres institutions internationales. Puisque vous avez négocié cet accord, je réitère qu'il est important que celui-ci soit pris très au sérieux et que les deux pays respectent leurs engagements en vertu de cet accord avant de le ratifier.
    Merci beaucoup.
    Je fais fi ici de toute critique concernant les autres chapitres de l'accord qui, selon moi, ont également un impact sur l'économie et sur la capacité du gouvernement à répondre convenablement aux besoins de ses citoyens.
    Merci pour ces réponses. Il est maintenant plus de 17 heures ici à Ottawa.
    J'aimerais remercier particulièrement M. Wilcke d'avoir veillé aussi tard à Munich afin de participer à cette séance. Merci pour vos observations très utiles.
    J'aimerais aussi remercier M. Voigt, à Washington, de s'être joint à nous aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions.
    Si l'un de vous a quelque chose à ajouter, n'hésitez pas à communiquer avec notre greffier et nous serons heureux de modifier le compte rendu de la séance en conséquence. Sur ce, je vous dis au revoir.
    Nous allons prendre une pause de deux minutes le temps de passer à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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