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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 002 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 mars 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.
    Nous en sommes en ce mercredi 17 mars 2010 à la deuxième séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan.
    J'invite tous les membres du comité à éteindre leur BlackBerry, leur téléphone ou tout autre appareil du genre.
    Pour la gouverne des membres du comité, je vous indique que nous consacrerons notre deuxième heure à différentes questions de régie interne. Il y a d'abord une motion qui a été déposée ainsi que le premier rapport de notre sous-comité du programme et de la procédure en plus de la planification de nos travaux futurs.
    Lors de la première heure de séance, nous allons poursuivre notre étude sur le transfert de détenus afghans. Nous accueillons comme témoin cet après-midi M. Paul Champ, avocat-conseil pour Amnistie internationale.
    Monsieur Champ, je n'ai pas eu la chance de vous parler auparavant, mais je vous invite à faire une brève déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
    Je vous souhaite la bienvenue. Nous allons vous écouter pendant 5 à 10 minutes et je sais que les membres du comité sont anxieux de discuter avec vous et de vous poser leurs questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à vous et aux membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui au nom d'Amnistie internationale.
    Je tiens à vous rappeler que je suis avocat-conseil à la fois pour Amnistie internationale et pour la B.C. Civil Liberties Association. Je représente ces deux organisations dans le dossier du transfert de détenus en Afghanistan depuis 2006. Je les ai représentées à l'occasion d'une contestation judiciaire qui s'est amorcée en février 2007 ainsi que pour leurs procédures devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire depuis février 2007 également.
    Il va de soi que mes clients suivent de près l'excellent travail accompli par votre comité et les différents témoins qui ont été convoqués et que nous comprenons bien toute l'importance que revêtent ces questions dans le contexte de la controverse entourant le transfert de détenus.
    Mes brefs commentaires seront répartis en deux volets. Dans un premier temps, nous nous inquiétons du risque de torture qui perdure pour les détenus livrés aux autorités afghanes après leur capture par les Forces canadiennes. Après quelques brèves observations à ce sujet, je vous offrirai dans un deuxième temps une mise à jour relativement aux procédures entreprises devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Si mon souvenir est exact, votre comité a commencé à s'intéresser à cette question en octobre 2009 parce qu'on craignait que l'on fasse entrave aux procédures devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. J'ai donc pensé que le moment était bien choisi pour faire le point avec vous sur l'état d'avancement de ce processus.
    Parlons d'abord des risques de torture qui persisteraient en Afghanistan. Il nous semble qu'au cours des quatre ou cinq derniers mois, on s'est beaucoup employé à faire valoir qu'il y avait bel et bien des problèmes dans le système de transfert des détenus en Afghanistan en 2006, mais que ces problèmes ont été réglés en mai 2007. On s'est surtout demandé pourquoi on avait mis autant de temps à trouver une solution. J'aimerais simplement préciser, au nom d'Amnistie internationale et de la B.C. Civil Liberties Association, que nous sommes d'avis, à la lumière des éléments de preuve disponibles, qu'il persiste un risque grave et considérable de torture pour les détenus que les Forces canadiennes livrent aux autorités afghanes.
    Je rappelle aux membres du comité que la deuxième entente supplémentaire conclue entre le gouvernement de l'Afghanistan et celui du Canada en mai 2007 permettait aux autorités canadiennes de commencer à faire le suivi des détenus. Nous avons toutefois constaté que les diplomates canadiens ont, dès lors, eu droit à de nombreux comptes rendus détaillés de mauvais traitements et de torture lorsqu'ils rendaient visite aux détenus. Je sais que certains ont laissé entendre que ces allégations n'étaient pas crédibles, mais permettez-moi de vous rappeler que la Cour fédérale s'est penchée en 2008 sur ces comptes rendus faits aux diplomates canadiens et que la juge Anne Mactavish a déclaré ce qui suit à cet égard:
Ces plaintes comprenaient des allégations selon lesquelles les prisonniers étaient battus à coups de pied, étaient battus avec des câbles électriques, recevaient des chocs électriques, se voyaient infliger des coupures ou des brûlures, et étaient enchaînés et tenus debout pendant plusieurs jours de suite, les bras élevés au-dessus de la tête.
De plus, dans certains cas, des prisonniers avaient des signes physiques qui correspondaient à leurs allégations de mauvais traitements. En outre, des Canadiens qui effectuaient les visites des lieux ont personnellement vu des détenus manifestant des signes de maladie mentale et, dans au moins deux cas, les rapports des visites de surveillance décrivaient des prisonniers qui paraissaient « traumatisés ».
    C'est l'information que l'on a commencé à transmettre aux diplomates canadiens en 2007. Comme nous le savons, les transferts ont été par la suite suspendus en novembre 2007 pendant une période de quatre mois parce que des instruments de torture ont été découverts dans une cellule utilisée pour les interrogatoires.
    Nous ne connaissons pas les détails que les diplomates canadiens ont pu apprendre depuis. En novembre 2009, le ministre de la Défense nationale, Peter MacKay, a déclaré publiquement que les transferts ont été interrompus à trois reprises en 2009. Il a indiqué que l'une de ces interruptions s'expliquait du fait que la direction nationale de la sécurité avait refusé l'accès aux prisons pendant un certain temps, et que les deux autres étaient attribuables à de nouvelles allégations de mauvais traitements. Nous n'avons rien pu apprendre de plus à ce sujet et nous serions très intéressés à connaître les détails de ces nouveaux cas d'abus présumés. Je me permets toutefois de rappeler aux membres du comité que toutes les fois où il est question de mauvais traitements dans une prison afghane, il s'agit en fait d'un euphémisme pour parler de torture.

  (1535)  

    Il faut reconnaître qu'en juin 2007, le ministre MacKay, alors à la tête des Affaires étrangères, et le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, ont indiqué publiquement qu'il y avait eu de nouvelles allégations de mauvais traitements en provenance des prisons afghanes. Nous avons toutefois découvert un an plus tard que les rapports en question parlaient d'individus battus avec des câbles électriques alors que leurs yeux étaient bandés, soumis à des chocs électriques et frappés aux pieds avec des câbles. Un autre homme ne pouvait dire ce qu'il lui était arrivé, sauf qu'il avait perdu tous ses ongles d'orteil. Nous nous sommes donc inquiétés d'entendre le ministre MacKay indiquer en novembre 2009 que les transferts avaient dû être interrompus encore très récemment, soit au cours de la dernière année. Nous ne connaissons pas les détails des cas allégués et nous ne savons pas pour quelle raison les Forces canadiennes jugent qu'il n'est pas risqué de transférer des détenus dans un tel contexte.
    En terminant sur ce sujet, nous avons appris que les Forces britanniques en Afghanistan ont cessé les transferts de prisonniers aux autorités afghanes, et plus particulièrement à la Direction nationale de la sécurité. Les transferts ont été interrompus en juin 2009. Ce moratoire sur les transferts est toujours en vigueur aujourd'hui. Il va de soi que mes clients se demandent pourquoi le Canada juge sans danger de continuer à transférer des détenus, alors que les Forces britanniques considèrent qu'il y a un risque de torture. C'est donc ce qui nous préoccupe relativement aux risques actuels de torture.
    Dans un deuxième temps, j'aimerais faire le point avec vous relativement aux procédures entreprises devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Comme vous vous en souvenez, les procédures ont été suspendues en octobre 2009 parce que tous les documents pertinents n'ont pas été divulgués. Le président alors en poste, Peter Tinsley, a jugé inéquitable pour les personnes faisant l'objet des plaintes, à savoir les agents de la police militaire, que l'on poursuive les audiences sans que tous ces documents soient entièrement communiqués. Il a donc décrété un ajournement jusqu'à la production desdits documents.
    Je peux vous indiquer qu'un certain nombre de ces documents ont été effectivement communiqués, tant aux personnes visées qu'à nous-mêmes. Nous ne pouvons pas dévoiler le contenu de ces documents tant qu'ils n'auront pas été produits en preuve, mais je peux vous dire que le gouvernement a finalement consenti à divulguer une quantité considérable de renseignements. Cependant, il y a encore un grand nombre de documents qui n'ont pas été produits. Hier encore, Ron Lunau, avocat principal de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, a écrit à nouveau au gouvernement au sujet des autres documents attendus du ministère de la Défense nationale ainsi que du ministère des Affaires étrangères. La divulgation continue donc à poser problème.
    J'ajouterais qu'au moment où les audiences ont été levées, on s'inquiétait de possibles manoeuvres d'intimidation de la part des avocats du ministère de la Justice auprès de témoins éventuels. On menaçait ceux-ci en leur conseillant de ne pas comparaître devant la commission et de ne pas coopérer avec son avocat. Je peux maintenant vous confirmer que nous avons appris depuis lors d'un avocat du ministère de la Justice que tous ces témoins collaborent maintenant avec l'avocat de la commission, ce qui ne manque pas de nous réjouir.
    Par ailleurs, cela ne règle pas la question des tactiques d'intimidation qui ont pu être utilisées à l'endroit de certains témoins et l'on en discutera à nouveau lorsque les audiences reprendront à la fin du mois. Les audiences doivent recommencer le 24 mars avec trois journées consacrées aux motions. Les audiences seront ensuite suspendues pendant une semaine après quoi, à compter du 5 avril 2010, on entendra des témoins pendant six semaines consécutives. Nous devrions recevoir sous peu la liste définitive des témoins, car la commission continue actuellement à rencontrer et à interroger des personnes qui pourraient être appelées à témoigner.
    Je vais conclure à ce sujet et terminer ma déclaration d'ouverture en informant le comité que l'on n'a toujours pas nommé un nouveau président à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Le mandat du président sortant, M. Peter Tinsley, a pris fin le 11 décembre 2009. Le gouvernement a déclaré à ce moment-là qu'un nouveau président serait nommé. Cela n'a pas encore été fait.

  (1540)  

    Il faut toutefois préciser qu'un autre membre de la commission, M. Glenn Stannard, a été nommé président par intérim. Selon la lettre initiale reçue de l'avocat de la commission en janvier, M. Stannard s'occupera des questions de procédure relatives à ces audiences en attendant qu'un autre président ayant une formation juridique soit nommé, car M. Stannard n'est pas avocat.
    Il y a environ quatre semaines, nous apprenions qu'en l'absence d'une nomination à son poste, M. Stannard se désignait lui-même pour présider les audiences de la commission. Dans l'état actuel des choses, non seulement M. Stannard agira-t-il comme président intérimaire de la commission, mais c'est également lui qui présidera par intérim les audiences.
    Je veux seulement que les membres du comité comprennent bien que mes clients n'ont absolument rien à reprocher à M. Stannard. Il est l'ancien chef de police de la ville de Windsor. Nous avons toutefois souligné nos préoccupations quant au fait qu'il ne possède aucune formation juridique alors qu'il semble bien que les audiences risquent fort d'être plutôt complexes. Nous avons déjà eu droit à de nombreuses objections des avocats du ministère de la Justice sur des questions de compétence, de privilège et de sécurité nationale, notamment, ce qui nous amène à nous interroger sur le bon déroulement des procédures.
    La situation est d'autant plus préoccupante qu'il n'existe nulle part ailleurs au Canada d'organisme d'examen des plaintes contre la police qui n'exige pas une formation juridique de son président.
    Voilà pour l'état actuel de la situation. J'en resterai là pour l'instant.
    C'était donc ma déclaration préliminaire. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Champ.
    Nous allons maintenant amorcer la première série de questions en donnant la parole à M. Wilfert qui dispose de sept minutes.
    Je vais partager mon temps avec M. Dosanjh.
    J'ai deux brèves questions pour notre témoin.
    Tout d'abord, concernant M. Iacobucci, les avocats et les fonctionnaires du gouvernement ont examiné les documents demandés par notre comité. Nous n'avons rien reçu, je ne vous apprends rien, et c'est la raison pour laquelle notre parti continue à exiger une enquête publique. Selon nous, c'est la seule façon d'aller au fond des choses.
    À votre avis, M. Iacobucci va-t-il simplement examiner les documents qui ont déjà été vérifiés, ce qui en définitive ne changera rien à l'affaire, car c'est le premier ministre qui aura le dernier mot? Ou alors envisagez-vous un scénario différent?
    Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion de prendre connaissance du mandat de M. Iacobucci. D'après ce que j'ai pu comprendre, son mandat se limitera essentiellement à procéder à une contre-expertise relativement aux passages censurés pour des motifs de sécurité nationale dans les documents déjà divulgués. Il s'agit d'un important volume de documents qui ont été produits depuis le début de 2007 et divulgués dans le cadre de différentes procédures, tant devant la Cour fédérale que devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
    Si j'interprète bien son mandat, il ne fera rien d'autre qu'exprimer un deuxième avis sur les censures déjà effectuées. Je dois vous dire que je m'interroge un peu sur l'utilité de la chose.
    Mes clients n'ont cessé de réclamer la tenue d'une enquête judiciaire publique en bonne et due forme. Nous avons fait part de nos préoccupations, mais la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire ne s'intéresse en fait qu'à un aspect très étroit de cette vaste problématique qui concerne bien évidemment plusieurs ministères. On ne se penche même pas sur les agissements des Forces canadiennes; on se limite à la seule police militaire. C'est le point de vue que nous avons défendu.
    Pour ce qui est des échéanciers, je voudrais également souligner que les avocats du groupe de la sécurité nationale au sein du ministère de la Justice ont mis énormément de temps pour examiner et censurer ces documents. Lors des procédures devant la Cour fédérale, les ordonnances judiciaires se sont succédé pour les inciter à produire ces documents. Les avocats faisaient valoir à chaque fois qu'il faut beaucoup de temps pour ce faire, et la cour finissait toujours par leur accorder un délai. Mais je peux vous dire qu'ils ont mis vraiment beaucoup de temps — plus d'un an, tout au moins — pour produire seulement une faible proportion des documents demandés.
    Par ailleurs, voilà plus de deux ans que la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire a demandé au ministère des Affaires étrangères, notamment, des documents qui n'ont toujours pas été divulgués. D'après ce que nous avons pu comprendre, ces retards seraient attribuables au temps requis pour caviarder ces documents pour des motifs de sécurité nationale.
    Je dirais qu'il y a tout lieu de se demander si le mandat confié à M. Iacobucci ne va pas s'étendre sur une période extrêmement longue sans que je puisse voir, en toute franchise, ce que cela va nous apporter exactement, si ce n'est une contre-expertise du travail déjà accompli par les avocats du ministère de la Justice.

  (1545)  

    Diriez-vous donc que l'on pourrait mieux utiliser les deniers publics et qu'il faudrait procéder à une enquête publique si on veut vraiment en avoir le coeur net?
    Je vous répète que c'est le point de vue défendu assez fermement par mes clients: on devrait tenir une enquête judiciaire publique en bonne et due forme. Ainsi, si le gouvernement paie déjà un ancien juge ou un juriste chevronné pour revoir ces documents, on devrait également demander à ce mandataire de tirer ses conclusions à partir de ces documents, voire de questionner des témoins.
    Pour ce qui est de l'utilisation des fonds publics, je vous signalerais en outre que ces mêmes documents, dans leur version non censurée, seront fournis à M. Iacobucci, mais que le gouvernement ne veut pas les transmettre à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Voilà maintenant plus de deux ans que cette dernière réclame l'accès à la version non censurée desdits documents. M. Tinsley, l'ancien président, a écrit à quelques occasions à M. MacKay pour que ces documents soient communiqués à la commission.
    Permettez-moi de rappeler aux membres du comité que la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire est une entité gouvernementale. Elle peut compter sur des avocats détenant une cote de sécurité très élevée pour l'examen de ces documents, mais pour des motifs qui nous ont toujours échappés, le gouvernement a toujours refusé de fournir les documents non censurés à cette instance.
    Merci.
    Monsieur Dosanjh.
    Monsieur Dosanjh, il vous reste deux minutes et demie.
    J'ai seulement deux questions. Premièrement, vous avez indiqué que les avocats du gouvernement avaient déjà présenté des motions contestant la compétence de la commission. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, si vous y êtes autorisé?
    Deuxièmement, pourriez-vous comparer les pratiques en usage aux États-Unis et au Royaume-Uni, et ce qui se fait au Canada? Dans les tribunaux britanniques, certains des documents fournis par le gouvernement sont dénués de toute censure et comportent de nombreux détails.
    Pour ce qui est de la motion contestant la compétence de la commission, vous vous souviendrez que le procureur général du Canada a contesté la décision de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire de tenir des audiences publiques sur cette question. On a soutenu devant la Cour fédérale que la commission ne pouvait pas se pencher sur cette question et que les audiences ne devraient pas avoir lieu.
    En septembre 2009, la Cour fédérale a rendu une décision maintenant quelques-unes des objections formulées par le gouvernement, mais concluant tout même que la commission avait la compétence voulue pour enquêter sur ces questions. La Cour a alors précisé clairement que la commission devait cibler les agents de police militaire dans son enquête. Elle a toutefois aussi indiqué que l'on devrait examiner l'information que la police militaire des Forces canadiennes avait en sa possession ou était en mesure d'obtenir. Selon notre interprétation, cela signifiait que la commission pouvait se pencher sur les informations que la police militaire détenait, ou aurait pu détenir si elle avait bien fait son travail d'enquête.
    À cette étape-ci, le gouvernement semble contester la plupart des éléments de preuve que la commission compte invoquer, en soutenant qu'il ne s'agit pas d'information que possédait la police militaire ou qu'elle était en mesure d'obtenir. Nous ne savons pas exactement comment ces liens pourront être établis.
    Nous estimons par exemple que si des diplomates canadiens allaient visiter des prisons et produisaient des rapports indiquant que des détenus se disent victimes de torture, la police militaire des Forces canadiennes pourrait obtenir ces rapports si elle le souhaite vraiment. Mais il semble maintenant que le gouvernement va s'opposer à la présentation de ce genre d'éléments de preuve devant la commission. Nous verrons ce qu'on décidera.

  (1550)  

    Et votre réponse à ma deuxième question?
    Pour répondre à cette deuxième question, je vous dirais qu'il y a une différence notable entre les niveaux de transparence démontrés par le gouvernement des États-Unis et celui du Royaume-Uni, par rapport aux agissements du gouvernement canadien pour ce qui est de la gestion des détenus. Par exemple, tant les Américains que les Britanniques ont divulgué le nombre de détenus capturés. Le Royaume-Uni est même allé plus loin en précisant les dates de capture et de transfert de chaque détenu. Tous ces renseignements sont gardés secrets au Canada. Quant aux noms des détenus... Les États-Unis ont même divulgué les noms des personnes qui ont été capturées et qui sont détenues dans leurs cellules à Bagram.
    Il y a en outre certains documents qui commencent à émaner des procédures judiciaires en cours au Royaume-Uni. On y a entamé des procédures semblables à celles entreprises au Canada relativement au transfert de détenus, et les documents qui en ressortent — j'ai moi-même pu en voir quelques-uns — sont beaucoup moins censurés que ceux que l'on trouve au Canada.
    Merci, monsieur Champ.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous disposez de sept minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'être de retour devant le comité. On a enfin un statut légal. Je suis certain que tous les journalistes et tous mes amis sont contents de voir qu'on a du café et du jus aujourd'hui. Beaucoup de journalistes sont ici. On va finalement pouvoir parler dans un cadre un peu plus légal.
    Je ne sais pas si vous avez suivi la période des questions aujourd'hui. Beaucoup de questions ont été posées sur la construction possible d'une prison en Afghanistan. Selon moi, c'est comme avouer que le Canada savait qu'il y avait de la torture et que des discussions ont été tenues avec les Britanniques et les Hollandais pour que leur propre prison soit créée. Même dans les articles d'aujourd'hui, on dit que M. Amrullah Saleh, qui était le directeur du centre, était vraiment très mécontent.
    À ce sujet, je vous fais part de ce qui suit:

[Traduction]

    M. Saleh a menacé de cesser les inspections et — pour apaiser semble-t-il le chef de la Direction nationale de la sécurité — les trois pays ont convenu de n'effectuer que des visites conjointes précédées de très long préavis, et ce, une fois par mois au maximum.

[Français]

    Le ministre nous a répondu que selon la deuxième entente, il était possible de faire des visites improvisées, n'importe quand, mais ce qu'on lit ici nous indique que ce n'est pas tout à fait le cas.
     C'est donc dire, et je pense que vous l'avez mentionné au début, que la torture se poursuit dans les prisons afghanes. Convenez-vous que mon interprétation est assez proche de la vôtre?

[Traduction]

    Oui, tout à fait.

[Français]

    D'accord.
    Avez-vous lu le 2009 Human Rights Report: Afghanistan du U.S. Department of State?
    Tout y est très clair. On y dit ceci:

[Traduction]

    « la torture était chose courante au sein de la majorité des instances chargées d'appliquer la loi, et tout particulièrement chez les forces policières » en Afghanistan.

[Français]

    Ça ne remonte pas à sept ou huit ans mais à quelques mois, au plus. En effet, ce rapport est daté du 11 mars 2010. Si on tient pour acquis que la torture se poursuit malgré les ententes que le gouvernement a signées avec le gouvernement afghan, on doit se rendre à l'évidence que le gouvernement devrait dès maintenant arrêter les transferts et faire en sorte que les gens capturés par les Forces canadiennes ne soient pas transférés.
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'en se fondant sur le rapport du U.S. Department of State et sur l'ensemble des données dont on dispose, on a suffisamment de preuves pour justifier que les prisonniers cessent d'être transférés dès maintenant?

[Traduction]

    Merci, monsieur Bachand.
    Je n'ai entendu que des bribes des questions posées en Chambre aujourd'hui. J'ai toutefois quelques informations à vous transmettre au sujet des prisons en Afghanistan.
    Dans le cadre des procédures en cours au Royaume-Uni, j'ai appris qu'en 2009, la Direction nationale de la sécurité avait refusé l'accès aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et au Canada pendant une certaine période, tant que ces pays ne donnaient pas suite à leur promesse de construire une nouvelle prison, comme le faisait valoir M. Saleh, chef de la DNS. Dans l'un des documents émanant de ces procédures, j'ai pu voir que le président Karzai semblait appuyer le chef dans sa démarche.
    La situation était peut-être attribuable à l'incident auquel faisait référence M. MacKay en novembre 2009. Je vous rappelle que M. MacKay a parlé de trois occasions où les transferts ont été interrompus en 2009. Il a dit que cela faisait suite dans deux cas à de nouvelles allégations de mauvais traitements et, dans l'autre, à une décision de la Direction nationale de la sécurité qui refusait l'accès, ce qui m'amène à penser que c'est peut-être ce dont il parlait. D'après ce que je peux voir, les transferts se poursuivent, ce qui semble indiquer que le problème a été réglé, mais il est inquiétant de constater que nous n'avions aucune idée de ce qui se passait à l'époque.
    Il y a aussi la question, comme le soulignait le Globe and Mail de ce matin — et j'ai vu d'autres documents le corroborant — des discussions tenues en 2006, relativement à un centre de détention conjoint qui aurait été cogéré par les autorités afghanes et les forces de l'OTAN. J'ai ici un document faisant état de cette proposition en mars 2006 au Royaume-Uni. Voici ce qu'on peut y lire:
Cette solution serait avantageuse, car elle permettrait de conserver un visage afghan. On augmenterait les chances de respecter les obligations internationales tout en investissant dans une infrastructure afghane créant une capacité durable qui demeurerait présente après le départ des forces internationales.
    Et on ajoute plus loin:
Le Canada et les Pays-Bas ne sont pas favorables à cette proposition.
    Nous ne savons pas ce qui explique cette résistance de leur part.
    En procédant au contre-interrogatoire de Mme Colleen Swords, la sous-ministre adjointe du ministère des Affaires étrangères en 2007, j'ai entendu parler de cette proposition. Nous avons appris qu'il y a effectivement eu des pourparlers concernant un établissement en mode de cogestion, mais nous ne savons pas pourquoi le Canada s'y est opposé en fin de compte. C'est une proposition mise de l'avant par mes clients depuis très longtemps pour faire en sorte que le Canada puisse respecter ses obligations internationales.
    Pour ce qui est de votre dernier point au sujet du rapport rendu public par le département d'État américain il y a quelques jours à peine, il faut malheureusement constater que l'on retrouve des commentaires semblables au sujet des risques de torture en Afghanistan dans les rapports américains depuis plusieurs années. Je peux vous dire que j'ai pris connaissance de quelques rapports similaires produits par le ministère canadien des Affaires étrangères. Ils nous ont été communiqués dans le cadre des procédures judiciaires et les constatations qu'on y retrouve sont très semblables depuis plusieurs années. Les Canadiens soulignent en effet que la torture est beaucoup trop fréquente — c'est l'expression utilisée — dans ces établissements. Nous n'avons aucune raison de croire que la situation s'est améliorée dans les prisons afghanes. Nous n'avons aucune preuve en ce sens.
    J'ai également eu connaissance d'un autre rapport produit à l'été 2009 par la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan sur les causes de la torture dans les établissements d'application de la loi. La commission a procédé à une étude scientifique très sérieuse sur la situation des détenus afghans. On a mené des entrevues auprès de 400 individus dont plus de 90 p. 100 ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements ou de torture lorsqu'ils étaient détenus par les autorités afghanes.
    À la lumière de ces éléments d'information et de ce que nous avons pu entendre par ailleurs — à savoir que les diplomates canadiens avaient eu vent de nouvelles allégations de mauvais traitements en 2009, selon le ministre MacKay — et, dans le contexte de cette preuve accablante, compte tenu des critères juridiques applicables au risque de torture, je ne vois pas comment les Forces canadiennes peuvent continuer à transférer des détenus sans enfreindre les règles du droit international.

  (1555)  

    Merci, monsieur Champ.
    Nous allons passer au parti gouvernemental.
    Monsieur Dechert, bienvenue au sein de notre comité. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à vous, monsieur Champ et merci pour votre comparution.
    Vous avez cité la décision de la juge Mactavish. Je crois que dans cette affaire, vous avez fait valoir, au nom d'Amnistie internationale et de la B.C. Civil Liberties Association, que la Charte canadienne des droits et libertés devrait s'appliquer aux non-Canadiens détenus par les Forces canadiennes en Afghanistan. À ce titre, la juge Mactavish a conclu que la Charte des droits et libertés ne s'appliquait pas. Sa décision a été maintenue par la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême du Canada vous a refusé le droit d'interjeter appel. Ne faut-il pas en conclure que la loi canadienne, à savoir la Charte des droits et libertés, ne s'applique pas à ces détenus?
    C'est exact. Dans l'état actuel des choses, ces détenus ne sont pas protégés par notre Charte des droits et libertés.
    D'accord.
    Il y a une chose que j'aimerais savoir. Dans vos représentations devant le tribunal, vous avez soutenu que les articles 7, 10 et 12 de la Charte des droits et libertés s'appliqueraient aux détenus. Mais vous n'avez pas présenté d'arguments semblables au sujet d'autres dispositions de la Charte, y compris l'article 8, « droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives », et l'article 9, « droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires ».
    Je me demandais simplement pour quelle raison vous n'aviez pas présenté d'arguments en ce sens. Il s'agit de droits conférés par nos lois. Et si certains des droits prévus dans la Charte s'appliquent, pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour l'ensemble de la Charte?

  (1600)  

    En fait, toutes les dispositions s'appliqueraient.
    Nous ne voulions pas contester le droit des Forces canadiennes de capturer et de détenir des individus en Afghanistan. Selon la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies approuvant la FIAS, et selon le protocole d'entente définissant les arrangements d'ordre technique entre l'Afghanistan et le Canada, il allait de soi que les Forces canadiennes étaient légalement autorisées à capturer des gens et à les garder en détention. Ce n'était donc pas une question qui nous posait problème.
    Il y avait toutefois lieu de s'interroger sur un possible manquement aux dispositions prévoyant une protection contre « les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives » lorsque des individus sont capturés et fouillés. Nous n'avions aucun élément de preuve à cet effet. Pour ce qui est de la détention arbitraire, lorsqu'un individu est emprisonné pendant plusieurs mois sans qu'aucune accusation ne soit portée, je pense que la situation peut devenir problématique, mais encore là nous n'avions pas de preuves.
    Notre inquiétude quant à l'article 7 nous venait du fait que l'on transférait des détenus sans qu'ils n'aient droit à une audience. Et la Cour suprême du Canada a conclu, relativement aux non-Canadiens qui sont extradés ou déportés, qu'ils avaient droit à la protection de la Charte si on les exposait à la torture. C'est sur ce jugement que nous avons fondé notre argumentation.
    Je me permets de vous interrompre. Lorsque la Charte est appliquée, il n'y a pas de sélection et de privilège. Dans le cas des articles 8 et 9, je pense qu'il faut un motif raisonnable pour obtenir un mandat de perquisition ou un mandat d'arrêt. Ne serait-ce pas la façon raisonnable de procéder en situation de guerre?
    Non. La Charte des droits et libertés ne prescrit pas des modes de fonctionnement particuliers dans les différentes circonstances possibles. On s'adapterait en fonction des circonstances particulières dans le même sens que l'interaction qu'il peut y avoir entre les droits de la personne à l'échelle internationale et les droits humanitaires internationaux. Cette dernière branche du droit doit composer avec les droits applicables en temps de guerre. Et les droits de la personne découlant des Conventions de Genève modifient le droit international en la matière. Ainsi, par exemple, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la mesure dans laquelle un individu bénéficierait de tels droits est influencée par le droit humanitaire international et par les Conventions de Genève. Toute la gamme de ces droits ne s'appliquerait pas nécessairement dans un contexte particulier de conflit armé. Nous n'avons jamais prétendu le contraire.
    Merci pour votre réponse.
    À quel moment avez-vous eu connaissance pour la première fois d'allégations de mauvais traitements à l'égard des détenus afghans?
    Vous parlez des détenus transférés par les Canadiens?
    Oui.
    Les premières allégations remontent au 21 ou au 22 avril 2007 dans un exposé de Graeme Smith paru dans le Globe and Mail.
    Vous n'avez eu vent d'aucune autre allégation avant cette date?
    Nous n'avons eu connaissance d'aucune allégation précise avant cette date.
    N'est-il pas vrai...
    Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en avait pas. Nous avons appris par la suite qu'il y avait effectivement eu des allégations auparavant. Mais nous n'en n'avons pas été informés avant avril 2007.
    Mais nous savons maintenant qu'il y avait des allégations.
    C'est exact.
    Qui remontaient même jusqu'au début de 2005.
    Je ne suis au courant d'aucun cas en 2005, mais il y en a assurément eu en 2006.
    D'accord.
    Le gouvernement du Canada a commencé à négocier un accord de transfert avec les autorités afghanes au début de 2005.
    C'est exact.
    Disons mai ou juin 2005. Et l'entente n'a pourtant été conclue qu'en décembre 2005.
    Tout à fait.
    Bien. Et je présume que vous connaissez cette entente.
    Je la connais très bien, même dans ses versions antérieures.
    D'accord, en incluant les versions précédentes. Cela s'est produit sous le régime du gouvernement qui nous a précédés, comme vous le savez.
    D'après votre point de vue d'expert, cette entente était-elle suffisante pour protéger adéquatement les détenus afghans?
    Absolument pas. Elle comportait de nombreuses lacunes.
    Comment se compare-t-elle aux ententes conclues à peu près à la même époque par les Britanniques et les Pays-Bas?
    La différence la plus marquante se situe au niveau de l'accès aux détenus, du droit d'accès permettant de visiter les détenus une fois qu'ils ont été transférés. C'était la différence principale.
    Effectivement. Alors, cela s'est produit en 2005, et le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui faisaient partie des mêmes forces alliées...
    C'est exact.
    ... offraient cette protection. Le gouvernement du Canada n'a pas fait le nécessaire pour protéger les détenus.
    Tout à fait.
    Vous connaissez également l'entente qui a été mise en place en 2007.
    Je la connais.
    Croyez-vous qu'il s'agissait d'une amélioration par rapport à l'entente de 2005?
    Absolument. C'était une amélioration considérable par rapport à l'accord de 2005.

  (1605)  

    Alors, on peut dire que les militaires canadiens prenaient des mesures pour régler le problème.
    Eh bien, nous ne savons pas suivant quels délais ces mesures ont été prises. Je ne sais pas si vous êtes au fait de la conjoncture exacte, mais j'ai entendu parler pour la première fois de la nouvelle entente alors que je m'apprêtais à défendre en cour une motion d'injonction pour arrêter les transferts. L'entente avait été signée quelques heures auparavant à Kaboul et envoyée par télécopieur à Ottawa. La juge en fonction à l'époque, Mme Kelen, a indiqué que la nouvelle entente avait peut-être été ratifiée en raison de la motion dont le tribunal avait été saisi, mais je n'en suis pas certain. J'ai pu prendre connaissance de bien des documents. Je n'en ai vu aucun retraçant la rédaction de ce second accord.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Je connais bien l'avocat de la commission, un de mes anciens collègues qui est un très bon juriste et possède une longue expérience du secteur militaire. Êtes-vous satisfait du déroulement de ces procédures judiciaires et estimez-vous qu'il y a conflit ou dédoublement entre les travaux de cette commission et ceux de notre comité?
    Je crois qu'on peut dire que c'est le cas dans une certaine mesure. Si mon souvenir est exact, votre comité permanent a amorcé ses audiences parce que les travaux de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire ont été à toutes fins utiles court-circuités en octobre 2009. Le gouvernement a fait valoir différentes objections pour justifier un arrêt des procédures. Il a déposé une motion invalidant les convocations signifiées aux témoins. Il soutenait qu'aucun témoignage public ne devait être entendu. Je ne sais pas si c'est toujours la position du gouvernement. On ne produisait en outre aucun document.
    M. Bob Dechert: Dans la plupart des cas.
    M. Paul Champ: Oui, dans la plupart des cas.
    Je vous demanderais de conclure brièvement.
    Oui, la plupart des éléments sont corrigés, alors j'estime qu'il y a double emploi dans une certaine mesure. La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire doit toutefois toujours s'en tenir à la seule police militaire, alors que votre comité semble vouloir examiner les questions plus générales touchant également d'autres ministères.
    Merci, monsieur Champ.
    Nous passons à M. Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à vous, monsieur Champ.
    Il y a un aspect que je souhaite aborder. Mon collègue vous a demandé tout à l'heure si la Charte des droits s'appliquait et il semblerait que ce ne soit pas le cas dans cette situation. Mais cela ne signifie pas, si je ne m'abuse, que l'on puisse priver les prisonniers transférés par les Forces canadiennes des droits que leur confèrent les lois de la guerre, le droit humanitaire international et ces conventions que vous avez mentionnées. Alors, la Charte des droits et libertés est un document constitutionnel canadien qui, en l'espèce, ne s'applique pas à ces ressortissants étrangers.
    Oui, à ces ressortissants qui se trouvent à l'étranger.
    C'est bien cela. Mais cela ne mine en rien les autres droits dont ils disposent et que le gouvernement canadien est tenu de respecter. Est-ce bien cela?
    C'est exact. Il y a aussi des lois canadiennes qui s'appliquent dans ces circonstances.
    Et des lois canadiennes également. Alors, il y a les lois humanitaires internationales en situation de guerre plus les lois canadiennes.
    Oui.
    Vous nous avez dit que les avocats du ministère de la Justice qui ont travaillé sur ces documents — je ne sais pas combien ils étaient, mais vous avez utilisé le pluriel — ont pris jusqu'à deux ans pour en faire la révision et la censure en utilisant le procédé dont je parlerai tout à l'heure, et vous avez aussi indiqué, sauf erreur, que vous estimiez qu'il faudrait beaucoup de temps à l'ancien juge Iacobucci pour effectuer le même travail avec les mêmes documents. Il s'est engagé à procéder au même exercice en faisant appel à son propre jugement. Seriez-vous étonné si M. Iacobucci arrivait à mener son mandat à terme en moins de deux ans?
    Je ne connais pas son emploi du temps par ailleurs. S'il se consacre uniquement à cette tâche, il est effectivement possible qu'il puisse y parvenir en moins de deux ans, mais je répète que j'ignore ce qu'il a à l'horaire.
    Pour revenir au processus, je voudrais seulement vous faire part du mode de fonctionnement que l'on nous a exposé pour le ministère de la Justice aux fins de ce travail de censure. Je vous dirais au départ qu'il semblerait que certains des documents qui avaient déjà été caviardés, il y a deux ou trois ans peut-être, laissaient voir une grande quantité de renseignements qui étaient masqués dans les versions censurées plus récemment. Autrement dit, la censure est de plus en plus lourde et de plus en plus de renseignements sont gardés secrets. Avez-vous pu constater la même chose?
    Je dois vous avouer, monsieur Harris, que je n'arrive pas à penser à un exemple en ce sens. Cela ne m'étonnerais toutefois pas. Il n'est pas rare à certaines occasions que des informations soient divulguées de différentes sources gouvernementales. Selon le ministère, on ne censurera pas nécessairement les mêmes choses. Je n'ai pas d'exemple qui me vienne à l'esprit dans ce cas particulier, mais je ne serais pas surpris du tout.
    D'accord, l'un de ces documents est celui auquel le général Natynczyk a fait référence en décembre dernier. Il a été censuré il y a quelques années et voilà maintenant que les accusations de mauvais de traitement apparaissent dans les documents que le général Natynczyk...
    Lors de sa conférence de presse, il a rendu publique une version totalement dénuée de censure. Et nous avons constaté qu'il y avait eu caviardage auparavant pour des phrases comme: « Nous devrions prendre une photo de ce détenu avant son transfert pour avoir une preuve s'il est victime de mauvais traitements de la part de la police nationale afghane, comme cela s'est produit dans le passé ». Les passages semblables étaient masqués.
    C'est une situation qui nous inquiète beaucoup, parce que cela permet de croire qu'en avril 2006, les Forces canadiennes savaient que des détenus étaient victimes de mauvais traitements. On était conscient de ce risque au point de vouloir prendre des photos des détenus pour prouver que l'on n'était pas à l'origine des mauvais traitements.

  (1610)  

    Est-ce que je peux simplement parcourir le test que semble utiliser le ministère de la Justice pour caviarder les documents? Les fonctionnaires déterminent si la divulgation des renseignements sera dommageable aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. S'ils concluent à un éventuel préjudice, ils doivent ensuite déterminer si leur divulgation servirait davantage l'intérêt public que leur non-divulgation. Il y a donc un compromis entre l'intérêt public et les conséquences dommageables de la divulgation.
    C'est une question d'opinion, dirons-nous — peut-être d'avis juridique, mais c'est sûrement une question d'opinion, dont l'appréciation varierait d'une personne à l'autre.
    Nous sommes tous deux avocats. Pouvez-vous nous dire si ce test peut donner des résultats constants ou fiables ou est-ce une question d'opinion? Quels résultats donne-t-il lorsqu'il est appliqué par différentes personnes?
    Eh bien, la Cour fédérale a posé des jalons. Le tribunal a parfois penché pour l'intérêt public. Il s'est aussi parfois demandé si la divulgation satisfaisait au test du dommage. Par exemple, je pense au jugement Mosley, dans l'affaire Arar. Après un an et demi ou deux ans, le tribunal a publié un très long jugement dans lequel il a commencé par dire que l'embarras n'était pas un facteur pertinent. Il ne fallait pas caviarder l'information provenant d'organismes étrangers qui se conduisaient peut-être mal, etc.
    Le problème alors consistait cependant à déterminer si, en premier lieu, un dommage était causé. Si la question, par exemple, du nombre de détenus et de la date de leur capture, était soumise à l'examen du tribunal, je ne parviens toujours pas à comprendre où était le risque. Comment prouver le risque quand nos alliés les plus sûrs en Afghanistan font la même chose? J'ignore donc ce qu'il y aurait là.
    Mais une partie de cela, assurément, se prête à l'interprétation, assez subjective d'après moi.
    Eh bien, permettez-moi de vous poser une question, par exemple. Pensez-vous qu'il serait dommageable pour les relations internationales du Canada de divulguer ou de découvrir que le Canada s'acquitte très mal de son devoir de protection des individus contre la torture? Est-ce que ce serait donc un renseignement à caviarder et à ne pas divulguer au public? Est-ce que cela pourrait se produire?
    Je ne connais pas trop les arguments qui ont été présentés, par le passé, mais je pense qu'ils exploitent le même filon que les arguments du gouvernement. Par exemple, si je me reporte de nouveau au rapport final d'enquête sur l'affaire Arar, je pense que le gouvernement essayait d'empêcher la divulgation de renseignements qui s'y trouvaient et qui auraient montré que le Canada ne faisait pas nécessairement son travail, ou que, par exemple, il utilisait des renseignements arrachés sous la torture, dans le cas de M. Abdullah Almalki. Il estimait que si la vérité était connue, les relations internationales du pays en souffriraient. Mais le tribunal l'a débouté, en disant que la question centrale était l'embarras.
    Je pense que ce sont là quelques-unes des justifications qui ont été faites à l'interne. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de procès qui se tiennent en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, relativement aux dispositions sur l'immunité au titre de la sécurité nationale. Nous sommes donc à la merci des avocats du ministère de la Justice et de leur interprétation de ces dispositions.
    Merci, monsieur Champ.
    Revenons à M. Hawn, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai le temps qui m'est accordé avec M. Obhrai.
    Monsieur Champ, je tiens à vous remercier d'être venu et d'avoir exprimé votre opinion et votre interprétation d'employé d'Amnistie Internationale et de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.
    Nous comprenons tous qu'en un endroit comme l'Afghanistan, il y a des aléas. Avez-vous parlé aux responsables actuels de notre installation de détention là-bas, plus particulièrement au colonel Hetherington?
    Non, je ne l'ai pas fait.
    Avez-vous analysé les progrès réalisés au fil des ans, depuis que nous faisons des prisonniers et que nous augmentons la capacité du système afghan?
    Non plus. J'aimerais constater ce progrès, parce que, à la fin de ce type de procès, il nous a été impossible d'obtenir ou de faire divulguer d'autres renseignements. J'aimerais beaucoup connaître les améliorations survenues à cet égard.
    Je vous annonce que ce n'est pas un secret. L'information est disponible, et, de fait, les progrès ont été énormes.
    Ne croyez-vous pas qu'il est dangereux...? Croyez-vous qu'il est convenable d'imposer le contexte dans lequel nous vivons, au Canada, à un endroit comme l'Afghanistan qui, de toute évidence, ne ressemble pas au Canada et n'y ressemblera jamais?

  (1615)  

    Je ne suis pas sûr de vous comprendre, monsieur Hawn. Par exemple, j'ai entendu le général Hillier affirmer que les prisonniers afghans ne peuvent manifestement pas s'attendre aux mêmes normes de traitement et aux mêmes conditions que les prisonniers canadiens dans nos pénitenciers. Cependant, ce n'est pas de cela dont nous parlons. Je ne crois pas que l'on soumette des prisonniers canadiens à des séances d'électrocution, qu'on les batte avec des câbles électriques ou des tuyaux de caoutchouc ou qu'on les suspende dans les airs pendant des journées entières. Voilà nos sujets d'inquiétude.
    Je comprends, mais conviendrez-vous qu'il peut y avoir une probabilité que 90 p. 100 des prisonniers talibans se plaignent de tortures, peu importe les circonstances?
    Je ne sais pas d'où vous tirez cette statistique.
    Vous avez dit que 90 p. 100 de ces prisonniers avaient été torturés.
    Cela est un constat de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan...
    Sur quoi se fonde-t-elle?
    Elle se fonde sur des entrevues conduites directement auprès de détenus.
    Merci.
    L'intérêt personnel des détenus est manifeste.
    Je vous propose de vérifier auprès des Britanniques. Je ne leur ferai pas dire ce qu'ils n'ont pas dit, mais je pense que vous constaterez que leur manière de traiter leurs prisonniers diffère complètement de la nôtre.
    Passons rapidement à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire ou CEPPM. Vous avez dit que le gouvernement avait changé d'avis et qu'il permettait aux témoins de collaborer. N'avez-vous pas su que la commission travaille désormais dans le cadre de son mandat et qu'on a dit aux témoins de collaborer parce que le tribunal l'avait déboutée dans sa tentative de déborder son mandat et que, désormais, la commission s'en tient à son mandat?
    J'ignore les raisons pourquoi ces témoins ont accepté de collaborer et pourquoi, à l'origine, ils refusaient. Pendant les audiences, l'avocat du gouvernement du Canada nous a dit que chacun de ces 28 témoins avait pris individuellement une décision et qu'il avait écouté sa conscience pour affirmer qu'il ne voulait pas collaborer. Ensuite, tout à fait par hasard, ils ont dit qu'ils voulaient désormais collaborer et écouter leur conscience. J'ignore donc quelle était alors la pensée de chacun d'eux.
    Merci, monsieur Hawn.
    Monsieur Obhrai, vous avez une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Je reviens à la question que M. Bachand a posée aujourd'hui à la Chambre des communes, au sujet du ministre et de l'accord de 2007. Plus de 200 visites ont déjà été faites dans la prison afghane, dont une qui a eu lieu il y a 10 jours déjà. Donc, à notre connaissance, il y a des visites constantes. Pourtant, nous vous entendons sans cesse, vous et M. Bachand, ne pas tenir compte de ce que mon collègue M. Laurie a dit au sujet de la construction de capacités, par le gouvernement afghan, à partir de zéro. Des choses encourageantes se produisent. Pourtant, vous continuez d'ignorer tous les autres aspects positifs qui les accompagnent.
    Pourquoi ignorez-vous certains des aspects positifs auxquels le Canada a contribué? Ce que nous disons, c'est que personne n'est d'accord avec la torture.
    Je pense que nous avons assez clairement dit que nous pensions que le Canada devait être loué par avoir augmenté ses ressources. Au début du procès, par exemple, le Canada n'avait presque pas versé d'argent à la Commission indépendante des droits de la personne pour l'Afghanistan. Depuis, sa générosité a augmenté au point où il est son principal bailleur de fonds. C'est louable.
    Avant le procès que nous avons intenté, nous savons qu'il n'y avait presque aucun fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères à Kandahar. Ils étaient deux, je crois. Maintenant, ils sont une douzaine, y compris un agent spécifiquement affecté aux détenus. C'est manifestement louable.
    Des policiers canadiens ont désormais été déployés pour donner de la formation directe sur le terrain. C'est louable. Je ne crois pas que nous n'ayons jamais reconnu ces améliorations ni affirmé qu'elles n'étaient pas notables.
    Merci, monsieur Champ.
    Nous passons à MM. Dosanjh et Wilfert.
    Merci.
    J'aimerais que vous me confirmiez ou m'infirmiez deux choses.
    M. Obhrai vient de mentionner que 210 visites ont été faites dans les prisons. Je crois comprendre que le gouvernement compte les visites d'après le nombre de rencontres de détenus: si, à la faveur de diverses visites on a rencontré 210 détenus, il s'agit de 210 visites. Voyez-vous les choses de la même façon?
    Je n'ai aucun renseignement sur les 210 visites ni aucune idée de ce dont il s'agit. Le seul renseignement direct que je possède porte sur les visites qui ont été conduites jusqu'à la fin de décembre 2007. J'ai lu tous les rapports à ce sujet. Aucune des visites qui ont eu lieu de mai à décembre 2007 n'a de mystère pour moi. Je n'ai aucun détail sur les visites qui sont survenues depuis ni sur la méthode de comptage.
    Ma deuxième question porte sur 2005. Il paraît qu'aucun détenu n'aurait été confié aux autorités afghanes avant 2006.

  (1620)  

    Il y en a eu une poignée, je crois, en 2002. Comme vous vous rappelez, les Forces canadiennes ont été déployées dans la province de Kandahar en décembre 2005. Depuis 2004 et 2005, le Canada avait un petit contingent autour de Kaboul. En 2002, le Canada a participé à des opérations de contre-insurrection et il a détenu des prisonniers. Il y en avait une douzaine, je crois. Il les a confiés aux autorités américaines.
    Absolument, mais il ne les a pas transféré aux autorités afghanes.
    Vous avez raison. Je ne pense pas qu'aucun détenu n'ait été transféré aux autorités afghanes avant avril 2006.
    Vous avez évoqué le risque grave, notable et permanent de torture, et nous confions aux autorités afghanes des détenus afghans qui risquent la torture.
    En votre qualité d'avocat pour Amnistie Internationale, différentes personnes vous ont demandé à différentes reprises de livrer votre opinion très franche. En gros, vous l'avez donnée, mais je tiens à connaître le fond de votre pensée. Voulez-vous dire que nous, les Canadiens, le gouvernement du Canada en particulier — avec toutes les preuves dont nous disposons, publiquement ou autrement — violons les obligations contractées en vertu des Conventions de Genève?
    Les Conventions de Genève, la Convention contre la torture et, aussi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques — nous les violons tous, je dirais.
    D'après vous, le gouvernement du Canada, s'il était traîné en cour aujourd'hui, serait-il susceptible d'être trouvé coupable de violation de ses obligations internationales?
    D'après moi, oui.
    Revenons aux jugements de la Cour fédérale de 2008. Il y en a eu deux. Le premier en février, le second en mars. La juge Anne Mactavish a constaté que la Charte ne s'appliquait pas et c'est pourquoi elle a rejeté notre demande. Cependant, elle a pris soin d'examiner toutes les preuves de torture que nous avons présentées ainsi que les problèmes découlant de l'accord de mai 2007. Elle a signalé que des prisonniers avaient disparu — quand nous nous sommes présentés pour les interroger, ils étaient disparus et, parfois, on nous a refusé d'avoir accès à eux —, puis elle a exposé toutes les allégations d'abus. Elle a qualifié ses conclusions de très troublantes — le fait qu'elle a découvert que la Charte ne s'appliquait pas avait des conséquences très inquiétantes pour...
    Pour nos soldats.
    Eh bien oui, pour nos soldats, absolument. Elle a parlé des détenus, puis elle est passée aux soldats et elle a affirmé qu'elle avait des craintes, parce qu'il semblait que le seul droit canadien qui s'appliquait était le droit criminel canadien, ce qui était nettement inquiétant. Si, donc, on lui avait demandé d'appliquer le droit international, je suis convaincu qu'elle aurait constaté que nous étions en infraction.
    Merci.
    Vous disposez d'encore une minute.
    Monsieur le président, j'ai une question concernant le service de renseignement et la diffusion de l'information qu'il recueille, ce qui, d'après moi, a rapport avec ce dont nous discutons.
    Si le gouvernement fédéral ou les agents canadiens du renseignement qui travaillent sur le terrain ou le service du renseignement militaire c'est-à-dire le Service canadien du renseignement de sécurité ou SCRS obtiennent des renseignements, c'est souvent de la Direction nationale de la sécurité, ou DNS, de l'Afghanistan. Il est logique de supposer qu'une conséquence des interrogatoires effectués par la DNS serait que non seulement on analyserait la nature de l'information reçue de ce service, mais on voudrait savoir comment ces renseignements ont été obtenus? Autrement dit, quels genres d'interrogatoires a-t-on menés — c'est-à-dire est-ce que l'on a utilisé la torture?
    Qu'en pensez-vous?
    Je pense que c'est très grave et que c'est une question importante qui reste sans réponse. Les forces canadiennes reçoivent-elles des renseignements issus des interrogatoires de la DNS et font-elles enquête pour s'assurer que ces renseignements n'ont pas été arrachés sous la torture? C'est une question très grave. Si c'était le cas, le Canada violerait les obligations contractées en vertu de la Convention contre la torture.
    Je reviens à l'une des bonnes questions de M. Dechert sur le changement de circonstances dans un conflit armé ou sur le théâtre d'une guerre. On ne peut pas se soustraire au devoir d'interdire la torture. Quand le droit international sur les droits de la personne et le droit humanitaire international se superposent l'un à l'autre, il y a des cas où le second aurait préséance sur certaines dispositions plus rigides du premier. Ce ne serait pas le cas si la preuve était arrachée sous la torture. Si ce l'était, nous serions très inquiets.
    D'après beaucoup de documents que j'ai consultés, je ne suis pas sûr que les Forces canadiennes poseraient la question. D'après de nombreux rapports que j'ai lus, il semble que, dans de nombreux cas, elles ont adopté l'opinion selon laquelle les droits des détenus en tant que personnes relèvent du ministère des Affaires étrangères et que, en conséquence, elles n'avaient pas à s'en soucier. C'est ce que nous avons constaté, je crois, dans d'autres cas, par exemple avec le SCRS qui, à l'étranger, prétend qu'on n'a pas à s'inquiéter de savoir ni à enquêter pour savoir si on a arraché des renseignements de quelqu'un en le torturant. Or, c'est un motif très grave de préoccupation.

  (1625)  

    Merci, monsieur Champ.
    Revenons à M. Abbott.
    Monsieur Champ, la question que M. Dosanjh vous a posée m'a plutôt troublé. Je la considère comme très irresponsable. Je me demande si vous pouvez nous éclairer un peu. En votre qualité d'avocat responsable devant Amnistie Internationale, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la Convention de Genève ne s'applique pas en Afghanistan parce qu'il ne s'agit pas d'un conflit entre deux États?
    Votre réponse, si je vous ai bien compris, était que vous étiez inquiet du fait que nous pourrions être ou que les soldats pourraient être assujettis aux lois sous le régime de la Convention de Genève. Compte tenu du fait que la convention ne s'applique pas, seriez-vous d'accord? Pourquoi, à cette question irresponsable, donneriez-vous une réponse irresponsable?
    Eh bien, je ne serai pas d'accord avec vous pour dire que les Conventions de Genève ne s'appliquent pas au conflit armé qui a lieu en Afghanistan...
    Quel est l'autre État? Pardonnez-moi, je suis désolé de vous avoir interrompu.
    Est-ce qu'il s'agit ou non d'un conflit international armé? Tout le monde ne s'entend pas là-dessus. Néanmoins, l'article 3 commun, qui est l'obligation ou le devoir de ne soumettre personne à des traitements inhumains ou cruels, s'applique tant aux conflits civils armés internes qu'aux conflits armés internationaux. Ces dispositions s'appliquent donc qu'il s'agisse ou non d'un conflit armé, et je crois que n'importe quel avocat serait d'accord avec moi à cet égard.
    Faites-vous une application sélective des Conventions de Genève, comme vous l'avez fait avec la Constitution canadienne, en appliquant les parties qui vous semblaient valides et en en ignorant d'autres? Faites-vous la même chose avec les Conventions de Genève?
    Non, je ne pense pas. J'estime qu'aucun avocat ne pourrait nier que l'article 3 commun s'applique dans ce cas-ci. Il s'agit d'un article qui paraît dans toutes les Conventions de Genève: la première, la deuxième, la troisième et la quatrième. Il prohibe les traitements inhumains et cruels, et je crois que n'importe quel avocat serait d'accord avec moi pour dire qu'il s'applique à ce conflit.
    Par contre, vous avez tout à fait raison de dire que la troisième Convention de Genève, en ce qui a trait aux prisonniers de guerre, ne s'applique pas à ce conflit armé.
    Alors, vous devriez peut-être jeter un coup d'oeil à la transcription de la réponse que vous avez donnée à la question de M. Dosanjh, parce que ce n'est pas de cette façon que j'avais interprété vos paroles.
    L'article 3 commun fait partie des Conventions de Genève, et je suis d'avis que l'on y a contrevenu.
    Je ne me souviens pas que vous ayez fait référence à l'article 3 commun lorsque vous avez répondu à la question de M. Dosanjh.
    J'aimerais qu'on aborde la question des documents expurgés. Vous souvenez-vous que les membres du Congrès américain avaient laissé couler l'information que la CIA suivait les déplacements d'Oussama Ben Laden par téléphone cellulaire, et que cela avait en fait poussé M. Ben Laden à retourner se cacher dans ses grottes? Vous souvenez-vous de cet incident?
    Je ne suis pas au courant de cette histoire.
    Je crois que cela s'est bel et bien produit.
    Prétendez-vous qu'on devrait donner libre accès à ces documents, sans égard au préjudice probable que cela pourrait entraîner pour nos soldats? Est-ce que c'est ce que vous proposez?
    Non, c'est loin d'être le cas, monsieur Abbott. Nous n'avons jamais réclamé une telle chose. Nous proposons simplement d'adopter un processus qui soit plus fonctionnel. À la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, par exemple, les avocats ont reçu la cote de sécurité très secrète. Nous avons suggéré que ces avocats examinent les documents et qu'ils déterminent ensuite, en collaboration avec les avocats du ministère de la Justice, quelles informations et quels documents expurgés pourraient être présentés, sans que nous soyons mêlés au processus. Nous comprenons et reconnaissons que ces documents posent des risques légitimes en matière de sécurité nationale.
    Votre réponse me fait penser à M. Iacobucci. N'a-t-il pas ce qu'il faut? Pourquoi voudriez-vous ajouter un processus supplémentaire alors que mes comparses se plaignent déjà du temps que cela va prendre? Vous proposez maintenant qu'on en rajoute un peu plus sur les épaules de M. Iacobucci, n'est-ce pas?
    À mon avis, c'est qu'au moins les avocats de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire peuvent faire quelque chose avec ces documents. Je crois qu'il serait utile qu'ils puissent consulter les documents non censurés.
    Selon moi, et j'ai lu le mandat quelques fois, tout ce que M. Iacobucci fait, c'est de donner une seconde opinion à savoir si ces documents expurgés... ou si le privilège relatif à la sécurité nationale a été appliqué de façon adéquate. Ses responsabilités se limitent à faire l'examen en question. Alors, je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Il est maintenant 16 h 30. Je vous remercie, monsieur Champ, d'être venu témoigner devant notre comité aujourd'hui. Je sais que vous aviez déjà témoigné devant nous, mais tous les membres n'étaient pas présents. Merci donc d'avoir accepté de revenir.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes avant de passer aux affaires du comité. Si je ne m'abuse, nous allons étudier une motion déposée par M. Hawn. Nous allons aussi nous réunir à huis clos plus tard pour examiner le rapport du comité de direction. Nous nous arrêtons une minute.

    


    

  (1630)  

    Votre attention, je vous prie. Le temps est venu d'étudier les travaux du comité. Vous avez devant vous une motion pour laquelle M. Hawn a donné un avis de 48 heures.
    Monsieur Hawn, voulez-vous commenter votre motion, je vous prie?
    Oui, monsieur le président, je vais le faire rapidement.
    La motion consiste à ce que le comité commence sans délai à examiner et à étudier les préparatifs et les plans du Canada en vue du retrait des Forces canadiennes en Afghanistan en 2011 ainsi que les efforts et les plans pangouvernementaux en Afghanistan après 2011, compte tenu du fait que la fin de la mission canadienne en Afghanistan, prévue pour 2011, approche à grands pas, que le comité a été créé expressément pour étudier le mandat de cette mission et son évolution constante dans une perspective pangouvernementale, et que la pertinence stratégique et l'importance de ces plans sont telles qu'elles nécessitent clairement une attention immédiate.
    La motion traite de questions qui préoccupent grandement nos alliés membres et non membres de l'OTAN. Et ce sont certainement des choses qui préoccupent beaucoup les Forces canadiennes et les membres, qui sont évidemment conscients de ce qui s'annonce pour 2011. Ils aimeraient avoir un peu plus de précisions au sujet de la mission.
    Franchement, il serait beaucoup plus productif pour ce comité de penser à l'avenir que de ressasser le passé. Nous allons tous convoquer des témoins, et ces témoins, si on se dit les choses honnêtement, vont nous dire ce qu'on attend d'eux. Il n'y a aucune raison de se surprendre du témoignage de M. Champ. Il est l'employé de deux organisations qui luttent contre notre gouvernement, alors il est évident qu'il va tenir ce genre de discours.
    Je souhaite simplement que le comité revienne à son mandat, c'est-à-dire d'étudier la mission et le déroulement de la mission en vue de 2011, ainsi que l'avenir de cette mission. À notre avis, c'est beaucoup plus important que de se lancer dans une chasse aux sorcières politique à saveur partisane.
    Donc, monsieur Hawn, votre motion porte aussi sur le rôle du Canada en matière de développement, l'approche pangouvernementale...
    D'ici à 2011, que se passera-t-il? Comment procéderons-nous au retrait aux troupes? À quoi ressemblera la mission après 2011? Quel rôle le Canada peut-il jouer? De quelles ressources aurons-nous besoin? C'est à toutes ces questions que nous devons répondre dès maintenant.
    Merci, monsieur Hawn.
    M. Wilfert, puis M. Harris.

  (1635)  

    Monsieur le président, tout d'abord, comme vous le savez, le comité a adopté une motion déposée par M. Harris pour que soit poursuivie l'étude sur la détention des prisonniers afghans.
    J'ai indiqué l'autre jour à M. Hawn, monsieur le président, que l'opposition officielle serait plus qu'heureuse d'appuyer cette motion, mais à deux conditions. La première est qu'on enclenche immédiatement une enquête publique, de façon à pouvoir régler la question des détenus et obtenir tous les documents pertinents. La seconde, et je sais qu'il ne s'agit pas d'un amendement favorable, monsieur le président, consiste à retirer les mots « commence sans délai à ». Autrement dit, la motion se lirait comme suit: « Que le comité examine et étudie les préparatifs et les plans du Canada », et ainsi de suite. Nous serons très heureux de le faire, mais comme le comité a déjà adopté une motion pour traiter de la question des détenus, cette dernière a évidemment préséance.
    Nous sommes prêts à examiner la question. J'imagine que tout dépendra du nombre de témoins et quel serait le délai accordé à l'étude de la question des détenus afghans. Nous sommes loin de croire, monsieur le président, que la question des détenus afghans soit une perte de temps. Nous ne croyons pas non plus qu'il s'agisse d'une chasse aux sorcières politique. Nous croyons plutôt que c'est une façon d'arriver à la vérité. Malheureusement, si on veut que cette motion soit adoptée immédiatement, tout ce qu'il y a à faire, c'est de convaincre le gouvernement d'enclencher une enquête publique. À cette condition, nous sommes disposés à le faire. Autrement, nous voulons qu'il soit clair que nous appuyons la proposition de M. Hawn, mais celle-ci doit passer après les discussions que nous avons actuellement au sujet des détenus afghans, comme le comité en avait convenu.
    Merci.
    Merci, monsieur Wilfert
    La parole est à M. Harris.
    Merci, monsieur le président.
    J'appuie la proposition de retirer les mots « commence sans délai à » de la motion.
    Il est évident que nous devrons tôt ou tard examiner la question. Mais vous le savez, le comité a déployé des efforts remarquables pour avoir accès à des versions non expurgées des documents. Nous devons trouver un moyen d'obtenir ces documents sans causer préjudice à la sécurité nationale ni compromettre des renseignements de nature confidentielle dans l'intérêt du public. Et j'estime que c'est possible. Tant que ce point n'a pas été résolu, je crois que nous devons poursuivre l'étude sur l'Afghanistan.
    Nous avons obtenu de nouvelles informations aujourd'hui. Par exemple, nous savons qu'il pourrait falloir jusqu'à deux ans à M. Iacobucci pour faire cet examen. Vous pouvez l'interpréter comme vous le voulez, monsieur Dechert. J'en ai fait ma propre interprétation, et nous allons maintenant laisser les choses suivre leur cours. Je suis d'accord pour dire que nous devons nous pencher sur cette question à un moment ou à un autre, mais pas avant que le comité ait réussi à percer la vérité dans ce dossier. Soit dit en passant, la raison pour laquelle le comité se penche sur la question des détenus afghans — et je crois que M. Champ nous l'a fait comprendre aujourd'hui —, c'est qu'il ne semble pas y avoir d'autre mécanisme efficace pour le faire. Comme M. Champ l'a indiqué, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire n'examine qu'un seul aspect précis de la question. Une enquête nous permettrait d'avoir une vue d'ensemble de la situation. Nous tentons de combler les lacunes d'ici à ce qu'une enquête soit enclenchée, et je crois que nous avons l'obligation de le faire.
    Monsieur Harris, j'ai mal compris la première partie de votre intervention. Êtes-vous prêt à proposer...?
    J'appuie...
    L'amendement n'a pas été proposé.
    Si l'amendement n'a pas été proposé, je vais le faire, et M. Harris pourra l'appuyer.
    Monsieur Wilfert, proposez-vous cet amendement?
    L'amendement que je propose consiste simplement à retirer les mots suivants dans la première ligne de la motion: « commence sans délai à ».
    J'appuie cette motion.
    Nous pouvons maintenant discuter de l'amendement.
    Allez-y, monsieur Hawn.
    Je serai bref, car je sais comment tout cela va finir. Honnêtement, l'amendement de M. Wilfert viendrait carrément dénaturer la motion. Ils ont le droit de proposer les amendements qu'ils veulent. Ils ont aussi le droit d'adopter ce qu'ils veulent. Mais j'insiste pour dire que la motion perdrait tout son sens. Soyons francs, ils n'aiment pas le processus que nous avons mis en place avec le juge Iacobucci. Peu importe le processus que nous mettrons en œuvre, ils ne l'aimeront pas. C'est un fait avéré. Nous nous opposons à l'amendement tout simplement parce qu'il va dénaturer l'ensemble de la motion. Mais ils peuvent procéder à leur guise.
    Merci, monsieur Hawn.
    Nous entendrons M. Bachand, puis M. Dosanjh.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     On a tenu un peu la même discussion dans le cadre du comité restreint l'autre jour. Or un argument auquel je tiens n'a pas encore été repris par mes collègues.
     M. Hawn veut qu'on commence sans délai à étudier les préparatifs et les plans du Canada en vue du retrait des Forces canadiennes. Or je veux souligner qu'on avait une excellente occasion de le faire après les Fêtes, pendant quatre semaines, mais que le gouvernement a décidé de proroger les travaux de la Chambre. On a donc perdu énormément de temps.
    Je veux aussi rappeler que nous, au comité, étions prêts à continuer les travaux avant les Fêtes, mais que la délégation du Parti conservateur s'est livrée à un boycottage. Alors, quand on nous dit vouloir commencer les travaux sans délai, je réponds que le délai a été créé par le Parti conservateur. C'est un argument important dans le cadre de la discussion d'aujourd'hui.
     Nous sommes également d'accord pour retirer l'expression « sans délai ».

  (1640)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Bachand.
    Monsieur Dosanjh.
    Je suis d'accord avec mon collègue qui est intervenu plus tôt de ce côté-ci. J'estime que ce comité a été créé pour traiter de l'ensemble du dossier de l'Afghanistan. Si je peux me permettre de signaler ceci à mon collègue, une partie de la résolution à la Chambre indiquait que le Comité parlementaire spécial sur la mission en Afghanistan devait étudier les lois et les procédures gouvernant les exceptions touchant la sécurité opérationnelle et nationale en ce qui concerne la dissimulation d'information au Parlement, aux tribunaux et à la population canadienne avec ceux qui sont responsables de la mise en application de ces règles et procédures, etc. Une des fonctions premières du comité est d'examiner comment ce gouvernement a géré la communication de renseignements avec les Canadiens à propos de quelque chose qui va au cœur de ce que nous sommes.
    Deuxièmement, monsieur le président, je crois que ce gouvernement a été on ne peut moins clair à propos de ses plans pour 2011. Nous ne savons rien. Nous ne pouvons pas étudier...
    C'est exactement pour cette raison que nous voulons adopter la motion.
    Nous ne pouvons pas cueillir dans le ciel ce que nous allons étudier. Nous devons entendre...
    Je vous demanderais un peu de silence.
    Nous devons entendre ce que le gouvernement a à dire; sinon, c'est purement théorique. Nous pourrions étudier l'option A et recommander des mesures en ce sens, et le gouvernement pourrait tout simplement y aller avec l'option B. Nous voulons savoir ce que le gouvernement a prévu.
    Tâchons de ne pas tomber dans les études théoriques pour mettre de côté une de nos plus importantes tâches, pour laquelle le gouvernement refuse de tenir une enquête publique, refuse de coopérer avec la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, et refuse de divulguer de l'information à ce comité ou au Parlement.
    Merci, monsieur Dosanjh.
    Nous entendrons M. Obhrai, M. Wilfert et Mme Lalonde.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, je vais vous faire part très rapidement d'un autre point de vue. Si on supprime les mots « sans délai », il y a lieu de se demander quand nous allons nous pencher sur la question; après 2011 ou quoi? Comme les députés de l'autre côté jouent sans cesse la carte de la partisanerie politique, nous n'aurons jamais le dernier mot avec eux.
    Quoi qu'il en soit, j'ai dit ce que j'avais à dire, alors pourquoi ne mettez-vous pas la question aux voix? J'aimerais que vous le fassiez maintenant.
    Merci, monsieur Obhrai. La question sera mise aux voix une fois le débat terminé.
    Monsieur Wilfert.
    Mme Lalonde avait levé la main plus tôt.
    Non, dans l'ordre, j'avais M. Wilfert et ensuite Mme Lalonde.
    Très bien. J'aimerais clairement faire comprendre que, monsieur le président...

[Français]

    Il a quelque chose contre les femmes, comme vous voyez.

[Traduction]

    Je suis la liste que j'ai ici.
    Je veux indiquer très clairement que je supprime les mots « commence sans délai à ».
    Nous sommes prêts à faire l'étude à laquelle M. Hawn fait référence, à la condition que nous terminions d'abord l'examen de la question des détenus. Nous n'avons pas encore déterminé, monsieur le président, combien de témoins nous allions entendre et quel serait le délai accordé à cette étude. Si nous pouvions nous entendre là-dessus, je suis persuadé que... Je suis d'accord avec mon collègue M. Dosanjh et les autres pour dire que nous avons perdu du temps à cause de la prorogation.
    Nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec toutes les parties concernées. De laisser entendre de quelque façon que ce soit que la question des détenus est sans valeur ou sans importance... Cette question fait en réalité partie de la résolution adoptée en mars 2008 par la Chambre des communes. Nous sommes en droit de l'étudier, et c'est ce que nous faisons et que nous allons continuer de faire, et nous n'allons passer au prochain point que lorsque cette étude sera terminée.
    Ainsi, notre amendement consiste à enlever « commence sans délai à », amendement appuyé par M. Harris.
    Monsieur Wilfert, permettez-moi de vous demander combien de temps vous croyez qu'il faudra pour terminer cette étude.
    J'imagine que cela dépendra dans quelle mesure tous les membres du comité sont prêts à coopérer, y compris les membres du gouvernement.
    Monsieur le président, il a souvent été possible de travailler efficacement ensemble, avec les membres de tous les partis. Le fait est que si nous avons un intérêt commun à régler cette question, je crois que nous pouvons le faire convenablement et honnêtement. Nous voulons toutefois que ce soit clair: nous ne prétendons d'aucune façon qu'il ne s'agit pas d'une question importante à étudier.

  (1645)  

    D'accord, monsieur Wilfert.
    Vous aurez bientôt la parole, madame Lalonde.
    Nous ne pouvons répéter ce qui s'est dit durant la réunion à huis clos du comité de direction, mais ce que j'entends maintenant est quelque peu différent de ce que j'ai entendu plus tôt dans cette salle.
    Ce n'est pas le cas. C'est votre interprétation.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Je suis favorable à l'amendement, évidemment, mais la question que je voulais poser à M. Champ est la suivante: au-delà de la nécessité de connaître la vérité sur la torture, quel effet toute cette question a-t-elle sur les Afghans, sur l'avenir, sur Karzaï? M. Champ, qui s'occupe de cela depuis un certain temps, a-t-il une idée sur le sujet? Cet aspect est important également. Il ne s'agit pas simplement d'une dispute visant à assurer que la vérité arrivera ici; il faut aussi savoir quel effet ça aura sur la reconstruction de l'Afghanistan. J'aurais aimé qu'on entende sa réponse. Il m'a dit que c'était certainement important, et ça l'est parce que si nous donnons l'image d'hypocrites qui étaient au courant de la torture, mais qui ont quand même continué le transfert de prisonniers, ça nous enlève une certaine crédibilité. Il est donc important de comprendre qu'il ne faudrait plus transférer de prisonniers.

[Traduction]

     Madame Lalonde, merci de vos commentaires. Nous apprécions que vous ayez exprimé votre appui à l'égard de l'amendement.
    Monsieur Abbott.
     D'abord, je tiens à remercier M. Dosanjh de s'être prononcé en faveur de la motion telle qu'elle est rédigée, lorsqu'il a souligné que 2011 approche à grand pas comme on le mentionne dans la motion; en ce moment, ni M. Dosanjh ni le reste du comité ne connaît les plans du gouvernement. Je suis heureux qu'il dise être d'accord pour que nous commencions cela sans délai, afin que nous puissions traiter de questions en lien avec ce qui s'en vient.
    Il ne fait aucun doute que cela pourrait très bien traîner en longueur, surtout s'il y a un manque de bonne volonté, et en ce moment, il semble que ce soit le cas. Cela pourrait bien traîner jusqu'en 2011, probablement environ six mois après que M. Iacobucci aura présenté ses conclusions, dans un document qui pourrait être mis à la disposition du comité.
    J'ai vraiment beaucoup de difficulté à comprendre où les députés de l'opposition veulent en venir lorsqu'ils réclament une enquête publique exhaustive. Je me demande si l'un d'entre eux pourrait nommer une enquête publique qui n'a pas largement dépassé l'échéance prévue.
    Comment pouvons-nous croire que nous pourrions entreprendre une enquête publique sur cette question avant six mois? Qu'il ne serait pas nécessaire de demander une prolongation pour une enquête publique exhaustive? Que nous n'aurions pas à demander de prolongation pour la rédaction du rapport d'enquête?
    Nous parlons ici d'une enquête publique en bonne et due forme. Si une telle demande était acceptée et s'il s'agit vraiment du problème des plus pressant dont parle l'opposition, ce ne serait pas dans l'intérêt de la population canadienne, pour la simple et bonne raison qu'il faudrait au moins deux ou trois ans pour réaliser cette enquête.
    Comparons cela avec l'enquête de M. Iacobucci, à qui l'on a demandé d'examiner les documents et de les mettre si possible à la disposition de notre comité.
    Si le comité souhaite travailler très bientôt avec des documents révisés et faire ce qu'il a à faire, ce serait très intéressant. Mais je me demande si la population canadienne aimerait connaître, comme M. Dosanjh l'a si généreusement affirmé, les perspectives du gouvernement du Canada pour 2010, la façon dont le gouvernement entend agir pour que la population canadienne ait son mot à dire dans le retrait des troupes et la fin du conflit armé en Afghanistan.
    Comme je l'ai dit, je tiens à remercier M. Dosanjh de s'être prononcé clairement contre cet amendement, car il reconnaît l'importance pour ce comité d'être en mesure d'aller de l'avant et de se pencher sur ce que le gouvernement accomplira en 2011.

  (1650)  

    Merci, monsieur Abbott.
    M. Hawn est la dernière personne sur la liste. Nous pourrons ensuite mettre l'amendement aux voix.
    Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à remercier M. Dosanjh de nous avoir involontairement donné son appui.
    Nous pourrions tout aussi bien mettre la question aux voix. Nous sommes profondément en désaccord, et ce n'est pas étonnant. L'amendement videra la motion de sa substance. Toutefois, puisque c'est la direction que nous prenons, je propose que nous votions, tout simplement.
    Très bien, sommes-nous prêts à voter sur l'amendement à la motion?
    Serait-il possible, monsieur le président, que la greffière relise...
    L'amendement serait donc que le comité examine et étudie les préparatifs et les plans du Canada en vue du retrait des Forces canadiennes en Afghanistan en 2011 ainsi que les efforts et les plans pangouvernementaux en Afghanistan après 2011, compte tenu du fait que la fin de la mission canadienne en Afghanistan, prévue pour 2011, approche à grand pas, que le comité a été créé expressément pour étudier le mandat de cette mission et son évolution constante dans une perspective pangouvernementale, et que la pertinence stratégique et l'importance de ces plans sont telles qu'elles nécessitent clairement une attention immédiate.
    J'invoque le Règlement. Ce n'est pas l'amendement.
    Je lis la motion modifiée.
    Par cet amendement, nous supprimons « commence sans délai à ».
    À condition que nous terminions d'abord l'étude sur les détenus.
    Demandez à votre greffière.
    Nous sommes prêts à l'étudier.
    D'accord, je suis désolé; je n'avais pas vu cet amendement.
    Allez-y.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je crois que personne d'entre nous ne veut aller plus loin dans ce débat, sauf qu'il n'y a eu aucun débat sur cet amendement. L'amendement, si j'ai bien compris, visait à supprimer « commence sans délai à ». Je m'excuse, car M. Wilfert est un homme honorable et je suis certain qu'il ne nous dirait pas qu'il a dit quelque chose s'il ne l'avait pas fait. C'est seulement que je ne m'en rappelle pas, je suis désolé.
    En fait, bien honnêtement, monsieur Wilfert, je n'ai jamais compris au départ que vous proposiez un amendement...
    Veuillez m'excuser.
    ... car vous ne l'avez pas fait. Alors, je vais relire l'amendement et l'ouvrir de nouveau à la discussion si vous voulez en débattre, car il ne s'agit pas seulement de supprimer les mots « commence sans délai à », sujet dont nous avons parlé assez longuement.
    Il est proposé par M. Wilfert que la motion soit modifiée par substitution, aux mots « commence sans délai à », des mots « à condition que le comité termine d'abord son étude du transfert des détenus afghans ».
    Excusez-moi, à quel endroit ces mots figureraient-ils?
    « À condition que le comité termine d'abord son étude du transfert des détenus afghans, que le comité examine et étudie... »
    C'est à condition... que le comité examine. D'accord, c'est au début.
    Monsieur Abbott.
    Eh bien, monsieur le président, j'aurais été enclin à voter en faveur de notre motion modifiée par l'élimination de « commence sans délai à » jusqu'à ce que... Nous reconnaissons que la modification vidait la motion de sa substance, mais le sens original était encore un tout petit peu préservé.
    Par son amendement, si nous avons bien compris, M. Wilfert ne fait pas que fermer la porte, mais il utilise un marteau, des clous et des vis pour s'assurer que nous n'ouvrirons pas le sujet à la discussion. C'est inacceptable. Il nous dit essentiellement que tous nos travaux seront axés exclusivement sur la question des détenus.
    M. Wilfert peut-il imaginer une situation où nous avons...

  (1655)  

    Imaginer.
    Excusez-moi.
    Monsieur Wilfert, je me demande si vous pouvez imaginer une situation où au fil du temps, peu importe le temps pendant lequel la question des détenus sera à l'étude, il y aurait une période d'une durée raisonnable au cours de laquelle nous pourrions examiner le contenu de la motion, discuter de quelques points ou de tous les points qu'elle comporte et ensuite revenir à la question des détenus.
    Monsieur, vous avez entraîné ce comité contre son gré dans le débat à savoir si la question de la torture doit être prise en considération. Si je peux me permettre, et peut-être avec les meilleures intentions du monde, par cette motion modifiée, vous avez contribué à ce que le comité manque de la souplesse qu'il lui faut et à ce que le contenu de cette motion s'éloigne de la finalité première du comité sur l'Afghanistan.
    Sauf votre respect, je vous proposerais de laisser tomber la dernière partie de votre amendement, auquel cas les différents membres de ce comité pourront espérer un minimum de coopération. Nous, les députés du parti ministériel, reconnaissons que nous ne sommes pas assez nombreux dans ce comité, d'après la façon dont il est constitué, pour empêcher la saisie de cette motion, mais au moins, nous trouverions un petit terrain d'entente afin d'aller de l'avant avec cela lorsque nous en aurions l'occasion.
    Merci, monsieur Abbott.
    Je redonne la parole à M. Wilfert.
    Monsieur le président, ce que j'avais compris de la proposition du gouvernement, c'est qu'il voulait uniquement commencer immédiatement l'étude de ce rapport particulier — car la motion dit « sans délai ».
    Si en fait le gouvernement laisse entendre autre chose, par exemple que si nous devions aller en Afghanistan, le gouvernement voudrait en discuter dans une séance, je dirais que nous devrions en discuter à huis clos.
    Il semble y avoir deux choses différentes. D'une part, monsieur Abbott, je ne cherche pas à exposer quoi que ce soit; je veux m'assurer que nous allons nous attaquer à la question des détenus. Mais si à un moment donné, le comité devait aller en Afghanistan, ce qui, encore une fois, fait partie du mandat de la Chambre des communes, la motion de mars 2008, et que vous voulez tenir une séance pour discuter de ces questions...
    Ce sera une discussion à huis clos.
    ... les choses seraient différentes. C'est pourquoi je dirais que nous aurions à siéger à huis clos.
    Eh bien, je pense que le problème, si je comprends bien les propos de M. Abbott, et peut-être de M. Hawn, réside dans la condition selon laquelle le comité doit d'abord terminer son étude du transfert des détenus afghans. Cela nous empêcherait de passer à cette étude tant que l'autre ne serait pas terminée. Nous avons déjà adopté la motion selon laquelle nous allons étudier la question des détenus. Si le passage « commence sans délai à » était supprimé, le gouvernement ne chercherait pas à éviter les discussions sur la question des détenus.
    M. Harris, et ensuite M. Dosanjh.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense qu'une certaine souplesse s'impose. Je dois dire, sauf votre respect, que des petits jeux politiques se jouent aujourd'hui. Par exemple, je n'aime pas les cinq derniers mots qui ont été utilisés. Quelqu'un pourrait s'en servir pour jouer à un petit jeu et dire que le comité a convenu que cette question nécessite une attention immédiate, qu'elle a une importance primordiale et qu'il ne faut pas tarder, même si la première phrase est supprimée. Nous comptons sur vous, monsieur le président, pour empêcher ce type de chose de se produire.
    En toute bonne foi, j'accepterais ces mots si personne ne pouvait s'en servir pour tenter de prendre le comité en otage à un moment donné en disant que nous nous sommes déjà mis d'accord là-dessus. Je suis très heureux que ma motion ait été soumise en premier et que le président la considère comme la priorité du comité. Je crois que nous avons l'impression, du moins M. Wilfert, qu'une certaine souplesse s'impose.
    Je ne vois aucun problème à ce que quelqu'un veuille tenir une séance d'information à un moment donné. À moins que quelque chose survienne très rapidement, nous mettrons peut-être beaucoup de temps à terminer l'étude de la question des détenus afghans. Nous en avons peut-être encore pour longtemps à le faire. À mon avis, cela ne veut pas nécessairement dire que nous devrions nous empêcher de tenir une ou deux fois des audiences pour rattraper le retard pris dans d'autres activités du comité. Je ne crois pas que les choses doivent être absolues au point où nous ne pouvons pas en parler à moins d'avoir terminé l'étude sur les détenus en Afghanistan.
    Nous avons dit clairement que c'est une priorité. Si ces derniers mots ne sont pas utilisés pour tenter de prendre le comité en otage, je ne vois aucun problème à ce que nous soyons plus souples. J'espère pouvoir obtenir la promesse des députés du parti ministériel là-dessus.

  (1700)  

    M. Dosanjh, M. Abbott et M. Hawn.
    À mon avis, on ne peut pas régler la question ici. Je comprends maintenant ce qu'il y a dessous ou derrière cela.
    S'il existe des raisons légitimes de le faire, le comité de direction devrait tenir une brève réunion d'ici à mercredi et présenter une motion reformulée. Ainsi, nous n'aurons pas à passer 30 ou 45 minutes à discuter de la motion sans comprendre l'objectif qui la sous-tend.
    Monsieur Abbott.
    Je ne crois pas qu'on puisse en discuter ici.
    Je dois respecter l'ordre prévu, à moins que l'on propose une motion pour que nous poursuivions nos travaux à huis clos. Cela pourrait tout régler.
    Monsieur Abbott.
    Je tiens à ce que ce soit clair. Je ne veux pas que M. Wilfert ait l'impression que je suggérais ce qu'il a dit, soit que nous le ferions en une séance. Je ne suggère aucune condition. Je n'ai pas le pouvoir de prendre de tels engagements, même si je le voulais.
    Quoi qu'il en soit, nous commençons à trouver un terrain d'entente ici. Je suis d'accord avec M. Harris. Si nous avons la possibilité, au cours de l'étude sur la situation des détenus, de se pencher sur ces questions, nous pourrions le faire.
    Nous avons établi une bonne relation de travail. Je ne veux pas donner à M. Wilfert une fausse impression. Je ne suggérais pas toutes les choses qu'il croyait.
    Je comprends.
    Très bien. Nous commençons à travailler ensemble. Gardons notre calme.
    Bravo, monsieur Wilfert et monsieur Abbott.
    Monsieur Hawn, pouvons-nous continuer dans cet esprit?
    Bien sûr, monsieur le président.
    Ce serait probablement une bonne idée que le sous-comité discute à huis clos de tous les changements proposés.
    Très bien. À moins que vous ne proposiez que nous poursuivions la séance à huis clos, nous allons maintenant donner la parole à M. Patry.
    Monsieur Patry.

[Français]

    Monsieur le président, je vais lire ce qui suit en français, étant donné que c'est ma langue maternelle. Dans les deux premières phrases, on dit ceci: « Que le Comité commence sans délai à examiner et à étudier les préparatifs et les plans du Canada en vue du retrait [...] »
    Selon moi, avant d'étudier les plans, il faudrait peut-être demander au ministère de la Défense nationale et au ministère des Affaires étrangères s'ils ont en effet des plans. Il faudrait aussi savoir à quel moment ces plans pourraient être disponibles pour le comité. À ce moment-là, le comité pourrait prendre une décision.

[Traduction]

    Nous ne savons même pas s'il existe des plans actuellement. La motion parle d'examiner et d'étudier les préparatifs et les plans du Canada. J'ignore si l'on a préparé des plans pour le retrait des troupes. Je crois que nous devrions poser la question au ministère.
    Merci, monsieur Patry.
    Avons-nous une motion pour poursuivre la séance à huis clos?
    Il ne nous reste que 10 minutes, monsieur le président. Il nous faut siéger à huis clos pour discuter de l'autre point dont nous avons parlé.
    Nous pouvons laisser siéger le comité de direction.
    Nous devrons tout de même poursuivre la séance à huis clos, car il nous faut adopter le rapport du comité de direction.
    C'est une autre question pour le comité de direction.
    Je propose que nous poursuivions la séance à huis clos.
    M. Wilfert propose que la séance se poursuive à huis clos.
    (La motion est adoptée.)
    [La séance se poursuit à huis clos].
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