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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Bienvenue à cette 38e séance du Comité permanent du commerce international. Nous poursuivons aujourd'hui notre examen des relations commerciales Canada-Amérique du Sud, en nous intéressant tout particulièrement aux échanges Canada-Colombie.
    Nous nous réjouissons d'accueillir comme témoin M. Carlos Rosero, membre de l'équipe nationale de coordination du groupe Proceso de Comunidades Negras. Nous recevons également M. Daniel Mejía, professeur et chercheur à la Faculté d'économie de l'Université des Andes à Bogota.
    Merci à vous deux pour votre présence. Je crois que nous aurons une réunion fort intéressante. Nous poursuivons donc notre examen des relations Canada-Colombie. Les discussions ont surtout porté jusqu'à présent sur la possibilité d'un accord de libre-échange avec la Colombie. Nous allons débuter sans plus tarder. Nous demandons à chacun de nos témoins de faire une déclaration d'ouverture de dix minutes ou moins.
    Comme M. Rosero va présenter son exposé en espagnol, je vous invite à prendre vos écouteurs pour syntoniser le canal 3.
    Monsieur Rosero.
    Bonjour. Merci à vous tous de nous donner l’occasion aujourd’hui de vous décrire la réalité dans nos communautés en Colombie.
    Notre organisation œuvre depuis plus de 15 ans pour la défense des droits des Noirs en Colombie. Nous nous réjouissons donc de présenter le résultat de notre expérience et de parler des relations que nous entretenons avec les Indigènes, avec qui nous partageons des territoires.
    En Colombie, les droits des Noirs sont reconnus depuis 1991 dans la Constitution nationale, dans la Loi 70 de 1993 et dans l’Accord 169 de l’OIT, ratifié par la Colombie au moyen de la Loi 21 de 1991. De façon générale, nos droits portent sur le territoire, l’identité, la participation et le développement, et ils prévoient la consultation préliminaire ainsi que le consentement préalable, libre et éclairé des populations, qui sont visés aux articles 6, 7 et 15 de l’Accord 169 de l’OIT.
    D’après notre expérience, dans le processus qui est en train de se concrétiser avec l’accord de libre-échange entre la Colombie et le Canada, le droit à la consultation préalable de nos communautés qui, comme je viens de le dire, est prévu dans l’Accord 169 de l’OIT, n’est ni pris en compte ni respecté.
    Par ailleurs, en 2001 a pris fin en Colombie le processus de modification du Code des mines, qui a débouché sur l’adoption d’une loi toujours appliquée aujourd’hui. Ces modifications ont été apportées avec le soutien économique et, nous croyons aussi, technique de l’Agence canadienne de développement international. En vertu de cette loi modifiée et en vigueur depuis 2001, dans une région comme celle du nord de Cauca, dans laquelle nous avons travaillé et où sont établies des populations majoritairement noires et indigènes, on a délivré ces derniers temps 30 titres miniers. Tous ces titres ont été accordés sans consultation préliminaire ni consentement préalable, libre et éclairé de nos communautés. Je vous parle des municipalités de Suárez, Morales et Buenos Aires, situées au sud-ouest de Bogota, capitale de la Colombie.

  (1115)  

    Le 22 octobre de cette année, les Aigles noirs – Nouvelle génération ont envoyé un document aux bureaux de la Centrale unitaire des travailleurs du Valle del Cauca dans lequel ils menacent plusieurs organisations et notables de la région du nord de Cauca. Voici comment ils justifient leurs mises en garde : premièrement, ils s’opposent aux politiques proposées par le président de la République; deuxièmement, ils sont contre l’établissement d’entreprises dans ce territoire du nord de Cauca.
    Le 13 novembre, c’est-à-dire deux semaines après les avertissements, on a retrouvé sur une route, dans les municipalités de Morales et de Suárez, un Indigène assassiné et plusieurs membres du conseil municipal de Cerro Tijeras blessés. Ce dernier avait fait l’objet de menaces, comme on l’a expliqué plus tôt. Cet Indigène assassiné vivait dans le secteur de Damián. Et le Cerro Damián est l’un des endroits qui, selon des pionniers locaux, est visé par un titre minier délivré à une société canadienne, la compagnie Cosigo. Cela démontre que les menaces du groupe paramilitaire peuvent être mises à exécution, entraînant non seulement la mort, mais aussi le déplacement des membres de nos communautés.
    En ce qui concerne les déplacements forcés, comme les Indigènes et les Afro-Colombiens font l’objet de droits spéciaux et qu’en outre, ils ont subi le conflit armé interne plus que tout autre groupe, en 2009, la Cour constitutionnelle a donné une série de consignes au gouvernement pour qu’il protège les droits des Afro-Colombiens. Ces ordonnances ont à voir avec les plans de protection des territoires collectifs, les plans intégraux d’aide aux populations déplacées, la création d’une route ethnique pour la protection des biens patrimoniaux et territoriaux des Noirs en Colombie, et aussi avec le plan de caractérisation de la situation de divers territoires appartenant à notre population, indépendamment de leur statut juridique.
    Pour la première fois au pays, l’ordonnance 005 a permis de reconnaître que la mise en œuvre de projets agro-industriels et miniers est l’une des causes des exodes forcés à l’intérieur de la Colombie.
    Jusqu’à présent, le gouvernement colombien n’a respecté ni les recommandations ni les décisions de la Cour constitutionnelle en la matière.
    Enfin, nous savons que jusqu’à présent, dans l’accord de commerce entre la Colombie et le Canada, nos droits ne sont pas suffisamment garantis, notamment parce que le droit à la consultation préliminaire ainsi qu’au consentement préalable, libre et éclairé de nos populations n’a pas été exercé correctement.
    Par conséquent, comme avec le Canada les discussions sont extrêmement fructueuses, dit-on, et qu’elles ont donné lieu à une série de recommandations, dont plusieurs nous semblent novatrices, nous nous permettons de vous demander d’interrompre le processus d’approbation et de mise en œuvre du traité de commerce entre la Colombie et votre pays jusqu’à l’application des recommandations formulées au Canada, notamment en ce qui concerne l’examen et la mise en œuvre des conclusions d’une étude d’impact sur les droits de la personne.
    De plus, nous croyons qu’il faut aussi interrompre le processus jusqu’à ce que le Parlement et le gouvernement canadiens se soient assurés, premièrement, que la Colombie respecte les droits et, deuxièmement, que notre droit à la consultation préliminaire ainsi qu’au consentement préalable, libre et éclairé – et quand je dis « notre », je parle des peuples indigènes des communautés noires – est dûment protégé. Il faut également que des mesures de sauvegarde soient prises pour préserver les droits économiques, sociaux, politiques et culturels de notre population.
    Enfin, je crois que ce comité pourrait inviter d’autres représentants de nos communautés noires, indigènes et rurales, ainsi que des leaders syndicaux, pour qu’ils lui exposent, dans leurs mots, toutes leurs préoccupations et leur réalité, et qu’ils lui expliquent comment la conclusion et la mise en œuvre d’un traité comme celui qui est à l’étude actuellement les affecteraient.
    Merci.

  (1120)  

    Merci beaucoup, monsieur Rosero.
    Nous allons maintenant écouter M. Mejía.
    Je remercie le comité de me donner l'occasion de lui faire part des résultats du projet de recherche auquel j'ai participé au cours de la dernière année.
    Ce projet visait essentiellement à dégager les statistiques importantes de manière à permettre une analyse sérieuse. Je dois préciser que toutes les statistiques auxquelles je fais référence viennent de l'ONG représentant les syndicats. D'une certaine façon, cela met notre travail à l'abri des critiques quant aux sources utilisées pour en arriver aux résultats présentés.
    Comme vous le savez, la violence à l'égard des travailleurs syndiqués se trouve depuis quelques années au coeur du débat.
    Permettez-moi de vous citer une déclaration d'une ONG des États-Unis.
    La plupart des actes violents à l'égard des organisations syndicales s'avèrent une conséquence liée aux simples activités syndicales des victimes.

    

     Bien que le gouvernement colombien affirme que cette violence résulte principalement des conflits armés, la Escuela Nacional Sindical (ENS), une ONG respectée qui offre de la formation et appuie le mouvement ouvrier de la Colombie, indique plutôt que la majorité des actes de violence relatifs à l'antisyndicalisme en Colombie est bel et bien une réplique aux activités syndicales courantes des travailleurs victimes...
    Voilà donc les hypothèses dont nous allons examiner la véracité en utilisant les données fournies par l'ENS, l'ONG représentant les syndicats. J'estime que les éléments d'information disponibles n'ont pas été étudiés jusqu'ici de façon assez systématique pour déterminer si l'on a véritablement progressé dans la lutte contre ce problème.
    Notre projet cherche à répondre à quelques questions bien précises.
    Premièrement, quels sont les indicateurs spécifiques de la violence perpétrée à l'endroit des travailleurs syndiqués?
    La deuxième question vise à évaluer les mesures prises dans une perspective stratégique: A-t-on réalisé des progrès en vue de résoudre le problème?
    Les troisième et quatrième questions seront examinées au moyen d'une analyse empirique. La participation des travailleurs colombiens aux activités syndicales peut-elle expliquer les homicides dont certains sont victimes, ou ceux-ci sont-ils plutôt le résultat du conflit armé qui perdure en Colombie? La dernière question consiste à savoir quels sont les principaux facteurs déterminants liés à la violence contre les membres de syndicats colombiens.
    Le projet de recherche se divise essentiellement en deux parties. Au moyen de quelques graphiques présentant les principales données, on s'efforce dans la première partie de répondre aux deux premières questions, à savoir de cerner l'évolution des indicateurs de la violence à l'endroit des travailleurs syndiqués et la nature de ces indicateurs en se servant dans tous les cas, ou tout au moins dans la plus grande partie du document, des données provenant de l'ONG représentant les syndicats.
    Je vous décrirai brièvement la teneur de l'analyse empirique. C'est une portion un peu plus technique et théorique, mais je vous ferai part des principaux résultats.
    Indépendamment des sources de données utilisées — l'ONG des syndicats, la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), une grande confédération de travailleurs en Colombie, ou encore le gouvernement — le taux de violence à l'égard des travailleurs syndiqués de la Colombie a enregistré une baisse constante au cours des sept ou huit dernières années. Je peux vous présenter tous les chiffres à cet effet.
    Le taux de violence à l'endroit des travailleurs syndiqués a diminué de façon beaucoup plus marquée que celui de la violence à l'endroit de l'ensemble de la population. En fait, la diminution a été plus rapide dans une proportion de 70 p. 100. On note également une baisse plus rapide par rapport à la violence perpétrée contre les groupes que l'on dit vulnérables qui comprennent notamment les enseignants, les membres des ONG et les édiles municipaux, actuels ou anciens.
    La quantité de ressources gouvernementales affectées à la protection des travailleurs syndiqués a augmenté de façon constante, tout comme le nombre de syndiqués bénéficiant de cette protection.
    En mettant à contribution différentes formes de stratégies d'estimation, de délais fixés et de sources de données, nous avons constaté qu'aucune preuve statistique n'appuyait l'assertion selon laquelle la violence à l'encontre des travailleurs syndiqués est causée par leur participation à des activités syndicales. Je vais vous fournir toutes les explications détaillées à ce sujet.
    Avant de vous présenter les faits stylisés au sujet de la violence à l'encontre des syndiqués, laissez-moi vous parler de deux statistiques qui sont, plus souvent qu'autrement, citées par les opposants à l'accord de libre-échange.
    Ils font d'abord toujours valoir qu'il y a eu 1 700 homicides, si je ne m'abuse, de travailleurs syndiqués sous l'administration Uribe.

  (1125)  

    Permettez-moi de vous donner un exemple. Supposons un pays où le taux d'inflation qui était de 30 p. 100 en 2000 atteint 4 p. 100 en 2008. En additionnant les taux d'inflation enregistrés entre 2000 et 2008, vous en arrivez à un taux de 70 p. 100. Vous prétendez que ce pays est aux prises avec un problème d'inflation galopante, parce qu'il a connu un taux d'inflation de 80 p. 100 au fil des huit dernières années. Si vous prenez de tels chiffres au sérieux, vous allez passer totalement à côté de la réalité. Il faut examiner les indicateurs annuels, mensuels ou trimestriels pour être au fait de l'évolution de ces taux au fil des ans. C'est la manière dont je vais procéder pour examiner l'évolution de la violence perpétrée contre les travailleurs syndiqués en Colombie.
    On vous dira également que 70 p. 100 des homicides perpétrés à l'échelle planétaire contre des syndiqués ont lieu en Colombie. Il faudrait se demander quels sont les pays qui font rapport sur le nombre d'homicides semblables. En examinant les données disponibles, on constate qu'il y a la Suède, le Danemark, la Finlande, le Canada, les États-Unis et la Colombie notamment. Mais la Colombie est le seul pays en développement aux prises avec de graves problèmes de violence qui fait régulièrement rapport du nombre d'homicides de travailleurs syndiqués à l'OIT et aux autres organisations responsables.
    J'ai participé le mois dernier à une réunion où des employés de l'OIT ont reconnu avoir appris de travailleurs et d'entrepreneurs vénézuéliens que 152 homicides de travailleurs syndiqués ont été perpétrés au Venezuela en 2008. Si l'on ajoute le Venezuela au groupe de pays signalant le nombre de travailleurs syndiqués victimes d'homicide, la Colombie passe d'une proportion de 70 p. 100 de ces homicides à moins de 12 p. 100. Il suffit d'ajouter le Venezuela à l'échantillon pour que la part de la Colombie chute considérablement. Pour que ces statistiques puissent vraiment être prises au sérieux, il faudrait que tous les pays fassent rapport sur le nombre d'homicides à l'endroit de membres de syndicats.
    J'en arrive maintenant aux faits stylisés. Vous avez tous ces graphiques sous les yeux. La quasi-totalité des données utilisées proviennent de l'ONG représentant les syndicats. Le nombre de travailleurs syndiqués victimes d'homicide a connu un sommet en 1996. Il a chuté rapidement jusqu'en 1999 avant de remonter à nouveau de 1999 à 2001. Nous avons atteint une nouvelle crête de 200 victimes en 2001. Depuis, le nombre d'homicides de travailleurs syndiqués a baissé de façon constante. Pour la dernière année visée, soit 2008, on note 48 homicides, toujours selon les données de l'ENS.
    On peut se demander si ces chiffres sont vraiment importants ou s'ils ne font que traduire une diminution générale de la violence en Colombie. Pour y voir plus clair, nous avons divisé le nombre d'homicides contre des travailleurs syndiqués par le nombre total d'homicides en Colombie. Nous avons constaté que les chiffres ont diminué dans les deux cas, mais que la baisse a été 70 p. 100 plus rapide pour ce qui est des travailleurs syndiqués.
    Le deuxième élément à considérer est le taux d'homicide, une donnée généralement utilisée par les économistes et les criminologues pour évaluer le niveau de violence. Il s'agit en fait du nombre d'homicides par 100 000 habitants. On procède ainsi pour éliminer l'effet d'échelle habituellement associé à ces chiffres. Le diagramme nous montre que le taux d'homicide était de 70 en Colombie pour l'ensemble de la population en 2001, alors qu'il se situait à 36 l'an dernier. Nous avons aussi calculé le taux d'homicide pour les travailleurs syndiqués. Il s'agit donc du nombre de travailleurs syndiqués tués par 100 000 syndicalistes. En 2001, le taux d'homicide contre les travailleurs syndiqués atteignait presque 23; en 2008, il était descendu à 6. Ce dernier résultat correspond au taux d'homicide dans les pays comme l'Uruguay et les États-Unis en 2008. Ainsi, alors que le taux d'homicide en Colombie était de 36 en 2008, il était de 6 pour 100 000 dans le cas des syndicalistes. C'est donc le sixième du taux d'homicide global du pays. On note encore là une diminution beaucoup plus rapide du taux d'homicide contre des travailleurs syndiqués par rapport à celle du taux général d'homicide en Colombie.
    Par ailleurs, et cela m'a surpris, je dois l'avouer, si l'on compare les données fournies par l'ENS, l'ONG représentant les syndicats, aux données produites par le gouvernement, on obtient des progrès plus considérables avec les données syndicales par rapport aux données gouvernementales. Autrement dit, la diminution de la violence à l'encontre des travailleurs syndiqués est plus marquée lorsqu'on utilise les données provenant de l'ENS, plutôt que celles fournies par le bureau du vice-président, qui sert d'observatoire pour les droits de la personne au sein du gouvernement.
    Ce bureau fournit également des données sur le nombre d'homicides dont sont victimes les autres groupes vulnérables qui comprennent les journalistes, les membres des ONG et les édiles municipaux, anciens et actuels.

  (1130)  

    Nous constatons essentiellement que le nombre d'homicides de travailleurs syndiqués a baissé plus rapidement que le nombre d'homicides perpétrés contre ces autres groupes dits vulnérables.
    Le cinquième groupe de données ne nous vient pas de l'ONG représentant les syndicats ni du gouvernement. Elles proviennent directement de la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), la plus importante confédération de travailleurs en Colombie. La CUT signale individuellement les homicides perpétrés contre des membres de syndicats, en les regroupant selon que la victime soit un activiste, un dirigeant syndical ou un travailleur syndiqué. À la figure 5, soit à la page Faits stylisés (V), nous avons intégré les activistes aux dirigeants syndicaux pour montrer l'évolution au fil des ans du nombre d'homicides dont ils sont victimes en Colombie. En 2006 et en 2007, aucun homicide de cette catégorie n'a été rapporté par la CUT, mais ce nombre est malheureusement remonté à 11 en 2008.
    Les derniers graphiques illustrent la quantité de ressources investies par le gouvernement dans la protection des syndicalistes ainsi que le nombre de syndicalistes protégés par le gouvernement en Colombie. On peut voir qu'en pesos colombiens constants de 2009, le gouvernement dépensait en 2000 l'équivalent de 5 $ par syndicaliste dans des mesures de protection, alors que ce chiffre atteignait 100 000 pesos en 2008, soit environ 50 $ par syndiqué. Les sommes dépensées à cette fin ont ainsi été multipliées par 10 entre 2000 et 2008. Le taux d'inflation et tous les autres éléments pertinents sont pris en compte dans ce calcul.
    Le gouvernement consacre donc 10 fois plus de ressources à la protection des syndicalistes par rapport à la situation d'il y a sept ou huit ans.
    Il va de soi que l'on peut s'interroger sur la façon dont ces fonds sont utilisés. Est-ce que l'on protège le même nombre de syndicalistes ou est-ce qu'il devient possible pour le gouvernement d'en protéger davantage? La réponse se trouve dans notre dernier graphique qui indique qu'environ 80 syndicalistes étaient protégés en 1999 et 2000. Comme ce graphique est un peu difficile à interpréter parce qu'il indique le nombre de syndicalistes par 100 000 habitants, je vais vous donner les chiffres absolus.
    En 1999-2000, on comptait entre 50 et 80 syndicalistes protégés; ce chiffre avait grimpé à 2 000 l'an dernier. Il y avait donc 2 000 syndicalistes ou dirigeants syndicaux qui bénéficiaient de mesures de protection du gouvernement, lesquelles prenaient plus souvent qu'autrement la forme de voitures blindées, de gardes du corps et de services de sécurité. Dans le cas d'un dirigeant syndical, on assure aussi la protection de sa famille, notamment.
    Voilà donc pour les faits stylisés illustrant l'évolution au fil des ans des homicides contre les syndicalistes en Colombie. Ils sont fondés sur différents indicateurs, différentes sources de données et différents groupes comparables.
    Je vais parcourir plus brièvement la seconde partie du document qui est davantage empirique, théorique et technique. Je vais tout au moins vous parler de ce que nous faisons.
    Nous avons un ensemble de données obtenues au moyen d'un panel, par État et par année, de 2000 à 2008, sur le nombre d'homicides de syndicalistes, et nous avons aussi des données sur les activités syndicales. Nous pouvons compter sur un large éventail d'indicateurs de l'activité syndicale, que nous répartissons en deux types, et que nous pouvons intégrer pour des vérifications de fiabilité.
    Les activités syndicales de type 1 regroupent les activités officielles des syndicats, à savoir les négociations entre les dirigeants d'entreprises et le syndicat au sujet des conventions collectives et des salaires. Au sein du second type, on retrouve les activités syndicales moins officielles, c'est-à-dire les activités de protestation par les membres des syndicats, ce qui inclut les marches de protestation, les arrêts de travail et les grèves de la faim.
    Dans le but de contrôler les effets d'échelle, nous établissons une mesure de l'intensité de l'activité syndicale, laquelle peut correspondre par exemple au nombre d'arrêts de travail par syndiqué dans chaque État et pour chaque année de 2000 à 2008. Nous pouvons donc utiliser une base de données relativement vaste pour vérifier l'hypothèse — et c'est exactement le but de l'exercice — voulant qu'une activité syndicale plus soutenue engendre une violence accrue à l'endroit des syndicalistes. C'est une méthode statistique permettant de vérifier si l'activisme syndical est dangereux en Colombie.

  (1135)  

    Nous voulons également déterminer les causes de la violence dont sont victimes les syndicalistes. Nous avons évalué le niveau de développement économique, c'est-à-dire le PIB par habitant dans chaque État et pour chaque année. Nous avons établi le niveau général de violence en fonction du taux d'homicide pour l'ensemble de la population. Nous avons évalué la présence de l'État, suivant le nombre d'arrestations policières par habitant, la mesure généralement utilisée dans les recherches scientifiques à cette fin. Nous avons aussi mesuré la présence des guérillas et des groupes paramilitaires en fonction du nombre d'attaques de chacun de ces groupes par habitant.
    Nous voulons essentiellement vérifier l'assertion voulant que l'intensité accrue de l'activité syndicale cause un accroissement de la violence contre les travailleurs syndiqués. Selon les propos d'une ONG des États-Unis, « la plupart des actes violents à l'égard des organisations syndicales s'avèrent une conséquence liée aux simples activités syndicales des victimes... La majorité des actes de violence relatifs à l'antisyndicalisme en Colombie est bel et bien une réplique aux activités syndicales courantes des travailleurs victimes... ». Si cette hypothèse est la bonne, on devrait observer un lien de causalité positif et significatif entre l'activité syndicale et le niveau de violence à l'égard des travailleurs syndiqués.
    Quiconque souhaiterait vérifier notre travail peut avoir accès à l'ensemble des notes techniques, des détails, des données, des programmes et des codes que nous avons utilisés.
    Comme constatation principale, je dirais que nous n'avons trouvé aucune preuve statistique appuyant l'assertion selon laquelle la violence à l'égard des travailleurs syndiqués serait causée par les activités syndicales en Colombie.
    Nous avons toutefois pu constater, et je crois que c'est un élément crucial pour votre étude sur l'accord de libre-échange, que l'on peut effectivement observer un plus grand nombre d'actes de violence contre les syndiqués dans les États dont le niveau de développement économique est moins élevé et qui ont un PIB par habitant plus bas. Il faut aussi malheureusement déplorer une violence accrue contre les syndicalistes dans les États où la violence est plus présente dans la population en général. Autrement dit, les syndicalistes n'échappent pas à la violence qui sévit malheureusement en Colombie. Ils sont aussi des victimes de cette violence.
    Pourquoi ai-je dit que c'était crucial pour l'examen de l'accord de libre-échange? Vous trouverez tous les détails dans le document, mais sachez que nous avons utilisé une vaste gamme de stratégies d'estimation, d'ensembles de données, de sources d'information et de périodes différentes afin d'effectuer toute une batterie de vérifications de fiabilité de manière à nous assurer de la véracité de nos conclusions tout au long du processus. Nous pouvons ainsi vous affirmer que des niveaux de développement économique plus faibles engendrent davantage de violence contre les syndicalistes.
    En quoi un accord de libre-échange pourrait-il contribuer à améliorer les choses? Un tel accord permettrait essentiellement d'accroître le niveau de développement économique en Colombie en stimulant la création d'emplois et en intensifiant les transferts technologiques via les intrants intermédiaires qui pourraient découler de l'intensification des échanges commerciaux.
    À mon avis, ce serait la meilleure façon de diminuer la violence non seulement contre les syndicalistes, mais aussi — et il ne faut pas le perdre de vue dans un débat comme celui-ci — contre tous les Colombiens et pas uniquement les activistes syndicaux ou les policiers. La meilleure façon d'améliorer la sécurité en Colombie, c'est de créer des possibilités pour que les plus démunis puissent avoir accès à un emploi et à l'éducation, de faciliter les transferts technologiques et de promouvoir la croissance économique en général dans le pays.
    En conclusion, je vous dirais que nous avons examiné dans ce rapport d'étude l'évolution et les facteurs déterminants de la violence à l'égard des travailleurs syndiqués. Je vous rappelle nos deux constatations principales.
    Premièrement, selon tous les indicateurs que nous avons utilisés à partir des données fournies par l'ONG des syndicats, il ressort très clairement que la sécurité des travailleurs syndiqués en Colombie s'est nettement améliorée depuis sept ou huit ans.
    Deuxièmement, cet exercice empirique ne nous a permis de dégager aucune preuve statistique appuyant l'assertion suivant laquelle la majorité des actes de violence contre les syndicalistes sont perpétrés en réplique aux activités syndicales courantes des victimes. À ce sujet, je me dois de préciser que cela n'exclut pas la possibilité de cas de violence ciblée contre les syndicalistes ou les activistes des ONG. Bien qu'il y ait toujours des exceptions et que celles-ci soient régulièrement mises de l'avant, j'estime qu'il est surtout très important de comprendre que, selon les données statistiques les plus récentes, le fait est que la violence à l'encontre des syndicalistes colombiens n'est pas causée par l'intensité accrue de l'activité syndicale.
    Merci beaucoup.

  (1140)  

    Merci, messieurs Mejía et Rosero. Vos excellentes présentations susciteront sans doute de grandes questions.
    Nous entamons notre ronde de questions. Nous essaierons de permettre le plus de questions possible. Nous nous en tiendrons à notre procédure habituelle, c'est-à-dire une première ronde de sept minutes pour les questions et les réponses, suivie d'une seconde ronde si le temps nous le permet. Le temps de parole sera de cinq minutes pour les questions et les réponses lors de la deuxième ronde. Les membres du comité peuvent adresser leurs questions à l'un ou l'autre de nos témoins aujourd'hui, ou encore aux deux.
     Monsieur Silva, vous avez la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président. Je pense que je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, Scott Brison.
    Ma question sera brève. Monsieur Mejía, il est toujours très important que la collecte des données soit transparente et que ces dernières puissent être vérifiées et corroborées par d'autres groupes. Permettez-moi d'abord de vous demander, afin que ce soit clair pour le comité, si la définition du terme « syndicaliste » est demeurée la même depuis que les premières recherches ont été effectuées. J'aimerais aussi que vous nous disiez si l'information qui nous est présentée a été corroborée par d'autres ONG ou d'autres organismes de défense des droits de la personne. Cela permettrait d'établir la crédibilité qui est nécessaire lorsqu'on soumet des renseignements aussi importants.

  (1145)  

    Merci.
    Comme je l'ai indiqué, nous pouvons vous transmettre toutes les données que nous utilisons, mais pour répondre directement à votre question, chaque information que nous citons dans notre étude est tirée des documents de l'ONG des syndicats. Tout est affiché sur son site Web.
    C'est incroyable la quantité d'information que recueille l'Escuela Nacional Sindical. L'organisme suit une démarche très constante pour en faire rapport. S'il doit modifier sa façon de recueillir des données, par exemple, il prend soin d'expliquer très clairement les changements apportés. Je dois dire que le processus de collecte de données de l'Escuela Nacional Sindical est très sérieux. Ses rapports sont toujours conséquents. Donc, toutes nos sources de données sont indiquées en référence dans notre document. Nous avons essentiellement bâti un grand ensemble de données qui ont été recueillies en panel. Non seulement il est possible de consulter les renseignements que nous utilisons, mais on peut aussi citer les sources d'où sont tirées ces informations.
    Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, si j'ai bien compris, vous me demandez si d'autres organismes ont présenté les mêmes données que nous?
    Nous avons entendu les témoignages de représentants d'ONG et de dirigeants syndicaux en ce qui a trait à l'assassinat de travailleurs syndiqués, et c'est une question qui nous préoccupe énormément. J'aimerais savoir précisément si l'information que vous nous avez présentée a aussi été soumise à d'autres organismes syndicaux ou à d'autres ONG, ou encore à des groupes de défense des droits de la personne sur le terrain, et si ces derniers sont du même avis que vous par rapport aux statistiques présentées.
    L'ENS est la source de données officielle de la plupart des ONG et de tous les groupes syndicaux de la Colombie, et c'est la même chose pour nous. Nous aurions pu obtenir nos renseignements du gouvernement exclusivement, mais il y a lieu de se demander si les données sont rapportées correctement par le gouvernement. Donc, pour être en mesure de produire une étude fiable, nous obtenons nos informations des syndicats et nous vérifions la validité des déclarations, en plus d'analyser l'évolution de la situation, entre autres choses.
    Merci beaucoup à nos deux témoins pour leurs présentations.
    La question de la narco-économie est un enjeu important en Colombie. Dans quelle mesure la narco-économie est-elle à l'origine des actes de violence commis contre la population, les travailleurs, les syndicalistes et les Autochtones en Colombie? Est-ce que la guerre de la drogue vient exacerber le problème de la violence en Colombie?
     Merci de me poser la question. Si vous jetez un coup d'oeil à mon site Web, vous constaterez que je consacre entre autres mes recherches à la guerre de la drogue en Colombie. Dans le cadre de cette étude, je dois admettre que j'ai été très critique à l'égard de la position adoptée par le gouvernement face à la guerre de la drogue en Colombie. À mon avis, la guerre de la drogue est la principale responsable de la violence là-bas. Autant les groupes paramilitaires que les groupes de guérilla financent leurs activités grâce aux profits générés par le commerce de la drogue. Avant l'an 2000, avant le début du Plan Colombia, les FARC et les groupes paramilitaires n'avaient pas tellement d'emprise sur le commerce de la drogue. Aujourd'hui, ils sont devenus les principaux producteurs de drogues au pays et ils commencent aussi à être mêlés au trafic de stupéfiants.
    Les efforts visant à régler les problèmes de sécurité ont permis de faire quelques progrès. Malheureusement, la lutte contre le commerce de la drogue n'a eu que de maigres résultats au cours de la dernière année. Si on examine les données de 2000 à 2007, on remarque que la quantité de cocaïne acheminée aux pays consommateurs est sensiblement la même. Par contre, les études montrent clairement une hausse de la violence.
    Monsieur Rosero.
M. Carlos Rosero (Interprétation) :
    J'ajouterais également que les trafiquants de drogues financent une grande partie des activités illégales en Colombie, de même que certaines activités illicites menées à l'extérieur de notre pays. Il faut dire que la lutte aux narcotrafiquants est l'une des causes actuelles des déplacements et des violations graves des droits de la personne parmi les peuples autochtones et les communautés noires dans diverses régions de la Colombie.

  (1150)  

    Merci beaucoup.
    Vous nous avez tous les deux affirmé que la guerre de la drogue et la lutte à la narco-économie ont en fait mené au déplacement de nombreux Colombiens et qu'elles ont engendré des actes de violence contre la population, notamment contre des dirigeants syndicaux et des Autochtones.
    Est-ce que l'essor du commerce légitime, guidé par des ententes de travail et des accords environnementaux très stricts, pourrait avoir l'effet de dissuader les gens de s'associer à cette narco-économie terriblement violente et incroyablement oppressante et qui engendre autant de brutalité à l'égard de la population colombienne?
     Oui, si les programmes en question sont bien conçus. On parle de programmes de développement alternatifs, qui consistent pour le gouvernement, avec de l'aide étrangère, à intervenir dans une région productrice de coca. Si le gouvernement ne s'y prend pas de la bonne manière, il gaspille son argent.
    Si par contre il prend les mesures appropriées, c'est-à-dire d'offrir non seulement une formation technique sur la culture de produits agricoles licites, mais de fournir aussi les moyens de mettre en marché ces cultures légales, par l'entremise d'une institution qui fonctionne bien, ce sera efficace. Mais c'est gaspiller de l'argent que d'offrir uniquement de l'aide technique aux agriculteurs avant de les laisser à eux-mêmes.
     C'est ce que l'accord de libre-change pourrait favoriser à mon avis. Il pourrait faciliter les activités légales et les investissements dans les infrastructures, de façon à ce que ces agriculteurs puissent notamment vendre leurs récoltes sur le marché.
    J'ai un dernier point à faire valoir, monsieur le président.
    Très bien, je vous prie d'être bref.
    Monsieur Rosero, j'ai beaucoup aimé votre témoignage. Au Canada, la gouvernance de la population autochtone, des terres et des traités pose depuis longtemps de très grands défis. Certains chapitres de notre histoire sont loin d'être édifiants, car nous n'avons pas toujours fait ce qu'il fallait pour réparer les injustices. Le Canada est encore le théâtre de nombreuses iniquités entre les communautés minoritaires et le reste de la population. Nos peuples autochtones sont loin d'avoir accès aux mêmes occasions économiques que les autres Canadiens. C'est une bataille que nous devons livrer ici aussi, au Canada.
    Il y a une trentaine d'années, il aurait été difficile d'imaginer que les bandes autochtones et les bandes des premières nations puissent participer activement à la création de possibilités économiques dans le Nord canadien et dans d'autres régions du pays, notamment dans le secteur minier. Nous assistons aujourd'hui à une montée du leadership entrepreneurial chez les Autochtones au Canada.
    Si nous nous engageons davantage auprès de la Colombie sur le plan économique, j'espère que nos deux pays pourront travailler ensemble afin de tirer parti de cette expérience commune, de façon à en faire profiter l'ensemble de nos populations, en créant de réelles possibilités économiques et en réalisant des progrès sociaux tangibles. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble pour y arriver.
    Le Canada a fait des progrès, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et pour cela, il faudra prendre les mesures qui s'imposent et faire les investissements nécessaires. L'histoire nous a appris que la croissance et l'engagement économiques contribuent à améliorer la qualité de vie de la population autochtone au Canada.
    Souhaitez-vous répondre, monsieur Rosero?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    En général, nous sommes d'accord, mais comme vous l'avez souligné clairement, pour ce qui est de la participation des peuples autochtones... ce n'est pas le cas en Colombie.
    Comme les statistiques n'étaient pas assez précises, il m'était difficile de faire une analyse, mais j'ai une citation de notre président. Lorsqu'il a parlé des biocarburants et des agrocarburants et de la nécessité que nos communautés en arrivent à un accord, il a dit notamment: « Enfermez-les. Ne les laissez pas sortir avant qu'ils en soient arrivés à une entente ». Ces mots ne donnent pas à penser qu'il s'agit d'un processus volontaire et participatif. Ce n'est pas ce qui est prévu dans la Convention 169 de l'OIT.
    Si l'on autorise nos peuples à participer ouvertement et directement à ces discussions, ils seront sûrement en mesure de présenter leurs points de vue et de faire respecter leurs droits afin que les accords commerciaux soient avantageux pour nos communautés.

  (1155)  

    Merci.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, madame, bonjour. Les points de vue des syndicalistes peuvent se rejoindre dans le cas des deux dossiers, des deux présentations.
    Monsieur Rosero, vous disiez que 30 sites miniers avaient été octroyés sans consultation. Dans les faits, comment se passent les choses? Des Afro-Colombiens occupent une terre ou un secteur, mais du jour au lendemain, des droits sont accordés? Comment les investisseurs prennent-ils possession des terres?

[Traduction]

M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Un investisseur informe le gouvernement qu'il est intéressé à travailler dans une région précise et demande au gouvernement s'il y a des Afro-Colombiens ou des peuples autochtones qui vivent dans la région. Cela marque le début d'un processus de consultation préalable.
    Selon la loi en vigueur en Colombie, aucune mesure comme l'émission de titres d'exploitation minière ne peut être présentée sans que les communautés soient informées du projet d'investissement. De plus, on doit mettre en place un processus participatif qui permettra aux communautés de connaître l'impact du projet sur l'environnement ainsi que les avantages et les revenus dont elles pourront profiter à long terme.
    Cependant, il se trouve que ces dispositions de la loi ne sont pas vraiment respectées. Ce n'est pas ce que l'on fait en Colombie. Aucun de ces 30 titres — et nous serons heureux de vous fournir cette information — n'a fait l'objet de consultations préalables. Les décisions se prennent à Bogota, et les gens n'en sont jamais informés, ni d'ailleurs les entreprises.
    Il en est ainsi pour Cosigo, une entreprise canadienne. Elle n'a pas de contact avec la collectivité. Les gens ne connaissent pas l'entreprise; par conséquent, leurs droits prévus dans la constitution sont bafoués. Il y a tout un écart entre les dispositions de la Convention 169 et la loi applicable et ce qui est en fait mis en pratique relativement au code minier, modifié en 2001 avec la collaboration du Canada.

  (1200)  

[Français]

    On nous a dit à plusieurs reprises que des populations étaient littéralement déplacées, que des gens étaient menacés et que d'autres étaient même tués, à l'occasion. On a dit que les terres de ces gens étaient saisies par les paramilitaires ou d'autres groupes et qu'elles étaient ensuite transférées, d'une manière ou d'une autre, à des investisseurs.
    Selon vous, est-ce que ce genre de situation existe?

[Traduction]

M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Oui, c'est arrivé dans plusieurs régions de notre pays. À Jiguamiandó, entre autres, dans la partie nord de la côte du Pacifique, des gens ont été déplacés en 1997. Ils sont revenus en 2007, mais leurs terres avaient été occupées par une entreprise d'élevage de bétail. Il y a eu des situations semblables dans d'autres communautés, dans des entreprises de production de bananes ou d'huile de palme des régions côtières du Nord. Le long de la côte Sud, au nord de Calca, par exemple, d'autres communautés ont été touchées. C'est une région minière de grand intérêt pour les communautés. Les gens vivent encore là-bas, ils n'ont pas été déplacés, mais ils sont menacés, comme nous l'avons mentionné le 28 novembre. Le droit des gens d'être consultés avant la mise en oeuvre de projets n'a pas été respecté. Ils sont également menacés par les groupes paramilitaires. Officiellement, ils n'ont pas été déplacés, mais leurs droits territoriaux n'ont pas été respectés en ce qui a trait aux ressources nationales, en l'occurrence les ressources minières, qui sont protégées par les dispositions prévoyant des consultations préalables, notamment en vertu de la loi 70 de 1993.

[Français]

    À un certain moment, vous avez parlé de faire pression pour que les recommandations du Canada soit respectées. J'imagine que vous faisiez allusion au rapport réalisé, déposé et adopté par le comité. Dans ce rapport, on recommandait de profiter de l'occasion pour exercer une certaine pression et faire en sorte qu'un groupe formé de représentants de divers milieux soit nommé pour analyser les améliorations, le cas échéant, en matière de droits de la personne. L'idée est de surveiller les améliorations et de s'assurer qu'elles sont constantes avant de signer le traité. J'imagine que c'est à cette recommandation que vous avez fait allusion lors de votre présentation.
    Dans le cadre du rapport, les trois partis de l'opposition ont évidemment travaillé ensemble afin de faire accepter cette recommandation. D'ailleurs, j'en remercie encore une fois les membres du Parti libéral. Il faut avant tout s'assurer que les choses progressent dans la bonne direction jusqu'à la fin.
    Monsieur Mejía, vous avez parlé de l'activité économique et du lien qu'elle avait avec l'augmentation ou la diminution de la violence. Vous avez aussi parlé du taux d'homicide qui touche les syndiqués. Par contre, il y a un élément dont je n'ai pas entendu parler. Peut-être est-ce dans le document, mais on ne l'a pas reçu suffisamment tôt pour que j'en prenne connaissance.
     D'après ce que je sais, le taux de syndicalisation a diminué au cours de la même période, ce qui a automatiquement eu un effet à la baisse sur vos résultats. Les gens ne veulent plus faire affaire avec le syndicat. Ils ne veulent plus être syndiqués ou leader syndical parce que les risques encourus sont trop élevés. Vous nous dites qu'il n'y a pas réellement de danger puisque c'est en fonction de l'activité syndicale. Alors pourquoi le gouvernement dépense-t-il de plus en plus d'argent pour protéger les syndicalistes, si ces derniers ne sont pas plus en danger que la population en général?

[Traduction]

    C'est une bonne question. Selon moi, c'est parce que les syndicats sont des groupes très organisés qui peuvent réclamer davantage de protection du gouvernement. Les autres groupes ne peuvent pas demander tous ensemble au gouvernement plus de protection, à mon avis. Les syndicats sont plus organisés et ils ont un pouvoir plus centralisé que les Autochtones ou les autres groupes. Ils peuvent insister davantage auprès du gouvernement à ce chapitre.
    En ce qui a trait au taux de syndicalisation, nous le prenons en considération. Nous tentons de trouver une explication à la très faible diminution — environ 1 p. 100 par année au cours des sept dernières années — des taux de syndicalisation. Ils n'ont pas chuté brutalement; ils ont diminué d'environ 1 p. 100 par année, mais c'est tout de même inquiétant, je l'avoue.
    Jusqu'à maintenant, nous n'avons aucune preuve qui permet d'affirmer que la violence est le facteur qui contribue à faire baisser le taux de syndicalisation en Colombie. Nous n'en parlons pas encore dans le document parce que nous commençons tout juste la rédaction de la deuxième partie du projet.

  (1205)  

    Merci.
    Monsieur Julian.
    Je remercie nos deux témoins d'être ici.
    J'espère que nous aurons un deuxième tour, afin que je puisse vous poser des questions au sujet de votre projet de recherche, monsieur Mejía. Je dois souligner qu'il a déjà été largement discrédité. L'ENS a notamment déclaré qu'il s'appuyait dans une certaine mesure sur des procédés diffamatoires et une thèse erronée. En réponse au document, cette organisation a également indiqué:
    Les actes violents commis à l'endroit des syndicalistes, en plus de persister, se sont aggravés et ont pris différentes formes durant cette période de sept ans; on parle maintenant de menaces, de détentions arbitraires, de harcèlement, d'agressions, de kidnappings et de raids illégaux des forces de sécurité. Ils sont également plus fréquents que dans la période comprise entre 1986 et la fin des années 1990. Ces statistiques confirment que même s'il y a eu certaines fluctuations et quelques indicateurs, il n'y a eu aucun changement structurel en matière de violence antisyndicale.
    Je tenais à le souligner. J'espère que nous ferons un deuxième tour afin que je puisse vous questionner plus étroitement sur ce que révèlent les données.
    J'aimerais maintenant m'adresser à vous, monsieur Rosero... 
    J'espère que vous allez permettre à M. Mejía de répondre à cette accusation.
    Non, monsieur le président. C'est mon temps de parole, et j'aimerais...
    Si vous ne tenez pas à être courtois... Ce n'est pas nécessaire d'être impoli. Je serais surpris si vous étiez...
    Monsieur Rosero, pourriez-vous nous dire combien d'Afro-Colombiens ont été déplacés? Vous avez mentionné que l'administration Uribe ne s'est pas conformée à certaines ordonnances des tribunaux.
    Je veux également parler du dernier rapport de la Commission colombienne des juristes, qui révèle que la torture demeure généralisée et systématique en Colombie. Le principal responsable de la torture, c'est l'État. Isabelle Heyer, de la Commission des juristes, a indiqué que « la violence sexuelle contre les femmes et les jeunes filles constitue l'une des formes de torture les plus répandues », et qu'il s'agit d'une « pratique courante, systématique et invisible qui reste impunie dans la majorité des cas et dont les principaux auteurs sont des soldats et des policiers ».
    Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été déplacées, et nous parler plus en détail du fait que les ordonnances des tribunaux ne sont pas respectées en ce qui concerne les Afro-Colombiens? Y a-t-il des Afro-Colombiens qui ont été torturés par les militaires et les policiers, c'est-à-dire la branche militaire du gouvernement Uribe?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Je ne dispose pas de toutes les données, mais j'ai celles du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ces données indiquent que les peuples autochtones représentent 2 p. 100 de la population, mais 12 p. 100 de toutes les personnes déplacées en Colombie, et que les Afro-Colombiens représentent 8 p. 100 de la population, mais 20 p. 100 des personnes déplacées à l'intérieur de la Colombie, ce qui démontre que la situation est assez disproportionnée. C'est une petite population, mais bien des gens ont été déplacés.
    De plus, il est possible, et le gouvernement l'a répété à maintes reprises, que le nombre total de personnes déplacées en Colombie ait diminué. Toutefois, les conditions ne se sont pas améliorées, et les stratégies de résistance adoptées par les communautés dans différentes régions du pays ont changé. Le nombre de personnes déplacées a diminué, mais il y a de plus en plus de communautés dans l'ensemble du pays qui sont confrontées aux mêmes facteurs de risque, et le fait est qu'elles ne peuvent aller ailleurs, qu'elles ne peuvent être déplacées ou bien qu'elles ont choisi de ne pas quitter leurs terres. Si l'on prend cela en considération, oui, bien entendu, le taux de personnes déplacées a diminué; toutefois, les facteurs de risque, autrement dit les risques eux-mêmes, n'ont pas disparu.
    Nous savons qu'il y a d'autres situations, outre les cas de torture par les forces de sécurité publique, par exemple à Río Micay, dans la région de Buenaventura. Là-bas, les forces armées soumettent les agriculteurs colombiens au travail forcé. Par exemple, un hélicoptère atterrit quelque part, et on oblige les jeunes hommes à dégager tout le territoire afin que d'autres hélicoptères puissent atterrir. Autrement dit, les jeunes ne peuvent pas refuser de le faire. Cela engendre, évidemment, des problèmes territoriaux et des risques pour ces jeunes gens. Ils risquent d'être attaqués par les forces armées.

  (1210)  

    Je vous remercie.
    Un rapport récent du CENSA indique que « les violations des droits de la personne sont liées aux efforts de ceux qui tirent les ficelles des groupes paramilitaires meurtriers en vue de créer des conditions d'investissement qui leur seront profitables ». On parle notamment, dans ce rapport, des plantations d'huile de palme et du déplacement forcé des Afro-Colombiens.
    J'aimerais revenir sur la question de la torture et de la communauté afro-colombienne. Approuvez-vous les conclusions de ce rapport, selon lesquelles ces conditions d'investissement entraînent souvent des violations des droits de la personne?
    Je pense que vous avez dit très clairement que cet accord ne devrait pas être conclu. Le considérez-vous comme une récompense pour un gouvernement qui n'a manifestement pas encore agi selon les normes exigées par la communauté internationale?
    Enfin, quel autre témoin pourriez-vous nous suggérer d'entendre si le Parlement décide d'entreprendre une étude sur la Colombie, probablement en 2010?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Je crois que le gouvernement colombien ne déploie pas assez d'efforts pour améliorer la situation des droits de la personne dans l'ensemble de la population colombienne.
    Par exemple, il y a beaucoup de cas, dans les communautés dans lesquelles nous travaillons, où le fait que le gouvernement ne respecte pas son obligation de protéger nos droits, en l'occurrence notre droit à des consultations préalables, incite nos communautés à exiger l'application de ces droits, et les groupes paramilitaires répliquent en menaçant la population.
    Il est très clair que l'on ne peut tout permettre aux entreprises. Ce que nous disons, c'est qu'il existe des règles du jeu et que les entreprises doivent les respecter. C'est le gouvernement qui doit prendre la décision finale; ce ne sont pas les communautés, qui elles, respectent les règles et nos droits.
    Ce qui est très important pour nous, c'est que vous recommandiez, à l'issue de ce débat, que l'on entreprenne une étude sur l'impact de l'accord de libre-échange sur nos droits de la personne. Cela ne s'est pas fait dans les autres accords de libre-échange, et je crois que cela pourrait changer bien des choses. Il faut tenir compte des conséquences possibles sur les droits de la personne et des mesures de compensation et d'atténuation liées à ces conséquences.
    Il ne s'agit pas seulement d'une suggestion; c'est également une responsabilité, qui sera très avantageuse pour les droits de notre population, et un message clair à la communauté internationale sur ce à quoi devrait ressembler des investissements responsables. Autrement dit, il pourrait y avoir un suivi sur l'incidence de ces investissements afin de résoudre les problèmes qui pourraient surgir à l'avenir.
    Je crois que vous aurez l'occasion d'entendre d'autres membres de nos communautés et que vous pourrez vous faire une idée plus précise de ce qui se passe actuellement. D'après les témoignages que vous entendrez, j'espère que vous prendrez une décision très judicieuse pour rassurer les gens quant à leurs droits et leur fournir des avantages supplémentaires en toute intégrité.

  (1215)  

    Merci, monsieur Rosero.
    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    J'avais préparé une série de questions pour M. Mejía, mais compte tenu de ce que l'on pourrait qualifier de tentative de salissage de la part de M. Julian, qui a refusé de permettre à M. Mejía de répondre à ses attaques au sujet de l'intégrité de son document, j'aimerais donner deux ou trois minutes à M. Mejía pour réagir. Après quoi, je lui poserai quelques questions.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre.
    Si l'on discrédite cette étude, j'aimerais savoir au juste quels arguments théoriques sont invoqués. Est-ce les outils statistiques dont nous nous servons? Est-ce les données que nous utilisons, qui sont en fait leurs données? Nous citons les sources utilisées pour toutes les données.
    J'aimerais vraiment savoir pour quelle raison vous soutenez que cette étude est inexacte. Je dois dire que je suis surpris. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les syndicats. Vous avez mentionné qu'il n'y avait pas eu de changement structurel, selon eux, sur le plan des homicides de syndicalistes. Pourtant, je constate qu'il y en a un. Nous pouvons en discuter en invoquant des arguments théoriques, examiner les chiffres et le tableau explicite élaboré à partir de leurs données et déterminer s'il y a eu ou non un changement structurel. En tant qu'économiste universitaire indépendant, j'en vois un.
    Encore une fois, dans mon site Web, je suis très critique envers le gouvernement à certains égards, mais ce sont leurs chiffres, pas ceux du gouvernement.
    J'aimerais savoir quelles sont au juste les raisons pour lesquelles on critique le document. Est-ce tout simplement parce qu'on ne l'aime pas, ou bien est-ce en raison des outils, des codes ou des méthodes que nous utilisons? Je suis prêt à en discuter. Mais qu'on l'aime ou non, que puis-je y faire?
    Merci, monsieur Mejía.
    Les tactiques de M. Julian témoignent de l'impolitesse et de l'intolérance qu'il a toujours démontrées à ce comité envers nos témoins, et je vous présente mes excuses, monsieur, au nom du gouvernement du Canada. Je suis sûr que les membres du Parti libéral, l'opposition officielle, sont d'accord avec moi.
    Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que j'ai entendu quelque chose l'autre soir au sujet du président Uribe. N'a-t-il pas fait l'objet de 12 ou 13 tentatives d'assassinat au cours des dernières années?
    Je crois également que depuis la dernière élection, il jouit d'une popularité qui se situe aux environs de 51 p. 100 auprès de la population colombienne. Ce chiffre est-il exact, selon vous?
    Je ne connais pas le nombre exact de tentatives d'assassinat contre le président Uribe, mais je sais qu'il y en a eu plusieurs. Je n'ai pas les chiffres.
    D'accord.
    En ce qui concerne sa popularité, la plupart des sondages réalisés en Colombie — cela ne fait pas partie de ma recherche, et je ne parle pas ici à titre de professeur d'université — indiquent qu'elle se situe entre 60 et 70 p. 100, selon le sondage.
    Je crois aussi comprendre que l'une des priorités de sa campagne électorale était d'instaurer le libre-échange avec d'autres pays. Je crois qu'environ cinq ou six autres pays tentent de conclure des accords de libre-échange avec la Colombie. J'essaie de déterminer s'ils sont plus acceptables pour M. Rosero ou pour les Colombiens et les membres de ce comité qui s'opposent à l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Autrement dit, ont-ils annoncé qu'ils vont accepter et s'engager à respecter toutes les demandes que nous avons reçues dans le cadre de cet accord commercial? Ont-ils convenu qu'ils ne signeront pas d'accord à moins que toutes ces conditions soient respectées?
    Savez-vous si d'autres pays sont prêts à accepter toutes les exigences relatives aux droits de la personne présentées au Canada, et s'ils sont prêts à signer un accord?

  (1220)  

    Pas à ce que je sache. Je sais que l'Union européenne et les États-Unis ont beaucoup de préoccupations, tout comme la Colombie. Nous n'ignorons pas qu'il existe beaucoup de problèmes en Colombie, mais je crois que nous devrions examiner les progrès réalisés avec le temps grâce aux efforts déployés pour résoudre les problèmes. Il ne s'agit pas d'Uribe. Uribe n'en a que pour un an ou pour cinq ans au pouvoir. Il s'agit du pays en général.
    Je crois qu'il serait injuste pour le pays que vous vous opposiez à une énorme réforme économique en Colombie, qui entraînera le développement économique, des transferts technologiques, une augmentation du nombre d'occasions de travail, une réduction des prix des biens de consommation — un grand nombre de choses résultant du libre-échange — seulement en raison du président Colombien.
    Si quelqu'un n'aime pas Uribe, c'est bien, discutons-en. Mais discutons de ce qui résulterait d'un accord de libre-échange. Quels plans faudrait-il mettre en place pour dédommager les personnes qui ont des pertes et des gains en raison de l'accord de libre-échange? Mais à mon avis, il s'agit d'une discussion personnelle sur le président, ce qui est injuste pour 40 millions de Colombiens.
    Merci.
    S'il me reste encore du temps, je vais le partager avec M. Cannan.
    Vous avez quelques minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à mon collègue. Merci à nos deux témoins d'aujourd'hui.
    Certains de nos membres ont eu l'occasion de se rendre à Bogota pour prendre directement connaissance, sur le terrain, de certaines des difficultés auxquelles les Colombiens font face, mais aussi de quelques grandes possibilités qu'ils ont. Nous avons également eu le plaisir de voir le président venir témoigner et entendre les propos de nos membres.
    Je vous remercie de votre exposé. Le fait qu'il n'existe aucune preuve statistique qu'une action syndicale plus intense mène à une augmentation de la violence contre des syndiqués ou des dirigeants syndicaux est très important.
    Nous avons entendu des préoccupations sur les droits de la personne, que nous partageons, et nous constatons que le président Uribe et le gouvernement ont établi des stratégies. Pour ce qui est de mettre un terme à la corruption dans son gouvernement, lorsque nous étions là-bas, plusieurs membres de son propre gouvernement étaient accusés. Je ne sais pas si les condamnations ont été faites, mais un ménage était bel et bien en cours.
    Cette intégrité et cette façon de donner l'exemple existent-t-elles toujours aujourd'hui?
    Oui. En grande partie, le système judiciaire de la Colombie s'occupe maintenant de toute la corruption et de tous les problèmes de liens qu'avaient les sénateurs et le congrès avec des groupes paramilitaires et des groupes de guérilla.
    Si nous devons discuter de corruption, de violence et d'éviction, parlons-en de façon générale. Les groupes de guérilla font aussi déplacer beaucoup de personnes pour la culture de coca. Les paramilitaires ne sont pas les seuls à le faire. Les groupes de guérilla et les paramilitaires le font. Des sénateurs ont été accusés par le système judiciaire d'avoir des liens avec les paramilitaires, mais des sénateurs ont aussi été accusés d'avoir des liens avec des groupes de guérilla.
    Donc, oui, il existe beaucoup de problèmes en Colombie et je crois que le système judiciaire, qui est une entité indépendante dans le pays, s'en occupe.
    J'ai une question supplémentaire. Le comité a entendu divers témoins au cours de la dernière année. L'un d'eux était l'ancien Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, qui ne voyait aucune raison de ne pas appuyer un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

  (1225)  

    Ils examinent les preuves et les progrès qui ont été faits. Je suis entièrement d'accord avec l'ancien Haut Commissaire. Je crois qu'ils examinent les secteurs et qu'ils voient les progrès qui ont été faits, ou que le gouvernement colombien a faits, ou que tous les Colombiens ont faits, en tentant de résoudre les nombreux problèmes que nous avons. Nous tentons de résoudre nos problèmes.
    J'ai une brève question pour vous, monsieur Rosero. Je crois qu'environ 25 ou 30 p. 100 de la population de la Colombie est d'origine africaine.
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Officiellement, d'après les résultats du recensement de 2005, ce ne sont que 10,5 p. 100 de la population ou environ 4,5 millions de personnes. Ce sont les chiffres officiels. Selon nos chiffres non officiels, ce serait près de 20 ou 25 p. 100 de la population colombienne totale, mais ces chiffres ne sont pas officiels.
    Quelles incidences aurait un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie sur cette partie de la population?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Eh bien, les faits nous montrent plusieurs choses. Premièrement, cet accord et d'autres accords ont eu des incidences sur nous au départ du fait qu'il n'y a pas eu de consultations préalables, ni le consentement libre et éclairé requis. Cela n'a pas été respecté, ce qui nous dit que des choses terribles pourraient se produire dans l'avenir.
    Deuxièmement, je crois que la meilleure façon d'être très clair sur les effets de l'accord, c'est de mettre en oeuvre une recommandation pour mener une étude d'impact sur les droits de la personne. C'est une recommandation que vous-mêmes... au cours du processus canadien, cette recommandation a fait l'objet de discussions et plusieurs personnes mêlées au débat l'ont acceptée. C'est la seule façon de savoir si les effets seront positifs ou négatifs. En fait, nous aurions pu le faire au cours des discussions. Nous n'avons pas participé.
    Nous revenons à M. Silva.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux seulement dire que j'essaie de m'occuper de ces questions de façon très sérieuse tout en respectant tous les témoins, peu importe si je suis d'accord ou non avec eux.
    Je sais que nous avons consacré pas mal de temps à cette question parce que certains d'entre nous sont très préoccupés par les droits de la personne en Colombie et par la question de savoir si l'accord aura des effets positifs ou négatifs. C'est ce que nous évaluons ici, au comité. J'ai d'ailleurs demandé, entre autres choses, que le secrétaire général d'Amnistie Internationale, Alex Neve, assiste à la prochaine séance.
    Mais je dois dire aux fins du compte rendu, monsieur le président, que, comme M. Harris l'a mentionné, le comportement de M. Julian m'a horrifié. Peu importe comment on se sent devant un témoin, etc., on ne peut pas attaquer quelqu'un de façon très négative comme il l'a fait et ne pas permettre à cette personne de répondre. À mon sens, c'est non démocratique et je ne suis pas certain de comprendre pourquoi il sourit présentement. Ce n'est pas démocratique et c'est très lâche. Si l'on attaque quelqu'un ou si l'on a des questions sur la crédibilité du rapport, il faut permettre à la personne de parler et de se défendre. Ne pas le faire n'est pas démocratique, c'est lâche et contraire aux valeurs canadiennes.
    Avez-vous d'autres questions, monsieur Silva.
    No.
    D'accord.
    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question concernant votre étude, monsieur Mejía. Le graphique III se rompt en deux autres graphiques, les graphiques A et B. Le graphique 3 montre que le taux d'homicides général et le taux d'homicides contre les syndicalistes montent graduellement, et qu'il y a quelques pics entre 1995 et 2009. Ensuite, le graphique A montre une baisse dans les homicides entre 2001 et 2009. Ensuite, on note une baisse dans le nombre total d'homicides. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi ces deux graphiques montrent une baisse et que celui-ci, même s'il a des pics, montre une hausse graduelle.

  (1230)  

    Excusez-moi, lequel montre une hausse graduelle?
    Le graphique III.
    On critique le fait que, oui, le taux d'homicides de syndicalistes a baissé, mais qu'en général, le taux d'homicides en Colombie a baissé. Quel grand progrès a été réalisé si le nombre total d'homicides est à la baisse? Ce que le graphique III signale, c'est que le taux d'homicides, pas seulement le nombre total mais le taux chez les syndicalistes, a baissé plus rapidement que le taux d'homicides pour toute la population. Voilà le but du graphique III.
    D'accord, c'est la partie je ne comprenais pas.
    Vous avez fait un commentaire un peu plus tôt sur la culture de stupéfiants et le fait que si vous aviez un autre choix, une culture licite, il n'y aurait plus lieu de tenter de retirer les agriculteurs du marché des stupéfiants, de la narco-économie, sans protection, que ce serait une perte d'argent. Voudriez-vous expliquer cela un peu plus en profondeur?
    Oui, il y a un changement dans l'orientation du Plan Colombie. De 2000 à 2006, le Plan Colombie était axé principalement sur les campagnes d'éradication des cultures illicites. En 2007, en 2008 et cette année, les gouvernements colombien et américain ont tout deux réalisé qu'ils doivent ajouter des programmes de développement de rechange.
    Ce que j'ai dit, c'est que si l'on oriente mal les programmes de développement, c'est-à-dire que si on ne fournit que du soutien technique aux agriculteurs, sans leur donner les moyens de mettre ces produits légaux sur le marché, cela ne fonctionne pas. C'est une erreur qui a été commise. Je pense que le gouvernement colombien, bien que j'aie beaucoup critiqué les politiques mises en oeuvre selon le Plan Colombie, s'est montré très disposé à discuter avec moi des manières possibles de rendre les politiques antidrogue plus efficaces.
    J'ai beaucoup plaidé en faveur de programmes de développement de rechange qui aideraient à convaincre les agriculteurs pauvres de passer des cultures illicites aux cultures licites, mais il faut que ce soit fait correctement, et il ne faut pas leur fournir du soutien technique pour ensuite les laisser seuls. Il faut vraiment les soutenir sur le plan institutionnel, leur donner des possibilités dans les domaines de l'éducation et de la santé et il est très important d'amener les cultures licites sur le marché afin qu'ils puissent survivre.
    Ce que je comprends, c'est qu'il y a une situation en Colombie. Il y a environ 20 ans, la nation était dans une situation extrêmement difficile. La situation a quelque peu évolué avec le temps et il semble que les choses se sont vraiment améliorées.
    J'aimerais que les deux témoins me répondent.
    Il semble que cette situation ne se règlera pas du jour au lendemain. Lorsque je regarde la Colombie, je constate qu'il y a eu une amélioration progressive dans certains secteurs et une amélioration remarquable dans d'autres.
    Je suis d'accord avec vos commentaires que les syndicats devraient prendre cela comme une bonne nouvelle et non pas le contraire. Le contenu de votre rapport devrait être une bonne nouvelle pour les syndicats en Colombie. Mais si nous prenons ce que je dis au premier degré, si nous constatons qu'il y a eu de l'amélioration progressive et que la Colombie est dans la bonne voie, quel mal un accord de libre-échange pourrait-il faire? Il s'agit d'un accord de libre-échange qui comprend des accords en matière de main-d'oeuvre et d'environnement ainsi qu'un système d'échanges fondé sur des règles pour la première fois.
    Monsieur Rosero, nous avons déjà des relations commerciales. Ce n'est pas comme si nous commencions demain. Nous avons déjà des relations commerciales avec des compagnies colombiennes et des compagnies canadiennes sont déjà établies en Colombie. De quelle façon l'établissement de règles claires comprises par tout le monde peut nuire à l'économie? En quoi cela peut-il être mauvais pour la Colombie?

  (1235)  

M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Nous n'avons pas mené d'études. Je peux vous parler de mon expérience dans une région spécifique comme le nord du Cauca. Si vous me demandez s'il y a eu de l'amélioration, il n'y en a eu aucune dans la région où nous sommes.
    J'ai commencé à travailler avec eux en 1996 sur le processus de consultations préalables et la nécessité d'un consentement éclairé. Les premières consultations ont été effectuées sans aucun problème. Maintenant, il y a toutes sortes de difficultés.
    Jamais dans le passé, lors de consultations préalables, les leaders n'ont été menacés. Ils ont en fait dit qu'ils doivent être consultés. Ils ont besoin de connaître les conséquences et les bienfaits. Nous n'avons jamais été menacés auparavant lorsque ces questions étaient soulevées.
    Appliquer des droits collectifs dans ces régions est beaucoup plus difficile. Je crois que ce que nous sommes en train de dire, c'est que ce n'est pas que le commerce commencera aujourd'hui ou demain avec l'approbation de cet accord. Mais tant que nos communautés ne joueront pas un rôle dans le processus, nous n'aurons pas la garantie que les répercussions seront gérées de façon appropriée.
    En 2001, lorsque le Code minier a été modifié avec l'appui de l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, on n'a pas prévu les conséquences qui pouvaient en résulter. Le fait que des contrats miniers ont été accordés sans que des consultations aient eu lieu le prouve. Lorsque nous faisons valoir qu'il s'agit d'un droit accordé à nos communautés, les paramilitaires nous font des menaces.
    Concernant les consultations préalables, nous n'avons pas des problèmes seulement avec les paramilitaires ou le gouvernement colombien. Nous devons également faire face aux groupes de guérilla. Dans plusieurs parties du pays, ils ne permettent pas la tenue de consultations préalables. Donc, lorsque nous revendiquons ces droits, nous sommes complètement seuls. Nous faisons face à des dangers de tous les côtés. Nous ne bénéficions d'aucune protection de l'État et les autres parties nous menacent.
    Les compagnies, malgré tous leurs accords sur la responsabilité sociale d'entreprise, ne font rien. Elles profitent de toutes sortes de formalités judiciaires et ainsi, notre droit d'être consultés et de connaître les effets négatifs et positifs ne donne rien.

  (1240)  

    Je comprends cela.
    Merci, monsieur Keddy. Vos cinq minutes sont écoulées. Je suis désolé que vous n'ayez pas reçu la réponse à votre question, mais je n'y peux rien.
    Allez-y, monsieur Guimond.

[Français]

     Bonjour, messieurs.
    Je suis syndicaliste. J'ai été syndicaliste dans le milieu agricole québécois pendant une vingtaine d'années. Quels que soient les résultats de votre étude, monsieur Mejía, je ne pense pas que je serais pour autant en sécurité si j'étais syndicaliste en Colombie. Force m'est d'admettre que les résultats de votre étude me surprennent. Sachez que beaucoup d'autres groupes qui fournissent de l'information aux parlementaires n'obtiennent pas les mêmes résultats. J'ai bien entendu les commentaires de MM. Harris et Silva concernant les propos de M. Julian, mais je vais néanmoins poursuivre en vous posant quelques questions sur votre étude.
    Pour nous, au Québec, le fait de critiquer un chercheur est acceptable. Ça fait partie de notre culture. Par conséquent, j'aimerais que vous me parliez des ONG que vous avez consultées. Qui sont-elles et qui représentent-elles? Sont-elles importantes, en Colombie?

[Traduction]

    Oui, je pense qu'elles le sont. Ce qui importe le plus, à mon avis, c'est que d'autres groupes présentent des renseignements différents. Toutefois, je pense que nous devrions nous mettre d'accord sur la façon dont nous présentons les données. Je ne prétends pas avoir le dernier mot relativement à cette question. Je dis simplement que, si nous essayons de suivre l'évolution d'un phénomène — que ce soit le chômage, l'inflation, la croissance, la violence envers les syndiqués, la violence envers la police, ou quoi que ce soit d'autre — sur une période de temps, nous devrions convenir de la façon dont nous étudions les renseignements et les manipulons.
    Je ne veux pas dire que la vérité repose entre les mains des économistes universitaires, mais c'est ainsi que nous gérons l'information. Nous prenons des données annuelles, mensuelles, trimestrielles ou des chiffres clairement définis, et nous suivons leur évolution sur une période de temps.
    Permettez-moi de mentionner un renseignement auquel ils font toujours allusion, soit le nombre total de syndiqués assassinés pendant l'administration Uribe. Pourquoi se limitent-ils à l'administration Uribe? S'ils souhaitent accroître le nombre, pourquoi n'y ajoutent-ils pas les chiffres qui remontent jusqu'en 1986? S'ils visent à présenter un chiffre énorme, ils devraient additionner tout ce qu'ils peuvent, non? Je pense que nous devrions expliquer très clairement et très sérieusement la façon dont nous traitons les renseignements, en particulier si nous planifions de les utiliser pour bloquer une réforme économique d'une grande importance pour la Colombie.

[Français]

    Pour obtenir les résultats de votre étude, quelles ONG avez-vous rencontrées? Qui représentent-elles? Quel pourcentage des syndicalistes représentent ces ONG qui vous ont fourni les données à partir desquelles vous avez obtenu les résultats de votre étude? Qui sont-elles? Voilà ma question.

[Traduction]

    Me demandez-vous d'où proviennent mes données?

[Français]

     Oui.

[Traduction]

    Elles proviennent du site Web de l'ONG des syndicats. Elles sont tirées de documents officiels. Je les ai toutes téléchargées de leur site Web. Mes sources sont citées dans le document.
    Quels syndicats et quelles ONG ai-je rencontrés? Malheureusement, cela a seulement eu lieu aux États-Unis. Il y a deux semaines, j'ai rencontré le bureau de Human Rights Watch pour l'Amérique latine à Washington et huit autres ONG. Elles étaient très disposées à en discuter, avec chiffres, données et preuves à l'appui.
    Il est très important de prendre au sérieux les éléments de preuve que l'ONG des syndicats a produits. S'ils sont préoccupés par mon étude et qu'ils veulent critiquer les données que j'ai utilisées, eh bien, soit, qu'ils le fassent sur la place publique.

[Français]

    Encore une fois, j'aimerais préciser que pour nous, au Québec, remettre en question une étude comme celle-ci est tout à fait normal.
    Monsieur Mejía, au cours de votre présentation, vous avez parlé à quelques reprises du système judiciaire de la Colombie, et j'aimerais savoir où en est ce système. J'imagine que pour chaque homicide, il y a un meurtrier.

  (1245)  

[Traduction]

    Cela ne fait pas partie de mon étude. Bon nombre d'ONG auxquelles je me suis adressé m'ont demandé quelle était la question qui découlait naturellement de mon étude. Je suis d'accord avec elles; la question qui découle naturellement de mon étude concerne l'impunité.
    Permettez-moi de répondre immédiatement à votre question. Après 2006, le nombre de meurtres de syndiqués sur lesquels le système judiciaire avait effectivement enquêté était presque nul. En 2006 ou en 2007, la Fiscalía General de la Nación, c'est-à-dire le système judiciaire de la Colombie, a créé une unité spéciale chargée de résoudre rapidement les cas de meurtre de syndiqués. Il s'agit donc d'une unité spéciale qui se consacre entièrement à un certain groupe de la société. Je pense que c'est un geste important qui émane d'une entité indépendante du gouvernement et qui vise à régler la question de l'impunité.
    Comme quelqu'un l'a mentionné précédemment, ces problèmes ne seront pas réglés du jour au lendemain. On ne peut pas résoudre 2 000 ou 3 000 meurtres de syndiqués en un mois. Mais si vous examinez la tendance en matière de cas résolus, vous constaterez une énorme augmentation du nombre de cas sur lesquels la Fiscalía de Colombie enquête. Certains d'entre eux ont été résolus. Dans certains cas, ils ont déclaré qu'il s'agissait d'assassinats et dans d'autres, de crimes passionnels. D'autres encore étaient le résultat d'une bagarre dans la rue ou dans un bar. Que les meurtres soient imputables à un combat de rue ou à un assassinat en Colombie, il est très important que nous réglions tout cela, que nous sachions qui a commis ces meurtres et que les coupables soient punis. Cela ne s'applique pas uniquement aux syndiqués, mais à tout le monde. Je pense qu'il est primordial que le système judiciaire fonctionne plus rapidement et plus efficacement.
    Merci.
    Monsieur Holder.
    Je vous remercie beaucoup, et j'aimerais également remercier nos invités aujourd'hui. Je pense que les témoignages que vous apportez sont très réfléchis et utiles dans le cadre de notre discussion.
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, j'estime que M. Guimond a raison. Je ne crois pas que remettre en question les résultats d'une étude puisse jamais être une erreur. Je pense que c'est une saine entreprise et, avec un peu de chance, elle nous mène à la vérité. Je crois que ce qui pose un problème, c'est lorsque nous critiquons agressivement les données et qu'en raison du peu de temps dont nous disposons, la personne n'a pas l'occasion de réfuter ce qui a été dit. Donc, je me réjouis que vous ayez eu la chance de le faire.
    J'ai quelques questions. Toutefois, j'aimerais les adresser à M. Rosero, parce que je trouve ses observations utiles et mûries.
    En faisant cela, je me sens obligé de mentionner quelques faits. Bien que je n'aie jamais visité la Colombie, je crois comprendre que la violence s'est apparemment résorbée, y compris les massacres qui ont reculé de plus de 80 p. 100. Les meurtres liés au syndicalisme ont considérablement diminué, et je prie Dieu que ce soit vrai. Les enlèvements ont également décliné au cours des dernières années et les taux d'homicides ont chuté de façon spectaculaire.
    Ces statistiques me frappent. La pauvreté moyenne a diminué et l'extrême pauvreté a reculé encore — compte tenu encore une fois des résultats de mes recherches. J'estime que la Colombie pourrait servir de modèle à de nombreux pays du monde entier dans le domaine de l'éducation: 94 p. 100 de la population ont bénéficié d'un enseignement de base et 31 p. 100 des Colombiens font des études supérieures. Je pense que ce sont là d'importants facteurs.
    Le taux de chômage en Colombie s'élève à 11,3 p. 100, et certains pays seraient ravis d'afficher un taux comparable. J'aime autant vous dire que nos taux ne sont pas si différents au Canada.
    Par l'entremise de l'ACDI, nous avons apporté à la Colombie une aide déterminante.
    Peut-être, monsieur Rosero, compte tenu du peu de temps dont nous disposons... j'ai quelques questions très brèves à vous poser. Je ne cherche pas à me rendre ridicule, mais pourrais-je vous poser sincèrement la question suivante: croyez-vous que le Canada est l'ami des Colombiens? Je pose la question sincèrement, señor Rosero.
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Je le pense.
    D'accord.
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Dans ce cas en particulier, l'amitié comporte effectivement certaines règles et, en fin de compte, c'est ce que nous demandons. Il y a des règles, des règles démocratiques, et nous croyons qu'en les respectant, l'amitié avec les Colombiens, en particulier les noirs et les indigènes de Colombie, pourrait durer encore plus longtemps.

  (1250)  

    Je suis heureux d'apprendre que vous croyez aux règles, car c'est en partie ce que nous tentons de mettre sur pied: un régime fondé sur des règles qui traite tout le monde équitablement.
    Lorsque nous parlons d'accord de coopération dans le domaine du travail, monsieur Rosero, je suis frappé, encore une fois, de constater que l'intention... Peut-être vais-je emprunter une citation du comité de l'OIT qui, lors de sa 98e séance en juin dernier, a déclaré à propos de l'application des normes qu'il « se réjouissait des mesures efficaces que le gouvernement colombien avait prises pour combattre la violence et l'impunité, pour accélérer le processus d'inscription des syndicats et pour transférer au système judiciaire le pouvoir de déterminer la validité des grèves ». Je suis certain que vous êtes déjà au courant de cela.
    J'ai quelques questions simples à vous poser. D'abord, compte tenu de votre observation à propos de la pertinence des règles, reconnaissez-vous qu'en ce qui concerne les normes du travail, un accord fondé sur des règles vaut mieux qu'un accord de libre-échange qui en est exempt?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Oui, mais j'aimerais parler ouvertement d'autres questions. Bon nombre des débats que nous avons eus étaient axés sur les questions liées au travail ou sur les chiffres, mais ils n'abordaient pas les autres enjeux.
    Je crois comprendre que, dans le cas du Canada en particulier, de puissants intérêts miniers sont en jeu. Je crois que certaines de ces questions pourraient être abordées. Nous, les noirs et les indigènes de Colombie, possédons nos terres. Ce droit est reconnu par la constitution. Dans plusieurs cas, nous bénéficions également de droits préférentiels en ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles de nos territoires.
    Nous aimerions traiter de ces questions ouvertement et franchement au lieu d'en parler en termes généraux dans le cadre d'autres enjeux ou d'autres programmes.
    Merci.
    Je pense vous avoir entendu dire, à propos de cette question, que vous aimeriez participer et discuter davantage. Étant donné votre point de vue, je peux le comprendre.
    Pourriez-vous envisager alors que la signature de cet accord de libre-échange améliorerait l'économie de la Colombie et le niveau de vie des Colombiens? J'aimerais obtenir un bref oui ou non. Dites-nous ce que vous en pensez vraiment, s'il vous plaît.
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    Compte tenu de la façon dont il a été rédigé ou élaboré, sans la participation de nos concitoyens ou de nos collectivités, nous doutons qu'il garantisse nos droits particuliers. C'est pourquoi nous tenons à réitérer qu'un des moyens qui nous permettraient de déterminer si nous bénéficierions de cet accord consisterait à mener une étude de ses répercussions sur les droits de la personne. Elle tiendrait compte des droits politiques, sociaux et culturels de notre peuple et nous permettrait d'acquérir une plus grande certitude.
    Nous sommes certains que l'accord aura des effets bénéfiques sur l'économie, car des études sur les répercussions économiques ont été menées. Aucune étude n'a analysé les répercussions que l'accord aura sur les droits de la personne.
    J'ai lu cet accord de libre-échange. J'avais le devoir de le faire. Je suis certain que vous l'avez fait également.
    Monsieur Rosero, y a-t-il une part quelconque de cet accord de libre-échange dont vous pourriez reconnaître la valeur?
M. Carlos Rosero (Interprétation):
    En règle générale, nous reconnaissons la valeur du commerce. La présence des noirs sur notre continent découle d'un commerce passé.
    J'aimerais insister sur le fait que nous discutons de deux questions différentes. Les arguments que nous avançons concernent la façon dont l'accord a été négocié. En d'autres termes, nous avons été exclus de la table des négociations. Nous n'avons pas été personnellement témoins de la manière dont l'accord a été rédigé. Nous n'avons pas participé au processus.
    Je suis content d'apprendre que vous appuyez le commerce et que vous aimez les règles. Je pense que ce sont de bons présages.
    Merci, monsieur le président.

  (1255)  

    Merci, monsieur Holder.
    Nous passons ensuite au Parti libéral.
    Y a-t-il des questions?
    J'en ai une concernant les accords sur la main-d'oeuvre et l'environnement qui font partie de cet accord commercial.
    Il s'agit là des accords sur la main-d'oeuvre et l'environnement les plus solides que le Canada ait jamais signés avec n'importe quel autre pays. Ce sont les accords sur la main-d'oeuvre et l'environnement les plus solides que deux pays souverains aient jamais négociés dans le cadre d'un accord de libre-échange. Étant donné que nous entretenons déjà des relations commerciales, comment un accord de libre-échange comportant des dispositions aussi robustes en matière de droits des travailleurs pourrait-il faire autrement que renforcer ces secteurs?
    Deuxièmement, je reviens à la question des guerres pour le contrôle de la drogue et de la narcoéconomie. Les seigneurs de la drogue et les gangs de narcotrafiquants ne sont assujettis à aucun code du travail, aucun code de l'environnement et aucun accord. Je ne peux m'empêcher de penser que toute perspective économique légitime qui contribue à supplanter la dépendance à l'égard de l'économie de la drogue que bon nombre de Colombiens ont développée, aidera à renforcer tant les conditions de travail que les conditions environnementales.
    Je vous en serais reconnaissant si vous pouviez tous deux formuler des observations à propos des points que j'ai soulevés.
     Merci.
     Oui. Je ne vois pas comment cela pourrait détériorer les conditions de vie en Colombie.
     En ce qui concerne le commerce de la drogue, une étude a paru la semaine dernière. Les chercheurs canadiens et colombiens qui ont conjugué leurs efforts pour mener cette étude sont parvenus à une très importante conclusion, à savoir que les effets environnementaux de notre campagne aérienne d’éradication du coca tiennent compte des effets environnementaux de sa production. Oui, pulvériser des herbicides sur des cultures de coca entraîne des dommages environnementaux, mais il faut les comparer… C’est ce que les chercheurs canadiens et colombiens ont découvert. On doit comparer les dommages causés par les campagnes aériennes d’éradication des cultures illicites à ceux qui sont occasionnés par la production de coca. Comme il s’agit d’un commerce illégal qui ne fait l’objet d’aucun contrôle, ils utilisent toutes sortes de produits chimiques. Et où déversent-ils ces produits chimiques? Cette activité est-elle légale et contrôlée? Non.
     Donc, si un accord de libre-échange favorise les activités économiques dans les régions rurales, cela aura également une grande incidence sur l’environnement puisque l’accord poussera les gens à abandonner la culture du coca, ce qui aura deux conséquences. Premièrement, moins de produits chimiques seront rejetés dans l’environnement en raison de la production de coca. De plus, pourquoi le gouvernement devrait-il utiliser l’aide américaine pour éradiquer des cultures illicites si elles n’existent plus? Je pense que l’amélioration des conditions environnementales sera un des effets secondaires de l’accord de libre-échange.
M. Carlos Rosero (Interprétation):
     Un des points de ce débat qui nous importe particulièrement, nous les indigènes et les noirs de Colombie, c’est qu’il faut examiner les questions générales en fonction des perceptions particulières, la perception des gens. Donc, en ce qui nous concerne, nous avons non seulement un droit reconnu au développement, mais aussi des aspirations culturelles. Nous jouissons également de droits dans ce domaine.
     Il y a donc là une nuance d’une grande importance pour nous, en particulier lorsque vous évoquez le droit au développement et au commerce sans tenir compte des droits particuliers issus de la culture des collectivités locales. Cela ouvre la porte à toute une autre série d’enjeux qu’on ne peut ni contrôler, ni gérer de quelque façon que ce soit.
     Je suis pas mal certain que, dans le cas de la Colombie, toute entreprise, qu’elle soit américaine ou canadienne, qui s’adresserait franchement et ouvertement aux collectivités noires ou indigènes… S’ils le faisaient, ils pourraient parvenir à une entente en leur expliquant qu’ils ont l’intention d’extraire de l’or, qu’ils ont 500 ans d’expérience dans le domaine, qu’ils vont s’y prendre de telle et telle manière et que les avantages seront les suivants…

  (1300)  

    Je suis désolé, nous n'avons plus de temps. Même si vous souhaitiez répondre à la question, vous n’auriez pas le temps de le faire. Il est 13 heures, et un autre comité a besoin de la salle.
     Je vais maintenant remercier de nouveau nos témoins d’être venus. Je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps de comparaître devant nous. Cela nous a été très utile.
     La séance est levée.
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