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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Cette séance est la cinquième du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Aujourd'hui, nous examinons le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (certificat et défenseur) et une autre loi en conséquence.
    Nous allons, pendant la première heure ce matin, entendre deux témoins venus comparaître devant le comité, M. Craig Forcese et M. Lorne Waldman.
    Nous avons une heure à vous consacrer, messieurs. Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire une déclaration d'ouverture. Je devine que vous savez que la pratique du comité est d'ensuite faire le tour de la table pour des questions et commentaires.
    Madame Priddy, souhaitez-vous intervenir?
    Sauf tout le respect que je dois aux témoins, ce que j'ai à dire ne vise pas les témoins qui sont ici, et que je connais.
    Avant que nous ne commencions, monsieur le président, je tiens à dire ceci, afin que cela figure au procès-verbal. Depuis notre dernière discussion, j'ai reçu un certain nombre de lettres de personnes et de groupes qui sont préoccupés, comme par exemple Amnistie Internationale, Human Rights Watch, etc., du fait de ne pas avoir été...
    Sauf votre respect, cette question s'inscrit sans doute sous la rubrique des travaux futurs du comité. Je ne sais pas si nous devrions y consacrer du temps maintenant.
    Je tenais tout simplement à ce que cela figure au procès-verbal. Je ne demande pas qu'on en discute.
    Pourriez-vous attendre que...
    Si cela est versé à la rubrique des travaux futurs et si nous nous y penchons à huis clos, alors cela ne figurera pas au procès-verbal.
    Vous aurez l'occasion d'en traiter lorsque ce sera votre tour.
    Très bien. Merci. Je mettrai mon temps à profit.
    Merci. À procéder autrement, cela retrancherait du temps aux témoins.
    Je pense donc que nous allons sans plus tarder poursuivre.
    Lequel de vous deux aimerait commencer?
    Je vais commencer. Nous autres avocats avons de la difficulté à respecter les limites temporelles, mais j'ai ma montre ici et je vais m'efforcer de m'en tenir à cinq minutes, et le professeur Forcese vous entretiendra lui aussi pendant cinq minutes.
    Nous aimerions tout d'abord vous remercier de l'invitation. Plusieurs de mes amis m'ont demandé de me faire l'écho des préoccupations de Mme Priddy. Les gens sont nombreux à vouloir intervenir, et nous avons reçu de nombreux courriels demandant que le comité envisage de tenir davantage d'audiences car nous estimons que le projet de loi est extrêmement important et qu'il porte sur de très importants aspects de la règle du droit. Nous exprimons donc ici les opinions de nombreuses autres organisations qui ont demandé l'occasion d'intervenir.
    Je pensais commencer par dire que je me suis occupé d'affaires de certificat de sécurité. J'ignore combien d'autres témoins ayant comparu devant le comité ont eu à s'occuper de telles affaires, alors je souhaitais vous raconter comment cela se passe en vous donnant un exemple. Je m'en suis servi récemment dans un autre contexte, et je pense que cela sert bien la discussion.
    Imaginez que le professeur Forcese se voie accuser de meurtre et qu'il me demande de le représenter et que je lui dis: « Eh bien, nous ne savons pas qui vous avez tué, nous ne savons pas quels sont les témoins et nous ne savons pas quelles sont les preuves ». Je demande donc à Craig: « Avez-vous tué quelqu'un? Qui avez-vous tué? » Il répond: « Je n'ai tué personne ». « Eh bien, qui pensez-vous qu'ils pourraient vous accuser d'avoir tué? » Voilà ce que cela donne lorsqu'on veut défendre une personne visée par un certificat de sécurité.
    Vous ne connaissez pas les preuves. Vous ne connaissez pas les témoins. Vous n'avez pas l'occasion de les interroger dans le contexte d'une audience. Tous les éléments de preuve de fond sont sous scellé et ne sont examinés que par les personnes qui ont accès aux audiences à huis clos.
    C'est pourquoi nous croyons tous les deux que les certificats de sécurité sont fondamentalement injustes et que le gouvernement du Canada devrait explorer des solutions de rechange aux certificats de sécurité pour traiter de ce très difficile problème.
    Cela étant dit, le professeur Forcese et moi nous sommes lancés dans une étude, car nous savions que ce projet de loi allait être déposé par suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Charkaoui. Nous avons entrepris cette étude dans le but d'examiner les autres modèles qui existent et de déterminer dans quelle mesure ceux-ci régleraient nos préoccupations.
    La Cour suprême du Canada a, en gros, donné pour instruction au Parlement d'essayer d'élaborer un modèle qui permette une procédure aussi équitable que possible tout en permettant que certains éléments de preuve soient entendus à huis clos. La décision de la Cour suprême envisageait plusieurs options, dont le recours à des défenseurs, et une autre possible était le CSARS.
    Ce qu'il importe de comprendre est que si vous allez priver la personne accusée d'être membre d'une organisation terroriste de tout accès aux preuves utilisées contre elle, l'empêchant ainsi, et empêchant son avocat, de les contester efficacement, il vous faut vous approcher autant que cela est humainement possible d'un modèle de rechange qui respecte les critères.
    Notre étude du modèle du défenseur, dont nous pensons qu'il a servi de modèle pour l'élaboration du projet de loi dont vous êtes saisi, nous a amenés à la conclusion que celui-ci est cruellement déficient. En effet, les critiques à son égard ont été si nombreux que d'importants changements ont été apportés au modèle au Royaume-Uni, et nombre de ces changements n'ont pas été intégrés au projet de loi. Il semble que l'on n'ait même pas tenu compte de certains des changements qui ont été apportés au régime britannique lors de l'élaboration du projet de loi que nous avons devant nous.
    Compte tenu du défi que suppose l'élaboration d'un système qui respecte autant que cela est humainement possible les exigences voulant que la personne soit habilitée à participer pleinement au processus, la conclusion à laquelle le professeur Forcese et moi en sommes arrivés, à l'issue de notre étude dans le cadre de laquelle nous avons examiné non seulement le Canada mais également le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande — pays qui a lui aussi une forme d'intervenant spécial —, est que le modèle que nous avons déjà au Canada est la meilleure option, et je veux parler du modèle du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
    Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité s'est routinièrement occupé de dossiers d'immigration jusqu'en 2002, lorsqu'a été modifiée la Loi sur l'immigration. Il traite régulièrement de quantité de plaintes relatives à la sécurité nationale. Dans le contexte de ces auditions, il charge des avocats ayant une autorisation de sécurité de passer en revue l'intégralité du dossier appartenant au SCRS, et ils ont ainsi accès au dossier tout entier. Ils bénéficient d'une pleine divulgation de la preuve, ce qui est l'un des principaux défauts de ce régime.

  (0910)  

    Le deuxième aspect essentiel qui survient dans le contexte du processus du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est que l'avocat, qui représente le comité, qui est un avocat indépendant et qui, je dirais, a à jouer un rôle analogue à celui revenant aux défenseurs dans le système britannique, n'est dans aucun cas de figure empêché de continuer de rencontrer la personne qui fait l'objet de l'audience une fois qu'il a pu examiner les preuves secrètes. Cela est extrêmement important pour toute procédure équitable.
    Ce que nous vous soumettons donc dans notre rapport est qu'il existe un autre système. Il s'agit d'un système fait au Canada et qui fonctionne depuis plus de 20 ans, et c'est un système qui est de loin supérieur à celui énoncé dans le projet de loi.
    Reconnaissant qu'il existe un projet de loi, le professeur Forcese va maintenant discuter avec vous de la façon dont ce projet de loi pourrait être modifié pour qu'il soit conforme à ce que nous considérons comme étant des exigences minimales. Si vous maintenez le projet de loi tel quel, je peux vous garantir que les avocats feront valoir que la Cour suprême du Canada a dit qu'il vous faut approcher le plus possible d'une audition équitable, et ce projet de loi est très inférieur à ce qui est prévu au niveau du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
    Le gouvernement va donc devoir expliquer pourquoi il n'a pas mis en oeuvre ce processus, et il y aura vraisemblablement des contestations invoquant la Constitution, tandis que si vous adoptiez le processus du CSARS, je peux vous assurer qu'il serait très difficile pour des avocats comme moi de monter une contestation constitutionnelle.
    Professeur Forcese.
    Merci beaucoup, Lorne, et merci au comité et au président de nous accueillir ici aujourd'hui.
    Comme l'a souligné Lorne, nous proposons au projet de loi C-3 une série d'amendements relativement mineurs qui englobent ces objections clés que Lorne a soulevées. Nous avons déposé auprès de vous un document qui est en fait une version annotée du projet de loi C-3. Les amendements que nous proposons représentent peut-être 500 mots, et nous croyons qu'avec ces 500 mots le Parlement pourrait greffer au projet de loi C-3, dans son libellé actuel, quelque chose d'analogue à ce qui se passe au CSARS.
    Les deux éléments clés qui sont améliorés grâce aux amendements proposés sont, premièrement, une obligation statutaire absolue pour le gouvernement de tout divulguer — tous les renseignements pertinents — et nous définissons ici dans notre texte proposé ce que nous entendons par « renseignements pertinents ». Nous imposons au gouvernement l'obligation de divulguer tous les renseignements pertinents. Nous autorisons ensuite le défenseur à contester l'ampleur de la divulgation faite par le gouvernement, puis à recourir à l'aide du CSARS, qui aurait accès à tous les renseignements du gouvernement, pour certifier qu'il y a eu pleine divulgation. C'est une façon d'intégrer le CSARS, qui a l'autorité légale de voir tous les renseignements que possède le SCRS, à l'exception des documents confidentiels du Cabinet, au processus de vérification de l'envergure de la divulgation.
    Je tiens à souligner ici que nous ne proposons pas cela tout simplement parce que nous estimons que ce serait une bonne idée en principe, mais parce qu'au Royaume-Uni, les défenseurs nous ont dit qu'ils ne parviennent pas à tout voir. On estime qu'il y a une obligation pour le gouvernement de divulguer tous les renseignements, y compris les renseignements disculpatoires, mais les défenseurs au Royaume-Uni nous ont dit qu'il y a eu des cas dans lesquels ils ont découvert que des preuves disculpatoires dans l'affaire A n'avaient pas été divulguées, mais ils ne l'ont découvert que par hasard dans le cadre d'une affaire B. Nous voulons écarter cette possibilité.
    L'autre raison pour laquelle nous insistons sur une obligation légale de pleine divulgation est l'expérience de la Commission Arar. L'avocat pour la Commission Arar nous a dit que, s'il n'avait pas réussi à assigner des témoins pour recueillir des preuves au-delà de ce que le gouvernement avait jugé pertinent, la vérité en ce qui concerne M. Arar n'aurait jamais été mise à jour. Ce sont ces deux expériences qui sont à l'origine de notre recommandation en la matière.
    Comme l'a souligné Lorne, il y a un deuxième vaste volet dont nous pensons qu'il devrait être retravaillé. Il s'agit d'appliquer un droit positif pour que le défenseur puisse continuer de communiquer avec la partie intéressée une fois qu'il a vu les renseignements confidentiels, les renseignements secrets. Il s'agit là d'une pratique qui, comme l'a indiqué Lorne, est disponible au CSARS. L'avocat indépendant du CSARS, dont nous avions espéré qu'il puisse être là aujourd'hui, mais cela ne lui a pas été possible car il est présentement au tribunal, nous a dit de façon catégorique qu'il a vu des affaires s'écrouler du fait qu'il lui avait été possible de demander des renseignements ne trahissant aucun secret qu'il pouvait détenir. Il lui avait été possible de demander à la partie intéressée des renseignements qui avaient alors fait s'effondrer la thèse mise de l'avant par le gouvernement dans une procédure du CSARS.
    Cette expérience — une expérience pratique, sur le terrain — vient elle aussi confirmer qu'il est essentiel que ce défenseur puisse avoir un accès continu à la partie intéressée, sous réserve d'une obligation de ne pas divulguer un secret, ce qui fait qu'il faudrait que les questions posées soient obliques, mais même des questions obliques, nous dit-on, ont résulté en l'obtention par le défenseur de renseignements tels qu'ils ont provoqué l'écroulement de la thèse du gouvernement.
    Le dernier point que j'aimerais soulever, car je sais que le temps qui nous a été alloué sera bientôt écoulé, en est un que Lorne n'a pas évoqué. Il y a ici dans le projet de loi une exigence qu'un résumé soit préparé pour la partie intéressée elle-même. Il s'agit d'un résumé préparé initialement par le gouvernement puis, en gros, endossé par le juge. Ce résumé, dans le libellé actuel, renferme des renseignements dont le juge décide qu'ils ne portent pas préjudice à la sécurité nationale.
    Il s'agit là d'une norme très différente de celle qui s'applique au titre de la Loi sur la preuve au Canada. En vertu de la Loi sur la preuve au Canada, des renseignements mettant en cause la sécurité nationale peuvent être divulgués si l'intérêt du public en matière de procès équitable l'emporte. Il s'opère donc un équilibre dans le contexte de la Loi sur la preuve au Canada.
    L'absence d'un équilibre dans ce projet de loi le rend, à notre sens, contraire à la récente décision, de fin octobre, de la Chambre des lords. La Chambre des lords au Royaume-Uni a en effet décidé qu'au Royaume-Uni le régime de défenseur en place là-bas, et qui ne prévoit lui non plus pas d'équilibre, était trop limitant. Il est donc probable que nous verrons d'ici quelques mois un changement dans le système britannique tel que l'arbitre dans ces procédures britanniques soupèsera l'intérêt en matière de sécurité nationale et l'intérêt en matière de procès équitable. Nous proposons des modifications qui totalisent 25 ou 30 mots et qui établiraient, dans le contexte de la LIPR, un critère d'équilibre.
    Je sais que notre temps est écoulé et qu'il y aura sans doute des questions, alors je vais m'arrêter là.

  (0915)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer avec M. Cullen, pour sept minutes, je vous prie.
    Vouliez-vous commencer?
    Oui, je n'ai qu'une seule question.
    Oh, vous partagez le temps qui vous est accordé?
    Allez-y, monsieur Dosanjh.
    Monsieur Waldman, vous avez dit que le régime britannique a déjà été modifié et que ce que le gouvernement a adopté dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis est le régime inchangé de défenseur. En quoi le régime britannique a-t-il changé?
    Craig complétera. Il y a un certain nombre d'éléments clés.
    La première plainte des avocats spéciaux était qu'ils ne disposaient pas de suffisamment de ressources. Imaginez que vous êtes un avocat et que l'on vous remet des boîtes et des boîtes de documents. Vous ne pouvez en discuter avec personne; vous ne pouvez pas faire entrer dans la pièce votre collègue junior, car vous êtes le seul à avoir l'autorisation de sécurité. Il vous faut passer à travers toutes ces boîtes et ces boîtes de documents pour préparer votre argumentation, et vous ne bénéficiez d'aucun appui. Vous ne pouvez même pas demander à votre secrétaire d'écrire une lettre à l'avocat représentant le gouvernement pour demander de la correspondance ou autre. Il vous faut faire tout cela vous-même, et certains avocats ne sont pas très doués en matière de... Il n'y a donc aucune aide.
    Ils ont créé une espèce de bureau d'appui aux avocats spéciaux, qui réunit des avocats munis d'autorisation de sécurité et dont le rôle est d'appuyer les avocats spéciaux. Voilà la première chose.
    Le deuxième changement qu'ils ont apporté est qu'il y a maintenant deux avocats spéciaux pour toutes les affaires. Un avocat spécial senior et un avocat spécial junior sont désignés pour chacun des dossiers.
    Ils ont également apporté des changements tels que le gouvernement est maintenant tenu d'inclure tous les éléments de preuve disculpatoires, les avocats spéciaux ayant exprimé leur mécontentement du fait que la preuve disculpatoire n'était pas incluse.
    L'autre aspect — et nous verrons si Craig pense à autre chose encore — est que les règles ont été changées de façon à autoriser expressément que la personne visée par le certificat de sécurité ait le droit de choisir son avocat parmi la liste, sous réserve d'objections de la part du gouvernement.
    Ai-je oublié quelque chose?

  (0920)  

    Je pense que cela couvre à peu près tout.
    Merci.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je peux comprendre, monsieur Waldman, la frustration, si vous avez travaillé sur ces dossiers, et c'est pourquoi je pense que la plupart d'entre nous convenons qu'il nous faut apporter des changements au processus.
    Je dirais cependant que je pense que vous avez quelque peu dramatisé les choses, car le sous-comité de notre comité s'est fait passer en revue le dossier d'une personne détenue en vertu d'un certificat de sécurité, un prétendu assassin iranien. Le dossier était plutôt épais. Cela s'est déroulé en séance ouverte, et les seules choses qui avaient été expurgées étaient les sources des renseignements. Et je peux dire que, quelles qu'aient été les sources, elles ont plusieurs fois été corroborées. Au bout du compte, le représentant de la B.C. Civil Liberties Association a convenu qu'il ne souhaiterait pas qu'une telle personne soit son voisin.
    Je comprends néanmoins ce que vous dites, soit que les renseignements ne sont pas aussi complets qu'on le souhaiterait. C'est pourquoi le gouvernement a, je pense, réagi en créant cette fonction de défenseur. Notre sous-comité, qui s'est penché là-dessus, a lui aussi plaidé en faveur d'un avocat-conseil spécial.
    J'aurais juste une question au sujet du CSARS. Vous avancez ici une proposition séduisante. Je comprends qu'il y a certaines limites quant aux renseignements qui sont à la disposition des membres du CSARS. De fait, je me souviens que le CSARS nous a dit qu'il ne pouvait pas avoir accès à certains renseignements de nature opérationnelle; il s'en est même plaint.
    Êtes-vous en train de dire — et la question importante est de savoir si ce serait le cas — que le CSARS aurait accès à toutes les sources d'informations sur lesquelles se seraient appuyés le SCRS, la GRC et d'autres agences pour demander un certificat de sécurité?
    Je passe, et je vais laisser le professeur Forcese...
    J'aimerais simplement réagir à votre commentaire. Je sais que vous parlez de l'affaire Ahani, car c'est une affaire dont on a fait grand cas dans la presse. La différence entre l'affaire Ahani et presque toutes les autres affaires de certificat de sécurité est que M. Ahani n'a pas contesté la plupart des faits énoncés. Il a accepté le constat voulant qu'il ait participé aux activités alléguées.
    Dans tous les autres cas de certificats de sécurité que je connaisse, les personnes visées niaient être membres des organisations en cause et les preuves invoquées par le gouvernement... Eh bien, la seule autre affaire semblable était celle des espions russes. Au bout du compte — et j'ai participé à cette affaire —, nous n'avons pas creusé la preuve, mais en bout de ligne les intimés ont reconnu être des espions russes. La plupart du temps dans ces affaires, les preuves clés et les autres preuves ne sont pas divulguées.
    Craig, pourquoi ne vous occuperiez-vous pas de la question du CSARS?
    La question de ce que détient le gouvernement du Canada est critique. Le CSARS a, en vertu de la loi, droit à tout sauf les documents confidentiels du Cabinet. Mais ce qu'aura en sa possession le SCRS variera. N'ayant jamais eu l'occasion de constater les choses de visu, je ne peux que vous dire que cela s'appuie sur des ouï-dire.
    D'après ce que je comprends, il s'agira souvent d'un rapport d'analyste, qui vient peut-être s'ajouter à un autre rapport d'une agence alliée qui, à son tour, vient s'ajouter à toute une série d'autres rapports d'analystes, qui, eux, sont peut-être le produit de quelque interception de communication.
    Ce sont des preuves par ouï-dire empilées sur des preuves par ouï-dire, empilées sur encore d'autres preuves par ouï-dire. Voilà le genre de renseignements que l'on utilise, d'après ce que l'on sait, dans ces affaires de certificat de sécurité, renseignements auxquels le CSARS aurait alors accès.
    Aurait-il accès à la transcription brute fournie par et peut-être toujours détenue par un service allié, mais que possède le SCRS? Je présume que non.
    L'une des préoccupations dont nous ont fait état les avocats spéciaux au Royaume-Uni est que le produit sur lequel ils se penchent a tendance à avoir été trié sur le volet — en d'autres termes, du fait qu'il ne s'agisse que d'ouï-dire, il y a quelque chose qui donne l'impression d'être disculpatoire qui a été utilisé dans un de ces rapports d'analyste, et c'est ainsi que l'on se retrouve avec des analyses subjectives empilées les unes par-dessus les autres.
    La question de la qualité des preuves va donc être très chargée, que vous ayez ou non pleinement accès à ce qu'a en sa possession le SCRS.
    Je présume que le temps qui me revient sera bientôt écoulé, mais vous avez caractérisé les éléments de preuve d'ouï-dire. Ce serait une façon de les caractériser.
    C'est une responsabilité qu'a le juge de veiller à ce que les renseignements soient corroborés, à ce qu'ils paraissent fiables. La partie manquante, me semble-t-il, est qu'il n'y a personne pour contester cela pour le compte des Canadiens ou pour le compte de la personne qu'on essaie de détenir en vertu d'un certificat de sécurité.
    L'autre commentaire, monsieur Waldman, est que je m'attends à ce que le profil dont vous parlez soit semblable à celui de bien des personnes qui sont arrêtées et qui sont traduites en justice. Nombre d'entre elles disent qu'elles ne sont pas coupables. Je lisais tout juste dans le journal — et loin de moi l'intention de trivialiser ces choses — qu'O.J. Simpson a maintes fois déclaré qu'il n'a rien fait. Cela ne m'étonne pas que des personnes nient le fait d'appartenir à tel ou tel groupe ou d'avoir fait certaines choses, mais reste à savoir si...

  (0925)  

    La différence entre n'importe quelle autre personne et celles qui sont visées par des certificats de sécurité est que lorsque les premières voient leur cause instruite, elles ont l'occasion de voir les éléments de preuve, de contre-interroger les témoins, de contester la crédibilité des témoins et, dans certains cas, elles se font acquitter. La chose n'est pas décidée d'avance.
    Je pense qu'il nous faudra surveiller attentivement ce qui va se passer à Toronto. Je crois que vous allez être assez surpris de voir qu'en bout de ligne, sur les 18 accusés, plusieurs d'entre eux vont repartir sans avoir été déclarés coupables de quoi que ce soit ou alors de délits très mineurs, et qu'en fait nombre des chefs d'accusation contre certains des accusés auront été retirés.
    C'est ce pourquoi nous avons un système judiciaire, pour veiller à ce que les allégations soient prouvées d'une façon qui établisse la culpabilité de la personne. Dans cette procédure, ce qui se passe c'est que la personne qui est accusée ne dispose pas des moyens normaux de contestation de la crédibilité des preuves.
    L'élément clé, pour revenir à votre première question, est que le CSARS a accès à tout ce dont peut disposer le SCRS. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est important que le SCRS puisse examiner le dossier afin de veiller à ce que ce qui est présenté au juge en présence du défenseur correspond très exactement à ce dont dispose le SCRS.
    Je n'en suis pas si certain. Je voudrais en tout cas que notre attaché de recherche vérifie la chose.
    L'autre point est que l'objet même de la désignation d'un défenseur est de faire précisément ce que vous proposez. C'est pourquoi notre sous-comité a fait cette recommandation, et c'est pourquoi le gouvernement réagit, je pense, de cette façon à la Cour suprême. Nous pourrions en discuter longuement, mais...
    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux de vous avoir entendu ici aujourd'hui, et ailleurs auparavant. J'apprécie beaucoup le travail considérable qui a été fait. Je comprends que votre objectif doit être semblable au nôtre. Je comprends que l'existence du certificat de sécurité est nécessaire. Je comprends aussi pourquoi on ne peut pas révéler l'origine de certaines informations. En effet, on pourrait alors mettre en danger les personnes qui ont infiltré des organisations au risque de leur vie. De plus, il est possible que les services de sécurité ne désirent pas et ne veulent pas qu'on connaisse leurs méthodes d'enquête.
    On le voit en matière criminelle. Beaucoup d'accusés faisant partie d'organisations criminelles plaident non coupables, bien qu'ils aient l'intention d'admettre leur culpabilité, parce que cela leur permet de savoir comment la police s'y est prise pour infiltrer leur organisation. Ça peut être admissible dans le cas de la criminalité ordinaire, mais je comprends qu'on ne désire pas dévoiler les méthodes d'enquête en matière de terrorisme.
     Il y a une troisième raison. Nous recevons beaucoup d'informations de divers pays. Certains ont les mêmes principes que nous, d'autres pas. Ces derniers nous transmettent souvent des informations à la condition que nous ne rendions pas celles-ci publiques.
    En fait, un certificat de sécurité pourrait être, dans n'importe quel pays qui ne partage pas nos principes, un geste purement arbitraire posé par le ministre qui déclarerait que tout pays souverain a le pouvoir d'admettre sur son territoire qui il veut et d'en exclure les étrangers qui représentent un danger. Nous avons voulu que cette décision ne soit pas arbitraire et qu'elle soit soumise à un type de révision judiciaire où les preuves doivent rester secrètes. Cette révision judiciaire n'est pas un procès, mais tout comme vous, je crois que cette procédure judiciaire doit être le plus près possible d'un traitement équitable, comme lors d'un procès. J'ai l'impression que les recommandations que vous nous avez faites sont exactement de cet ordre.
    Je serai un peu pointu sur une chose. Vous croyez que la décision qui est rendue concernant l'intéressé ne doit pas être basée sur des informations obtenues par la torture. On peut avoir un exemple, en droit canadien, d'informations qui ont été obtenues par les policiers d'une façon... Allons droit au but. Quand un accusé fait une déclaration, celle-ci doit avoir été faite librement et volontairement pour qu'elle soit admise en tant que preuve. Cependant, je ne crois pas que nous soyons privés de la preuve matérielle qui pourrait être trouvée par les policiers, même dans le cas d'une déclaration qui serait inadmissible en tant que preuve. Si la déclaration d'un accusé est inadmissible en tant que preuve parce qu'on lui a fait des promesses ou des menaces, mais qu'il a déclaré, par exemple, que l'arme du crime se trouvait à tel endroit, je pense que les policiers peuvent encore aller chercher l'arme du crime et la présenter comme preuve, ce qu'on appelle une « preuve matérielle ». À l'époque où je pratiquais le droit, c'était comme cela, mais parfois ça change en 15 ans.
    Pour vous, cette règle sur les preuves obtenues sous la torture s'applique-t-elle autant à la preuve matérielle qu'aux affirmations que les gens qui ont été torturés ont été faites à leurs tortionnaires?

  (0930)  

[Traduction]

    Il reste deux minutes pour la réponse.
    Très bien.
    En Angleterre, la question a déjà été débattue par la Chambre des lords dans une affaire mettant en cause la Special Immigration Appeals Commission, l'équivalent britannique de notre régime de certificat de sécurité. La Chambre des lords a décidé qu'aucun renseignement obtenu au moyen de la torture ne serait admissible comme preuve dans une quelconque procédure judiciaire, un point c'est tout.
    Les raisons en sont que, (a) la preuve ainsi obtenue est intrinsèquement non fiable et ne devrait de ce fait pas être utilisée, et, (b) si vous utilisez des preuves dont vous savez qu'elles ont été obtenues au moyen de la torture, alors vous devenez essentiellement complice de la torture elle-même.
    La position adoptée en Angleterre cadre donc avec la position que nous avons prise dans notre exposé, soit que les preuves obtenues au moyen de la torture ne devraient en aucun cas être admissibles ni être prises en compte par le juge. De fait, au Canada, les juges de la Cour fédérale qui ont été confrontés à ce cas de figure ont déjà dans plusieurs affaires adopté une position semblable.
    En d'autres termes, dans les cas où l'avocat a allégué que certaines des preuves ont peut-être été obtenues au moyen de la torture, et si le juge est satisfait qu'il y a des preuves à cet effet, on a refusé de tenir compte de telles preuves aux fins de l'établissement d'un certificat de sécurité.
    Partant, ce que nous proposons cadre tout à fait avec ce qu'a dit la Chambre des lords et avec ce que font dans la pratique les juges.
    Je pense que ceci revêt une importance qui va au-delà du processus, car nous pouvons déclarer devant le juge: « Vous ne pouvez pas accepter cet élément de preuve, car il a été obtenu au moyen de la torture ». Mais en déclarant publiquement dans le projet de loi que les preuves obtenues au moyen de la torture ne sont pas admissibles, nous faisons également une déclaration au sujet de l'inacceptabilité de la torture comme moyen d'interroger quiconque, où que ce soit dans le monde. Voilà encore une autre raison pour laquelle nous croyons que cela devrait être inclus.
    Merci beaucoup.
    Madame Priddy, je vous prie, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous permettez, je vais prendre les quelques premières secondes pour dire que j'ai reçu de nombreuses lettres, même au cours des 24 dernières heures, d'organisations qui s'inquiètent du fait de ne pas avoir eu l'occasion de témoigner. Je tenais à ce qu'il figure au procès-verbal que j'ai reçu de la correspondance de groupes comme la Coalition for Justice for Adil Charkaoui, le Justice for Mohamed Harkat committee, Amnistie Internationale, Human Rights Watch et la Fédération canado-arabe. J'en oublie peut-être certains, mais en voilà qui m'ont écrit, et je tenais à souligner que cela les préoccupe qu'ils disposent de renseignements dont ils pensent que le comité devrait être au courant et qu'ils ne se soient pas vu offrir l'occasion de venir comparaître devant le comité.
    J'adresse la question que voici à M. Forcese ou à M. Waldman. S'il ne va pas y avoir de communication ouverte entre le défenseur et le détenu, tel que prévu dans l'actuel libellé du projet de loi C-3, en tout cas pas une fois que le défenseur aura passé en revue les renseignements, pourriez-vous nous entretenir et des ramifications juridiques que vous voyez à cela, dans le contexte de l'appareil judiciaire, et des ramifications sur le plan de la moralité et de la justice que cela pourrait avoir?

  (0935)  

    Merci beaucoup de poser cette question.
    La première chose à souligner est que le projet de loi C-3, dans son libellé actuel, ne ferme pas de façon affirmative la porte à un accès continu. Cela est laissé à la discrétion du juge.
    Une règle semblable au Royaume-Uni a produit une quasi absence d'accès. Il n'y a aucun accès continu. Pourquoi? Parce qu'une règle semblable a été appliquée au Royaume-Uni, telle que le défenseur, s'il désire communiquer avec la personne visée après avoir vu les preuves secrètes, doit le faire par écrit, et ses questions doivent être sanctionnées par le gouvernement.
    Aucun avocat digne du nom n'est prêt à poser une question à une personne dont il est censé défendre les intérêts si cette question va d'abord être contrôlée par le gouvernement, de crainte que le simple fait de poser la question puisse porter un préjudice aux intérêts du pays.
    Dans la pratique, il n'y a aucun accès permanent. C'est là l'aspect le plus controversé du régime en place au Royaume-Uni.
    Quant aux ramifications de l'absence d'un accès permanent, je pourrais vous raconter une histoire qui nous a été livrée par un défenseur du CSARS qui jouit d'un accès continu dans le cadre des procédures du CSARS.
    S'il était ici, il vous parlerait d'une affaire en particulier dans laquelle la question en cause à la procédure du CSARS était celle de savoir si une personne s'était trouvée dans un certain pays à un moment donné. Je ne sais pas de quel pays il s'agissait. Disons que c'était l'Afghanistan, vers la fin des années 1990, et la présence d'une personne en Afghanistan vers la fin des années 1990 laisserait entendre que le comportement de la personne pourrait poser problème. Bien évidemment, l'avocat indépendant, ayant été mis au courant, ne pouvait pas s'adresser directement à l'intéressé et lui demander s'il s'était trouvé en Afghanistan en 1997, car cela aurait bien sûr trahi le fondement même de la thèse du gouvernement et aurait pu porter préjudice à la sécurité nationale. Le défenseur s'est ainsi contenté de demander le curriculum vitae de l'individu, ce que les services de sécurité n'avaient jamais pensé demander. Figurait sur le CV une entrée qui, comme allait pouvoir l'établir le défenseur de l'avocat indépendant, fournissait la preuve vérifiable que l'intéressé n'avait pas été en Afghanistan pendant la période pertinente.
     Voilà un exemple d'accès continu: une question très banale dont on aurait espéré que les services de sécurité l'aurait posée au départ, une question très banale qui a fini par provoquer l'écroulement de la thèse du gouvernement. La thèse tout entière du gouvernement s'était appuyée sur cet élément et elle s'est effondrée du fait de cette question fort banale.
    D'après ce que disent le CSARS et les avocats indépendants, il n'y a jamais eu d'allégation selon laquelle cet accès continu par les avocats du CSARS aux personnes visées aurait porté atteinte à la sécurité nationale ni qu'il y a eu de divulgation involontaire.
    Nous convenons qu'il devrait y avoir une obligation positive pour l'avocat indépendant de ne pas divulguer de secrets. Nous pensons que tout avocat digne du nom doit être en mesure de poser une question d'une façon telle qu'il obtient des renseignements utiles mais qu'il ne trahit pas la confidentialité de renseignements intéressant la sécurité nationale.
    Cela a été le cas pour la Commission Arar, et je suis certain que Lorne pourrait décrire à quel point il n'a pu glaner que quelques bribes d'information à partir des questions que lui a posées l'avocat de la Commission Arar.
    J'aimerais ajouter quelque chose à cela. J'étais l'avocat de M. Arar, et M. Cavalluzzo et son équipe d'avocats se réunissaient, lisaient tous les éléments de preuve secrets, puis continuaient de s'entretenir avec nous. Ils nous posaient des questions et nous nous demandions bien sûr pourquoi ils posaient telle ou telle question. Nous ne le savions pas, mais M. Cavalluzzo nous a assurés après coup que les réponses données à ces questions lui avaient été d'une aide extrême dans son contre-interrogatoire efficace des témoins secrets lors des audiences à huis clos. Mais, il a lui-même dit: « Je savais comment poser les questions pour tenter d'obtenir les renseignements dont j'avais besoin, et je n'ai manifestement rien révélé, car nous ne serions jamais repartis en sachant plus que ce que nous savions en arrivant ».
    C'est juste là encore un autre exemple de scénario dans lequel un contact continu a été autorisé. Il n'y a eu aucune fuite, mais le défenseur, ou l'avocat dans ce cas-ci, a ainsi été en mesure d'être un défenseur plus efficace de la personne.

  (0940)  

    Me reste-t-il du temps?
    Oui, vous disposez encore d'environ une minute et demie.
    Merci.
    Cela étant dit, et ayant décrit le CSARS, voyez-vous quelque différence profonde, que je ne saisis pas, entre le modèle du CSARS et les certificats de sécurité, telle que cela exigerait que, dans le cas du CSARS, une question puisse être posée et qu'un avocat chevronné puisse poser une question d'une manière qui ne pose absolument aucun danger pour la sécurité, alors que, pour les certificats de sécurité, il y a quelque raison légale, qui m'échappe, pour laquelle cela devrait être différent?
    Les procédures sont analogues. En effet, le CSARS établissait des certificats de sécurité avant 2002 pour les résidents permanents, alors cela se faisait. Il suivait le même processus pour les cas de résidents permanents que pour tous les autres cas, alors il n'y avait aucune préoccupation en matière de fuite.
    Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas avoir ici un processus du même genre. Ce serait, à mon sens, l'une des choses qui contribueraient le plus à rendre ce système plus juste, ce que nous souhaitons tous en bout de ligne.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Brown, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    M. Cullen a fait état du sous-comité de notre comité, qui s'est penché sur la Loi antiterroriste. C'est moi qui ai présidé ce comité, et nous avons traité des certificats de sécurité, même si cela ne faisait pas partie de la Loi antiterroriste.
    J'essaie tout simplement de me remémorer nos discussions. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles on n'a pas utilisé le modèle du CSARS est que dans une procédure du comité de surveillance, les avocats autorisés par le gouvernement et qui participent aux séances à huis clos du CSARS sont en fait des avocats de ce dernier, et leur responsabilité est envers le processus du CSARS et non pas l'objet de la procédure du CSARS. C'est pourquoi l'avocat du CSARS peut communiquer avec l'intimé, et les conséquences d'une divulgation par inadvertance sont sensiblement moindres. C'est pourquoi cela ne satisferait pas aux exigences de la décision de la Cour suprême.
    J'aimerais entendre ce que vous avez tous les deux à dire là-dessus.
    Cela est vrai, en ce sens que pour ce qui est de l'obligation qui leur revient, les avocats du CSARS ont en quelque sorte une obligatoire bifurquée. Ils sont certainement là pour servir le bras, si vous voulez, du membre du comité en question; mais ils sont également là, dans le contexte de l'exercice de ce rôle, pour servir les intérêts de la personne qui est exclue de ces audiences à huis clos, ex parte.
    Je ne comprends pas pourquoi ce rôle bifurqué serait tel que les avocats du CSARS seraient moins portés à déraper dans leur interrogatoire que ne le serait un avocat indépendant dans un contexte de certificat de sécurité. Ils seraient exposés aux mêmes genres de pénalités; ils seraient soumis aux mêmes obligations de ne pas divulguer de renseignements secrets. Je ne vois rien dans cette structure institutionnelle qui rende le CSARS plus apte à un régime d'accès continu que le ne serait un régime de défenseur bien structuré.
    Bien.
    J'aimerais en savoir un petit peu plus au sujet des changements qui sont en train d'être apportés au modèle de défenseur britannique, car c'est là-dessus que nous nous penchons. Je ne suis pas au courant des changements qu'on y apporte, des choses qui ne faisaient pas partie de ce régime auparavant.
    Je vais commencer.
    L'un des premiers changements qui est entré en vigueur...
    Cela est en vigueur depuis combien de temps? Depuis trois ans maintenant?
    Cela fait moins de trois ans, sans doute deux ans.
    Deux ans.
    Je pense que ce qui s'est passé en 2005 c'est qu'un comité parlementaire a étudié... et à ce moment-là, un grand nombre des défenseurs — des défenseurs qui avaient démissionné — ont pris la parole pour se plaindre du système. L'un des principaux changements a été l'exigence de la création d'un bureau d'appui pour les défenseurs. Il s'agit d'un bureau indépendant d'avocats qui ont la cote de sécurité leur permettant d'assister aux audiences et de voir le dossier tout entier.
    Le problème que nous avons est... Supposons que je suis désigné défenseur. Je ne peux montrer le dossier à personne d'autre dans mon bureau; je ne peux recourir à l'aide de personne. Je ne peux pas faire appel à un autre avocat pour m'aider. Il faut que ce soit quelqu'un qui a la même habilitation et la même autorisation de consulter le dossier que moi.
    C'était là le plus gros problème qu'avaient les défenseurs. Dans les amendements que nous avons rédigés, nous proposons que soit exigée la création d'un bureau de soutien administratif. Ce serait extrêmement important car, en l'absence d'un tel soutien, je ne pense vraiment pas que les défenseurs soient en mesure de s'acquitter de leur devoir.

  (0945)  

    Deux changements sont prévus pour le moment, comme l'a mentionné Lorne. Avec les nouvelles règles régissant les procédures relatives au défenseur, il y aura une obligation supérieure de divulguer les éléments de preuve disculpatoires. Il y a en ce moment une obligation affirmative de la part du gouvernement de révéler tous les renseignements pertinents, y compris les renseignements disculpatoires, et les nouvelles règles comportent une discussion point par point de la diligence raisonnable que doit assurer le gouvernement pour veiller à ce qu'il ait épluché comme il se doit ses dossiers pour trouver tout renseignement pertinent. C'est cela qui s'en vient.
    L'autre changement, qui viendra dans le sillage de la décision de fin octobre de la Chambre des lords et qui n'a pas encore été codifié, rejoint encore l'idée d'un critère d'équilibre. La détermination des renseignements qui seront communiqués ou non à la partie intéressée se fera non seulement sur la base de la question de savoir s'il sera porté préjudice à la sécurité nationale mais également sur celle de savoir si l'obligation plus vaste d'assurer un procès équitable doit l'importer sur les intérêts en matière de sécurité nationale. Je présume qu'il sera maintenant possible, dans le cadre du régime britannique, que soient divulguées des informations lorsqu'il y a un intérêt relativement accessoire pour la sécurité nationale, mais lorsqu'est en jeu un intérêt massif en matière de procès équitable.
    Bien.
    La Cour suprême a appuyé presque tout le régime des certificats de sécurité, exception faite de la partie concernant le défenseur. Vous parlez d'assurer à ce niveau un équilibre par rapport au principe d'un procès équitable. D'après les renseignements dont nous disposons, et nous sommes plutôt confiants, la Cour suprême appuiera ce qui est proposé dans le projet de loi. Je suis certain que cela a été vérifié avant que le Parlement n'en soit saisi.
    Avez-vous le sentiment que l'issue pourrait être différente?
    Je peux vous dire, en ma qualité d'avocat qui pourrait très bien à l'avenir devoir s'occuper d'encore une autre affaire de certificat de sécurité, que si vous adoptez le projet de loi tel quel...
    Vous voyez, ce qu'a dit la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui est que le régime en place était injuste, car il n'y avait dans la salle personne d'autre que le juge de la Cour fédérale contestant la thèse du gouvernement. La cour a donc dit qu'il y avait d'autres modèles envisageables qui permettraient une certaine contestation de manière à rendre le régime plus juste, tout en tenant compte de la nécessité de protéger la sécurité nationale.
    Le gouvernement s'est fait dire qu'il lui fallait élaborer un modèle plus juste étant donné qu'il existait d'autres possibilités, et la Cour suprême les a énumérées sans préciser « Ceci est acceptable, mais ceci n'est pas acceptable ». Elle a simplement dressé la liste de plusieurs options, dont le CSARS, dont les défenseurs et dont le modèle de la Commission Arar. C'était au Parlement qu'il revenait d'apporter des amendements.
    Si le Parlement adopte quelque chose du genre du modèle du CSARS, alors ma position est que ce serait à peu près ce qui vous rapprocherait le plus de ce qui est visé, et la Cour suprême dit qu'un certain décalage par rapport aux principes de procès équitable pourrait être autorisé. Si vous adoptez le système le plus juste, il n'y aurait aucune contestation constitutionnelle.
    Si vous adoptez ici le régime du défenseur, je m'adresserai à la Cour suprême et dirai « Eh bien, pourquoi ont-ils choisi ceci alors qu'ils auraient pu avoir le CSARS, ils auraient pu avoir la divulgation intégrale, ils auraient pu avoir un accès continu? Cela n'est pas prévu dans le projet de loi, et celui-ci est en conséquence inconstitutionnel ».
    Si vous voulez vous assurer qu'il n'y ait aucune contestation constitutionnelle, il vous faut être certain d'instaurer le système le plus équitable qui soit, sans toutefois passer à la divulgation intégrale. Nous estimons que le projet de loi n'assure pas cela, à moins que vous ne teniez compte des amendements que nous vous avons soumis.
    Bien sûr, le gouvernement a peut-être obtenu de ses avocats un avis contraire.
    Vous pensez donc que le projet de loi, dans son libellé actuel, pourrait faire l'objet de nouvelles contestations.
    Absolument. C'est ce que m'ont dit des avocats. Les avocats qui représentent en ce moment les hommes visés par les certificats de sécurité vont définitivement le contester.
    Merci.
    Merci.
    Je pense que nous avons le temps de faire un autre tour.
    Madame Barnes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup. J'aimerais moi aussi que le greffier distribue une liste de tous les autres témoins, de toutes les autres personnes qui ont demandé à comparaître, et si ces personnes ont déposé des mémoires, alors peut-être que ceux-ci pourraient être distribués.
    Permettez-moi de répondre tout de suite, car j'allais faire cela à la fin de ce tour-ci.
    Tous les mémoires sont en train d'être traduits, et les mémoires de toutes les personnes ayant demandé à comparaître seront distribués au comité. La totalité des mémoires sera à la disposition de nous tous.
    Bien, mais y a-t-il des témoins potentiels qui n'ont pas fourni de mémoire? J'aimerais connaître leurs noms également, car j'aimerais savoir qui a demandé à comparaître et dont on ne nous a pas communiqué le nom.

  (0950)  

    Très bien.
    Est-ce que le temps dont je dispose commence maintenant?
    Allez-y.
    Merci beaucoup.
    J'apprécie vraiment le travail que vous avez fait au cours de l'été et votre comparution ici aujourd'hui.
    J'aimerais simplement que vous expliquiez un peu plus dans le détail la décision du 31 octobre 2007 de la Chambre des lords et son incidence sur ce que nous tentons de faire ici. Je pense que vous avez parlé des changements qui ont été apportés, mais, du fait de la décision de 2007 de la Chambre des lords, vous anticipez d'autres changements, et j'aimerais que vous nous les passiez en revue.
    Étant donné que nos tours ne sont plus maintenant que de cinq minutes, je vais me taire et vous laisser parcourir, de façon plus détaillée, les amendements que vous proposez en vue de rendre le système plus équitable. Merci.
    La décision de la Chambre des lords a été une interrogation qui, entre autres choses, s'est penchée sur le recours à des défenseurs dans les cas de ce que l'on appelle au Royaume-Uni des mesures de contrôle, qui sont essentiellement une forme d'assignation à domicile.
    La Chambre des lords a, dans l'ensemble, déclaré que les défenseurs sont une solution de compromis. Il semble que les défenseurs soient, tout bien considéré, un compromis suffisant, sauf qu'il doit y avoir une expression résiduelle pour que le juge préserve l'équité inhérente du procès dans les cas où le défenseur ne le fait pas. Il doit donc y avoir un pouvoir discrétionnaire résiduel pour le juge lui permettant de soupeser l'intérêt en matière de sécurité nationale par rapport à l'intérêt en matière de procès équitable, et si c'est ce dernier qui l'emporte, il doit divulguer l'information à la partie intéressée, et si cela ne plaît pas au gouvernement, alors il lui faudra retirer ses renseignements et sa thèse pourrait en conséquence s'effondrer.
    Voilà ce qu'a dit la Chambre des lords le 31 octobre, et cela va avoir une incidence sur les actes de procédure à l'intérieur du régime de défenseur au Royaume-Uni.
    Ce que nous nous proposons de faire dans les amendements et sur cette question d'équilibre — dans notre mémoire, que vous avez devant vous, cela se trouve à la page 11 de la version française, et il s'agit de l'article 83 — est que l'on greffe simplement, au texte actuel portant sur les renseignements devant être livrés à la partie intéressée, ce même exercice d'équilibre. Nous avons simplement emprunté le libellé de l'actuelle Loi sur la preuve au Canada. Si donc il ne s'agissait pas d'une procédure d'immigration, s'il ne s'agissait que d'une procédure régulière devant une cour canadienne, et que le gouvernement ne voulait pas divulguer un renseignement pour des raisons de sécurité nationale, la question serait portée devant un juge de la Cour fédérale et la Cour fédérale évaluerait l'intérêt en matière de sécurité nationale par rapport à l'intérêt en matière de procès équitable.
    Dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en vertu de ce projet de loi, la Cour fédérale arrête tout simplement lorsqu'elle arrive à cette question de sécurité nationale. Elle ne fait pas de pondération, en tout cas pas en vertu du texte de la loi. Nous ne faisons donc ici qu'assurer une harmonisation avec la Loi sur la preuve au Canada et avec ce que la Chambre des lords a déclaré comme étant nécessaire au Royaume-Uni.
    Si vous permettez que j'ajoute juste un exemple récent, pour illustrer l'importance de la chose, dans l'affaire Arar elle-même, le gouvernement a refusé de divulguer 1 500 mots, et nous sommes allés en cour et avons obtenu 500 mots de plus. Les 500 mots que nous avons obtenus n'étaient pas des mots dont quiconque les a vus par la suite a estimé qu'il avait été raisonnable de les protéger pour des motifs de sécurité nationale, mais c'étaient des mots qui étaient très embarrassants pour la GRC et le gouvernement. Ils avaient omis de dire au juge de la paix qui établissait un mandat de perquisition que les renseignements sur lesquels il se fondait avaient peut-être été obtenus au moyen de la torture et ainsi de suite. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est extrêmement important que le juge ait ce pouvoir discrétionnaire.
    Vous avez demandé d'autres amendements. Nous pourrions les parcourir à la suite. Nous pensons qu'il est important que vous incluiez dans le projet de loi lui-même des critères clairs pour la sélection des défenseurs. Le régime serait beaucoup plus crédible aux yeux du public si vous explicitiez dans le projet de loi que les défenseurs doivent être des avocats. Cela ne figure même pas dans le projet de loi. Ces personnes doivent avoir 10 années d'expérience. Il leur faut avoir une expérience d'instruction.
    L'autre chose qu'il faudrait prévoir dans le projet de loi est la possibilité que la personne puisse, si elle le veut, choisir son défenseur parmi une liste. Je crois que le projet de loi serait plus crédible si vous y prévoyiez qu'il faille qu'il y ait un appui suffisant à la disposition des défenseurs pour qu'ils puissent s'acquitter comme il se doit de leurs obligations. Notre crainte, si cela n'est pas inclus dans le projet de loi, est que vous nommiez des défenseurs et que ceux-ci ne soient pas en mesure de bien faire leur travail.
    Nous avons évoqué la relation avec le défenseur, les preuves obtenues au moyen de la torture, et nous pensons que l'un des autres aspects essentiels qui n'a pas vraiment été déterminé est la question de l'imposition de limites pour la détention de durée indéterminée. En vertu du projet de loi, dans son libellé actuel, vous pourriez être à jamais assujetti à un certificat de sécurité. Ce qui se passe c'est que, si vous ne pouvez pas être expulsé du fait que vous seriez torturé, vous ne pouvez pas être renvoyé, mais vous pouvez continuer d'être détenu.
    Nous croyons donc qu'il serait important, à partir d'un certain point, lorsqu'il a été décidé que vous ne pouvez pas être expulsé du fait que vous seriez torturé et que les tribunaux ou le gouvernement concluent que cela rend impossible votre renvoi, que le certificat prévoie votre libération, ce qui veut dire que le gouvernement aurait à choisir d'autres solutions. Vous ne pouvez pas avoir une détention illimitée en vertu d'une procédure d'immigration lorsque le renvoi n'est plus possible.

  (0955)  

    Ajouteriez-vous une exception Suresh?
    Le temps dont vous disposiez est depuis un bon moment écoulé.
    Oui, ce serait une exception Suresh.

[Français]

    J'ai pensé la même chose que vous lorsque j'ai lu le projet de loi pour la première fois. En effet, j'ai compris que l'avocat spécial n'était pas tenu au secret professionnel relativement à ses conversations avec l'intéressé. Je constate que vous aussi l'avez remarqué, et vous suggérez qu'il soit tenu au secret professionnel.
    Généralement, on reconnaît le secret professionnel dans tous les systèmes de droit civilisé, pour faire en sorte que la personne qui consulte un avocat puisse avoir pleinement confiance en lui et sache que l'avocat ne dévoilera pas ce qu'elle lui dira. Il est tenu au secret professionnel.
    Par contre, vous proposez que le paragraphe 4 de l'article 85.4 prévoie que le juge puisse ordonner qu'un membre du comité d'examen puisse assister à cette rencontre avec l'intéressé. Dans un tel cas, comment l'intéressé pourrait-il avoir la même confiance à l'égard des conversations qu'il va avoir avec cet avocat spécial s'il voit ce dernier accompagné d'un membre des services de sécurité?

[Traduction]

    En ce qui concerne le premier point, la question de la responsabilité professionnelle, l'actuel libellé du projet de loi dit que l'intéressé ne s'inscrit pas dans une relation avocat-client. Il n'y a donc pas de relation avocat-client entre le défenseur et la personne visée, ce qui amène à se demander, si la relation n'est pas celle entre un client et son avocat, quelle est-elle? En d'autres termes, y a-t-il un devoir de confidentialité quant à ce que le défenseur pourrait entendre de la bouche de la partie intéressée?
    Ce que nous proposons est que le devoir de confidentialité soit expressément inscrit dans le projet de loi, ne serait-ce que parce qu'un grand nombre de mes collègues en exercice auront la même question et seraient peut-être découragés, franchement, d'être des défenseurs à moins que leur responsabilité professionnelle spéciale ne soit claire.
    Vous avez posé une question précise au sujet des réunions subséquentes entre le défenseur et l'intéressé, après que le défenseur ait vu les éléments de preuve secrets. Ce que nous proposons d'ajouter au projet de loi est que, si les services de sécurité ont cette crainte qu'un défenseur puisse peut-être involontairement divulguer quelque chose ou qu'il ne soit pour quelque raison pas suffisamment méritant, alors que l'un des avocats du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui n'est pas le service de sécurité, soit dans la salle. Je veux parler ici de l'organe d'examen à distance du SCRS. Mais nous suggérons également que l'avocat soit soumis aux mêmes exigences en matière de confidentialité que le défenseur. L'on préserverait ainsi l'exigence de confidentialité pour les deux personnes.
    Franchement, la seule raison pour laquelle nous proposons que le CSARS soit dans la salle est de prévenir les objections du gouvernement à ce que le défenseur s'y trouve seul. Dans la pratique, dans le cas de procédures du CSARS, s'il y a des avocats indépendants, d'après ce que je comprends, ces avocats indépendants sont typiquement accompagnés par les avocats du CSARS eux-mêmes lors de rencontres avec le plaignant.
    J'aimerais simplement ajouter deux choses.
    Premièrement, la raison pour laquelle ils procèdent ainsi au CSARS est qu'ils veulent protéger l'avocat également. Si j'ai lu le dossier secret, je ne vais pas vouloir aller seul dans une salle pour qu'on allègue ensuite, une année plus tard, que j'ai dit quelque chose que je n'aurais pas dû dire. Il faut que cette protection soit assurée. Selon notre façon de penser, la meilleure solution est que quelqu'un du CSARS soit disponible pour témoigner quant à ce qui a été dit et pour peut-être offrir des conseils si un avocat pense qu'une question n'est peut-être pas appropriée.

[Français]

    Je comprends. Vous me dites que cela se trouve au paragraphe 5. Je ne l'avais pas compris.
    Je reste cependant sceptique. Quelle sera l'attitude de la personne intéressée à avoir un avocat spécial en qui elle pourra avoir confiance lorsqu'elle le verra accompagné d'un autre avocat qui est là pour surveiller l'avocat spécial afin qu'il ne lui dise pas, à elle, des choses qu'elle ne devrait pas savoir. Il faut avoir un esprit juridique bien formé pour comprendre toutes ces subtilités. Je ne suis pas sûr que la personne, elle, se sente en confiance comme on voudrait qu'elle le soit.
    Je comprends que vous avez prévu cela au paragraphe 5, mais le langage pourrait peut-être être un peu plus clair. Je comprends que c'est ce que vous vouliez dire.
    Je demeure sceptique en ce qui a trait à la confiance que les personnes intéressées auront à cet égard. Je pense aussi que l'utilisation du mot « défenseur » constitue une supercherie. Ce n'est pas cela.

  (1000)  

[Traduction]

    Je comprends parfaitement.
    Nous n'avons vraiment pas le temps pour une réponse, et je m'en excuse.
    La parole est maintenant à M. MacKenzie.
    Merci beaucoup d'être ici. J'apprécie vos commentaires et ce que nous avons entendu aujourd'hui. Je pense que cela contribuera énormément à ce qu'a déjà en mains le comité, compte tenu de votre expérience.
    L'une des choses que j'ai relevées, surtout lorsque vous répondiez à mes collègues en face, est que, lorsque vous avez dit que certaines de ces choses seront contestées devant les tribunaux si elles sont inscrites dans la loi, dans le contexte actuel, vous avez laissé entendre que si nous acceptions le modèle du CSARS, ou certaines de vos suggestions, alors il n'y aurait pas de contestation. Je ne suis pas convaincu que ce soit juste. Selon mon expérience, le rôle d'un avocat est de contester la légalité de ces choses par rapport à la Charte.
    Est-il vraiment juste de dire que, si nous acceptons ce que vous suggérez, il n'y aura de contestation de la part de personne? Peut-être que cela ne viendra pas de vous — vous comprenez — mais de quelqu'un d'autre, qui comprend les choses différemment et qui ressent le besoin de contester.
    Je vais commencer.
    Il y aura bien évidemment des avocats qui contesteront tout. J'appartiens à l'école qui ne conteste pas. Je n'entreprendrai pas quelque chose à moins d'avoir une perspective raisonnable de réussir. Je suppose que ce que je disais est que mon interprétation de la décision de la Cour suprême du Canada accepte qu'il puisse y avoir un décalage par rapport à la règle habituelle de la pleine divulgation à la personne. Ce que dit la Cour suprême est que l'actuel régime n'est pas le bon, parce qu'il existe de meilleures solutions, et j'en déduis que cela veut dire que le rôle du Parlement est de proposer la meilleure solution possible.
    Après tout notre travail de recherche, nous en sommes arrivés à la conclusion que la meilleure solution possible est quelque chose comme le CSARS. Si vous adoptiez quelque chose du genre, je ne pourrais pas me présenter devant la Cour suprême, après avoir rédigé ce rapport, et prétendre, avec la moindre crédibilité devant la Cour suprême, que ceci n'est pas assez bon, ma signature et celle du professeur Forcese étant apposées sur ce rapport.
    Il se pourrait que quelqu'un d'autre veuille malgré tout contester. Mon opinion personnelle est que la chose serait extrêmement difficile à faire si vous adoptez les amendements que nous vous avons recommandés.
    Tout le temps dont nous disposions est-il écoulé?
    Eh bien, vous avez 30 secondes.
    J'en suis heureux.
    Oh, je vois; il est 10 heures.
    Oui.
    Très bien. Merci beaucoup, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus comparaître devant le comité.
    Nous allons suspendre quelques instants la séance, pour laisser le temps aux autres témoins de venir s'installer.

    


    

  (1005)  

    Madame Basnicki, êtes-vous prête à commencer?
    Je ne sais pas ce qui est arrivé à nos autres témoins, mais autant commencer, car le temps nous est compté.
    J'aimerais la courtoisie de...
    Que tout le monde s'assoie. C'est ce que j'essaye d'obtenir pour que nous puissions reprendre nos travaux.
    Merci.
    Merci.
    J'ai été jadis hôtesse de l'air chez Air Canada et je veillais à ce que tout le monde m'écoute pendant la démonstration des procédures d'urgence...
    Je vois encore des personnes bavarder. Si vous avez une conversation importante, veuillez la tenir à l'extérieur de la salle. J'aimerais commencer.
    Veuillez vous présenter à tour de rôle. Tout le monde n'est pas encore arrivé.
    Madame Basnicki, la procédure habituelle ici est de 10 minutes. Ensuite, une fois que tous les témoins auront fait leur exposé, nous aurons une période de questions et commentaires.
    Merci.
    Vous pouvez commencer dès que vous serez prête.
    Bonjour.
    Je me nomme Maureen Basnicki. Mon mari, Ken Basnicki, un Canadien fier de l'être, a été assassiné par des terroristes d'al-Qaïda à New York le 11 septembre 2001, pendant qu'il assistait à une réunion au 106e étage de la Tour Nord du World Trade Centre. Ken a été l'un de 24 Canadiens assassinés ce jour-là.
    Je suis ici à titre de fondatrice de C-CAT, la Canadian Coalition Against Terror. C-CAT est une association militante non partisane composée de victimes canadiennes du terrorisme de tous horizons et de toutes confessions, ainsi que de professionnels du contre-terrorisme, d'avocats et personnes militant pour une politique antiterroriste canadienne renforcée.
    Mes propos à ce comité sur la question du terrorisme seront centrés sur les certificats de sécurité plutôt que les catégories plus larges d'inadmissibilité définies dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Je fais valoir que le rôle le plus crucial des certificats de sécurité réside dans la lutte contre le terrorisme, et en particulier la prévention d'actes terroristes.
    Lorsque le Canada expulse des non-ressortissants ayant des antécédents criminels, voire des auteurs de crimes de guerre, nous affirmons nos valeurs canadiennes et agissons pour préserver l'intégrité de notre société. Mais lorsque le Canada expulse des non-ressortissants lorsqu'il y a des motifs suffisants de croire qu'ils projettent d'assassiner des Canadiens, de paralyser nos métros, nos écoles et nos réseaux d'adduction d'eau, il ne s'agit plus seulement d'affirmer les valeurs canadiennes mais de sauver des vies.
    Lors de la plupart de mes comparutions précédentes devant des comités parlementaires et devant la Commission d'enquête sur Air India, j'ai témoigné au nom des victimes que nous représentons sur des questions liées au contre-terrorisme et aux droits des victimes de la terreur. Aujourd'hui, je suis venue parler au nom des Canadiens qui ne sont pas encore victimes et de leurs droits, parler du droit fondamental de chaque Canadien et de chaque être humain, celui de ne pas être victime d'une attaque terroriste. Cela est exprimé en termes plus généraux à l'article 7 de la Charte des droits, qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Il existe une obligation correspondante pour le gouvernement canadien de veiller à ce que ces droits soient protégés.
    Je souscris pleinement à cette phrase du ministre britannique Ian Pearson qui a déclaré, après les attentats à la bombe de Londres en 2005, que nul droit humain n'est plus sacré que celui de vivre car sans lui tous les autres droits sont impossibles.
    Ce serait donc une erreur que de percevoir le débat sur les certificats de sécurité comme uniquement un conflit entre les droits civils et les impératifs de sécurité. Ce discours occulte le fait que, en vérité, il s'agit d'un débat sur l'équilibre approprié à réaliser entre les droits de non-ressortissants du Canada sujets à un certificat de sécurité et les droits de tous les Canadiens qui sont des cibles potentielles d'un acte terroriste commis par un tel individu.
    C-CAT est d'avis que le projet de loi C-3, rédigé conformément aux directives de la Cour suprême du Canada et de deux comités parlementaires, a trouvé le juste équilibre entre la protection des droits de l'individu nommé dans un certificat et la protection des droits du Canadien ordinaire de ne pas devenir victime d'horreurs du type que moi et des centaines d'autres Canadiens avons vécu.
    Les certificats de sécurité confèrent aux autorités une plus grande latitude de veiller à ce que des individus qui ne sont pas des citoyens canadiens et sont soupçonnés d'avoir commis ou de préparer des délits parmi les plus graves, tels que des actes terroristes, ne puissent demeurer au Canada, disparaître dans la nature et nuire aux Canadiens.
    La faculté du gouvernement de détenir et de renvoyer du Canada des étrangers dangereux, tout en protégeant les informations sensibles, répond à un objectif national vital. C'est particulièrement vrai, à mon sens, si les certificats de sécurité permettent de prévenir un acte terroriste.
    Selon un rapport public du SCRS de 2003, la première priorité en matière de sécurité nationale est de nous préserver contre la possibilité d'une attaque terroriste commise au Canada ou planifiée sur son territoire. L'atout du projet de loi C-3 est qu'il fournit un outil pour protéger les citoyens canadiens tout en protégeant aussi les droits d'un individu faisant l'objet d'un certificat. De fait, on pourrait arguer que lorsqu'on compare les droits de l'individu nommé dans le certificat avec les droits des victimes potentielles, advenant que cet individu commette effectivement un acte terroriste, on pourrait facilement conclure que les droits de cette personne ont pris le pas sur ceux des victimes potentielles.

  (1010)  

    Voici quelques exemples.
    Premièrement, un individu détenu en vertu de la loi peut être libéré à tout moment dès lors qu'il accepte de rentrer dans son pays d'origine ou d'aller dans un pays tiers. Le choix appartient au détenu.
    Par contraste, les victimes potentielles de ces individus n'ont aucun choix. Elles ne peuvent choisir de quitter le lieu d'un attentat terroriste. Mon mari et 3 000 autres ce jour-là, à New York, n'ont eu aucun choix, pas plus que les 331 personnes assassinées dans l'attentat contre Air India.
    Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a expressément déclaré que la détention au titre d'un certificat de sécurité n'est pas un châtiment cruel et inhabituel si elle s'accompagne d'un mécanisme d'examen à intervalles réguliers de la détention. Le projet de loi C-3 a établi un tel mécanisme, d'ailleurs très équitable.
    Il me semble qu'une personne qui choisit de rester en détention jusqu'à l'aboutissement de la procédure, tout en bénéficiant de trois repas par jour, d'une cuisine bien pourvue, d'une salle d'exercice, d'une télévision, de visites de sa famille et de ministres du culte, ainsi que d'examens réguliers de sa détention et de la possibilité d'interjeter appel des décisions, tout cela aux frais du contribuable, ne subit pas un châtiment cruel et inhabituel.
    Mais une cruauté du type le plus inusité est précisément celle qui serait infligé aux Canadiens si un terroriste parvenait à glisser entre les mailles de notre système, une cruauté du type de celle qui a contraint des couples piégés dans le World Trade Centre de se jeter dans le vide du haut du 100e étage, en se tenant par les mains; une cruauté du type de celle qui a fait périr chaque homme, femme et enfant à bord du vol 182 d'Air Canada, soit sous l'effet immédiat de l'explosion de la valise piégée placée dans la soute soit par noyade dans l'océan Atlantique après une chute de plusieurs milliers de pieds.
    Je ne peux m'empêcher d'ajouter que, contrairement aux détenus qui ont accès aux services d'un psychiatre, les victimes canadiennes de la terreur et leurs familles ont dû payer de leur poche le soutien psychologique dont elles avaient tant besoin. Cette question a été soulevée par des membres des familles des victimes d'Air India qui ont témoigné lors de l'enquête sur Air India qu'elles avaient besoin de counselling après l'attaque mais n'avaient pas les moyens de payer de tels services.
    Enfin, tout individu faisant l'objet d'un certificat de sécurité a droit à un défenseur, qui aura accès à tous les éléments de preuve classifiés et pourra contester la décision ministérielle de les garder secrets, ainsi que leur pertinence, leur fiabilité, leur suffisance et leur poids. Mais pour les victimes potentielles de ce même individu, notre système juridique n'accorde aucun défenseur ni aucune aide autre pour répondre aux besoins juridiques des victimes après une attaque terroriste.
    Au total, étant donné les conséquences désastreuses et irréversibles qui attendent les citoyens canadiens si une erreur est commise en faveur de l'individu nommé dans un certificat et si cet individu commet ensuite un acte terroriste, le projet de loi C-3 accorde une marge de manoeuvre considérable à ces personnes.
    Si, aux yeux de certains le risque d'abus potentiel des certificats de sécurité l'emporte toujours sur le souci de sauver des vies réelles face à la menace très réelle de terrorisme, ils devraient réfléchir à ceci. En aidant les autorités à prévenir une attaque terroriste majeure, ces dispositions plutôt modestes protégeront notre système légal contre l'inévitabilité, suite à une attaque, de pressions encore plus grandes visant à promulguer des mesures encore plus strictes et controversées afin de mieux protéger les Canadiens contre des attaques subséquentes. Cet éventuel contrecoup, résultant en des lois encore plus dures qui iront beaucoup plus loin que le projet de loi C-3, constitue certainement un scénario que toutes les parties dans ce débat souhaitent éviter.
    Mesdames et messieurs, étant donné les défis sécuritaires sans précédent que présente le terrorisme, ainsi que certaines limitations évidentes de notre système de justice pénale lorsqu'il s'agit de poursuivre les auteurs et commanditaires d'attaques terroristes, nous avons un grand besoin des certificats de sécurité. Nous devons admettre que le terrorisme n'est pas juste une autre forme de criminalité ordinaire. Le terrorisme est différent de par sa portée, ses objectifs, ses méthodes et conséquences. La lutte contre le terrorisme a poussé à de nouveaux extrêmes ce que la Cour suprême a qualifié de « tension résidant au coeur de la gouvernance démocratique moderne » entre « les impératifs tant de la sécurité que de la gouvernance constitutionnelle responsable ».

  (1015)  

    Nous estimons que le projet de loi C-3 a trouvé un accommodement raisonnable et efficace qui tient compte de cette tension et répond aux exigences fondamentales des deux impératifs. Le terrorisme requiert l'emploi de technologies, politiques et structures légales spéciales afin de protéger les Canadiens. Le projet de loi C-3 est un pas très positif dans cette direction et, au nom de C-CAT et des victimes de la terreur que nous représentons, nous voulons exprimer notre soutien à ce projet de loi.
    Nous entendons ensuite un représentant de la Canadian Muslim Lawyers Association.
    Veuillez vous présenter, monsieur, et faire votre exposé. Merci.
    Bonjour à tous. Merci de prendre le temps d'écouter notre témoignage.
    Je crois que je subis la concurrence de Karlheinz Schreiber, et je ne vais probablement pas rencontrer une grande attention aujourd'hui. C'est comme affronter Mike Tyson, en quelque sorte, avec des menottes aux mains. Je ferai de mon mieux. Je crois que beaucoup de gens ici veulent aller voir là-bas. Je crois que j'irai moi-même après.
    Je me nomme Ziyaad Mia. Je suis le président du Comité de recherche et de défense de la Canadian Muslim Lawyers Association. Je suis également ancien membre du conseil d'administration de cette association. Nous nous occupons depuis plusieurs années déjà de la politique et de la législation en matière de sécurité nationale. Nous avons témoigné au sujet de la Loi antiterroriste, de la Loi sur la sécurité publique, des certificats de sécurité et nous avons cherché à travailler dans un esprit de coopération pour tenter de concevoir une législation et une politique sécuritaires qui soient conformes aux valeurs canadiennes.
    Aujourd'hui nous avons le plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-3. Je commence par signaler, et je crois que plusieurs autres vous l'ont déjà dit aussi, que j'ai reçu plusieurs messages personnels et appels téléphoniques émanant de nombreux autres groupes qui s'intéressent directement à cet enjeu, plus directement encore que mon organisation, car ils représentent certains des détenus et leurs familles et peuvent traiter directement de ces questions. Je ferai de mon mieux, mais je ne puis reproduire ce qu'ils pourraient vous dire eux-mêmes.

[Français]

    Monsieur le président, avant que nous commencions, j'ai un rappel au Règlement. Avez-vous la traduction française du document qui nous a été distribué?

[Traduction]

    Nous n'avons pas distribué de document, monsieur. Vous avez dû l'obtenir illégalement.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Je ne sais pas comment vous avez mis la main dessus. Peut-être était-ce en dehors de la salle, ce qui ne pose pas de problème. Je disais cela en plaisantant, oui.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, je vais prendre une seconde pour répondre à cela.
    J'ai remis mon texte à de nombreux membres du comité. J'ai rencontré certains d'entre eux hier et je leur ai remis une copie. Monsieur le président, je suis coupable de vous avoir oublié, mais je vous en remettrai une en dehors de la salle afin de n'enfreindre aucune règle. J'ai remis le texte au greffier et il aura la traduction prête sous peu. Étant donné les délais serrés, je n'ai pas pu vous fournir le texte à temps pour le faire traduire.
    Bien. Allez-y.
    Nous avons rédigé un mémoire sur ce projet de loi, mais je veux simplement réitérer que maints de ces groupes m'ont appelé personnellement. Je tiens à faire savoir que beaucoup de gens dans ce pays considèrent qu'il s'agit là d'un processus hâtif, inutilement hâtif, qu'ils pourraient contribuer des points de vue utiles et que vous devriez inviter à comparaître des personnes en contact direct avec les détenus — et j'irais même jusqu'à dire les détenus eux-mêmes.
    J'aimerais consacrer quelques minutes dans cette introduction à traiter de l'élément humain. J'ai rencontré certaines de ces personnes. Je suis allé à leur domicile. Je suppose que lorsqu'on n'a pas le contact humain, il est facile de transformer quelqu'un en effigie d'un danger qu'elle représenterait, mais lorsque vous voyez les effets humains, ce n'est pas aussi facile que l'on pense.
    La Canadian Muslim Lawyers Association — et j'irai plus loin en affirmant que cela vaut pour la communauté musulmane de ce pays, les Musulmans Canadiens — est pleinement d'accord avec Mme Basnicki. Nous rejetons sans équivoque la violence, contre tous les civils, de la part d'acteurs étatiques et non étatiques, partout sur cette terre. Mon organisation adhère fondamentalement à la règle de droit et à la responsabilité gouvernementale. À titre d'avocat, et c'est peut-être un peu sirupeux, je continue d'épouser ces principes et je ne crois pas qu'il y ait réellement un équilibre à chercher. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'en faire un jeu à somme zéro en disant qu'il faut compromettre nos libertés civiles ou nos valeurs fondamentales pour rendre le pays plus sûr. Vous venez d'entendre M. Forcese et M. Waldman — et je traiterai également de ces aspects — dire que, dans la pratique, lorsque nous renforçons les valeurs de ce pays, alors nous ajoutons à la sécurité des Canadiens. Lorsque nous pratiquons le secret, nous avons l'obscurité.
    Je ne sais pas si ces hommes sont innocents ou non, et je peux vous dire que certains des sujets de ces certificats m'ont dit explicitement: « Lorsque vous irez parler à ces gens, ce sont des gens importants. Dites-leur que je ne demande pas à être libéré. Ce n'est pas ce que je demande. Je demande un procès équitable et, si j'ai fait quelque chose de mal, alors tant pis ».
    Je peux vous dire aussi que l'un de ces hommes aime ce pays; bien qu'il y soit détenu depuis de nombreuses années et loin de sa famille, il aime ce pays et ce qu'il représente en théorie. Je voulais simplement que cela se sache.
    Dans mon texte, vous remarquerez que j'introduis un peu de littérature, un peu d'éclat, en citant le fameux livre de Franz Kafka, le procès. La première phrase — je vous la lis — dit ceci: « Quelqu'un a dû raconter des mensonges au sujet de Joseph K., car sans avoir rien fait de mal, il s'est vu arrêté un beau matin ».
    Je trouve cela très frappant lorsque je travaille sur le mécanisme des certificats de sécurité et que je parle à ces familles. Elles se retrouvent prises dans cette toile d'absurdité. On vous dit que vous êtes une mauvaise personne. Vous avez fait X, Y et Z, mais il n'y a aucune moyen pour vous de vous frayer un chemin hors de ce sac de papier. C'est frustrant en tant qu'être humain. C'est frustrant pour moi, en tant qu'avocat, car cela viole tous les principes de droit que l'on m'a jamais enseignés. Nous savons ce que Paul Bernardo et Karla Homolka ont fait. Nous avons vu les preuves. Ils ont eu un procès public. Karla Homolka a passé moins d'années en prison que tous ces hommes cumulativement.
    Tout ce que nous demandons, c'est un procès équitable et c'est à cela que se résume notre témoignage.
    Je vais passer rapidement en revue le contenu de mon mémoire, mais je vous demande de le lire si vous pouvez. Mes recommandations détaillées figurent à la page 10 du texte. J'y traite de ce que la Cour suprême a présenté, à mon sens, comme feuille de route et jalons à suivre par le Parlement pour la refonte de cette loi et je vais en dire quelques mots.
    Notre position principale — et je crois que M. Allmand va s'en faire l'écho — est qu'il est fondamentalement pernicieux de traiter les citoyens et les non-citoyens de manière différente lorsqu'il est question de sécurité nationale. La question de l'immigration est maintenant devenue subsidiaire. Je sais que, pour diverses raisons, la Cour suprême a rendu ce jugement et nous sommes maintenant lancés sur cette voie; je suis prêt à formuler des recommandations mais je tiens à déclarer pour le procès-verbal que notre position principale est celle-ci: la Chambre des lords a clairement suivi la loi jusqu'à son aboutissement logique, à savoir que lorsqu'il y a une menace égale émanant d'un citoyen et d'un non-citoyen, vous ne pouvez traiter plus durement les non-citoyens, car cela met ensuite en jeu des questions d'entrave minimale similaires à celles que nous avons dans la Charte.
    Le jugement Charkaoui abordait les certificats de sécurité et je crois que la juge en chef McLachlin a posé un certain nombre de jalons, dirais-je, fixant au Parlement des orientations à suivre. Je vais en évoquer quelques-unes seulement, car je dispose de peu de temps.
    En gros, tout mécanisme substitué à un procès libre et ouvert doit être réel, substantiel et permettre la participation éclairée du sujet. Le juge en chef McLachlin a dit ensuite ce que nous savons tous: la justice fondamentale, à l'article 7, c'est que tout avocat connaît, car elle remonte à la common law d'il y a 400 ou 500 ans — à savoir que pour se défendre pleinement il faut connaître les preuves contre soi et avoir la possibilité de les réfuter. Ces principes ont été posés il y a déjà très longtemps en Angleterre, lorsqu'existait encore le droit des monarques.

  (1020)  

    Cela va donc plus loin que la Charte, remonte à beaucoup plus loin. Ce sont là nos jalons aux fins de la rédaction de cette loi.
    Est-ce que le projet de loi les respecte? Non, je ne pense pas qu'il permette une réponse et défense complètes. Je ne pense pas qu'il remplisse la condition de la connaissance et de la réfutation, et je pourrais parler de cela plus en détail lors de la discussion.
    Les recommandations que nous formulons... Je vais les passer en revue rapidement — nous pourrons entrer davantage dans les détails lors de la période des questions — vous demandent d'assurer une représentation substantielle. Les autres témoins en ont parlé. Vous ne pouvez empêcher la communication entre le défenseur et le sujet une fois qu'ils ont connaissance de la preuve.
    Je pense qu'il y a des façons de contourner le problème. Le CSARS en a fait la preuve. M. Cavalluzzo l'a démontré lors de la Commission Arar. Je pense que nous l'avons vu dans le témoignage de ce matin, et je ne vais donc pas donner d'exemples de la façon dont on peut rendre ce processus robuste et organique. Tous les avocats savent cela. C'est pourquoi votre client... J'entends par-là qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une relation avocat-client, mais la relation entre vous et la personne que vous représentez doit être continue et saine.
    C'est la meilleure façon de chercher la vérité car, en fin de compte, je crois que nous convenons tous que la procédure contradictoire est une recherche de la vérité. Lorsque nous découvrons la vérité, si ces hommes sont coupables de quelque chose, alors oui, nous serons plus en sûreté. S'ils ne le sont pas, ne gaspillons pas nos ressources à courir après des chimères et à persécuter des familles essentiellement innocentes. Ainsi, la recherche de la vérité devrait être notre pierre angulaire.
    Les ressources et l'indépendance — je crois que d'autres en ont parlé, à savoir que la liste devrait être dressée indépendamment du gouvernement, que les intéressés devraient pouvoir choisir et un certain nombre d'autre choses, que les défenseurs devraient disposer de ressources et de personnel afin de pouvoir faire un travail efficace. Je vous laisse le soin de lire cela, et nous pourrons en parler ensuite.
    J'ai été heureux de lire la transcription du témoignage de M. Day dans lequel il a déclaré que nous n'approuvons pas les preuves arrachées sous la torture, ni l'emploi de la torture. C'est exactement l'engagement pris par le Canada au titre de la convention contre la torture, du droit international des réfugiés et des normes suprêmes du droit international, qui sont fondamentalement des normes morales que nul ne peut transgresser en droit international. Si nous nous accordons sur tout cela, pourquoi ne pas le mettre simplement par écrit? Je crois que cela apporterait plus de certitude et d'assurance si nous l'écrivions. M. Day a convenu que nous n'utilisons pas les preuves arrachées sous la torture, alors écrivons le noir sur blanc.
    J'ajouterais également que dans l'exception Suresh la Cour suprême a entrouvert la porte en disant que nous ne renvoyons pas les gens dans un pays où ils risquent la torture, sauf dans certaines circonstances. Cela est une violation de la convention contre la torture, de nos traités internationaux en matière de réfugiés et des normes contraignantes.
    Je crois que la Cour suprême a commis là une erreur, une erreur embarrassante qu'il faut maintenant corriger. Le Parlement peut prendre l'initiative à cet égard. Je pense que vous avez dans vos mains la possibilité de légiférer pour faire disparaître cette possibilité, de réaffirmer la morale et de dire que nous ne renvoyons personne à la torture. Inscrivez cela ici et le problème sera réglé, car nous avons aujourd'hui le problème où des avocats du ministère public demandent à expulser des gens vers la torture.
    Je garde les autres recommandations pour plus tard. Je terminerai simplement en disant que nous avons besoin d'une procédure équitable et efficace et que je vous invite à rendre visite personnellement à ces gens chez eux, dans leur foyer, et je peux organiser cela. Ils ne sont pas aussi effrayants qu'on veut le faire croire. En fin de compte, ce sont des êtres humains comme vous et moi.
    J'ai reçu un appel la veille de mon départ pour vous rencontrer de l'un de ces messieurs. Il m'a dit « s'il vous plaît », dites-leur — leur, c'est vous — « que ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Mes enfants sont maintenant prisonniers ». Il ne peut aller dans sa cour. Il n'a pu se rendre aux prières de l'Eid. Bien qu'il suive toute les règles, on lui refuse purement et simplement.
    Donc, en fin de compte, ce qui est en jeu, ce sont les familles et la justice.
    Je répondrai volontiers à vos questions.

  (1025)  

    Merci.
    Pour finir, nous donnons la parole à l'International Civil Liberties Monitoring Group. Allez-y, monsieur, dès que vous serez prêt.
    Merci, monsieur le président. Veuillez excuser mon retard. J'ai été coincé pendant une heure sur la 417, à l'entrée d'Ottawa, à cause d'un accident devant moi.
    Je suis Warren Allmand. J'accompagne Roch Tassé, représentant l'International Civil Liberties Monitoring Group, qui est une coalition de plus de 30 ONG, syndicats, groupements religieux et autres organisations de la société civile qui se sont rassemblés après le 11 septembre 2001 pour surveiller l'effet des mesures antiterroristes sur les droits de la personne et militer contre les violations des normes nationales et internationales en matière de droits de la personne.
    Comme vous le savez, le 23 février 2007, la Cour suprême a jugé à l'unanimité que les certificats de sécurité utilisés pour détenir des suspects de terrorisme sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés étaient anticonstitutionnels. Les certificats permettaient aux fonctionnaires de recourir à des audiences de tribunal secrètes, des allégations non prouvées, des peines de prison indéfinies et des expulsions sommaires à l'égard de ressortissants étrangers accusés d'avoir des liens terroristes.
    La juge en chef McLachlin, s'exprimant pour l'ensemble de la Cour, a statué que les procédures d'examen du caractère raisonnable d'un certificat de sécurité contrevenaient à l'article 7 de la Charte. Elle a ajouté, au début de son jugement :
Le droit à une audition équitable comprend le droit à une audition devant un magistrat indépendant et impartial, qui rend une décision fondée sur les faits et sur le droit, le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d'y répondre. Bien que les procédures établies par la LIPR tiennent compte, à bon droit, des exigences propres au contexte de la sécurité, les questions de sécurité ne peuvent servir à légitimer, à l'étape de l'analyse fondée sur l'article 7, une procédure non conforme à la justice fondamentale. En l'occurrence, le régime établit par la LIPR inclut une audition et satisfait à l'exigence de l'indépendance et de l'impartialité du juge, mais le secret requis par le régime empêche la personne désignée de savoir ce qui lui est reproché et, partant, de contester la thèse du gouvernement.
    Un peu plus loin, au paragraphe 54 de ses attendus — et je pense qu'il importe de citer le passage — elle écrit :
Sous le régime du certificat établi dans la LIPR, il est possible que la personne désignée n'ait pas accès à la totalité ou à une partie des renseignements produits contre elle, ce qui l'empêche de savoir ce qu'elle doit prouver. Il se peut que, privée de cette information, elle ne soit pas en mesure de corriger les erreurs, relever les omissions, attaquer la crédibilité des informateurs ou réfuter les faussetés.
    Au paragraphe 64, elle dit :
... le principe selon lequel une personne dont la liberté est en jeu doit savoir ce qu'on lui reproche. En l'espèce, ce principe n'a pas été simplement restreint, il a été vidé de sa substance.
    Ce sont là ses termes: « a été vidé de sa substance ». Elle poursuit :
Comment peut-on réfuter des allégations dont on ignore tout?
    Elle continue en disant que cette violation de l'article 7 et des articles 9 et 10 n'est pas légitimée par l'article 1 de la Charte. Comme vous le savez, il est possible de contrevenir à certains articles de la Charte à condition de respecter les normes de l'article 1. Elle dit que ces atteintes ne sont pas conformes à l'article 1 et sont donc invalides.
    Enfin, elle statue que la déclaration est suspendue pendant un an à compter de la date du jugement, afin de donner le temps au gouvernement de mettre en place une procédure qui répond aux exigences de la Constitution.
    La seule différence majeure entre le projet de loi C-3 et la loi antérieure est l'introduction du défenseur. Les dispositions qui empêchent la personne de savoir ce qu'on lui reproche restent inchangées. Par conséquent, après un examen attentif, on est forcé de conclure que cette disposition — la disposition du défenseur — ne surmonte pas les arguments de la Cour suprême et sa déclaration d'illégalité. Elle ne sauve pas ou n'assainit pas le mécanisme du certificat de sécurité. Il n'y a toujours pas de garantie de procédure et les articles 7, 9 et 10 de la Charte ne sont toujours pas respectés.

  (1030)  

    Monsieur le président, l'affirmation que la Cour suprême a recommandé cette solution, la solution du défenseur telle qu'établie dans ce projet, est fausse. La juge en chef McLachlin a fait référence à plusieurs modèles possibles — le modèle du CSARS , les articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada, le mécanisme employé lors du procès d'Air India, celui employé lors de l'enquête Arar, et le système de l'avocat spécial du Royaume-Uni — mais elle n'a donné son approbation à aucun d'entre eux.
    Au paragraphe 87 de son jugement, elle écrit :
Des mécanismes conçus au Canada et à l'étranger démontrent que le législateur peut faire mieux qu'il ne l'a fait dans la LIPR pour protéger les individus tout en préservant la confidentialité des renseignements sensibles. C'est au législateur qu'il appartient de déterminer précisément quels correctifs doivent être apportés, mais il est évident qu'il doit faire davantage pour satisfaire aux exigences d'une société libre et démocratique.
    Puis, au paragraphe 61, toujours sur le même sujet, elle dit :
La non-communication dans le contexte de la sécurité nationale, dont l'étendue peut être assez vaste, ajoutée aux graves atteintes portées à la liberté d'une personne détenue, rend difficile, voire impossible, le recours à une solution de rechange qui satisfasse à l'article 7. La justice fondamentale exige que soit respecté, pour l'essentiel, le principe vénérable voulant qu'une personne dont la liberté est menacée ait la possibilité de connaître la preuve produite contre elle et d'y répondre.
    Puis, à la fin de ce paragraphe, elle écrit :
Pour respecter l'article 7, il faut soit communiquer les renseignements nécessaires à la personne visée, soit trouver une autre façon de l'informer pour l'essentiel. Ni l'un ni l'autre n'a été fait en l'espèce.
    Bien entendu, elle parle là de la situation qui était en place avant le pourvoi en Cour suprême.
    Monsieur le président et membres du comité, sous le régime du projet de loi, un juge peut toujours autoriser un certificat de sécurité sur la base d'allégations vagues et indéfinies plutôt que d'accusations précises, sur la base de renseignements secrets et de valeurs douteuses. Et le projet de loi n'interdit pas, comme mon collègue vient de le dire, l'usage de renseignements arrachés sous la torture.
    Le projet de loi C-3 constitue une dérogation sérieuse aux valeurs juridiques de ce pays car il trahit la relation avocat-client exigée par la Charte: la personne ne choisit pas le défenseur qui lui est attribué. Le projet de loi donne des pouvoirs accrus aux agents de police et de renseignement, lesquels ont commis dans le passé de graves erreurs; et il peut aboutir à une détention de durée indéterminée sur la base d'une faible norme de preuve. La norme de preuve, comme vous le savez, est le caractère raisonnable du certificat, et non une preuve irréfutable.
    Ceux qui produisent l'information à l'appui des certificats de sécurité sont les mêmes que ceux qui ont dit que Maher Arar et sa femme étaient des extrémistes islamistes liés au mouvement terroriste al-Qaïda; que M. Arar était à Washington le 11 septembre 2001, alors qu'il était à San Diego; qu'il était venu de Québec lorsqu'il a pris un café à Ottawa avec M. Almalki, alors qu'il vivait à Ottawa; qu'il avait refusé un entretien avec la police, alors qu'en fait il avait accepté l'entrevue en compagnie de son avocat; et qu'ensuite il était parti soudainement en Tunisie, après cette demande d'entretien, alors qu'en fait il n'est parti que cinq mois plus tard.
    Je vous le demande, membres du comité, est-ce là le type de renseignements sur lesquels fonder une détention de longue durée? Aux termes du projet de loi C-3, le défenseur aurait accès aux renseignements secrets mais ne pourrait en parler avec la personne concernée. Non seulement cette dernière n'aura-t-elle pas l'occasion de les réfuter ou de justifier ses actes, mais elle n'aura la possibilité de produire aucune autre preuve à l'appui de ses affirmations. Les informateurs pourraient même écarter certains renseignements positifs qui pourraient être utiles à l'intéressé, simplement pour renforcer leur argumentation contre lui.
    Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976, stipule ce qui suit, à l'article 14, paragraphe 3(a). « Toute personne a droit... à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle ».

  (1035)  

    Je vous demande pardon?
    Veuillez conclure.
    Oh, d'accord.
    Je vous renvoie par ailleurs aux articles de la Convention contre la torture.
    Je conclurai, monsieur le président, en disant que ce qui rend ce projet de loi encore plus inacceptable est le fait qu'aucune des recommandations formulées par le juge O'Connor dans son rapport sur l'enquête Arar, il y a plus d'un an, n'a été suivie. Il recommandait un organe de surveillance et d'examen de toutes les agences recueillant des renseignements de sécurité. Cela n'a pas été fait. Si cela avait été fait, nous pourrions avoir davantage confiance dans la qualité des renseignements présentés aux fins des certificats de sécurité.
    Mon dernier mot sera pour dire que le projet de loi C-3 ne remplit pas les exigences de l'arrêt de la Cour suprême rendu par neuf voix contre zéro, en février dernier. J'allais parler de la manière dont nous traitons les citoyens canadiens. Nous devons les traduire en justice dans des tribunaux judiciaires et ils peuvent être aussi dangereux ou pires que des immigrants ou des ressortissants étrangers, mais nous sommes obligés de prouver nos accusations en tribunal dans le respect de toutes les garanties de procédure, monsieur le président, et ce n'est pas le cas avec ce projet de loi.
    Merci.
    Vous n'avez pas remis de mémoire, monsieur.

  (1040)  

    Non.
    Monsieur Dosanjh.
    Je n'ai qu'une question, et j'aimerais que les trois témoins y répondent, s'ils le veulent bien.
    Je ne sais pas si vous connaissez tous le rapport que nous ont remis les deux témoins précédents, M. Waldman et M. Forcese. De façon générale, si nous pouvions appliquer toutes leurs recommandations, diriez-vous que les préoccupations des deux derniers témoins, M. Mia et M. Allmand, n'auraient plus de raison d'être?
    Je sais que Mme Basnicki a dit que le projet de loi C-3 est bon, mais si on pouvait l'améliorer par consensus général, pensez-vous qu'il faudrait le faire?
    Tout ce que l'on peut faire pour réaliser l'équilibre délicat qu'exige le dilemme que nous avons au Canada serait certainement apprécié. Je considère, selon ma lecture du projet de loi — et pardonnez-moi, je n'ai pas les connaissances juridiques que vous êtes nombreux à posséder — et selon l'explication que l'on m'en a donnée, que nous avons trouvé un bon équilibre à l'heure actuelle.
    Les améliorations seront les bienvenues, mais voilà ce que nous recherchons en fin de compte.
    J'ai lu le texte de Lorne et Craig, et je souscris à tout ce qu'ils y disent, mais j'aurais un certain nombre d'autres... J'y ajouterais l'exception Suresh et un certain nombre d'autres choses. Je ne veux pas dresser toute la liste ici.
    Comme nous l'avons signalé dans notre mémoire, vu le court préavis, nous n'avons pas pu tout vous donner. Il faudrait réellement un délai suffisant pour s'asseoir et travailler là-dessus. Il n'y a pas eu beaucoup de consultations avec des juristes ou des membres de la communauté touchés par cette législation. Nous l'avons vue, et j'ai rédigé ce mémoire et je me suis précipité ici.
    Je prendrais les changements proposés par Craig et Lorne, j'y ajouterais l'exception Suresh et quelques autres, mais je souscris en tout cas à ces recommandations.
    J'ai lu ces propositions mais je n'ai pas réellement eu le temps de les examiner en profondeur. J'ai également vu les amendements proposés par le Parti libéral et le Bloc québécois.
    Il me semble que ces amendements amélioreraient le projet de loi, mais ne suffiraient pas à respecter les normes énoncées dans l'arrêt de la Cour suprême. Je pense que le projet de loi en serait meilleur, mais il ne répondrait toujours pas aux normes du jugement.
    Merci.
    Merci beaucoup. Merci à vous tous d'être venus nous rencontrer. Nous apprécions toujours les témoignages. Nous savons que nous sommes tenus par des délais très serrés, car le gouvernement n'a pas demandé de prolongation.
    Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à Warren Allmand, qui est un ancien solliciteur général du Canada et a présidé ce comité pendant de nombreuses années. Je suis toujours ravie de vous voir ici.
    Aux fins du procès-verbal, madame Basnicki, je ne sais pas si vous vous sentez à l'aise pour vous prononcer, mais j'aimerais que chacun des témoins nous indique pour le procès-verbal s'ils estiment que le projet de loi actuel est constitutionnel, résisterait en sa forme actuelle à une contestation en vertu de la Constitution. C'est juste pour le procès-verbal, madame Basnicki, si vous choisissez de répondre.
    La question est-elle de savoir s'il remplit les exigences constitutionnelles?
    Oui.
    Je ne connais pas les exigences constitutionnelles.
    C'est compréhensible.
    Et les autres...?
    Non, je ne le crois pas et j'ai cité certains passages des attendus du jugement du juge en chef McLachlin. À mon sens, le projet de loi ne remplit pas ces conditions. Je pense qu'il contrevient toujours aux articles 7, 9 et 10.
    Et M. Mia?
    Le projet de loi actuel — et si je savais ce que la Cour suprême va faire, je connaîtrais également le numéro gagnant de la loterie la semaine prochaine et je ne serais pas en train de faire ceci...
    Comme je l'ai mentionné, elle a dit que la loi de remplacement doit être significative, substantielle, autoriser une participation éclairée et remplir les deux grands critères de la justice fondamentale, soit la connaissance et la réplique. Le projet de loi ne donne pas cela et j'ai indiqué dans ma présentation en quoi elle omet de répondre à cette condition fondamentale.
    Pourrais-je vous demander, monsieur Allmand, ce que vous pensez du fait que tous les détails relatifs au défenseur sont relégués dans le règlement plutôt que de figurer dans la loi elle-même?
    Je n'ai pas examiné cet aspect.
    Mon point de vue est que si un citoyen canadien — et vous pouvez être citoyen canadien et ne jamais vivre ici; vous pouvez être né de parents canadiens et passer toute votre vie à l'étranger... Si c'est un citoyen canadien qui est soupçonné de terrorisme, il faut passer par le système de justice pénale, l'accuser d'un délit et le faire condamner. À mon sens, la même chose devrait s'appliquer aux immigrants admis et aux non-ressortissants qui sont chez nous avec le statut de résident.
    Comme je l'ai dit, nombre d'entre eux sont chez nous depuis plus longtemps. Je connais des résidents permanents qui vivent au Canada depuis 30 ans. Je connais des citoyens canadiens qui, parce qu'ils sont nés ici pendant des vacances ou nés de parents canadiens, n'ont quasiment jamais mis les pieds au Canada. Ceux-là bénéficieraient d'un système, et puis l'on aurait un autre système pour ceux qui ne sont pas des citoyens canadiens, un système qui suspend toutes les garanties de procédure.
    Mon argument est qu'il faudrait avoir un système pour tout le monde, soit le système pénal.

  (1045)  

    Madame Basnicki, avez-vous un court commentaire avant que nous passions à M. Ménard?
    Peut-être un éclaircissement.
    Nous ne parlons pas d'un procès criminel, où une personne risque d'être mise en prison en guise de châtiment. Le Canada n'est pas obligé d'autoriser des étrangers à séjourner au Canada. Lorsque nous parlons de certificats de sécurité, ne parlons-nous pas de leur droit de séjourner au Canada? Il ne s'agit pas du tout d'un procès criminel.
    D'accord.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord offrir mes sincères condoléances à Mme Basnicki pour ses souffrances.
    Vous êtes très éloquente et sincère lorsque vous reconnaissez les limites de vos connaissances en droit. Pour vous consoler, je vous dirai que je pratique le droit depuis 1966, que j'ai été ministre de la Justice et que j'ai eu énormément de difficulté à comprendre ces différents projets de loi. J'ai donc dû les relire plusieurs fois pour en comprendre toutes les implications. Je crois que vous allez nous faire un petit peu confiance.
    Je voudrais dire à tous les témoins qu'après avoir lu le projet de loi du gouvernement, je crois qu'il serait contesté avec succès devant la Cour suprême du Canada. Pour le moment, mon but est vraiment de chercher à l'améliorer afin qu'il passe le test de la Cour suprême, s'il y avait une consultation. La Cour suprême reconnaît qu'on a besoin d'une procédure spéciale, qu'on a besoin d'avoir recours à des moyens de preuve inhabituels, mais indique que notre processus doit se rapprocher le plus possible de celui des procès criminels.
    Je vais poser des questions pointues; voici la première. Je comprends que vous êtes tous contre l'utilisation d'une preuve qui a été obtenue suite à de la torture. Je remarque cependant que les témoins qui viennent devant nous, lorsqu'ils écrivent un texte, parlent des déclarations qui ont été obtenues par la torture.
    Que pensez-vous de la preuve matérielle? Je vous donne un exemple concret. Imaginons que dans un pays comme la Syrie on ait trouvé un important dirigeant d'une organisation terroriste, et qu'après l'avoir torturé, on soit allé chez lui et qu'on y ait trouvé une cachette dans laquelle il y avait des informations sur le réseau qu'il dirigeait. Dans cette cachette, on aurait trouvé les noms de code, les façons de communiquer avec les gens et de les identifier. Évidemment, la cassette ou les informations parleraient d'elles-mêmes.
    Croyez-vous que dans de telles circonstances, une preuve matérielle puisse être effectivement prise en considération par le juge à qui on la soumet?

[Traduction]

    L'article 14 de la Convention contre la torture dit que l'on ne peut pas. Nous avons ratifié la convention, et il n'y a pas de dérogation possible à la convention.
    Une fois que l'on ouvre la porte à l'usage de la torture dans l'esprit des policiers ou agents des services de renseignement... L'exemple que vous donnez ici en est où il était utile d'avoir trouvé les éléments de preuve. On peut espérer qu'il aurait été possible de trouver les preuves par d'autres façons, par de bonnes techniques d'enquête. Mais d'ouvrir la porte à l'usage de la torture va totalement à l'encontre de la convention.
    Si nous n'aimons pas la convention, que le Canada la dénonce, mais ne soyons pas hypocrites en disant que nous sommes pour la convention en même temps que nous cherchons à la contourner.

  (1050)  

[Français]

    Ma question était plus précise: le juge pourrait-il s'en servir? Votre réponse est aussi claire qu'elle peut l'être: non, il ne pourrait pas s'en servir.
    D'autre part, vous comprenez que les services de sécurité, eux, cherchent à avoir connaissance des menaces qui pèsent sur nous. Je pense que vous comprenez très bien la différence qui existe entre le rôle des services de sécurité et le rôle de la police. La police cherche des preuves pour porter des accusations. Les services de sécurité cherchent non seulement des preuves, mais ils cherchent aussi des indices. Ils font des approximations pour mesurer le danger et adopter des mesures pour que ces dangers ne deviennent pas réalité.
    Comprenez-vous que dans ces circonstances, les services de sécurité, lorsqu'ils cherchent à prévenir des actes terroristes, risquent d'utiliser ces informations, ne serait-ce que pour surveiller les personnes qui sont là, ou encore compléter leurs enquêtes?

[Traduction]

    J'apprécie la question, monsieur Ménard. Vous parlez ici de ce que l'on appelle, dans le monde de la preuve, une preuve dérivée; je vous torture avec acharnement, vous me dites quelque chose, et je ne puis utiliser cet élément mais il me conduit à quelque chose d'autre — une preuve secondaire, dérivée.

[Français]

    C'est exact.

[Traduction]

    Je suis opposé à cela pour plusieurs raisons. Premièrement, le pendant en droit pénal et dans la jurisprudence reposant sur la Charte, et même aux États-Unis celle reposant sur la Bill of Rights, veut que la preuve dérivée ne soit pas admissible, car à toutes fins pratiques vous permettez à la police ou aux services de sécurité ou autres d'enfreindre la loi, puisqu'ils savent qu'ils peuvent obtenir ce qu'ils veulent indirectement. Ils vont vous torturer et ne vont pas utiliser la preuve primaire, mais vont néanmoins récolter les fruits.
    Je crois que c'est aux États-Unis qu'on a inventé l'expression « les fruits de l'arbre empoisonné ». Nous ne cueillons pas les fruits de l'arbre empoisonné, car la source est amorale. Si nous voulons décourager le recours à la torture pour arracher des preuves, la meilleure façon est réellement de dire: si vous jouez à ce jeu, rien n'est admissible. C'est une façon d'étouffer la chose dans l'oeuf.
    Je sais que l'on assiste à une danse académique autour de ce thème, avec M. Dershowitz qui a commencé à faire de la torture un sujet de débat à la mode, mais cela ne marche pas. En tant qu'avocat il se trompe fondamentalement car nous savons tous que, sauf dans de rares circonstances, la torture produit des preuves non fiables — nous l'avons vu dans le cas d'Arar — et elle est fondamentalement immorale; et troisièmement, elle est improductive car je pense que nous finissons par... Tout le débat sur la torture aux États-Unis, telle que pratiquée dans la guerre contre la terreur, tourne autour du fait que lorsque on enfreint les règles morales et juridiques du monde, on envoie à d'autres le signal d'en faire autant. Je pense que c'est pour cela qu'il faut se montrer intraitable.
    Il vous reste une demi-minute.

[Français]

    Je comprends tout cela et je suis d'accord avec vous. Toutefois, vous reconnaîtrez qu'il peut y avoir, dans les circonstances, des informations qui, une fois qu'on les a trouvées, sont d'une telle nature que quelqu'un peut être convaincu qu'elles sont vraies.
    Je comprends votre point de vue et j'admets que cela ne pourrait pas être utilisé comme preuve pour détenir quelqu'un. Toutefois, comprenez-vous que les services de sécurité pourraient en tirer leurs propres conclusions et, par conséquent, organiser une défense, organiser leur surveillance et orienter leurs enquêtes en fonction d'une preuve objective qui, indépendamment de la façon dont on l'a obtenue, pourrait nous fournir des informations extrêmement utiles?

[Traduction]

    Il n'y a du temps que pour une courte réponse.
    Madame Basnicki.
    J'aimerais poser une question à M. Ménard. Je ne suis pas juriste comme vous, comme ma collègue et comme beaucoup d'autres dans cette salle, mais voici mon opinion.
    C-CAT n'approuve pas la torture, mais dans une situation où les renseignements donnent des motifs raisonnables de croire qu'un non-ressortissant du Canada peut représenter un danger pour les Canadiens, le Canada est dans son bon droit lorsqu'il utilise ces renseignements pour interdire son territoire à une telle personne.
    Les juges sont là pour évaluer la qualité de ce renseignement. Je fais confiance aux juges. Nous devons considérer que les juges vont former une opinion juste sur l'admissibilité de la preuve.
    Quelqu'un d'autre a-t-il un commentaire?
    Malheureusement, je n'ai pas apporté avec moi le texte de la Convention contre la torture. Je l'ai relu hier soir. Mais même sur ce dernier point, ce qui est suggéré est une violation de la Convention contre la torture. Soit nous adhérons à la convention soit nous n'y adhérons pas, mais ne soyons pas hypocrites.
    J'approuve certains des amendements préconisés. Inscrivez au moins dans le projet de loi que les preuves obtenues par la torture ne peuvent fonder un certificat de sécurité, et c'est pourquoi il faut que les preuves puissent être contestées.
    Par exemple, si la personne nommée dans le certificat ne sait pas en quoi consistent les éléments à charge, le type d'information utilisées contre elle et ne peut les réfuter, alors il n'y a pas de procédure équitable.

  (1055)  

    Monsieur Mia, avez-vous des...
    Je serai bref.
    Monsieur Ménard, je comprends votre raisonnement: vous pouvez avoir des renseignements que vous n'utilisez pas dans une procédure judiciaire, mais vous les utilisez pour la sécurité publique. Je comprends ce raisonnement et il nous plonge dans ce même dilemme moral.
    Si je dois me tromper, je préfère que ce soit en faveur des principes légaux, car dans la société, nous devons toujours peser les risques. Nous prenons des risques chaque jour. Nous pourrions protéger la société à 110 p. 100, mais même dans la conception technique de ce bâtiment, il y a un risque de quelques pour cent de probabilité qu'il s'effondre. Il faut tirer une ligne quelque part. Je préfère privilégier nos principes fondamentaux, car une fois que l'on commence à les diluer, on s'engage sur une pente glissante.
    Madame Priddy.
    Merci.
    Pourrais-je demander d'abord à Mme Basnicki si nous pourrons avoir le texte de son mémoire, s'il est déposé et traduit?
    Cela va de soi. Il en est toujours ainsi.
    Il a été remis, je crois. Oui.
    Je voulais juste m'en assurer. Merci.
    J'ai peut-être deux questions.
    La première s'adresse à vous. J'apprécie que vous soyez venue. Cela doit être très difficile. Chaque fois que vous témoignez, vous revivez toute l'histoire. Ce n'est pas très facile à faire, et je vous en remercie.
    Vous avez entendu les gens parler ce matin d'ajustements supplémentaires qui pourraient rendre cette loi plus acceptable, au moins aux yeux de certains. À votre avis — moi non plus, je ne suis pas avocate — est-ce que c'est aller trop loin? On a évoqué les familles et vous-même pourriez parler des familles avec beaucoup de crédibilité, je pense, et j'aimerais savoir si vous pensez que c'est là consentir trop d'accommodements dans l'intérêt des détenus.
    Nous parlons des valeurs des Canadiens, mais il me semble que les personnes qui sont détenues ne subissent pas un châtiment cruel et inusité. La plupart peuvent circuler, vivre leur vie. Certains engendrent de nouveaux enfants, enseignent dans des écoles. Si vous regardez la détention de ces individus, ce n'est pas un mode de vie inconfortable. Ils ont le choix de rentrer dans leur pays d'origine ou d'aller dans un pays tiers et donc, réellement, le choix appartient au détenu. J'imagine que si vous demandiez à nombre de citoyens canadiens, de citoyens de naissance, s'ils aimeraient échanger leur place avec certains de ces non-ressortissants et bénéficier de leur mode de vie, ils lèveraient la main sans hésiter.
    Moi-même et mes compatriotes penserions différemment si l'on incarcérait les gens contre leur volonté et sans preuve, mais nous ne parlons pas ici d'incarcération, mais uniquement de la faculté de rester au Canada.
    Je suis ici pour vous rappeler ce qui se passe lorsque nous commettons une erreur.
    Merci.
    Tout de même, dans certains cas nous parlons d'incarcération, mais pas dans tous.
    Vous avez dit que la CMLA préconise de traiter ces cas sous le régime du Code criminel, plutôt que de cette loi-ci. Pourriez-vous nous en dire plus, s'il vous plaît? On me dit que ce n'est pas possible.
    Je peux en dire quelques mots. Si l'on regarde les choses d'un point de vue logique et légal, à la lumière des principes, cela ne tient pas debout. Je sais que nous sommes ici sur un terrain politique et que le droit ne s'y applique pas de la même façon, et c'est pourquoi je vous soumets des recommandations.
    Donc, par principe, nous préférerions que cela soit ou transféré dans la procédure pénale où il y a des protections, même pour les preuves touchant la sécurité nationale, depuis l'adoption de la Loi antiterroriste — et je laisserai mon collègue, M. Allmand, vous en dire plus à ce sujet — ou bien que l'on importe dans cette loi les normes du droit pénal.
    J'aimerais apporter un petit rectificatif à ce que Mme Basnicki a dit, à savoir qu'il ne s'agit pas ici d'une détention punitive. La Cour suprême s'est prononcée là-dessus, car maints jugements de la Cour fédérale disaient non, ce n'est pas punitif, et établissaient cette distinction. Mais à la Cour suprême, madame la juge en chef McLachlin a opiné que, oui, il s'agit bien de ce que nous savons que c'est. Ça marche comme un canard, ça cancane comme un canard. C'est une détention punitive. Être détenu au secret pendant sept ans... C'est de la détention. C'est punitif. Il faut de meilleures procédures et normes.
    Je dirais donc que nous utilisons ici des principes de droits administratifs, la notion de raisonnable. Ceux d'entre vous qui êtes avocats spécialisés en droit administratif savent que c'est la norme la moins rigoureuse, celle qui privilégie le plus le ministère public.
    Je dirais donc que, si nous n'importons pas des criminels, idéalement, dans le monde de mes rêves, nous appliquerions intégralement la norme du doute raisonnable du droit pénal. À défaut, envisagez au moins une norme telle que le juge ne puisse pas dire: « Eh bien, la norme de caractère raisonnable dit que sur ce que le ministre a choisi, sur toute la pile d'éléments de preuve, je choisis trois choses sur la centaine d'éléments incriminants et décide que vous êtes une menace pour la sécurité, monsieur Mayes ». Est-ce raisonnable? Bien entendu, si vous vous en tenez à ce que vous l'on met sous les yeux, ce sera toujours raisonnable. Vous avez donc cette logique circulaire. Je dis qu'il faut déplacer la norme.
    À l'autre bout du spectre administratif, il y a le bien-fondé. Le ministre doit veiller soigneusement à prendre la bonne décision et le juge peut poser des questions plus exploratoires tel que: vous auriez dû considérer ceci, tel élément est faible.
    Je pense que cela vaudrait mieux, car c'est réellement une recherche de la vérité que nous voulons. Déplacez la norme vers le bien-fondé. Si vous voulez le bien-fondé, je vous encourage à faire cela, à placer la norme quelque part dans le milieu, oui, mais n'utilisez pas le caractère raisonnable, car c'est là essentiellement une norme de droit administratif qui régit les choses comme les chiens errants, etc. Ce n'est pas la norme que nous voulons ici, car (a), nous parlons là d'éventuelles menaces à la sécurité nationale, censément, et il ne s'agit pas de ce contenter de normes lâches et, (b), des innocents se voient persécuter pour des choses qu'ils n'ont pas commises.
    Donc, pour ces deux raisons, il faut des normes plus strictes afin de découvrir la vérité.

  (1100)  

    Merci. Je pose la même question à M. Allmand — et c'est un plaisir et un honneur de vous avoir ici — à savoir s'il peut envisager ou souhaiterait intégrer cela dans le Code criminel.
    Oui. Nous ne disons pas que les suspects de terrorisme ne doivent pas être poursuivis. Nous disons qu'il faut les poursuivre, mais qu'il faut les poursuivre soit pour conspiration visant à commettre un acte terroriste soit pour commission ou préparation d'un acte terroriste. Nous disons que c'est ainsi qu'il faudrait traiter ces cas car alors vous avez toutes les protections d'un système de justice pénale qui a derrière lui des centaines d'années d'histoire et comporte toutes sortes de protections et pratiques.
    Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup de Canadiens qui sont d'assez vilains personnages. S'ils complotent ou commettent des actes terroristes, c'est selon cette procédure qu'il faudrait les poursuivre. Nous ne pourrions utiliser contre eux cette procédure du certificat de sécurité.
    Comme je l'ai expliqué, à mon avis la ligne de démarcation entre citoyens et non-citoyens est très ténue aujourd'hui au Canada. De fait, la plupart des avantages sont offerts aux non-citoyens — la plupart des programmes sociaux — et beaucoup de non-Canadiens ont vécu au Canada beaucoup plus longtemps que des gens qui sont citoyens et n'y ont pratiquement jamais mis les pieds.
    Monsieur MacKenzie.
    Monsieur Allmand, pourriez-vous nous rappeler quand vous étiez au Cabinet — à quelle époque?
    Pendant sept ans, de 1972 à 1976.
    Et les origines de ce projet de loi remontent à cette époque, me dit-on.
    Pas réellement. Nous avions une disposition d'une sorte ou d'une autre. Je me souviens qu'il en était question. C'était pour des affaires criminelles, des gens impliqués dans la criminalité organisée.
    Est-ce que cette loi ne subsiste pas toujours?
    Non, elle a été modifié à plusieurs reprises. Si vous lisez le jugement de la juge en chef McLachlin, vous verrez qu'à un moment donné les certificats étaient placés sous le contrôle du CSARS. Puis cela a été supprimé. Ensuite, avec la Loi antiterroriste de 2002, le contrôle judiciaire a été réduit encore plus.
    Ce projet de loi, sauf tout mon respect, vise également à empêcher l'arrivée dans notre pays d'espions — des gens ayant des intentions criminelles — en sus des terroristes.
    Donc, lorsque vous préconisez d'utiliser le Code criminel...
    Non, vous pourriez utiliser des procédures de type pénal sous le régime de la Loi sur l'immigration.
    Je pensais que vous disiez que ces mesures pourraient être inscrites dans le Code criminel, car s'il s'agissait de Canadiens, nous ferions ceci, ceci et cela.
    Oui, s'ils étaient impliqués dans une conspiration terroriste.
    Mais n'admettez-vous pas que nous parlons ici de gens qui viennent dans notre pays et représentent un danger pour notre société? Peut-être n'ont-ils commis aucune infraction ici, mais nous disons néanmoins: « Vous n'êtes pas les bienvenus chez nous. Les valeurs canadiennes sont différentes de celles que vous avez pu épouser ailleurs ou que vous avez l'intention d'importer dans ce pays. »
    Le but réel de cette législation n'est pas de laisser faire jusqu'au point où un acte criminel est commis dans notre pays, mais d'empêcher l'arrivée de ces gens qui viennent au Canada dans l'intention d'y commettre un acte criminel ultérieurement.
    Si c'est le cas, s'ils constituent un danger réel, qu'on le prouve. Allons-nous permettre que des certificats de sécurité soient utilisés sur la base de renseignements du type de ceux donnés dans l'affaire Arar, où la GRC l'a présenté lui et sa femme comme des Islamistes extrémistes associés à al-Qaïda, alors qu'il n'en était rien?
    Mais c'est un cas isolé.

  (1105)  

    Je peux vous le dire, en tant qu'ancien solliciteur général, je pourrais vous citer beaucoup d'autres affaires où nous avons reçu des informations fausses. En vérifiant plus tard, si je ne connaissais pas les individus concernés, ces personnes se seraient vues privées par hasard de leurs droits. Il nous faut donc un système tel que, si l'on vous accuse d'être dangereux, vous voyez les preuves afin de pouvoir les réfuter.
    M. Arar n'a pas fait l'objet d'un certificat de sécurité. C'est un problème différent.
    Mais c'est le type de renseignement qui a conduit à son emprisonnement en Syrie pendant un an et à sa torture. C'est le type d'élément de preuve qui est présenté sans avoir été éprouvé. Des preuves non éprouvées sont contraires à nos principes de notre droit.
    Je comprends la position de l'avocat. Je comprends cela très bien. Mais je suis un Canadien moyen... et si vous dites que le but réel est d'arriver à la vérité, je crois que beaucoup de Canadiens ordinaires diraient: « Si nous voulons la vérité, alors cet individu doit aussi témoigner ». Ce n'est pas l'un des principes de notre droit, mais je sais — et j'ai passé beaucoup de temps dans les cours criminelles — que l'accusé n'est pas obligé de témoigner. L'accusé n'est pas obligé de dire « Je l'ai fait » ou « Je ne l'ai pas fait ».
    Il me semble que vous faites preuve de peu de sympathie pour les victimes de ces personnages et j'admets que c'est là le rôle que vous jouez ici. Admettons. Mais lorsque vous dites que les gens ne peuvent pas rentrer dans leur famille, ou ne peuvent pas partager des choses, lorsque je vois l'autre témoin à la table qui n'a pas non plus ces options, sans qu'il en soit de sa faute...
    Je pense que les Canadiens devraient être protégés contre le terrorisme, mais on ne protège pas les Canadiens contre le terrorisme en ignorant notre Déclaration des droits et notre Constitution. La Charte des droits et la Constitution sont censés nous protéger, et ne pas être suspendus afin que nous puissions incarcérer des gens sans prouver leur culpabilité.
    Je suis tout à fait pour l'expulsion de ces personnes dont vous parlez et la protection des Canadiens, mais ce doit être fait d'une façon telle qu'ils puissent se défendre contre des preuves fausses, défectueuses et erronées.
    Je pense que c'est précisément ce que fait ce projet de loi.
    Eh bien, il ne le fait pas.
    Étant moi-même un Canadien moyen, je me sentirais beaucoup mieux protégé si la preuve était faite que ces allégations sont vraies. Actuellement, sur de simples allégations, vous expulsez la personne parce que vous la considérez comme un réel danger. Vous ne me protégez pas en lâchant cette personne dans le monde. Nous avons l'obligation envers nos alliés étrangers de poursuivre les suspects de terrorisme. Par conséquent, il nous faut un niveau de preuve qui établisse que la personne présente un risque, au lieu de simplement l'expulser sur la foi de renseignements ténus et douteux. Je ne me sens pas protégé du tout lorsque cette personne est renvoyée. Si la personne s'avère être un véritable terroriste, alors j'aimerais qu'elle soit accusée, inculpée et emprisonnée au Canada, pour ma protection.
    Monsieur MacKenzie, pour que les choses soient claires et bien comprises, les Musulmans de ce pays sont des Canadiens. Nous sommes fiers d'être Canadiens. Nous partageons nombre des valeurs de ce pays. Nos valeurs ne sont pas différentes des valeurs canadiennes.
    Je tenais à ce que cela soit dit afin qu'il n'y ait aucun malentendu.
    J'ai commencé ma déclaration par une condamnation sans équivoque de la violence contre tout civil, mais malheureusement al-Qaïda n'est pas le seul groupe et les groupes terroristes ne sont pas des terroristes d'État, nous le savons. Je suis né en Afrique du Sud sous un régime d'État terroriste, et il y a beaucoup d'autres exemples. Je ne vais pas les citer tous.
    Nous n'allons pas changer le monde entier en adoptant cette loi et en compromettant nos valeurs fondamentales. Je ne suis pas ici comme juriste théoricien qui considère la Charte comme un document idéaliste. À l'évidence, les normes de droit pénal, la procédure contradictoire — il peut vous en parler mieux que moi car il est l'expert — ne servent pas seulement à protéger les criminels. La raison d'être fondamentale de notre système, la procédure contradictoire, consiste à trouver la vérité afin que nous soyons tous plus en sécurité.
    En fin de compte, nombre de ces hommes ont dit: « Montrez les preuves. Voyons en quoi elles consistent, et si j'ai fait quelque chose de mal, alors que l'on me punisse ». C'est tout ce qu'ils demandent. En fin de compte, il ne s'agit pas seulement... Certaines de ces personnes ont fait leur vie ici, et ce n'est pas seulement une question de ne pas les renvoyer vers la torture.
    Le problème des criminels qui arrivent à la frontière et se voient refoulés est sensiblement différent de celui de gens qui ont des enfants ici, qui se sont établis ici et y ont fait leur vie, et c'est là le genre de personnes que l'on veut expulser.

  (1110)  

    Monsieur le président, je tiens à dire en réponse à M. MacKenzie que nous souscrivons à tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, y compris le droit à la vie, qui est fondamental. Donc, bien entendu, nous sommes contre le terrorisme qui veut détruire des vies humaines. Mais on ne choisit pas parmi les droits dans les traités. Vous ne pouvez pas adhérer juste à un article et oublier tous les autres, il faut les respecter tous. C'est ce qu'a dit la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme, à savoir que tous les droits sont interdépendants et doivent être considérés comme un tout.
    Monsieur Mayes.
    J'allais seulement dire que cela ne couvre pas seulement le terrorisme, mais aussi la criminalité organisée et l'espionnage. Il n'y a pas que le terrorisme, alors ne nous laissons pas détourner et ne nous obnubilons pas là-dessus.
    D'accord.
    Je remercie les témoins de leur comparution aujourd'hui devant le comité. Nous apprécions.
    Nous nous réussissons de nouveau cet après-midi.
    La séance est levée.