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PACP Rapport du Comité

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LES SOINS DE SANTÉ FOURNIS AUX MILITAIRES – DÉFENSE NATIONALE

INTRODUCTION

En vertu de la Loi sur la défense nationale, le ministère de la Défense nationale est tenu de fournir des soins médicaux aux membres des Forces canadiennes. La Défense nationale offre des soins médicaux à plus de 63 500 membres du personnel de la Force régulière dans 37 établissements militaires au Canada et à l’étranger, moyennant des coûts de plus de 500 millions de dollars par année. Elle emploie environ 3 000 fournisseurs de soins de santé, tandis que 540 autres professionnels de la santé travaillant dans les cliniques militaires ont été recrutés auprès d’une entreprise du secteur privé.

Plusieurs études menées entre 1997 et 1999 concluent que les services de santé destinés aux militaires sont gravement déficients à maints égards, notamment en raison du manque de continuité dans les soins, de l’absence de mécanismes de surveillance, des lacunes observées dans la gestion des dossiers de santé et de la situation préoccupante de l’accès et de la rapidité d’accès aux soins de santé. Ces constatations ont incité la Défense nationale à lancer sa réforme Rx 2000. Assortie d’un budget global de 450 millions de dollars, cette réforme comporte 22 initiatives devant être menées à terme d’ici 2011.

En 2007, le Bureau du vérificateur général (BVG) a mené une vérification de la gestion par la Défense nationale des services de santé offerts aux militaires[1]. La vérification avait pour but de déterminer si la Défense nationale avait en place les structures, les politiques et les pratiques nécessaires pour garantir la qualité des soins de santé offerts aux membres de la Force régulière. Elle visait aussi à évaluer dans quelle mesure la Défense nationale s’assure que ses fournisseurs de soins de santé sont qualifiés et maintiennent leurs compétences cliniques à jour. La vérification ne portait pas sur la qualité des soins dispensés aux militaires, ni non plus sur les soins de santé offerts à l’extérieur du Canada à l’occasion de déploiements comme celui en Afghanistan.

Étant donné l’important travail accompli par les membres des Forces canadiennes et les préoccupations exprimées au sujet de la gestion de leurs services de santé, le Comité a décidé de consacrer une audience à cette vérification le 31 janvier 2008. Le Comité a entendu plusieurs représentants du Bureau du vérificateur général du Canada : Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada; Hugh McRoberts, vérificateur général adjoint; Wendy Loschiuk, directrice principale. Il a aussi recueilli le témoignage de deux représentants du ministère de la Défense nationale : le major-général Walter Semianiw, chef du personnel militaire; et le brigadier-général Hilary Jaeger, commandant du Groupe des services de santé des Forces canadiennes, directrice générale des Services de santé et médecin-chef des Forces canadiennes.

CONTEXTE

Au nombre des aspects positifs relevés, la vérification menée par le Bureau du vérificateur général (BVG) a permis de constater que le système de soins de santé des Forces canadiennes est déterminé à offrir aux militaires l’accès à une gamme complète de services de soins de santé par l’entremise du système de santé des Forces canadiennes ou de fournisseurs civils de soins de santé. De même, les militaires qui se présentent à leur clinique militaire n’attendent pas très longtemps avant d’obtenir des soins médicaux primaires, et plus de 85 % des militaires qui ont répondu à un sondage sur leur niveau de satisfaction à l’égard des soins de santé reçus se sont dits satisfaits.

Par ailleurs, la vérification a aussi permis de relever un certain nombre de lacunes dans la gestion du système de soins de santé destinés aux militaires. Pour résumer brièvement, il semble que la Défense nationale ne dispose pas de mesures ou d’indicateurs pour démontrer que l’accessibilité actuelle aux services médicaux et les coûts qui en découlent sont nécessaires sur le plan opérationnel; les Forces canadiennes ne peuvent pas faire la preuve que tous les militaires professionnels de la santé détiennent une autorisation d’exercer, sont accrédités ou ont maintenu à jour leurs compétences; et la Défense nationale possède très peu d’information pour démontrer l’efficacité du fonctionnement du système de santé des Forces canadiennes ou pour évaluer la qualité des soins fournis.

Le rapport de vérification comprend huit recommandations et la Défense nationale se dit d’accord avec chacune d’elles. Le Comité souscrit sans réserve aux constatations et aux recommandations formulées par le Bureau du vérificateur général dans son rapport de vérification.

RAPPORT D’ÉTAPE

Le major-général Walter Semianiw a tenu les propos suivants au Comité : « Nous appuyons entièrement les recommandations de la vérificatrice générale[2]. » Il a aussi affirmé ceci : « Nous croyons que celui‑ci [le rapport] donne une évaluation juste et équilibrée de l’état du système de soins de santé militaire qui est en transition[3]. »

Puisque le Ministère est d’accord avec les constatations du rapport de vérification et souscrit à ses recommandations, la Défense nationale devrait être prête à les mettre en œuvre. De fait, les représentants de la Défense nationale ont apporté avec eux à l’audience un plan d’action assorti d’un échéancier. Le Comité a toutefois refusé que le plan soit distribué parce qu’il n’était disponible qu’en version anglaise.. La Défense nationale aurait pourtant dû savoir que le Comité fonctionne dans les deux langues officielles. Elle a fini par lui présenter le plan d’action en version bilingue 38 jours plus tard, mais le Comité est très déçu que la Défense nationale n’ait pas été mieux préparée à lui fournir l’information en français et en anglais.

Le Comité se réjouit de voir que la Défense nationale a élaboré un plan d’action pour donner suite aux constatations et aux recommandations du Bureau du vérificateur général. Il est fermement convaincu que tous les ministères et organismes devraient élaborer des plans d’action pour faire suite aux vérifications du BVG. L’élaboration de plans d’action témoigne de la volonté de la haute direction de remédier aux lacunes relevées et de prendre la responsabilité d’effectuer les changements nécessaires. Le Comité croit aussi toutefois que les plans d’action devraient être distribués au Comité avant ses audiences afin de permettre aux membres de les examiner et de préparer des questions.

Les plans d’action sont une première étape dans le processus de reddition de comptes. Au départ, un ministère doit décider des mesures qu’il entend prendre et se fixer des échéances à l’égard de leur mise en œuvre. Par la suite, pour boucler la boucle de la reddition de comptes, il faut qu’il soit rendu compte des progrès accomplis à l’égard de la mise en œuvre de ce plan. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 1
Que le ministère de la Défense nationale remette au Comité des comptes publics un rapport d’étape détaillé d’ici le 31 octobre 2008 pour rendre compte de la façon dont progresse la mise en œuvre du plan élaboré pour remédier aux lacunes relevées par le Bureau du vérificateur général dans son rapport de vérification sur les soins de santé fournis aux militaires.

FINANCEMENT

Selon le rapport de vérification, le coût du système de soins de santé destinés aux militaires est considérablement plus élevé par personne qu’en vertu des régimes provinciaux et est en hausse. En 2005‑2006, le système de santé des Forces canadiennes a coûté en moyenne plus de 8 600 $ par personne, comparativement à la moyenne canadienne des dépenses de santé, qui était estimée à environ 4 500 $ par personne en 2006, et ce, malgré le fait que la population militaire a tendance à être relativement en santé. Le coût des soins de santé dispensés aux militaires a augmenté de 50 % par personne au cours des cinq dernières années[4] .

Le major-général Semianiw a donné au Comité l’explication suivante pour justifier les différences de coûts :

Offrir une gamme complète de services à une population relativement petite, de part et d’autre des frontières nationales et internationales et, par la suite, répondre aux besoins et aux attentes des FC, ainsi qu’à ceux de leur personnel lorsque des maladies ou des blessures surviennent, s’avère plus onéreux que de fournir une gamme moins complète de services à une population davantage sédentaire et plus centralisée. Un système de soins de santé comme celui des FC entraîne donc plus de dépenses[5].

Le Bureau du vérificateur général évoque toutefois différents facteurs pour expliquer le coût plus élevé du système de soins de santé destinés aux militaires. En voici quelques-uns : il y a quatre fois plus de médecins pour 1 000 militaires qu’il y en a dans le système civil pour le même nombre de personnes (par contre, près de 40 % des médecins militaires ne fournissent pas de soins aux patients, mais assument plutôt des tâches administratives ou d’autres fonctions); la charge de travail varie grandement d’une clinique à l’autre dans l’ensemble du pays; la Défense nationale paye pour l’enseignement médical et la formation militaire continue de certains de ses médecins; et pour remédier aux pénuries de personnel, les services de praticiens civils sont retenus à contrat à des tarifs considérablement plus élevés que les moyennes nationales[6].

Au dire du major-général Semianiw, la Défense nationale s’est engagée à fournir les ressources nécessaires au système de santé militaire. Il a même précisé ce qui suit : « [J]e dirais que les dirigeants des Forces canadiennes et du ministère ont autorisé le brigadier-général Jaeger, au mois d’octobre, à dépenser les sommes nécessaires pour assurer un service adéquat aux membres des forces terrestres, navales et aériennes[7]. » S’il est important de veiller à ce que les membres des Forces aient accès à des services de santé suffisants, il est également important que ces services soient offerts de façon rentable. Le brigadier-général Jaeger a effectivement reconnu que des améliorations sont possibles : « Pourrais‑je être plus efficace dans certains domaines? Je vous répondrai que oui. Mais il faudrait que j’obtienne des données pour que je puisse voir où je peux accroître l’efficacité[8]

           

Le Comité ne tient pas à dire au ministère de la Défense nationale comment gérer son système de soins de santé ou reconnaître les secteurs où l’efficience pourrait être améliorée. Il croit toutefois que l’accès à des renseignements plus transparents au sujet des coûts du système de soins de santé destinés aux militaires permettrait aux observateurs de comparer ces coûts à ceux des régimes provinciaux et à ceux d’autres systèmes de soins de santé destinés aux militaires ailleurs dans le monde. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 2
Que le ministère de la Défense nationale définisse dans son Rapport ministériel sur le rendement le coût total du système de soins de santé destinés aux militaires, de même que le nombre de médecins, d’infirmières, de dentistes, de pharmaciens, de techniciens médicaux et d’adjoints aux médecins à l’emploi de ce système.

SOINS DE SANTÉ MENTALE

En réponse à une demande d’information, la Défense nationale a indiqué au Comité qu’au 31 janvier 2008, il y avait dans les Forces canadiennes 4 917 personnes qui souffraient de problèmes de santé mentale et à qui étaient offerts des services de soins de santé mentale spécialisés. En 2002, un sondage sur les maladies mentales au sein des Forces canadiennes a permis de constater que seulement 25 % des répondants qui avaient signalé des symptômes de problèmes de santé mentale ou de troubles mentaux estimaient avoir reçu une aide suffisante. La Défense nationale a depuis modifié la façon dont elle dispense les soins de santé mentale et a commencé à effectuer des entrevues de dépistage post-déploiement auprès des militaires qui reviennent d’une période de service à l’étranger afin de déceler toute répercussion physique ou psychologique.

Le Comité a été surpris d’apprendre qu’un nombre important de militaires qui reviennent au pays après avoir été déployés en Afghanistan éprouvent des troubles psychologiques. Le brigadier-général Jaeger a brossé un tableau des constatations faites à la suite des entrevues post-déploiement :

Évidemment, chaque déploiement est différent, mais les données que nous avons recueillies jusqu’à présent, au cours des suivis de quatre à six mois, révèlent qu’environ 27 % des gens reviennent avec certaines difficultés. Parmi ceux‑ci, environ 16 % ont une consommation d’alcool à risque. Donc, plus de la moitié de 27 % — soit 16 % des troupes totales déployées — ont des habitudes de consommation dangereuses. Toutefois, un nombre important de personnes éprouvent des problèmes plus graves de santé mentale, comme la dépression et le syndrome de stress post-traumatique[9].

Même si la Défense nationale dispose effectivement de données sur les résultats des entrevues de dépistage post-déploiement, elle n’a pas d’information globale sur l’état de santé mentale de ses militaires parce qu’elle n’a pas en place les systèmes d’information nécessaires. Il est donc difficile de déterminer les besoins des membres des Forces en matière de soins de santé mentale et d’axer les services en fonction des besoins les plus urgents. Le Ministère constate simplement que six mois après le retour des militaires à leur base après un déploiement, les cliniques de santé mentale sur place voient leur charge de travail doubler.

Étant donné la prévalence des problèmes de santé mentale chez les militaires qui reviennent de mission, le Comité croit qu’il est essentiel que ceux-ci aient accès à des services de santé mentale suffisants. La vérification a cependant permis de constater que les niveaux de service n’étaient pas uniformes. Les services de santé mentale offerts dans certaines bases ne suffisent pas à répondre à la demande en raison du manque du personnel, tandis que d’autres bases sont en mesure d’offrir tous les services demandés. Certaines bases signalent qu’il n’y a pas assez de professionnels de la santé mentale pour répondre à la demande et qu’elles doivent compter sur les services de professionnels civils en pratique privée, dans la mesure où ils sont disponibles[10]. De plus, même si le Ministère n’est nullement tenu par la loi d’offrir des services de santé mentale aux familles de militaires, la Défense nationale offre une certaine aide aux familles lorsque cela peut contribuer au rétablissement d’un militaire, mais les bases ayant un grand nombre de militaires qui reviennent d’un déploiement en Afghanistan ne peuvent pas donner d’appui aux familles en raison d’une pénurie de ressources.

Le Comité reconnaît que dans le cadre de la réforme Rx2000, la Défense nationale affecte 90 millions de dollars de plus aux services de santé mentale, afin de recruter 200 nouveaux praticiens en santé mentale. Malgré tout, le Comité craint que les soins de santé mentale offerts par la Défense nationale ne puissent pas répondre aux besoins des membres et de leur famille. Comme beaucoup de choses ont changé depuis 2002, année où le dernier sondage a été effectué, le Comité croit que la Défense nationale doit réévaluer l’état de santé mentale des membres des Forces de même que la qualité des services de santé mentale qui leur sont offerts à eux et à leur famille. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 3
Que le ministère de la Défense nationale mène une enquête approfondie d’ici le 30 juin 2009 sur l’état de santé mentale des membres des Forces canadiennes et sur la qualité des soins de santé mentale qui leur sont offerts à eux ainsi qu’à leur famille, en mettant plus particulièrement l’accent sur les militaires qui reviennent d’opérations à l’étranger.

SYSTÈME D’INFORMATION

L’une des constatations les plus importantes faites à l’issue de la vérification est que la Défense nationale n’a pas de système d’information pour déterminer ce que le système de soins de santé accomplit, quels en sont les coûts et ce qui devrait être amélioré dans la prestation des soins de santé. Certains renseignements sont disponibles dans les cliniques, mais le Ministère ne dispose pas d’information sur les résultats pour l’ensemble du système médical. De fait, les témoins de la Défense nationale ont été incapables de répondre à bon nombre des questions des membres du Comité, parce qu’ils n’avaient pas les données nécessaires pour fournir l’information demandée. Un système d’information serait utile à la Défense nationale pour mieux gérer son système de soins de santé, déterminer les économies possibles et orienter les ressources là où les besoins sont les plus urgents.

Un système capable de recueillir des données sur le rendement est actuellement en voie d’élaboration à la Défense nationale. Connue sous le nom de Système d’information sur la santé des Forces canadiennes, cette base de données devrait permettre la saisie des indicateurs en matière de santé, des coûts et des tendances. Amorcée en 1999, sa mise en place devrait être terminée d’ici la fin de 2011, moyennant un coût prévu de 108 millions de dollars. Le brigadier-général Jaeger a affirmé au Comité que l’échéancier de mise en œuvre du système était respecté :

Quand le système automatisé sera‑t‑il en place pour que nous n’ayons pas à demander des rapports base par base, au cas par cas? Eh bien, tout dépend de l’approbation par le Conseil du Trésor d’un financement accru de la troisième phase du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes. Si tout va bien, nous devrions commencer à le mettre en place en mai prochain. Ce sera presque terminé en 2010 et en 2011, nous aurons fini de mettre tous les points sur les i et les barres sur les t [11].

Les vérificateurs ont toutefois constaté que la Défense nationale avait exclu la possibilité de suivre les lignes directrices de l’Institut canadien d’information sur la santé, en raison d’un manque de financement[12]. Le BVG s’inquiète de la lenteur à laquelle progresse l’élaboration du système depuis 1999. 

Dans un rapport antérieur, le Comité avait exprimé des préoccupations au sujet de la réalisation de grands projets de technologie de l’information. Il n’est pas rare que ces projets affichent un excédent de dépenses, des retards et des problèmes de rendement. Étant donné l’importance du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes pour la direction responsable du système de soins de santé destinés aux militaires, le Comité aimerait qu’il soit davantage rendu compte publiquement de la situation de ce système au fur et à mesure de son élaboration. Le Comité recommande :

Recommandation 4
Que la Défense nationale fasse rapport dans son Rapport ministériel sur le rendement de la situation et de la mise en œuvre du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes, et indique notamment si le budget et l’échéancier sont respectés.
[1]
Bureau du vérificateur général, Rapport d’octobre 2007, « Chapitre 4 : Les soins de santé fournis aux militaires—Défense nationale ».
[2]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, Réunion no 12, 1300.
[3]
Ibid., 1110.
[4]
Chapitre 4, paragraphe 4.35.
[5]
Réunion no 12, 1110.
[6]
Chapitre 4, paragraphe 4.36.
[7]
Réunion no 12, 1300.
[8]
Réunion no 12, 1300.
[9]
Réunion no 12, 1120.
[10]
Chapitre 4, paragraphe 4.34.
[11]
Réunion no 12, 1200.
[12]
 Chapitre 4, paragraphe 4.29.