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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 décembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la douzième réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude de l'impact de l'appréciation du dollar canadien sur l'économie canadienne.
    Nous accueillons aujourd'hui trois témoins, soit deux par vidéoconférence et un en personne.
    Nous commencerons par entendre, du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile, l'économiste en chef, M. Jim Stanford, et du service de recherche du syndicat, M. Angelo DiCaro. Messieurs, soyez les bienvenus.
    Également, nous accueillons en personne, du Congrès du travail du Canada, M. Andrew Jackson, directeur national des Politiques sociales et économiques. Heureux de vous compter parmi nous, monsieur Jackson.
    Monsieur Stanford, je crois que nous allons commencer par vous. Vous disposez de dix minutes, après quoi la parole ira à M. Jackson.
    Je remercie beaucoup le président et les membres du comité de nous avoir invités à prendre part à ces audiences.
    Je vais commencer par vous donner un bref aperçu du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile, c'est-à-dire le TCA. Il représente le plus important syndicat du secteur privé du Canada. Il compte actuellement 260 000 membres, qui travaillent dans divers secteurs — au moins 16 secteurs économiques différents — au Canada. L'industrie de l'automobile est manifestement le coeur financier de notre organisme, mais elle ne représente comme tel que 30 p. 100 environ de nos membres. Les autres travaillent dans diverses occupations du secteur manufacturier et du secteur des services.
    L'impact de la force du dollar canadien s'est fait sentir très vivement, mais pas exclusivement, chez nos membres de l'industrie automobile. Dans beaucoup d'autres secteurs où travaillent nos membres, le dollar canadien a un impact très négatif sur l'emploi, l'investissement et les débouchés à l'exportation.
    Pour ce qui est de l'impact de l'appréciation du dollar canadien, de jusqu'à 60 p. 100 environ depuis 2002, nous avons reconnu qu'il a déjà contribué à la perte de plus de 300 000 emplois directs dans le secteur manufacturier canadien. Récemment, nous avons fait une déclaration officielle selon laquelle, si le dollar se maintient à parité ou presque avec le dollar américain — en d'autres mots, si le dollar demeure à peu près à son niveau actuel  —, nous perdrons au moins 300 000 autres emplois.
    L'impact de la forte devise se fait sentir sur les plans de l'investissement et de l'emploi, dans un délai qui est très proche du délai qui s'écoule entre les variations des taux d'intérêt et la production économique réelle. Il faut environ deux à trois ans pour que les changements survenus dans la valeur du dollar aient leur plein impact sur l'investissement et l'emploi dans le secteur manufacturier et d'autres secteurs.
    Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Plusieurs sociétés, particulièrement les grandes sociétés, se protègent contre les fluctuations de la devise, ce qui leur donne un espèce de coussin temporaire contre la montée du dollar, mais, tôt ou tard, ce coussin disparaît. Beaucoup d'entreprises ont signé des marchés d'approvisionnement à long terme en pièces d'automobile, par exemple. Il est fort courant pour les entreprises d'avoir des contrats quinquennaux d'approvisionnement en pièces d'un constructeur particulier. Donc, elles vont devoir continuer d'alimenter en pièces le constructeur, même si le contrat leur fait perdre de l'argent. Par ailleurs, les décisions commerciales souffrent d'une simple inertie à mesure que les dirigeants réagissent à la nouvelle conjoncture et finissent par prendre les mesures souhaitées.
    La conséquence de ce décalage de deux ou trois ans est que la perte des plus de 300 000 emplois dans le secteur manufacturier découle de la montée du dollar jusqu'en 2005 ou 2006. Nous n'avons pas encore vu, selon moi, un soupçon même d'adaptation de la part de l'industrie à la montée du dollar des dernières années. En d'autres mots, depuis le milieu des années 1980, notre devise, après avoir culminé à 1,10 $US, a renoué avec la parité à peu près avec la devise américaine. Toutefois, la dernière augmentation, lorsque notre dollar est passé de 85¢ américains à la parité ne s'est pas encore fait sentir. C'est pourquoi nous sommes très pessimistes, si le dollar se maintient près des niveaux actuels, quant à l'impact que cela aura sur l'emploi dans le secteur manufacturier et, à nouveau, aux impacts analogues sur les industries canadiennes axées sur les exportations.
    On a tendance, actuellement, à tenir pour acquis que notre huard est devenu un pétrodollar — en d'autres mots, qu'il est la devise repère du cours mondial des produits de base et, en particulier, du cours mondial du pétrole, ce qui explique et, en un certain sens, justifie l'appréciation de notre dollar à de pareils niveaux. Il existe de toute évidence un lien entre les cours élevés du pétrole et le niveau de notre dollar, et je crois qu'il serait utile que le comité et tous les économistes canadiens s'interrogent sur la façon dont les cours mondiaux du pétrole élevés ont tant d'influence sur la valeur de notre devise et sa causalité.
    L'impact ne se fait pas sentir par la voie habituelle de l'excédent commercial . Dans le passé, les économistes auraient soutenu que des prix mondiaux élevés des produits de base, en rendant plus précieuses nos exportations de ressources, engendrent un excédent commercial, d'où l'appréciation de notre devise. En fait, c'est l'inverse qui est vrai. Notre excédent commercial a reculé de manière draconienne. Les données les plus récentes, publiées hier, étaient très défavorables. Donc, ils ne sont pas dictés par un surplus commercial.
    J'ai conclu que le principal facteur de cause à effet entre les cours mondiaux du pétrole élevés et l'appréciation sensible de notre dollar sont les finances d'entreprise. Les très forts revenus et profits gagnés par les sociétés minières canadiennes ont accru leur évaluation boursière sur les marchés des capitaux et attiré beaucoup d'investissements de portefeuilles étrangers et, bien sûr, beaucoup de véritables prises de contrôle venues de l'étranger. Donc, les dizaines de milliards de dollars qui sont entrées au Canada pour mettre la main sur les entreprises canadiennes de production de ressources sont le principal facteur d'appréciation de notre dollar.
    Il importe, selon moi, que nous reconnaissions ces différents facteurs de causalité, parce qu'ils auront de l'importance pour tout changement de cap recommandé à la politique en vue de faire baisser la valeur de notre dollar.

  (1540)  

    Je tiens à vous dire quelques mots à propos de certains commentaires faits la semaine dernière par M. David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada. Selon les citations dans les journaux et les médias, il aurait laissé entendre qu'un dollar canadien qui se situerait entre 95 ¢ et 1 $ US, c'est-à-dire à la parité presque, serait, en un certain sens, convenable ou justifié. Je sais que M. Dodge s'apprête à quitter son emploi. Il ne faudrait pas rendre trop difficile la vie à quelqu'un qui s'apprête à prendre sa retraite et il a eu une longue et célèbre carrière dans la fonction publique, ce que je ne lui enlèverai pas. Par contre, je soulève une objection aux déclarations qu'a faites M. Dodge. Je ne crois pas que ces appréciations du dollar soient économiquement justifiées et je crois qu'elles nuisent énormément à notre secteur si, en fait, les cambistes et les spéculateurs boursiers le prennent au mot et organisent l'activité boursière en conséquence.
    Le titre dans le Toronto Star citait M. Dodge, et on pouvait lire en-dessous: « Le dollar est à peu près au niveau où il devrait se situer ». La citation a été reprise dans le Globe and Mail:
Un niveau de 98 ¢ semble très précis. Je ne projette pas qu'il soit aussi précis, mais qu'il se situe quelque part entre 95 ¢ et un dollar US semble plutôt cohérent.
    Ce sont là les paroles mêmes de M. Dodge. Essentiellement, il affirme explicitement que la banque se sent en quelque sorte à l'aise avec un taux de change qui frise la parité avec la devise des États-Unis.
    Ce n'est pas la première fois que la banque fait valoir cet argument de manière officieuse. Par contre, je ne l'ai jamais entendu de la bouche du gouverneur de façon aussi explicite. Je sais d'où vient cet argument. La banque a un modèle économétrique de la devise canadienne qui est fonction de plusieurs facteurs — du cours mondial des produits de base, de l'écart des taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis et de quelques autres facteurs. Elle s'est servie de ce modèle pendant quelques années pour essayer d'expliquer la valeur du dollar canadien. Cependant, le modèle est très instable. L'importance réelle qu'il accorde au cours du pétrole dépend de la période d'échantillonnage utilisée pour évaluer la régression économétrique. En fait, dans le passé, le même modèle de la Banque du Canada avait révélé que les cours élevés du pétrole auraient un impact négatif sur le dollar canadien, non pas un impact favorable, et que le niveau précis du dollar canadien qui dominerait à tout moment dans ce modèle était fonction de la période d'analyse pour laquelle on l'évalue.
    À mesure qu'on applique cette régression dans le temps, le cours du pétrole semble acquérir plus de poids en tant que déterminant de notre devise. Cependant, je ne crois pas que cette corrélation, indiquée par le modèle de la Banque du Canada, laisse entendre de quelque façon que ce soit qu'un dollar qui se situe entre 95 et 99 ¢US représente un niveau d'équilibre logique, durable ou naturel. Je ne crois pas que le modèle économétrique de la Banque du Canada en soit une preuve convaincante.
    À mon avis, il faut que la valeur de notre dollar recule à un niveau situé entre 80 et 85 ¢US si l'on veut que les secteurs canadiens, y compris le secteur manufacturier, aient une certaine durabilité dans un contexte commercial mondial. C'est dans le bas de la fourchette des 80 ¢ qu'il y aura une certaine parité des pouvoirs d'achat. En d'autres mots, les niveaux des prix à la consommation ou même des intrants à la production au Canada seraient alors comparables aux niveaux qui ont cours ailleurs dans le monde. Jusqu'à ce que la valeur de notre dollar baisse à ce niveau, qui correspond beaucoup plus à la pensée traditionnelle des économistes qu'à la suggestion de M. Dodge selon lequel la devise devrait se maintenir entre 95 ¢ et 1 $US, l'industrie canadienne continuera d'éliminer des emplois par milliers.
    J'aimerais vous donner un exemple concret de la façon dont cela se produit. Le secteur des pièces d'automobile est l'un des plus importants secteurs manufacturiers du Canada. Il est en plein coeur de la tourmente en ce moment, des dizaines de milliers d'emplois disparaissant et des dizaines d'usines étant sur le point de fermer. Le salaire horaire moyen versé dans cette industrie au Canada est de 25 $ environ. Aux États-Unis, il est de 21 $ à peu près. Cela signifie que, lorsque la valeur de notre dollar atteint plus de 84 ¢ US, le coût de la main-d'oeuvre canadienne est plus élevé qu'il ne l'est aux États-Unis, ce qui créera des pressions soutenues à la baisse sur la production, l'emploi et l'investissement des entreprises canadiennes.
    Le fait que nos travailleurs gagnent 25 $ l'heure et les travailleurs américains, 21 $ l'heure, ne signifie pas que les travailleurs canadiens ont été plus âpres au gain ou qu'ils ont en quelque sorte exigé des salaires trop élevés. Au fil des ans, les salaires se sont stabilisés à 25 $ en fonction de la conjoncture du marché de l'emploi au Canada, des prix canadiens à la consommation, des niveaux de productivité de nos usines et ainsi de suite. Voilà que survient un changement subit de la valeur du dollar qui donne l'impression que nos travailleurs coûtent plus cher, même si ce n'est pas le cas, et que cette cherté est à l'origine des dizaines de milliers d'emplois perdus.
    Selon certains, la réaction des usines canadiennes devrait être d'accroître leur productivité. Nous sommes tous en faveur de l'investissement et de l'innovation, de même que de l'augmentation de la productivité, mais ce n'est pas cela qui réglera le problème. Ne vous y trompez pas. Une entreprise qui met au point une technologie nouvelle plus productive continuera d'être incitée à déplacer sa production aux États-Unis chaque fois que la valeur de la devise dépasse un niveau qui placerait les salaires à parité.

  (1545)  

    Ce n'est là qu'un exemple de la raison pour laquelle le dollar doit redescendre à une valeur de 80 à 85 ¢ si l'on veut que notre secteur manufacturier ait une certaine durabilité.
    En guise de conclusion, j'aimerais vous énumérer les trois répercussions qu'aura selon moi, sur le plan de la politique, la forte appréciation du dollar.
    Tout d'abord, une partie du problème réside clairement à la Banque du Canada qui exécute trop étroitement son mandat de lutte contre l'inflation. Elle ne tient pas explicitement compte du taux de change dans ses décisions portant sur les taux d'intérêt. Manifestement, d'après ce qu'a dit M. Dodge la semaine dernière, la banque est beaucoup trop à l'aise avec un taux de change se situant entre 95 ¢ et un dollar US, ce qui continue d'être fondamentalement insoutenable pour nos secteurs axés sur les exportations.
    Ensuite, je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en vue de ralentir l'entrée des capitaux étrangers qui servent à prendre le contrôle d'entreprises canadiennes du secteur des ressources, ce qui selon moi a contribué tellement à l'appréciation dramatique du dollar. Je sais qu'il existe un comité qui surveille les éventuelles réformes apportées à la Loi sur l'investissement au Canada. J'estime que l'adoption d'un critère sérieux, utile et axé sur l'avantage net avant d'autoriser toute prise de contrôle par des étrangers aiderait beaucoup à cet égard.
    Enfin, dans la mesure où nous sommes obligés de composer avec la force du dollar pour un certain temps — et je n'accepte pas que ce soit inévitable —, le gouvernement fédéral et les autres ordres de gouvernement doivent agir résolument pour aider le secteur manufacturier à en absorber l'impact grâce à des aides à l'investissement et à d'autres mesures.
    Je vous remercie beaucoup de votre patience.
    Monsieur Stanford, je vous remercie beaucoup. Vous nous avez fait là un excellent exposé.
    La parole va maintenant à M. Jackson.

  (1550)  

    Je vais également vous parler du dollar, surtout dans l'optique de la crise de l'emploi dans le secteur manufacturier. Je conviens de tout ce qu'a dit Jim. J'allais aborder plusieurs points analogues, de sorte que je vais essayer de ne pas simplement répéter les mêmes points.
    Je conviens avec Jim que nous avons perdu 100 000 emplois dans le secteur manufacturier cette année, en plus des 200 000 qui avaient déjà été perdus. Il faut aussi s'attendre à tout le moins à la perte d'autant d'emplois plus tard.
    Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, nous aimerions que soit l'établi un groupe de travail de haut niveau qui se pencherait sur l'avenir du secteur manufacturier au Canada et sur la façon de faire face à la crise, et les entreprises, les syndicats et les gouvernements y seraient représentés. Je remarque que des groupes de travail ont déjà été créés en Ontario et au Québec. Jim, qui se trouve ici à côté de moi, y participe de concert avec Jayson Myers, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
    À notre avis, nous avons aussi vraiment besoin d'une réaction concertée du gouvernement fédéral. Le groupe de travail devrait envisager les façons d'inverser la croissance du déficit commercial dans le secteur manufacturier. L'an dernier, le déficit commercial en produits manufacturés était de 30 milliards de dollars, et il continue de s'accroître de façon astronomique.
    Comme l'a affirmé Jim à bon droit, ce que nous observons comme étant le résultat de la montée en flèche du dollar est une érosion très prononcée de notre balance commerciale. Globalement, nous réussissons à peine à afficher un surplus commercial. Comme l'a dit Jim, l'idée que l'appréciation du taux de change est justifiée par un accroissement du surplus manufacturier ou commercial ne correspond tout simplement pas à la réalité.
    Il faut faire un examen sérieux de la manière d'accroître la productivité et la valeur ajoutée de la production canadienne, y compris dans les secteurs basés sur les ressources, grâce à un soutien gouvernemental des nouveaux investissements en innovation, en machinerie et en équipement et en compétences des travailleurs. J'y reviendrai tout à l'heure en termes du rôle que peuvent jouer les incitatifs fiscaux par rapport à d'autres moyens pour soutenir de nouveaux investissements d'entreprises, idée à laquelle nous sommes assurément très favorables.
    En troisième lieu, nous estimons que les gouvernements, et par là j'entends le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, pourraient aider très concrètement les manufacturiers canadiens actuellement en adoptant des stratégies d'achat de produits canadiens, liées à l'investissement dans une nouvelle infrastructure et en environnement. Nous voyons de réelles possibilités dans le jumelage de l'investissement et de la durabilité de l'environnement, dans les solutions aux changements climatiques, lié à des stratégies industrielles vertes pour le Canada.
    À nouveau, je crois que le second point central qui va au-delà de la politique industrielle, de la politique du développement industriel, est la politique monétaire. Il est intéressant de voir que la Banque du Canada a continuellement, en public, pour position que son seul mandat est de s'occuper de l'inflation et de voir à un taux d'inflation faible et stable. Selon elle, elle ne vise aucune cible particulière sur le plan des taux de change.
    Je vous rappelle simplement que le mandat de la Banque du Canada, tel qu'énoncé dans le préambule de la Loi sur la Banque du Canada, est de réglementer le crédit et la devise dans le meilleur intérêt de la vie économique du pays, de contrôler et de protéger la valeur externe de notre unité monétaire nationale et d'atténuer par son influence les variations du niveau général des prix courants de nos produits et de l'emploi.
    Or, nous soutiendrions certainement, étant donné le grand impact du dollar surévalué sur la production et l'emploi, que le mandat de la Banque inclue effectivement de se préoccuper avec sérieux d'un taux de change beaucoup trop élevé.
    Je n'ai pas besoin de rappeler au comité, étant donné l'excellent travail que vous avez fait récemment sur le secteur manufacturier et les problèmes auxquels il fait face, son importance centrale pour notre économie, même si de nombreux analystes économiques en font peu de cas.
    Le monde syndical a récemment commandé d'Informetrica Ltd. l'exécution d'une importante étude, que je vais vous fournir avec plaisir. Elle se trouve sur le site Web. Simplement en illustrant les liens entre le secteur manufacturier et le reste de l'économie, elle a révélé que, si les exportations du secteur manufacturier augmentaient chaque année de 10 milliards de dollars, ce qui peut sembler élevé, mais ne représente en réalité qu'un bond de 3,3 p. 100, elles entraîneraient la création de 67 000 nouveaux emplois dans le secteur manufacturier sans parler de 48 500 emplois supplémentaires indirects dans le secteur des services. Nous parlons de tous les secteurs, allant des services financiers à d'autres composantes du secteur des services.

  (1555)  

    Si le secteur manufacturier était ainsi stimulé, la plupart des avantages sur l'emploi, comme on pourrait le prévoir, se feraient sentir en Ontario et au Québec — presque la moitié en Ontario et le quart au Québec —, mais un quart de ces gains d'emploi irait à la région atlantique et à l'Ouest canadiens.
    Comme on nous le répète constamment, il faut que le Canada s'adapte à une économie mondiale en évolution en déplaçant sa production vers des biens et services qui se vendent sur les marchés mondiaux parce qu'ils sont innovateurs, d'excellente qualité ou uniques — non pas simplement livrer concurrence sur le plan des coûts. Cela exige de l'investissement en innovation, en nouvelle machinerie et en nouvel équipement et tout le reste.
    J'essaie en fait, je suppose, de renchérir sur ce que disait Jim, soit que l'échelle d'appréciation du taux de change comparée à un niveau réaliste se situant vers le bas des 80 cents est si grande que, si l'on modifie le taux d'imposition général des entreprises, cela n'aura pratiquement pas d'influence sur notre survie à la crise.
    Le Congrès du travail a effectivement appuyé les mesures de dépréciation accélérée qui ont été recommandées par votre comité. Il est impératif que l'industrie s'adapte au problème en investissant plutôt qu'en fermant ses portes. Il faudrait certes maintenir cette mesure. Nous recommandons d'en faire un crédit d'impôt à l'investissement pour que les sociétés qui perdent de l'argent puissent aussi en profiter.
    Toutefois, fait beaucoup plus important, si l'on examine les nouveaux investissements dans le secteur manufacturier au cours des dernières années, on constate que les mesures les plus efficaces sont celles qui sont étroitement ciblées, par exemple celles qui appuient les nouveaux investissements dans l'industrie de l'automobile. Par contraste, si nous abaissions simplement le taux d'imposition général des sociétés, une grande partie de cet avantage irait au secteur des ressources qui connaît déjà un boom, c'est-à-dire que la mesure augmenterait davantage sa rentabilité, ce qui en réalité aggraverait le problème de l'appréciation du dollar. Une grande partie de cet avantage par ailleurs irait au secteur financier. Les profits du secteur manufacturier, en termes de part des profits totaux actuellement, sont relativement modestes et en baisse, de sorte que si nous parlions de mesures ciblées, l'idée de dégrèvements fiscaux universels ne serait pas le moyen le plus souhaitable.
    J'ajouterais, simplement en termes de la nouvelle économie ou du besoin de restructurer notre économie vers des domaines plus innovateurs, que je suis entièrement d'accord avec cette idée. Nous devrions être conscients que 55 p. 100 de toutes les dépenses engagées dans la recherche et le développement au Canada sont le fait du secteur manufacturier. Une grande partie des composantes à forte valeur ajoutée du secteur des services y est étroitement liée. Donc, l'idée qu'il est possible de simplement laisser tomber le secteur manufacturier, de survivre à la crise en tant qu'économie fortement basée sur les ressources avec simplement un secteur des services qui s'y rattache, est tout à fait fausse.
    Comme je l'ai dit, notre déficit commercial dans le secteur manufacturier vient tout juste d'exploser — et la tendance se maintient et le secteur est en réalité compromis. Il faut vraiment se demander comment le Canada va s'en sortir sur la scène mondiale si le surplus commercial de sa production et des exportations de produits manufacturés continue de décliner. Nous ne pouvons payer que quelque 20 p. 100 de nos importations à l'aide des exportations du secteur de l'énergie.
    Jim a fait allusion à l'impression répandue que l'économie canadienne est basée sur des pétrodollars. Nos exportations énergétiques totales ne sont l'équivalent que de nos exportations du secteur automobile. Le secteur du pétrole représente encore moins, soit environ 12 p. 100, tous les produits pétroliers ou les produits pétroliers raffinés confondus. Donc, de bien des façons, ce sont les subordonnés qui l'emportent sur le chef, c'est-à-dire toute l'économie. À mon avis, les investisseurs internationaux se trompent quant à l'importance de l'effet moteur du secteur des ressources sur l'économie canadienne et sous-estiment vraiment l'importance du secteur manufacturier pour notre bien-être collectif.
    J'ajouterais simplement au passage, au sujet de la question des taux d'intérêt, qu'il est couramment admis — et c'est vrai jusqu'à un certain point — que notre dollar a été très fort en raison de l'augmentation du prix des ressources et en raison de la faiblesse de la devise américaine. À cet égard justement, le fait est que notre devise s'est beaucoup plus appréciée par rapport à la devise américaine que toute autre, que nous avons assumé le tiers environ de toute la dépréciation de la devise américaine, en termes pondérés par les échanges, par rapport au reste du monde. Nous assumons une part vraiment démesurée de la dépréciation du dollar US par rapport au reste du monde.
    Il est plus facile d'en parler que d'agir, mais le fait que les devises asiatiques — le yen et la devise chinoise — sont si étroitement liées au dollar US nous cause d'énormes difficultés. Les États-Unis n'ont pas acquis leur part du marché au Canada pendant que leur dollar était déprécié par rapport au nôtre. Toute notre part du marché intérieur va à l'Asie, non pas aux États-Unis. Entre temps, notre part du marché américain ne va pas aux fabricants américains, mais bien aux exportateurs chinois, aux exportateurs asiatiques.

  (1600)  

    Nous faisons vraiment face, selon moi, à un équilibre très fondamental et troublant du commerce entre l'Amérique du Nord et l'Asie, équilibre auquel il faut voir.
    J'ai l'impression qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.
    Je vais donc simplement dire, comme Jim, que les taux d'intérêt ont une influence très importante sur la valeur de la devise. Par rapport au moment où notre devise se rapprochait de 85 ¢ US au début de l'année, nous avons relevé et venons tout juste d'abaisser nos taux d'intérêt. Nous les avons relevés d'un quart de point. Il semblait qu'il faille qu'il monte encore. Puis, on a changé de cap légèrement la semaine dernière. Les États-Unis ont abaissé leurs taux d'intérêt d'un point entier. Donc, par rapport à la période où notre dollar valait 85 ¢US, les taux d'intérêt ont vraiment convergé.
    Nous sommes certes convaincus que si nous avions suivi les baisses de taux d'intérêt effectuées aux États-Unis à mesure qu'elles survenaient et avions fait la même chose que nos voisins, notre dollar perdrait de sa force. Or, il va continuer d'être trop élevé, mais la politique monétaire peut certes et devrait avoir une réelle influence.
    Je vous remercie.
    Monsieur Jackson, je vous remercie vivement.
    Je tiens à remercier les deux témoins de nous avoir fait des exposés aussi étoffés. Je tiens également à les remercier du travail qu'effectuent leurs organismes dans les études sur le secteur manufacturier. Il nous fut très utile à cet égard.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Le premier tour de table est de six minutes par intervenant, après quoi suivront d'autres tours de table de cinq minutes chacun. Par conséquent, les membres du comité ont très peu de temps pour poser des questions et faire des observations.
    Nous vous demanderions simplement d'être le plus concis possible dans vos réponses. Si la question posée s'adresse à l'un de vous deux et que l'autre aimerait y répondre, vous pouvez simplement me faire signe.
    M. Brison sera le premier. Il dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager le temps qui m'est alloué avec M. McTeague. Je ne m'attends pas à avoir besoin des six minutes.
    Je vais me concentrer sur quelques questions. Certaines des discussions que nous avons eues avec des membres du secteur manufacturier et du secteur des pièces automobiles laissent croire que les avantages, par exemple, de la déduction pour amortissement accéléré actuellement offerte par le gouvernement n'aide, tout d'abord, que si vous faites un profit de manière à pouvoir le défalquer de votre revenu gagné ou, par ailleurs, si vous pouvez réunir les fonds voulus. Il a été proposé d'en faire une déduction pour amortissement accéléré remboursable, ce qui profiterait à toute les sociétés même si elles ne sont pas rentables. En deuxième lieu, cependant, le secteur des pièces automobiles a présenté une demande précise pour des prêts de 200 millions de dollars du gouvernement fédéral, et je crois qu'il a fait la même requête au gouvernement de l'Ontario parce que les banques refusent simplement de consentir des prêts à ce secteur actuellement pour l'aider à faire ce genre de dépenses d'équipement, étant donné les problèmes avec lesquels il est aux prises.
    Je vous serais reconnaissant de me faire connaître votre réaction à ces deux mesures fiscales et de me dire quel serait l'impact de transformer le programme de RS&DE en avantage remboursable plutôt que non remboursable.
    Monsieur Brison, peut-être pourrais-je commencer à vous répondre.
    En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle la déduction pour amortissement accéléré est de valeur limitée, elle est valable, et nous l'appuyons également. Elle est de valeur limitée, cependant, justement en raison des facteurs que vous avez mentionnés. Il faut que l'entreprise soit rentable pour vraiment en tirer parti. Il faut pouvoir trouver les sources de financement qui permettent de payer le nouvel équipement. De plus, la période prévue pour se prévaloir du programme, qui est d'une durée de deux ans seulement, était un peu courte, à vrai dire. Il faut beaucoup plus de temps aux entreprises pour élaborer et mettre en oeuvre leur programme d'investissement de manière à pouvoir en profiter.
    La proposition faite par les constructeurs de pièces d'automobile, soit que les prêts ou une autre forme de soutien direct témoignent du fait que de nombreuses entreprises ne sont tout simplement pas en mesure de profiter de la déduction parce qu'au départ, elles ne font pas d'argent, auquel cas l'utilité d'une mesure fiscale comme celle-là est nulle, et elles ne peuvent réunir les fonds pour financer le nouveau programme.
    L'approche que je privilégie à cet égard serait un crédit d'impôt à l'investissement remboursable, comme l'a mentionné M. Jackson. Si le gouvernement fédéral, peut-être en partenariat avec les gouvernements de l'Ontario et du Québec, nous offrait, par exemple, un crédit d'impôt à l'investissement de 20 p. 100 remboursable quand le nouvel équipement est mis en place et qu'il était ciblé sur de la machinerie et de l'équipement pour aider, par exemple, des entreprises de taille moyenne à s'adapter à un dollar élevé, à ce moment-là, même les entreprises qui n'ont pas beaucoup d'argent sous la main actuellement pourront se prévaloir du crédit, faire une demande à une société de location-acquisition et s'organiser pour payer l'équipement qui leur permettra de tenter de survivre à l'orage. Je crois que ce genre de mesure, ciblé sur l'investissement dans de la machinerie et de l'équipement plutôt que sur la recherche et le développement comme tel, rendrait l'investissement plus rentable.

  (1605)  

    Monsieur Jackson, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je souscris entièrement à ce qui vient d'être dit.
    Vous y souscrivez? D'accord.
    Monsieur Brison.
    Je vais céder le temps qu'il me reste à M. Simard.
    Vous disposez de deux minutes et demie environ.
    Parfait. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, je vous suis vivement reconnaissant d'avoir pris la peine de venir.
    Vous avez parlé de 300 000 emplois qui étaient déjà perdus, dont 100 000 au cours de la seule dernière année, et de l'éventualité d'une perte de 300 000 autres emplois. Pourriez-vous nous donner une idée de... En supposant que le dollar se maintient à son niveau actuel, la perte surviendra-t-elle au cours des six prochains mois, de la prochaine année ou des trois prochaines années?
    À mon avis, monsieur, il faut entre deux et trois ans pour qu'un changement survenu dans le taux de change ait son plein impact sur les décisions concernant l'investissement, la production et l'emploi dans le secteur manufacturier. Donc, les quelque 300 000 emplois — je crois que le chiffre se rapproche davantage de 350 000 maintenant — reflètent la montée du dollar pour la période allant de 2002 jusqu'en 2005 ou 2006.
    Ce que nous observons actuellement est l'impact de la dernière partie radicale de l'appréciation, et nous en ressentirons les effets au cours des deux ou trois prochaines années également. Je m'attends que les 300 000 emplois disparaissent graduellement tout au long de cette période.
    J'ajouterais seulement que, si vous vous rappelez 1989, quand le dollar était également très élevé par rapport à la devise des États-Unis et qu'il y avait donc eu d'importantes pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, nous avons été cruellement frappés du fait que cette période a également coïncidé avec l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange.
    Il a fallu un certain temps pour que ces pertes d'emplois directs dans le secteur manufacturier se répercutent sur le reste de l'économie. Dans cette mesure, il existe un certain coussin au Canada. Le secteur de la construction résidentielle a joui d'une très forte vigueur.
    Toutefois, je crois qu'une grande partie du coussin contre certains impacts indirects de ces pertes d'emplois directs va disparaître. Donc, ce n'est pas seulement une question de pertes d'emplois supplémentaires dans le secteur manufacturier; nous allons sentir davantage les effets secondaires de ce qui s'est déjà produit.
    Je pourrais également ajouter qu'au sein des autres secteurs, non pas seulement du secteur manufacturier, les pertes d'emplois s'accumulent. Ainsi, l'industrie touristique et hospitalière a été très durement touchée par l'appréciation du dollar, particulièrement dans les collectivités frontalières. Donc, en plus de ces pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, il faut également faire face à des dizaines de milliers d'emplois perdus dans d'autres industries.
    Il ne vous reste plus qu'une dizaine de secondes. Votre tour reviendra, monsieur Simard.
    Je vous remercie.
    La parole va maintenant à M. Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Dans votre présentation, monsieur Stanford, vous avez dit qu'il y avait eu une hausse de la valeur du dollar de 60 p. 100 depuis 2002.
    Une certaine contribution des ressources naturelles, soit le prix du pétrole et d'autres ressources naturelles du Canada, peut-elle avoir causé cette fulgurante hausse de la valeur du dollar?

[Traduction]

    De toute évidence, il existe une forte corrélation entre les prix records des produits de base que l'on voit à l'échelle mondiale et l'appréciation de notre dollar. Notez que je parle de « corrélation », non pas forcément de « causalité ». Les cours de l'énergie, particulièrement, mais également les cours des minéraux pour les métaux de base, par exemple, ont beaucoup d'importance dans le contexte canadien, étant donné notre importante industrie minière axée sur les exportations.
    Je ne crois pas qu'il existe une raison pour laquelle la devise d'un pays devrait s'apprécier d'office simplement parce qu'il faut que le prix d'une faible partie de ses exportations augmente également. Voilà pourquoi j'estime que nous ne devons pas tenir ce lien pour acquis; il faut plutôt faire une réflexion plus poussée sur la manière dont cela se produit. Ce n'est pas inévitable. Je crois que tant le gouvernement que la banque centrale pourraient prendre des mesures pour isoler notre économie intérieure des effets secondaires imprévus de cette appréciation trop rapide.
    Du point de vue du gouvernement fédéral, cela engagerait de limiter certaines prises de contrôle et, peut-être, de trouver d'autres moyens de canaliser les bénéfices tirés des ressources énergétiques et minérales vers des fins qui n'auraient pas autant d'impact sur notre dollar.
    Donc, bien que les deux soient en corrélation, je ne crois pas inévitable que les cours mondiaux élevés des produits de base entraînent une appréciation de notre devise.

[Français]

    Les pertes d'emplois ne sont donc pas dues qu'à la hausse de la valeur du dollar.
     Y a-t-il d'autres facteurs qui auraient contribué à ces pertes d'emplois? La hausse de la valeur du dollar n'est pas seule responsable des pertes d'emplois que nous avons connues. Vous avez parlé de 300 000 emplois déjà perdus et de 300 000 autres pertes d'emplois à venir.
     Selon vous, MM. Stanford et Jackson, quels facteurs ont également contribué à ces pertes des emplois?

  (1610)  

[Traduction]

    Vous avez parfaitement raison, monsieur. Ce serait mal de blâmer uniquement la valeur élevée de notre dollar. Il existe d'autres problèmes auxquels est confronté le secteur manufacturier.
    Je souligne entre autres que le Québec a absorbé une très large part des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, en fait, une part proportionnellement plus élevée que dans le reste du pays.
    D'autres facteurs incluent les déficits commerciaux entre le Canada et l'Asie, surtout la Chine. Notre déficit commercial avec la Chine cette année frisera les 30 milliards de dollars. La Chine achète nos ressources, mais presque rien d'autre, et d'autres restructurations sont en cours dans le secteur manufacturier, par exemple les problèmes spéciaux qu'éprouve l'industrie nord-américaine de l'automobile. Toutefois, je ferai remarquer que ces problèmes existaient déjà avant le début de l'appréciation de notre devise. Ce ne sont pas là de tout nouveaux problèmes, de sorte qu'il est très juste de dire que l'ascension de notre dollar a joué un rôle unique et prédominant dans ces pertes d'emplois.
    Je crois qu'une grande partie du problème a été particulière à l'industrie forestière qui fait effectivement face à une conjonction plutôt unique de circonstances défavorables.
    L'autre point que j'aimerais souligner, c'est que le Canada a traversé une longue période où son dollar était faible. La conjoncture avait certes ses bons et ses mauvais côtés. Nous avons effectivement observé beaucoup de création d'emplois dans le secteur manufacturier après la récession du début des années 1990, mais pas beaucoup d'investissements dans l'acquisition de nouvelles machineries et de nouvel équipement, d'innovations et ainsi de suite, de sorte qu'en un certain sens, nous nous sommes nous-mêmes mis dans le pétrin à mesure que le dollar est revenu à des niveaux normaux.
    Si vous comparez notre secteur manufacturier à ceux d'autres pays industriels de pointe, le nôtre a une très forte composante ressources, dont certaines sont ici pour de bon, mais nous dépendons beaucoup plus du secteur de l'automobile que d'autres pays. De plus, nos secteurs de machinerie et d'équipement — aérospatiale, pharmaceutique et ainsi de suite — qui devraient bien s'en sortir dans la nouvelle économie mondiale sont, en dépit de leur importance, relativement petits.
    L'enseignement que j'en tire, c'est que nous avons vraiment besoin de certaines stratégies sectorielles pour régler le problème. Étant donné l'importance unique de notre industrie de l'automobile, nous avons cruellement besoin au Canada d'une stratégie de l'automobile qui gravite autour de l'aérospatiale, parce qu'en termes de structure de notre économie, il est vraiment important que nous misions sur les forces que nous avons déjà plutôt que de simplement les regarder s'évaporer très rapidement.

[Français]

    Il vous reste une minute, monsieur Vincent.
     Monsieur Stanford, pensez-vous que ce serait une bonne chose pour les entreprises que le gouvernement instaure des garanties de prêts pour les aider?

[Traduction]

    Je crois que les garanties de prêt sont un autre éventuel outil que pourrait utiliser le gouvernement. Elles sont préférables à la mesure fiscale, à nouveau parce que les sociétés incapables de se prévaloir des dégrèvements fiscaux simplement parce qu'elles ne sont pas rentables auraient ainsi accès à des garanties de prêt en quelque sorte. Je persiste à préférer le crédit d'impôt à l'investissement parce qu'il est directement lié à l'achat et à l'installation de nouvelle machinerie et de nouvel équipement, mais il existe certes différents moyens efficaces.
    Je pourrais peut-être simplement mentionner la baisse générale de l'impôt sur le revenu des sociétés qui, selon le gouvernement, fait partie de sa réaction à la force du dollar et aux problèmes du secteur manufacturier. Mis à part le fait que beaucoup de fabricants n'obtiendront aucune aide de ce dégrèvement fiscal du simple fait qu'ils ne sont pas rentables dans un pareil contexte, il existe aussi un autre effet pervers éventuel, soit que la valeur de ce dégrèvement fiscal ira aux entreprises du secteur des ressources qui ont engendré tant de profits dans ce contexte de coûts élevés, et n'oubliez pas ce que j'ai dit, soit que leurs profits faramineux et les évaluations de leurs actifs de même que leur attrait pour des prises de contrôle par des investisseurs étrangers sont en grande partie une source du problème de la force de notre devise — de sorte que j'estime qu'une baisse générale de l'impôt sur le revenu des sociétés, y compris du secteur des ressources, pourrait par inadvertance aggraver le problème plutôt que l'atténuer. Si le gouvernement souhaite agir, il faut qu'il cible son action sur le secteur manufacturier.
    C'est tout le temps dont nous disposons pour ce débat.
    Monsieur Vincent, je vous remercie.
    La parole va maintenant à M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et je tiens à exprimer ma reconnaissance aux invités d'avoir répondu à notre invitation.
    Le sujet revêt une importance particulière pour moi en tant que député de la circonscription d'Oshawa. Il n'y a pas longtemps, l'usine de construction de camions de la circonscription a fait des mises à pied, de sorte que 1 200 emplois ont été perdus. C'est décourageant parce que, quand j'examine les données pour le Canada, je constate que les Canadiens semblent acheter plus de camions, que les ventes de camions ont grimpé de 14 p.100 l'an dernier et que les nouvelles données sur les ventes de Chrysler montrent une progression au Canada cette année.
    Dans quelle mesure ces 300 000 pertes d'emploi sont-elles attribuables au fait qu'une grande partie de nos exportations sont destinées aux États-Unis, dont l'économie est mise à mal actuellement? Nos ventes sont-elles directement affectées par la conjoncture aux États-Unis?

  (1615)  

    Une part de notre faiblesse des derniers mois est certes due au ralentissement de l'économie aux États-Unis — l'incertitude qui entoure les problèmes financiers là-bas, les prêts hypothécaires à risque et tout le reste. C'est certes le cas dans l'exemple que vous avez mentionné, soit l'usine de construction de camions d'Oshawa. Toutefois, le problème auquel nous faisons face dans le secteur manufacturier remonte bien plus loin.
    L'emploi dans le secteur manufacturier baisse continuellement depuis cinq ans alors que, durant certaines périodes, l'économie des États-Unis était très forte. Le problème central de nos exportations aux États-Unis n'est pas ce ralentissement à court terme de l'économie américaine. Il s'agit plutôt du fait que notre part du marché américain de l'automobile est en train d'être accaparée par des importations du Japon, de la Corée et d'autres producteurs étrangers. C'est de loin le plus important facteur de la baisse de nos exportations aux États-Unis, et le dollar bien sûr ne fait qu'aggraver le problème.
    Vous avez aussi parlé de pays comme la Chine, avec laquelle nous avons un énorme déficit commercial, et je me demandais si vous pouviez commenter ce point. J'ai parlé à des fabricants au sujet d'accords internationaux inéquitables. Ils ont mentionné entre autres le Protocole de Kyoto.
    Certains pays comme la Chine et la Corée sont perçus comme étant des pays du tiers monde, de sorte que leurs producteurs n'ont pas à relever les mêmes défis environnementaux que les nôtres. En d'autres mots, nous pouvons signer des accords pour dire que nous allons améliorer notre environnement, mais si ces pays qui sont d'importants émetteurs de gaz à effet de serre ne prennent pas de pareils engagements, de quelle façon cela va-t-il affecter notre secteur manufacturier en Amérique du Nord, particulièrement au Canada? Les règles ne sont pas les mêmes pour tous.
    Je ne crois pas du tout que le Protocole de Kyoto a eu un impact défavorable sur notre secteur manufacturier. La Chine fait partie du processus. Elle ne s'engage pas à atteindre certaines cibles jusqu'au second cycle du Protocole de Kyoto, mais il existe bien des raisons pour lesquelles nos relations commerciales avec la Chine sont déséquilibrées. Il est question en fait du faible coût de la main-d'oeuvre là-bas, de la suppression des syndicats et de la capacité des entreprises mondiales d'investir là-bas et d'exporter ici sans avoir acheté quoi que ce soit en retour. C'est là la source de notre problème, non pas la Chine et Kyoto, pour être honnête.
    Je crois que le processus de Kyoto et l'effort déployé en vue de régler le problème des changements climatiques devraient offrir des possibilités au secteur manufacturier canadien, si nous lui donnons les ressources dont il a besoin pour adopter des technologies plus propres.
    Voilà qui contredit carrément ce que j'ai entendu des producteurs. J'ai parlé à un producteur ici qui était vraiment découragé parce qu'il vendait de la technologie à la Corée qui recevra des crédits, mais qui est un concurrent direct ici. Donc il devait assumer des coûts supplémentaires, mais il avait comme concurrent direct la Corée. Les producteurs là-bas pouvaient envoyer des biens ici à plus faible coût. J'estime à sa juste valeur votre opinion, mais ce n'est pas ce que j'entends les producteurs me dire.
    Ce n'est pas comme si nous avions imposé des coûts où que ce soit. L'idée d'en tenir compte comme étant une préoccupation future a du mérite. Quant à ce que le Congrès du travail a affirmé au sujet du problème des changements climatiques, pour ce qui est de fixer des cibles concernant les émissions pour les importants émetteurs finaux et ainsi de suite, c'est qu'on devrait tenir compte des facteurs de concurrence sur le plan des coûts.
    Par exemple, si nous construisons une nouvelle raffinerie à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et que les États-Unis n'ont pas le même coût de carbone à la production, ce genre d'investissement se dirigerait vers le sud de la frontière. Toutefois, j'estime que cela met en valeur l'importance d'intégrer les États-Unis au processus de Kyoto également.
    À mon avis, il importe d'intégrer tous les importants émetteurs dans le processus environnemental, c'est sûr.
    Vous avez mentionné la faiblesse du dollar et que c'était un incontournable durant les années 1980 pour être concurrentiel à long terme. Est-ce réaliste? Comment vous y prendriez-vous pour l'accomplir? Seriez-vous prêt à envisager une fixation des cours au Canada? On entend couramment dire que cela a beaucoup à voir avec la crise que traverse actuellement l'économie américaine, non pas forcément l'économie canadienne. Le dollar a légèrement grimpé, mais l'économie et le dollar américains sont vraiment en chute libre. À quel point est-il réaliste pour nous de renouer avec le dollar des années 1980?

  (1620)  

    Je vais commencer par parler du dollar, à savoir si c'est le dollar canadien qui grimpe ou si c'est le dollar américain qui chute. Il y a beaucoup d'inexactitudes dans le discours actuel à cet égard.
    Le dollar américain se déprécie à l'échelle mondiale. Si vous mesurez la valeur de la devise américaine à l'aune de l'indice pondéré selon les échanges des grands pays avec lesquels les États-Unis commercent et si vous pondérez chacun de leurs partenaires commerciaux selon son importance dans le commerce bilatéral, le dollar américain a reculé d'environ 20 p. 100 au cours des quatre dernières années. Le dollar canadien a augmenté, par rapport à celui des États-Unis, de 60 p. 100 durant la même période. Nous parlons ici d'un ratio de trois pour un. En d'autres mots, notre dollar a connu une appréciation qui représente le triple de la dépréciation du dollar américain. On pourrait dire qu'un tiers du problème est dû à la faiblesse du dollar américain, mais que les deux autres tiers sont un problème uniquement canadien, que notre devise est forte en raison de la surchauffe du secteur des ressources et de ses liens indirects avec notre devise.
    Quant à savoir par quel moyen on abaisserait en réalité le dollar au niveau des années 1980, je crois que c'est très sensé. Le point repère le plus courant qu'utilisent les économistes pour évaluer la valeur équitable d'une devise est ce qu'on appelle la « parité des pouvoirs d'achat », soit qu'une devise devrait se situer à un niveau tel qu'une certaine quantité d'argent peut acheter autant dans un pays que dans un autre, après ajustement pour tenir compte du niveau des prix et des taux de change. Cette parité des pouvoirs d'achat se situe entre 80 ¢ et 85 ¢. En fait, elle se situe entre 83 ¢ et 84 ¢ environ. Notre dollar est en train de s'éloigner de cette valeur à cause des pressions que subissent les marchés financiers.
    Désolé d'avoir été aussi verbeux.
    Monsieur Stanford, je vous remercie.
    Monsieur Carrie, je vous remercie également.
    Je souhaite faire observer aux membres et aux témoins que la cloche sonne. J'essaie de savoir à quelle heure au juste a lieu le vote. J'ignore s'il s'agit d'une motion de clôture.
    Quoi qu'il en soit, nous allons poursuivre. La parole va maintenant à Mme Nash, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    J'aimerais employer mon temps à explorer le lien entre les pertes d'emploi dans le secteur manufacturier et la pauvreté croissante au Canada.
    Je suis de Toronto. Récemment, nous avons reçu un rapport de Centraide qui parlait de la croissance marquée de la pauvreté. Nous avons perdu quelque 125 000 emplois dans le secteur manufacturier dans notre ville. Nous entendons dire que, bien qu'il y ait des pertes d'emploi dans le secteur manufacturier, elles sont contrebalancées par la croissance d'un autre secteur.
    J'aimerais demander aux témoins quel est l'impact des pertes d'emploi du secteur manufacturier sur la croissance de la pauvreté et savoir si vous estimez que la croissance du secteur des services va aider à réduire la pauvreté au Canada.
    Je vais peut-être répondre en premier, puisque Mme Nash est ma députée et une ex-collègue au syndicat. Quelle agréable surprise de pouvoir avoir cette discussion avec vous, Peggy!
    Pour ce qui est des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier qui sont contrebalancées par la création d'emplois dans le secteur des services, je crois que nous avons beaucoup de chance, en ce sens que le déclin dans le secteur manufacturier au cours des dernières années s'est fait à un moment où de très fortes dépenses sont faites dans l'économie nationale, par exemple au niveau de la vente au détail, dans la construction et dans les fonctions publiques. Cela nous a permis de vivre le déclin du secteur manufacturier sans avoir de récession globale, comme c'est arrivé la dernière fois que notre secteur manufacturier a vécu une crise, au début des années 1990. Donc, j'estime que nous avons été très chanceux à cet égard.
    Toutefois, ce serait commettre une grave erreur que de croire que le secteur manufacturier n'a pas beaucoup d'importance ou que les emplois qui sont perdus seront inévitablement créés ailleurs. Je ne prévois pas que cette tendance se maintienne. Le secteur manufacturier continue d'avoir beaucoup de poids dans notre économie. Les biens qu'il produit sont échangeables sur les marchés d'exportation. Comme Andrew l'a dit, il faut pouvoir produire ces biens pour pouvoir accéder aux marchés mondiaux.
    La qualité des emplois qui sont offerts dans le secteur manufacturier est supérieure en termes de productivité. Les niveaux de revenu dépassent par plus de 20 p. 100 les niveaux moyens. C'est le genre d'emploi où les membres de la classe ouvrière peuvent gagner un revenu de la classe moyenne.
    La perte de ces emplois, même si elle est compensée par l'emploi dans le secteur des services qui, dans l'entreprise privée, a tendance à offrir de plus bas salaires, continuera de contribuer, comme vous l'avez mentionné, à la croissance de la pauvreté dans notre société.

  (1625)  

    La seule réflexion qui m'est venue, si je peux dire, est que j'ai été pas mal frappé par le rapport publié récemment par Centraide. Il est stupéfiant de voir à quel point les pertes d'emplois en Ontario sont plus prononcées dans la grande région de Toronto. En réalité, je crois qu'il y a quelque 100 000 emplois actuellement du secteur manufacturier qui ont été perdus dans cette région.
    On oublie souvent que beaucoup de ces emplois ont été occupés par des immigrants relativement nouveaux. Or, le quart environ des nouveaux immigrants sont employés dans le secteur manufacturier, contre un taux de 15 p. 100 environ pour le reste de la population. Ce ne sont pas forcément de très bons emplois. Ce ne sont pas forcément des emplois dans l'industrie de l'automobile. Toutefois, pour de nombreux nouveaux immigrants, ils représentent un tremplin en quelque sorte vers le marché du travail par rapport aux autres genres de possibilités d'emploi offertes à Toronto, tel que le décrit le rapport. Ils ont au moins tendance à être à temps plein, et ainsi de suite.
    De bien des façons, la dimension humaine du phénomène en cours est occultée, et il faut la mettre beaucoup mieux en valeur, en termes de certains groupes précis qui sont touchés.
    Pouvez-vous également nous parler du lien entre le secteur manufacturier et le secteur des services? L'un d'entre vous a mentionné que 55 p. 100 de la recherche et du développement sont effectués dans le secteur manufacturier. J'aimerais avoir votre opinion sur le lien avec le secteur des services en général. Par exemple, quand il est question du « secteur des services », l'industrie des aliments et des boissons et le secteur de l'hôtellerie nous viennent immédiatement à l'esprit. Toutefois, nous sommes en train de faire une autre étude sur le secteur des services. Elle est beaucoup plus étendue. Il y a toutes sortes d'emploi hautement spécialisés dans le secteur des services, par exemple en télécommunications, en logiciels, en génie.
    Que pensez-vous de la dépendance de certains de ces emplois très spécialisés, surtout, à l'égard de la base manufacturière du pays?
    Andrew peut peut-être essayer de vous répondre en premier. J'ai déjà fait plus que ma part à cet égard.
    Je vais vous donner un exemple très concret qui m'a frappé récemment. Je suppose que c'était le numéro le plus récent de Report on Business Magazine, qui portait sur l'industrie forestière et comparait l'industrie forestière canadienne à celle de la Finlande, qui a une très forte composante de recherche et de développement. On a vraiment développé là-bas un secteur de biotechnologie très prospère basé sur l'industrie forestière primaire. Donc, c'est sûr qu'en termes de cet argument concernant l'ajout d'une plus grande valeur à nos ressources, en quelque sorte d'avoir une influence sur les secteurs importants, en Finlande, ils ont un très fort secteur qui bâtit de la machinerie et de l'équipement d'exploitation forestière destinés à l'exportation. Ils sont en train de construire des usines de pâtes et papiers dans le monde entier. C'est un secteur des services qui offre des services de génie spécialisés.
    L'argument serait qu'on a besoin d'une base de production pour profiter des retombées secondaires d'une grande part de cette valeur ajoutée.
    À un certain niveau, nous ne tenons pas compte de l'importance du secteur manufacturier en le voyant uniquement comme un pourcentage du marché du travail, où sa part est nettement en régression, et une explication partielle est une croissance plus rapide de la productivité. Toutefois, en partie, c'est simplement que le secteur manufacturier a externalisé à d'autres beaucoup de fonctions qu'il avait l'habitude de prendre en charge, allant du nettoyage aux services de paie spécialisés. Nous dénombrons un grand nombre de services actuellement qui étaient auparavant inclus dans le secteur manufacturier comme tel.
    Madame Nash, je vous remercie.
    Chers collègues, on m'envoie des courriels pour dire que nous sommes censés nous rendre immédiatement à la Chambre pour voter. Je crois savoir qu'un vote est prévu à 16 h 50. Je suis vraiment navré. Le débat est excellent, et beaucoup de membres souhaitent poser des questions. Toutefois, en tant que président, je suis obligé, quand nous sommes appelés à la Chambre, de dire qu'il faut y aller.
    Il n'y a pas d'autre option. Des votes sont prévus également à 17 h 30. Je crois qu'il y en a six. Donc, nous sommes plutôt limités dans ce que nous pouvons faire.
    J'en suis conscient. Je suis heureux simplement qu'on m'ait entendu.
    Si les membres du comité le demandent, nous vous inviterons certes à nouveau et, s'il y avait autre chose que vous souhaitiez nous présenter, n'hésitez pas à le faire en passant par moi ou le greffier.
    Je vous remercie énormément d'être venus. Je m'excuse pour le peu de temps mis à votre disposition, cependant.
    Je vous remercie.

  (1630)  

    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
    La séance est levée.