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PACP Rapport du Comité

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Les Rôles Et Responsabilités Du Secrétariat Du Conseil Du Trésor Ainsi Que Le Mandat Des Sous-Ministres

 

Introduction

Le Conseil du Trésor est un comité du Conseil privé dont le fondement législatif est la Loi sur la gestion des finances publiques. Le Conseil, avec l’appui du Secrétariat, joue le rôle de conseil de gestion du gouvernement et surveille les opérations de l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Il s’acquitte de ce rôle de surveillance selon trois points de vue : la gestion des dépenses, la surveillance du rendement en matière de gestion et les fonctions d’employeur principal de la fonction publique.

Le Comité des comptes publics a décidé d’étudier les rôles et les responsabilités du Conseil du Trésor et de son Secrétariat ainsi que le mandat des sous-ministres parce qu’il se préoccupait de la responsabilisation en gestion financière dans les ministères et les organismes. Plus expressément, le Comité avait des préoccupations sérieuses au sujet de la responsabilité à l’égard des coûts du Programme canadien des armes à feu, de la faillite des contrôles de gestion au Commissariat à la protection de la vie privée et au Bureau de l'enquêteur correctionnel et des importants dépassements de coûts dans les grands projets de technologie de l’information. Dans chacun de ces dossiers, le Secrétariat du Conseil du Trésor a un rôle de surveillance à jouer, mais il ne semble pas l’avoir exercé avec toute la rigueur souhaitée. À chaque fois, le Secrétariat affirme que la responsabilité de la gestion financière revient aux ministères, de sorte que le Comité se demande où se situent au juste les rôles et les responsabilités réels du Secrétariat du Conseil du Trésor et des sous-ministres. On ne voit pas distinctement si le Secrétariat dispense des conseils suffisants aux ministères et s’il exige ensuite de leur part une saine gestion financière.

Les responsabilités et les rôles respectifs des ministères et du Conseil du Trésor en matière de gestion financière ont évolué au fil des ans, et le Comité ne s’est pas formé une opinion générale, ou n’a pas précisé sa pensée sur le juste équilibre à ménager entre la direction centrale et l’autonomie administrative. Il a plutôt cerné un certain nombre de domaines à examiner. Dans le présent rapport, il a classé ces domaines de la façon suivante : dans la partie 1, les rôles et les responsabilités du Secrétariat du Conseil du Trésor -  gestion financière, examen de la politique, surveillance active et cadre de responsabilisation en gestion -, et dans la partie 2, le mandat des sous-ministres.

Le Comité a consacré cinq séances à cette étude et il a accueilli divers témoins, dont les suivants : Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada; Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada; Wayne Wouters, secrétaire du Conseil du Trésor; Marc O'Sullivan, secrétaire adjoint du Cabinet, Bureau du Conseil privé; Ian Clark, président du Conseil des universités de l'Ontario et ancien haut fonctionnaire; Denis Desautels, ancien vérificateur général du Canada; Arthur Kroeger, ancien haut fonctionnaire.

PARTIE 1 : RÔLES ET RESPONSABILITÉS DU SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR

A. Gestion financière

À une certaine époque, les contrôles financiers dans l’appareil gouvernemental canadien étaient fortement centralisés; le contrôleur du Trésor devait autoriser toutes les dépenses. S’efforçant de rendre les ministères plus responsables, plus comptables de leur gestion financière, le Conseil du Trésor a décentralisé ce pouvoir et accordé aux ministères une autonomie et un contrôle assez importants[1]. La vérificatrice générale s’est exprimée en ces termes :

... cela rejoint des propos tenus tout à l'heure au sujet d'un balancier entre la centralisation et la décentralisation. Étant donné la complexité et la taille du gouvernement fédéral, nous devons reconnaître que la responsabilité doit être partagée. Je ne pense pas que ce puisse être totalement décentralisé; ce serait impossible. Une certaine fonction centrale est nécessaire, ne serait-ce que pour produire des états financiers et élaborer des politiques et l'orientation des ministères. Une centralisation totale ne serait pas non plus fonctionnelle, étant donné la complexité des ministères. Donc, la responsabilité doit être partagée et ce qui est probablement nécessaire, c'est une plus grande précision sur le rôle et la responsabilité de l'agence centrale.

Il est donc impérieux, si on veut que les fonds publics soient bien protégés et dépensés comme il convient, que les ministères et organismes appliquent de solides contrôles financiers, possèdent des systèmes d’information sûrs, utilisent des pratiques comptables claires et cohérentes et soient dotés d’un solide dispositif de vérification interne. Pour sa part, le Conseil du Trésor, à titre de conseil de gestion du gouvernement, doit établir des politiques et des normes dans ces domaines, donner des orientations au besoin et surveiller la gestion financière dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental.

Ces dernières années, le Conseil du Trésor et le Secrétariat ont pris un certain nombre d’initiatives afin d’améliorer la gestion financière au sein du gouvernement du Canada. Ainsi, ils ont :

  • rétabli le Bureau du contrôleur général, dont l’objectif est de veiller à ce que les ministères se conforment aux politiques du Conseil en matière de dépenses et d’intendance;
  • élaboré et adopté une nouvelle politique de vérification interne, qui a été approuvée en octobre 2005 – et la Loi fédérale sur la responsabilité confie à l’administrateur général la responsabilité de veiller à ce qu’il y ait une capacité de vérification interne suffisante;
  • créé le Centre d’excellence en vérification interne;
  • exigé des grands ministères qu’ils aient des comités de vérification indépendants;
  • pris l’engagement que les 22 ministères les plus importants fassent figurer des états financiers vérifiés dans leur rapport de rendement ministériel d’ici 2009;
  • établi dans les ministères le poste d’agent financier supérieur;
  • entrepris un examen des politiques de gestion financière (la section suivante traite de la question plus en détail).

Ce sont là des progrès importants, certes, mais ces initiatives inspirent néanmoins plusieurs préoccupations au Comité.

Le Comité se réjouit que le gouvernement ait rétabli comme entité distincte le Bureau du contrôleur général, car cette mesure devrait aider à fournir des orientations plus fermes et plus précises aux ministères en matière de gestion financière. Néanmoins, le Comité s’interroge sur la mesure dans laquelle les ministères sont tenus de suivre les orientations du contrôleur général. Il a constaté, dans le dossier de la comptabilité des coûts du Programme canadien des armes à feu à quel point on n’a pas tenu compte des conseils du contrôleur général en matière comptable, préférant se fier à un avis juridique[2]. Le gouvernement a répondu en ces termes à la recommandation du Comité voulant que le contrôleur général du Canada représente l’autorité ultime en ce qui a trait à l’interprétation et à l’application des normes et conventions comptables :

Les projets de politiques à l’étude exigeront que, dans l’éventualité où le contrôleur général du Canada ne serait pas d’accord avec le traitement comptable fait par un ministère, il ferait part de son désaccord par écrit à l’administrateur général visé, au secrétaire du Conseil du Trésor et au président du Conseil du Trésor[3].

Le Comité n’est pas satisfait de cette proposition, car elle permettrait toujours aux administrateurs généraux de passer outre à l’avis du contrôle général en matière comptable. Il demeure convaincu que le contrôleur général doit avoir le dernier mot en ce qui concerne le traitement comptable. À défaut, il faudrait au moins que le vérificateur général soit informé de ces divergences, et il pourrait signaler l’affaire au Parlement. Le Comité recommande :

Recommandation 1
Que les désaccords au sujet du traitement comptable entre le contrôleur général du Canada et les administrateurs généraux soient exposés par écrit au vérificateur général du Canada, ainsi qu’au secrétaire et au président du Conseil du Trésor.

D’après la Politique sur les responsabilités et l'organisation de la fonction de contrôleur, il incombe aux administrateurs généraux de désigner un agent financier supérieur[4]. Toutefois, la vérificatrice générale a dit au Comité que seulement 16 des 22 agents financiers supérieurs des plus grands ministères ont actuellement un titre professionnel en comptabilité. Le Comité trouve renversant qu’on puisse désigner comme agent financier supérieur une personne qui n’a pas de titre professionnel en comptabilité, d’autant plus que la politique a été approuvée il y a plus de dix ans, en 1996. Il est impérieux que ces agents comprennent la vraie nature des finances de l’État et de la gestion financière. Le meilleur moyen de garantir la compétence de ces agents, c’est de s’assurer qu’ils ont un titre professionnel en comptabilité. Le Comité recommande donc :

Recommandation 2
Que, d’ici le 31 mars 2009, tous les agents financiers supérieurs dans l’administration fédérale possèdent un titre professionnel en comptabilité.

Le Bureau du contrôleur général dirige les efforts visant à renforcer la fonction de vérification interne dans l’appareil gouvernemental. Aux termes de la Politique sur la vérification interne, il appartient au contrôleur général d’effectuer les vérifications horizontales et autres dans les petits ministères[5]. Toutefois, le Bureau a pris au sujet des vérifications internes plusieurs engagements qui ne semblent pas avoir été tenus. D’après le Rapport sur les plans et les priorités du Secrétariat du Conseil du Trésor pour 2005-2006, le Bureau s’est engagé à faire une vérification horizontale dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental sur la vérification interne au plus tard en décembre 2005 et à élaborer des plans triennaux sur a) les vérifications dans les petits ministères et organismes et b) des vérifications horizontales dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental au plus tard en mars 2006[6]. Toutefois, ces activités n’ont pas été terminées à temps pour le rapport sur le rendement de 2005-2006[7]. Le Comité appuie les efforts tendant à renforcer la vérification interne et souhaiterait voir plus de progrès dans ce domaine. Il souhaiterait également plus de transparence au sujet des progrès accomplis. Il recommande :

Recommandation 3
Que le Bureau du contrôleur général remette au Comité des comptes publics, d’ici le 31 décembre 2007, ses plans qui portent sur les vérifications horizontales et sur les vérifications dans les petits ministères et organismes.
Recommandation 4
Que les vérifications effectuées par le Bureau du contrôleur général soient rendues publiques dès qu’elles sont terminées.

Enfin, s’il est vrai que le gouvernement prend des mesures pour que les états financiers des 22 ministères les plus importants soient vérifiés, la vérificatrice générale a dit au Comité qu’elle doutait que les ministères puissent, d’ici 2009, produire des états financiers d’une qualité suffisante pour qu’ils puissent être vérifiés[8]. S’il existe des doutes quant à la possibilité de respecter ce calendrier, le contrôleur général devrait en informer le Comité le plus tôt possible.

B. Examen des politiques

Il incombe au Conseil du Trésor de définir la politique pangouvernementale régissant l’administration des ministères et la gestion financière. Le secrétaire du Conseil du Trésor, Wayne Wouters, a décrit cette responsabilité de façon suivante :

Les politiques de gestion du Conseil du Trésor constituent le fondement de la responsabilité de gestion dans l'administration fédérale. Elles assurent l'uniformité de la gestion à l'échelle du gouvernement en fonction des normes communes qui favorisent l'excellence dans ce domaine. Elles définissent clairement les responsabilités et les obligations liées à la responsabilisation des sous-ministres en matière de gestion des résultats, des ressources et des risques. Elles définissent les mesures incitatives en faveur de l'excellence de la gestion et les conséquences négatives d'un rendement insuffisant[9].

Depuis plusieurs années, le Secrétariat du Conseil du Trésor examine l’ensemble de ses politiques de gestion pour les simplifier et les rationaliser. Il dit que les objectifs de cet examen sont les suivants :

  • énoncer clairement les attentes envers les ministres et les sous-ministres afin de s’assurer que les mécanismes de contrôle nécessaires sont en place et font l'objet d'une surveillance;
  • établir le fondement d’une utilisation accrue des pouvoirs en vigueur, et préciser la marche à suivre dans les cas de mauvaise gestion;
  • mettre l'accent sur les exigences concernant les rapports et fournir une information pertinente sur le rendement;
  • renforcer l'exigence de surveillance de la conformité dans les principaux secteurs à risque, informer le Conseil du Trésor en cas de mauvaise gestion et apporter les correctifs requis;
  • aider les sous-ministres et les gestionnaires à se conformer aux exigences énoncées dans les politiques grâce à une série appropriée d’outils, de formation, de communications internes[10].

Un exemple de politique révisée récemment est la Politique sur la vérification interne, rendue publique en avril 2006.

Le Comité appuie l’examen des politiques entrepris par le Secrétariat du Conseil du Trésor et les efforts visant à en préciser les exigences. Toutefois, même s’il y a là une évaluation favorable, on ne voit pas clairement quel est le progrès accompli ni quelle est l’ampleur de la tâche à accomplir encore. Il est fait état des progrès réalisés dans le Rapport ministériel sur le rendement de 2005-2006; il est question de quelques activités et on lit l’observation suivante : « Le Secrétariat a commencé à dresser des plans visant le renouvellement des autres politiques et les progrès sont évalués par rapport aux plans[11]. » On est loin de rapports sur le rendement clairs, crédibles et fondés sur les résultats. Au nom de la transparence et de la responsabilisation, le Comité recommande :

Recommandation 5
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor remette au Comité des comptes publics son plan de renouvellement de sa série de politiques d’ici le 31 décembre 2007 et qu’il présente dans son rapport ministériel sur le rendement un compte rendu détaillé des progrès accomplis par rapport à son plan.

L’examen des politiques vise aussi à préciser les attentes en matière de responsabilisation et de rendement. Sheila Fraser a expliqué au Comité comment le manque de clarté entraîne parfois la confusion et la recherche de responsables à pointer du doigt lorsque quelque chose va mal :

Cependant, là où je pense qu'il est nécessaire d'avoir plus de clarté, et c'est quelque chose que nous voyons souvent dans le cadre de nos vérifications, c'est en ce qui concerne la responsabilité des ministères et la responsabilité du Secrétariat du Conseil du Trésor. Très souvent, lorsque nous voyons une situation où des améliorations sont nécessaires, les ministères trouvent que l'encadrement assuré par le Secrétariat du Conseil du Trésor n'est pas suffisant ou qu'on ne leur a pas dit quoi faire, et le Conseil du Trésor répond que ce sont les ministères qui auraient dû gérer la question, et on se renvoie un peu la balle à cet égard[12].

Le Comité est d’accord pour dire qu’il faut préciser davantage les responsabilités respectives des ministères et du Secrétariat, car la responsabilisation nécessite des responsabilités et des rôles clairs. De plus, s’il n’y a pas de conséquences claires lorsqu’on déroge aux politiques, rien, sinon l’embarras causé à l’occasion par une étude du vérificateur général, n’incite les ministères à respecter les directives du Conseil du Trésor. M. Wouters a dit au Comité que l’examen des politiques tiendrait compte de ces préoccupations. Il a eu cette réflexion :

Il y a toujours des préoccupations au sujet de l'absence de conséquences si on ne respecte pas les politiques. Et certaines de nos politiques ne sont pas claires à ce sujet. C'est pourquoi dans notre examen, en présentant les nouvelles politiques au Conseil du Trésor, nous voulons, d'abord, nous assurer que les responsabilités sont claires, ensuite, déterminer ce que l'on attend de chaque partie et enfin, décrire les conséquences advenant que les politiques ne sont pas respectées[13].

Linda Lizotte-MacPherson, secrétaire déléguée, a ajouté : « ... en ce qui concerne les politiques que nous sommes en train de renouveler [...], nous incluons également les conséquences explicites qu'implique chaque politique. Donc, si on examine les sanctions institutionnelles jusqu'aux conséquences individuelles pour non-conformité, c'est un gros changement.[14] »

Le Comité estime réconfortant que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait reconnu la nécessité de préciser les conséquences des dérogations aux politiques. Toutefois, cela semble valoir seulement pour les politiques qui sont renouvelées, alors que toutes les politiques du Conseil du Trésor devraient être traitées de la même manière. Le Comité recommande donc :

Recommandation 6
Que toutes les politiques du Conseil du Trésor soient revues d’ici décembre 2007 de façon à prévoir des conséquences appropriées et sérieuses lorsque leurs exigences ne sont pas respectées.

Outre l’examen interne des politiques qui se poursuit au Secrétariat du Conseil du Trésor, le président du Conseil du Trésor a annoncé en juillet 2006 la mise sur pied d’un groupe de travail composé de sous-ministres et d’anciens agents financiers principaux du conseil privé pour étudier le cadre de gestion financière[15]. Le mandat de ce groupe était de formuler des recommandations pour renforcer et rationaliser les politiques de gestion financière, modifier les exigences inutiles ou stériles des politiques ou mesures législatives et veiller à ce que la fonction publique ait les experts en finances compétents dont elle a besoin. Le groupe devait faire rapport en décembre 2006, mais aucun rapport n’a été rendu public jusqu’à maintenant. Comme le groupe aurait dû achever son travail il y a longtemps, le Comité, étant donné qu’il a un vif intérêt pour les résultats de cette étude, recommande :

Recommandation 7
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor remette au Comité des comptes publics les résultats de l’étude du cadre de gestion financière au plus tard le 30 septembre 2007.

Pour rétablir la responsabilisation et assurer une prestation efficace et efficiente des programmes au moyen de règles moins nombreuses, mais plus efficaces, le président du Conseil du Trésor a également annoncé, en juin 2006, la création d’un groupe d’experts chargé de donner des conseils sur les programmes de subventions et de contributions[16]. Arthur Kroeger, ancien sous-ministre, a dit au Comité que, à l’intérieur du gouvernement, « il y a trop de règlements, trop de bureaucratie[17] ». Il a ajouté que la multiplication des règles rend le gouvernement lourd, gauche et sclérosé. Il arrive souvent que des règles soient mises en place pour prévenir des problèmes, mais : « [q]uand on essaie de bâtir un gouvernement qui ne commet pas d'erreurs, on se retrouve avec un gouvernement plus bureaucratique qui n'est pas nécessairement moins sujet à l'erreur[18] ». Il est ainsi devenu très lourd pour les petites organisations non gouvernementales de recevoir des subventions de l’État. M. Kroeger a expliqué au Comité comment un ministère avait demandé aux Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques d’expliquer un écart de 64 ¢.

Le Comité appuie sans réserves l’objectif du gouvernement, qui est d’avoir des règles moins nombreuses et plus efficaces. La vérificatrice générale a même inscrit parmi ses priorités une contribution à de saines pratiques de comptabilité, de gouvernance et d’efficacité dans la fonction publique en s’attaquant au problème du poids des contrôles et des exigences en matière de rapports. Elle estime que des règles moins nombreuses, mais appliquées avec cohérence, seraient plus efficaces[19].

Le groupe d’experts indépendants a produit son rapport en décembre 2006 et, en février 2007, le président du Conseil du Trésor s’est engagé à élaborer un plan d’action pour réformer l’administration des subventions et contributions[20]. Aucun plan d’action n’a encore été rendu public. Le Comité recommande :

Recommandation 8
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor remette au Comité des comptes publics, au plus tard le 30 septembre 2007, un plan d’action détaillé sur la mise en œuvre des recommandations du groupe d’experts chargé de donner des conseils sur les programmes de subventions et de contributions. Que, dans son rapport ministériel sur le rendement, le Secrétariat du Conseil du Trésor rende compte des progrès accomplis dans l’application de son plan d’action.
C. Surveillance active

Bien qu’il se fasse d’autres efforts valables, il ne suffit pas de revoir les politiques, de préciser les conséquences des dérogations à ces politiques et de réduire le nombre de règles. Il faut encore que ces politiques ou ces règles soient appliquées avec efficacité et cohérence. Il n’est pas souhaitable d’avoir une surveillance centralisée excessive, mais si on veut que les ministères répondent de leur gestion, il doit y avoir un moyen d’exiger d’eux des comptes. Le Secrétariat du Conseil du Trésor doit donc avoir le moyen d’exercer une surveillance pour qu’il puisse savoir si les ministères se conforment ou non à ses politiques et de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir leur application.

Denis Desautels, ancien vérificateur général du Canada, a expliqué ce dont, à son avis, le Secrétariat du Conseil du Trésor a besoin pour pouvoir surveiller efficacement ce qui se passe dans les ministères :

On veut que le secrétaire du Conseil du Trésor dispose de systèmes d'information lui permettant de savoir si les ministères exécutent correctement les politiques qu'il a approuvées. Il doit disposer de systèmes qui lui indiquent si les ministères respectent leurs objectifs et gèrent bien les ressources qu'on leur a octroyées. Il faut que des systèmes fournissent à l'organisme central qu'est le Secrétariat du Conseil du Trésor suffisamment d'information pour lui permettre de déterminer si les ministères et les entités font bien leur travail[21].

Dans son ouvrage, Le point sur une décennie au service du Parlement, M. Desautels a souligné que le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait prendre les devants dans son contrôle des ministères. Il a écrit : « Je crois fermement que le Secrétariat devrait continuer avec détermination à exercer une surveillance “active”[22]. »

Il est vrai que le Conseil du Trésor a une Politique sur la surveillance active, l’actuelle vérificatrice générale exprime des doutes au sujet de l’ampleur de cette surveillance de la part du Secrétariat. En effet, Sheila Fraser a dit au Comité : « À un moment donné, le Conseil du Trésor a eu une activité ou un programme qu'on appelait “surveillance active” dans les ministères et portant sur les différentes politiques de gestion financière et autres. Je ne sais plus où les choses en sont rendues à cet égard[23]. »

Wayne Wouters, secrétaire du Conseil du Trésor a décrit l’approche actuelle dans les termes suivants :

Nous ne pouvons pas surveiller chaque opération — c'est tout simplement impossible — mais nous essayons effectivement de surveiller la conformité, plus particulièrement dans les domaines où il y a des risques importants pour le gouvernement. Nous nous attendons à ce que, de façon générale, les ministères respectent nos politiques. [...]Nous examinons diverses sources. Comme je l'ai dit, nous effectuons une évaluation de leurs compétences générales au ministère grâce à notre évaluation du cadre de responsabilité de gestion, nous examinons les mémoires présentés au Conseil du Trésor et nous en faisons des vérifications internes, de sorte que nous sommes en mesure de déterminer si ces ministères sont, en fait, en conformité avec les politiques, les directives et les normes[24].

Toutefois, un examen effectué par le Secrétariat du Conseil du Trésor a signalé des faiblesses dans l’approche actuelle. On y lit : « Les experts consultés aux fins du présent examen s’entendaient presque tous pour dire que les systèmes de gestion de l’information et les processus de collecte de données les alimentant ne permettaient pas au Conseil du Trésor ni à son Secrétariat de bien jouer leur rôle de surveillance[25].

Le Secrétariat du Conseil du Trésor semble aborder de façon passive la surveillance de la gestion financière des ministères, de leurs systèmes de contrôle et de leur conformité aux politiques du Conseil du Trésor. Il dit que les ministères doivent se conformer aux politiques du Conseil du Trésor, mais il ne semble pas faire grand-chose pour confirmer que les ministères respectent ces politiques. Le Conseil du Trésor adopte des règles et assortit les dépenses de conditions. Pourtant, le processus de suivi et de vérification du Secrétariat se réduit à fort peu de chose. La fonction de remise en question, au stade de l’approbation des présentations au Conseil du Trésor, ne suffit pas. Le Secrétariat a besoin d’un mécanisme pour surveiller les ministères et s’assurer qu’ils respectent ses directives. Il doit être en mesure de repérer les cas où les politiques n’ont pas été suivies au lieu d’attendre que le vérificateur général les lui signale, car il est alors trop tard pour prévenir une gestion médiocre, l’effondrement des contrôles internes ou le gaspillage de fonds publics. Il y a plusieurs années, le Comité a appris avec étonnement que le Secrétariat du Conseil du Trésor n’était pas intervenu pour prévenir des erreurs de gestion graves et persistantes au Commissariat à la protection de la vie privée, problème qui vient de se reproduire au Bureau de l’enquêteur correctionnel[26].

Des politiques dépourvues de mécanismes de surveillance et d’exécution se résument à de bonnes idées. Le Comité est fermement convaincu que le Secrétariat du Conseil du Trésor a besoin de capacités et de systèmes d’information suffisants pour se livrer à une surveillance active sérieuse de la gestion financière des ministères et du respect, par les ministères, des politiques du Conseil du Trésor. Pour assurer une meilleure reddition publique des comptes à l’égard des activités de surveillance du Secrétariat du Conseil du Trésor, le Comité recommande :

Recommandation 9
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor fasse une surveillance active de la conformité des ministères aux politiques de gestion financière du Conseil du Trésor et rende compte des résultats de cette surveillance active dans son rapport ministériel annuel sur le rendement.
D. Cadre de responsabilisation de gestion

Il faut dire, pour être juste, que des mesures constructives ont été prises. À titre de conseil de gestion du gouvernement, le Conseil du Trésor a la responsabilité d’offrir aux ministères une orientation générale en matière de gestion. Le Secrétariat a récemment mis en place une méthode de surveillance de la gestion ministérielle en définissant des attentes en matière de rendement et en demandant aux ministères de produire de l’information sur leur rendement par rapport à ces attentes. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a implanté le Cadre de responsabilisation de gestion (CRG) en juin 2003, en partie pour répondre au rapport publié par le vérificateur général en octobre 2000, exhortant le gouvernement à s’attaquer à la question du maintien de la confiance du public[27]. Le CRG a également été élaboré afin de préciser les attentes à l’égard des sous-ministres parce que : « Les moyens employés par le Conseil du Trésor pour déterminer comment les sous-ministres exercent le pouvoir qui leur est délégué ne sont pas très précis[28]. »

Le CRG a été élaboré au départ à l’intention des sous-ministres, afin qu’ils aient une liste claire des attentes en matière de gestion. Chaque année, le Secrétariat passe en revue une liste d’indicateurs associés aux attentes en matière de gestion et évalue la façon dont les ministères se sont comportés pour chacun des indicateurs. Parallèlement, les ministères peuvent évaluer leur propre rendement en se servant des mêmes indicateurs. Après l’évaluation du Secrétariat du Conseil du Trésor, le secrétaire rencontre le sous-ministre et discute des résultats de l’évaluation qui a été faite de son ministère. Le CRG constitue de la sorte un point de repère pour les contacts avec les ministères et propose des moyens que les ministères peuvent emprunter pour progresser dans les domaines où il y a des lacunes.

Le greffier du Conseil privé tient compte, entre autres choses, des évaluations selon le CRG pour, en consultation avec le Comité des hauts fonctionnaires, formuler des recommandations à soumettre au premier ministre au sujet de la cote de rendement des sous-ministres[29].

En décembre 2003, le gouvernement a annoncé que ces évaluations seraient publiées sur les sites Web des ministères pour que les parlementaires et les Canadiens puissent les consulter[30]. Cette mesure donnait suite à une recommandation formulée par le Bureau du vérificateur général dans son rapport de novembre 2003 disant que le Parlement voudrait peut-être étudier la manière dont les comités parlementaires pourraient utiliser le CRG comme document de référence lorsqu'ils demandent aux sous-ministres de rendre compte de la gestion de leur ministère[31]. Au mois de mars 2007, les CRG ministériels ne sont pas encore à la disposition du public, même si les ministères et le Secrétariat du Conseil du Trésor ont terminé trois cycles d’évaluations en fonction du CRG. 

Le secrétaire du Conseil du Trésor, Wayne Wouters, a expliqué au Comité que le processus du CRG était « un travail évolutif[32] », et il a poursuivi :

C'est un processus d'apprentissage pour nous, question de savoir comment procéder. Nous avons dû établir des indicateurs d'évaluation. Nous devions nous assurer d'en être satisfaits. Nous avons dû aussi nous assurer d'obtenir des preuves, de sorte que le cadre soit axé sur des données probantes. C'est le travail que nous avons accompli, donc nous sommes un peu hésitants à en publier les résultats.

M. Wouters croit néanmoins que, étant donné le nombre de demandes d’accès à l’information reçues au sujet des évaluations selon le CRG, « nous avons fait suffisamment de travail pour pouvoir commencer à les rendre publiques (les évaluations) ». Le Comité s’inquiète vivement du fait que les évaluations n’aient pas encore été publiées, comme l’engagement en a été pris vers la fin de 2003. La responsabilisation dépend de la transparence. Si les sous-ministres, comme administrateurs des comptes, ont des comptes à rendre, doivent répondre au Comité des comptes publics  « des mesures prises pour que les ressources du ministère soient affectées de façon à réaliser les programmes de celui-ci, en conformité avec les règles et méthodes administratives applicables[33] », il faut que les évaluations, dans la mesure où elles ont été faites, soient rendues publiques. Le Comité recommande donc :

Recommandation 10
Que les évaluations faites par le Secrétariat du Conseil du Trésor en fonction du Cadre de responsabilisation de gestion soient rendues publiques dès qu’elles sont terminées, à compter du troisième cycle. Que le Secrétariat du Conseil du Trésor, s’il ne peut le faire, fournisse les raisons au Comité des comptes publics au plus tard le 30 septembre 2007.  

PARTIE 2 : MANDAT DES SOUS-MINISTRES

La question du mandat des sous-ministres, bien qu’elle n’ait aucun lien direct avec les rôles et les responsabilités du Conseil du Trésor et de son Secrétariat, est revenue sans cesse au cours des audiences de cette étude. Il est très difficile de se concentrer sur l’administration ministérielle et ensuite d’exiger à cet égard des comptes du fonctionnaire le plus haut placé du ministère, le sous-ministre, s’il ne reste que très peu de temps aux commandes d’un ministère avant de passer à un autre.

Les sous-ministres sont nommés par le gouverneur en conseil sur la recommandation du premier ministre qui, pour sa part, est guidé par les conseils du greffier du Conseil privé. Ils sont nommés à titre amovible, ce qui veut dire qu’ils peuvent être mutés ou même renvoyés pour n’importe quelle raison. La nomination des sous-ministres est considérée comme la prérogative du premier ministre même si, dans les faits, le processus de nomination est géré pour lui par le Secrétariat du personnel supérieur et des projets spéciaux du Bureau du Conseil privé.

Une préoccupation importante que suscite le processus de nomination des sous-ministres est leur roulement régulier, ce qui a pour conséquence qu’ils restent peu de temps à la tête d’un ministère ou d’un organisme. Le Bureau du Conseil privé prétend qu’un examen des nominations de sous-ministres au cours des dix dernières années révèle que les sous-ministres sont restés en moyenne près de 3,5 ans à un poste donné. Toutefois, cette observation peut être faussée parce que certains restent fort longtemps à un poste. Par exemple, le sous-ministre de Statistique Canada occupe son poste depuis environ 21 ans.

Si on tient compte uniquement des ministères et organismes les plus importants du gouvernement du Canada, leurs sous-ministres[34] y sont en poste depuis seulement 1,7 an en moyenne (voir l’annexe). Ceux qui y sont depuis le plus longtemps ont été nommés en mai 2002. C’est dire que toutes ces organisations ont accueilli un nouveau sous-ministre au cours des cinq dernières années; huit d’entre elles ont eu trois sous-ministres différents au cours des cinq dernières années[35]; 12 des 27 sous-ministres sont en place depuis moins d’un an[36].

Le Comité s’inquiète vivement du roulement constant des sous-ministres et de la brièveté de leurs mandats, car il leur est difficile de maîtriser les complexités de leurs ministères, et il est plus compliqué de les amener à rendre compte de leur rendement. Il faut beaucoup de temps aux sous-ministres pour comprendre leur nouveau portefeuille, et il faut aussi du temps à toute modification apportée par un nouveau sous-ministre pour prendre tout son effet. Un taux de roulement élevé sape la continuité dans la politique et l’administration. Il faut que des subalternes se chargent de la mise en œuvre des initiatives en matière de politiques et des innovations administratives à plus long terme, et les sous-ministres sont depuis longtemps partis au moment où se font sentir toutes les conséquences, favorables ou non, de leurs décisions. Bref, un taux de roulement élevé est difficilement conciliable avec la constance de l’orientation.

Le Comité a exprimé pour la première fois les préoccupations que lui inspire le taux élevé de roulement des sous-ministres dans son 10e rapport de la 38e législature. Dans ce rapport, le Comité a recommandé que les sous-ministres soient nommés pour une période d’au moins trois ans[37]. Il s’inquiétait plus particulièrement de la rapide succession des sous-ministres à la tête d’Affaires indiennes et Nord Canada[38], ministère qui se situe au deuxième rang dans l’appareil fédéral par l’importance de son budget et qui doit répondre aux besoins pressants des peuples autochtones du Canada. Pourtant, au lieu de s’assurer que le ministère a une haute direction forte et stable, le Bureau du Conseil privé y a nommé cinq sous-ministres sur une période de sept ans[39]. Le Comité se demande si le Bureau du Conseil privé, parce qu’il a continuellement remplacé les sous-ministres, ne devrait pas assumer une part de responsabilité à l’égard des problèmes de gestion omniprésents et persistants du ministère, comme la vérificatrice générale l’a fait observer[40].

Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont également exprimé des préoccupations au sujet du roulement rapide des sous-ministres. Wayne Wouters, actuel secrétaire du Conseil du Trésor a avoué qu’il faut du temps à un nouveau sous-ministre pour se sentir à l’aise à son poste. Il a répondu : « Je dirais que lorsque je suis devenu sous-ministre pour la première fois, j'ai mis probablement deux bonnes années à m'habituer[41]. » Arthur Kroeger, ancien sous-ministre respecté qui a dirigé plusieurs ministères, a dit au Comité que ce n’était pas une bonne idée de déplacer les titulaires plus fréquemment qu’aux trois ans : « En règle générale, au gouvernement, trois ans, c'est une bonne période; quatre est probablement mieux[42]. » Ian Clark, ancien secrétaire du Conseil du Trésor, a comparé le roulement des sous-ministres à celui des présidents d’université : « Dans le monde universitaire où je travaille maintenant, le mandat normal est de cinq ans... [...] Il est tout simplement impensable qu'une personne dirige une grande organisation dans le cadre d'un mandat de moins de trois ans[43]. » L’ancien vérificateur général Denis Desautels est celui qui s’est montré le plus incisif, qualifiant ce taux de roulement de faiblesse importante dans la gestion du gouvernement :

Le roulement des sous-ministres est beaucoup trop rapide. Non seulement il est rapide, mais la plupart du temps il n'est pas planifié. Donc, la succession d'un sous-ministre à un autre n'est pas quelque chose qui est bien fait, et il est difficile d'imaginer comment ces énormes organisations peuvent le faire sans en payer un certain prix. Il existe toujours des dossiers difficiles sur lesquels travaillent les sous-ministres. Il y a des questions qui prennent du temps à cerner. Donc, changer le leadership aussi fréquemment, à mon avis, ne mène pas à une bonne gestion de l'organisation, ni à une bonne reddition de comptes, parce que les gens ne sont pas là assez longtemps pour être beaucoup tenus responsables[44].

M. Desautels a ajouté qu’un roulement rapide pouvait nuire à la responsabilisation : « (Il) rend la responsabilité pratiquement impossible, si l'on parle de ce genre de responsabilité personnelle pour le rendement[45]. »

Le problème est loin d’être nouveau. La Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (Commission Lambert) a constaté que, en juin 1978, la durée médiane du mandat des sous-ministres était de seulement 1,5 an. Cela constituait un problème, selon la Commission, parce que les sous-ministres n’ont pas la possibilité de bien s’installer à la direction de leur ministère, après une période initiale d’adaptation, et n’ont pas à subir les conséquences des mesures qu’ils prennent. La Commission a écrit : « La grande mobilité des sous-chefs d'organismes et de ministères est devenue une grave préoccupation en matière de gestion. Si la tendance se poursuit, les efforts en vue d'améliorer la gestion et l'imputabilité au sein du gouvernement pourront s'en ressentir[46]. » La Commission recommandait ensuite que, à leur nomination, les sous-ministres s’attendent à rester à leur nouveau ministère pendant une période de trois à cinq ans[47].

Se livrant à un vaste examen de la question de la responsabilité des sous-ministres, Gordon Osbaldeston, ancien greffier du Conseil privé, a étudié leur mandat. Il a constaté que, en 1987, le sous-ministre moyen occupait son poste  depuis deux ans et que 50 p. 100 des sous-ministres étaient en place depuis moins de 1,5 an[48]. Presque tous les sous-ministres interrogés pour cet examen ont dit que la brièveté de leur mandat faisait problème parce qu’ils ne pouvaient apprendre à connaître leur ministère aussi bien qu’ils auraient dû le faire. Osbaldeston a écrit : « Pour de nombreux sous-ministres, un mandat de moins de deux ou trois ans à la tête d’un ministère où ils n’avaient aucune expérience antérieure avait pour conséquence qu’ils ne pouvaient devenir pleinement efficaces avant de quitter leur poste[49]. » L’auteur a recommandé que le gouvernement se fixe comme objectif, pour les sous-ministres, un mandat d’au moins trois ans[50].

Au cours de son enquête sur le Programme de commandites, le juge John Gomery a également signalé que le roulement des hauts fonctionnaires constituait un problème. La Commission a affirmé que la brièveté des mandats ne permettait pas aux sous-ministres de comprendre à fond les programmes, les politiques et l’administration de leur ministère pour qu’ils puissent prendre un contrôle réel de la gestion et voir leurs innovations appliquées jusqu’au bout. La Commission a recommandé que le gouvernement adopte une politique voulant que les sous-ministres soient nommés à leur poste pour au moins trois ans, la norme souhaitée étant un mandat de cinq ans[51].

Malgré la persistance du problème et de nombreuses recommandations de modifications, le gouvernement continue de soutenir qu’il fait tout ce qu’il peut. Dans sa réponse à la dernière recommandation du Comité des comptes publics, le gouvernement écrit :

... la nomination des sous-ministres et des autres cadres supérieurs est fondée sur une gamme de considérations, y compris les besoins fonctionnels et stratégiques du gouvernement. [...] ... le gouvernement consacre des efforts afin de placer les sous ministres dans un ministère pendant un certain nombre d’années pour assurer la stabilité et la continuité de son fonctionnement. De plus, la souplesse s’impose. Le gouvernement tient compte de la valeur de la stabilité et de la continuité pour les organismes gouvernementaux ainsi que du développement de l’expertise et de l’expérience des sous ministres lorsqu’il fait de telles nominations[52].

Cette déclaration assez fade n’explique pas pourquoi la souplesse l’emporte toujours sur la stabilité. Un fonctionnaire du Bureau du Conseil privé, Marc O’Sullivan, a dit au Comité qu’une plus grande stabilité était souhaitable. « Il existe des exemples où les changements ont été beaucoup trop fréquents. Tout le monde reconnaît la nécessité d'avoir le plus de stabilité possible[53]. » Toutefois, la stabilité ne semble durer que dans la mesure où le permettent les « besoins opérationnels et stratégiques ».

Au cours des audiences du Comité, il est devenu évident que, si les sous-ministres sont constamment déplacés, c’est que le Bureau du Conseil privé les gère comme une population. Lorsque les sous-ministres sont déplacés, cela obéit à l’objectif du développement de l’ensemble du groupe des sous-ministres. Marc O’Sullivan a expliqué au Comité que les sous-ministres pouvaient être déplacés pour des raisons diverses :

Il existe une variété de raisons. Un changement de structure au sein du gouvernement peut se produire, de sorte que certains ministères sont réorganisés. Un sous-ministre peut prendre sa retraite, et une espèce d'effet domino se crée: il est remplacé par une personne, donc un autre poste vacant doit être comblé. De fait, lorsqu'un changement survient au niveau des sous-ministres existants, cela en engendre d'autres. Des changements peuvent s'effectuer parce que le gouvernement change ses priorités, ses politiques. On peut juger que le sous-ministre qui a les qualités et les aptitudes requises pour faire progresser ce nouveau dossier ou cette nouvelle priorité est un tout autre sous-ministre, qu'on nomme pour ce faire[54].

En d’autres termes, la nécessité d’apporter un changement dans les rangs des sous-ministres peut entraîner toute une série d’autres changements en cascade. En pareille situation, la stabilité devient impossible parce qu’un fait qui touche un sous-ministre, par exemple le départ à la retraite, peut perturber la gestion de nombreux ministères.

Comme en témoignent trois rapports antérieurs consacrés à la question, le Comité est vivement préoccupé par la brièveté du mandat des sous-ministres et leur roulement régulier entre les ministères. Un nouveau sous-ministre peut réorganiser un ministère, en modifier les priorités et passer ensuite rapidement à un autre ministère pour y faire la même chose. Les compétences ou les connaissances que les sous-ministres peuvent acquérir dans un ministère ou un domaine de la politique se perdent rapidement au remaniement suivant. Comme les sous-ministres sont désormais les administrateurs des comptes de leur ministère et, par conséquent, répondent de l’administration de leur ministère devant les comités parlementaires, le Comité estime qu’une plus grande stabilité est impérieuse au nom de la responsabilisation.

Le Comité ne constate que trop souvent que les sous-ministres ont quitté un ministère bien avant qu’un problème de gestion ne soit mis au jour par le vérificateur général. Il devient très difficile d’interroger le sous-ministre qui a pris les décisions en cause, et il arrive souvent que le nouveau sous-ministre sache fort peu de choses sur le problème ou les modalités de fonctionnement du ministère. Le Bureau du Conseil privé n’a fait qu’aggraver le problème en affirmant :

Les responsabilités de l’administrateur des comptes se rattachent au poste et non au titulaire. Seul le sous-ministre ou l’administrateur général actuel bénéficie du soutien nécessaire du ministère pour bien préparer sa comparution et est en mesure de prendre des mesures correctives. Il convient donc que l’administrateur des comptes réponde aux questions relatives à des faits survenus avant son entrée en fonctions[55].

Toutefois, ce principe, ajouté au roulement constant des sous-ministres, rend à peu près impossible toute responsabilisation à l’égard de l’administration des ministères. Le Comité estime que le nouveau modèle d’administrateur des comptes ne peut être efficace que si les sous-ministres sont en poste pendant une période plus longue.

Le Comité s’indigne de recevoir toujours la même réponse sans qu’on admette sincèrement qu’il existe un problème et qu’il faut trouver une solution. À défaut de recommander un système entièrement nouveau de nomination des sous-ministres – dont la nomination pourrait relever d’un organisme indépendant, le Comité réitère la position qu’il a déjà exposée et recommande :

Recommandation 11
À supposer que leur rendement soit satisfaisant, que les sous-ministres soient nommés dans un ministère pour une période de trois à cinq ans.

Le Comité signale que, si une solution satisfaisante au problème ne peut être trouvée, il faudra peut-être envisager de recourir à une mesure législative, comme ce fut le cas pour l’administrateur des comptes, poste qui, après de longues années de discussions, n’a été créé que récemment, grâce à l’adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité.

CONCLUSION

Le Comité est fermement convaincu qu’une bonne gestion financière est essentielle à une bonne gouvernance. Il faut que les ministères se soucient des moyens employés pour parvenir à des résultats. Les Canadiens s’attendent à ce que leurs gouvernements utilisent les fonds publics de façon économique, efficiente et efficace. Ils veulent que leurs gouvernements optimisent leurs dépenses.

La responsabilité d’une bonne gestion financière revient à la fois aux ministères et au Conseil du Trésor et à son Secrétariat, qui donnent des orientations générales et des directives aux ministères. Le Comité trouve réconfortant que le Secrétariat ait pris des mesures pour intensifier ses efforts en gestion financière, notamment en rétablissant le Bureau du contrôleur général. Il croit toujours, néanmoins, que le contrôleur général devrait avoir le dernier mot en ce qui concerne le traitement comptable des opérations.

Reconnaissant le manque de clarté de ses politiques et des responsabilités respectives des ministères et du Secrétariat du Conseil du Trésor, le Secrétariat actualise ses politiques pour préciser les responsabilités et les conséquences de la non-conformité. Le gouvernement a également entrepris un examen du Cadre de gestion financière et nommé un groupe d’experts chargé de donner des conseils sur les programmes de subventions et de contributions. Le Comité s’inquiète malgré tout du peu d’information que le Secrétariat rend public sur les progrès accomplis dans des examens et sur les mesures qu’il envisage de prendre à l’avenir. Il estime qu’il incombe au Secrétariat de faire preuve d’une parfaite transparence pour servir d’exemple aux autres et rendre compte de son propre rendement.

Il est essentiel que le « siège social » du gouvernement, le Secrétariat du Conseil du Trésor, soit doté de systèmes d’information suffisants pour savoir comment les ministères gèrent leurs finances, de façon qu’on puisse prendre des mesures correctives avant qu’une gestion médiocre n’entraîne un gaspillage de fonds publics qu’il est possible de prévenir. Le Comité croit que, pour jouer correctement son rôle de surveillance, le Secrétariat doit relancer sa surveillance active afin de voir si les ministères s’acquittent correctement de leur travail et se conforment aux politiques du Conseil du Trésor.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor a commencé à recueillir de l’information sur l’administration ministérielle grâce à son Cadre de responsabilisation de gestion (CRG), dans lequel le Secrétariat définit les attentes en matière de gestion et évalue ensuite le rendement des ministères en regard de ces attentes. Même s’il a déjà pris des engagements en ce sens par le passé, le Secrétariat n’a pas rendu publiques ces évaluations. Le Comité est d’avis qu’on n’aura pas pleinement rendu compte de l’administration des ministères tant que les évaluations selon le CRG n’auront pas été mises à la disposition du public.

Ce qui préoccupe le plus le Comité, c’est le roulement constant des sous-ministres entre les ministères. Malgré des études et des recommandations nombreuses, le problème persiste. Le Comité croit qu’il ne peut y avoir une solide gestion financière et une bonne responsabilisation à l’égard de l’administration des ministères que si le plus haut dirigeant d’un ministère, le sous-ministre, reste en poste plus de deux ou trois ans. Plus important encore, le nouveau système d’administrateurs des comptes sera complètement inefficace s’il n’y a pas une plus grande stabilité. Le Comité est déterminé à revenir sur cette question tant que le problème de la brièveté du mandat des sous-ministres n’aura pas été réglé.

[1]
Le lecteur trouvera un bref historique du Conseil du Trésor dans le rapport publiée par la vérificatrice générale en mars 2004, au chapitre 7, La gestion gouvernementale — Étude du rôle du Conseil du Trésor et de son Secrétariat.

[2]
Voir le Comité des comptes publics de la Chambre des communes, Rapport 9 - Chapitre sur le contrôle parlementaire des dépenses publiques du Rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, octobre 2006, 39e législature.

[3]
Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement : neuvième rapport du Comité permanent des comptes publics, « Les décisions du gouvernement ont limité le contrôle parlementaire des dépenses publiques du Rapport de mai 2006 de la Vérificatrice générale du Canada », février 2007.

[4]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique sur les responsabilités et l'organisation de la fonction de contrôleur, février 1996, paragraphe 6 a).

[5]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique sur la vérification interne, avril 2006, section 5.4.2, « Le contrôleur général effectuera des évaluations horizontales annuelles axées sur les petits ministères et organismes et produira aux administrateurs généraux des copies de tous les rapports pertinents de vérification. »

[6]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport sur les plans et les priorités 2005-2006, page 20.

[7]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport sur le rendement ministériel 2005-2006, page 51.

[8]
La vérificatrice générale a dit : « Comme vous, je suis un peu sceptique pour ce qui est de la date de 2009. » Séance 24, 15 h 55.

[9]
Séance 26, 15 h 25.

[10]
Secrétariat du Conseil du Trésor, L’amélioration constante de la gestion au sein du gouvernement du Canada, page 16.

[11]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport ministériel sur le rendement 2005-2006, page 33.

[12]
Séance 24, 15 h 30.

[13]
Séance 26, 16 h 25.

[14]
Séance 26, 16 h 25.

[15]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Communiqué – Le nouveau gouvernement du Canada prend des mesures pour démêler un écheveau de règles, 20 juillet 2006.

[16]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Communiqué – Un groupe d'experts indépendant sera chargé de donner des conseils sur les programmes de subventions et de contributions, 6 juin 2006.

[17]
Séance 30, 15 h 50.

[18]
Séance 30, 16 h 20.

[19]
Vérificateur général du Canada, Rapport sur les plans et les priorités 2007-2008, page 12.

[20]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Communiqué – Le nouveau gouvernement passe à l'action pour améliorer les programmes de subventions et de contributions, 14 février 2007.

[21]
Séance 27, 16 h 20.

[22]
Vérificateur général du Canada, Le point sur une décennie au service du Parlement, 2001, paragraphe 112.

[23]
Séance 24, 15 h 30.

[24]
Séance 26, 15 h 40.

[25]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires, 2005, page 54.

[26]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Rapport 1 - Rapport spécial de la vérificatrice générale du Canada - Vérification de la gestion financière et de l'administration du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, octobre 2004, 38e législature; et Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de novembre 2006 : Chapitre 11, La protection des fonds publics — Bureau de l'enquêteur correctionnel.

[27]
Vérificateur général du Canada, Chapitre 12 – Les valeurs et l'éthique dans le secteur public fédéral, octobre 2000, paragraphe 12.127.  

[28]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires, 2005, page 53.

[29]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires, septembre 2005, p. 55.

[30]
Bureau du Conseil privé, Éthique, responsabilité, imputabilité – Plan d’action pour la réforme démocratique, 4 février 2004, p. 8.

[31]
Vérificatrice générale du Canada, La reddition de comptes et l'éthique au gouvernement, novembre 2003,  paragraphe 2.50.

[32]
Séance 26, 16 h 20.

[33]
Loi fédérale sur la responsabilité, article 259, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, article 16.4.

[34]
Les dirigeants des ministères sont appelés sous-ministres, mais ceux des organismes portent souvent un titre différent. D’habitude, l’expression « administrateur général » désigne l’ensemble de ces dirigeants. Par souci d’uniformité, le rapport emploie le terme « sous-ministre » pour désigner les dirigeants des ministères et des organismes.

[35]
Il s’agit d’Affaires indiennes et Nord Canada, de l’Agence de revenu du Canada, de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada, d’Industrie Canada, de Ressources naturelles Canada, d’Environnement Canada et du Bureau du Canada sur le règlement des questions des pensionnats autochtones.

[36]
Les chiffres énumérés dans ce paragraphe sont ceux du 15 avril 2007.

[37]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Rapport 10 - La gouvernance dans la fonction publique du Canada : obligation ministérielle et sous-ministérielle de rendre des comptes, novembre 2005, 38e législature.

[38]
Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Rapport 17 - Le chapitre 5, Affaires indiennes et du Nord Canada - Le programme d'enseignement et l'aide aux étudiants de niveau postsecondaire du Rapport de novembre 2004 du vérificateur général du Canada, juin 2005, 38e législature; Rapport 6 - Le chapitre 5, La gestion des programmes destinés aux Premières nations du Rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, juin 2006, 39e législature.

[39]
Sous-ministres d’Affaires indiennes et du Nord Canada et leur date de nomination : Shirley Serafini, 1er juin 1999; Marc Lafrenière, 11 juin 2001; Alain Jolicoeur, 12 août 2002; Michael Horgan, 12 décembre 2003; Michael Wernick, 23 mai 2006.

[40]
Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport Le point 2006, Chapitre 5 – La gestion des programmes destinés aux Premières nations.

[41]
Séance 26, 16 h 5.

[42]
Séance 30, 16 heures.

[43]
Séance 27, 15 h 40.

[44]
Séance 27, 15 h 40.

[45]
Séance 27, 16 h 5.

[46]
Commission royale sur la gestion financière et l’imputabilité, Rapport final, mars 1979, page 222.

[47]
Ibid., page 223.

[48]
Gordon F. Osbaldeston, Keeping Deputy Ministers Accountable, 1988, page 141.

[49]
Ibid., page 146.

[50]
Ibid., page 177.

[51]
Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, 2006, page 109.

[52]
Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement : sixième rapport du Comité permanent des comptes publics, Chapitre 5, La gestion des programmes destinés aux Premières nations du rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, octobre 2006.

[53]
Séance 26, 16 h 40.

[54]
Séance 26, 16 h 45.

[55]
Bureau du Conseil privé, Administrateurs des comptes : lignes directrices concernant leurs rôles et leurs responsabilités, et leur comparution devant les comités parlementaires, 2007.