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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 5 février 2007

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne en ce lundi 5 février 2007. À notre ordre du jour, nous avons le projet de loi C-277, Loi modifiant le Code criminel (leurre d'enfants), un projet de loi d'initiative parlementaire dont le parrain est M. Ed Fast.
    Monsieur Fast, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Merci pour cette occasion de vous parler du projet de loi C-277.
    Je pense que cette mesure législative est une étape importante dans la protection des enfants de tout le pays contre les prédateurs sexuels. Comme parrain du projet de loi, je suis fier de l'appui que mon projet de loi a reçu de toutes parts. Je suis ici pour vous en expliquer la teneur, la nécessité et les raisons pour lesquelles j'estime que le comité devrait l'adopter, sous réserve d'un amendement proposé.
    En deuxième lecture, j'ai félicité l'ancien gouvernement libéral qui avait adopté l'article 172.1 du Code criminel. Il est désormais criminel pour une personne de communiquer avec un enfant par ordinateur dans le but de faciliter la perpétration à son égard de certaines infractions. Il s'agit d'une mesure importante pour protéger les enfants. Elle criminalise toute tentative d'abuser sexuellement d'un enfant, sans pour autant que l'enfant ait eu à subir un préjudice. Un acte qui prouve l'intention de se servir d'Internet pour commettre une infraction sexuelle contre un enfant peut mener à une condamnation. Les autorités peuvent intervenir avant que l'enfant subisse un préjudice.
    Mon projet de loi transcende la partisanerie et représente un effort supplémentaire pour protéger les plus vulnérables de notre société, soit les enfants qui sont innocents et naïfs. Je remercie tout spécialement les députés de l'opposition qui ont publiquement donné leur appui à mon projet de loi.
    Le projet de loi C-277 augmente simplement la peine maximale pour l'infraction de leurre par Internet, en la faisant passer de cinq à dix ans d'emprisonnement. Pourquoi augmenter la peine maximale pour cet acte criminel? Comme la plupart d'entre vous, j'ai des enfants: quatre belles filles. Avec ma femme, ce sont les personnes les plus importantes dans ma vie. Annette et moi-même avons fait tout ce que nous pouvions pour les protéger contre ceux qui voudraient leur ravir leur innocence et leur causer des torts irréparables. Nous sommes contents qu'elles soient maintenant de jeunes adultes responsables et altruistes. Mais il fut un temps où elles étaient bien plus vulnérables que maintenant.
    La technologie s'améliore et change, accroissant les défis auxquels sont confrontés tous les parents de jeunes enfants. Il semble que l'Internet soit l'occasion en or pour ceux qui veulent abuser sexuellement de nos enfants. Les prédateurs sexuels ne se cachent plus derrière les buissons des cours d'école pour trouver des victimes. Le leurre se fait à partir de chez eux, dans l'anonymat, grâce aux ordinateurs qui peuvent cacher et leur identité et leur âge.
    En outre, les enfants canadiens, qui sont peut-être les meilleurs internautes de tous les enfants du monde, sont exposés à des prédateurs faute d'une bonne supervision parentale et parce qu'ils se servent des ordinateurs dans des lieux où il n'y a pas de surveillance. Comme vous le savez tous, l'Internet est un outil redoutable, tant pour le bien que pour le mal. Il peut beaucoup nous renseigner et améliorer nos vies, mais c'est aussi un outil puissant pour commettre des crimes et nuire à autrui. Nos lois sont en retard sur la réalité.
    Actuellement, la peine maximale pour le leurre par Internet au Canada est de cinq ans d'emprisonnement. C'est bien moins que dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis, qui ont tous imposé des peines criminelles contre le leurre par Internet. Dans ces pays, les peines sont bien plus lourdes. Au Royaume-Uni, par exemple, la loi prescrit une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. En Australie, c'est 15 ans. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a adopté une loi imposant une peine minimale obligatoire de cinq ans d'emprisonnement, avec une peine maximale de 30 années. Des États américains ont aussi adopté leurs propres lois contre le leurre par Internet, avec des peines allant d'un an à 30 ans. En général dans ces États, la peine maximale est de dix ans. Si la peine maximale témoigne de l'importance que nous accordons à la protection des enfants, il est clair qu'il nous faut faire davantage.
    Quelle est la prévalence du leurre d'enfants par Internet? Il est difficile de trouver des statistiques au Canada car la loi est très récente. Je peux vous dire toutefois que d'après une étude Ipsos-Reid effectuée en novembre 2000 auprès de 10 000 internautes de 12 à 24 ans, 20 p. 100 des répondants ont déclaré avoir rencontré quelqu'un qu'ils avaient connu grâce à Internet.

  (1105)  

    Une étude américaine pour la même année nous apprend que 19 p. 100 des jeunes ont été sollicités sexuellement par Internet. Certains d'entre vous connaissez peut-être Cybertip, un programme de Child Find Manitoba. On y fait enquête sur des agressions sexuelles associées à Internet. Dans les deux premières années d'activité, dans la catégorie de l'exploitation sexuelle d'enfants, il y a eu une avalanche de 1 200 dossiers. Dans 10 p. 100 des cas, soit 120 dossiers, il y avait eu leurre par Internet.
    L'émission To Catch A Predator de NBC montre bien l'immensité du problème aux États-Unis. On y présente des opérations où sont piégés des contrevenants aux États-Unis. Le matériel ne manquait pas. Je peux certainement fournir au comité l'adresse d'un site Web qui en montre les détails, parfois très sordides, pour 130 des dossiers qui ont donné lieu à des condamnations. Un sondage Léger Marketing rapporte que 14 p. 100 des enfants reconnaissent avoir clavardé avec des étrangers sur Internet. Citons aussi un rapport de juin 2001 de l'Association médicale américaine d'après laquelle 19 p. 100 des jeunes interrogés avaient fait l'objet d'au moins une incitation sexuelle par Internet; du nombre, 3 p. 100 affirmaient que la sollicitation avait été de nature agressive.
    Si j'en avais le temps, je vous donnerais tous les détails sordides de condamnations et de peines pour leurre par Internet depuis l'adoption de l'article 172.1 du Code criminel. Faute de temps, je dirai simplement que pour un primodélinquant les peines au Canada vont de six mois à deux années de prison, qu'il y a dans certains cas des peines d'emprisonnement avec sursis généralement accordées parce qu'il y a des programmes de traitement pour agresseurs sexuels. Avant longtemps, les tribunaux devront infliger des peines à des récidivistes en vertu de cette loi. Ce qui doit nous inquiéter, c'est la probabilité que la peine maximale de cinq ans, relativement courte, limite la capacité, pour les tribunaux, d'imposer des peines lourdes aux récidivistes.
    Prenons un exemple tragique mais d'actualité. Il s'agit de Peter Whitmore. Il ne s'agit pas d'un cas de leurre par Internet, mais cette affaire a retenu l'attention du pays pendant des mois, l'an dernier, alors que la police cherchait à appréhender ce prédateur qui avait enlevé deux jeunes garçons. Heureusement, M. Whitmore a été arrêté, mais seulement après qu'il ait censément commis de nombreuses infractions de nature sexuelle contre ces garçons. Parlons brièvement de son cas.
    Revenons à 1993. M. Whitmore est condamné pour avoir enlevé et agressé sexuellement cinq fois quatre jeunes garçons de Toronto. On lui a infligé une année et quatre mois d'emprisonnement.
    En 1995, il récidive. Cette fois, il s'en prend à une fillette de huit ans et un garçon de neuf ans de la banlieue de Toronto. Il est condamné à cinq années de prison pour ces agressions sexuelles.
    Moins d'un mois après sa libération, Whitmore est pris dans un motel du centre-ville de Toronto avec un garçon de 13 ans. Il est condamné à une année d'emprisonnement pour avoir enfreint une ordonnance du tribunal.
    En 2002, un juge de Toronto inflige à Whitmore trois autres années de prison pour violation de probation, parce qu'il avait quitté la Colombie-Britannique après y avoir été vu en compagnie d'un garçon de cinq ans.
    En mars 2004, la Commission nationale des libérations conditionnelles produit un rapport d'après lequel les cliniciens estiment que Whitmore a 100 p. 100 de probabilité de récidive. Et le 22 juillet dernier, on trouve Whitmore à Winnipeg, où il aurait commis une infraction contre un jeune garçon de 14 ans. Le 30 juillet dernier, la GRC émet une alerte AMBRE pour un garçon de 10 ans de la Saskatchewan qu'on croyait avoir été enlevé par Whitmore.
    Vous savez le reste. La police a pu retrouver M. Whitmore. Quinze chefs d'agression sexuelle contre des enfants ont été portés contre lui. Voilà le contexte dans lequel vous devez considérer cette infraction et ce projet de loi.

  (1110)  

    Voici ce que je crains, chers collègues membres du comité. On parle ici d'un homme qui a déjà été condamné à maintes reprises à des peines de prison de cinq années pour des infractions de nature sexuelle. Malgré cela, une peine d'emprisonnement de cinq ans n'a pu le dissuader de s'en prendre de nouveau à de jeunes enfants. Il a aussi passé du temps en prison pour des manquements aux conditions de sa libération conditionnelle.
    Présumons que M. Whitmore sorte de nouveau de prison. S'il se sert du leurre par Internet pour satisfaire ses pulsions et qu'il est accusé en vertu de la Loi sur le leurre d'enfants, la peine maximale qu'on pourra lui imposer sera le maximum actuel, soit cinq ans, une peine qui n'a pas encore réussi à le dissuader d'agresser des enfants.
    Pour nous tous, il ne s'agit pas simplement de récidives en vertu de l'article 172.1, mais aussi de la possibilité d'imposer une peine lourde à des gens comme Peter Whitmore, dont le passé d'agresseur sexuel d'enfants aboutirait au leurre par Internet. Par ailleurs, une peine maximale de dix ans pour le leurre par Internet correspondrait davantage à la gravité de cette infraction, si l'on songe aux peines associées à des infractions relativement moins graves inscrites au Code criminel. Si nous croyons que les infractions commises avec violence contre les membres les plus vulnérables de notre société, particulièrement les enfants, justifient une dénonciation plus forte, il faut qu'on le voie bien dans les peines que nous infligeons. Pourtant, une comparaison avec bon nombre d'autres infractions du Code criminel nous apprend qu'une peine maximale de cinq ans pour le leurre par Internet ne représente pas la force de dénonciation à laquelle s'attendent les Canadiens.
    Faisons une rapide comparaison avec d'autres infractions assorties d'une peine maximale de dix années ou plus d'emprisonnement.
    Parlons des articles 151 et 152 du Code criminel, soit contact sexuel et incitation à des contacts sexuels. La bestialité en présence d'enfants est aussi assortie d'une peine maximale de dix ans ou plus. Pour l'inceste, c'est la même chose, de même que pour l'agression sexuelle. Pensons maintenant à des infractions qui ne sont pas liées à des torts causés à un enfant, ni même, dans certains cas, à des personnes. L'enlèvement parental, en vertu de l'article 283, s'applique lorsqu'un enfant est enlevé par le parent qui n'en a pas la garde et est assorti d'une peine maximale de dix ans. Dans ce cas là, pourtant, on peut penser que cet enlèvement n'a peut-être pas du tout nui à l'enfant, du moins pas physiquement.
    La simple distribution de pédopornographie, en vertu de l'article 163, est aussi assortie d'une peine maximale de dix ans. Encore une fois, ce n'est pas une infraction contre la personne.
    Parlons maintenant de deux infractions qui permettront d'établir une comparaison frappante. La fraude de plus de 5 000 $ donne lieu à une peine maximale de dix années de prison. Saviez-vous que le vol de bétail, en vertu du paragraphe 338(2), qui est une autre infraction contre les biens et non contre la personne, peut être passible d'une peine maximale de dix années d'emprisonnement? Ces comparaisons permettent d'établir que le leurre de nos enfants à des fins sexuelles exige une peine semblable, sinon plus sévère. Mon coeur me dit que la protection de nos enfants vaut bien plus que le vol de bétail ou la fraude de 5 000 $ ou plus.
    J'ai un autre argument justifiant l'augmentation de la peine maximale pour le leurre. En augmentant ainsi la peine, nous donnons aux tribunaux l'outil nécessaire pour empêcher de nuire pendant plus longtemps les prédateurs sexuels récidivistes comme Peter Whitmore. Le gros bon sens nous dit que ces repris de justice ne s'en prendront pas à nos enfants tant qu'ils sont incarcérés.
    Je dirais aussi qu'une peine accrue pour le leurre se justifie par la nature particulière des infractions de nature sexuelle commises contre des enfants. Beaucoup des prédateurs d'enfants sont des chevaux de retour qui ne peuvent pas être traités ou qui s'y refusent. Autrement dit, certains de ces contrevenants seront toujours un risque pour la collectivité. Une peine maximale offre aux tribunaux la possibilité de les retirer de la société, et cela dans l'intérêt de nos enfants.

  (1115)  

    Membres du comité, j'ai trouvé très intéressants les commentaires formulés par bon nombre de députés de l'opposition pendant le débat en deuxième lecture sur ce projet de loi. L'une des observations les plus utiles à mon avis a été faite par le député libéral de Mississauga: la peine maximale pour l'infraction punissable par voie sommaire de leurre était trop légère et devrait être alourdie. Compte tenu de cette observation, je suis prêt à vous saisir d'un amendement au projet de loi qui allongerait la peine maximale en cas de condamnation par procédure sommaire, la faisant passer de six à 18 mois d'emprisonnement.
    Je crois que cette proposition d'amendement a été distribuée, monsieur le président.
    Je n'en ai pas copie devant moi, mais on me dit qu'elle a été distribuée.
    Peut-être que le secrétaire parlementaire en a des copies. Monsieur Moore, avez-vous cet amendement?
    Je peux peut-être lire mon amendement pour les besoins du compte rendu. Il s'agit d'un amendement à l'article 172.1...
    Désolé, monsieur Fast. Il nous faut une copie de l'amendement dans les deux langues officielles. Je sais que l'amendement est très court, mais il faut une copie pour les membres du comité.
    Je n'en ai pas de copie, seulement le texte.
    Si nous avons ce libellé, ça ira, nous pourrons en faire des copies.
    C'est mon propre document.
    M. Pritchard, mon assistant, s'assurera que c'est en bonne et due forme.
    Monsieur Fast, allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, je vous remercie.
    Pour les besoins du compte rendu, voici ce que prévoit mon amendement à l'alinéa 172(2)b) :
soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est passible d'un emprisonnement maximal de 18 mois.
    L'effet de cet amendement serait simplement de porter à 18 mois la peine maximale dans le cadre d'une procédure sommaire.
    Je signale aux membres du comité que par suite de l'amendement apporté au projet de loi C-9 par votre comité, les juges pourront encore recourir aux peines d'emprisonnement avec sursis dans les cas de leurre où ce serait indiqué. Cela devrait simplifier votre examen de mon projet de loi.
    Chers collègues, mon projet de loi d'initiative parlementaire ne prétend pas être une réforme globale de la justice pénale. Il s'agit simplement de corriger une erreur apparente dans les dispositions sur la détermination de la peine de l'article 172.1 du Code criminel. J'espère toutefois que cela représentera une amélioration significative et concrète des sanctions disponibles à imposer à ceux qui récidivent en voulant arracher leur innocence à nos précieux enfants.
    Il incombe aux députés de faire tout ce qu'ils peuvent, légalement, pour donner au système judiciaire les outils qui permettent d'éloigner les prédateurs sexuels de nos enfants. C'est très simple: nous avons un travail à faire, faisons-le bien.
    Les parents aussi ont un travail à faire. Le gouvernement ne peut pas tout faire. Il faut continuer d'encourager les parents à écouter et comprendre leurs enfants, à se renseigner sur les contrôles parentaux qu'ils peuvent installer sur l'ordinateur de leur enfant, à garder l'ordinateur de leur enfant aux yeux de tous, à être à l'écoute et vigilant et à comprendre que l'Internet n'est pas aussi sûr que certains ont pu le croire.
    Résumons. Voici ce que fait le projet de loi C-277. D'abord, il condamne sans équivoque l'exploitation sexuelle de nos enfants. Deuxièmement, il met à niveau la peine maximale pour le leurre, en comparaison avec d'autres infractions de nature sexuelle figurant au Code criminel et qui sont assorties habituellement de peines maximales de dix ans ou plus. Troisièmement, il donne à l'infraction de leurre d'enfants l'importance qu'elle doit avoir, soit la même que d'autres infractions qui ne sont pas perpétrées contre la personne, comme la fraude de 5 000 $, le vol de bétail et dans certains cas, bien entendu, l'enlèvement parental. Quatrièmement, il enrichit la panoplie de sanctions dont disposent les juges pour retirer de la société les repris de justice qui représentent un danger latent, voire permanent pour nos enfants. Cinquièmement, il donne davantage de flexibilité pour infliger une peine aux contrevenants pour qui le leurre n'est que l'aboutissement d'une longue série d'actes criminels de nature sexuelle.
    Le message du projet de loi C-277 est très clair. Les enfants sont précieux, vulnérables, et ils méritent la meilleure protection qui soit, rien de moins.
    Merci, monsieur le président.

  (1120)  

    Merci, monsieur Fast.
    J'aimerais avoir des précisions concernant le changement à la déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Vous demandez à ce que la peine passe de six à 18 mois, mais il s'agit habituellement d'une amende assortie ou non d'une peine de six mois. Proposez-vous de garder l'amende, ou demandez-vous seulement une peine d'incarcération?
    Monsieur le président, je renverrais la question au secrétaire parlementaire ou peut-être au représentant du ministère de la Justice. J'imagine que nous gardons l'amende habituelle, mais je suis ouvert à toute suggestion à cet égard.
    Merci.
    Monsieur Lee.
    Merci, monsieur le président.
    Je félicite le député d'avoir présenté ce projet de loi et d'avoir réussi à le faire passer à la Chambre afin qu'il soit renvoyé en comité. Comme le député le sait, je n'ai pas immédiatement appuyé ce projet de loi lorsque j'en ai parlé à la Chambre il y a quelques semaines. Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas en faveur de dispositions pénales rigoureuses dans le cas d'infractions commises contre les enfants.
    Il y a peut-être de nombreuses infractions inscrites au Code criminel dont on pourrait discuter et finir en fait par donner aux gens l'impression qu'il serait plus simple de prévoir une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité pour toutes les infractions en laissant aux juges la responsabilité de décider de la peine, parce que nous ne parlons ici que de peines maximales.
    Dans ses remarques, le député a parlé de scénarios réels, d'autres articles du Code criminel. Le député reconnaît-il que l'infraction de leurre inscrite au Code criminel est simplement une infraction de communication en ce sens que — je ne dis pas qu'il y a des infractions qui sont simples — elle n'implique aucune autre infraction criminelle déjà prévue dans le Code, comme l'enlèvement, le contact sexuel, l'agression sexuelle sous toutes ses formes, l'agression simple et tout autre acte criminel qui pourraient ainsi suivre une infraction de communication? Reconnaît-il que l'article du Code criminel qu'il tente d'amender criminalise la communication à des fins de ce que j'appellerais de la séduction sexuelle?

  (1125)  

    Oui.
    Reconnaît-il que la communication pourrait être suivie d'autres infractions criminelles?
    Oui, je le reconnais.
    Bien. Si tel est le cas, il reconnaît que, pour une simple infraction de communication, il voudrait une peine maximale possible de dix ans.
    Oui, parce que, comme vous l'admettrez également, monsieur Lee, l'infraction de communication est en fait lié à de nombreuses infractions punissables par le Code criminel. L'article 172.1 a plusieurs paragraphes qui font référence à divers groupes d'âge — 14, 16, et 18 ans je crois. Dans la plupart des cas, ces infractions traitent de communication à des fins de commettre une infraction, le plus souvent d'ordre sexuel.
    Je vous dirais qu'il faut traiter les infractions contre les enfants quelque peu différemment puisque, contrairement aux adultes, les enfants n'ont pas la même maturité que nous et ne sont donc pas autant en mesure de cerner les risques ni de se sortir de situations à risque ou de se protéger. Souvent, ils ne peuvent pas faire la différence entre ce qui est sécuritaire et ce qui ne l'est pas. Lorsqu'en plus on pense que, de plus en plus, des enfants ne font pas l'objet de la surveillance ou du contrôle nécessaires à la maison, je vous dirais que les peines maximales que nous mettons à la disposition des juges lorsqu'ils condamnent un prédateur doit tenir compte de cela.
    J'espère qu'on ne voudra pas imposer une peine maximale de dix ans ou plus seulement lorsqu'un enfant a subi un préjudice. Si en fait la communication avec un enfant démontre clairement une intention de lui faire du mal, je crois qu'une peine maximale de dix ans serait appropriée dans ces circonstances.
    Je ne défends personne. Mais si quelqu'un communique par Internet avec un jeune de 18 ans, ce n'est pas illégal. Si quelqu'un communique avec un jeune de 17 ans sur Internet, c'est illégal. Vous dites qu'il est approprié et souhaitable de faire passer la peine maximale de cinq ans à dix ans, parce que cela ferait une différence. Vous n'auriez pas pris cette initiative autrement, j'en suis certain.
    C'est exact.
    Vous n'auriez pas pris cette initiative pour des raisons politiques, mais bien parce que vous estimiez que cela ferait une différence, semble-t-il, du point de vue de la dissuasion. Visez-vous d'autres objectifs?
    Je crois que j'ai donné un certain nombre de raisons, et la dissuasion en est une. Mais une autre raison consiste à donner à nos tribunaux le pouvoir et le moyen de retirer de la société ceux qui présentent clairement un danger pour les plus vulnérables, à savoir nos enfants.
    Nous parlons seulement de communication.
    Je comprends.

  (1130)  

    Pour tout ce qui va au-delà de la communication, la société a à sa disposition toute une myriade d'infractions. C'est bien, je crois que vous avez fait un exposé clair. J'aimerais dire, monsieur le président, que je n'ai aucune objection à ce que les peines maximales soient augmentées dans les cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire comme on l'a proposé ici. Il s'agit peut-être d'un ajustement mineur. Cette mesure signalerait peut-être que le Parlement est plus conscient des risques inhérents au nouveau monde d'Internet. J'appuie cette initiative; je vais attendre d'entendre ce que mes collègues ont à dire sur cette question.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord féliciter notre collègue de son initiative. Je sais que lorsqu'on dépose un projet de loi à la Chambre des communes, peu importe l'analyse que l'on en fait, on le fait toujours avec conviction. Il est important qu'il y ait à la Chambre un moment pour les députés qui ne sont pas des ministres de la Couronne. Je plaide au sein mon parti pour qu'il y ait deux heures par jour consacrées aux affaires émanant des députés. Je pense qu'il y a un déséquilibre entre ce qui est accordé au gouvernement et ce qui est accordé aux députés. Je suis convaincu que vous avez agi au meilleur de vos convictions et je veux vous en féliciter.
     Cependant, j'avoue que nous avons des réticences. Ce n'est, bien sûr, pas le cas en ce qui a trait à vos objectifs. En effet, si vous posez comme prémisse que le Parlement doit toujours être soucieux de prendre les mesures les plus efficaces et les plus dissuasives pour protéger les enfants, je pense que tous les partis, tant celui qui forme le gouvernement que ceux de l'opposition, vont se rallier à cet objectif.
    Ma question est la suivante. Vous souhaitez augmenter la peine maximale et la faire passer à 10 ans. J'exclus ici tout le débat qui a eu lieu dans le cadre de l'étude du projet de loi C-9, puisqu'il a été, comme vous le savez, considérablement modifié. Vous avez rédigé un projet de loi qui porte sur le leurre d'enfants. Quelle est, selon vous, la portée de cette infraction? Un juge devrait se pencher sur la question du leurre d'enfants. Comment considérez-vous cela? Quelle est la portée des mots « leurre d'enfants », selon vous?
    Je reviendrai par la suite sur les autres infractions subséquentes, car c'est là-dessus que vous nous invitez à voter, essentiellement: le leurre d'enfants sur Internet. Après, vous avez parlé d'autres infractions à caractère sexuel, etc., mais cela n'est pas nécessairement lié à l'article 172.1 du Code criminel. Vous souhaitez faire augmenter la peine possible à 10 ans de pénitencier. Quelle est, selon vous, la portée des mots « leurre d'enfants »?

[Traduction]

    Je crois que M. Lee a utilisé le synonyme qui convenait. Il s'agit de communication à des fins de commettre un certain nombre d'infractions sexuelles, et en fait,l'enlèvement est déjà une infraction inscrite au Code criminel.
    Le leurre consiste à tenter de communiquer avec des enfants au moyen d'un ordinateur, normalement par le biais d'Internet, afin d'établir une relation avec eux, normalement une relation de confiance. Ce sont souvent des enfants qui sont dans des situations où ils cherchent peut-être l'amitié. Ils cherchent quelqu'un à qui faire confiance. Leur situation à la maison n'est peut-être pas idéale. Les prédateurs se servent donc de la technologie pour obtenir la confiance des enfants, pour ensuite faire des plaisanteries d'ordre sexuel et généralement envoyer des photos par Internet. Ensuite, les prédateurs tentent d'obtenir un rendez-vous, lors duquel ils visent évidemment à abuser ou à exploiter sexuellement l'enfant.
    Voilà, selon mes renseignements, ce qui se passe normalement dans le cadre d'une infraction de leurre.

[Français]

    On comprend tous les trois — tous ceux qui ont posé des questions jusqu'à maintenant — que lorsqu'on parle du leurre d'enfant, cela signifie la volonté de tromper un enfant pour, ultimement, commettre une deuxième infraction. Considérons l'article 172.1. On s'entend, la deuxième infraction, celle qu'on anticipe et dont on se préoccupe — on souhaite évidemment être très vigilant —, n'a pas encore eu lieu. On s'entend sur ce que veut dire le leurre d'enfants tel que le Code criminel l'a défini.
    Avez-vous pu faire des recherches sur la façon dont les différentes cours de justice ont utilisé l'article 172.1? Pouvez-vous nous proposer des éléments de recherche? Sinon, je peux évidemment poser cette question aux fonctionnaires qui viendront nous voir tantôt et qui ont certainement étudié un peu cette question.

  (1135)  

[Traduction]

    Oui...

[Français]

    Je me pose une autre question. Je trouve que 10 ans, c'est beaucoup. Je ne sais pas jusqu'à quel point cela permet d'atteindre les objectifs que vous poursuivez. Enfin, je vous laisse partager vos éléments d'information.

[Traduction]

    Je pourrais vous parler de nombreux cas dont les tribunaux ont été saisis. Dans presque tous les cas, il s'agit de premières infractions, ce à quoi il faut s'attendre, puisqu'il s'agit d'une initiative législative très récente.
    Pour ce qui est de savoir si ces cas ou ces peines ont eu un impact, c'est difficile à dire, parce que nous n'avons pas beaucoup de données sur cette infraction étant donné qu'elle n'existe que depuis 2002.
    Je sais qu'habituellement, les peines varient de six mois à deux ans, et je vous dirais qu'il y a une certaine uniformité dans la détermination des peines. Il arrive par exemple que des peines de deux ans soient imposées... Nous avons au moins un cas où une peine d'emprisonnement avec sursis a été imposée, et cela parce que le délinquant avait déjà entrepris un programme de traitement dans la collectivité, et non en milieu carcéral.
    Nous voulons donner aux juges les outils leur permettant de dénoncer plus efficacement ce genre de crime. Nous voulons aussi qu'ils aient les outils nécessaires pour pouvoir retirer ces gens de la société.
    J'ai relu les commentaires formulés par les députés de l'opposition et du gouvernement pendant la deuxième lecture. J'ai remarqué, du moins au sein de votre parti monsieur Ménard, que la principale objection à ce projet de loi découlait du fait que le projet de loi C-9 serait alors invoqué. Comme vous le savez, ce projet de loi n'est plus en cause.

[Français]

    Vous voulez négocier mon appui, petit coquin. Vous vous êtes engagé sur une pente stratégique, je peux comprendre, mais je sais que le projet de loi C-9 a été battu. Je me pose des questions sur l'efficacité de ce geste, mais je vous comprends. Allez-y.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Si j'étais à votre place, je ferais la même chose.

[Traduction]

    Je tenais à dire cela parce que je crois que l'un des bons arguments qui ont été donnés en faveur de laisser aux juges la discrétion d'imposer des peines d'emprisonnement avec sursis était qu'il fallait laisser assez de marge de manoeuvre au niveau des peines moins sévères pour prendre en considération les particularités de chaque cause. Je dirais que le même raisonnement s'applique pour les peines plus sévères, y compris les peines maximales. Il doit y avoir...
    Monsieur Ménard, je vous remercie.
    Monsieur Comartin.
    Je crains toujours — et je l'ai dit la semaine dernière au comité — que le projet de loi C-277 puisse en fait entraîner l'application des dispositions du projet de loi C-9, qui, bien sûr, ont fait l'objet de changements importants.
    Avez-vous une formation juridique?
    M. Ed Fast: Oui.
    M. Joe Comartin: Je crains qu'un juge considère le leurre par Internet comme un préjudice personnel grave ce qui ferait alors intervenir cet article et interdirait toute peine d'emprisonnement avec sursis. Je crois que dans les bonnes circonstances, une peine d'emprisonnement avec sursis et le traitement offert dans le cadre d'une telle peine sont pour nous l'une des meilleures façons de composer avec les délinquants, et surtout les primodélinquants.
    Je me demande si vous avez examiné cet article sous cet angle. Je n'ai pas eu l'occasion de passer les cas en revue pour voir. Mais connaissant l'ingéniosité des avocats de la défense et du ministère public, je peux imaginer qu'à un moment donné, un avocat de la Couronne pourrait demander au tribunal de conclure que le leurre constitue un sévice grave à la personne, en raison de ses conséquences psychologiques pour une jeune personne, et que par conséquent le juge ne puisse plus honorer une peine d'emprisonnement avec sursis.
    Je me demande simplement si vous aviez fait de la recherche à cet égard.
    J'étais au courant de votre préoccupation, monsieur Comartin. J'ai eu des discussions avec le secrétaire parlementaire, et je crois comprendre que celui-ci a consulté le personnel du ministère de la Justice, et que celui-ci estime que c'est très peu probable. Oui, il est peu probable que cette interprétation soit donnée à cet amendement en particulier, ou encore à l'article 172.1, si la peine maximale était alourdie.
    Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un gros problème. Je comprends que vous êtes en faveur des peines d'emprisonnement avec sursis, surtout dans les cas où les délinquants suivent des traitements et que ces traitements sont offerts dans la collectivité plutôt qu'en milieu carcéral.

  (1140)  

    Monsieur le président, je vais garder mes autres questions pour les fonctionnaires.
    Je vous remercie, monsieur Comartin.
    Monsieur Thompson.
    Merci.
    Merci, monsieur Fast. Je vous suis reconnaissant des efforts que vous avez déployés pour présenter un projet de loi aussi nécessaire. Je vous appuie entièrement dans vos efforts, et lorsque tous les membres auront obtenu une copie de l'amendement que vous proposez, j'en proposerai l'adoption.
    Voulez-vous le faire maintenant puisque vous avez la parole?
    Oui, avant que mes sept minutes soient écoulées, mais j'aimerais d'abord poser quelques questions.
    Très bien. Vous pouvez poser vos questions.
    Je vois qu'on la fait circuler. C'est très court et son étude ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
    Je suis toujours un peu nerveux au milieu de tous ces avocats...
    Une voix: À juste titre.
    M. Myron Thompson: À juste titre, en effet. Je sais quel est l'objectif de ce projet de loi et quand des avocats se mettent à parler du facteur communication ou d'autres choses de ce genre, ça m'énerve. Dans ce genre de conversation, est-ce qu'ils prennent toute la chose à la légère? Essentiellement, on veut arrêter quelqu'un à cause d'une conversation qu'il a eue, et je pense que nous comprenons tous quel est l'objectif du leurre. Nous comprenons tous que cela ne mène à rien de bon.
    Monsieur Fast, vous savez peut-être que depuis 13 ans, j'essaie d'obtenir des mesures rapides et sévères contre la pédopornographie. Or, chaque fois qu'on entrevoit la possibilité d'avoir une mesure législative... J'ai eu des projets de loi d'initiative parlementaire, mais je n'ai pas de chance, mon nom n'est jamais tiré.
    Et j'entends que des juges estiment qu'il peut y avoir un mérite artistique à certaines choses, et la loi est encore une fois diluée. Un peu plus tard, on nous sort les expressions « biens publics » ou « fins utiles » parce qu'ils tremblent à l'idée que leurs mesures législatives ne résistent pas à la Charte. Pourtant, l'élimination de la pornographie juvénile n'a rien à voir avec la Charte à mes yeux. Il s'agit plutôt de protéger les enfants contre le mal. Et le mal, c'est aussi le leurre d'enfants.
    Je ne suis pas même convaincu que le leurre d'une personne de 18 ans doive être considéré comme légal. Quel est l'objectif du leurre par Internet, si ce n'est quelque chose de mauvais? Si vous leurrez une personne de 18, 19 ou 20 ans, l'objectif est probablement le même pour le criminel, qui n'a pas d'autres moyens de communiquer, si on peut appeler cela communiquer. Le gros bon sens me dit que c'est une chose mauvaise, qui ne mène à rien de bon. Mais je suis convaincu que si l'on adoptait une loi rendant illégale ce genre d'activité lorsqu'elle met en jeu des jeunes de 18 ou 19 ans, cela ne résisterait pas à la Charte en raison de certains droits qu'elle confère.
    Voici ce que je pense de toute cette situation. On essaie d'agir pour le mieux, et cela suscite des observations inquiétantes, malgré le bien-fondé de l'argument de M. Lee. Je comprends ce qu'il veut dire, mais je m'en moque bien. Ça n'intéresse pas non plus le public, non plus que les parents. Ils veulent qu'on agisse pour protéger leurs enfants. Peu leur importe cette question de communication et d'obstacles à la communication.
    J'aimerais qu'on ait le courage de sévir contre ces gens-là. Le leurre a une fin, et il s'agit de causer du tort à quelqu'un, que ce soit un adulte ou un enfant, mais bien trop souvent des enfants.
    Je me demande ce que vous pensez de mon opinion de non-juriste que je suis.
    Monsieur Thompson, je vous répondrais ceci: autour de cette table, en effet, il y a des avocats; toutefois, les avocats font généralement preuve d'une certaine compassion et d'une certaine compréhension des besoins des enfants et de la nécessité de protéger ceux-ci.
    Comme vous le savez, en droit, il faut prouver certaines choses pour faire condamner un accusé. Les notions d'actus reus et de mens rea, l'acte en soi et l'intention délictuelle, font partie intégrante de notre système de justice. Nous devons le reconnaître, car c'est grâce à cela que notre système de justice assure l'équilibre entre les droits des victimes et les droits des accusés non encore reconnus coupables.
    Cependant, j'ajouterais ceci: surtout en ce qui concerne les enfants, nous devons être particulièrement vigilants et faire en sorte que le système dispose de tous les outils nécessaires pour les protéger, car les enfants ne sont pas comme vous et moi en mesure de se défendre contre les prédateurs. Comme je l'ai dit plus tôt, ils n'ont pas comme nous la capacité de faire la distinction entre ce qui est dangereux et ce qui ne l'est pas. Leur pensée critique n'est pas encore assez développée. Ils se laissent facilement impressionner. Les jeunes enfants sont facilement impressionnables.
    Je suis d'avis que, quand il s'agit de tentative d'agresser sexuellement ou de blesser un enfant, nous devons imposer des peines qui auront un véritable effet dissuasif, et conférer aux tribunaux le pouvoir d'isoler les récidivistes chroniques — ceux qui continueront de commettre des crimes peu importe ce que l'on fait — de la société.
    Je comprends votre frustration face à l'incapacité du système de justice de répondre aux besoins de toutes les victimes, surtout des enfants.

  (1145)  

    Merci.
    Je sais très bien que vous, monsieur Lee et d'autres qui comme vous sont avocats montrez de la compassion pour les enfants et la cause que vous défendez. J'en suis bien conscient. Il est vrai que je ressens beaucoup de frustration; voilà maintenant 13 ans que je lutte contre la pédopornographie et que je tente de trouver une solution à ce problème, mais il ne semble pas que nous puissions véritablement mettre fin à ce fléau. Le système est censé, il me semble, être au service des victimes, mais dans la pratique, ce n'est pas le cas.
    Je vous sais toutefois gré de vos efforts et je vous félicite pour ce projet de loi.
    Monsieur le président, ayant entendu l'explication de M. Fast sur son amendement — amendement qui a été distribué à tous, je crois — je propose maintenant que soit ajouté à l'article 172, après l'alinéa a), l'alinéa b) suivant :
b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'un emprisonnement maximal de 18 mois.
    Compte tenu de l'importance de ce projet de loi, monsieur le président, et de la nécessité de s'attaquer sérieusement au phénomène du leurre d'enfants, peut-être qu'un député de l'opposition voudra-t-il appuyer ma motion.
    Nous sommes maintenant saisis d'une motion qui a été appuyée par M. Murphy.
    L'amendement pose un problème, messieurs Thompson et Murphy. Nous en avons discuté avec notre conseiller juridique. Ce problème est que le projet de loi C-277 ne modifie pas l'alinéa 172(2)a) de la loi en vigueur, disposition que modifie la motion, mais seulement à l'alinéa 172.1(2)a). Malheureusement, l'amendement est irrecevable.
    Le système ne le permet pas, je parie.
    Essentiellement, c'est cela. Il s'agit de deux dispositions différentes.
    C'est cela, je devrais donc compter sur le soutien du comité pour que soit apporté ce changement. Quelle devrait donc être la marche à suivre?
    M. Fast comprend maintenant pourquoi tout cela est si frustrant.
    Si le comité souhaite passer outre à ma décision, il peut certainement le faire, s'il le souhaite à l'unanimité.

  (1150)  

    Et vous démissionnerez?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Réal Ménard: Je veux seulement savoir.
    Vos pensées et désirs secrets sont maintenant connus de tous, monsieur Ménard.
    J'aimerais bien que cet amendement soit apporté, car c'est un projet de loi très important.
    Le comité est-il d'accord pour que cet amendement soit reçu tel qu'il a été présenté?

[Français]

    Monsieur le président, je peux comprendre ce que disent M. Thompson et l'ensemble des collègues, mais ce qui m'intéresse, c'est le précédent que cela créera. Vous vous rappellerez que certains collègues autour de cette table ont déjà déposé des amendements à des projets de loi qui dépassaient la portée de ceux-ci. On a des problèmes face au fait qu'on accepte un amendement dont la portée dépasse celle du projet de loi. Mais si on établit un précédent favorable aux simples parlementaires que nous sommes pour dépasser la portée des projets de loi, je m'attends à ce que ce précédent puisse servir pour d'autres projets de loi. Je veux simplement que les choses soient claires.

[Traduction]

    Il est du pouvoir du comité, si tous les membres du comité appuient cet amendement et veulent passer outre à ma décision, de le faire maintenant ou plus tard.
    Monsieur Lee, vous avez la parole.
    Je voudrais faire un petit rappel au Règlement. Le comité, dans son intégralité ou non, voudra peut-être accepter cet amendement et passer outre à la décision du président, mais il n'en reste pas moins que la règle existe toujours. Une fois que le projet de loi aura été renvoyé à la Chambre, il restera vulnérable car aucune disposition du Règlement ne permet de passer outre aux décisions du Président de la Chambre.
    Voici où je veux en venir: si nous décidons de passer outre la décision du président, si un membre du comité présente une motion que le président juge irrecevable et que sa décision est ensuite affirmée par le comité et que la Chambre est saisie de l'affaire, tout cela pourrait être vu comme un simple geste politique sans portée pratique en raison de l'avis du Président de la Chambre. La règle est très claire, comme nous l'a signalé notre personnel.
    C'est très vrai. Il se pourrait fort bien que les Communes et le Président de la Chambre soient saisis de l'affaire.
    Vous avez la parole, monsieur Bagnell.
    Je voulais simplement dire, je crois que M. Thompson voulait trouver une façon de modifier le projet de loi qui soit dans les règles, et non pas une façon illégale de passer outre la décision du président.
    Pourrions-nous soumettre cet amendement à la Chambre? Pourrions-nous modifier le projet de loi à la troisième lecture?
    Le comité peut, s'il est unanime, inclure cette disposition s'il le souhaite; toutefois, nous ne savons pas ce qu'il adviendra à la Chambre. Un député pourrait faire opposition et le Président de la Chambre devrait trancher.
    Je crois que Mme Jennings est la prochaine intervenante.

[Français]

    Si je comprends bien les procédures et les règlements qui s'appliquent aux comités, vous avez raison de dire que ce comité pourrait étudier et voter une motion qui renverserait votre décision quant à la non-recevabilité de cet amendement. Toutefois, comme M. Lee l'a mentionné, la Chambre des communes pourrait d'abord renverser la décision du comité.
    Ma question rejoint un peu celle de M. Ménard. Si jamais la Chambre des communes ne renversait pas la décision du comité, cela créerait-il une jurisprudence permettant dorénavant à des membres du comité, sans que les autres membres du comité aient à se prononcer, de déposer des amendements qui dépassent la portée d'un projet de loi qui est à l'étude à un comité? Le président du comité serait alors obligé de décider que l'amendement est recevable, même s'il dépasse la portée de la loi.

  (1155)  

[Traduction]

    Je ne crois pas que ce serait la première fois qu'un comité infirmerait une décision du président.
    Oui, mais si un membre du comité dépose une motion contestant la décision du président selon laquelle l'amendement est irrecevable parce qu'il dépasse la portée du projet de loi dont nous sommes saisis, si le comité adoptait cette motion, permettant ainsi le dépôt de l'amendement, et si le comité adoptait ensuite l'amendement, la Chambre, si elle devait se prononcer, pourrait dans sa sagesse confirmer l'adoption de l'amendement, ce qui créerait un précédent que tout député pourrait invoquer lorsqu'un amendement dépassant la portée du projet de loi étudié serait déposé, et l'amendement pourrait alors être jugé recevable automatiquement.
    On m'indique que nous ne ferions pas jurisprudence à la Chambre des communes; nous élaborons des lois, et cela ne ferait donc pas précédent.
    Allez-y, monsieur Petit.

[Français]

    On a répondu à ma question.

[Traduction]

    C'est à vous, monsieur Ménard.

[Français]

    Monsieur le président, j'ai deux points à soulever.
    D'abord, il n'y a pas de jurisprudence, mais il y a des précédents répertoriés dans le Marleau et Montpetit. Il s'agit d'une période de votre vie où vous êtes peut-être plus progressiste que conservateur. Il me fait plaisir d'en prendre note.
    Il est certain cependant que si on adopte un amendement qui dépasse la portée du projet de loi, on créera un précédent qui pourra être invoqué dans d'autres réunions. Cela ne liera pas le Président de la Chambre des communes, qui renversera certainement votre décision justement parce qu'il ne voudra pas qu'il y ait un précédent.
    Monsieur le président, la question est de savoir si on doit discuter de cela maintenant ou attendre l'étude du projet de loi article par article et continuer notre réunion avec la fonctionnaire du ministère de la Justice. Théoriquement, nous ne sommes pas en mesure d'accueillir un amendement, car nous ne faisons pas l'étude du projet de loi article par article.

[Traduction]

    Vous avez raison, monsieur Ménard, nous n'en sommes pas encore là. Nous pouvons certainement poursuivre notre discussion; l'étude article par article nous donnera l'occasion de déposer d'autres amendements et nous pourrons en discuter alors.
    Si le comité est d'accord, nous reprendrons notre discussion sur cet amendement pendant l'étude article par article du projet de loi.
    Nous avons une heure, mais il semble que M. Fast, lui, n'ait plus de temps à nous consacrer. Les représentants du ministère de la Justice resteront pour répondre à nos questions.
    Voyons qui est le prochain nom sur ma liste. M. Thompson a terminé; c'est au tout de M. Bagnell. Allez-y.
    Monsieur Fast, il vous reste deux minutes. Vous pouvez donc résumer votre position.
    M. Bagnell a une question.
    J'ai une brève question.
    Vous avez dit pouvoir nous donner de nombreux exemples. Moi, j'aimerais savoir combien de fois des personnes accusées de ce genre de crime ont été citées à procès. Vous y avez fait allusion. Les juges ont-ils imposé la peine maximale de cinq ans dans un pourcentage élevé de ces cas? Sinon, comment fera-t-on pour que ces criminels reçoivent des peines de dix ans?
    Deuxièmement, est-il arrivé qu'un juge ait dit souhaiter pouvoir imposer une peine plus longue que cinq ans?

  (1200)  

    Parlez-vous des dispositions existantes sur le leurre d'enfants?
    Je parle de celles que vous voulez changer dans votre projet de loi.
    J'espère ne pas vous avoir induit en erreur. La peine de cinq ans dont j'ai parlé est celle qu'on a imposée à M. Whitmore pour une infraction sexuelle qui n'était pas une infraction de leurre. Il avait déjà été reconnu coupable à plusieurs reprises auparavant et n'avait manifestement pas tiré la leçon de son expérience.
    Non, non, je pense à un cas particulier. Je pense à la peine que vous voulez faire passer de cinq à dix ans. Dans les cas qui ont déjà été entendus par les tribunaux, les cas où les juges pouvaient imposer une peine de cinq ans, est-il arrivé souvent que l'on impose la peine maximale? Les juges se sont-ils plaints, dans leur décision, de ne pouvoir imposer une peine plus lourde?
    Ces dispositions existent depuis peu dans le Code criminel, et, jusqu'à présent, on a infligé des peines allant de six mois à deux ans d'emprisonnement et, dans certains cas, des peines avec sursis. Ces dispositions n'existent pas depuis assez longtemps pour que nous puissions dire que les tribunaux auraient voulu imposer des peines plus lourdes. Il n'y a pas encore eu de cas de récidive non plus. Pour autant que je sache, il n'y a eu qu'un cas d'accusation de leurre qui s'accompagnait d'autres accusations pour une infraction de nature sexuelle, comme un contact sexuel. Dans ce cas-là, l'accusé a été condamné à une peine totale de trois ans et demi d'emprisonnement. Mais aucun Peter Whitmore n'a encore qui a été accusé de leurre. Et si un tel délinquant était accusé de leurre après avoir passé de nombreuses années en prison, s'il s'agissait d'un récidiviste, il nous faudrait de bons outils, surtout qu'il ne s'agit pas simplement de nos enfants qui sont à risque, mais plutôt d'enfants handicapés mentalement.
    Nous avons déjà quelques causes. Dans l'affaire de la Reine c. Deck, une jeune fille de 13 ans, mineure, présentant un handicap mental, a été exploitée par un prédateur sexuel.
    Merci, monsieur Bagnell, votre temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Fast, merci.
    M. Thompson invoque le Règlement.
    Je me demande si je dois retirer ma motion d'amendement pour la redéposer lors de l'étude article par article. C'est notre devoir élémentaire de protéger la société. Tout cela est très frustrant. Il y a toutes sortes de petits détails de ce genre qui nous empêchent d'agir. J'en ai vraiment marre de cela. J'ignore pourquoi il en est ainsi. J'aimerais bien qu'on me l'explique.
    Monsieur Thompson, il n'est pas nécessaire de retirer votre motion pour l'instant. Nous reprendrons notre discussion pendant l'étude article par article.
    Merci, monsieur Fast.
    Je cède maintenant la parole à Carole Morency, avocate-conseil, section de la politique en matière de droit pénal. Si vous voulez bien prendre place.
    Vous avez la parole, madame Morency.
Mme Carole Morency: (avocate-conseil, section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice):
    Bonjour à tous.
    Comme vous le savez déjà, l'article 172.1 sur le leurre par Internet est entré en vigueur par proclamation le 23 juillet 2002. Il faisait partie de l'ancien projet de loi C-15A qui comprenait des réformes au Code criminel visant à mieux protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, surtout celle utilisant les nouvelles technologies comme Internet.
    Cet article interdit l'usage d'un système informatique tel qu'Internet pour communiquer avec une jeune personne afin de faciliter la perpétration d'une des infractions sexuelles ou d'enlèvement à l'égard d'enfants qui y sont énumérées.

[Français]

    Auparavant, le leurre d'enfants par Internet était devenu une nouvelle préoccupation qui n'était pas correctement traitée dans le Code criminel. Bien que la loi interdisait totalement les contacts physiques sexuels pouvant résulter de ces communications par Internet, elle était moins efficace pour traiter les gestes posés avant et facilitant ce contact — les communications par Internet — de façon à prévenir la perpétration d'une infraction sexuelle ou d'une infraction d'enlèvement.

  (1205)  

[Traduction]

    Ce genre de conduite aurait pu faire l'objet d'une accusation de tentative d'infraction sexuelle à l'égard d'un enfant, mais pour faire la preuve d'une tentative, il faut qu'il y ait eu plus que de simples préparatifs. Il était donc difficile d'obtenir suffisamment de preuves pour avoir un motif raisonnable de croire qu'une infraction avait été commise avant que le contact sexuel prohibé ne se soit produit.
    Le ministère de la Justice, de concert avec ses homologues des provinces et territoires, continue de suivre la mise en oeuvre de l'article 172.1. Étant donné que cette disposition n'est entrée en vigueur qu'au milieu de l'année 2002, nous disposons de peu de statistiques objectives sur le recours qu'on en a fait. Je peux toutefois attirer l'attention du comité sur un résumé de certaines causes jurisprudentielles pertinentes.
    Des cas ont été signalés et nous pouvons confirmer qu'on invoque l'article 172.1 avec succès pour lutter contre le leurre d'enfants par Internet. Des accusations ont été portées et des condamnations ont été obtenues, y compris par le biais de plaidoyers de culpabilité. Des peines d'emprisonnement ont été imposées. Nous estimons donc que l'article 172.1 a eu une incidence positive sur la protection des enfants et des adolescents contre la cyberexploitation sexuelle. De plus, sachant que le Canada est l'un des pays les plus branchés, l'importance de l'article 172.1 ne diminuera certainement pas.
    Ainsi, il y a trois ans, Statistique Canada a indiqué que 71 p. 100, soit près de trois quarts, des adolescents de 15 ans utilisaient Internet au moins quelques fois chaque semaine; 60 p. 100 ont affirmé l'avoir employé pour des communications électroniques par le biais du courriel et du clavardage.
    En outre, les parents qui ont participé au volet canadien du World Internet Project en 2004, qui a fait l'objet d'un rapport en octobre 2005, ont estimé que les adolescents de leur foyer consacraient en moyenne 8,9 heures par semaine à naviguer dans Internet. L'été dernier, en août 2006, le National Center for Missing & Exploited Children aux États-Unis a rendu public un rapport sur un sondage qui avait été mené en 2005 auprès de 1 500 adolescents de 10 à 17 ans, utilisateurs d'Internet, et constituant un échantillon représentatif. On a constaté que, parmi les adolescents ayant fait l'objet d'avances ou de sollicitations sexuelles dans Internet, 70 p. 100 étaient des filles et 30 p. 100 des garçons, et que 81 p. 100 avaient 14 ans ou plus. Dans l'ensemble, 90 p. 100 de la sollicitation sexuelle dans Internet ciblaient les adolescents. Aucun enfant de 10 ans n'avait fait l'objet d'une telle sollicitation, et 3 p. 100 des enfants de 11 ans en avaient fait l'objet.
    Manifestement, tout ce qui sert à renforcer nos mesures contre ce genre d'exploitation sexuelle servira à mieux protéger les adolescents. Le projet de loi C-277, qui propose d'augmenter la peine maximale pour les condamnations par mise en accusation, va dans ce sens. De plus, le projet de loi C-22, qui a été renvoyé à votre comité et qui fait passer de 14 à 16 ans l'âge du consentement à une activité sexuelle, permettra aussi de mieux protéger les adolescents contre le leurre par Internet, plus particulièrement les adolescents de 14 et 15 ans qui, selon des études menées récemment, sont les plus menacés par ce genre d'exploitation.
    Je termine ici mes remarques liminaires. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci.
    Monsieur Lee, vous avez la parole.
    J'ai deux petites questions, monsieur le président, et M. Bagnell utilisera probablement le reste de mon temps de parole.
    J'ai une première question sur cette infraction en particulier. Cela n'a peut-être rien à voir avec les peines, mais si deux adolescents de 16 ans tentaient de se séduire l'un l'autre sur Internet je présume que ce serait un comportement criminel. Vous pouvez répondre oui ou non.
    Deuxièmement, les mêmes interdictions criminelles existent-elles pour les tentatives de communication ou de séduction, quel que soit le terme que vous employez, par d'autres moyens? Par exemple, au téléphone ou par télécopieur? Il est vrai que de nos jours il est difficile de savoir quand un téléphone devient un ordinateur puisque les téléphones peuvent maintenant recevoir et envoyer des photos.
    Peut-être pourriez-vous éclaire ma lanterne sur ces deux questions?
    Puis, monsieur le président, s'il me reste du temps, M. Bagnell voudrait prendre la parole. Merci.

  (1210)  

    Merci, monsieur Lee.
    Je vous cède la parole, madame Morency.
    Quiconque commet une infraction de leurre pourrait faire l'objet d'une accusation. S'il s'agit d'un jeune délinquant, si son comportement correspond aux circonstances de l'infraction, il pourrait être accusé. D'ailleurs, l'étude menée aux États-Unis dont j'ai parlé a indiqué que les adolescents qui étaient visés par la sollicitation sexuelle étaient, dans un cas sur quatre, visés par des pairs, des adolescents de leur âge. C'est donc une possibilité, mais pour autant que je sache, aucun cas de ce genre n'a encore été signalé au Canada.
    Pour répondre à votre deuxième question, vous avez raison: l'article 172.1 s'applique à l'usage d'un ordinateur aux fins de communication avec un enfant à cette fin particulière, et l'ordinateur est défini dans le Code criminel; par conséquent, l'article ne s'applique pas à un téléphone. Toutefois, l'infraction substantielle prévue à l'article 152, par exemple, l'incitation à des contacts sexuels, l'appliquerait à toute situation où une personne en invite une autre à participer à une conduite sexuelle prohibée. On pourrait donc faire la preuve comme on la faisait auparavant, tout comme les délinquants, avant l'apparition de ces nouvelles technologies, employaient d'autres moyens pour attirer les enfants chez eux ou les soustraire à la surveillance de leurs parents.
    Quelle est la peine dont est passible celui qui est reconnu coupable d'incitation à des contacts sexuels? Y a-t-il une certaine symétrie?
    Sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine est de 18 mois. Elle a été augmentée l'an dernier par suite de l'adoption du projet de loi C-2. Sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, la peine minimale obligatoire est de dix ans.
    Merci.
    Monsieur Bagnell, à vous la parole.
    MM. Lee et Comartin ont fait mention des effets du projet de loi C-9. Étant donné que nous l'avons modifié radicalement, selon vous, ces crimes ne seraient-ils pas prévus par le nouveau projet de loi C-9?
    Ma dernière question porte sur notre capacité à incarcérer ceux qui ne cesseront de récidiver. C'est une grande source de frustration que de savoir qu'il y a des récidivistes endurcis. Pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne le système dans des cas comme celui de Clifford Olson? Que peut-on faire pour qu'un délinquant reste en prison à l'issue de sa peine, outre ce qui figure dans ce projet de loi?
    À la première question, sur l'incidence du projet de loi Bill C-9 sur les peines d'emprisonnement avec sursis adopté à la Chambre: pour cette infraction, comme on l'a dit dans une question au témoin précédent, le projet de loi C-277 porterait à dix ans la peine maximale. On pourrait alors dire que la peine d'emprisonnement avec sursis ne pourrait être applicable dans un cas de leurre si le tribunal est convaincu par la preuve au dossier qu'il s'agit là d'une infraction où il y a sévice grave à la personne au sens de l'article 752 du Code criminel. Dans ces circonstances, la preuve doit montrer hors de tout doute raisonnable que ce critère est respecté. Comme on l'a dit, d'après le genre de dossiers qui ont déjà fait l'objet de procès pour l'infraction de leurre par Internet, et compte tenu des faits et des considérations prises en compte par les tribunaux, à notre avis il est douteux que ce critère soit respecté dans ce genre de dossiers.
    Cela étant dit, permettez-moi d'expliquer dans quels cas les tribunaux ont imposé des peines avec sursis pour des infractions de leurre. L'affaire Folino, un jugement de la Cour d'appel de l'Ontario de 2005 est particulièrement importante: elle est fréquemment citée dans d'autres dossiers et elle sert de balise. Quand un emprisonnement avec sursis est-il approprié pour une infraction de leurre d'enfant? Dans ce dossier, la Cour d'appel a énoncé très clairement que dans la plupart des cas de leurre d'enfant, les objectifs de dénonciation et de dissuasion associés à la détermination de la peine exigent l'emprisonnement. La peine d'emprisonnement avec sursis ne s'appliquera pour ce type d'infraction que dans de très rares cas. Cette décision a été citée par d'autres tribunaux. Des 19 dossiers rapportés que j'ai relus en préparation pour cette séance, il n'y a que deux cas d'emprisonnement avec sursis, dont celui que je viens de décrire, l'affaire Folino.
    Plus récemment, soit en août 2006, la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Jarvis a réitéré l'importance des objectifs de dissuasion et de dénonciation dans ces dossiers et, de plus, elle a ajouté que les actes interdits par l'article 172.1 sont des actes graves, tout comme l'infraction secondaire. Si le contrevenant passe à l'étape suivant et commet l'une des infractions sexuelles énumérées, dans ce cas-ci, l'incitation à des contacts sexuels, l'emprisonnement avec sursis n'est pas une peine possible en raison de la peine minimale obligatoire créée par le projet de loi C-2 adopté par la dernière Législature.
    D'après notre étude de la jurisprudence accumulée jusqu'ici, d'après les cas rapportés, les peines d'emprisonnement avec sursis sont très rares, soit deux sur dix-neuf, et encore tiennent-ils compte de faits et circonstances particuliers.

  (1215)  

    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, pouvez-vous dire si on compte faire l'étude article par article avant une heure? Nous serions très désireux de collaborer pour terminer l'étude de ce projet de loi aujourd'hui.
    La question que je me pose concerne davantage l'administration de la preuve. Au début de votre exposé, vous avez fait référence à la difficulté qu'avaient les cours de justice à établir la preuve de communication. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Notre sensibilité au projet de loi a augmenté à mesure qu'on écoutait le député qui le parraine en parler.
    D'habitude, les preuves sont constituées de courriels envoyés par l'accusé au jeune. Les courriels contiennent non seulement des discussions très explicites de nature sexuelle...
    Des propositions aussi?
    Oui, mais pas toujours. D'habitude, on voit une évolution dans les courriels: l'accusé veut rencontrer la victime. Comme je l'ai dit au début, le but ici est de prévenir l'infraction que constitue le contact physique d'ordre sexuel. Dans le cas d'un leurre, l'infraction est commise avant même qu'il y ait un contact physique. On n'a donc pas besoin d'une preuve qu'il y a eu un contact physique, mais seulement d'une preuve que les communications avaient pour but de faciliter l'exploitation sexuelle du jeune.
    D'accord. Le ministère recommande-t-il au comité de voter en faveur du projet de loi?
    Cette question est encore devant les tribunaux. Je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Les tribunaux tiennent toujours compte de la peine maximale imposée. Dans certaines affaires de leurre, on a dit que la peine maximale était réservée aux cas les plus graves. Le juge se dira que si le maximum est de cinq ans, compte tenu de l'échelle possible, tel dossier devrait être passible de telle peine. Quand le maximum passe de cinq à dix ans, on peut s'attendre à ce que la nouvelle échelle soit prise en compte. Le Parlement juge bon d'alourdir la peine maximale, disant ainsi aux tribunaux que ces infractions sont graves. Si le maximum de l'échelle passe de cinq à dix ans, ce qui justifiait une peine de mi-échelle, soit une peine de deux ans, donnerait lieu à une peine plus lourde.

[Français]

    Trouvez-vous cela un peu excessif?
    L'ancien projet de loi C-15 avait pour but de faciliter la prévention. À l'époque, le Code criminel ne permettait pas de le faire dans le cas d'une simple tentative, parce que c'était trop difficile.
    Une peine de 10 ans n'est-elle pas excessive par rapport à l'ensemble du Code criminel?

[Traduction]

    Auparavant, cinq ans, étaient une peine jugée comparable à la peine imposée pour une tentative d'agression sexuelle. La tentative est passible de la moitié de la peine maximale. Nous constatons qu'il y a de plus en plus de procès pour cette infraction, et que l'utilisation d'Internet est en croissance, comme les risques. On peut donc à bon droit prétendre que oui, la sanction de cette infraction de l'heure par Internet a été efficace. Une peine plus lourde montre qu'il nous faut en faire davantage.

  (1220)  

[Français]

    Le ministère ne verrait donc pas d'objection à ce que le comité vote en faveur du projet de loi.

[Traduction]

    Non, en particulier compte tenu des réformes adoptées dans le cadre du projet de loi C-2, soit en faisant passer de cinq à dix ans la peine maximale pour l'infraction d'exploitation sexuelle.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur le président, vous me connaissez: j'aime la logique.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, je propose que vous posiez la question aux parents d'enfants qui ont été victimes de leurre par Internet. Leur opinion pourrait être différente de celle du ministère. Que le ministère le veuille ou non, c'est aux enfants que nous pensons.
    Monsieur Comartin, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Morency, d'être venue.
    Vous nous avez donné des chiffres sur les procès pour leurre. Avez-vous consulté Juristat pour savoir combien de fois on y avait eu recours par année, ou au total, depuis la création de cette infraction?
    Malheureusement, cette infraction n'existe que depuis quatre ans. Ce n'est pas suffisamment long pour obtenir des statistiques du Centre canadien de la statistique juridique; les chiffres ne sont pas très utiles pour connaître le nombre d'accusations portées.
    Nous avons quelques statistiques pour 2003-2004, soit les données les plus récentes, mais ce n'est pas très utile. Voici, je le répète, comment j'ai procédé. Nos homologues provinciaux et nous sommes au courant d'environ 70 accusations portées jusqu'ici au Canada. Ce n'est pas un chiffre fiable puisque nous le tirons de données médiatiques, et aussi parce que certains cas ne sont pas rapportés.
    En préparation pour la séance d'aujourd'hui, j'ai relu les cas rapportés afin de faire le point. Sur les 19 cas, de 2003 à 2006, il y a eu 16 plaidoyers de culpabilité, ce qui est très élevé. Dans un cas, ce n'est pas clair. Dans sept cas sur 17, l'accusé a été inculpé pour avoir leurré quelqu'un qu'il croyait avoir moins de 14 ans mais qui était en fait un policier qui se faisait passer pour un adolescent. Dans deux cas, je n'ai pas pu savoir si c'était la même chose.
    Comme on vous l'a dit, au sujet des peines infligées, deux dossiers faisaient déjà l'objet d'une ordonnance d'emprisonnement avec sursis. Dans un cas, il y a eu sursis au prononcé de la peine et dans 15 cas sur 19, il y a eu une peine d'emprisonnement allant de six mois à deux ans moins un jour. Il y a eu un acquittement, et un dossier est en appel.
    La majorité des cas sont en Ontario, puis en Alberta et il y en avait un en Colombie-Britannique, un en Nouvelle-Écosse et un au Manitoba.
    Tout ce que vous venez de nous dire est fondé sur les décisions ayant fait l'objet d'articles? Y a-t-il là aussi des chiffres tirés de Juristat?
    Non, il ne s'agit que de cas rapportés dans l'examen de la jurisprudence dans Quicklaw.
    Savez-vous combien de décisions sont citées dans Juristat, et pas seulement dans Quicklaw?
    Il y en a eu six pour 2003-2004 mais comme je le disais, je n'arrivais pas à mettre la main sur un format utilisable. Cela nous donne une meilleure idée des peines imposées dans ces causes.
    Dans ces causes, y avait-il aussi d'autres accusations?
    Oui, dans certains cas, l'inculpé était aussi accusé d'autres infractions de nature sexuelle avec contact.
    Est-ce que les peines étaient consécutives ou concurrentes, en général?
    C'était pour les peines concurrentes.
    Ces autres infractions étaient-elles généralement punissables d'une peine plus lourde?
    Cela dépend de la nature de l'infraction et du moment où l'accusation a été portée.
    Souvent, dans ce genre de cause, l'accusé demande des photos. Quand on vérifie, on constate qu'il s'agit de pornographie juvénile et on porte des accusations en conséquence. On constate aussi parfois qu'il y a eu agression sexuelle avec contact et, encore une fois, on porte des accusations en conséquence.
    L'accusé écopera d'une peine minimale obligatoire pour avoir été en possession de pornographie juvénile, n'est-ce pas?
    Oui, depuis la mise en oeuvre du projet de loi C-2.
    Passons maintenant à une de mes principales préoccupations relativement à cet article. On y a déjà fait allusion: y a-t-il avec cet amendement une façon de réserver les peines avec sursis seulement dans les cas où c'est indiqué?
    Je ne suis pas certaine de pouvoir me prononcer sur ce genre d'amendement. Comme je l'ai déjà indiqué, d'après l'évaluation que nous avons faite de l'interprétation qu'on pourrait donner à l'expression « sévices graves à la personne », c'est difficile à imaginer.
    Mais si vous tenez compte de la façon dont les tribunaux traitent déjà de ces causes, les peines avec sursis sont exceptionnelles. Dans les deux situations où une peine d'emprisonnement avec sursis a été imposée, le tribunal l'a fait par exception.

  (1225)  

    La police n'aime pas entendre une cour d'appel dire que ce sera à titre exceptionnel, mais c'est bien ce qui s'est produit dans le cas qui nous occupe. Ce qu'on dit ainsi aux tribunaux inférieurs, c'est que cette peine peut être imposée, mais qu'elle doit rester rare.
    Dans ce cas-là, les facteurs atténuants et les circonstances aggravantes étaient importants. Pendant sa détention présentencielle, l'accusé avait subi des voies de fait et on s'attendait à ce que cela se reproduise au pénitencier. L'accusé suivait aussi un traitement à l'externe et, dès le départ — il n'avait pas d'antécédents judiciaires — il a assumé la responsabilité de ses actes. Dans cette affaire, le tribunal a dressé une liste expliquant bien les facteurs qu'il avait pris en compte.
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit, à savoir que ce ne serait pas possible. Peut-être qu'une disposition de dérogation, disant que, par dérogation au paragraphe 1a), les peines d'emprisonnement avec sursis pourraient encore être imposées dans les circonstances appropriées.
    Je suis difficilement en mesure de me prononcer sur le projet de loi C-9. L'autre endroit voudra peut-être se pencher sur cette question lorsqu'il examinera le projet de loi C-9.
    Merci, monsieur le président.
    À vous, monsieur Petit.

[Français]

    Merci.
    Bonjour, madame Morency.
    J'aimerais d'abord remercier indirectement M. Fast, le parrain de ce bon projet de loi, qui, je l'espère, recueillera l'assentiment de tous.
    J'ai une question d'ordre technique à vous poser. L'amendement vise à augmenter les peines. Il est question de l'utilisation des communications dans un dessein criminel. La Couronne doit d'abord prouver qu'il s'agit d'un dessein criminel. S'ensuivront naturellement les condamnations, si c'est nécessaire.
    Je me demandais si vous connaissiez bien les ordinateurs. J'imagine que c'est le cas. J'ai quatre enfants, qui sont tous majeurs. Il y a eu une dizaine d'ordinateurs à la maison. Je vous assure que ces appareils fonctionnaient jour et nuit. Quand les gens font du clavardage, il y a à l'écran de petites cases, dites confidentielles, auxquelles ils peuvent accéder pour s'adonner à des jeux sexuels.
    Dans le cas que je mentionne ici, il n'y a pas de contact. L'article 151 du Code criminel parle d'un contact direct ou indirect avec le corps d'un individu ou un objet inanimé. Vous parlez pour votre part de communication dans un dessein criminel.
    Je vais vous donner un exemple. À Québec, un journaliste avait dans son ordinateur 1 000 photos de jeunes hommes et de garçons. C'était un pédophile. Or, quand on parle d'augmenter les peines à 10 ans, est-ce que ça prend en compte le fait que l'ordinateur est un prolongement de l'individu? Il s'agit de cases auxquelles les gens accèdent pour avoir un contact sexuel, en utilisant les communications dans un dessein criminel. Ces cas sont-ils couverts? C'est la question que je me suis posée à la lecture de l'article 151.
    Si vous le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Pour prouver qu'il y a leurre, la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé a communiqué avec la victime aux fins de commettre l'une des infractions énumérées. Vous donnez l'exemple de l'article 151 qui précise qu'il doit y avoir eu attouchement. Habituellement, dans les cas de leurres, on porte des accusations aux termes de l'article 152, soit incitation à des contacts sexuels de sorte que l'accusé, par le biais de ces communications avec l'adolescent, lui demande habituellement de répondre à des questions de nature sexuelle très explicites, lui demande de se toucher, etc. Il y a infraction de leurre par Internet même s'il n'y a pas de contact sexuel, parce qu'il y a eu communication « en vue de » ce qui indique une intention criminelle.
    Quand il y a des fenêtres flash et des choses de ce genre, encore une fois, la question est de savoir si l'accusé a une intention coupable quand il fait apparaître ces choses sur Internet. S'il y a un lien avec la pédopornographie, l'accès à la pédopornographie est une infraction, mais la Couronne devrait tout de même prouver que l'accusé avait l'intention d'accéder à un site de pornographie juvénile. S'il s'agit plutôt d'une fenêtre flash qu'on tente d'éviter, la situation est différente. Dans les cas qui ont été traduits devant les tribunaux, il est clair que ce sont les communications qui constituent le fondement des accusations. La communication se fait dans les deux sens et est généralement assez explicite; l'accusé décrit exactement ce qu'il veut que l'adolescent fasse, et vice-versa, avant de finalement fixer un rendez-vous. L'intention criminelle réside dans les communications en vue de commettre une infraction qui est souvent une violation de l'article 152. Il y a aussi une affaire d'enlèvement d'enfant, qui s'est en réalité produit.

  (1230)  

[Français]

    Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Petit.

[Français]

    Vous avez répondu de façon générale. Je veux être sûr d'être bien compris. On a découvert dans ma région qu'un monsieur possédait plus de 1 000 photos de jeunes garçons dans son ordinateur. On a constaté également qu'il avait fait du clavardage avec des personnes, mais qu'il ne s'agissait pas nécessairement des garçons dont il avait la photo. Voila pourquoi je vous demandais si vous connaissiez les ordinateurs.
     Je sais de quoi il s'agit parce que j'ai dû me pencher sur la question à un moment donné. Ici, je ne parle pas du clavardage ordinaire où chacun peut répondre, je parle de cases spéciales. En général, les gens qui sont sur le réseau ne les voient pas. Je peux, par exemple, en tant qu'adulte, accéder à la petite case, faire des propositions, des choses intimes et engager une relation sexuelle par ordinateur avec un enfant de 12 ans. Quand on parle de communication dans un dessein criminel, est-ce qu'on couvre ce genre de cas? Vous comprenez ce que je veux dire?
    Je pense que vous parlez des chat rooms. En effet, les communications dont il est question dans les jugements portant sur des cas de leurre impliquent, dans bien des cas, des discussions ayant eu lieu dans des chat rooms.
    Vous pouvez parler anglais, si c'est plus facile pour vous. Vous êtes sûre que ces cas sont couverts?
    Oui.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit.
    Madame Jennings.
    Merci beaucoup de toutes les informations que vous avez fournies à notre comité.
    J'aimerais d'abord savoir si vous pouvez nous donner des renseignements sur les 19 causes qui ont été traduites devant les tribunaux, si vous pouvez nous renvoyer à un endroit précis où nous pourrions avoir cette information, ou si vous avez déjà ces décisions par écrit. Peut-être pourriez-vous alors les transmettre aux membres du comité par l'entremise du président. Merci.
    J'aimerais revenir à l'article 152 du Code criminel, qui traite de l'incitation à des contacts sexuels. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, avant que n'existe une disposition sur le leurre par Internet-- qui est entrée en vigueur en 2002,-- on aurait porté des accusations aux termes de l'article 152, n'est-ce pas?
    Oui, ou aux termes de la disposition sur l'enlèvement.
    Je vois.
    La Couronne devait prouver que l'accusé avait tenté de commettre l'une ou l'autre de ces infractions.
    Oui, et il était difficile de faire la preuve du leurre par Internet à des fins sexuelles ou à des fins d'exploitation sexuelle avec ces seuls articles du Code criminel. Voilà pourquoi le gouvernement précédent a fait adopter l'article 172.1. Vous nous dîtes, si j'ai bien compris, que cette nouvelle disposition a été très utile.
    Voici donc ma question. L'infraction d'incitation à des contacts sexuels prévue à l'article 152, ne nécessite pas qu'il y ait eu contact comme tel, mais plutôt qu'on ait employé des gestes et des mots pour inciter un adolescent à s'adonner à des attouchements sexuels; toute déclaration de culpabilité par voie de procédure sommaire entraîne une peine maximale de 18 mois et, sur mise en accusation, une peine maximale de 10 ans. Quand le gouvernement a créé la nouvelle infraction de leurre par Internet, pourquoi n'a-t-il pas harmonisé les peines?

  (1235)  

    Permettez-moi d'apporter d'abord une précision. Quand on a créé l'infraction de leurre par Internet, c'est qu'on avait du mal à prouver qu'il y avait eu des communications avant que l'infraction comme telle ne soit commise. Quand on plaidait qu'il y avait eu une violation de l'article 152, il fallait prouver qu'il y avait eu plus qu'une simple préparation de la part de l'accusé. C'est ce problème qu'on voulait corriger avec la nouvelle disposition.
     Pour ce qui est de l'harmonisation des peines, lors de son adoption, l'article 172.1 prévoyait une peine maximale de cinq ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. On estimait alors qu'il s'agissait essentiellement d'une infraction qui équivalait à une tentative. Nous savons que les tentatives sont généralement passibles d'une peine qui équivaut à la moitié de la peine prévue pour l'infraction comme telle. C'est ainsi qu'on a justifié cette décision à l'époque.
    Si vous regardez la liste des infractions, vous voyez que les articles 151 et 152 prévoyaient des peines maximales de 10 ans d'emprisonnement pour les mises en accusation. L'article 153, lui, prévoyait une peine de cinq ans. Ce n'est que pendant la dernière législature qu'on a fait passer cette peine à 10 ans. La peine prévue pour l'infraction d'enlèvement à l'article 280 est de cinq ans au plus pour l'acte criminel.
    Comme vous pouvez le constater, on disposait quand même d'une marge de manoeuvre, mais, comme je viens de le dire, le procès-verbal des débats parlementaires vous montrera qu'on a comparé ces infractions à des infractions de tentative. On voulait faire en sorte que des accusations puissent être portées avant que l'infraction de contact sexuel ne soit commise.
    Si je comprends bien, cet argument tient toujours, parce qu'on parle toujours de la pré-préparation ou de la préparation avant la tentative, et la tentative relèverait de l'article 152.
    Oui et non. D'un côté, oui, parce que certaines infractions seront toujours passibles d'une peine maximale de cinq ans, mais la peine maximale pour exploitation sexuelle prévue à l'article 153 a été augmentée à 10 ans par voie de mise en accusation.
    Je crois aussi que la jurisprudence a évolué. Notre expérience et notre compréhension des risques auxquels les jeunes doivent faire face à cet égard s'est améliorée. Nous avons une meilleure compréhension, donc si ce que vous voulez, c'est que le système de justice pénale envoie un message clair pour dissuader et dénoncer ce genre de comportement, une peine maximale de dix ans y arrivera plus efficacement qu'une peine de cinq ans. Les réformes promulguées au cours de la législature précédente ont fait augmenter les peines maximales par procédure sommaire pour toutes les infractions d'ordre sexuel commises contre les enfants et pour l'article 153. Encore une fois, cela va dans le sens des mesures prises jusqu'ici par le Parlement pour dénoncer ce genre de comportement.
    Si vous permettez que je termine ma phrase, je posais la question parce que nous tentons de comprendre les raisons pour lesquelles il y avait cette différence. Vous dites que depuis la création de cette nouvelle infraction de leurre, on a augmenté les peines maximales aux autres dispositions du même article. Donc, augmenter la peine maximale dans ce cas ne serait pas en contradiction avec ce qui a suivi la création de cette infraction en particulier.
    C'est exact.
    Merci.
    Merci, madame Jennings.
    Au tour de M. Bagnell. Ensuite, nous allons discuter davantage de l'amendement puis nous passerons à l'étude article par article.
    Allez-y, monsieur Bagnell.
    Merci.
    J'ai deux questions. J'avais déjà posé la première, mais vous n'avez pas eu l'occasion d'y répondre.
    L'intérêt que je porte à la question va au-delà du projet de loi. Il y a des délinquants perpétuels, il y a des gens comme Clifford Olson. Je ne suis pas avocat, je veux simplement comprendre la capacité du système de justice pénale à incarcérer les gens au-delà de leur peine. Nous avons parlé de gens dont le risque de récidive était de 100 p. 100, et de gens qui continuent à présenter un danger pour la société.

  (1240)  

    Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je peux essayer de vous aider un peu en ce qui a trait aux options lors de la détermination de la peine.
    Le comité sait que le projet de loi C-27 propose certaines réformes aux dispositions relatives aux délinquants dangereux. Il s'agit de l'une des dispositions, ou du régime ou du cadre qui existent dans le cas dans le code pénal en ce moment pour composer avec les récidivistes violents. Il y a aussi le régime de surveillance de longue durée. Donc, un délinquant dangereux ou plutôt un délinquant qui ne satisfait pas aux critères de désignation de délinquant dangereux, mais qui, selon le tribunal, présente un risque grave de récidive dans la collectivité et qui peut être déclaré délinquant à contrôler peut faire l'objet d'une ordonnance de surveillance dans la collectivité, assortie de conditions, d'une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans.
    Les tribunaux ont également une autre option au moment de la détermination de la peine. À ce moment, un accusé reconnu coupable d'avoir commis l'une des infractions d'ordre sexuel contre un enfant, énumérées à l'article 161 du Code criminel peut se voir imposer par le tribunal une interdiction à perpétuité, de fréquenter des endroits désignés où se trouvent des enfants et de chercher ou d'obtenir un travail rémunéré ou bénévole où se trouvent des enfants. Voilà donc une autre façon de tenter d'empêcher les délinquants sexuels connus d'avoir l'occasion de récidiver.
    De plus, l'article 810.1 du Code criminel, qui traite des personnes qui risquent de commettre une infraction sexuelle contre un enfant, reconnaît que celles-ci n'ont pas encore commis une infraction, mais présentent un risque. Il y a un processus devant les tribunaux pour obtenir une ordonnance de non-communication d'une durée pouvant aller jusqu'à un an. Le projet de loi C-27 augmenterait cette durée à deux ans.
    Voilà donc les principales options. Si vous voulez avoir plus de détails, vous pouvez consulter un de mes collègues.
    Je suis tout à fait favorable à ce projet de loi mais ma deuxième question enchaîne sur ce que vient de vous demander M. Lee, à propos des jeunes de 16 ans. Je tiens à m'assurer que ce régime ne cible pas à tort les jeunes. Par exemple, si deux jeunes de 15 ans tombaient amoureux et s'enfuyaient ensemble, est-ce que l'un pourrait être accusé d'enlèvement, d'avoir enlevé un enfant à ses parents sans leur permission et, si cela se faisait par Internet, pourrait-il être passible de poursuites compte tenu des dispositions prévues du projet de loi concernant cette infraction?
    Je crois qu'il faut examiner comment fonctionne cette infraction de leurre en tenant compte des activités légales auxquelles des jeunes peuvent participer avec d'autres jeunes. À l'heure actuelle, l'âge du consentement pour ce qui est de l'activité sexuelle est de 14 ans. Des jeunes du même âge peuvent participer à une activité sexuelle et pourraient prendre part à un type de dialogue consensuel du même type, mais en ce qui concerne le leurre, ce n'est pas le genre de comportement dont il s'agit. Donc, si un jeune répond aux critères prévus pour l'infraction et participe à ce genre de communication dans le but d'agresser sexuellement l'autre, alors oui, cette personne pourrait être accusée et considérée comme une jeune contrevenante.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Bagnell.
    Merci beaucoup , madame Morency, nous vous sommes reconnaissants de cette information détaillée.
    Pourrais-je poser une question supplémentaire? Il s'agit simplement d'obtenir des éclaircissements. C'est une question de 10 secondes.
    Oui, allez-y, monsieur Lee.
    Si deux personnes, toutes deux mineures, communiquaient, et que l'une d'elles ait moins de 14 ans — disons qu'il s'agissait d'un jeune de 15 ans et d'un jeune de 13 ans — par définition, le fait d'inciter le jeune de 13 ans à participer à une activité sexuelle serait considérée comme un acte criminel. Donc la communication ou l'invitation à des attouchements sexuels de la part du jeune de 15 ans serait considérée comme un acte criminel en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants tout simplement parce que la personne qui fait l'objet de l'invitation en question est incapable de donner son consentement.
    Non. Comme je l'ai déjà dit, l'infraction du leurre non seulement englobe les peines prévues dans le cas des infractions énumérées, mais s'ajoute également à celles prévues dans le cadre du régime actuel concernant l'âge du consentement. Donc, dans l'exemple que vous nous donnez, un jeune de 12 ou 13 ans peut consentir à une activité sexuelle avec un jeune de son âge, en toute légalité, à condition que l'autre personne ait moins de deux ans de plus, qu'il n'existe aucune relation de confiance, d'autorité ou de dépendance et qu'il ne s'agit pas d'exploiter le jeune. Donc, à l'heure actuelle, s'il s'agit d'une activité consensuelle et qu'ils sont visés par ce régime, alors cela ne représenterait pas une infraction de leurre.

  (1245)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Lee.
    Maintenant, chers collègues, nous allons reprendre la discussion de l'amendement. Je pense que nous avons eu suffisamment de temps pour examiner brièvement certains des points susceptibles d'éclaircir le commentaire que j'ai fait.
    Oui, monsieur Comartin.
    Je pense qu'il existe un consensus qui nous permettra de passer outre à votre constatation selon laquelle l'amendement est irrecevable. Je parle du principe qu'il y aura consentement unanime.
    Non.
    Non? J'ai parlé trop tôt.

[Français]

    Ce n'est pas le cas, monsieur le président, pour la raison suivante. Nous allons appuyer l'article du projet de loi qui est devant nous, mais nous croyons qu'en ce qui a trait à la procédure, vous en faites une lecture littérale. Vous avez raison, pour cette fois-ci, et nous allons appuyer le maintien de votre décision. Nous allons appuyer le projet de loi tel que le parrain nous l'a soumis, mais nous savons clairement que l'on ne peut pas amender un article qui ne figure pas dans le projet de loi. On ne veut pas commencer à jouer avec la procédure.

[Traduction]

    Monsieur le président, j'avais la parole avant d'être interrompu.
    Oui, monsieur Comartin, c'est une erreur de ma part, veuillez continuer.
    Je remercie M. Ménard de nous faire part de sa position, parce que je ne la comprenais pas. Mais je proposerai la motion selon laquelle nous allons déroger à votre décision comme quoi il est irrecevable. Il me plaît vraiment de le faire et cette motion sera peut-être même adoptée. Mais je pense que nous devrions le faire. Je sais ce qui se produira lorsqu'on le renverra à la Chambre. Mais bien entendu on peut s'en occuper... Mais ce ne sera probablement pas le cas étant donné la position que M. Ménard vient d'adopter. Mais si nous parlions tous à nos leaders à la Chambre à propos du consentement unanime à l'amendement, je suis sûr que le Président ne le déclarera pas irrecevable.
    Je présente donc ma motion selon laquelle l'amendement au sujet de la déclaration de culpabilité par procédure sommaire soit autorisée à être présentée et que nous annulions la décision que vous avez rendue à cet égard.
    Avant que nous examinions votre motion, monsieur Comartin, je pense qu'il y avait une certaine confusion de ma part pour ce qui est de faire intervenir ici la règle principale. Cette confusion découlait du fait que l'amendement portait sur une disposition différente du Code et non sur la même disposition dont nous sommes en train de traiter lorsqu'il s'agit des peines prévues.
    L'amendement, comme on l'a indiqué, est incorrect. Il aurait dû tenir compte de l'alinéa 172.1(2)b), qui relève également de la même disposition que le projet de loi proprement dit, à savoir l'alinéa 172.1(2)a). Donc la règle fondamentale ne s'appliquerait pas en fait à...
    Désolé de vous décevoir une fois de plus, monsieur Comartin. Je sais que vous vouliez me prendre en défaut.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Mais vous y êtes en fait arrivé. Il y a peut-être une question à propos de la portée, mais elle est mineure.
    Donc l'article 172...?
    L'amendement concerne en fait l'alinéa 172.1(2)b).

[Français]

    A-t-on l'amendement en français?

[Traduction]

    Non, mais l'amendement sera présenté oralement par M. Thompson, ce qu'il a déjà fait je crois. Il n'est donc pas traduit, sauf l'interprétation faite par l'interprète.
    Monsieur Lee.
    Par conséquent, monsieur le président, M. Thompson devrait retirer la motion précédente puisqu'elle est irrecevable et proposer une nouvelle motion indique le numéro approprié de l'article. On pourra alors en traiter.
    Avez-vous le numéro exact de l'article, monsieur Thompson?
    Il s'agit de l'alinéa 172.1(2)b), n'est-ce pas?

[Français]

    Est-ce recevable?

  (1250)  

[Traduction]

    C'est recevable.
    Voulez-vous retirer votre motion précédente et en présenter une nouvelle?
    Je retire la motion précédente et je présente la motion suivante. Je propose que l'alinéa 172.1(2)b) se lise comme suit :
b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'un emprisonnement maximal de 18 mois.
    Très bien, il s'agit de la motion, appuyé par M. Murphy.
    (La motion est adoptée.)
    Nous allons maintenant passer à l'étude, article par article.
    (L'article1, modifié, est adopté.)
    Le président: Le titre, modifié, est-il adopté?
    Monsieur le président, j'aimerais faire une déclaration au sujet de cette proposition.
    Vous voulez parler de l'article 1 du projet de loi, monsieur Comartin?
    Je vous remercie.
    Je tiens simplement à ce que les trois points que je vais présenter soient versés au compte rendu.
    Tout d'abord — et je ne cesse de le préciser — le gouvernement continue de présenter un grand nombre de projets de loi différents dont une bonne partie pourrait être réunie dans un seul projet de loi-cadre. Cette disposition dont nous sommes saisis... et je félicite M. Fast de l'avoir présentée, parce qu'elle concerne effectivement un problème. Mais nous avons très bien compris les arguments qu'il a fait valoir en ce qui concerne l'incohérence de certaines autres dispositions, qui frise l'absurdité, et les peines qui y sont prévues comparativement à ce type de crime. Il me semble qu'il incombe au gouvernement d'envisager de procéder à un examen général du Code criminel afin de le refondre en profondeur de manière à se débarrasser de ces absurdités.
    Le deuxième aspect, comme je l'ai indiqué dans mes questions, c'est que je suis préoccupé par ses répercussions possibles sur les peines d'emprisonnement avec sursis. Je tiens simplement à préciser que cela n'est pas l'intention du comité. Nous sommes tout à fait conscients des mesures que nous avons prises dans le cadre du projet de loi C-9, et l'introduction de cette peine plus sévère ne soustrait pas cet article du code au régime de peines d'emprisonnement avec sursis actuellement en vigueur.
    Enfin, monsieur le président, je tiens simplement à m'exprimer sur cette question au cas où la situation se produise. Je crains que nous constations la présentation d'une série de projets de lois d'initiatives parlementaires ou peut-être d'autres projets de lois ministériels qui visent à contourner les dispositions du projet de loi C-9 adopté par la Chambre. Je tiens à préciser que j'espère que cette situation ne se produira pas mais comme je suis cynique, je suis obligé de dire que je m'attends à ce genre de situation.
    Ce sont les observations que je tenais à formuler. Je vous remercie.
    J'ai l'intention d'appuyer l'amendement.
    Merci, monsieur Comartin. Nous avons pris bonne note de vos commentaires cyniques.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Monsieur le président, le Bloc québécois appuiera aussi le projet de loi à l'étape de l'étude en comité, mais je veux aussi qu'il soit clair que nous maintenons que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces. Nous ne sommes pas en présence d'une peine minimale obligatoire, mais d'une peine maximale.
    Nous appuyons le projet de loi à ce stade-ci, d'abord parce que nous sommes bien conscients des intentions tout à fait nobles et louables de son parrain, mais également parce que nous avons été rassurés par le témoignage de la haut fonctionnaire, qui maintient que les juges auront la latitude nécessaire. De plus, il y a un élément de concordance avec des dispositions qui ont déjà été adoptées antérieurement.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Ménard.
    Le titre est-il adopté?
    Des voix: Adopté.
    Le président: Le projet de loi, modifié, est-il adopté?
    Des voix: Adopté.
    Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi?
    Des voix: D'accord.
    Le président: La séance est levée.