Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 septembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    À notre ordre du jour aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 6 juin 2006, nous commençons notre étude du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel en ce qui touche l'emprisonnement avec sursis.
    Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Vic Toews, ministre de la Justice. Il est accompagné de Catherine Kane, avocate-conseil au ministère de la Justice et directrice du Centre de la politique concernant les victimes.
    Bienvenue.
    Avant de passer à votre discours, monsieur le ministre, nous aimerions savoir s'il vous serait possible de rester avec nous plus longtemps, étant donné la question dont nous sommes saisis. Nous commençons un peu en retard et cela serait avantageux.
    Voyons voir, avant de prendre un engagement.
    Mais bien sûr.
    J'ai un engagement à 18 h 30...
    Une voix: Certainement...
    L'hon. Vic Toews: ...mais je ne resterai pas jusqu'à 18 h 30.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci, monsieur le ministre. Une demi-heure de plus serait appréciée.
    Oui, sans problème.
    Merci.
    Vous pouvez commencer votre exposé, si vous le voulez, merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Au cours de la campagne électorale, notre parti a pris le ferme engagement de protéger les familles et le mode de vie du Canada en sévissant contre les armes à feu, les gangs de rue et les drogues. Depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons fait preuve de leadership en nous attaquant au crime, au moyen de mesures visant à renforcer les collectivités et à aider des millions de Canadiennes et de Canadiens ordinaires qui travaillent dur. Il s'agit de l'une de nos cinq priorités clés, dont les suivantes: aider les Canadiens à prospérer en réduisant les taxes, y compris la TPS. Déposer un véritable plan pour la garde des enfants: les parents ont déjà commencé à recevoir des chèques représentant un montant de 1 200 $ par année, pour les enfants de moins de six ans. Travailler à l'adoption d'une garantie quant aux délais d'attente pour les patients. Restaurer la confiance des Canadiens et des Canadiennes envers un gouvernement responsable en adoptant les mesures de responsabilisation les plus exhaustives de l'histoire de notre pays.
    En qualité de ministre de la Justice, je suis fier d'avoir donné suite à notre engagement de nous attaquer au crime grâce à de nouvelles mesures rigoureuses. Nous faisons en sorte que les criminels ne soient plus jamais dorlotés et que la voix et les droits des victimes soient respectés. C'est ce que les familles canadiennes et les contribuables veulent, et c'est ce que nous leur assurons.
    Je suis ravi de rencontrer de nouveau les membres du Comité de la justice pour discuter cette fois-ci de l'une de nos mesures les plus rigoureuses: le projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel sur l'emprisonnement avec sursis.
    Comme vous le savez, un juge peut imposer une peine d'emprisonnement avec sursis ou une peine « de détention à domicile », s'il estime que cette mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine. Le Code criminel interdit également le recours à ce genre de peine lorsque le contrevenant a été déclaré coupable d'une infraction punissable par une peine minimale d'emprisonnement ou lorsque le contrevenant a été condamné à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans. Le projet de loi C-9 ajouterait une cinquième exigence qui interdirait les peines d'emprisonnement avec sursis, surtout la détention à domicile, pour des infractions punissables de 10 ans ou plus poursuivies par mise en accusation.
    Comme nous avons eu l'occasion de l'entendre au cours du débat en deuxième lecture sur ce projet de loi, la décision gouvernementale de réformer l'emprisonnement avec sursis vise seulement à limiter ces peines aux cas pour lesquels elles devaient initialement s'appliquer. Les peines d'emprisonnement avec sursis n'ont jamais été destinées à des délinquants qui commettent les crimes les plus graves, fait qu'ont souligné à maintes reprises des membres du gouvernement libéral lorsqu'ils ont présenté le concept de la détention à domicile. C'est pourquoi le gouvernement actuel a promis d'interdire le recours à des peines d'emprisonnement avec sursis pour des crimes graves, y compris des infractions violentes et des infractions sexuelles désignées, des infractions mettant en jeu des armes à feu, des crimes graves liés aux drogues, des crimes commis contre des enfants, et la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort.
    Pour citer un document intitulé « La peine d'emprisonnement avec sursis: Nécessité d'une réforme », rédigé en juin 2003 par le ministre de la Justice et procureur général de l'Alberta au nom de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse:
Le fait de permettre aux personnes qui ne présentent aucun danger pour la collectivité, qui seraient autrement incarcérées, et qui n'ont pas commis de crime grave ou violent, de purger leur peine dans la collectivité est fructueux. Il arrive toutefois que la nature même de l'infraction et du délinquant doive mener à une incarcération réelle. Agir autrement ruinerait la réputation de l'ensemble du régime des peines avec sursis, et par là, de l'ensemble du système de justice pénale.
    Les options visant la réforme du régime des peines d'emprisonnement avec sursis exposées dans ce document comprenaient l'application d'une interdiction du recours à des peines d'emprisonnement avec sursis pour des crimes graves.
    Je sais fort bien que des membres de l'opposition s'inquiètent de la portée du projet de loi C-9. Le seuil de la peine maximale de 10 ans représente un message clair et direct: un crime grave entraîne une peine d'emprisonnement sévère.
    Mesdames et messieurs, je suis prêt à envisager toute modification raisonnable qui améliorera ce projet de loi et assurera son adoption rapide. Toutefois, en façonnant ces amendements, nous devons tenir compte de l'engagement de l'actuel gouvernement et des gouvernements précédents selon lequel les peines d'emprisonnement avec sursis ne doivent pas être utilisées pour des crimes graves. Nombre de Canadiennes et de Canadiens considèrent les crimes contre la personne punissables par mise en accusation, les infractions comme l'introduction par effraction et l'invasion de domicile comme des infractions graves.
    Un aspect important du projet de loi C-9est qu'il ne vise que les infractions poursuivies par mise en accusation. Par exemple, une peine d'emprisonnement avec sursis serait encore imposée pour des voies de fait causant des lésions corporelles, à condition qu'il s'agisse d'une infraction punissable par procédure sommaire. Comme je l'ai dit lors du débat à la Chambre, afin d'assurer que la peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant, le système de justice dépendra de la discrétion des poursuivants et des policiers pour accuser un délinquant de façon appropriée en se servant d'une déclaration sommaire de culpabilité uniquement dans des cas mineurs.
    Autre aspect important de ce projet de loi: même si de nombreux délinquants qui auraient été admissibles à une ordonnance d'emprisonnement avec sursis devront, à l'avenir, purger leur peine sous garde, ils ne devront pas tous le faire. On s'attend à ce que certains reçoivent une peine avec sursis accompagnée d'une probation. Certains délinquants, qui seraient maintenant admissibles à une peine d'emprisonnement avec sursis, recevront sans doute une peine d'emprisonnement plus courte que la peine d'emprisonnement avec sursis qu'elle remplace, suivie d'une période de probation de plusieurs mois.
    Monsieur le président, certains ont dit craindre que ce projet de loi accroisse la surreprésentation des délinquants autochtones. Toutefois, dans cette optique, nous devrions également souligner que les Canadiennes et les Canadiens autochtones sont également surreprésentés parmi les victimes d'actes criminels. Le projet de loi C-9 vise à offrir une protection à ces victimes et à leurs collectivités.
    Selon un rapport publié le 6 juin 2006 et préparé par le Centre canadien de la statistique juridique, il y a plus de victimes d'actes criminels autochtones que de non-Autochtones. En effet, 40 p. 100 des Autochtones de 15 ans et plus ont signalé qu'ils avaient été victimisés au moins une fois dans les 12 mois précédant leur entrevue, par rapport à 28 p. 100 chez les non-Autochtones. La justice réparatrice est un outil important pour les délinquants autochtones, mais les victimes autochtones ont tout autant droit à la protection et à la sécurité que les autres Canadiens et le projet de loi C-9 est un pas vers l'assurance de cette protection.
    Pour ce qui est de la ventilation par type d'infraction, l'étude souligne que sur 22 878 incidents violents rapportés à la police sur les réserves en 2004, 20 804 étaient des voies de fait, soit environ 90 p. 100 des incidents violents rapportés à la police. Les voies de fait simples, si elles sont poursuivies par mise en accusation, sont passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de cinq ans, conformément à l'article 266 du Code criminel et ne seraient donc pas incluses dans la portée du projet de loi C-9. Le CCSJ a conclu que les Autochtones ont tendance à être deux fois plus que leurs homologues non autochtones des victimes répétées de violence conjugale. Enfin, l'étude rapporte qu'entre 1997 et 2000, le taux moyen d'homicides chez les Autochtones était de 8,8 par 100 000 habitants, soit près de sept fois plus que chez les non-Autochtones, pour qui il est de 1,3 par 100 000 habitants.
    Monsieur le président, selon ces statistiques, j'estime que le projet de loi C-9 est une mesure nécessaire pour protéger les victimes et les collectivités autochtones d'une façon qui respecte l'objectif et les principes de la détermination de la peine énoncés dans le Code criminel.
    Les infractions et les actes de violence liés à la drogue demeurent une menace croissante pour nos collectivités et notre mode de vie canadien. Comme je l'ai déclaré lorsque j'ai comparu devant ce comité à propos du budget principal du ministère de la Justice, le nombre de plantations de marijuana a augmenté de façon considérable au Canada, pour s'étendre dans les banlieues et les zones rurales. La production et la distribution de drogues comme le crack de cocaïne, les méthamphétamines et l'ecstasy, ont également accusé une forte croissance. Le projet de loi C-9 contribuera à faire en sorte que les infractions graves liées aux drogues entraîneront des sanctions graves.
    Ce projet de loi s'applique à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ainsi qu'au Code criminel en interdisant le recours à des peines d'emprisonnement avec sursis pour des infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d'une peine maximale de 10 ans ou plus. Par conséquent, une peine d'emprisonnement avec sursis ne pourra pas être imposée pour les infractions de trafic ou de production d'une substance figurant à l'Annexe I ou II, (sauf pour ce qui est du cannabis), ou de trafic ou de production d'une substance figurant à l'Annexe III, si elles sont poursuivies par mise en accusation. Une peine d'emprisonnement avec sursis ne serait pas permise non plus pour les infractions d'importation/exportation d'une substance figurant à l'Annexe I ou II ou d'importation/exportation d'une substance figurant à l'Annexe III ou IV, si elles sont poursuivies par mise en accusation.

  (1600)  

    Monsieur le président, je voudrais maintenant mentionner certaines causes et montrer au comité que certaines peines d'emprisonnement avec sursis imposées dans ces causes étaient tout simplement inacceptables.
    Dans l'affaire R. contre Wong, d'un tribunal de la Colombie-Britannique, le délinquant de 42 ans et père de deux enfants a plaidé coupable à une infraction de trafic dans le cadre d'une opération de drogues par téléphone impliquant trois ventes de cocaïne à un agent de police banalisé. Une opération de drogues par téléphone exige un certain degré de sophistication qui permet à des gens qui sont chez eux de commander des drogues par téléphone. Les drogues sont déposées à un endroit donné, souvent au domicile de l'acheteur. Ce genre d'opération par téléphone implique souvent d'énormes quantités de stupéfiants.
    Le délinquant, qui avait déjà un casier judiciaire lorsqu'il a commis ces infractions, purgeait alors une peine d'emprisonnement avec sursis pour des infractions liées aux drogues. Malgré ces facteurs aggravants, le tribunal a infligé au délinquant une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité, autrement dit, une détention à domicile.
    Dans l'affaire R. contre Kasaboski, ayant fait l'objet d'un jugement en Ontario, le délinquant de 22 ans a plaidé coupable à un chef d'accusation de trafic de méthamphétamine et il a été également accusé de trafic et de possession d'ecstasy. Les faits de cette cause établissent que le contrevenant avait fait le trafic de 500 comprimés de méthamphétamine et qu'il a été trouvé, par la suite, avec 200 comprimés d'ecstasy en sa possession. Le contrevenant n'avait pas de casier judiciaire, mais après avoir commis les infractions que je viens de mentionner, il a été déclaré coupable d'omission de se présenter devant le tribunal ainsi que de possession de biens obtenus par des actes criminels.
    En décidant de sa peine, le tribunal a conclu que le contrevenant avait fait des efforts substantiels pour changer sa vie: il était en effet « propre » depuis 17 mois, il était employé dans une brasserie depuis 16 mois et ses parents le soutenaient dans ses efforts. Ensuite, le juge a dit:
L'ecstasy et les méthamphétamines sont des drogues dangereuses. Même s'il est difficile de déterminer clairement la nature de l'organisation à laquelle M. Kasaboski était associé d'après les faits présentés au tribunal, il est évident qu'il était haut placé dans la chaîne de distribution. Il ne s'agissait pas de transactions de rue pour de petites quantités, mais bien de ventes importantes pour de grosses sommes d'argent. D'après moi, le mobile était le profit.
    Le tribunal a conclu que la dénonciation et la dissuasion pouvaient être réalisées grâce à une peine d'emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour.
    On peut trouver un autre exemple dans l'affaire R. contre Basque, une décision d'un tribunal de la Colombie-Britannique. Dans cette décision récente, le délinquant de 22 ans a été déclaré coupable de possession et de trafic de cocaïne. Il agissait comme vendeur de drogues par téléphone, comme dans l'opération que je viens de décrire. Dans sa décision, le tribunal a conclu que le plaidoyer de culpabilité du délinquant, le fait qu'il n'avait pas de casier judiciaire et qu'il s'efforçait d'éviter son ancien mode de vie étaient des facteurs atténuants. Toutefois, le tribunal a aussi conclu que les facteurs suivants étaient aggravants, et je cite:
[Traduction] Les circonstances aggravantes dans ce cas sont les suivantes: i) Les circonstances de ventes de drogues par téléphone; ii) le fait que la drogue faisant censément l'objet de trafic était de la cocaïne; mais la circonstance la plus aggravante est le fait iii) que cette infraction a eu lieu alors que M. Basque entreprenait alors virtuellement la même infraction.
    Malgré ces circonstances aggravantes, le juge n'a infligé au délinquant qu'une peine d'emprisonnement de 12 mois à purger dans la collectivité, encore une fois, une détention à domicile.
    Je soutiens, devant les membres de ce comité, que ce genre de peines pour ce genre d'infractions liées aux drogues n'est pas approprié. De tels cas ne sont pas rares. Ils exigent que ce Parlement prenne des mesures pour faire en sorte que des crimes graves liés aux drogues entraînent une véritable peine d'emprisonnement.
    Les Canadiennes et les Canadiens sont également préoccupés par les peines imposées pour des actes criminels violents. Il est manifeste, d'après la jurisprudence, que la détention à domicile n'est pas non plus une peine rare dans ces affaires. Par exemple: à Calgary, un certain Michael John Wilson, âgé de 25 ans, a été inculpé pour meurtre. Il a reçu une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis pour un incident dans lequel sa fillette de deux ans a eu la colonne vertébrale brisée et l'aorte déchirée, ce qui a causé sa mort.

  (1605)  

    À Toronto, Scott Carew a été condamné à une peine de détention à domicile de deux ans et à 240 heures de service communautaire après avoir plaidé coupable de voies de fait graves qui ont laissé son petit garçon de cinq ans avec des lésions permanentes au cerveau.
    À Cayuga, en Ontario, James Peart, condamné pour dix chefs d'accusation d'agressions indécentes sur des garçons d'à peine huit ans pendant deux décennies s'est vu infliger une peine d'emprisonnement avec sursis de 20 mois.
    À Peterborough, en Ontario, Fred Cole, âgé de 58 ans, condamné pour le viol d'une fillette, a eu une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis.
    L'affaire R. c. J.G.C. de 2004 est un autre exemple où le contrevenant vers la fin de la trentaine a plaidé coupable d'avoir agressé sexuellement deux garçons de moins de 14 ans à plusieurs reprises. Il s'était servi pour les attirer de jeux vidéo, de bonbons, de gâteaux et d'argent, gagnant la confiance de l'un des deux garçons. La deuxième victime était un cousin du premier garçon. Dans sa décision d'infliger au contrevenant une peine d'emprisonnement avec sursis de neuf mois, le juge a statué qu'une telle peine était appropriée parce que le contrevenant ne représentait pas un danger pour la collectivité, qu'il n'avait pas recouru à la force pour agresser sexuellement les deux garçons et qu'il avait essayé de se suicider, ce qui montrait un certain degré de remords.
    Personnellement, je trouve invraisemblables les peines minimes infligées dans ces affaires, et je suis convaincu que beaucoup de Canadiens pensent comme moi. Les peines infligées dans ces affaires ne reflètent pas correctement les principes de dénonciation, de dissuasion et de proportionnalité. Le présent projet de loi assurera que les objectifs et les principes de détermination de la peine seront mieux reflétés dans les peines qui seront dorénavant imposées dans ce genre d'affaires.
    Je voudrais conclure en disant que le projet de loi C-9 constitue une mesure nécessaire pour l'imposition de peines plus justes, qui permettront de protéger non seulement nos collectivités et nos enfants, mais également nos valeurs canadiennes. Il fait en sorte que les peines d'emprisonnement avec sursis demeurent disponibles pour ceux et celles qui commettent des actes criminels mineurs et qui méritent, en toutes circonstances, de pouvoir purger leur peine à domicile, mais que lorsqu'un contrevenant commet un acte criminel grave, la peine soit purgée sous garde. Le recours approprié aux peines d'emprisonnement avec sursis renforcera la confiance envers notre système de justice pénale.
    Merci.

  (1610)  

    Merci beaucoup, monsieur le ministre. Le comité et moi-même vous remercions de cet exposé et je sais que nous aurons pour vous beaucoup de questions.
    Je commence par sept minutes de questions, posées par Mme Sue Barnes.
    Merci beaucoup.
    Quand vous êtes venu parler du budget des dépenses, vous disiez que vous fourniriez certaines réponses que vous n'aviez pas au moment de l'examen des priorités, en septembre. Je suis convaincue que vous nous fournirez les réponses à votre prochaine comparution, sous peu.
    En considérant le projet de loi C-9, notre parti voudrait voir quelques restrictions aux peines d'emprisonnement avec sursis, mais il s'agit de savoir lesquelles, dans quelle mesure, et comment on choisirait les infractions auxquelles elles s'appliqueraient.
    Nous entendrons de nombreux témoins, et il faudra prendre une décision finale en fonction des témoignages reçus par le comité, et en fonction de notre jugement. Il y a toutefois bon nombre de questions que mes collègues et d'autres députés voudront vous poser.
    Au sujet de vos exemples, aux fins du compte rendu, je signale que les procureurs auraient pu facilement interjeter appel de ces peines, que je suis convaincue qu'ils auraient dû le faire ou qu'ils l'ont fait, dans certains cas. Il reste que votre discours aurait dû à mon avis traiter des coûts, puisque cela aura un effet sur toutes les provinces et les territoires.
    Je voudrais qu'on dépose au comité un aperçu des coûts prévus et des renseignements sur les discussions que vous avez avec ceux qui seront le plus touchés dans les administrations provinciales et territoriales, puisque nous savons tous que ces peines seront purgées ailleurs que dans les pénitenciers fédéraux.
    Vous avez aussi parlé des communautés autochtones. Il est tout à fait vrai que les Autochtones sont surreprésentés dans notre système judiciaire, mais aussi chez les victimes. J'en conviens.
    Monsieur le ministre, il nous reste à travailler sur les amendements. Deux fois déjà, vous avez dit à notre comité que vous étiez prêt à envisager des amendements. Les fonctionnaires du ministère de la Justice sont-ils prêts à travailler avec les partis, ou faudra-t-il passer par la procédure d'amendement habituelle? Autrement dit, j'ai remarqué pendant l'été que dans vos discours, vous aviez cessé de parler des articles se rapportant surtout aux biens. Vous avez parlé des lésions graves et des crimes graves et je pense que nous pourrons nous entendre sur ces questions.
    Il y a d'autres choses dont je voudrais discuter avec vous, mais je voudrais que vous me disiez d'abord si le gouvernement compte amender son propre projet de loi.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, je préfère que vous travailliez avec les membres du comité plutôt qu'avec les fonctionnaires. Vous êtes des représentants élus et je suis certain qu'après avoir recueilli des témoignages, vous êtes en mesure de déterminer ce qui, à votre avis, correspond le mieux aux intérêts de la population canadienne. Je peux vous dire que mon ministère est tout à fait désireux de travailler avec vous.
    Mais je voudrais signaler que les Canadiens se préoccupent gravement d'un certain nombre d'atteintes à la propriété. Par exemple, des procureurs généraux s'inquiètent des vols de voitures, dont le nombre est en augmentation exponentielle. Dans la seule ville de Winnipeg, il y aurait eu 9 000 vols de voitures en un an, souvent commis par les mêmes individus à plusieurs reprises, et dont certains sont toujours condamnés avec sursis. En ce qui concerne les autres atteintes à la propriété, la police de Vancouver me signale le cas d'un individu condamné pour 124 infractions, qui fait toujours l'objet de condamnations avec sursis.
    On ne peut donc pas minimiser les atteintes à la propriété. En fait, tout indique que la criminalité avec violence commence souvent par des atteintes à la propriété. Je me préoccupe notamment des introductions par effraction. Quelle différence y a-t-il entre une introduction par effraction et un braquage au foyer? La seule différence, c'est que dans le braquage au foyer, la victime se retrouve en présence de l'agresseur. L'introduction par effraction est donc une infraction très grave en puissance.
    J'essaie de répondre à tous vos arguments, qui sont très pertinents, et j'apprécie beaucoup le fait que vous soyez prête à travailler sur ce projet de loi, car nous avons besoin de votre appui, puisque nous formons un gouvernement minoritaire.
    Vous avez évoqué la question du droit d'appel. J'ai vu dans le journal que la Cour d'appel du Manitoba, par exemple, prononçait régulièrement des condamnations avec sursis dans des affaires de trafic de drogues. Je parle ici de cas de production et de trafic de drogues. Je vous avoue que ces sentences ne me semblent pas appropriées, et pourtant, dans notre pays, les cours d'appel sont des juridictions de dernière instance. Ensuite, on ne peut se pourvoir devant la Cour suprême que sur des points de droit. Il est très rare qu'on soit autorisé à porter un arrêt d'appel devant la Cour suprême. Il y a donc un manque d'uniformité dans l'ensemble du pays en ce qui concerne le prononcé de la sentence dans les cas de trafic de drogues.
    En ce qui concerne votre argument sur le coût des changements, tout d'abord, les procureurs généraux et le ministre de la Justice vont en discuter lors de leur réunion d'octobre. J'ai rencontré des procureurs provinciaux à titre individuel et je peux ajouter qu'en général, ils sont favorables aux réformes proposées dans le projet de loi. Les fonctionnaires des provinces et des territoires sont en train de préparer un document exposant leur point de vue sur les effets cumulatifs non seulement du projet de loi C-9, mais également du C-10, et des sentences minimales obligatoires pour les infractions graves en matière de drogue. Ce document n'est pas encore prêt, mais il en sera question à la rencontre ministérielle.
    L'augmentation des coûts du système correctionnel va dépendre de la proportion des contrevenants qui sont condamnés à la prison et de la durée moyenne de leur peine. D'après nos estimations, le supplément pourrait représenter 443 années-prison, soit une dépense supplémentaire annuelle d'environ 21,7 millions de dollars au niveau national, c'est-à-dire 1,7 p.100 des dépenses de fonctionnement annuelles du système correctionnel pour adultes. J'ai hâte de voir les estimations des provinces à ce sujet.
    Monsieur le ministre, l'augmentation des incarcérations va faire monter bien d'autres coûts, par exemple les coûts de l'aide juridique. Généralement, dans le domaine de l'aide juridique au pénal, l'incarcération potentielle est un facteur déterminant quant à l'obtention d'un certificat d'aide juridique. L'aide juridique est actuellement sous-financée.
    Lors de notre dernière réunion sur le budget, vous n'aviez toujours pas de réponse à nous fournir sur la situation de l'aide juridique. Où en êtes-vous actuellement?
    En matière d'aide juridique, nous avons prolongé l'accord d'un an de façon que des mesures soient en place au moment du changement de gouvernement et qu'il n'y ait pas d'interruption dans le financement de l'aide juridique.
    Mais sur la question des coûts, comme vous le savez, il est très difficile d'évaluer le coût futur, les conséquences et les avantages d'un changement. Souvenez-vous du cas de votre propre registre des armes à feu, vous en aviez estimé le coût total à 2 millions de dollars, mais à en croire la vérificatrice générale, il en a coûté environ 1 milliard. En l'occurrence, votre coût estimatif était assez loin du compte et quant à moi, je tiens à avoir tous les éléments en main avant de faire une estimation. Vous reconnaîtrez sans doute qu'il est parfois difficile d'annoncer un coût estimatif.

  (1620)  

    En effet.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je ne considère pas, monsieur le ministre, que vous vous êtes acquitté de la tâche consistant à nous convaincre d'appuyer votre projet de loi. C'est trop facile pour vous de vous présenter devant ce comité, de citer six causes au hasard et de dire qu'en fin de compte, la magistrature a mal fait son travail.
    Je vous pose une question précise et j'apprécierais une réponse précise de votre part. Lorsque nous avons rencontré vos fonctionnaires, ils nous ont informé que pour 2003-2004, soit la dernière année pour laquelle des chiffres étaient disponibles, 15 493 personnes avaient bénéficié d'un emprisonnement avec sursis. Selon les données de votre ministère, combien de personnes ont pu bénéficier d'un emprisonnement avec sursis alors qu'il s'agissait de crimes commis avec violence? C'est là le véritable fardeau de la preuve qui vous incombe. Vous ne pouvez pas simplement utiliser deux ou trois exemples tirés de la jurisprudence.
    Lorsqu'on a adopté le projet de loi C-41, on voulait désengorger les prisons pour s'assurer que les véritables criminels, c'est-à-dire ceux qui se rendent coupables d'infractions avec violence, soient derrière les barreaux. Dans la liste des infractions pour lesquelles il ne sera plus possible de bénéficier d'un emprisonnement avec sursis — notre service de recherche nous en a soumis une centaine —, certaines n'ont rien à voir avec des crimes commis avec violence. Évidemment, il faut apprécier chaque cas selon les faits, j'en conviens. Toutefois, je m'attends à ce que vous soyez plus rigoureux concernant les chiffres que vous nous soumettez.
    J'espère qu'il y a au ministère de la Justice un système de contrôle qui vous permet de savoir, parmi les 15 493 personnes, combien ont commis des crimes avec violence et ont bénéficié d'un emprisonnement avec sursis.
    Il s'agit de ma première question. J'en ai trois autres à vous poser et j'apprécierais par conséquent que vous répondiez brièvement.

[Traduction]

    Je peux vous indiquer que le CCSJ doit présenter prochainement ses statistiques; je ne les ai pas en main.
    J'aimerais apporter un correctif aux propos que vous me prêtez, selon lesquels la magistrature aurait mal fait son travail. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce dont je me préoccupe, c'est de la loi adoptée par le Parlement. On a garanti aux Canadiens que ces modifications ne s'appliqueraient pas dans les cas d'infractions graves ou violentes. On en a pris l'engagement envers la population canadienne. Ce que j'ai voulu montrer, par ces exemples...

[Français]

    Attendez un peu.

[Traduction]

    Je vais quand même terminer ma réponse.

[Français]

    Non. C'est moi qui pose les questions.

[Traduction]

    Monsieur Ménard...
    Non, j'ai posé une question; il s'agit de mon temps de parole.
    S'il vous plaît, veuillez permettre au ministre de terminer.

[Français]

    Je trouve inacceptable que nous n'ayez pas de réponse à nous donner concernant les crimes commis avec violence. C'est le fond du présent débat. Je m'attendais à ce que vous puissiez répondre. Il s'agit de votre responsabilité. Nous sommes ici précisément pour étudier ce projet de loi.
    Quelles seront les implications pour les personnes incarcérées? Je vous rappelle, concernant la disposition relative aux deux ans, que vous vous apprêtez à refiler la responsabilité de l'incarcération aux provinces. Au Québec, au Manitoba ou dans les provinces maritimes, combien de personnes vont se retrouver dans des prisons provinciales? Qu'est-ce que cela va représenter en termes de coûts pour chacune des provinces? On est en droit de s'attendre à ce que vos chiffres soient un peu plus précis que les ordres de grandeur dont vous nous avez fait part. En tant qu'élu et ministre de la Justice, c'est vous, et non le Centre canadien de la statistique juridique, qui avez cette responsabilité. Nous réglerons donc nos comptes avec vous.

[Traduction]

    Merci. Je vais poursuivre ma réponse.
    Nous considérons non pas que la magistrature a mal fait son travail, mais que cette loi est inappropriée. Les tribunaux sont habilités à interpréter la loi et la Cour suprême a rendu une décision, concernant les peines d'emprisonnement avec sursis, qui allait totalement à l'encontre des engagements pris à l'époque par le gouvernement à l'égard de la population canadienne. J'ai donc cité en exemple des cas où les engagements pris n'ont pas été respectés et qui montrent que les assurances données ne se sont pas concrétisées. De toute évidence, il y a eu dichotomie entre l'application envisagée de la loi et la façon dont elle a été appliquée concrètement.
    J'ai indiqué que l'organisme compétent allait produire les statistiques demandées. Je préfère ne pas conjecturer ni donner à ce comité des statistiques hypothétiques. Mais je peux vous dire que les peines d'emprisonnement avec sursis ne sont imposées que dans environ 5 p. 100 des cas. La peine imposée le plus souvent par les tribunaux canadiens est l'ordonnance de probation, présente dans environ 47 p. 100. En 2003...

  (1625)  

[Français]

    Excusez-moi, monsieur le ministre, mais cela ne répond pas à la question que je vous pose.

[Traduction]

    Je vais quand même terminer ma réponse.

[Français]

    Nous avons obtenu ces statistiques de vos fonctionnaires. Cela ne répond pas à la question que je vous pose. Je m'attends à ce que vous répondiez aux questions que je vous pose.
    Reconnaissez que votre projet de loi est idéologique et n'a rien à voir avec l'état de la criminalité telle qu'elle se vit dans les communautés.
    Lorsque vous vous êtes présenté en conférence de presse avec Stockwell Day, vous n'aviez aucun argument rigoureux, aucune statistique pour défendre le projet de loi. Ce n'est pas avec des arguments absolument évanescents comme ceux que vous nous présentez que vous allez avoir l'appui des partis d'opposition.
    Alors, que l'on veuille que les gens qui commettent des crimes avec violence soient derrière les barreaux, au Bloc québécois, nous sommes d'accord.
    J'étais le député d'Hochelaga-Maisonneuve quand il y a eu un attentat à la voiture piégée en 1995. C'est à ce moment-là que j'ai déposé le premier projet de loi antigang. Je sais très bien qu'il y a des circonstances où l'incarcération est de mise. Ce qui m'inquiète, c'est que vous avez été incapable de départager les infractions avec violence de celles qui ne le sont pas.
    Je vous pose donc une question très précise et je ne veux pas entendre de philosophie politique. Pourquoi n'avez-vous pas amendé l'article 718 du Code criminel pour faire en sorte que dans les principes de détermination de la peine, vous demandiez à la magistrature de ne pas recourir à l'emprisonnement avec sursis lorsque des crimes sont commis avec violence?
    Ajoutons un autre objectif à l'article 718. Je suis prêt à voter pour cela et je suis convaincu que mes collègues feront de même.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, voulez-vous poser votre question?

[Français]

    Cependant, vous ne nous passerez pas un projet de loi à la Richard Nixon et à la George Bush parce que vous vous basez sur les États-Unis.

[Traduction]

    Posez votre question. Votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    Ma question est la suivante. Pourquoi ne pas amender l'article 718 pour départager les crimes avec violence de ceux qui ne le sont pas?

[Traduction]

    En 2003 et 2004, 15 493 peines d'emprisonnement avec sursis ont été prononcées au Canada. Après l'adoption du projet de loi C-9, je prévois que certains auteurs d'infraction qui ne peuvent plus bénéficier d'une assignation à résidence vont faire l'objet d'une ordonnance de probation, tandis que d'autres seront condamnés à la détention. En fonction des statistiques de l'exercice 2003-2004, environ un tiers des condamnations avec sursis, soit 5 784 cas sur 15 493, ne pourront plus faire l'objet d'un sursis.
    Si l'on resserre la portée du projet de loi C-9 en éliminant les atteintes à la propriété, 2 634 délinquants sur les 15 493 qui ont bénéficié d'un sursis en 2003-2004 n'y auront plus droit. Je dis donc, monsieur le président, que l'on peut resserrer l'application de la loi, mais la question ne porte pas uniquement sur le prononcé de la sentence dans le cas des crimes avec violence. La question concerne les atteintes graves à la propriété. Dans les circonscriptions de certains députés, on peut trouver normal que des maisons soient régulièrement cambriolées; on peut y voir de simples atteintes à la propriété, mais je peux vous garantir que ce n'est pas l'avis des gens de ma circonscription, et j'ose même dire de l'ensemble du Canada. À mon avis, celui qui pénètre par effraction chez quelqu'un viole sa sécurité personnelle.
    J'ai indiqué que je suis prêt à en débattre. Je ne comprends pas l'hostilité de M. Ménard. Je suis prêt à envisager certains problèmes et certaines questions. L'organisme...
    Votre temps est écoulé.
    Excusez-moi, monsieur le président. L'organisme compétent va vous fournir les meilleures statistiques. Et plutôt que de tenter de les présenter dans un contexte politique surchauffé, essayons de procéder de façon rationnelle et méthodique. Je ferai ce que je peux, mais je puis vous assurer que l'organisme compétent va vous fournir ces statistiques.

[Français]

    Vous devez connaître ces statistiques.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Revenons un peu aux coûts. Monsieur le ministre, je viens de retrouver dans le mémoire que nous a présenté votre ministère en mai dernier les chiffres que vous venez de citer, soit environ 15 500 peines d'emprisonnement avec sursis au Canada... Je crois que c'était pour 2003, je n'ai pas remarqué l'année. Était-ce 2003?

  (1630)  

    C'était pour 2003-2004.
    C'est donc le dernier exercice pour lequel nous ayons des statistiques. En vertu du projet de loi C-9, un tiers environ de ces sursis ne seront plus disponibles. Vous dites—et parlons tout d'abord de cela—que certains des délinquants en question feront l'objet d'une ordonnance de probation. J'ai l'impression, monsieur le ministre, que l'ordonnance de probation est plus restrictive et donne à la collectivité davantage d'emprise sur le condamné qu'une sentence avec sursis. Êtes-vous d'accord sur ce point?
    Eh bien, j'ai personnellement abordé cette question avec un certain nombre de juges. Ils semblaient ne pas être de votre avis.
    Je pense que tout dépend de la juridiction en cause. Dans certaines juridictions, les conditions qui peuvent accompagner un sursis ou une ordonnance de probation sont très étendues. Certains juges m'ont dit qu'elles étaient à peu près identiques dans le cas du sursis et dans le cas de l'ordonnance de probation.
    Le problème que me pose la peine avec sursis n'est pas théorique; je m'interroge sur son existence même. Pourquoi ne pas tout simplement modifier les ordonnances de probation, si elles posent un problème? Ces ordonnances sont beaucoup plus faciles à appliquer que les peines avec sursis. Lors d'un sursis de sentence de deux ans, par exemple, le délinquant peut être convoqué à tout moment et faire l'objet d'une nouvelle sentence. On peut lui demander de rendre des comptes pendant deux ans. Or, ce n'est pas possible dans le cas d'une peine avec sursis, et c'est là l'une des graves préoccupations qu'elle suscite.
    Je vous répondrai, évidemment, monsieur le ministre, que vous êtes désormais le ministre et que vous nous présentez ce projet de loi. Je me suis un peu posé les mêmes questions quant à l'existence des peines avec sursis. Pourquoi a-t-on créé cette nouvelle façon de traiter les condamnés? Mais vous êtes le ministre; alors, permettez-moi...
    Eh bien, permettez-moi de vous répondre. Sur le plan politique, le gouvernement précédent a essayé de donner l'impression que ce que nous faisons équivaut à mettre les condamnés en prison dans la collectivité. C'est ce que disent les arrêts; les condamnés purgent une peine d'emprisonnement dans la collectivité. Tout le monde sait que c'est une vue de l'esprit, et je pense que ce genre d'affirmation jette le discrédit sur l'administration de la justice. Pourquoi ne parle-t-on pas plus franchement à la population canadienne?
    Mais dans ce cas, vous perpétuez le phénomène avec le projet de loi C-9.
    Ce que nous voulons faire, c'est du moins limiter les effets désastreux de ce genre de projet de loi.
    Si vous me dites: « Supprimons les peines avec sursis et augmentons la disponibilité des ordonnances de probation », nous pourrons en parler.
    Nous y reviendrons.
    Ma deuxième question porte sur le coût. Les chiffres sont les mêmes. Cela m'a surpris, très franchement. Les chiffres que j'ai obtenus de votre ministère, toujours à cette même séance d'information, m'auraient donné à croire qu'avec toutes ces personnes — et je reconnais qu'elles ne seront pas toutes incarcérées, mais si c'était le cas — le chiffre serait en fait de un quart de milliard de dollars par année, pour le nombre de personnes supplémentaires qui seraient incarcérées, pour détenir ces personnes dans les établissements provinciaux du pays. Je sais que les chiffres varient quelque peu d'une province à l'autre, mais en moyenne, si l'on fait les calculs, s'il y a autant de personnes de plus — si toutes les 5 000 personnes finissent par être incarcérées — , le chiffre serait en fait plus près d'un quart de milliard de dollars, que de 21 millions de dollars. J'aimerais donc savoir comment vous êtes parvenus à ce chiffre.
    Comme je l'ai dit, c'est...
    Et c'est seulement pour le coût opérationnel. On ne prévoit pas de dépenses supplémentaires pour les immobilisations s'il faut que certaines provinces bâtissent de nouveaux établissements.
    Je me demande si la fonctionnaire a quelque chose à dire à ce sujet.
    Je n'arrive pas à me rappeler si Mme Kane assistait à cette séance d'information. Je sais que M. Daubney y était.
    Je ne me souviens pas si j'y étais aussi, mais chose certaine, le chiffre que nous avons pour ce qu'il en coûterait aux provinces si les réformes du projet de loi C-9 étaient adoptées, serait de 21,7 millions de dollars.
    Nos collègues de la recherche et des statistiques ont évidemment étudié toutes les données et énoncé certaines hypothèses. Ce ne serait pas toutes ces personnes qui aboutiraient en prison, et on ne saurait pas exactement pour combien de temps elles y seraient, on a donc pris les durées moyennes des peines d'incarcération supplémentaires et ainsi de suite si aucune condamnation avec sursis n'était possible. Nous nous sommes retrouvés avec une valeur convenue de 21,7 millions de dollars à l'échelle nationale. Dans certaines provinces, l'impact serait plus considérable que dans d'autres, mais pour toutes les juridictions, ce serait l'augmentation prévue. Comme le ministre l'a dit plus tôt, cela constitue environ 1,7 p. 100 des coûts actuels des services correctionnels provinciaux.

  (1635)  

    Madame Kane, cela voudrait dire qu'environ un tiers de ces presque 5 000 cas, ... que seulement environ 10 p. 100 d'entre eux constitueraient des incarcérations supplémentaires. Je ne sais pas comment votre ministère a pu énoncer cette hypothèse. Qui l'a énoncée?
    Le cabinet du ministre peut vous fournir des informations supplémentaires sur la façon dont ces calculs ont été faits.
    Est-ce qu'on peut nous dire deux choses: combien de personnes de plus va-t-on incarcérer, et quel serait le coût quotidien de ces incarcérations? Si l'on a aussi des estimations sur les dépenses d'immobilisations supplémentaires qui vous permettront d'ouvrir des cellules supplémentaires, j'aimerais les obtenir aussi.
    Ce sont des estimations que nous avons faites au ministère de la Justice. Mais comme le ministre vous l'a dit, il va rencontrer ses homologues dans environ trois semaines, et nous nous attendons à ce qu'ils nous fassent part de leurs coûts à eux parce qu'il y a certaines informations qui ne peuvent provenir que des provinces.
    Je veux vraiment savoir comment ils sont parvenus à ces hypothèses.
    Je vous lance cette question comme ça. En discutant avec le procureur général de la Saskatchewan, j'ai appris que dans 80 p. 100 des dossiers, il s'agit de personnes des premières nations qui avaient été condamnées avec sursis. Il est donc difficile d'imaginer qu'il n'y aura qu'une augmentation de 1,7 p. 100 des incarcérations dans cette province. On ne s'y retrouve plus.
    Une fois que nous aurons ces estimations — et je tiens à prévenir les personnes qui ont établi ces hypothèses — notre comité va les convoquer.
    Comme je l'ai dit, il s'agit de chiffres nationaux avec une moyenne nationale. Cela varie d'une juridiction à l'autre, et on nous a fait remarquer que dans les provinces ayant une forte population autochtone, l'impact ne sera pas le même.
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président, et merci au ministre d'être ici.
    J'ai quelques questions sur le projet de loi. Il est évident qu'on a tracé une ligne quelque part pour faire savoir au public que les infractions prévoyant une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans étaient plus graves que les infractions où le maximum est inférieur. Donc d'anciens gouvernements, lorsqu'ils ont établi le Code criminel, ont indiqué qu'il s'agissait d'infractions plus graves.
    Ce qui me préoccupe dans ma circonscription c'est que, en ce qui concerne le vol de voitures ou une autre infraction prévoyant une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans, mais qui ne serait pas catégorisé comme étant violent — par exemple, un vol de plus de 5 000 $, une entrée par effraction dans le but de commettre un acte criminel ou le fait d'être présent illégalement dans une maison d'habitation — ce sont en fait des infractions graves aux yeux de mes électeurs et à mes propres yeux, et de l'avis des Canadiens en général, étant donné que nous en entendons tous parler en notre qualité de députés fédéraux.
    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce que vous et le ministère avez entendu dans vos consultations avec les autres juridictions sur la gravité de ce qu'on appelle les infractions contre les biens? On se plaint à nous, députés fédéraux, des introductions par effraction et du fait qu'un récidiviste endurci — qui a commis de nombreux crimes et a été souvent condamné — a été condamné avec sursis pour avoir commis cette infraction contre les biens; pourtant, cette personne purge sa peine, pour ainsi dire, dans le milieu même où cette infraction a été commise.
    Merci.
    L'été dernier, j'ai eu l'occasion de parcourir tout le pays. J'ai pu m'entretenir avec la plupart des procureurs généraux à propos de la loi, et pas seulement du projet de loi C-9 mais aussi du projet de loi C-10, et à propos d'autres initiatives que nous prenons. De manière générale, je constate que les procureurs généraux des provinces sont favorables à cette loi. Ce qui les préoccupe, c'est la question financière dont on a fait état ici aujourd'hui. Cela ne fait aucun doute. Mais tous les procureurs généraux sont conscients du fait que, s'ils veulent en finir avec les portes tournantes, particulièrement avec les récidivistes dans ce domaine, nous devons prendre des mesures et que cela coûtera de l'argent.
    Permettez-moi de diviser mes observations en deux parties. Premièrement, on se préoccupe de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et les récidivistes dans un contexte où des jeunes délinquants volent littéralement des douzaines et des douzaines de voitures pendant plusieurs mois, mais en vertu de la loi actuelle, il ne semble pas y avoir moyen de les traduire en justice. Comme vous le savez, la Cour suprême du Canada vient de statuer que la dénonciation ou la dissuasion ne font plus partie du régime de détermination de la peine en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. C'est un jugement qui m'a beaucoup étonné, mais j'imagine que c'est à cause de la façon dont la loi a été rédigée, et c'était donc une décision appropriée. Je ne dis pas qu'en pratique je suis d'accord avec le résultat, mais je suis d'accord avec cette interprétation.
    J'ai également rencontré des services policiers, des groupes de victimes et d'autres qui m'ont parlé du vandalisme à répétition, des introductions par effraction, des vols de voitures, de ce qu'on appelle ces crimes contre les biens, et des effets que cela a sur la faculté qu'ils ont de maintenir l'ordre, dans le cas des services policiers, ou dans le cas des entreprises, d'exploiter un commerce dans bon nombre des centres-villes. Il est donc sûr que ces personnes ne considèrent pas les crimes contre les biens comme étant des infractions bénignes. En fait, c'est ce qui chasse les commerces de certains quartiers. La clientèle se dirige alors vers la banlieue, loin du centre-ville. C'est donc un problème social grave que causent ces récidivistes, ceux qui entrent par effraction dans les maisons.
    L'impact sur une personne qui a été victime d'une entrée par effraction est très important, particulièrement sur les personnes âgées, qui ont déjà peur de sortir le soir, et après qu'on s'est introduit chez elles par effraction, elles ont peur de rester chez elles. Cela change la vie de ces personnes pour toujours.

  (1640)  

    Merci. Je suis heureux de vous l'entendre dire, parce que c'est ce que j'entends chez moi, absolument, qu'il s'agit en fait d'infractions graves.
    J'aimerais aussi discuter du travail de MADD Canada. Je sais qu'il y a eu des consultations avec les groupes de victimes et d'autres groupes d'intérêts. J'ai reçu ce communiqué de presse-ci de la présidente nationale de MADD Canada. Elle écrit: « Nous croyons fermement que la peine doit refléter la gravité du crime. Dans le cas des crimes avec violence où une personne a été tuée ou grièvement blessée, les peines d'emprisonnement avec sursis, par exemple l'assignation à domicile et les ordonnances de services communautaires, sont totalement insuffisantes. Quand une personne conduit en état d'ébriété et tue ou blesse grièvement un autre citoyen, cette personne devrait faire de la prison. » Elle poursuit: « Nos tribunaux doivent comprendre l'idée que le public se fait de la justice pour ce qui est de savoir ce qui constitue une peine équitable et dissuasive » et la présidente nationale invite les parlementaires à adopter la loi. « Nous souhaitons que le projet de loi C-9 quitte le comité et soit renvoyé à la Chambre le plus tôt possible. »
    Monsieur le ministre, dans le temps qui vous reste, pouvez-vous nous parler un peu des préoccupations de MADD Canada, de son soutien à son projet de loi et de ce que cela signifie?
    Eh bien, j'ai eu la chance de lire le même communiqué, dont je crois savoir qu'il est paru aujourd'hui, et d'apprendre que MADD Canada est très favorable au projet de loi C-9 et, en particulier, à la disposition visant à éliminer les peines avec sursis pour les crimes avec violence. Cela étant dit, sa définition des crimes avec violence n'est peut-être pas la même que celle d'autres membres du comité, mais il se trouve que je suis d'accord avec cette organisation lorsqu'elle dit que les personnes ayant conduit en état d'ébriété et ayant causé la mort ou des blessures ou s'étant rendues coupables de négligence criminelle causant la mort ou des blessures ont commis des crimes avec violence.
    En vertu du projet de loi dont avait été saisie la Chambre lors de la dernière législature, les juges demeuraient à même d'imposer des peines avec sursis ou l'assignation à domicile. Le projet de loi que nous proposons aujourd'hui ferme cette échappatoire; les peines avec sursis ou l'assignation à domicile ne conviennent pas pour ce genre de crimes. Je suis heureux de voir que MADD Canada est d'accord avec l'approche que nous préconisons pour régler ce problème très grave.

  (1645)  

    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Ignatieff, vous avez cinq minutes.
    Monsieur le ministre, vous avez mentionné la justice réparatrice dans votre allocution. Je tenais à vous faire savoir que le ministre de la Justice de la Saskatchewan s'est inquiété de l'impact qu'aurait le projet de loi C-9 sur les programmes de justice tout à fait particuliers qui ont vu le jour et qui visent à combler le fossé entre Autochtones et non-Autochtones. À titre d'exemple spécifique, mentionnons le projet de la Première nation de Hollow Water au Manitoba. Ces communautés sont aux prises avec des problèmes extrêmement graves, par exemple la violence sexuelle à l'égard d'enfants, et se sont dotées de programmes de justice réparatrice supervisés par les tribunaux. Il s'agit d'un travail très important qui me semble avoir prouvé sa valeur.
    Il ne s'agit pas ici de clémence judiciaire; il s'agit de mesures très résolues prises par des communautés qui veulent maîtriser un problème social épouvantable, et qui ont réussi mais qui dépendent de la faculté qu'a le juge d'imposer des peines avec sursis. Vous êtes-vous demandé si le projet de loi C-9 risque d'empêcher le système judiciaire de collaborer avec les communautés autochtones qui veulent se doter de ces programmes de justice réparatrice, programmes qui semblent capables de contrer des infractions très graves d'une manière qui me semble à moi—et à tout le monde, semble-t-il—supérieure à la simple incarcération? Avec le projet de loi C-9, ne risque-t-on pas de jeter des gens en prison alors que des solutions communautaires sont mieux à même de régler le problème?
    Je suis quelque peu inquiet pour ma part, et si l'on élargit le cadre quelque peu, je crains que vous fassiez plus de tort que de bien parce que vous redoutez la discrétion judiciaire. Il s'agit peut-être d'un exemple où un bon programme risque de souffrir à cause de votre crainte, justifiée dans certains cas, en ce qui concerne le recours à des peines avec sursis qui ne seraient pas appropriées; voici un cas où les peines avec sursis sont peut-être appropriées, et vous risquez de causer un certain tort.
    Monsieur Ignatieff, je suis heureux que vous ayez soulevé cette question parce que je connais très bien la situation à Hollow Water étant donné que j'en étais le responsable lorsque j'étais procureur général du Manitoba. Ce projet a été mis en place bien avant que les peines avec sursis n'aient pris effet, donc, pour autant que je sache, ce projet n'a rien eu à voir avec les peines avec sursis.
    Mais ce projet pourrait être compromis par cette loi, monsieur? Avez-vous anticipé l'effet négatif que ce projet de loi pourrait avoir sur ce projet auquel vous tenez?
    Je comprends. Je tiens à dire que je suis très favorable à la justice réparatrice. Il faut que cette justice soit gérée avec la plus grande prudence, mais je ne vois rien dans l'ancienne loi, qui demeure en vigueur pour ce qui concerne les peines avec sursis et les ordonnances de probation, qui empêcherait la mise en oeuvre des principes du programme de Hollow Water. Pour autant que je sache, les peines avec sursis n'ajoutent rien à cela.
    Je peux me tromper pour ce qui est de savoir exactement quand le projet de Hollow Water est né, mais je pense que c'est au début des années 90 — vers 1990 ou quelque part par là. Les peines avec sursis ne sont entrées en vigueur qu'en 1995, je n'en vois donc pas l'impact.
    Le système était suffisamment flexible pour tenir compte de tous ces programmes. S'il y avait vraiment un problème avec l'imposition de conditions supplémentaires, je crois alors que le plus simple aurait été de modifier le régime des peines avec sursis au lieu d'imposer ce tout nouveau régime, qui a causé des problèmes épouvantables au niveau du respect de la loi et de la compréhension de la loi, mais nous sommes coincés avec ce programme en ce moment, et je tâche d'en tirer le meilleur parti que je peux.
    Monsieur, étant donné les préoccupations dont m'a fait part le ministre de la Justice de la Saskatchewan et ayant consulté hier soir des juges de la Saskatchewan qui sont en première ligne dans ce domaine, en préparation pour votre témoignage d'aujourd'hui, acceptez-vous de vous assurer que le projet de loi C-9 n'ait aucun impact négatif sur ces programmes de justice réparatrice qui sont positifs et utiles?
    Vous avez répondu que vous ne voyez en principe aucune raison pour laquelle ce ne serait pas le cas, et j'imagine que vous avez répondu de bonne foi, mais êtes-vous disposé à écouter ces personnes qui sont en première ligne en Saskatchewan et au Manitoba et qui ont des préoccupations légitimes à ce propos et qui me les ont transmises?

  (1650)  

    Absolument, et je vais aussi prendre en compte ces personnes dans ces communautés isolées qui se jugent victimisées par les peines avec sursis parce que les auteurs de ces infractions reviennent dans leur milieu, et ces personnes ne se sentent pas protégées. La question est donc délicate.
    Y a-t-il d'autres mesures judiciaires alternatives et légitimes que nous pouvons maintenir dans ce domaine? Oui, il y en a. Vais-je m'assurer que les programmes de justice alternative appropriés demeurent disponibles? Absolument. Je ne crois pas que nous ayons un système unique, mais il y a certaines infractions qui n'appartiennent tout simplement pas à ce contexte.
    Merci, monsieur Ignatieff.
    Monsieur Lemay, allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le ministre, lors du dépôt du projet de loi C-9 à la Chambre des communes, j'ai eu l'occasion de vous de dire que j'étais contre ce projet de loi. Je vais aujourd'hui vous donner trois chiffres, et j'invite les gens de votre ministère à y réfléchir beaucoup avant d'aller plus loin.
    Depuis l'instauration des emprisonnements avec sursis en 1996, 55 000 personnes ont évité la détention. J'aurai une question à ce sujet tantôt. Selon les chiffres de 2002-2003, le coût annuel moyen pour une personne incarcérée dans une prison provinciale au Canada est de 51 454 $, alors qu'il en coûte 1 792 $ pour la surveillance d'un délinquant dans la collectivité. Je pense, monsieur le ministre, que ces trois chiffres devraient vous faire réfléchir, mais je vais aller un peu plus loin.
    Je m'adresse à vous en tout respect pour vos connaissances, monsieur le ministre, car je sais que vous étiez procureur général du Manitoba lorsque cette cause a été entendue par la Cour suprême et que celle-ci a rendu sa décision. Je parle bien sûr de l'arrêt Proulx rendu en 2000 dont on fait état dans le rapport de la Cour suprême 1 R.C.S. 61. Alors, s'il y a un arrêt plus important et plus récent qui contredit l'arrêt Proulx, j'aimerais que votre ministère m'en fasse parvenir une copie.
    La Cour suprême — et cela n'a pas été repris depuis lors — a établi 12 critères pour imposer une peine d'emprisonnement avec sursis. Le premier de ces critère dit ceci:
Contrairement à la probation, qui est principalement une mesure de réinsertion sociale, l’emprisonnement avec sursis vise à la fois des objectifs punitifs et des objectifs de réinsertion sociale [...]
     J'ai été avocat de la défense en droit criminel pendant 25 ans. J'étais là au début du système des emprisonnements avec sursis et j'ai plaidé à ce sujet jusqu'en Cour d'appel. Je peux vous dire — et c'est ce qui semble avoir été oublié chez vous — qu'un échec de l'emprisonnement avec sursis implique automatiquement l'emprisonnement jusqu'à la fin de la sentence ou, alors, une révision avec des conditions encore plus strictes.
    J'ai deux question très précises à vous poser. Premièrement, le ministère de la Justice possède-t-il des statistiques concernant les succès des emprisonnements avec sursis? Il est impossible que vous n'en ayez pas. Nous aimerions bien avoir une copie des succès, des cas où il n'y a pas eu d'échec, c'est-à-dire des cas où l'emprisonnement avec sursis a été prononcé, la sentence a été rendue, et le délinquant a complété l'emprisonnement avec sursis au complet. Je voudrais avoir ces chiffres.
    Ma dernière question concerne la porte que vous avez ouverte lorsque vous avez parlé de la possibilité de revoir un peu le projet de loi. Avez-vous envisagé que l'emprisonnement avec sursis puisse s'appliquer à des peines d'emprisonnement de moins de cinq ans? D'un côté, cela contrebalancerait les dix ans que vous demandez. De plus, nous savons que bien souvent, ceux à qui on impose un emprisonnement de cinq ans et moins dans un pénitencier sortent plus rapidement que s'ils avaient été envoyés dans une prison provinciale, où il y a des sentences de deux ans et moins. Je pourrais vous donner des exemples de ce qui se passe jusqu'à Vancouver.
    J'espère que vous avez bien compris mes deux questions.

  (1655)  

[Traduction]

    Oui. Je crois que ce sont deux très bonnes questions.
    Au sujet des 55 000 personnes qui évitent la détention, cela ne veut pas dire qu'on n'a eu aucun succès. Écoutez, 55 000 personnes qui évitent la détention... Il me semble que j'entends la même chose à propos des taux d'incarcération maintenant pour la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents — ces taux sont beaucoup plus bas — et certains disent que c'est là un succès. Cela dit seulement qu'il y a moins de jeunes incarcérés. Cela ne veut pas dire que les jeunes ont cessé de voler des voitures. Les services de police ne me disent pas du tout la même chose.

[Français]

    Non, non.

[Traduction]

    Je vois que nous sommes sur la même longueur d'onde pour ce qui est des 55 000 qui évitent la détention. Je voudrais probablement savoir combien ont reçu de multiples peines avec sursis. S'agit-il vraiment de 55 000 personnes? Je ne le crois pas. Je dirais plutôt qu'on a affaire à probablement le tiers de ce nombre. Mais ce n'est que pure conjecture de ma part, ce que je veux éviter.
    Au sujet du coût de l'incarcération, je pense que 51 000 $ est à peu près juste. Vous dites qu'il en coûte seulement 1 700 $ pour assurer la surveillance, mais cela ne tient pas compte du coût entier pour la société. Comme on me l'a dit à la Chambre de commerce de Vancouver, un accro au crack vole en moyenne 1 000 $ de marchandises par jour. Cela représente 365 000 $ par année, parce que les accros au crack ne prennent jamais de journée de congé. Leur accoutumance le leur interdit. Ils doivent voler ce montant chaque jour.
    Vous dites donc qu'il en coûte 55 000 $ pour incarcérer et 1 700 $ pour superviser; mais ces gens-là continuent de voler. Et cela ne tient pas compte des autres coûts sociaux; c'est un coût économique direct pour une entreprise. Par ailleurs, j'ai entendu un autre chiffre: à chaque fois qu'on incarcère un délinquant pour un crime grave pendant un an, on évite la commission de 15 autres crimes graves. Cela revient à la question de savoir combien de gens évitent la détention, à la question de la dissuasion et tout le reste. Nous n'avons pas le temps d'en discuter, mais vous soulevez de très bons arguments que vous voudrez peut-être aborder au comité.
    Le ministère a-t-il des statistiques pour mesurer le taux de succès? Nous allons voir ce que nous pourrions vous trouver là-dessus. Maintenant, sur votre dernier point, au sujet des peines avec sursis qui seraient applicables à...

[Français]

    L'emprisonnement avec sursis.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je m'excuse, monsieur le président.
     Ma question était la suivante: avez-vous pensé que l'emprisonnement avec sursis pourrait peut-être s'appliquer à des peines de prison de moins de cinq ans, donc à des peines à purger dans un pénitencier?

[Traduction]

    Je comprends cela. Vous dites qu'au lieu de les appliquer seulement aux peines de deux ans moins un jour, on pourrait les appliquer à toutes les peines de moins de cinq ans. Si quelqu'un était trouvé coupable d'homicide involontaire, par exemple, et écopait d'une peine de quatre ans, la cour pourrait alors décider d'emprisonner cette personne dans la collectivité. Je peux vous dire que je ne suis pas en faveur de cela. Je pense que nous avons déjà un éventail suffisamment large d'options pour ce qui est des peines dans la catégorie des moins de deux ans. Je ne serais pas en faveur d'élargir cet éventail. Je pense que cela multiplierait seulement le nombre de délinquants ayant commis des crimes graves qui seraient admissibles à des solutions de rechange...
    Merci, monsieur Lemay. Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Brown.
    Merci, monsieur le ministre, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui.
    Vous vous rappelez peut-être qu'en 2005, j'ai eu le plaisir de vous accueillir à Barrie, où nous avons discuté des peines avec sursis. À l'époque, notre chef de police, Wayne Frechette, qui est encore notre chef de police, avait exprimé sa frustration devant le processus, la porte tournante. J'entends cette plainte à répétition de la part des résidents et des agents de police. Chose certaine, c'est une bonne chose de chercher à apaiser ces préoccupations relativement à notre système de justice.
    Je voudrais aborder deux questions avec vous, monsieur le ministre. La première est celle-ci: pouvez-vous nous donner des exemples d'autres pays où le renforcement des mesures de garde a contribué à la dissuasion? On a généralement l'impression que c'est le cas, mais si l'on pouvait en trouver des exemples dans d'autres pays, je pense que cela aiderait ceux qui ont des doutes sur ce projet de loi à en comprendre les véritables avantages.

  (1700)  

    Mon ministère peut vous faire parvenir des statistiques et des études à ce sujet. Chose certaine, les études faites au Canada ne sont pas très claires sur ce point. Je pense que vous avez raison de chercher des exemples dans d'autres pays. C'est ce que nous devrons faire. Je ne pense pas que les faits soient particulièrement clairs là-dessus. Par exemple, nous pouvons faire certaines affirmations. J'ai noté, par exemple, qu'une personne a dit récemment durant une interview après le regrettable incident survenu à Montréal la semaine dernière qu'elle avait remarqué qu'au cours des 16 dernières années, le nombre d'infractions commises au moyen d'armes à feu avait diminué en raison de nos lois. J'ai également remarqué que cela correspond à peu près à la date à laquelle on a imposé des peines de prison plus sévères obligatoires pour les crimes commis avec arme à feu, et c'était bien avant la création du registre des armes à feu. En fait, le registre des armes à feu est entré en vigueur depuis quelques années seulement. Il n'a eu aucun effet notable à cet égard.
    Je pense que si l'on examine les statistiques pour voir quelles mesures ont été efficaces dans notre lutte contre le crime commis avec arme à feu, on peut avancer en s'appuyant sur de solides arguments que l'imposition de peines de prison obligatoires pour de tels crimes commis avec arme à feu a entraîné une réduction du nombre de ces crimes.
    L'un de mes collaborateurs a eu des entretiens avec des procureurs aux États-Unis qui lui ont vanté les avantages des peines de prison minimales obligatoires pour certains types d'infractions. Par exemple, le procureur lui a dit que de telles peines sont particulièrement efficaces dans le cas des prédateurs sexuels, parce que quand on met l'un de ces prédateurs sexuels derrière les barreaux, il n'y a personne pour prendre sa place. On verra donc une baisse réelle du nombre de crimes en s'assurant que la personne en question ne retourne pas dans la rue. Encore une fois, il s'agit d'une preuve empirique.
    Nous avons des études. J'ai évoqué par exemple l'étude qui montre que l'incarcération d'une personne pendant un an pour un crime grave empêche la perpétration de 15 crimes graves que cette personne aurait commis durant cette année-là. On peut en débattre, mais je pense que, de manière générale, et j'insiste là-dessus, ce n'est pas simplement l'élimination des peines avec sursis ni l'imposition de peines de prison minimales obligatoires. Il faut combiner tout un éventail de solutions. Il faut aussi des solutions de rechange à l'incarcération. Y a-t-il des personnes qui pourraient purger leur peine à l'extérieur des établissements carcéraux? La situation de Hollow Water correspond peut-être à cet exemple. Et il y en a d'autres.
    J'ai été mêlé à ce programme à titre de ministre provincial de la Justice et je regrette de toujours me reporter à cette expérience, mais à bien des égards, c'est une expérience beaucoup plus proche de la réalité que celle du ministre fédéral de la Justice, qui ne participe pas vraiment à la mise en application du Code criminel au jour le jour. Au Manitoba, les comités de justice pour la jeunesse ont été un succès extraordinaire. J'ignore combien il en existe encore, mais je sais que quand j'ai quitté ce poste, nous en avions plus de 50 au Manitoba et ils avaient énormément de succès, pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour les adultes, par exemple des personnes âgées qui, pour la première fois dans leur vie, avaient des démêlés avec la loi. Il y avait manifestement quelque chose qui clochait dans leur vie. Nous avons donc pris des dispositions pour permettre aux personnes dans cette situation de bénéficier également de ces soi-disant comités de justice pour la jeunesse. La théorie était que nous avions au Manitoba une population de personnes âgées dont la moyenne d'âge était en fait très jeune. Ces comités ont été utiles à cet égard.

  (1705)  

    Je crois donc que nous devons nous attaquer au problème en adoptant une approche qui inclut la police, la loi et des programmes alternatifs, qu'ils soient conçus pour les jeunes ou pour d'autres.
    J'aimerais me baser sur l'exemple de New York, qui a vu son taux d'homicides chuter de 2 200 par an à 550 par an. Cela s'est fait grâce à l'application efficace des lois. C'est quand même un taux élevé, étant donné le nombre élevé d'armes aux États-Unis, mais il reste néanmoins que, l'an passé, ou l'année d'avant, 1 700 personnes étaient encore en vie parce qu'on avait mieux appliqué des lois plus musclées.
    Merci, monsieur le ministre.
    Merci, monsieur Brown.
    Monsieur Lee.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Toews, vous avez utilisé diverses expressions dans vos remarques d'aujourd'hui. Je voudrais simplement clarifier ce qu'elles veulent dire. Vous avez utilisé l'expression « détention à domicile », « peine à être purgée dans la collectivité » et « peine avec sursis ».
    C'est essentiellement la même chose.
    Elles sont toutes interchangeables.
    C'est exact.
    Vous n'essayez pas de nous dire que vous voulez apporter de légères modifications au régime des peines avec sursis.
    Non, on m'a critiqué pour avoir parlé des peines avec sursis. Personne ne sait ce que c'est. En fait, il s'agit de détention à domicile.
    Ça va. J'essayais de trouver un autre message subliminal. Mais il n'y en a pas, tant mieux.
    Deuxièmement, d'après ce que je peux voir, il ne s'agit pas ici d'un débat autour des peines avec sursis parce que celles-ci ne vont pas changer. Est-ce exact? À votre avis, est-ce que les peines avec sursis sont une option pour les juges dans la détermination des peines?
    À mon avis, ce n'est pas un meilleur outil qu'une ordonnance de probation dans le contexte d'une peine avec sursis. Mais puisqu'elles sont là, et d'après ce que m'ont dit certains juges, on peut attacher des conditions additionnelles à une ordonnance avec sursis, il semble y avoir des avantages. Je ne comprends pas pourquoi on a dû créer un tout nouveau régime pour les appliquer, mais il semble y avoir quelques avantages. Voilà pourquoi je ne préconise pas la suppression du programme tout entier.
    Ça va. Le défi consiste donc à identifier les infractions précises qui portent le public et quelques politiciens à réagir en disant qu'une certaine peine d'emprisonnement avec sursis ne comporte pas une réprobation suffisante, ou n'envoie pas le bon message à la collectivité.
    À mon avis, vous l'avez très bien résumé, monsieur Lee.
    Dans une petite collectivité, l'auteur d'une agression sexuelle pourrait se retrouver en toute liberté, en face de la victime de l'agression, au bout d'une période que certains jugeraient bien trop courte.
    À part cela, on essaye d'identifier les infractions. Le projet de loi du gouvernement dont nous sommes saisis prévoit une solution de facilité. Il s'agit d'une règle générale — tout ce qui est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans ou plus, entre autres choses. Mais cela comprend...
    Je pense qu'en général...
    C'est ce que prévoit le projet de loi du gouvernement. Je suis d'accord pour dire qu'il existe des cas où on devrait supprimer l'option d'une peine d'emprisonnement avec sursis, mais je n'aurais pas ratissé aussi large en incluant tout au-delà d'un certain seuil. Comme je l'ai dit lors d'une séance antérieure, cela comprend l'utilisation non autorisée d'un ordinateur, et le vol important... Si quelqu'un vole votre auto pendant cinq minutes, c'est du vol important...
    D'habitude, il s'agirait plutôt d'une simple ballade en voiture volée. C'est une infraction différente.
    Ça dépend du chef d'accusation, mais là où je voulais en venir, c'est que voler une voiture, sans ballade, ferait partie de la catégorie d'infractions pour lesquelles on est en train de supprimer la possibilité d'avoir une peine d'emprisonnement avec sursis. Moi, je préférerais qu'on passe directement aux peines précises pour lesquelles on voudrait avoir une définition plus claire, et procéder ainsi.
    L'utilisation non autorisée d'un ordinateur, pour l'amour de Dieu, pourrait arriver à presque n'importe qui au monde qui emprunte un ordinateur, et ce n'est pas ça...
    Mais monsieur Lee, ce n'est pas moi qui ai prévu une peine de 10 ans ou plus pour cette infraction; c'est le Parlement.
    C'est vrai.

  (1710)  

    Donc quand le Parlement en a décidé ainsi, manifestement, on était d'avis qu'il s'agissait d'une infraction très grave.
    Cela se peut.
    Je dirais que si une infraction est passible d'une peine de plus de 10 ans, il s'agit d'une infraction très grave, à moins que le Parlement ne se soit trompé.
    Dans ce cas-ci, c'est un maximum de 10 ans d'emprisonnement. En fait, vous avez peut-être mis le doigt dessus, monsieur le ministre. Je vais proposer qu'on modifie le projet de loi de sorte que les peines de plus d'un maximum de 10 ans... On commencerait ainsi par une liste beaucoup plus courte, et on pourrait ensuite même y ajouter des infractions.
    Je ne sais pas si cela engloberait le vol de bétail, mais parmi toutes les infractions...
    Nous avons déjà eu cette discussion concernant le bétail, monsieur Lee.
    ... je sais qu'il y a des gens dans l'Ouest qui s'inquiètent beaucoup du vol de bétail.
    C'est un problème sérieux dans ma circonscription.
    Je le sais. Mais ça figure sur la liste maintenant, et je ne suis pas convaincu, si vous aviez consulté tous les députés et dressé une liste de toutes les catégories d'infractions problématiques, que celle-ci, soit le vol de bétail, aurait figuré sur la liste...peut-être, peut-être.
    Venez dans mon caucus.
    Monsieur Lee, je comprends votre argument. Vous nous dites de retirer tout ce qui concerne les infractions passibles d'une peine maximale de plus de 10 ans, mais il faut voir le type d'infractions qu'on laisserait de côté. Je ne suis pas contre le fait que vous examiniez cette question, néanmoins certaines infractions graves ne seraient plus couvertes.
    Si vous pensez qu'il y a une meilleure façon de procéder, en permettant aux gens du centre de Toronto de s'en tirer en volant du bétail ou autre, il se pourrait bien que la Chambre souhaite se pencher sur cette question. Je vous fais simplement remarquer qu'il est difficile d'élaborer des lignes directrices générales. Nous ne voulions pas établir une liste des 200 infractions, plus ou moins. Cette décision nous semblait raisonnable, aussi bien pour des raisons de politique sociale, dans la mesure où l'on parle d'infraction grave, que pour faciliter la rédaction du texte.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends bien votre argument, monsieur Lee.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Thompson.
    Merci de votre présence, monsieur le ministre.
    Je ne veux pas critiquer mon ami de l'opposition, M. Lee, cependant, il me semble qu'avec son approche, on s'inquiète encore une fois beaucoup trop de l'auteur de l'infraction. Personnellement, je me préoccupe plus des victimes de l'infraction. Je crois que lorsqu'on met l'accent sur les victimes, alors notre point de vue change.
    Je voudrais que vous me fassiez part de vos remarques sur les deux points suivants. Tout d'abord, ce que j'entends nombre de Canadiens dire aujourd'hui, ce n'est pas le fait que les peines d'emprisonnement avec sursis causent des problèmes, mais plutôt le fait que, trop souvent, il faudrait appliquer une peine d'emprisonnement et que cela ne se fait pas. Je crois que pour de nombreuses personnes, c'est là que le bât blesse.
    Depuis 13 ans que je suis député, j'ai été témoin de nombreuses affaires portées devant les tribunaux et où l'auteur de l'infraction a été reconnu coupable mais n'a pas été condamné à une peine d'emprisonnement. Je pourrai revenir sur toutes ces affaires et compter le nombre de fois où moi-même et plusieurs autres personnes avons contesté les peines infligées à certaines personnes, qui s'en sont tirées sans peine d'emprisonnement, surtout dans le cas d'actes criminels à l'encontre d'enfants.
    Vous me connaissez probablement suffisamment désormais pour savoir que l'un de mes soucis principaux depuis plusieurs années est la violence à l'encontre d'enfants. Je ne comprends vraiment pas comment une société telle que celle que nous avons au Canada a pu permettre à la pornographie juvénile de se développer au point de devenir une vaste industrie, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous ne nous sommes tous simplement pas préoccupés de ce genre de choses. C'est un problème, et à cause de cela il y a plus d'actes criminels à l'encontre d'enfants. Beaucoup plus, d'après les chiffres que vous nous donnez.
    Je crois qu'aujourd'hui les Canadiens veulent comprendre ce qui se passe. Dans ma circonscription, des cultivateurs de céréale ont été emprisonnés parce qu'ils vendaient leur propre céréale, et la même semaine, une personne ayant violé un enfant de cinq ans à Calgary, on parle ici d'infraction grave, se voit infliger une peine d'emprisonnement avec sursis. Beaucoup de gens ne comprennent pas ce qui se passe, et c'est parce qu'il y a trop d'exemples comme celui que je viens de vous donner.
    Monsieur, je vous félicite d'avoir déposé ce projet de loi. À mon avis, il va grandement aider à corriger la situation. Je vous félicite de cela.
    J'ai une question à vous poser, et ensuite vous pourrez faire des remarques sur ce que je viens de dire. Je suis très inquiet des infractions sexuelles commises à l'encontre d'enfants. C'est quelque chose de très grave. Je parle ici de jeunes enfants, non pas des personnes de 17 ou 18 ans. Je parle de jeunes enfants. Les personnes présentes ici savent exactement de quoi je parle, parce que malheureusement ces crimes sont trop fréquents.
    Ce projet de loi empêchera-t-il toute personne commettant une infraction grave à l'encontre d'un enfant d'être tout simplement assigné à résidence?

  (1715)  

    Merci. Très bonne question, monsieur Thompson. J'admire le travail que vous faites dans ce domaine depuis des années. Vous avez toujours appuyé de façon conséquente les lois permettant de protéger les enfants. Je pense que c'est extraordinaire, et votre persévérance est grandement appréciée.
    Vous vous rappellerez qu'au cours de la dernière session, un projet de loi portant sur certains aspects de la détermination de la peine avait été déposé, et nous avons réussi à faire adopter des peines minimales d'emprisonnement obligatoire pour certaines infractions d'agressions sexuelles contre des enfants. Nous avons fait adopter ces peines minimales d'emprisonnement obligatoire, et à l'époque nous avons travaillé de concert avec le Bloc pour imposer de courtes peines minimales obligatoires, car dès qu'une peine minimale obligatoire est créée, il devient impossible d'avoir recours à une peine avec sursis. Donc, même si j'aurais aimé avoir des peines minimales d'emprisonnement obligatoire plus longues pour ces horribles infractions, ces peines plus courtes étaient les seules que nous puissions faire adopter par le Parlement, mais au moins les peines avec sursis ont été éliminées pour ces infractions.
    Avec ce système, des peines avec sursis pourraient encore s'appliquer à certaines infractions d'agressions sexuelles, car certaines sont seulement passibles d'une peine de cinq ans. Donc cette disposition ne s'appliquerait pas à ces cas-là. Mais dans la plupart des cas, si j'ai bien compris, le procureur de la Couronne pourrait, si c'est une affaire grave, procéder par mise en accusation, ce qui éliminerait la possibilité d'une peine avec sursis ou d'une assignation à résidence. Nous devons donc faire confiance au pouvoir discrétionnaire de la Couronne qui devrait procéder par mise en accusation dans le cas d'affaires graves. Ce pouvoir discrétionnaire est accordé aux procureurs de la Couronne dans de nombreux autres domaines, et je leur fais pleinement confiance pour exercer ce pouvoir de façon appropriée.
    C'était là un des inconvénients de fixer la limite à dix ans, car cela ne s'applique pas à certaines infractions, mais les procureurs de la Couronne ont la possibilité de prendre certaines mesures dans des cas graves pour qu'on ne puisse tout simplement pas avoir recours à une peine avec sursis.
    Du moment que nous comprenons que les gens veulent qu'on protège leurs enfants...qu'on les protège. Il y a trop de choses qui se passent, et vous savez quoi? Ils se fichent pas mal des coûts. Du moment qu'on protège leurs enfants, ils se chargeront des coûts. D'une façon ou d'une autre, on s'en chargera. Je pense que c'est le point de vue de la société, qui paye pour cela. Et je pense que nous devons continuer à travailler dans ce sens, nous devons faire notre possible pour répondre à leur demande.
    Un mot à ce sujet. Récemment, une enquête a été menée auprès des enseignants de l'Ontario en ce qui concerne l'élévation de l'âge de consentement de 14 à 16 ans. Cette mesure législative était largement appuyée. Je crois qu'en moyenne, 75 % des enseignants l'appuyaient pleinement, ce qui veut dire que la part d'enseignants appuyant cette mesure était encore plus grande, et cela correspond bien à l'opinion d'autres groupes de la société. Des enquêtes semblables effectuées il y a plusieurs années concernant la protection des enfants montraient les mêmes résultats. Monsieur Thompson, lorsque vous nous faites part de vos préoccupations, je crois que vous parlez bien au nom des citoyens canadiens ordinaires.
    Merci.
    Et d'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, on pendait les voleurs de bétail.
    Merci, monsieur Thompson.

  (1720)  

    Nous n'allons pas réinstaurer cette mesure.
    Monsieur Bagnell.
    Merci d'être venu, monsieur le ministre.
    Vous avez cité environ huit cas. Combien de ces personnes ont récidivé depuis la peine avec sursis dont vous avez parlé dans votre allocution?
    Je n'en sais rien.
    Vous n'en savez rien. Il y a des milliers de cas au Canada, vous n'en avez simplement choisi huit, et vous voulez abroger un mécanisme qui protège les Canadiens sans même savoir s'il fonctionnait ou non.
    On ne parle pas simplement ici de réhabilitation, et je crois que c'est quelque chose qu'il faut absolument prendre en compte. Je crois que c'est une grave erreur de ne considérer cette question que du point de vue de la réhabilitation, et non pas du point de vue de la dénonciation et de l'effet dissuasif. Dans les cas que j'ai cités, même si aucun de ces délinquants n'a jamais récidivé et égorgé un bébé, je pense que les Canadiens croient que, pour des raisons de dissuasion, il n'est pas acceptable qu'une personne ayant commis un tel acte à l'encontre d'un bébé purge une peine avec sursis.
    Tous les sondages montrent que ce que les Canadiens et d'autres personnes attendent du système judiciaire, c'est de vivre en sécurité. Ils ne veulent pas que les délinquants récidivent. Alors que cela fait des années que le système carcéral ne donne pas de résultats, vous éliminez le mécanisme qui, selon des universitaires, fonctionnent, et ce, sans même savoir si le résultat a été positif dans ces huit cas.
    Dans ces huit exemples, quelles étaient certaines des conditions assorties permettant d'aider les délinquants? Dans ces huit cas que vous avez vous-même choisis, qu'était-il proposé à ces personnes? Qu'y avait-il d'autres le cadre de ces peines avec sursis, à part être assigné à résidence?
    Je ne sais pas.
    Vous n'avez aucune idée des bienfaits accordés à ces huit personnes dans le cadre de leur peine avec sursis. Les universitaires, ainsi que certains des membres du Bloc et M. Ignatieff, estiment que les progrès accomplis grâce à ce type de peines va dans le sens de ce que veulent les Canadiens lorsqu'il s'agit du système judiciaire. C'est d'ailleurs attesté dans l'ouvrage The Virtual Prison: Community Custody and the Evolution of Imprisonment, écrit par une des spécialistes dans ce domaine, Julian Roberts, rédactrice en chef de la Revue canadienne de criminologie et de justice pénale. D'après cet article, les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité sont punis, mais on leur donne aussi l'occasion de changer leur vie d'une façon qui serait impossible à l'intérieur d'une prison.
    Madame Kane, je suis certain que le ministère a accès à ces recherches énonçant les bienfaits des peines avec sursis. Pourriez-vous faire quelques observations concernant ces études?
    Le ministère possède certaines de ces études. Je pense qu'elles ont été communiquées au comité. Si ce n'est pas le cas, nous pouvons le faire.
    Malheureusement, il n'y a pas de résultats concluants concernant les bienfaits des peines avec sursis. Nous aimerions pouvoir en faire plus. Le professeur Roberts a mené des études pour le ministère auprès de personnes travaillant dans le système pénal et auprès des victimes. Comme il l'a écrit dans son ouvrage, il est en faveur des peines avec sursis. Il est certain que dans certains cas ces peines sont très efficaces. Mais dans d'autres cas, la société, le grand public, et d'autres, notamment les victimes d'actes criminels, réagissent de façon très négative à ces peines. Et dans certains cas les délinquants ne sont pas réhabilités. Malheureusement, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour suivre ces personnes, et il est très difficile de se concentrer sur un cas en particulier pour voir si cette personne a récidivé ou si elle s'est réintégrée dans la société après l'infraction. Malheureusement, nous avons peu de données disponibles pour pouvoir effectuer ce type de suivi.
    Dans les discours prononcés par de nombreux députés, moi-même y compris, en seconde lecture, beaucoup d'études ont été citées. Entre une personne qui a purgé une peine avec sursis et une personne ayant purgé une peine d'emprisonnement, laquelle a le moins de chance de récidiver?
    Un instant. Tout d'abord, vous comparez deux choses incomparables. Si quelqu'un purge une peine d'emprisonnement, c'est certainement parce que l'infraction commise est différente de celle...
    Très bien, je vous parle ici de personnes qui ont eu le même type de difficultés et commis les mêmes infractions.
    Même dans le cas de deux personnes qui purgent leur peine dans les mêmes conditions pour la même infraction, on ne peut pas prévoir qui a le plus de chance de récidiver. Il faudrait poser cette question à un criminologue ayant tenté d'élaborer une méthodologie pour ce type de recherches.
    Nous poserons la question à un criminologue. Mais je pensais que le ministère aurait examiné la question d'un peu plus près avant de prendre une mesure aussi grave.
    J'ai une dernière question s'adressant au ministre. Comme vous l'avez dit, la population autochtone est surreprésentée dans les prisons, et c'est un problème important. Nous ne parlons pas des victimes, car c'est ce que je viens de dire. Les Autochtones se sentent défavorisés, et ils pourraient être encore plus défavorisés maintenant que nous allons éliminer une possibilité de réhabilitation. En ce qui concerne ceux qui sont incarcérés — je ne parle pas ici des défavorisés — quelles mesures allez-vous prendre pour combler les lacunes du système judiciaire canadien afin de réduire le taux d'incarcération des Autochtones, surtout dans la mesure où cette disposition va faire augmenter ce taux?

  (1725)  

    Je constate que vous ne tenez pas compte des victimes, et c'est bien malheureux.
    Je n'en tiens simplement pas compte dans le cadre de cette question.
    Notre gouvernement souhaite restaurer un système de justice pénale équilibré.
    Ça ne répond pas à ma question.
    Vous parlez sans cesse de l'échec du système carcéral. Mais ce n'était pas mon gouvernement qui était au pouvoir ces 13 dernières années. Si le système de justice pénale ne fonctionne pas pour ce qui est des prisons, il faudrait peut-être se demander pourquoi.
    Vous êtes désormais responsables. Je veux simplement savoir ce que vous avez l'intention de faire. Ces mécanismes permettent aux victimes de ne pas être victimes une seconde fois. J'aimerais savoir ce que vous avez l'intention de faire en ce qui concerne la population autochtone incarcérée.
    Je puis vous dire que quelqu'un qui est incarcéré pour introduction par effraction ne va pas s'introduire par effraction chez qui que ce soit.
    Mais s'ils s'endurcissent en prison et sont incarcérés de nouveau...
    Monsieur Bagnell, votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Petit, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre, d'être venu cet après-midi et d'avoir consacré plus de temps au comité.
    J'ai eu la chance d'écouter toutes les questions qui vous ont été posées. Toutes celles des partis de l'opposition visaient à aider les criminels plutôt que les honnêtes gens et les victimes. Tout le monde s'inquiète du sort de celui qui a commis l'acte criminel, mais personne ne s'occupe des honnêtes gens et des victimes.
    Plus tôt, on a fait la distinction entre les actes commis avec violence et ceux commis sans violence. Je regarde le synopsis qui traite de ces actes. Dans ma région, nous avons eu pendant presque deux ans des problèmes de proxénétisme. Des jeunes filles de moins de 14 ans étaient entraînées dans des gangs, et tout cela était relié à la drogue, à la cocaïne. Il y a eu deux ans de souffrances, et pourtant, tous les gens faisaient valoir qu'il n'y avait pas de violence. De la drogue était cultivée et on la faisait circuler, mais il n'y avait pas de violence, il n'y avait rien.
    La drogue a amené le vol, le proxénétisme et la violence. M. Ménard a dit plus tôt qu'il n'aimait pas votre philosophie. Or, elle est beaucoup plus proche des honnêtes gens et des victimes. J'aimerais entendre votre point de vue sur la distinction en question.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Si on commence, dans ce comité, à donner à penser que certains se préoccupent davantage que d'autres des honnêtes gens... Je me préoccupe tout autant des honnêtes gens de mon comté que vous le faites de votre côté. S'il y a des problèmes de prostitution, les indications permettent de porter des accusations en vertu des articles 210, 211 et 212 du Code criminel. Ne confondez pas tout et soyez rigoureux.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.

[Français]

    Vous n'avez pas le monopole de la vertu.

[Traduction]

    Veuillez adresser vos observations au ministre, s'il vous plaît.

[Français]

     Monsieur le ministre, vous avez déposé le projet de loi C-9, et j'aimerais savoir quelle était l'intention concernant les actes commis avec violence par opposition à ceux commis sans violence. Il semble y avoir un problème. Certains actes qui nous sont proposés ne donnent pas à penser, à premier abord, qu'ils sont violents. Par contre, lorsque qu'une personne les commet, cela entraîne d'autre violence envers des enfants, des jeunes filles, que ce soit des agressions sexuelles, de l'inceste ou d'autres actes. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

    Monsieur Petit, je pense que vous avez soulevé un point très important. Dans la pratique, il est très difficile d'établir la distinction entre un acte commis avec violence et un acte commis sans violence. Certes, dans certains cas, c'est clair, comme quand quelqu'un se fait frapper avec une batte de base-ball, c'est un acte commis avec violence. Mais l'exemple que vous venez de nous donner, le trafic de drogue, va mener un jeune homme ou une jeune femme à la toxicomanie, et ils seront obligés de voler ou cambrioler pour pouvoir payer la drogue. Cette violence découle d'une autre infraction. Toutes ces infractions sont liées, alors il est très difficile de dire qu'on ne peut s'occuper que d'actes commis avec violence, et on ne peut pas dire qu'une infraction contre des biens n'est pas importante. Je pense que nous ne devons pas perdre de vue la perspective de la victime.
    Je vous félicite d'avoir mis l'accent sur cette perspective afin que nous puissions équilibrer le système de justice pénale. Il ne s'agit pas seulement de réhabiliter l'auteur de l'infraction. Il faut également protéger les victimes et empêcher les jeunes enfants de suivre le chemin de la criminalité. Ce texte vise à s'assurer qu'en cas d'actes graves ou violents, ces peines avec sursis ne s'appliquent plus. Je reconnais que dans certains cas, il y aura des ordonnances de condamnation avec sursis et des ordonnances de probation, et comme je l'ai dit, je préfère ce type d'ordonnances pour des raisons pratiques.
    Nous avons estimé que le critère de 10 ans ou plus correspond à un acte criminel que le Parlement estime être très grave. M. Lee a fait remarquer que le vol de bétail dans le centre-ville de Toronto n'est pas si grave que ça. Certes, mais dans la circonscription de M. Thompson, où encore la mienne, c'est une question importante. Quand les agriculteurs se démènent pour subvenir à leurs besoins et que quelqu'un leur vole leur gagne-pain, c'est une question grave, et la punition doit être tout à fait appropriée. Dans certains cas, il est possible qu'une ordonnance de probation soit suffisante, mais très franchement, dans la mesure où le Parlement a établi que 10 ans ou plus correspondait à une infraction grave — et j'estime que 10 ans ou plus, c'est une infraction grave — c'est ce que nous avons choisi de retenir.
    M. Ignatieff, M. Bagnell et M. Lee ont-ils soulevé des points intéressants? Ce texte est-il trop vaste et trop général? Je suis prêt à réfléchir à tout cela, mais j'exhorte le comité à ne pas seulement penser à l'auteur de l'infraction au cours de ses délibérations, mais également de prendre en compte la victime. Je suis satisfait de constater que ce sera le cas, étant donné les propos que vous avez tenus, monsieur Petit.

  (1730)  

    Je vous remercie, monsieur Petit.
    Madame Barnes, la parole est à vous.
    Je tiens à signaler aux membres du comité que j'ai donné beaucoup plus de temps aux intervenants que le veux la règle. Je vais toutefois être plus strict pendant ce second tour.
    Très bien, je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Avant la chute du dernier Parlement, lorsque nous nous sommes penchés sur cette question dans le cadre du projet du loi C-70, le texte législatif couvrait non seulement les infractions de préjudice corporel grave mais aussi les actes terroristes et de gangstérisme. De plus, on désignait de manière distincte les infractions qui, en raison de leur nature ou de leur circonstances, devaient en priorité faire l'objet de dénonciations.
    Ainsi que nous le savons, depuis 1995-1996, l'article 718 qui imposant un critère de proportionnalité est inscrit dans le Code et régit nos principes de détermination de la peine, et cette disposition, jusqu'à l'article 718.2, vont demeurer. Par conséquent, le projet de loi soulève des préoccupations très immédiates à cet égard car, monsieur le ministre, vous avez parlé d'accorder des pouvoirs discrétionnaires à la police et à la Couronne lorsqu'il s'agira d'inculper quelqu'un. Ça nous amène donc à nous demander si ces deux derniers auront tendance à exagérer dans un sens ou dans l'autre, afin de contourner les règles trop strictes du tribunal.
    Parmi ceux dont les pouvoirs seront ainsi diminués, il y a le juge en exercice, celui qui a saisi les faits, qui connaît la loi et la fourchette des peines. Là où je veux en venir, c'est que les principes encadrant la détermination des peines sont inscrits dans le Code criminel, où ils sont demeurés immuables, et qu'un juge s'avérera obligé par le Parlement d'imposer une peine proportionnelle, bien qu'à ses yeux, une peine avec sursis, fruit de deux étapes, soit appropriée. Si le projet de loi est adopté tel quel, dans bon nombre de situations, le juge en exercice n'aura plus cette latitude.
    Le projet de loi précédent comportait une petite échappatoire; il pouvait y avoir une présomption défavorable à une peine avec sursis, mais si un juge arrivait à la conclusion ferme que des faits précis ou des circonstances atténuantes justifiaient une telle conclusion, alors... Et rappelons que de telles circonstances sont inscrites dans le Code criminel et que le juge est censé en tenir compte, tout comme du droit jurisprudentiel accumulé à leur sujet. Et tout cela va être retiré au juge.
    Je pense à des choses semblables à... Vous avez minimisé l'importance de mécanisme approprié, vous avez affirmé que ce n'est pas tellement important. Pourtant, Mme Kane vous dira par exemple que, dans bien des cas au Canada, les traitements prescrits sont une composante importante des peines avec sursis, et il est très difficile de recourir aux autres dispositions pour obtenir leur exécution.
    Comment conciliez-vous les pouvoirs discrétionnaires d'un juge en exercice et le principe de la proportionnalité, tout en tenant compte de la responsabilité du délinquant telle qu'inscrite dans le Code?
    Il ne s'agit nullement ici de savoir si cela concerne les victimes ou la police, ou les autres intervenants du système de justice, et n'oublions pas non plus le contribuable. Il s'agit de manière précise de nos lois, car vous n'avez pas modifié les articles qui se rapportent à cela. Or, ils sont essentiels, et dans un sens, on se trouve ici à tout simplement les... À mon avis, dans des circonstances exceptionnelles, comme par exemple lorsqu'il y a une présomption défavorable à la peine avec sursis, peut-être y aurait-il lieu de s'en remettre au juge pour rédiger les attendus, faire en sorte qu'il puisse siéger. Nous avons tous eu connaissance de causes qui n'étaient pas conformes à la norme.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela, monsieur le ministre.

  (1735)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    C'est précisément la petite échappatoire évoquée par vous qui me préoccupait dans le projet de loi C-70, car pour en avoir fait l'expérience, ces petites fentes ont l'art de se transformer en ouvertures béantes, par lesquelles les causes s'échappent régulièrement. Cela me rappelle étrangement l'article de dernière chance, dont on devait rarement se servir et qui a pourtant été utilisé régulièrement. Je suis donc très préoccupé par ce genre de petites échappatoires.
    Il incombe au Parlement d'établir les règles de base et les minimums en ce qui a trait à la détermination de la peine. À mon avis, cela n'enlève pas aux juges leur pouvoir discrétionnaire. Lorsque j'étais procureur, je me souviens d'un juge qui avait donné le choix à quelqu'un soit de purger sa peine en prison, soit d'opter pour la condamnation avec sursis assortie d'une ordonnance de probation portant traitement; en règle générale, les gens choisissaient le traitement, et cela longtemps avant qu'on ne crée les peines avec sursis. Je me souviens que le traitement faisait partie des programmes, et cela remonte aux années 70, quand j'exerçais encore. Je crois me souvenir que les peines avec sursis n'ont rien ajouté à cet égard.
    Si c'est un problème de nature juridique que vous craignez voir apparaître, il n'y en aura pas, si, d'emblée, l'on établit clairement que toute infraction punissable d'au moins dix ans de réclusion n'est pas admissible à une peine avec sursis. Les principes de proportionnalité et autres énoncés aux articles 718 et 718.2 doivent donc être interprétées à la lumière de cela. Ainsi, par exemple, dans le cas de peines minimales d'emprisonnement obligatoires qui s'appliquent maintenant lorsqu'il y a eu crime avec armes à feu et qui sont inscrites dans le Code criminel, personne n'affirme qu'elles portent atteintes aux principes de la proportionnalité, du fait qu'elles retirent des pouvoirs au juge.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Monsieur Ménard, allez-y, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    On sait que le rôle des parlementaires est de prendre des décisions fondées sur des données probantes en se tenant à bonne distance de certaines émotions. Vous savez à quel point je suis un homme rationnel et comme je fais les choses en appliquant la maîtrise de soi.

[Traduction]

    Avez-vous dit irrationnel? Je n'ai pas capté l'interprétation.

[Français]

    Ne me blessez pas; je suis un homme sensible.
    J'ai appris que vos fonctionnaires vous avaient déconseillé de déposer un tel projet de loi. On vous a expliqué qu'il y avait très peu de liens entre le durcissement des peines assorti d'une limitation à l'accès aux peines avec sursis et l'objectif que vous recherchez.
    Alors, serviez-vous assez généreux — et je sais que vous l'êtes au fond de vous-même — pour nous remettre les notes d'information que vos fonctionnaires ont rédigées, de sorte que nous puissions prendre des décisions fondées sur des données probantes?
    Vous avez mis le doigt dans le dangereux engrenage de l'idéologie et vous le savez très bien. Vous proposez ce projet de loi, mais vous ne nous fournissez pas de données probantes à l'appui. Vous n'êtes même pas en mesure de nous dire quel est le taux de récidive dans le cas des gens qui ont bénéficié d'un emprisonnement avec sursis. J'ai hâte d'entendre ce que diront vos hauts fonctionnaires jeudi.
    Vous et moi, nous sommes sérieux; nous aimons la politique et le Parlement, mais pour prendre des décisions...

  (1740)  

[Traduction]

    Laissez-moi savoir ce que vous aimeriez que l'on dépose, et je verrai si je peux répondre à vos souhaits.

[Français]

    Je voudrais voir les notes de vos fonctionnaires.

[Traduction]

    Vous savez, parce qu'un fonctionnaire du ministère exprime un certain avis au sujet de quelque chose, cela ne signifie pas nécessairement que cet avis va devenir une politique officielle. Il peut certainement m'arriver d'être en désaccord avec m'importe lequel de mes conseillers...

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    ...et je pense que cela s'est déjà fait auparavant.

[Français]

    Mais ces gens sont informés; ils ont eu accès à des données. Il y a dans votre ministère des études longitudinales et des personnes qui en suivent l'évolution. De notre côté, notre travail consiste à prendre des décisions fondées sur des données probantes en nous tenant à bonne distance de toute forme d'émotion.

[Traduction]

    Vous avez sans doute entendu Mme Kane parler du caractère concluant de la preuve, mais si vous me communiquez ce que vous souhaitez, je vais voir si je peux y répondre de façon favorable.  

[Français]

    Je voudrais voir les notes d'information que vos fonctionnaires vous ont remises.

[Traduction]

    Vous êtes mon ami, vous le savez bien.
    Présentez une demande, et nous verrons si nous pouvons y satisfaire.

[Français]

    D'accord.
    Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste le temps de poser une seule très brève question.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Je suppose que c'est d'ami à ami.

[Français]

    Bien sûr.
    Je trouve que c'est tellement intéressant quand vous venez au comité: vous devriez venir plus souvent.
    Monsieur le ministre, la distinction entre les crimes avec violence et ceux sans violence a une certaine importance. Lorsqu'en 1996 on a adopté l'emprisonnement avec sursis, un rapport fédéral-provincial-territorial a été soumis au ministre Rock. Deux préoccupations y étaient formulées. D'abord, on croyait que la population carcérale allait croître de 50 p. 100. Ensuite, on voulait s'assurer, d'une part, que les personnes incarcérées seraient celles ayant commis les crimes les plus violents et, d'autre part, que celles restant dans la communauté soient susceptibles d'être réhabilitées. Le Bloc québécois, quoiqu'en dise M. Petit avec le manque de rigueur qu'on lui connaît, considère que la distinction faite entre ces deux groupes mérite d'être présente dans le débat public. Je suis sûr que nos concitoyens seront d'accord avec cette distinction.
    Reconnaissez-vous qu'en 1996, quand le projet de loi C-41 a été adopté, la motivation était beaucoup plus rationnelle que celle que vous avez décrite au comité cet après-midi?

[Traduction]

    Je ne veux pas entrer dans les détails du projet de loi de 1996, qui a éliminé le droit pour les victimes d'obtenir un dédommagement, par exemple, en s'adressant aux tribunaux. Dans les faits, on a même dit à ces victimes de demander une ordonnance au civil puis d'essayer de la faire exécuter pour obtenir un dédommagement, par exemple, de la part de membres d'un gang. Cela a eu des effets tout à fait désastreux sur l'administration de la justice. Imaginez-vous une personne âgée vivant à Montréal et dont la clôture a été détruite par un membre d'un gang de rue et que ce membre de gang ait reçu l'ordre de dédommager la victime...

[Français]

    Soyez honnête: ce n'était pas le but du projet de loi C-41.

[Traduction]

    Permettez-moi de terminer.
    Monsieur Ménard, nous allons permettre au ministre de répondre. 
    Le membre de gang a reçu l'ordre de dédommager la victime...

[Français]

    Ce n'était pas le but du projet de loi C-41.

[Traduction]

    ...et puis les tribunaux disent qu'ils regrettent de ne pouvoir faire exécuter l'ordonnance de dédommagement au profit de la victime; cette dernière doit s'adresser aux tribunaux civils et poursuivre personnellement la personne qu'il l'a lésée.

[Français]

    Relisez le rapport fédéral-provincial-territorial.

[Traduction]

    Encore une fois, une chose fondamentale...
    Monsieur Ménard, votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    Vous êtes de mauvaise foi.

[Traduction]

    Monsieur Comartin.
    Je passe, monsieur le président.
    Monsieur Comartin, vous passez?
    Est-ce que je peux avoir votre temps de parole?

[Français]

    Je pense qu'il est trop tard, Réal.

[Traduction]

    Vous pouvez me parler plus tard.
    Monsieur Moore.
    Monsieur le ministre, on a beaucoup parlé aujourd'hui du pouvoir discrétionnaire et du fait que ce projet de loi enlèverait quelque chose à ce pouvoir discrétionnaire. Mais selon ma compréhension du projet de loi, lorsqu'un procureur décide, en vertu de ce pouvoir discrétionnaire, que l'infraction est peut-être moins grave, compte tenu de toutes les infractions ou circonstances possibles, lorsqu'on décide que c'est moins grave, si on procède par procédure sommaire plutôt que par mise en accusation, il est toujours possible d'avoir une peine d'emprisonnement avec sursis. Je dirais qu'ainsi, le procureur de la Couronne aurait toujours un pouvoir discrétionnaire considérable. Avez-vous quelque chose à dire à cet égard?

  (1745)  

    Non, je crois que c'est une observation juste dans le cas où l'infraction est moins grave. Cela se fait régulièrement devant les tribunaux. Dans le cas d'une infraction dite mixte, le procureur peut procéder soit par mise en accusation soit pas procédure sommaire. Les procureurs font ça tous les jours, des milliers de fois, et font ce genre de distinction.
    Dans le cadre donc d'une procédure sommaire, les peines d'emprisonnement avec sursis ne seraient pas proscrites. Donc, par rapport aux préoccupations qu'ont exprimées certains députés de l'opposition à propos des cas moins graves, quant à l'opportunité de préserver ce pouvoir discrétionnaire, ce pouvoir discrétionnaire existe non seulement dans ce contexte-là, mais aussi dans le contexte des sursis au prononcé de la peine et des ordonnances de probation.
    J'ai beaucoup entendu parler de la question de savoir si certaines de ces infractions sont plus graves ou moins graves. Même si le Parlement a déjà décidé qu'il s'agit d'infractions plutôt graves dans notre Code criminel, on entend dire que pour une raison ou pour une autre, certaines sont graves et d'autres ne le sont pas. Mais personne n'a énuméré les infractions qu'on devrait retrancher, et je n'ai pas vu clairement...
    Nous l'avons entendu : monsieur Lee aimerait qu'on enlève le bétail et les ordinateurs.
    Qu'est-ce qu'on pourrait qualifier de crime grave? En Colombie-Britannique, nous le savons, les vols de voiture sont un problème grave de criminalité. Peut-être n'est-ce pas un problème aussi grave dans ma circonscription, mais peut-être que dans celle de quelqu'un d'autre, un problème grave de criminalité serait le vol de bétail. Les victimes — et je pense qu'il est important de ne pas perdre de vue les victimes — ne veulent pas que quelqu'un qui vient juste de voler leur voiture, leur bétail, leurs biens ou, dans le cas d'un cambriolage avec infraction, se trouve de façon illicite dans un logement quelconque, se retrouve au milieu de la collectivité. Voilà je crois ce que nous sommes nombreux à entendre, qu'il s'agit là des cas les plus graves et que par conséquent ces criminels ne devraient pas pouvoir purger leur peine dans la collectivité.
    Comment serait-il possible de voir les choses sous l'angle de la victime? Quand quelqu'un se trouve chez lui, dans sa maison — vous en avez d'ailleurs parlé — et qu'il est la victime d'un cambriolage avec infraction, n'est-ce pas précisément là qu'il faut lui donner le sentiment que justice a été faite? Je pense que c'est là le genre de choses qui a tendance à être passée sous le silence dans nos discussions lorsque nous nous empressons plutôt de penser au criminel; ce sentiment justement de savoir si dans le cas d'espèce justice a bien été rendue.
    Je pense que c'est effectivement très important, et, bien évidemment, il y a une autre chose très importante : le fait que notre gouvernement a mis en réserve 26 millions de dollars pour améliorer, partout au Canada, les services à l'intention des victimes. Nous pensons que c'est extrêmement important. Il ne faut pas seulement donner voix au chapitre aux victimes, ce que ce financement permettra de faire selon nous, mais il faut également que cette voix au chapitre soit entendue. Et une partie de cela est bien évidemment, une peine qui correspond au crime.
    Le problème des cambriolages, les entrées par infraction, affecte beaucoup de gens. Il y a deux jours, mon fils me racontait que son appartement avait été cambriolé et que non seulement on lui avait volé des choses, mais on avait également volé des biens qui m'appartenaient. A-t-il fait un rapport de police? Non. Les gens ne font pas de rapport de police pour ce genre de choses parce qu'ils savent fort bien que cela ne donne jamais rien. Est-ce que je fais un rapport de police? Est-ce que mon fils fait un rapport de police? Non, simplement parce qu'on a le sentiment que quoi qu'il arrive, il n'y aura pas de conséquence.
    Par contraste, je peux vous dire que dans certains États comme la Floride... Quelqu'un m'a raconté qu'on avait cambriolé sa voiture et dix autres voitures qui n'étaient pas loin et que la police avait dépêché sur place une équipe d'enquêteurs. Ceux-ci ont immédiatement prélevé des échantillons d'ADN à partir de traces de sang. Il y a eu des arrestations, les coupables ont été traduits en justice. En Floride, il n'y a guère de récidivistes. Surtout parmi les cambrioleurs, parce que les Américains prennent très au sérieux les crimes contre les biens.
    Malheureusement, je pense qu'en raison des lois que nous avons eu au fil du temps, les gens ici ont tendance à dire : « Vous savez, j'aime bien cet article, mais que faire? » Et je pense que cette attitude regrettable doit changer. Que nous pouvons la changer en donnant aux victimes une voix au chapitre, non seulement en leur permettant d'intervenir davantage devant les tribunaux, mais également en prévoyant des peines efficaces et dissuasives, des peines qui disent bien que la propriété personnelle est quelque chose qui vaut de l'argent — puisque pour acquérir des biens, il faut sortir de chez soi, aller travailler et gagner de l'argent — et que personne n'a le droit de voler.

  (1750)  

    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Bagnell.
    Merci.
    En ce qui concerne votre dernière réponse, je ne parlerai pas du système américain. C'est un des pires au monde et c'est un système qui a un des niveaux le plus élevé d'incarcérations, et la plupart de ces personnes ont récidivé parce que l'incarcération n'a pas fonctionné.
    Ma question porte sur les victimes. Nous sommes très préoccupés — les trois partis de l'opposition — par le sort des victimes, et nous voulons les protéger, les personnes dont vous avez parlé qui ont été victimes une seconde fois, comme les Autochtones, et ceux qui n'ont pas encore été victimes. Je pense que cette loi pourrait rendre la société moins sécuritaire et créer plus de victimes au lieu d'en créer moins, et cela, de trois façons.
    Premièrement, dans tous les cas où on est obligé de procéder par mise en accusation, certains procureurs qui sont des personnes très raisonnables ne poursuivront pas en justice, parce qu'ils savent que cela n'a pas de sens pour la société et que la personne en question ne devrait pas faire de la prison.
    Monsieur Bagnell, puis-je vous interrompre? C'est tout à fait absurde. Si vous soulignez une cause en vertu de laquelle un procureur qui a la possibilité raisonnable d'une condamnation au criminel ne poursuit tout simplement pas à cause de la peine, j'aimerais bien voir...
    Vous allez voir...
    ...parce que cela porte atteinte aux principes directeurs de toutes les poursuites au Canada.
    Vous verrez ce genre de choses si un châtiment raisonnable n'est pas disponible.
    Le deuxième volet concerne ceux qui peuvent procéder par mise en accusation et par procédure sommaire. Dans certains cas, ils choisiront de procéder par poursuite sommaire et les peines seront plus courtes, tandis qu'ils auraient pu avoir plus de réadaptation et une peine plus longue.
    Et dans les derniers cas, il y a ceux...
    Permettez-moi de répondre à cela, monsieur Bagnell.
    Avec une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la condamnation à l'emprisonnement avec sursis est toujours une possibilité. Comment est-ce possible que le traitement ne soit pas disponible?
    C'est ce que je dis; ce sera le problème. Les procureurs choisiront la procédure sommaire; c'est ce qu'ils accorderont à la personne, mais la peine sera plus courte que s'ils avaient choisi de procéder par voie de mise en accusation et d'utiliser une peine avec sursis, en vertu de laquelle le traitement aurait pu être plus long et l'accusé aurait peut-être par la suite posé moins de risque à la société.
    Et finalement, ce qui sera appuyé par la preuve, il y aura un certain nombre de personnes qui seront réadaptées par les conditions diverses qui vont de pair avec les peines avec sursis: le traitement, l'éducation, un traitement personnalisé, la maîtrise de la colère, le traitement pour la toxicomanie, etc.
    Je ne vous demande pas d'accepter ma parole parce que je sais que ce ne sera pas le cas. Donc ma question est la suivante: si les témoins — et nous avons une liste formidable de témoins très bien informés, d'excellents criminologues comme a dit Mme Kane — semblent indiquer que ce projet de loi rendra la société moins sécuritaire et créera plus de victimes, seriez-vous prêts à retirer entièrement le projet de loi, ou au moins les parties qui rendront la société moins sécuritaire selon les experts?
    Monsieur Bagnell, vous écouterez les témoignages et prendrez une décision. C'est vous le comité. Je suis convaincu que c'est l'approche appropriée; c'est une approche équilibrée. Il s'agit en fait de se préoccuper des victimes et de s'éloigner de l'habitude de toujours accorder tous les droits aux criminels.
    Nous croyons que les victimes devraient avoir leur mot à dire et que les principes de la dénonciation et la dissuasion sont tout aussi importants que certains autres principes, sinon plus.
    Merci, monsieur Bagnell. Je sais que vous voulez partager votre temps avec M. Lee.
    Merci.
    Une question.
    Je vais laisser une question de côté parce qu'il n'existe probablement pas encore de réponse. Mais si elle existe, je voudrais bien croire qu'il y aura peut-être des renseignements qui nous seront acheminés plus tard, si jamais ça devient une préoccupation.
    Il s'agit de la décision prise par les procureurs à savoir s'ils procéderont par mise en accusation ou par procédure sommaire. D'après la structure de ce projet de loi, il y aura un nouvel ensemble de variables qui joueront dans cette décision — autrement dit, quand le procureur prend la décision. Dans le passé, il s'agissait de l'ancienne séparation dans le Code criminel entre les poursuites par procédure sommaire et celles par mise en accusation. Maintenant, les possibilités de prononciation de la peine y seront touchées.
    La question que ne je voulais pas poser — parce que je suis certain qu'il n'existe pas encore de réponse — est la suivante: est-ce que cela soulève la possibilité qu'une personne puisse plaider, après la Charte, qu'elle est victime de mesures arbitraires découlant de la décision du procureur? Ce n'est pas le juge qui prend la décision; ce n'est pas en vertu de la loi. Au lieu de cela, c'est au procureur de prendre la décision, ce qui comporte cette implication ou cette dimension supplémentaire. Je soulève tout simplement la question à savoir si cela pourrait être examiné en fonction de la Charte ou non, pour déterminer si des mesures arbitraires ont été exercées par la poursuite, des mesures touchant les droits et libertés de l'individu d'une façon déterminante et d'une façon qui ne respecte peut-être pas la loi...

  (1755)  

    Non...
    — et en fonction du droit criminel également. Je m'en tiendrai à cela.
    Non. Je pense que la réponse est assez claire à savoir que la discrétion exercée quotidiennement maintenant par les procureurs n'a pas été vue comme une violation de la Charte.
    Pas encore. Je vous souligne tout simplement que les conséquences de cette décision pourraient être importantes, et à savoir si tout cela changera l'analyse... Je vous laisse le soin de déterminer cela, ainsi que vos fonctionnaires.
    Monsieur Lee, il me semble que...
    Et je pourrais vous la poser à nouveau.
    ...il serait bizarre que l'on puisse révoquer le régime de peine avec sourcil entièrement, et que cela ne soit pas une violation de la Charte...
    C'est possible.
    ...pourtant si vous permettez une certaine limitation ou discrétion dans un contexte qui pourrait être à l'avantage d'un accusé, dans certains cas, ce serait d'une certaine façon une violation de la Charte. Je trouve cela difficile à croire.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous voulons vous remercier, monsieur Toews et madame Kane, de votre comparution ici. Je pense que le débat a été très intéressant. Merci.
    La séance est levée.