Passer au contenu
Début du contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 070 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Français]

    Conformément à l'ordre de renvoi du 22 novembre dernier, le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées poursuit aujourd'hui son étude du projet de loi C-303. Nous avons des témoins ici, à Ottawa, ainsi qu'un témoin par vidéoconférence, M. Shanker, que nous saluons aussi. Chaque groupe va disposer de sept minutes pour sa présentation.
    Comme il est prévu que nous, les députés, soyons appelés à compter de 17 h15 pour la tenue d'un vote, je propose à chaque membre du comité deux tours de table de cinq minutes, jusqu'à la tenue du vote à 17 h 30.
    Sans plus tarder, je donne la parole à nos invités. Vous avez sept minutes pour faire vos présentations. Si vous êtes d'accord avec moi, nous allons d'abord entendre M. Shanker, qui nous parle par vidéoconférence.

[Traduction]

    On m’a invité à vous parler parce que je porte deux casquettes, l’une de directeur de l’Institut de neuroscience à l’Université York et l’autre de président du Council for Early Child Development.
    Je ne vais pas passer au travers de tout le document que je vous ai soumis, préférant m’attarder sur les points fondamentaux susceptibles d’avoir une incidence sur les décisions que prendra votre comité, surtout que vous essayez de faire le point sur les avantages que peuvent rapporter les investissements dans le développement de la petite enfance.
    Je commencerai par vous entretenir de ce que nous savons à l’heure actuelle des répercussions que les déficits biologiques ont sur la capacité d'un enfant de s’épanouir à l’école.
    Nous avons affaire à une cascade de problèmes. Les déficits varient d'intensité, allant de très graves — pour correspondre alors à un trouble diagnosticable — à modérés, mais suffisamment importants pour gêner la concentration de l’enfant, pour l’empêcher de nouer des amitiés et de comprendre les règles du milieu scolaire. La gamme des enfants concernés est très vaste. Nous estimons que 50 à 60 p. 100 de nos enfants souffrent de problèmes à divers degrés dans la façon dont ils traitent l’information.
    L’étude du cerveau en développement nous a appris qu’au moment où l’enfant atteint six ou sept ans, quand il rentre à l’école, son cerveau a établi des connexions qu’il sera ensuite très difficile de modifier. C’est la raison pour laquelle tant d’enseignants et d’administrateurs scolaires nous disent qu’ils peuvent prédire les chances de réussite d’un enfant à l’école, dès ses premières expériences en milieu scolaire. Donc, si nous voulons améliorer le potentiel de développement de l’enfant, il faut intervenir très tôt dans sa vie.
    Ma deuxième remarque est directement liée à la précédente. Nous avons réalisé une percée très intéressante dans le domaine de la neuroscience du développement au cours des cinq à sept dernières années, en ce sens que nous sommes parvenus à dépister chez les très jeunes enfants les signes très subtils de leur défaut d’attention, de leur capacité de moduler leur comportement ou de comprendre les gestes de communication d’un interlocuteur. Si nous intervenons auprès de ces enfants — ce qui est très facile à faire dans le genre de centre de développement pour enfants que nous proposons — il est possible d’atténuer grandement et même, dans bien des cas, de prévenir carrément l’aggravation des problèmes que nous constatons chez les enfants aujourd’hui.
    Tandis que nous nous efforçons de comprendre ce qui se passe dans notre société, nous constatons la présence de toutes sortes de stress et de changements physiques, environnementaux et sociaux qui semblent donner lieu à un certain nombre de problèmes d’ordre biologique dont je vous parlais. Ces problèmes sont simplement attribuables, en partie aux exigences que nous imposons à nos enfants et, en partie à leur environnement social qui change rapidement.
    Ce projet de loi est, pour nous, l’occasion de discuter de la possibilité d’instituer un programme universel. Celui-ci doit être universel, parce que la science nous montre que ces problèmes ont des répercussions sur tous les secteurs de la société. En fait, la grande majorité des enfants que j’accueille à mon institut appartient à la classe moyenne, à des milieux relativement aisés.
    Notre intention n’est pas, avec ce programme universel, d’améliorer les capacités de base des enfants; nous voulons plutôt déceler leurs problèmes et éviter que ceux-ci ne s’aggravent avant que les enfants n’entreprennent un cursus scolaire normal, puisque c'est à l'école que l’on détecte en général les problèmes en question et qu’il est alors très difficile d’en infléchir les effets.

  (1540)  

    Je m’arrêterai là, parce que je crois être arrivé au bout de mes sept minutes, mais n’hésitez pas à me demander de revenir sur mes observations.

[Français]

    Il vous reste encore du temps, monsieur Shanker.

[Traduction]

    Bon, eh bien, je vais vous parler de ce que nous faisons à mon institut.
    Nous travaillons auprès de toutes sortes d’enfants, pas uniquement de ceux qui ont des problèmes graves, mais aussi de ceux qui ont de la difficulté à comprendre ce que veut faire un petit camarade désireux de jouer avec eux. Nous travaillons auprès d’une éventail très varié d’enfants chez qui nous étudions le développement du cerveau. Nous sommes maintenant en mesure de définir ce qui constitue un rythme de développement sain du cerveau chez l’enfant et nous pouvons aussi déterminer à quelles expériences il y a lieu d’exposer un enfant pour qu’il fonctionne sainement.
    Tout ce que nous faisons nous enseigne que les parents sont appelés à jouer un rôle fondamental dans ce processus et c’est la raison pour laquelle tout notre programme est articulé autour des parents que nous voulons outiller. Nous intervenons non pas dans des salles de classe, mais en contact avec les parents à qui nous donnons les outils nécessaires pour qu’ils puissent contribuer au développement du cerveau de leurs enfants ou détecter très tôt les problèmes susceptibles de se poser afin de prendre les mesures efficaces qui s’imposent pour en réduire la gravité.
    Nous étudions également ce qui s’est fait dans des pays qui ont appliqué des programmes grand public, c’est-à-dire des programmes universels fondés sur les principes que je viens de vous décrire. Jusqu’ici, nous avons constaté non seulement que le taux d’alphabétisation augmente, mais que le nombre de problèmes sociaux diminue considérablement, sans compter que ces pays enregistrent des taux nettement inférieurs de troubles du développement, de troubles psychologiques et de troubles du comportement qui sont en pleine progression au Canada.

[Français]

    Merci, monsieur Shanker. Nous allons maintenant entendre Mme Gott et Mme Wilson, de l'organisme Rural Voices for Early Childhood Education and Care.

[Traduction]

    Je m’appelle Carol Gott et, avec ma collègue Jane Wilson, je co-gère Rural Voices for Early Childhood Education and Care.
    Rural Voices est un courtier du savoir, de l’apprentissage et des meilleures pratiques dans le domaine de l’éducation et des soins des jeunes enfants, qui œuvre à l’échelle locale, provinciale et nationale.
    Comme nous vous avons fait remettre notre mémoire, nous allons simplement vous résumer notre point de vue sur la question.
    Jane et moi donnons bénévolement de notre temps et de notre énergie pour instaurer un lien entre les collectivités rurales, éloignées et du Nord parce que nous savons toutes deux à quel point il est difficile de créer des services de qualité, souples et adaptés dans nos collectivités rurales, et cela pour servir les familles et les enfants.
    La tâche est difficile, mais elle n’est pas impossible. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas non plus gagné d'avance parce que notre pays ne s’est pas fixé comme priorité de faire en sorte que chaque enfant bénéficie du meilleur départ possible dans la vie et que chaque parent, quelle que soit sa situation d'emploi, bénéficie du meilleur appui possible dans son rôle d’éducateur.
    Nous n’y parviendrons pas en laissant aux provinces et aux territoires la maîtrise des questions de la garde d’enfants. Dans un pays comme le nôtre, il est en effet socialement irresponsable d’espérer que chaque province ou territoire montre la volonté politique et dispose des moyens financiers nécessaires pour garantir l’égalité d’accès à des services de garde d’enfants et à des services de soutien de qualité. Depuis des décennies, la garde d’enfants relève de la compétence des provinces et des territoires, mais ce sont dans les régions rurales, éloignées et du Nord que l’on retrouve les plus graves problèmes d’accès à des services de garde de qualité. C’est vrai, que vous viviez dans une région rurale de l’Alberta, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Yukon, de n’importe quelle autre province ou de n'importe quel autres territoire.
    Nous ne parviendrons à garantir l’égalité d’accès aux services que si le gouvernement fédéral prend les rênes en main, ce qui peut débuter par l’adoption du projet de loi C-303.
    Chaque province et territoire, comme chaque communauté rurale, éloignée ou du Nord, a le sentiment d'être différent des autres. Bien que cette diversité soit appréciable à l’échelle locale, elle entrave notre capacité de progresser en tant que nation, nation qui a besoin d’apporter un solide appui à ses membres les plus jeunes.
    Certaines études confirment les bienfaits de la qualité des services de garde d’enfants pour les enfants et pour les familles et, récemment, une recherche effectuée par l’Université du Manitoba nous a confirmé les répercussions bénéfiques de la garde d’enfants sur le plan économique.
    Nous pouvons vous garantir, d’après ce que nous avons découvert en sillonnant le pays en tant que représentantes de Rural Voices, que les retombées de systèmes de garde de qualité pour les enfants, pour les familles et pour les collectivités sont nettement plus intéressantes et plus durables que n’importe quel document peut en attester. Bien qu’il ne s’agisse là que d’un début, Rural Voices estime que le projet de loi C-303 nous permettra d’élaborer un cadre grâce auquel les Canadiennes et les Canadiens des régions rurales, éloignées et du Nord seront en mesure de relever leurs défis quotidiens.
    Merci.

  (1545)  

[Français]

    Cela complète-t-il votre présentation ou avez-vous des choses à ajouter, madame Wilson?
    Elle est complétée en ce qui vous concerne?

[Traduction]

    Oui, et la seule chose que nous aimerions faire en matière de garde d’enfants, c’est rappeler que, dans notre mémoire, nous parlons en fait d’un continuum de services et de soins qui va bien au-delà de la façon habituelle dont on envisage la garde d’enfants. À l’échelon fédéral et dans bien des provinces et des territoires, on parle d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
    On songe dès lors aux services de garderie agréés sans but lucratif, mais aussi au genre de soutien dont bénéficient les familles, comme un appui à domicile ou la mise à disposition de ressources et l’appui des aidants naturels. Une chose est sûre, c’est que dans les régions rurales du Canada, quand on parle de garde d’enfants, on emploie le terme dans un sens très large. En ce qui nous concerne, nous considérons que la garde d’enfants s’adresse aux zéro à 12 ans, conception qui n’est généralement pas partagée par les acteurs de la scène politique.

[Français]

    Merci, madame Gott.
    C'est maintenant le tour de M. Dinsdale, de l'Association nationale des centres d'amitié.

[Traduction]

    Je commencerai par remercier le comité de l’occasion qu’il me donne aujourd’hui de lui parler du projet de loi C-303.
    Je m’appelle Peter Dinsdale et je suis directeur exécutif de l’Association nationale des centres d’amitié.
    Au cas où vous ne le sachiez pas, les centres d’amitié sont des agences communautaires ayant pour mandat d’améliorer la qualité de vie des Autochtones vivant en région urbaine. Nous sommes un organisme de prestation de services, mais pas un porte-parole politique ni un organisme de représentation, et nous sommes au service des membres des premières nations, des Métis et des Inuits résidant en secteur urbain.
    On dénombre actuellement 117 centres d’amitié partout au Canada et il est à espérer qu’il s’en trouve un dans les circonscriptions de la plupart des députés ici présents.
    D’après les résultats du recensement de 2001, la moitié des Autochtones vivent en région urbaine, la moitié sont âgés de moins de 25 ans et la moitié n’ont pas de diplôme du secondaire. Nous sommes donc très jeunes, très urbanisés et très pauvres. D’après les recherches effectuées par la Fédération ontarienne des centres d’amitié indiens, la moitié des enfants autochtones du Canada vivent actuellement dans la pauvreté .
    Autrement dit, nous travaillons pour un secteur incroyablement important de la population canadienne qui est visé par ce projet de loi.
    Les centres d’amitié sont également très présents dans les domaines de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Plus de 30 centres d’amitié au Canada offrent des services de garderie de jour sur place grâce à un financement de programmes qui dépasse les 7,5 millions de dollars. Ces programmes ne sont qu’une partie des 19,5 millions de dollars que nous consacrons aux services généraux s’adressant aux familles, et cela sur un budget annuel total de 114 millions de dollars administré par le mouvement des centres d’amitié.
    Comme tous ceux qui m’ont précédé, j’ai lu le projet de loi C-303 et je suis prêt à vous en parler. Je tiens simplement à vous signaler que nous avons soumis un mémoire expliquant l’appui que nous accordons aux programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Il est évident que le mouvement des centres d’amitié juge nécessaire la mise en place d'un réseau national.
    Nous tenons, cependant, à vous faire part de certaines remarques au sujet du projet de loi C-303 propos duquel nous entretenons quelques réserves. Nous ne sommes pas certains que celui-ci constitue le cadre approprié pour s’attaquer vigoureusement à des responsabilités qui relèvent des provinces. Débloquera-t-on les ressources nécessaires pour financer les normes très rigoureuses envisagées dans ce texte? La question la plus troublante que je me pose et qui est sans doute la plus troublante pour nous tous en général, est de savoir quelles répercussions ce projet de loi aura sur les Autochtones et les centres d’amitié pour lesquels nous travaillons. Comment ce projet de loi sera-t-il appliqué dans les réserves?
    Celui-ci ne traite pas des difficultés que va poser la nécessité de naviguer dans les eaux minées des compétences des uns et des autres, pourtant caractéristiques de ce secteur, puisque le programme envisagé sera financé par le gouvernement fédéral, qu’il sera surveillé par les provinces et les territoires et qu’il sera administré par des organisations commerciales et par des organismes sans but lucratif.
    Je me propose de vous entretenir de cinq aspects que nous trouvons troublants, et je parle ici au nom des centres d’amitié et de leurs clients.
    Il y a d’abord la notion d’universalité. Que donnera-t-elle sur le plan de l’accès des Autochtones vivant en région urbaine? Il faut bien comprendre que l’égalité d’accès n’est pas toujours synonyme d’égalité de résultats. Étant donné les énormes obstacles sociaux auxquels se heurtent les Autochtones, il est essentiel de disposer de programmes spécifiquement autochtones.
    Cela est important pour un certain nombre de raisons. Il a été établi que les programmes axés sur la culture sont plus efficaces pour s’adresser aux clients autochtones. Dans les programmes autochtones, le rétablissement du contact entre les générations est un élément important. Les modèles de comportement positifs, le rétablissement des liens au sein de la collectivité, la guérison des familles cellulaires et des familles étendues, la redécouverte des techniques traditionnelles et la prestation de services équivalents sont autant d’aspects favorables à la réussite d’un programme s’adressant aux enfants et aux parents.
    Le deuxième aspect qui nous préoccupe est celui des tarifs. Même les prix les plus bas pourraient être un obstacle important pour les Autochtones urbains. Le revenu moyen d’un Autochtone est de 14 533 $ par an, à en croire le recensement de 2001, contre 19 000 $ pour un non-Autochtone. Le revenu des ménages autochtones ne représente que de 87 p. 100 de celui des foyers non autochtones. Le taux de chômage des Autochtones est de 19,1 p. 100, contre 7,4 p. 100 pour la population non autochtone.
    Nous sommes pauvres. L’imposition de n’importe quel tarif à des familles autochtones constitue un obstacle très important qu’il faut tout de suite régler.
    Le troisième aspect qui nous préoccupe est celui des indicateurs de disponibilité. Il est clair que le projet de loi vise à couvrir le plus vaste territoire géographique possible pour favoriser l’accès à ce genre de service, mais le texte actuel ne nous convainc pas que les Autochtones sont considérés comme des clients importants sur les plans de la disponibilité des services et des programmes offerts.
    Notre quatrième sujet de préoccupation est celui des indicateurs d’abordabilité. Il est indiqué dans le projet de loi que les frais de service devraient correspondre à un pourcentage des salaires moyens dans chaque province ou territoire. Cette disposition nous fait craindre davantage que les Autochtones n’aient pas le même accès à ces services que les autres, parce que nos salaires sont très inférieurs à la moyenne des non-Autochtones, partout au Canada.
    Notre cinquième réserve concerne les indicateurs d’accessibilité. Encore une fois, le projet de loi cherche à favoriser un accès le plus large possible dans la façon dont il énonce les conditions d’admissibilité aux subventions qui sont caractérisées par un pourcentage d'enfants ayant des besoins spéciaux et par un pourcentage sur le plan géographique. Il semble par ailleurs exister une contradiction inhérente dans le fait d’utiliser les revenus des parents pour mesurer l’accessibilité. Les parents célibataires, notamment à cause de leur prévalence dans nos collectivités, risquent de fausser l’accès dans le cas des Autochtones, situation qui sera aggravée par l’incapacité des Autochtones de correspondre aux pourcentages établis en fonction des moyennes salariales des régions.

  (1550)  

    Enfin, l’aspect sans doute le plus troublant de tous tient au fait que le projet de loi ne reconnaît pas la compétence des premières nations, des Métis ou des Inuits de se doter de leurs propres programmes et de servir leurs propres populations. C’est un peu comme si l’on avait estimé que les peuples autochtones ne sont pas aptes à se gouverner, à offrir des services et à favoriser l’accès aux leurs. Nous ne voulons pas pour autant faire table rase de tout ce qui est proposé. Il est évident qu’il faut créer davantage de places pour l’apprentissage des jeunes enfants, partout au Canada, et que ce projet de loi est une noble tentative déployée dans ce sens. Il demeure, à la façon dont nous interprétons les choses, que si ce projet de loi devenait loi dans sa forme actuelle, il n’aurait que peu de répercussions positives pour les Autochtones dans les domaines dont il traite.
    Permettez-moi, encore une fois, de vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité et je me tiens maintenant prêt à répondre à vos éventuelles questions.

[Français]

    Merci, monsieur Dinsdale. Nous allons poursuivre avec Mme Bird et Mme Kass, du Syndicat canadien de la fonction publique.

[Traduction]

    Bonjour, je m’appelle Jamie Kass et je suis présidente du Groupe de travail sur la garde d’enfants du Syndicat canadien de la fonction publique.
    Je vous adresse les regrets de Paul Moist, président du SCFP, qui avait l’intention de m’accompagner, mais qui a été cloué au sol à cause du brouillard tandis qu’il rentrait de Gander.
    Le SCFP est le plus important syndicat au Canada. Il représente des travailleuses et des travailleurs de divers secteurs, y compris des services de garde. Nous faisons également partie du Congrès canadien du travail qui appuie notre position et qui représente quelque trois millions de travailleurs.
    Shellie Bird et moi-même allons nous partager ce bref exposé au nom du SCFP.
    Les services de garde sont un enjeu important pour un grand nombre de membres du SCFP dont les deux tiers sont des femmes, puisque l’on sait que celles-ci assument encore, en grande partie, la responsabilité d’élever les enfants.
    Tout d’abord, j’insisterai sur la nécessité de disposer d’un cadre législatif si nous voulons créer un réseau national de garde d’enfants Le gouvernement fédéral s’est retiré, depuis quelques années, de son rôle législatif important dans ce domaine à la faveur de la négociation d’ententes fédérales-provinciales-territoriales qui ont pour effet d’exclure le Parlement. Ces ententes, comme nous avons été à même de le constater dernièrement, peuvent être abrogées unilatéralement par la branche exécutive du gouvernement, sans qu’aucun débat n’ait lieu au Parlement.
    Une loi a aussi pour effet d’assurer la transparence. En général, les ententes bilatérales se négocient à huis clos et finissent par représenter le plus petit dénominateur commun des politiques fédérales et provinciales. Il semble à présent que le gouvernement fédéral abandonne la négociation d’ententes avec les provinces et les territoires pour préférer de simples transferts sans obligations ni cadres portant sur la création de programmes. Le résultat est une honte internationale.
    Selon un récent rapport de l’OCDE, le Canada était le seul pays à ne pas avoir d’objectifs relatifs à des programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Il n’a d’ailleurs pas répondu à la demande de l’OCDE d’adopter un cadre stratégique et d’effectuer une meilleure surveillance. Le rapport annuel au Parlement, prévu dans le projet de loi C-303, contiendra des données importantes pour le développement et l’amélioration du système canadien de services de garde.
    Le SCFP appuie aussi l’approche proposée pour régler le problème des services de garde commerciaux. En 2004, le SCFP prévenait qu’il y aurait des conséquences à mettre en œuvre un système privé de services de garde financé par l’État étant donné les obligations du Canada en vertu de différents accords commerciaux internationaux.
    Ce qui nous craignons, en un mot, c’est que les règles d’investissement et de services du commerce international puissent être appliquées si jamais les services de garde étaient dispensés sur une base commerciale. Les tribunaux commerciaux de l’ALENA et du GATS ne permettraient pas que nos groupements empêchent les chaînes étrangères de garderies d’accaparer la grosse part du marché dans ce secteur. Le GATS pourrait même restreindre le pouvoir de nos gouvernements de fixer et de faire respecter des normes dans le secteur des services de garde. Ce sont des risques qu’il y a lieu de ne pas prendre dans le cadre d’un nouveau programme national.
    Restreindre le développement des garderies commerciales n’est pas seulement une question de commerce. Un nouveau rapport souligne l’importance de s’assurer que le nouveau système canadien de services de garde est sans but lucratif. Cette étude nationale révèle que les garderies sans but lucratif offrent des services de meilleure qualité que les autres.
    Notre inquiétude relative au développement des garderies commerciales ne se veut pas alarmiste. L’expérience australienne des garderies commerciales sert un avertissement au Canada. En 1991, l’Australie était dotée d’une infrastructure de services de garde à prédominance sans but lucratif, mais voilà que le gouvernement a décidé d’accorder un financement au secteur commercial. Actuellement, plus de 70 p. 100 de ce secteur est détenu par des intérêts privés.
    La plus importante entreprise du genre en Australie est ABC Learning Centres. L’année où ABC a enregistré des bénéfices records, l’Australie a aussi fait piètre figure dans le rapport de l’OCDE sur la qualité des services de garde.
    Nous sommes heureux de constater, dans le projet de loi C-303, un engagement ferme envers un système public de services de garde sans but lucratif.
    Shellie va à présent conclure notre exposé en vous parlant plus particulièrement des travailleurs de ce secteur.

  (1555)  

    Le local 2204 du SCFP représente 230 puériculteurs et puéricultrices, cuisiniers et cuisinières, préposés à l'entretien et commis qui travaillent dans plus de 12 garderies d’Ottawa. Par ailleurs, ce personnel fait plus généralement partie des quelque 10 000 travailleurs du secteur de la petite enfance que représente notre syndicat.
    Nos membres, ainsi que des milliers d’autres travailleurs des services de garde d'enfants, appuient le projet de loi C-303 parce que celui-ci tient compte du lien direct qui existe entre la qualité de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants et la nécessité d’investir dans le personnel assurant ce genre de services
    Dans notre mémoire, nous précisons une chose que vous avez sans doute entendue des centaines de fois, soit que notre monde a changé. Comme une majorité de parents travaillent, des millions d’enfants canadiens doivent donc se faire garder par d’autres que par leurs parents.
    Nous savons également que les personnes qui s’occupent de ces enfants ont un effet marqué sur la qualité des soins et sur l’éducation qui leur sont donnés, ce qui n’empêche que les travailleurs des services de garde d’enfants sont particulièrement sous-payés, sous-évalués et mal reconnus. À cause de l’inaction des gouvernements qui ne reconnaissent pas ce personnel comme un élément fondamental de la qualité ou qui ne prennent pas les mesures voulues pour régler le problème des bas salaires chroniques, des avantages sociaux déficients et des mauvaises conditions de travail dans notre secteur, de moins en moins de gens décident de se lancer dans ce domaine ou d’y rester. On ne peut s’attendre à une amélioration de la qualité des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants si notre pays n’est pas prêt à reconnaître le rôle vital de ceux et de celles qui travaillent auprès des enfants.
    Ma formation, mes connaissances et mes 26 années d’expérience au contact des jeunes enfants me confèrent un véritable avantage pour les aider et leur offrir des occasions d’apprentissage susceptibles de les aider à se développer. Au risque de me vanter, j’associe ce que je fais pour aider les enfants inscrits dans notre programme — et qui consiste à leur donner confiance en eux, à faire en sorte qu’ils apprennent à se respecter, à ce qu’ils se sentent bien et intégrés et à ce qu’ils gèrent efficacement leur environnement immédiat — aux techniques et à la précision du chirurgien quand il manie le scalpel.
    Au fil des ans, j’ai développé et affiné certaines techniques particulières, comme le fait d’aider les enfants à instaurer des relations avec leurs camarades, à trouver des façons positives de régler leurs différends, à faire connaître leurs besoins, à partager avec les autres, à être en colère, à faire du mal à quelqu'un et à se réconcilier ensuite avec lui, à apprendre et à faire des expériences sans être jugés, autant de techniques qui profitent aux enfants avec qui je travaille. Nous avons besoin davantage de programmes de ce genre.
    Ce projet de loi, s’il est accompagné d’un budget suffisant, donnera la possibilité à notre secteur d’améliorer les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail du personnel qui nous permettront d’attirer et de maintenir en poste une main-d’œuvre spécialisée dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, motivée et mobilisée grâce à laquelle nous pourrons donner aux enfants ce dont nous savons qu’ils ont besoin pour qu’ils s’épanouissent et deviennent des citoyens productifs et mobilisés.
    Je vous remercie.

  (1600)  

[Français]

    Merci, madame Kass et madame Bird. Nous aurons l'occasion de vous poser des questions tout à l'heure.
    Écoutons maintenant Mme Dallaire et Mme Lysack, de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance.

[Traduction]

    Je m’appelle Jody Dallaire et je suis présidente d’une organisation nationale appelée Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance.
    Je suis accompagnée de Monica Lysack, qui est notre directrice générale.
    Je vous ferai part de mes remarques en français et en anglais, et je vais d’ailleurs commencer en français.

[Français]

    Cette année, l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance célèbre 25 ans de promotion des systèmes publics de services de garde à l'enfance de qualité. Notre association rassemble plus de quatre millions de Canadiens et de Canadiennes de toutes les régions du pays, dont des parents, des éducatrices, des chercheurs et des étudiants, de même que divers organismes à l'échelle provinciale, territoriale, régionale et nationale.
    Je suis ici aujourd'hui afin de témoigner de notre appui envers ce projet de loi C-303. L'adoption de ce projet de loi assurera la reddition de comptes à l'égard des fonds destinés à la création d'un système canadien de services d'apprentissage et de garde à l'enfance. Les partis fédéraux s'entendent tous sur le fait que nous devons permettre à nos enfants de vivre les expériences et les réussites les plus positives qui soient.
    Les services de garde favorisent le sain développement des enfants, réduisent la pauvreté chez les enfants, soutiennent l'égalité des femmes, accroissent l'inclusion sociale et permettent la progression d'une économie du savoir et, ainsi, contribuent à une prospérité économique durable. De plus, l'amélioration des services de garde permettra au Canada de respecter ses engagements en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants, où les services de garde figurent au nombre des droits fondamentaux de tous les enfants.
    Les services de garde de qualité sont un bien général et devraient être reconnus comme tel en termes de politiques, d'investissements publics et de reddition de comptes au public. Le projet de loi C-303 constitue un considérable pas en avant pour les services de garde au Canada. Cette loi pose les assises qui nous permettront de passer de l'actuelle mosaïque de services coûteux et de qualité variable, dont le financement provient principalement des frais imposés aux parents, à une structure équilibrée qui offre aux familles un choix de services communautaires de qualité dans des foyers ou des centres accrédités offrant des services à temps plein et à temps partiel.
    Les membres et partenaires de notre association imaginent un Canada où tous les enfants profitent de services de garde publics de qualité. Tout comme les bibliothèques et les écoles, les services de garde à l'enfance devraient être un acquis et une composante inconditionnelle de nos voisinages. Ils devraient être disponibles, accessibles et abordables pour toutes les familles qui choisissent de les utiliser.

  (1605)  

[Traduction]

    Le projet de loi C-303 soutient la vision de la communauté en ce qui a trait aux services de garde au Canada. En 2004, à la suite d’un processus de consultation d’un an, une série de recommandations stratégiques a été élaborée à partir de notre vision et a donné lieu à une série de recommandations de politiques dans un document intitulé Stratégie canadienne en matière de services de garde à l’enfance.
    La première recommandation porte sur l’adoption d’une loi par laquelle serait définie et encadrée la mise en place de services de garde au Canada. Notre organisation croit que, lorsque des fonds publics assez importants seront disponibles pour la construction du système décrit dans le projet de loi C-303, les nouveaux développements et l’expansion devraient être axés sur les modèles de livraison publics et à but non lucratif.
    Nous préconisons toujours le maintien des droits acquis pour les services de garde privés actuels, comme le prévoit le projet de loi C-303. Notre recommandation est fondée sur les leçons apprises de l’échec du marché en ce qui a trait à l’approche actuelle d’octrois et de services payants et sur des recherches approfondies ayant pour but de déterminer comment les services de garde d’enfants publics ou communautaires favorisent la qualité et la reddition de comptes à l’égard de l’affectation des fonds publics.
    Le projet de loi C-303 reconnaît que les services de garde relèvent du ressort des provinces et des territoires et il appuie les provinces de sorte qu’elles puissent élaborer et mettre en œuvre leurs programmes selon les priorités spécifiques à leurs communautés. Cela étant posé, nous appuyons l’article qui reconnaît que le Québec a élargi ses programmes de sorte à permettre une meilleure accessibilité aux services de garde d’enfants que les autres provinces et territoires.
    Cependant, reconnaître la diversité des communautés canadiennes ne signifie pas que l’on doit accepter le déséquilibre actuel en matière de prestation de services. Les enfants et les familles — y compris ceux qui vivent avec des handicaps, ceux qui habitent en région rurale, éloignée et nordique, les Autochtones et les personnes d’origines culturelles, linguistiques et socioéconomiques diverses — devraient avoir accès à des services de garde d’enfants de qualité et abordables.
    L’adoption d’une loi sur les services de garde permettra aux communautés et à tous les niveaux de gouvernement de travailler ensemble à la planification et à la mise en œuvre d’un système de garde d’enfants pancanadien. Nous pouvons nous appuyer sur les engagements actuels du gouvernement afin d’améliorer l’accès à des services de garde d’enfants qui soient inclusifs, de qualité et abordables, comme cela est proposé dans le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants de 2003, et afin de tendre véritablement vers ces objectifs. L’ACPSGE a élaboré des outils, comme le modèle de mise en place du système de services de garde, qui soutiennent les efforts des communautés et des gouvernements désireux de faire progresser l’émergence d’un système de services de garde universel.
    Enfin, l’adoption du projet de loi C-303 est essentielle pour assurer la reddition de comptes. Notre expérience au Canada, au cours des 30 dernières années, démontre sans équivoque que nous ne pouvons laisser au hasard le développement de services de garde abordables et de qualité, ni dépendre uniquement des conditions minimales de responsabilité prévues par les ententes intergouvernementales existantes, comme celles énoncées dans le cadre multilatéral.
    Jusqu’à présent, les transferts fédéraux devaient simplement faire l’objet d’un rapport public et non d’un rapport aux autorités législatives. Nous remarquons que la plupart des provinces et des territoires n’ont pas rendu compte de l’utilisation des transferts fédéraux depuis 2004-2005.
    Comme le suivi et les pressions publiques constituent les seuls mécanismes de reddition de comptes permettant d’analyser et de commenter les nouveaux investissements, cette approche fait porter aux communautés une énorme responsabilité. Alors que le développement des capacités communautaires, comme celui assuré par l’ACPSGE, peut soutenir les intervenants dans le cadre de cette tâche cruciale, nos observations préliminaires nous poussent à remettre en question l’utilisation étendue de cette approche comme méthode principale de reddition de comptes, alors que les horaires des parents et des groupes communautaires sont très serrés et surchargés.
    En plus de faire état de leurs actions au public, les gouvernements doivent rendre des comptes à leurs législatures. De plus, la présentation de rapports au public devrait être prolongées par des normes imposées par la loi, comme celles décrites dans le projet de loi C-303. La reddition de comptes face à l’utilisation de fonds publics n’exige rien de moins.
    Il est facile de dire qu’il est important de soutenir les enfants et les familles; nous implorons nos représentants élus de nous démontrer qu’ils y croient réellement en adoptant le projet de loi C-303.
    Merci.
    Je remercie tout le monde pour ces exposés.
    Je tiens également à remercier M Lessard d’avoir assuré la présidence pendant que je prenais la parole en chambre. Je l’apprécie.
    Comme nous sommes limités par le temps, puisque nous devons aller voter et que la sonnerie d’appel devrait commencer à résonner à 17 h 15 environ, nous allons entamer une première série de questions de cinq minutes chacun.
    Nous commencerons par M. Savage.

  (1610)  

    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de s’être déplacés.
    Tout d’abord, monsieur Shanker, doit-on vous appeler docteur ou monsieur?
    Docteur.
    Docteur Shanker, je vous ai écouté très attentivement, êtes-vous favorable au projet de loi C-303?
    Bien. Merci beaucoup.
    Tout le monde ici appuie le projet de loi C-303.
    Je vais poser ma première question au SCFP.
    J’appuie le projet de loi C-303 mais j’ai des craintes pour le secteur sans but lucratif. Je crois savoir que le parrain du projet de loi va apporter quelques modifications, mais je crains que les sociétés de garde d’enfants commerciales, les McDonald de la garderie, ne viennent nous envahir au Canada.
    D’un autre côté, il existe un grand nombre de garderies privées qui font du bon travail et dont il faudrait protéger les droits acquis. Il faudrait permettre à celles qui existent déjà de poursuivre leurs activités dans l’avenir. Ne craignez-vous pas que nous n’atteindrons pas le nombre de places de garderie nécessaires si nous ne permettons pas la cohabitation des deux systèmes?
    Nous avons appuyé la position de l’ACPSGE sur la protection des droits acquis dans le cas des garderies existantes. Nous comprenons que les petites garderies ne dégagent généralement pas de bénéfices, mais qu'elles essaient de maintenir des normes de haut niveau. Il demeure que toute la recherche effectuée jusqu’ici, notamment l’étude de Gord Cleveland, souligne l’importance qu'il y a de miser sur un système sans but lucratif si l’on doit investir des fonds publics.
    Ainsi, si l’on envisage d’injecter des fonds publics, il faudra absolument le faire dans le réseau sans but lucratif. Nous avons examiné la question de fond en comble. Nous avons fait venir quelqu’un d’Australie que nous avons promené partout au Canada. Cette personne nous a fait réfléchir quand elle nous a notamment dit que l’Australie a commencé à largement financer le secteur commercial qui occupe désormais plus de 70 p. 100 du domaine de la garde d’enfants. Cela veut dire que de petites garderies, commerciales et non commerciales, ont dû fermer leurs portes.
    Ce faisant, les grandes entreprises commerciales sont libres d’envahir le marché. Nous pensons que le projet de loi C-303 est très important parce qu’il vise plus particulièrement le secteur sans but lucratif.
    Merci.
    Je m’adresse maintenant à Mmes Lysack et Dallaire de l’ACPSGE. Nous affirmons tous être très intéressés par la garde d’enfants et les différentes méthodes susceptibles de nous permettre de créer des places de garderie. Lors de la campagne électorale, les conservateurs ont promis de créer 125 000 places. Pouvez-vous me dire, à un millier près, combien de places du genre ont été créées?
    Le chiffre est précis!
    Aucune place de garderie n’a été créée en vertu de ce programme.
    Le gouvernement n’est pas en place depuis longtemps et je suppose qu’il faut un peu de temps pour mettre en oeuvre ce genre de programme.
    L’entente sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants conclue avec la Nouvelle-Écosse aurait dû permettre à cette province de mieux former les puériculteurs et puéricultrices et de mieux les rémunérer. Des gens m’ont dit: « Écoutez, nous avons des gens qui travaillent déjà dans ce milieu, alors pourquoi ne pas investir dans le système actuel et ne pas augmenter les salaires? » Il est tout à fait inadmissible que les travailleurs, qui sont parmi les moins bien payés au Canada, soient des spécialistes de la petite enfance, si l’on fait exception des artistes et des autres créateurs.
    Pourriez-vous nous dire en quoi le projet de loi C-303 pourrait nous aider à améliorer la formation et les salaires des puériculteurs et des puéricultrices?
    Je vais commencer et Jody pourra intervenir ensuite.
    Il est important, je crois, de faire remarquer que le nouveau gouvernement envisageait de créer un certain nombre de places de garderie, mais cette vision des choses ne tenait pas compte du fait que l’infrastructure actuelle est en train de s’écrouler.
    En Alberta, par exemple, le gouvernement a annoncé ce matin même de nouveaux investissements dans la garde d’enfants. La province est en sous-capacité. Ce n’est pas qu’il y a besoin de nouvelles places, mais plutôt que les places existantes ne peuvent même pas être pleinement exploitées à cause des bas salaires caractéristiques du secteur. Le sous-ministre chargé de ce dossier en Alberta nous a clairement indiqué, dans les rencontres que nous avons eues avec lui, qu’il fallait investir dans cette main-d’oeuvre. Une partie de l’argent du fédéral sert d’ailleurs à cela.
    Peut-être que Jody pourrait poursuivre.
    La réalité de la main-d’oeuvre n’est pas propre à la Nouvelle-Écosse, puisqu’on la retrouve dans toutes les provinces. C’est particulièrement le cas dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Nous imposons des normes de formation qui sont parmi les plus faibles au Canada parce que nos salaires sont parmi les plus bas au Canada.
    Le transfert viable de fonds aux provinces où la main-d’oeuvre dans ce secteur est sous-payée, c’est-à-dire partout au Canada, permettrait de planifier à longue échéance. Nous pourrions fixer des repères et des échéanciers afin d’améliorer les salaires et la qualité.
    Pour en revenir à la question des services sans but lucratif, il faut savoir que dans notre province, 70 p. 100 des garderies sont exploitées par des sociétés commerciales, mais nous avons un cruel besoin de services de garde d’enfants en région rurale. Toutes nos écoles sont vides. À l’heure où nous voulons augmenter le nombre de places de garderie, nous envisageons, au Nouveau-Brunswick, de renforcer le secteur sans but lucratif.

  (1615)  

    D’accord.
    Je tiens à vous remercier pour cela. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, nous avons des champions de la garde d’enfants au Canada, dont vous, qui sont très déçus par ce gouvernement depuis un an et demi. C’est une honte qu’un programme comme celui-ci, après tant d’années d’errance...
    Nous avions une idée, nous avions un plan, nous avons investi dans ce plan et tout cela a été annulé pour des chèques de 100 $ par mois qui ne permettent pas d’accéder à des places de garderie. Je vais cependant résister à la tentation de tomber dans l’argumentation politique à ce sujet.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Savage.
    Nous passons maintenant à Mme Barbot.

[Français]

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je note que la plupart des groupes sont favorables au développement du service de garde. Je remarque en particulier que vous vous attendez à une certaine coordination de la part du gouvernement fédéral.
    Monsieur Dinsdale, vous dites que pour les Amérindiens, ça pose certains problèmes. J'aimerais savoir si vous trouvez que ce service est nécessaire pour vos communautés et, le cas échéant, comment il pourrait être mis en oeuvre dans le contexte actuel.

[Traduction]

    Il est évident que les services sont nécessaires. Dans le mémoire que nous vous avons remis, nous parlons de la nécessité de disposer d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Nous avons participé à des consultations qui ont mené à ce projet de loi et j’estime que ce genre d’exercice devrait avoir lieu plus régulièrement et se dérouler de façon plus efficace partout au Canada.
    Le problème avec le projet de loi C-303, à la façon dont il se présente actuellement, c’est qu’il pourrait ne pas être l’instrument dont nous avons besoin pour servir la communauté autochtone. Nous estimons que la question du tarif, l’absence de coordination entre les divers paliers de compétence et les problèmes d’accès vont empêcher un grand nombre d’Autochtones de véritablement accéder au programme.
    J’ai entendu dire qu’un amendement serait apporté sur la question des garderies commerciales. J’espère que quelqu’un va prendre cette question à coeur et l’examiner sérieusement, parce qu’il est inimaginable qu’on ne tienne pas compte des difficultés auxquelles sont confrontées nos communautés autochtones, à l’heure où l’on envisage de créer un réseau national d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
    Nous estimons qu’il ne sera pas possible d’y parvenir par le biais de ce projet de loi, tel qu’il se présente actuellement.

[Français]

    Croyez-vous que des mécanismes ou qu'un organisme quelconque pourrait faire le pont afin que le projet de loi soit étudié sous l'angle de votre propre réalité? De cette façon, vous ne seriez pas mis de côté. Compte tenu de la situation des enfants dans vos communautés, ce service est d'autant plus vital.

[Traduction]

    Tout à fait. Votre comité dispose des ressources voulues pour s’entretenir avec les grands experts du domaine afin de recommander des noms de gens ou d’organisations qui pourraient faire le pont. Si l’on devait modifier le projet de loi, nous serions très heureux, en toute humilité, de vous faire part de la façon dont les communautés autochtones pourraient, selon nous, accéder à ce genre de service. Dès que l’on parle de tarif au sens du projet de loi — et j’imagine que des groupes de défense des pauvres vous ont dit la même chose — on se heurte à un obstacle important, peu importe les critères retenus. J’estime qu’il va falloir se pencher très sérieusement sur cet aspect.
    Il va falloir régler les problèmes de compétence dans le cas des premières nations. Celles-ci sont absentes du domaine. Il existe une incroyable tension en ce qui concerne la santé et les autres domaines. Il serait prudent, à la faveur de la formulation des nouvelles normes nationales, de prendre le temps de voir comment les choses se dérouleront, et cela dès le début. Il y a des gens beaucoup plus instruits et beaucoup plus sages que moi qui pourraient vous conseiller à ce sujet, mais tout ce que je sais c’est qu’il va falloir travailler sur ce plan.
    Enfin, les questions d’universalité et d’accessibilité représentent des principes importants si ce comité croit que les enfants autochtones sont désavantagés au Canada. Il semblerait logique, lors de la création d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants susceptible de contribuer à l’amélioration de cette situation, de reprendre certains de ces concepts et de veiller à garantir un accès approprié, parce que l’égalité d’accès n’est pas toujours synonyme d’égalité de résultats.

  (1620)  

[Français]

     Vous avez dit que dans les villes, les services devraient être dispensés aux enfants amérindiens en tant que groupe, mais dans les cas où leur nombre ne serait pas suffisant, envisageriez-vous que ces enfants reçoivent les services avec d'autres enfants?

[Traduction]

    Il y a toujours des compromis à faire sur les plans de l’accès et de l’accessibilité dans la conception de ces programmes. Même dans les villes les plus importantes au Canada, on trouve un grand nombre d’Autochtones qui auraient besoin de places de garderies de jour susceptibles d’accueillir une trentaine d’enfants. Le seuil fixé dans ces programmes est relativement faible. Nous avons 117 centres d’amitié répartis dans des collectivités qui comptent 500 Autochtones ou plus et nous sommes aussi présents dans quelques-unes des plus petites et des plus grandes villes du pays. Il est indéniable qu’il faut une masse critique dans toutes ces villes pour qu’il soit possible d’offrir ce genre de programmes.
    Cela dit, il est prudent et logique de créer des synergies et de rechercher des économies d’échelle. Mais il n’est même pas question de ce genre de compromis au stade où nous en sommes. Il est donc difficile de tenir une conversation ésotérique sur la façon d’améliorer la prestation des services si nous ne sommes même pas capables de régler les problèmes que pose le projet de loi.
    Merci beaucoup, madame Barbot.
    Nous passons à Mme Chow, pour cinq minutes.
    Ma question qui s’adresse à Monica ou à Jody concerne les ententes-cadres multilatérales conclues avec chaque province qui est censée faire publiquement rapport sur l’utilisation du financement. Après avoir reçu les fonds du fédéral, qu’ont-elles fait de l’argent qui était destiné à la garde d’enfants? Ces ententes existent depuis quelques années déjà. Quand, pour la dernière fois, avez-vous vu un rapport public sur ce sujet produit par les provinces? Il y en a qui... Avez-vous des précisions à ce sujet?
    Oui. Pour l’année 2004-2005, celle qui s’est terminée il y a deux ans, huit paliers de compétence, notamment le gouvernement fédéral, n’ont pas encore déposé leur rapport public. Jusqu’à cette semaine, aucune province ni territoire n’avait déposé son rapport pour 2005-2006, c’est-à-dire il y a un an de cela, et depuis ce moment-là, il y en a un qui a été mis à la poste.
    Il ressort donc que les gouvernements ont signé des ententes-cadres multilatérales les obligeant à déposer des rapports publics, mais presque tous les intéressés ont deux ans de retard.
    Le public peut-il faire quoi que ce soit à ce sujet? La population ne sait sans doute pas que leurs gouvernements sont censés faire un rapport à ce sujet et que ces gouvernements n’ont rien dit.
    Tout d’abord, les parents de jeunes enfants sont très occupés par toute une foule de choses et ils ne consacrent pas beaucoup de temps à la lecture des rapports gouvernementaux. Ainsi, quand des membres de la collectivité essaient d’obtenir cette information pour des gens comme nous qui se préoccupent de la question, il n’y a rien que nous puissions faire. Ce type de rapport est fondamentalement volontaire et si le gouvernement fédéral continue à transférer les fonds malgré l’absence de ce genre de rapport... En fait, quand on examine les dépenses des différentes provinces, même sans rapport officiel, nous savons que tout de même cet argent aboutit dans des programmes sans lendemain qui ne donnent guère de résultats.
    Je pense que je vais adresser cette question au Dr Shanker. Nous avons que des services adaptés aux besoins des parents, axés sur les enfants et souples par nature peuvent se présenter sous différentes formes. On peut penser à des centres de ressources pour les familles, à une ludothèque, à la garde d’enfants, à des soins à domicile et à des activités parascolaires.
    Est-ce que c’est le genre de souplesse que vous recherchez pour un service global offert aux enfants, afin que ceux-ci puissent apprendre vraiment avant l’âge de cinq ans, par exemple? Un rapport de Statistique Canada, publié aujourd’hui, nous apprend que les enfants des familles pauvres ne sont pas aussi bien outillés pour apprendre dans le système scolaire que leurs petits camarades, notamment parce qu’ils n’ont pas autant l’occasion de participer à des activités de groupe.
    Est-ce un aspect auquel vous vous êtes intéressés dans le passé?

  (1625)  

    Il y a deux volets à votre question et la réponse au premier volet est : bien évidemment! Nous adorons les formules globales que nous appliquons d’ailleurs dans des emplacements où nous démontrons nos techniques, comme à Toronto First Duty, surtout que nous adaptons les horaires à ceux des parents qui font garder leurs enfants dans la journée et qui peuvent ainsi vivre certaines expériences avec leurs progénitures et acquérir les techniques dont nous parlons.
    Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, nous étudions la chose de très près et nous avons essayé de l’expliquer dans le rapport sur les premières années que nous avons publié il y a deux semaines. Nous assistons à un effet de gradient dans notre société où l’on constate que la grande majorité des enfants souffrant de ce genre de problèmes appartiennent aux couches socioéconomiques inférieures. Malheureusement, nous constatons d’importants retards chez ces enfants dans notre étude du développement du cerveau. L’un des indicateurs les plus parlants est le développement du langage, parce qu’on constate chez ces enfants un très net retard par rapport à ceux qui appartiennent à d’autres strates de la société.
    Cela étant dit, nous sommes aussi en présence d’un problème qui touche toutes les couches de la société et, comme j’ai essayé de vous le faire comprendre tout à l’heure, un grand nombre d’enfants ayant des difficultés appartiennent aux classes moyenne et supérieure. Ce n’est donc pas un problème que nous pouvons attribuer à une seule couche de la société et c’est pour cela que nous aimons le projet de loi C-303 qui propose une approche universelle.
    Pour ce qui est des conséquences économiques associées à des enfants qui ne sont pas prêts à apprendre, je crois savoir que des économistes ont effectué différentes études, qui les ont amenés à conclure qu’un investissement dans les collectivités défavorisées pourrait rapporter 200 à 400 fois plus dans l’avenir. J’ai même lu, dans une étude américaine, que le rapport pouvait être de 700 p. 100. Quel effet pourrait-on obtenir si nous investissions dans ces collectivités, sur le plan de la productivité économique générale?
    Excellente question.
    Selon une évaluation prudente récemment faite par Jim Heckman de l’Université de Chicago, l’économie serait de 8 $ par dollar investi.
    Fraser Mustard vient juste de faire une recherche qui est très intéressante. Dans toutes les études effectuées jusqu’à présent, personne n’a jamais calculé les coûts de la santé ni les coûts de la santé mentale à long terme. Quand on intègre le phénomène de la dépression infantile, de la dépression des adolescents et des problèmes de santé chez les adolescents, on double presque les projections de Heckman et l’on pourrait donc atteindre 1 600 p. 100.
    Merci beaucoup.
    Vous avez épuisé le temps dont vous disposiez.
    Nous allons passer aux députés conservateurs en commençant par Mme Yelish et M. Chong qui vont se partager le temps de parole.
    Merci, madame la présidente.
    Tout le monde ici a invoqué la nécessité de mettre en oeuvre un programme national de garde d’enfants, à l’exception de M. Dinsdale qui a mis quelques bémols à la clef. Il a indiqué que les Autochtones ont des besoins supérieurs aux autres et qu’un programme universel donnant un accès égal à tous ne serait pas forcément la meilleure solution pour les communautés autochtones. Qui plus est, comme nous le savons, la garde d’enfants dans les réserves est une responsabilité fédérale se situant dans les limites de ses pouvoirs.
    Je vais adresser ma question aux quatre autres groupes que nous avons devant nous. Vous avez tous prêché en faveur de ce que certains ont appelé un programme universel et d’autres un programme national.
    Ma première question s’adresse à Rural Voices for Early Childhood Education and Care. Vous avez indiqué qu’il n’était pas socialement responsable de laisser les provinces et les territoires se débrouiller tout seuls. Dois-je comprendre qu’un programme national de garde d’enfants devrait s’adresser à tous les Canadiens résidant dans les 10 provinces? Ou alors, seriez-vous prêts à ce que le programme national —?
    Vous parlez du Québec?
    Je me demandais s’il serait acceptable qu’un programme concerne uniquement les Canadiennes et les Canadiens résidant dans huit ou neuf provinces.
    S’agissant d’un programme national ou universel — pour reprendre vos expressions — nous réclamons en fait un leadership national. Nous ne demandons pas que la compétence revienne aux provinces et aux territoires. Il faut un programme qui nous permette de nous adapter aux besoins de chacun ainsi qu’à la diversité des collectivités canadiennes.

  (1630)  

    Certes, mais alors que répondez-vous à ceux qui...
    Nous disons en fait que nous ne demeurerons pas unis à l’échelle canadienne dans ce dossier si le gouvernement fédéral ne fait pas preuve de leadership, qu’il ne donne pas de définition de l’accès et qu’il ne fixe pas de résultats mesurables pour les collectivités; c’est le leadership fédéral qui va permettre aux collectivités de disposer de la souplesse voulue.
    Et si cela ne concernait que les Canadiens résidant de neuf provinces sur dix? Ça vous irait? Que dites-vous aux Canadiens —
    Non. Pour Rural Voices, cette formule ne serait pas acceptable, parce que notre organisation représente les gens dans toutes les provinces et tous les territoires.
    Je comprends.
    Merci.
    Nous ne pensons pas, à Rural Voices, que cette formule conviendrait. Je pense pouvoir vous dire, en tant que simple Canadienne, que ce serait l’enfer.
    Merci pour cette réponse.
    Je pose la même question aux représentantes du SCFP.
    Merci beaucoup pour votre témoignage qui était très intéressant.
    Quelle est votre position au sujet d’un programme national? Vous avez prêché en faveur d’un programme qui devrait être — et je reprends vos mots exacts — un système national de garde d’enfants. Que signifie le qualificatif « national » dans ce cas? Pourrait-il s’appliquer aux Canadiens résidant dans neuf provinces sur dix ou à ceux vivant dans les 10 provinces?
    Nous sommes bien sûr favorables à l’idée que toutes les provinces et tous les territoires soient visés, étant entendu que le Québec constitue une société distincte, tout comme les peuples autochtones. Donc, nous préférerions que tout le monde soit au rendez-vous.
    Nos membres résident dans toutes les provinces et, qu’ils travaillent pour des municipalités, dans le domaine des soins de santé, dans des maisons de retraite ou dans des compagnies d’électricité, ils ont besoin de services de garde d'enfants. C’est ce qu’on nous dit partout au Canada. C’est ce qu’on nous dit à nous qui représentons les travailleurs syndiqués du domaine de la petite enfance, mais aussi les travailleurs d’autres domaines.
    Merci beaucoup d’avoir répondu à cette question.
    Pour terminer, je veux dire que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que ce projet de loi est imparfait. L’article 4 dispense le Québec du programme envisagé. J’estime, personnellement, que tous les Canadiens sont citoyens de ce pays, peu importe la province ou le territoire où ils résident. C’est une responsabilité que tout gouvernement doit préciser au nom de l’ensemble des Canadiens, peu importe leur province de résidence. J’en suis intimement convaincu. Je pense donc que vous venez de souligner certaines contradictions de ce projet de loi dans le cas d’un système national qui n’inclurait pas le Québec.
    Permettez-moi de revenir sur les remarques de M. Savage.
    Tout d’abord, nous avons un plan qui consiste à régler la question de l’universalité en partant d’un montant de 100 $ versé pour chaque enfant de moins de six ans et cela depuis juillet dernier. Nous avons donc investi plus d’un milliard de dollars dans les enfants canadiens. C’est le choix que nous avons fait dans le domaine de la garde d’enfants et c’est un choix universel.
    La création des places de garderie devait se faire à la faveur de notre budget de 2007, et c’est ce sur quoi nous travaillons actuellement. C’est lancé. Nous donnons de l’argent au secteur privé pour créer des places de garderie, mais aussi aux provinces. Nous traitons également avec les provinces pour créer des places. Jeudi dernier, toutes les provinces ont déclaré qu’elles avaient récemment créé des places de garderie. En Saskatchewan, par exemple, je sais que 500 places ont été créées, tandis que le plan des libéraux n’a rien donné à cet égard. Nous ne savons pas où est passé l’argent, mais il n’a certainement pas permis de créer des places de garderie. Le problème est maintenant corrigé, parce que c’est prévu dans notre plan.
    Vous savez, monsieur Dinsdale, je pense que cela en dit long sur ce projet de loi. Il nous sera difficile de voter en faveur de cette mesure qui laisse de côté une partie importante de la population à laquelle nous voulions nous adresser, comme l’a indiqué la marraine du projet de loi. Celle-ci a stipulé qu’il faut créer des places de garderie pour les Autochtones et vous nous avez bien fait comprendre que cela ne sera pas possible dans ce projet de loi. Ainsi, si nous appuyons ce projet de loi, nous ne vous représenterions pas.
    Je veux parler de l’article du projet de loi qui traite de reddition de comptes, parce que ce n’est pas vraiment ce dont il est question. Il ne s’agit pas de reddition de comptes.
    Il vous reste 10 secondes.
    De même que de la nécessité de faire rapport. Ce projet de loi ne dit pas que les fournisseurs de services doivent être des organisations sans but lucratif, que le programme est administré par les gouvernements provinciaux, qu’il relève de ces gouvernements et qu’il est sujet à une vérification publique des comptes.
    J’aimerais donc savoir si l’un de vous relève des provinces. Comme M. Dent l’a dit, il pourrait être difficile pour un grand nombre de garderies de faire rapport comme l’exige le projet de loi. Si vous deviez faire de tels rapports, est-ce que vous devriez modifier vos mécanismes de compte rendu? Existe-t-il de tels mécanismes?
    Je parle ici de la partie du projet de loi qui traite de la reddition de comptes et qui dit —

  (1635)  

    Excusez-moi, je vais devoir vous interrompre, parce que vous avez dépassé votre temps. Vous aurez votre réponse à la prochaine série de questions.
    Nous allons entamer notre deuxième série de cinq minutes, par M. Merasty.
    Ma question s’adresse davantage à M. Dinsdale, pour l’instant. D’après ce que j’ai cru comprendre, il est prévu de modifier ce projet de loi au sujet de la question autochtone. Je vais vous dire ce qui me chatouille. J’ai récemment entendu dire que l’ECIP, le Early Childhood Intervention Program, ainsi que le programme d'aide préscolaire aux Premières nations, ou PAPA, risquaient de subir des coupures et des annulations, ce qui s’ajouterait au manque actuel de places de garderie. J’espère que l’amendement envisagé va régler une partie de ces problèmes.
    J’entends dire dans ma collectivité et partout ailleurs au Canada que la population autochtone est la seule à connaître une recrudescence des naissances et que les ressources vont commencer à être insuffisantes. En fait, nous avons affaire à un goulet d’étranglement. On consacrera de moins en moins d’argent à la création de places de garderie et les ministères des Affaires indiennes et de la Santé risquent de réduire les budgets de PAPA, de Grandir ensemble et de l’ECIP.
    Quelles répercussions cela pourrait-il avoir selon vous? Le Dr Shanker a parlé des effets à long terme, pas uniquement sur le plan psychologique, mais aussi sur les autres plans, à cause du manque de places de garderie. Personnellement, j’estime que nous risquons de payer le prix fort si ces investissements ne sont pas immédiatement consacrés à cette explosion des naissances. Pourriez-vous élaborer davantage au sujet des cinq points que vous avez mentionnés, mais très brièvement, et nous dire quel genre d’investissement serait nécessaire?
    J’ai sans doute été un peu dur dans mes remarques et mes critiques du projet de loi en ont sans doute étonné plus d’un. J’estime essentiel de régler ces aspects-là dès le début, faute de quoi nous risquons de passer à côté d’une partie importante de la solution.
    Nous sommes bien sûrs favorables au projet de loi. La population autochtone ne bénéficie actuellement pas du régime actuel. On ne crée pas de places de garderie pour les Autochtones avec 100 $ par mois et par enfant. Donc, aucune place n’est créée. Les plans du gouvernement sont sans effet sur nos communautés et celui-là pas plus que les autres. C’est cela qui nous inquiète.
    Le programme Bon départ était incroyablement important. Nous en comptons 20 dans toutes les régions urbaines au Canada qui s’adressent aux populations autochtones. Ils ont un effet très positif sur les jeunes. Pour l’instant, nos populations n’ont pas la culture de l’apprentissage. La moitié des jeunes Autochtones décrochent du secondaire. Imaginez ce que cela pourrait donner dans vos circonscriptions et dans vos familles si la moitié des jeunes n’obtenaient pas leur diplôme du secondaire, imaginez le genre de tollé que cela provoquerait à l’échelon national.
    Le programme Bon départ est un des rares à avoir eu un effet incroyablement positif parce qu’il a permis à ces jeunes de bien commencer dans la vie. Leurs parents se mobilisent dans leurs communautés. Les gens apprennent et c’est incroyable. Ce genre de programme pourrait être un complément à la création de places de garderie de jour dont je parlais, mais il constitue à l’évidence une stratégie complémentaire qui permet de scolariser les enfants.
    J’espère donc que ce que j’ai dit et la conviction avec laquelle je l’ai dit ne vous amèneront pas à conclure que nous n’appuyons pas le projet de loi ou que celui-ci devrait...
    J’espère que vous verrez, au travers des propos très forts que nous tenons qu’il y a des aspects à propos desquels il conviendrait d’adopter des modifications pour favoriser un accès approprié aux membres de nos communautés et je suis convaincu que nous leur porterions grandement tort si nous réduisions les budgets du programme Bon départ, outre que nous casserions l’élan que l’on constate dans beaucoup d’organismes à l’heure actuelle.
    Là où j’ai de la difficulté, c’est que le plan conservateur ne tient actuellement pas compte des Autochtones. Ce plan ne fera rien pour eux.
    Je me suis évidemment inquiété de la teneur de ce projet de loi quand il a été déposé. Espérons que les amendements tiendront compte des préoccupations soulevées à son égard, mais je retrouve les mêmes préoccupations dans ma circonscription rurale disposant d’une infrastructure économique limite où l’on trouve des petites garderies administrées par des particuliers travaillant à domicile. Ce sont les seules que l’on peut trouver. Elles ne sont pas forcément sans but lucratif, mais nous en avons besoin.
    C’était ce qui m’inquiétait également au sujet de ce projet de loi, relativement à ces deux questions. Dites-nous un peu ce que nous devrions faire des amendements envisagés pour protéger les petits exploitants et les garderies sans but lucratif.
    Quand nous avons élaboré notre document de stratégie nationale en collaboration avec des exploitants de services de garderie de chaque province et territoire, nous avons consacré beaucoup de temps à l’étude de la question du secteur sans but lucratif et du secteur à but lucratif.
    Dans les régions rurales, nous ne craignons pas autant que dans les villes de voir débarquer les grandes boîtes spécialisées dans le domaine des garderies. Elles ne vont pas venir chez nous. En revanche, nous savons que les meilleures solutions, les meilleurs types de garde d’enfants, ce sont les garderies sans but lucratif qui favorisent l’interaction entre différents secteurs de la communauté, bien au-delà de celui de la garderie, pour le plus grand avantage des familles et des enfants, ce qui n’est pas possible avec des garderies commerciales.
    Ainsi, dans le cadre de notre document de stratégie nationale, même les exploitants de garderies commerciales ont appuyé l’idée de concéder des droits acquis aux garderies à but lucratif déjà existantes, étant entendu que les budgets limités seraient consacrés à la création de garderies communautaires, à des centres sans but lucratif davantage inclusifs — du moins pas à des centres, parce qu’il s’agit plutôt de garderies en milieu familial. Comme je le disais, nous envisageons un continuum de services.
    Mais c’est vraiment important. Si nous voulons faire le lien avec l’éducation, et si nous voulons travailler ensemble dans le domaine de la santé, nous devrons instaurer le système à l’échelle communautaire et miser sur des entreprises sans but lucratif.

  (1640)  

    Nous passons à M. Lessard, pour une autre série de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'ai trouvé l'échange entre MM. Dinsdale et Merasty assez intéressant. Pour s'assurer que le projet de loi est équitable pour tous, il faut pratiquement se rendre aux deux extrêmes.
    La situation des peuples autochtones nous permet de comprendre que les conditions de ces gens en termes de services sont telles qu'il faut chaque fois prendre des dispositions particulières. C'est le cas ici, et c'est normal. Il faut faire cet exercice. Il me semble que si on réussit à le faire, on va parvenir à établir des dispositions nous permettant de rejoindre tout le monde. Les gens de Rural Voices for Early Childhood Education and Care pourront nous donner leur avis à ce sujet. Si on rejoint les peuples autochtones, il me semble qu'on va réussir à rejoindre d'autres communautés. Cet exercice doit en être un de générosité et non de mesquinerie. Il faudrait éviter de dire, par exemple, qu'un groupe du Québec reçoit ces services, que c'est quasiment répréhensible vu qu'on ne l'obtient pas encore soi-même, et que si on ne peut pas l'obtenir, il faudrait cesser de l'offrir à ce groupe. Il y a quelque chose de malsain là-dedans, et les positions idéologiques...
    Lorsque notre ami M. Chong nous dit que les politiques des conservateurs sont très généreuses à l'égard des communautés plus fragiles, je ne comprends pas. En effet, l'accord de Kelowna, malgré ses imperfections, était très positif. C'est eux qui l'ont aboli. Je ne veux pas faire de politique autour de cette question, mais il faut bien se comprendre. Ici, il ne faut pas se tromper: il faut dire les choses telles qu'elles sont.
    Votre dernière intervention, monsieur Dinsdale, m'a éclairé davantage sur la question. Une déclaration a été faite dans le cadre du Congrès des Peuples Autochtones, avec lequel vous avez probablement des liens. On disait que le projet de loi C-303 comportait des lacunes relativement aux peuples autochtones, mais qu'en aménageant l'article 8 de façon à préciser les particularités des peuples autochtones, on pourrait obtenir un résultat positif. Le projet de loi serait plus efficace et les Autochtones pourraient plus facilement y adhérer. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Si d'aventure vous n'aviez pas réfléchi à cette question, vous pourriez nous faire parvenir vos commentaires ultérieurement.
    Par ailleurs, j'apprécie beaucoup la contribution de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. Je n'ai pas eu le temps de consulter votre rapport, qui m'apparaît assez riche, comme tous les autres, d'ailleurs.
    Je vais conclure par un exemple, madame la présidente. Lorsqu'on a mis sur pied le service de garde au Québec en 1997, j'y étais. J'ai travaillé à cela, et ma collègue aussi. On n'a pas atteint la perfection la première année, et on ne l'a toujours pas atteinte. Ce système sert de modèle. On a osé faire quelque chose. Il reste que pendant nombre d'années, les éducatrices qui travaillaient au sein de ce système recevaient un salaire inférieur à celui des préposés au zoo. C'est le genre de chose qui a été améliorée au fil du temps.
    Nous pourrions nous limiter à défendre notre propre système de garde, de façon à ce qu'il ne devienne pas vulnérable, mais nous souhaitons vraiment qu'ailleurs au pays vous ayez tous un bon système. Nous allons nous épauler les uns les autres, et de cette façon, ce genre d'intervention ne rendra pas notre système vulnérable.
    Je m'excuse de ne pas avoir gardé de temps pour la réponse.

  (1645)  

[Traduction]

    Il lui reste une minute et demie pour la réponse.
    Merci pour cette question.
    Deux de mes cinq préoccupations concernent l’article 8, c’est-à-dire les indicateurs de disponibilité et la façon dont les indicateurs d’accessibilité sont décrits. On peut appréhender la chose de deux manières. Je pense que vous devrez veiller à régler les problèmes dans les réserves et les problèmes de compétence, ce qui pourrait être mobilisateur. Je suis heureux de ne pas être dans vos mocassins... Je me demande si ce jeu de mots peut être bien compris. Donc, je suis heureux de ne pas me trouver dans vos souliers, parce que ça ne va pas être facile.
    Je pense aussi que la question des tarifs est fondamentale. Il faut s’attendre à ce que cet aspect pose problème pour les Canadiens pauvres tout autant que pour les Autochtones en ce qui concerne l’accès. Si vous touchez le salaire minimum ou à peine plus, si vous êtes une Autochtone ayant un enfant, si vous vous arrangez pour finir le secondaire, que vous trouvez un travail quelque part, que vous avez besoin de services de garde et qu’on vous demande de payer un tarif minimum pour cela, je peux vous garantir que votre salaire ne sera pas le salaire moyen.
    Si l’on veut que les jeunes femmes dont je parle réussissent et puissent bénéficier de places de garderie de qualité, accessibles, abordables — pour reprendre les expressions qu’on employait avant — et culturellement adaptées, ainsi qu’un système scolaire qui permettra à leurs enfants de finir l’école et d’obtenir un diplôme, je pense que nous allons devoir y accorder l’attention nécessaire. À ce sujet, j’estime que le prix représente un obstacle de taille.
    Autre chose? Vous avez 30 secondes.

[Français]

    J'aimerais vous remercier pour votre intervention. Il est certain que le système du Québec fait l'envie des autres provinces. Malgré toutes les imperfections que ça peut comporter, on aimerait que le gouvernement fasse preuve de leadership, établisse un échéancier et investisse à long terme.
    Je suis très inquiète quand j'entends dire qu'une disposition reconnaissant que le Québec a déjà mis en oeuvre son propre service de garde pourrait faire en sorte que les autres provinces ne puissent pas mettre sur pied le leur, d'autant plus qu'on a reconnu récemment à la Chambre des communes que le Québec était une nation. Je trouve ça à la fois très inquiétant et contradictoire.
    Le monsieur en question ne l'a pas reconnu. Il a même démissionné en tant que ministre pour ne pas le reconnaître.
    Mais le fait est là quand même.

[Traduction]

    Nous n’allons pas nous lancer dans ce débat, parce que cela nous prendrait beaucoup trop de temps.

[Français]

    C'est une question de démocratie. Va-t-il se rallier à la décision de la Chambre?
    Malgré le peu que je connaisse, je pense qu'il va le faire.

[Traduction]

    Je redonne la parole à Mme Chow, pour cinq minutes.
    La parraine du projet de loi, Mme Savoie, a dit au début qu’elle apporterait deux amendements à son texte. Le premier est destiné à offrir des services familiaux de garde d’enfants dispensés par des personnes autorisées en vertu d’une loi provinciale ou territoriale. Voilà ce qui est prévu pour viser un maximum de souplesse de façon que les régions rurales ne soient pas aux prises avec une formule unique. Une garderie en milieu familial peut se justifier par tout un ensemble de facteurs, comme le temps, le fait pour la gardienne de travailler à temps partiel ou les problèmes de transport. Tant que ces garderies sont réglementées, nous savons qu’elles respecteront une certaine norme.
    Ainsi, cet amendement devrait régler les préoccupations exprimées par certains.
    Le second amendement dont nous avons parlé il y a quelques réunions de cela concerne la garde des enfants autochtones, c’est-à-dire ceux dont M. Dinsdale a précisément parlé. Je crois savoir qu'Alfred Gay, du Congrès autochtone, est en discussion avec d’autres groupes qui s’intéressent aux questions de la garde d’enfants autochtones pour définir les meilleurs amendements possible. Faudra-t-il intervenir au niveau de l’accessibilité, de la question de la reddition de comptes ou de celle du paiement ou du tarif, en veillant à ne pas s’empêtrer dans un débat de compétence? Après tout, c’est la province qui doit trancher. D’un autre côté, comment cela va-t-il fonctionner dans les réserves?
    Dans la première version du projet de loi, comme celui-ci se voulait très large, on supposait qu’il répondrait aux besoins des Autochtones. Il serait toutefois encore meilleur de préciser ce que nous entendons à cet égard, parce que s’il est précis dans le cas des enfants ayant des besoins spéciaux, par exemple, pourquoi ne le serait-il pas dans d’autres domaines? C’est sur quoi l’amendement va porter. Je tenais simplement à vous le préciser.
    Cela dit, je serais heureuse — comme les autres membres du comité d’ailleurs — d’entendre vos suggestions sur la façon de modifier ce projet de loi sans occasionner de problème de compétence tout en répondant aux peurs exprimées que je comprends parfaitement. Nous ne voulons certainement pas que les enfants soient négligés et il est possible de modifier le projet de loi.
    Vous aurez donc peut-être des suggestions à nous faire. Bienvenue dans notre univers. Nous envisageons d’apporter les amendements le 10 mai et nous allons devoir répondre à bien des questions. Nous avons déjà eu des discussions avec les Autochtones, mais nous n’avons pas encore le libellé exact des amendements.
    Existe-t-il une réponse?

  (1650)  

    Il vous reste une minute et demie.
    Existe-t-il une réponse? Non.
    Revenons-en au milieu agricole. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de malentendus. Chaque fois que nous parlons de garde d’enfants, des députés — surtout des députés conservateurs — nous servent l’argument selon lequel le projet de loi s’adresse aux centres urbains et non aux régions agricoles. Or, à l’expérience, je sais que dans les exploitations agricoles, que ce soit pour les semences ou autre, les deux parents travaillent à l’extérieur pour faire vivre l’exploitation.
    Vous pourriez donc nous faire part de votre expérience sur la façon dont les choses fonctionnent dans certains coins. Précisez-nous ce qu’il en est et dites-nous à quoi ressemble la garde d’enfants.
    Je vais prendre quelques minutes pour répondre avant de laisser Jane poursuivre.
    Nous venons toutes deux de collectivités rurales. Personnellement, je vis sur une centaine d’acres à l’extérieur d’un petit hameau du nom de Feversham. C’est une collectivité agricole qui, il y a 20 ans seulement, se trouvait à une heure de route des premiers services. C’était une vaste région rurale sans villes ni villages.
    Grâce à un projet communautaire auquel ont participé très activement tous les secteurs d’activité, nous avons mis sur pied des services de garde d’enfants de qualité dont certains répondent aux besoins de collectivités qui ne comptent pas plus de 300 enfants. Grâce à un travail en partenariat et à l’intégration avec d’autres services de la collectivité, nous avons très bien servi les familles et les enfants pendant plus de 20 ans. Ces services sont non seulement viables, mais ils continuent de croître et de répondre aux besoins changeants des familles et des enfants de la collectivité immédiate et de la région environnante.
    Bien que cela soit relativement rare au Canada, ce sont sans doute des exemples qu’on retrouve dans d’autres provinces et territoires.
    Je vais laisser Janet vous parler un peu de sa collectivité à elle.
    Comme il reste 30 secondes, je vous demande de conclure.
    Là où j’habite, il y a 90 âmes. Il n’empêche que, depuis près de 20 ans, nous administrons sur place un programme de garde d’enfants de qualité, qui est réglementé et agréé. Celui-ci se prolonge dans six collectivités voisines sous la forme d’un réseau intégré avec un noyau central. Grâce à la mise en commun d’espaces et de services et à un seul conseil d’administration pour toute la région — ce qui nous permet de ne pas épuiser nos bénévoles — venant de six collectivités, nous pouvons accueillir plus de 250 enfants. Nous avons remporté le Prix d’excellence du premier ministre pour la garde d’enfants.
    La garde d’enfants en milieu rural est possible. Notre plus petite collectivité compte 90 habitants et notre plus importante en compte 450. La garde d’enfants de qualité en milieu rural est absolument viable, elle est durable et elle est réalisable, outre qu’elle est grandement nécessaire.
    Des voix: Bravo, bravo!

  (1655)  

    C’est à M. Lake, pour cinq minutes.
    Ma première question s’adressera à Mme Dallaire, de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance.
    En fait, je commencerai par une remarque. J’ai constaté un certain changement de ton aujourd’hui et le désir de trouver un terrain commun. Vous avez dit que tous les partis fédéraux se disent préoccupés par le sort de nos enfants. Voilà sans doute un premier terrain d’entente. Nous ne sommes pas forcément d’accord sur les moyens à employer pour parvenir à cet objectif, mais nous reconnaissons tous qu’il est important.
    Permettez-moi de vous poser une question au sujet de l’universalité. Quand Mme Savoie a rencontré le comité, elle nous a dit qu’elle visait 54 p. 100 d’universalité des services. Quel serait votre objectif à cet égard?
    Cela est énoncé de façon plus précise dans le document que nous vous avons remis, dans nos recommandations de politiques intitulées Stratégie canadienne en matière de services de garde à l’enfance. Nous y proposons une gamme de programmes qui, si je ne m’abuse, offriraient des places à temps plein. Le reste serait fonction des besoins des familles, qu’il s’agisse de haltes-garderies, de services à temps partiel ou autres —
    Quel pourcentage d'enfants de zéro à six ans seraient en garderie? Quelle serait votre cible?
    Je ne suis pas forcément convaincue que les enfants doivent être placés en garderie. J’estime que les parents qui décident de placer leur enfant en garderie devraient en avoir la possibilité et nous devons donc miser sur des places en nombre suffisant pour que les familles qui ont déjà fait ce choix ou pour celles dont les parents travaillent puissent bénéficier de ces services.
    Ces places de garderie seraient entièrement financées?
    Les parents qui pourraient se le permettre devraient acquitter des frais d’utilisation, quant aux autres, ils n’auraient pas à payer.
    Quand Mme Savoie a rencontré le comité, elle nous a dit, et je la cite:
    
En fait, cela n’exigera pas plus que l’actuel niveau de financement [...] De l’argent est déjà transféré aux provinces et le programme pourrait être financé à partir des mêmes sommes que celles actuellement prévues.
    
... ce pourrait être la base de la loi que vous étudiez et il ne serait pas nécessaire de débloquer plus d’argent...
    Êtes-vous d’accord avec l’idée qu’il ne serait pas nécessaire d’injecter plus d’argent?
    Idéalement, il faudrait qu’il y ait plus d’argent pour commencer à créer les systèmes de garde d’enfants dans les provinces, mais je crois savoir que ce projet de loi n’impose pas de niveau de financement, que tout devrait se faire en fonction des fonds actuels et que tout nouveau fonds devrait être investi en vertu de ces paramètres.
    À l’article 7 du projet de loi, on peut lire « ... que le paiement de transfert pour la garde des jeunes enfants destiné à la province ou au territoire pour l’exercice subséquent soit retenu, en tout ou en partie ». Cela revient à dire que cette loi accorde au gouvernement fédéral la capacité de reprendre l’argent. Aucune somme supplémentaire n’est prévue. J’ai plutôt l’impression, à la façon dont je lis ce projet de loi, que l’on ne prévoit pas d’injection supplémentaire d’argent et qu’il y en aurait peut-être moins.
    Pensez-vous que ce soit une bonne idée?
    Si les provinces ne satisfont pas à leurs obligations en vertu de l’entente, cela pourrait signifier que leur financement —
    À ce stade, le financement serait retenu.
    J’ai été intéressé par les remarques de M. Savage. Je pense qu’il a finalement changé d’avis, parce qu’il a décrit les années libérales comme étant « des années d'errance ». J’ai trouvé cette remarque intéressante.
    Parlons-en un peu. Le gouvernement libéral a été au pouvoir pendant près de 13 ans, 13 années d’errance. Vous aviez travaillé avec les libéraux et vous les aviez démarchés, mais jamais aucune loi n’a été adoptée, ni même rédigée. Pouvez-vous nous dire pourquoi? Avez-vous un avis à ce sujet?
    Malheureusement, je ne me suis pas rendu compte que la question nous était directement adressée.
    Il faudrait que je vérifie cela, mais je crois que le nombre de places de garderie a doublé depuis 1994.
    C’est intéressant qu’une de vous deux ait précisé catégoriquement qu’aucune place de garderie n’avait été créée depuis l’arrivée au pouvoir de notre gouvernement. D’où tenez-vous vos chiffres? Comment pouvez-vous dire de façon aussi catégorique qu’absolument aucune place de garderie n’a été créée? Pouvez-vous me dire sur quelle recherche vous vous appuyez?
    Ces chiffres proviennent de l’Initiative sur les places de garderie. Un comité a été mis sur pied cette année pour étudier la meilleure façon de créer des places de garderie, mais aucune somme n’a en fait été investie à cette fin.

  (1700)  

    D’après nos chiffres et pour trois provinces seulement, on aurait déjà créé 2 500 places, et l’Ontario s’est engagé à en créer 15 000. Et puis, il y a eu l’annonce faite par l’Alberta aujourd’hui.
    Comment vous proposez-vous de...? Je suppose que vous allez suivre la situation de très près et appliquer un schéma de décompte précis pour savoir combien de places auront été créées. Pouvez-vous me décrire votre mécanisme d’évaluation?
    Il est en fait plutôt difficile de suivre toute la comptabilité des investissements, n’est-ce pas? C’est tout un défi en ce qui nous concerne. Nous avons essayé de suivre les transferts à partir...
    Pourtant, vous avez été plutôt catégorique dans votre réponse.
    Oui, et je vais y venir. Vous m’avez posé une question sur les mécanismes et je vais vous expliquer les mécanismes en question et vous dire comment nous sommes parvenus à ces chiffres.
    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?
    Merci.
    Je vais essayer d’aller vite.
    Nous sommes remontés au tout début des ententes bilatérales et nous avons retracé les transferts fédéraux ainsi que les investissements provinciaux. Tout cela est un peu confus, mais ce n’est pas ce que je veux dire... Ainsi, certains fonds fédéraux ont été transférés...
    Eh bien, j’ai l’impression que nous n’allons pas obtenir de réponse et j’ai d’autres questions à poser.
    Il y a des fonds fédéraux qui ont été transférés et qui n’ont pas encore été investis par les provinces.
    J’ai une question pour le SCFP, car il ne me reste qu'une minute.
    En fait, 30 secondes.
    Voici ma question au SCFP. Quel pourcentage de travailleurs de garderie sans but lucratif est syndiqué? D’ailleurs, je vais tout de suite vous poser ma seconde question : quel pourcentage de travailleurs de garderies commerciales — nous pourrions peut-être les appeler «privées» — ou «à but lucratif» — est syndiqué?
    Environ 12 p. 100 des travailleurs du secteur des garderies sont syndiqués au Canada. Je ne suis pas sûr de la ventilation entre secteur à but lucratif et secteur sans but lucratif.
    Ainsi, vous ne savez pas combien il y en a de syndiqués dans le secteur sans but lucratif par rapport au secteur privé?
    Non.
    Merci, monsieur Lake.
    Comme nous allons essayer de conclure, je vous invite à vous en tenir à des interventions de trois minutes afin que nous puissions faire un autre tour de table rapide.
    M. Savage a demandé la parole et je suis sûre qu’il a hâte de réagir.
    Je serais très heureux, n’importe quand, de débattre les réalisations libérales par rapport à celles des conservateurs, mais ce serait injuste pour eux.
    M. Chong a soulevé une question intéressante quand il a parlé d’un programme national et qu’il vous a demandé s’il était possible d’en avoir un tandis qu’une province en serait exclue. Quand M. Chong nous parle de cela, il parle de principe et il a exercé ce principe de la façon dont personne d’autre ici n’a eu l’occasion de le faire; je l’admire pour cela. Toutefois, nous ne devons pas oublier que le Québec est un modèle pour le reste du Canada. Pour l’essentiel, le programme existe déjà dans cette province.
    S’agissant de garde d’enfants, j’ai l’impression que la question se pose à un niveau très basique : estimons-nous que le Canada, les provinces et les territoires et, espérons-le aussi, les peuples autochtones, devraient investir directement dans la création de places de garderie? Est-ce là le rôle du gouvernement ou devrions-nous donner l’argent à ceux et celles qui peuvent directement s’occuper des enfants de leur côté? Autrement dit, ne devrions-nous pas en venir aussi, dans le domaine des soins de santé, à nous débarrasser d’un système global pour remettre de l’argent aux Canadiens en leur disant : Débrouillez-vous, le secteur privé va s’en occuper et vous bénéficierez peut-être de quelques incitatifs fiscaux.
    À mes yeux, ce n’est pas logique. Même si ça l’était, je ne crois pas que 100 $ par mois et par enfant permettra de créer beaucoup de places de garderie.
    Si j’aborde cette question, c’est qu’elle est fondamentale entre toutes. Comment offrir un service de garde d’enfants? La Convention des Nations Unies de 1948 indique que l’éducation est un droit et pas un privilège. Dans ce texte, on ne parle pas spécifiquement de l’enseignement au primaire. Nous en sommes maintenant au stade où nous devrions commencer à parler également d’éducation postsecondaire et nous parlons d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
    Ma question s’adresse à tous nos témoins. Estimez-vous que le fait de remettre un chèque de 100 $ par mois, ou une autre somme, aux parents d’enfants de moins de six ans va effectivement nous permettre de créer des places de garderie qui seront plus accessibles?
    J’invite n’importe qui à me répondre.
    Nous savons bien que 100 $ par mois ne permet pas de créer des places de garderie. Nous constatons par ailleurs que dans les collectivités rurales, éloignées et du Nord, partout au Canada, même ces chèques de 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans au sein de la collectivité ne permet pas de gagner du terrain, et il n’empêche pas que ces collectivités en perdent. Nous travaillons beaucoup à la Rocky Mountain House, en Alberta. Nous travaillons avec la première nation Nisga’a en Colombie-Britannique et nous travaillons à Port-au-Port, à Terre-Neuve. Toutes ces collectivités se débattent, malgré les chèques de 100 $.
    Ces chèques représentent un fantastique soutien du revenu et notre groupe de réflexion national sera sans doute le premier à dire, tout comme les communautés autochtones et les collectivités rurales appauvries, que ces 100 $ par mois sont les bienvenus. Ce n’est pas un programme national de garde d’enfants, parce qu’il ne crée pas de possibilités et qu’il ne donne aucune option aux familles canadiennes sur ce plan.

  (1705)  

    Je vais demander aux autres témoins de répondre en 20 secondes chacun pour que tout le monde ait la possibilité de le faire. Pouvons-nous faire un tour de table?
    Cette somme ne permet pas de créer des places de garderie pour les Autochtones. J’ai deux enfants et je reçois 200 $ par mois, ça me permet d’acheter les couches et les préparations pour nourrissons.
    Il est malheureux que nous ayons entrepris un débat à l’échelle nationale qui a mis en opposition les besoins des familles de travailleurs et ceux des familles dont un parent reste à la maison. Il est malheureux que nos dirigeants aient permis que l’on oppose les besoins de certains enfants à ceux des autres, les besoins de certaines familles à ceux d’autres familles. Ce que les familles nous disent, c’est qu’elles ont besoin d’un programme de garde d’enfants national.
    Nous devons également soutenir les familles dont un parent reste à la maison. Je crois que nous sommes un pays riche et que nous pouvons nous permettre les deux régimes.
    Nous, nous estimons qu’il faut offrir tout un éventail de programmes. Il faut verser un soutien du revenu aux familles et également une gamme de programmes de garde d’enfants de qualité assortis de mesures de reddition très claires pour s’assurer que chaque dollar investi aboutit là où il le faut pour créer des places abordables, de qualité et accessibles.
    Merci beaucoup.
    M. Lessard, pour trois minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à chacun et chacune d'entre vous, peut-être plus particulièrement à l'Association canadienne...

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Lessard, je dois d’abord laisser la parole à M. Brown, pour trois minutes, et je vous la redonnerai ensuite. Excusez-moi.

[Français]

    Puisqu'il n'était pas intervenu, je croyais qu'il pouvait disposer de six minutes.

[Traduction]

    Eh bien, il faudra que je fasse vite. Je ne m’étais pas rendu compte que nous en étions à trois minutes chacun.
    Tout d’abord, quelqu’un a dit qu’aucune place de garderie n’avait été créée depuis l’arrivée au pouvoir de ce gouvernement. Or, jusqu’ici, il est établi que 1 550 places ont été créées en Nouvelle-Écosse, 500 en Saskatchewan et 500 au Manitoba. Dans son récent budget, l’Ontario s’est engagé à créer 15 000 places et nous attendons bien sûr d’autres budgets provinciaux. Ça, ce sont les données que nous avons au sujet de quatre provinces. C’est incroyable de voir les progrès qui ont été réalisés.
    Je constate que dans ma province natale, l’Ontario, le gouvernement a reçu 97,5 millions de dollars du gouvernement du Canada — et ça c’est pour bien préciser les choses au cas où certains confondent les gouvernements. Le gouvernement de l’Ontario a décidé de consacrer 25 millions de dollars seulement à ce dossier, parce qu’il a estimé que cela était suffisant pour répondre aux besoins en matière de garde d’enfants.
    Je m’inquiète donc un peu de la façon dont les budgets consacrés à la garde d’enfants sont dépensés... et je m’inquiète que ce projet de loi n’entraîne un gel de ces fonds, parce que certaines provinces ne seront pas d’accord avec la notion d’universalité. Par exemple, selon le modèle québécois, l’accessibilité est de 50 p. 100. Mme Savoie a fixé la barre à 54 p. 100, ce qui nous inquiète un peu.
    Ce qui nous préoccupe davantage dans le cas de ce projet de loi, c’est qu’il ne prévoit pas la nécessité d’investir de nouvelles ressources. Je suis sûr qu’il y a là de quoi préoccuper ceux et celles qui nous adressent des suggestions.
    Je ne doute pas que la plupart d’entre nous reconnaîtront que ce problème, au Canada, remonte à 1993 quand beaucoup de Canadiens pensaient qu’il y avait un problème avec la garde d’enfants. Le Parti libéral en a fait une promesse électorale, puis il a réduit le financement de la garde d’enfants. Il a réduit les transferts sociaux aux provinces de 25 milliards de dollars. Ce qui m’inquiète, c’est ce qui pourrait se passer, advenant que le Parti libéral soit réélu et qu’il refasse la même chose qu’en 1993, puisque aucun financement n’est prévu dans ce projet de loi. Qu’adviendrait-il de la garde d’enfants? Pourrait-il s’appuyer sur ce projet de loi pour limiter le financement de ce secteur?
    Ce que je veux savoir de vous, c’est si vous êtes d’accord avec le fait que l’on n’ait prévu aucun financement additionnel... comme Mme Savoie l’a décrit et comme le Parti libéral semble le soutenir, et certainement comme l’a envisagé le premier ministre de l’Ontario qui a cherché des occasions de réduire les fonds accordés à la garde d’enfants dans cette province. Êtes-vous d’accord avec cette idée selon laquelle il n’est pas nécessaire de prévoir un financement additionnel?
    Je suis emballé par l’esprit qui régnait dernièrement à Ottawa après que les conservateurs ont triplé le financement de la garde d’enfants — par rapport à ce que les libéraux avaient promis — pour en arriver à 5,6 milliards de dollars.
    Êtes-vous d’accord avec le modèle conservateur qui consiste à augmenter le financement de la garde d’enfants ou préférez-vous l’argument du statu quo qui revient à dire qu’il n’est pas nécessaire de débloquer des fonds additionnels et encore moins de tripler les sommes comme les conservateurs l’ont fait?

  (1710)  

    Je crois qu’il y a une certaine confusion. En vertu de l’entente bilatérale signée entre Toronto et Ottawa, le gouvernement provincial a accepté le quadruple principe de la qualité, de l’universalité, de l’abordabilité et de l’utilité sur le plan du développement. En vertu de cette entente, l’Ontario a créé 25 000 places de garderie. Quand le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir et qu’il a annulé ces ententes, il a du même coup annulé le financement qui les accompagnait, et l’Ontario a pu créer 15 000 places seulement grâce à l’argent obtenu en vertu de l’entente sur les garderies.
    Pas un seul sou de l’initiative de création de places de garderie n’a permis de créer des places en Ontario, parce que l’Ontario n’a pas reçu d’argent en vertu de cette nouvelle initiative...
    Les 97,5 millions de dollars venaient juste d’être versés. J’apprécie le fait que vous reconnaissiez...
    Monsieur Brown, laissez notre témoin terminer.
    Les 97 millions de dollars constituent le solde du financement prévu aux termes de l’entente sur les garderies conclue avec les provinces. C’est la dernière tranche de ce financement, il ne s’agit pas d’argent neuf.
    Je vais à présent céder la parole à M. Lessard pour trois minutes.

[Français]

    Je vous dirai très brièvement que cela coûte quelque chose et que c'est un choix de société. On fait le choix, c'est oui ou c'est non, et cela coûte quelque chose. Au Québec, cela coûte 1,5 milliard de dollars par année. Toutes proportions gardées, au Canada, on peut déjà estimer ce que cela va coûter. C'est un choix, comme celui que l'on a fait de consacrer 17,5 milliards de dollars à l'équipement militaire. C'est un choix qui a été fait sans consultation, sans débat comme celui que l'on tient présentement au sujet des enfants. C'est donc un choix social.
    Ma question s'adresse à chacune d'entre vous, mais peut-être plus particulièrement au Syndicat canadien de la Fonction publique et à l'Association canadienne pour la promotion des services de garde. J'ai parcouru vos mémoires, et ils ne m'ont pas paru suffisamment complets. Cependant, ce commentaire ne s'adresse pas qu'à vous. En ce qui concerne le développement des entreprises privées, un aspect du projet de loi m'apporte une certaine sécurité, et c'est le fait qu'on mette le verrou sur le développement ultérieur des garderies privées.
    Au Québec, il existe un moratoire sur les garderies privées. Celles qui existent déjà sont également soumises à des règles de qualité, d'accessibilité et d'universalité. C'est très contrôlé. Quand des modifications ont été apportées à la loi, on a constaté que des chaînes commerciales de garderies étaient aux aguets. Aussitôt que le gouvernement québécois a modifié la loi, l'an dernier, à deux endroits, à Sherbrooke et sur la Rive-Sud de Montréal, deux grandes chaînes américaines étaient aux aguets. Considérez-vous qu'il y a dans ce projet de loi ce qu'il faut pour garantir la sécurité face à la commercialisation du système? Sinon, qu'est-ce qui manque au projet de loi?

[Traduction]

    J’estime que ce projet de loi comporte ce dont nous avons besoin pour nous assurer que, si nous instaurons un système qui soit universellement accessible, l’argent n’aboutira pas dans les poches d’exploitants commerciaux. C’est très important parce que j’estime qu’avec ce projet de loi nous constaterons que de nouveaux fonds seront investis dans le système au fil des ans afin de favoriser l’universalité, mais cet argent ne sera pas destiné au secteur à but lucratif.
    Je tiens à souligner le fait que beaucoup d’entre nous qui ont passé le plus clair de leur vie professionnelle à réclamer la création d’un tel programme, ne seraient pas d’accord avec la commercialisation du système au Québec en vertu d’un programme national de garde d’enfants reconnaissant la nature distincte de cette province.
    Voyez ce qui s’est passé en Australie : 70 p. 100 du réseau est actuellement exploité par des intérêts commerciaux oeuvrant dans le domaine de la garde d’enfants et nous voyons que le secteur privé commence à s’intéresser au marché américain et qu’il existe même chez nous, des organisations commerciales canadiennes. Toutes ces organisations sont intéressées par les fonds publics. Elles ne sont pas présentes dans les régions rurales et elles n’ouvriront pas leurs locaux à des enfants ayant des besoins différents et d’inclusion, et elles ne s’installeront pas dans les communautés autochtones. Elles s’installeront sans doute dans les secteurs très riches où elles pourront recevoir d’importants fonds publics.
    Je vous mets donc en garde pour vous dire qu’il y a vraiment lieu de veiller à ce que le système repose sur des garderies sans but lucratif.

  (1715)  

    S’il vous plaît, il vous reste 30 secondes.

[Français]

    J'aimerais ajouter que dans la province du Nouveau-Brunswick, d'où je suis, une chaîne de garderies a pris contact avec notre gouvernement provincial parce que celui-ci veut élaborer un plan à long terme de services de garde. Les chaînes sont donc aux aguets. Je tiens à dire que nous croyons également que le projet de loi répond à ces préoccupations et qu'il va prévenir l'invasion du marché par des chaînes de garderies. De plus, il va faire en sorte que l'argent public investi à l'avenir pour mettre en place un système universel soit remis au public en créant des places pour tout le monde.

[Traduction]

    Madame Chow, trois minutes.
    Madame la présidente, j’ai des lettres de parents de Victoria, de Vancouver, de Halifax, de Toronto, de London, de Prince Rupert, de Kingston, de Nanaimo, de Fergus, de Fort St. John, de Calgary et de Duncan. Je tenais à ce que cela soit dit pour mémoire afin que les gens sachent que nous recevons un important courrier favorable à ce projet de loi.
    Est-ce que l’un de vous a suffisamment d’ancienneté pour se souvenir qu’à la fin des années 80 ou au début des années 90, il avait été question de rédiger un projet de loi sur la garde d’enfants, sous la gouverne du premier ministre qui, à l’époque, était Brian Mulroney? Vous rappelez-vous comment les choses se sont passées alors? Nous n’aurons peut-être pas assez de temps pour obtenir une réponse.
    Pourriez-vous vous en tenir à une minute, parce que le côté gouvernemental a droit à une autre question. Il nous reste une minute et je vous demande de répondre rapidement.
    Certains d’entre nous étaient déjà là et ont travaillé sur ce projet de loi. Je suis certaine que nous pourrions le trouver dans un classeur, avec tous les autres rapports.
    J’estime que ce projet de loi est généralement bien rédigé. Je pense que nous devons nous attaquer aux questions autochtones et nous devons nous assurer que ce projet de loi soit inclusif en matière de garde d’enfants en milieu familial, mais j’estime qu’il est fondamentalement très bon.
    M. Chong peut intervenir pour trois minutes, après quoi nous conclurons.
    Je me contenterai de réitérer brièvement les réserves que j’ai exprimées tout à l’heure.
    Il n’est pas inconcevable que le Québec soit dirigé par un nouveau gouvernement. Pour l’instant, c’est un gouvernement minoritaire — la famille de mon épouse vient du Québec — et tout ce que je veux dire, c’est qu’il n’est pas inconcevable que, dans l’avenir, un nouveau gouvernement puisse modifier radicalement le système de garde d’enfants. À la façon dont il se présente actuellement, ce projet de loi ne l’empêcherait pas. Autrement dit, vous avez une situation qui s’apparente à celle qu’a décrite Peter Dinsdale : il ne s’agit pas d’un programme national s’appliquant à l’ensemble des Canadiens. J’estime que c’est là un grave problème. Je crois que les programmes qui sont conçus par le gouvernement fédéral —
    Vous vouliez poser une question, monsieur Chong? Il ne nous reste que 30 secondes.
    J’exprime mon opinion. Je ne pense pas qu’il y ait une question dans ce que je dis. Je veux également pouvoir faire une remarque.
    En plus de ce que M. Brown a mentionné, nous avons versé 5,6 milliards de dollars aux familles canadiennes. La question qui se pose vraiment — et je vous vois remuer la tête —, c’est l’utilisation de cet argent. Je crois comprendre que vous n’êtes pas d’accord avec l’idée de le répartir également entre toutes les familles canadiennes et qu’il conviendrait davantage, selon vous, de le cibler sur une certaine classe de familles. Ce que nous essayons de dire, je pense, c’est que nous voulons avoir la garantie que tout le monde sera traité de la même façon, peu importe les choix de chacun.
    Convenons donc que nous ne sommes pas d’accord sur certaines de ces choses-là. Le fait est que les familles canadiennes disposent maintenant de trois fois plus d’argent qu’à l’époque du gouvernement libéral.
    Merci beaucoup.
    Il y a des fois où je regrette d’être présidente, mais comme je le suis, je me dois de rester neutre. Je remercie tous nos témoins au nom des députés et des membres du comité. Ce que vous nous avez dit a été très utile.
    Nous allons maintenant clore la séance, parce que nous devons aller voter à la Chambre.
    Je vous remercie. La séance est levée