Passer au contenu
Début du contenu

CC35 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-35


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1010)  

[Français]

    Avec votre permission, nous allons reprendre nos travaux. Il s'agit de la séance no 5, dans le cadre de laquelle nous étudions le projet de loi C-35, Loi modifiant le Code criminel (renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté en cas d'infraction mettant en jeu une arme à feu).

[Traduction]

    Nos témoins sont, à titre personnel, M. Anthony N. Doob, professeur, du Centre de criminologie de l'Université de Toronto, et du Canadian Centre for Abuse Awareness, M. John Muise, directeur de la sécurité publique.
    J'aimerais rappeler à mes collègues que nous devons avoir terminé pour 11 heures. Un autre comité doit nous succéder ici à 11 heures.
    Nous allons commencer avec la présentation de M. Doob. Vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous.
    Je suis évidemment conscient que ce projet de loi reçoit l'appui général de divers partis politiques et des politiciens à plusieurs échelons du gouvernement. Malgré tout, je vous exhorte à réfléchir, avant de prendre votre décision, au message que vous lancez aux Canadiens à propos du fonctionnement du système judiciaire.
    Depuis environ 25 ans, je procède à des recherches portant, entre autres, sur la compréhension qu'ont les membres de la population du système de justice pénale. À mon sens, ce projet de loi est préoccupant, non pas pour ses effets directs sur les rouages du système pénal, mais plutôt en raison des messages clairement erronés qu'il transmet aux Canadiens sur les liens qui existent entre la criminalité et le droit pénal, de même que sur le fonctionnement du système de justice pénale.
    Le premier message que vous communiquez est simple. Vous dites aux membres de la population canadienne qu'en apportant quelques changements à l'un des 849 articles que renferme le Code criminel, vous leur donnez une meilleure protection contre les infractions mettant en jeu des armes à feu. J'aimerais que ce soit aussi simple. J'aimerais que ces changements en soi puissent réduire le nombre de crimes liés aux gangs, aux armes à feu et aux drogues, ce qui vous permettrait de contribuer effectivement à protéger les Canadiens. Malheureusement, ce n'est pas si simple. Pourtant, le message qui émane du Parlement, c'est que le resserrement des critères de mise en liberté sous caution aurait un impact mesurable sur le taux de crimes graves impliquant une arme à feu. C'est faux.
    Cette observation s'appuie sur plusieurs raisons. Nos données sur le fonctionnement des tribunaux chargés des enquêtes sur cautionnement au Canada sont plutôt limitées, mais selon les données relatives à l'Ontario que j'ai eu l'occasion de consulter, les infractions graves et violentes mettant en jeu une arme à feu mènent presque toutes invariablement à une enquête sur cautionnement, et moins du tiers des accusés ayant perpétré un acte de violence non négligeable sont mis en liberté avant le procès.
    Je n'ai pas vu de données qui traitaient expressément des infractions violentes mettant en jeu une arme à feu, mais il est très raisonnable de présumer que le taux de mise en liberté sous caution dans ce cas serait encore plus faible que pour les crimes graves et violents. Si, déjà, moins du tiers de toutes les infractions violentes non négligeables entraînent la remise en liberté avant procès du prévenu, quel effet peut-on attendre d'une disposition portant inversion de la charge de la preuve sur les cas les plus graves impliquant une arme à feu?
    Les seules données qui existent à ma connaissance sur les répercussions du renversement du fardeau de la preuve au Canada touchent une décision judiciaire tout à fait légitime différente. Ainsi, au milieu des années 90, la Loi sur les jeunes contrevenants a été modifiée pour faire en sorte que certaines infractions s'accompagnent d'une « présomption de renvoi » du jeune contrevenant devant un tribunal pour adultes. Notre suivi du nombre de renvois dans ces circonstances nous ont permis de constater que les modifications législatives n'avaient eu aucun effet.
    D'après les études que je connais qui ont analysé le fonctionnement des tribunaux chargés des enquêtes sur cautionnement, la plupart des prévenus sont mis en liberté avec l'assentiment du ministère public et non pas à la suite d'une enquête contestée. Voilà pourquoi on ne devrait pas s'attendre à ce que le projet de loi C-35 ait un effet réel sur ces tribunaux. Le poursuivant ne consentira vraisemblablement plus de nos jours à la mise en liberté d'une personne accusée d'un crime grave impliquant une arme à feu. En modifiant la disposition législative, par conséquent, on ne change rien en ce qui concerne ceux qui se retrouvent en liberté.
    Autrement dit, vous pouvez bien annoncer à vos électeurs que le projet de loi C-35 améliorera leur sécurité, mais je peux vous garantir que ce sera très peu probablement le cas. Si vous voulez accroître la sécurité de vos électeurs, vous feriez mieux de vous pencher sur d'autres aspects du problème.
    Le hic, c'est que les solutions sont plus complexes et ne se limitent pas à quelques changements apportés à un article du Code criminel. Les preuves qui ont été évoquées à maintes reprises pour appuyer ce projet de loi sont intéressantes parce qu'elles ne concernent pas vraiment l'enjeu pertinent. On nous dit qu'à Toronto, près de 40 p. 100 des crimes mettant en jeu une arme à feu en 2006 avaient été commis par quelqu'un qui était en liberté sous caution, qui bénéficiait d'une libération conditionnelle, d'une permission de sortie ou d'une probation. C'est sans doute là une statistique fascinante et, à mon avis, elle n'est pas vraiment surprenante.
    La question qu'on pourrait se poser à l'égard de cette étude, toutefois, c'est combien de ces crimes ont été commis par une personne mise en liberté sous caution après avoir été accusée d'une infraction mettant en jeu une arme à feu visée par le projet de loi C-35 et pour laquelle l'inversion de la charge de la preuve aurait été déterminante. Bien que cette information puisse manifestement être tirée des données utilisées dans cette étude, ceux qui s'en servent dans le contexte de ce projet de loi ne donnent étrangement pas de renseignements plus appropriés.
    Encore plus important, ce que nous voudrions savoir, c'est combien de personnes, parmi toutes celles qui sont inculpées d'infractions visées par le projet de loi C-35, sont mises en liberté sur cautionnement et, parmi celles-là, combien commettent des infractions graves pendant qu'elles attendent leur procès sans être incarcérées? C'est une question à laquelle pourraient répondre ceux qui détiennent les données.
    Il ne faut pas oublier que, logiquement, ce projet de loi n'est pas conçu pour réduire les infractions mettant en jeu une arme à feu. Il ne vise que les enquêtes sur cautionnement à l'endroit des prévenus qui ont déjà, selon le policier, commis un crime au moyen d'une arme à feu. Ce crime aurait, de toute évidence, déjà eu lieu.
    À notre connaissance, les contrevenants qui sont appréhendés pour des crimes graves et violents, particulièrement ceux qui ont utilisé des armes à feu, sont de plus en plus souvent l'objet d'une audience sur le cautionnement, et maintenus en détention. Certains avocats ont affirmé publiquement que, dans de nombreux endroits au Canada, et Toronto en serait un bon exemple, la mise en liberté sous caution se fonde déjà sur un renversement du fardeau de la preuve dans presque tous les cas. En effet, l'accusé doit présenter des arguments soulignant pourquoi il devrait être mis en liberté et rédiger un plan où il s'engage à se présenter devant le tribunal ultérieurement et à ne commettre aucun autre crime.
    Mon inquiétude, ce n'est pas tant que vous allez remplir les prisons provinciales avec encore plus de gens en attente de leur procès, mais c'est plutôt, comme je l'ai déjà dit, que vous lancez deux messages inexacts à propos du droit pénal et du système de justice pénale. Le premier message erroné est que le Parlement, en ajoutant une autre disposition inversant la charge de la preuve en matière de libération sous cautionnement, nous protégera contre le crime. Le deuxième est qu'on affirme que nos tribunaux chargés des enquêtes sur cautionnement ont tendance, de façon générale, à remettre en liberté les gens susceptibles de perpétrer des infractions graves et que nous devons donc resserrer les règles en matière de libération sur cautionnement pour accroître notre sécurité.
    Laissez-moi vous décrire dans les grandes lignes l'issue réelle des décisions rendues en ce qui concerne la mise en liberté sous caution.
    Sur cette diapositive, je présente un graphique illustrant les taux d'incarcération dans les établissements provinciaux pour l'ensemble du Canada et pour ses deux principaux éléments, les détenus ayant reçu leur peine et ceux qui sont en détention préventive. Cette diapositive et les trois prochaines dressent un portrait de la population carcérale dans les établissements provinciaux en moyenne par nuit pour chaque année représentée dans le graphique. Le nombre de personnes placées sous garde est décrit comme un « taux » pour tenir compte de l'évolution de la taille de la population.
    Le portrait qui se dégage de ce graphique est facile à décrire. Tout d'abord, vous voyez que le taux global d'incarcération dans les établissements provinciaux est assez stable tout au long de la période, depuis la fin des années 1970, jusqu'à environ 2003. Ensuite, vous voyez une hausse des taux d'incarcération pour les personnes en attente de leur procès. Ils font plus que doubler au cours de la période, de sorte qu'il y a en 2005 à peu près autant de détenus qui purgent une peine que de gens qui sont punis avant d'avoir été déclarés coupables.
    Ce sont là les données pour l'ensemble du Canada. À l'examen de la situation en Ontario, on constate une tendance semblable, mais encore plus prononcée.
    En Ontario, vous voyez la conséquence naturelle de la décision d'être plus sévère à l'égard des demandes de mise en liberté sous caution. En moyenne, il y a en Ontario presque deux fois plus de personnes qui sont punies avant d'être déclarées coupables qu'après avoir reçu une peine d'un tribunal. Vous pensez peut-être que c'est le résultat d'infractions relatives aux armes à feu, aux gangs, aux drogues, à la violence conjugale ou à n'importe quel autre acte de violence commis par un contrevenant de sexe masculin. Il est certain que cette diapositive semble le confirmer, qui comporte les mêmes renseignements, mais seulement pour les délinquants de sexe masculin.
    Cependant, quand on regarde la situation du côté des femmes, on constate quelque chose qui peut sembler étonnant. On voit plus ou moins les mêmes chiffres. Alors si vous pensez aux drogues, aux gangs, aux armes à feu, etc., avec la diapositive précédente, il est peu probable que la hausse de décisions sévères qui sont rendues à l'égard des libérations sous caution aurait eu l'effet pour les femmes que nous avons ici, soit qu'il y a deux fois plus de femmes détenues avant d'être déclarées coupables qu'il y en a qui purgent leur peine après avoir été déclarées coupables, dans les prisons de l'Ontario.
    Malheureusement, je n'ai pu trouver aucune série de données nationales qui ventilaient les taux d'incarcération séparément pour les femmes et les hommes. Je ne peux donc pas savoir si les données globales à l'échelle du pays pour les femmes suivent la même tendance qu'en Ontario.
    Peu d'entre nous croient vraiment que la hausse du nombre de femmes détenues avant le procès est attribuable à ces infractions graves. Ce que nous constatons, c'est ce qui arrive à un groupe d'accusées qui ne sont vraisemblablement pas des personnes violentes qui commettent des crimes graves en brandissant une arme à feu.
    Le graphique vous décrit le fonctionnement, plus généralement, de nos tribunaux de libération sous caution. Si le taux de femmes incarcérées grandit sans cesse, pensons-nous vraiment que les gens qui commettent des crimes graves avec une arme à feu sont traités avec clémence? Quelle est la pertinence de ces réflexions pour votre examen du projet de loi C-35?
    Je crois que l'un des messages que vous lancez, en appuyant le projet de loi C-35, c'est que le système de justice pénale manque de sévérité dans la manière dont il traite ceux qui sont arrêtés par la police et amenés devant les tribunaux. Nous savons qu'en Ontario, un nombre grandissant d'accusés comparaissent devant un juge pour leur audience sur la libération sous caution. La police est réticente à relâcher dans la rue les gens qui sont au poste de police. Non seulement plus de délinquants sont-ils traînés devant le tribunal, mais aussi, les juges de paix hésitent à libérer les personnes accusées de crime. Il n'y a rien d'étonnant, alors, à ce que notre taux de population détenue provisoirement en attendant le procès soit en hausse.

  (1015)  

    Je sais que l'autre partie de ces graphiques suscite beaucoup d'inquiétude, soit la réduction du nombre de détenus qui ont reçu leur peine. La raison la plus probable de cette baisse est évidente, c'est que les juges sont tenus de prendre en considération le temps qu'un prévenu a passé en prison lorsqu'ils infligent la peine.
    Le temps passé en détention préventive n'est pas une science exacte. On entend dire qu'il y a des gens qui préfèrent passer du temps en prison avant la détermination de leur peine puis après pour pouvoir être mis en liberté en fonction de tout le temps passé sous garde, ce qui présume que la durée des peines est presque parfaitement prévisible. Ce n'est pas le cas, quoi qu'elle le devienne quand il y a une proposition conjointe du procureur et de la défense.
    Il est connu que bon nombre d'accusés préfèrent rester en prison avant leur procès puisque le temps passé en détention préventive compte en double. Mais cette soustraction en double du temps d'incarcération avant le procès est souvent, je crois, mal comprise. Nous ne devons pas oublier ce que signifie une peine de prison. Un délinquant dans un établissement provincial ne purgera presque certainement pas plus des deux tiers de sa peine. Si la durée de l'incarcération est assez longue, disons plus de quelques mois, il est probable que le délinquant sera admissible à la libération conditionnelle ou à des permissions de sortie. Il s'ensuit qu'il purgera vraisemblablement entre le tiers et les deux tiers de sa peine totale.
    Imaginons que la peine appropriée pour un détenu se chiffre à 100 jours. Ce détenu devrait purger entre 33 et 67 jours. Fixons un point médian entre ces deux extrêmes, et supposons qu'il sera emprisonné pendant 50 jours. Si le délinquant a passé 50 jours en détention préventive et qu'il a bénéficié de la soustraction en double de la durée de cette détention, c'est-à-dire 100 jours pour les 50 jours passés sous garde, il aura été incarcéré en moyenne pendant un nombre de jours très proche de la peine à laquelle on s'attendrait. Autrement dit, la soustraction de deux jours pour chaque jour purgé en détention préventive fait partie de notre système, c'est une espèce de compromis équitable. Néanmoins, il est souvent considéré comme une offre alléchante. Ce n'est pas le cas.
    Je ne suis pas grand défenseur de notre système de libération conditionnelle ou de mise en liberté discrétionnaire sous sa forme actuelle. Il y a 20 ans, j'ai fait partie d'une commission qui avait recommandé l'abolition de la libération conditionnelle discrétionnaire telle que nous la connaissons. Mais le système de soustraction en double qui s'applique en ce moment ne semble pas considérablement inapproprié pour un détenu.
    Si vous pensez alors que ce n'est pas important qu'une personne purge sa peine avant ou après sa déclaration de culpabilité, je ne suis pas d'accord avec vous pour deux raisons.
    Premièrement, cette façon de faire dénature les peines qui sont infligées. Lorsqu'un citoyen ordinaire apprend qu'un contrevenant a été condamné à une peine égale au temps déjà purgé ou a fait l'objet d'une peine qui semble brève à cause de la soustraction en double, il n'a aucun moyen de savoir, et c'est compréhensible, ce que cela veut dire. Il lui apparaît que le contrevenant a reçu une peine clémente alors que la sanction aurait été exactement celle qui lui aurait été infligée s'il n'y avait pas eu de détention avant le procès.
    Deuxièmement, et c'est ce que vous diront la majorité des responsables des services correctionnels, l'expression dead time en anglais, pour « temps mort », qui désigne la détention préventive, décrit très bien l'utilité de cette partie de la peine sur le plan de la réinsertion sociale. Les personnes en détention préventive, du moins en Ontario, ne sont en effet normalement pas admissibles à des programmes correctionnels tout simplement parce qu'on ne sait pas encore pendant combien de temps ces détenus resteront incarcérés et, donc, s'ils vont avoir la possibilité de finir les programmes qu'ils auront commencés.
    Le projet de loi C-35 contribue néanmoins à faire croire à la population que le système de mise en liberté sur cautionnement doit être « corrigé » et que plus de gens doivent être placés sous garde avant d'être déclarés coupables pour assurer la sécurité publique. À ma connaissance, vous accentuez une fausse perception du système de justice.
    En dernier lieu, je voudrais vous décrire la situation que nous vivrons désormais au chapitre de la criminalité. Au cours des 10 dernières années environ, la criminalité a chuté globalement. Il en va de même pour les crimes violents. C'est ce qui se passe au Canada dans son ensemble et, puisque j'ai présenté d'autres données relatives à cette province, en Ontario également. Bien que le crime ait apparemment baissé, nos tribunaux sur la libération sur caution sont devenus plus sévères. Nous constatons la même chose quand nous regardons les données sur les crimes violents.
    Bien entendu, je suis bien conscient que le premier ministre a souligné les hausses survenues depuis 2005 dans quatre catégories de crimes violents, soit les homicides, tentatives de meurtre, vols qualifiés et voies de fait graves. Il a omis de mentionner, cependant, qu'il y a eu annuellement une baisse des vols qualifiés commis à l'aide d'une arme à feu, des agressions sexuelles les plus graves et de divers autres délits. Toutefois, peu importe qu'on examine les taux de vols qualifiés commis avec ou sans armes à feu, l'évolution d'une année à l'autre ne nous dit pas grand chose sur les tendances de la criminalité.
    Nous sommes arrivés à un moment, selon moi, où nous devrions réfléchir sérieusement à la façon de réduire les taux de criminalité. Si ces taux étaient en hausse, il serait plus difficile d'être honnête envers la population sur les causes qui sous-tendent les comportements criminels. Par contre, comme les taux de criminalité sont relativement stables ou peut-être même en baisse, nous devrions pouvoir en profiter pour accorder une réflexion approfondie au meilleur moyen d'accroître la sécurité des Canadiens.

  (1020)  

    Malheureusement, il ne semble pas y avoir de débat approfondi sur le sujet. Par conséquent, comme les causes de la criminalité échappent pour l'essentiel au système de justice pénal, je voudrais conclure en revenant sur mon argument précédent.
    Les changements systémiques que vous envisagez d'apporter n'auront aucune incidence sur la criminalité. Si nous voulions vraiment enrayer le crime, nous examinerions sérieusement où il vaudrait mieux investir nos ressources. Nous pourrions nous demander, par exemple, s'il est préférable d'affecter les ressources aux prisons, à la police, aux écoles ou à nos collectivités. Ce ne sont pas là des choix faciles, mais ils sont inévitables. Ce projet de loi ne nous encourage pas à réfléchir aux choix que vous et d'autres ordres de gouvernement devez faire. Il est faux de prétendre que nous rendrons le système de justice plus sévère en même temps que nous investissons dans nos collectivités si nous mettons l'accent presqu'exclusivement sur le premier objectif.
    Je suis conscient que la majorité d'entre vous appuyaient ce projet de loi. Je souhaite donc seulement que vous cessiez de faire de fausses promesses aux Canadiens relativement à l'incidence de ces mesures sur leur sécurité. La criminalité est un problème grave qui exige une réflexion approfondie.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Doob.
    Monsieur Muise.
    Bonjour, et merci de m'offrir cette occasion de comparaître devant vous pour contribuer à vos délibérations sur le projet de loi C-35. En faisant du regard le tour de la salle, je constate que j'ai déjà témoigné devant certains d'entre vous, mais pour ceux qui ne me connaissent pas, mes propos sont fondés sur mon expérience, dont je vais vous parler un peu.
    Je viens d'achever, l'année dernière, 30 ans de carrière dans le domaine de l'application de la loi, au service de police de Toronto. L'an dernier, j'étais sergent-détective à la brigade des homicides, où je dirigeais l'équipe de prélèvement rétroactif d'ADN à la section de la gestion des cas graves. Au cours de ma carrière j'ai travaillé en civil et en uniforme, sans compter les épisodes dans la brigade des drogues au début des années 1980, et de la toute première unité de délinquance urbaine, au début des années 1990. C'était une section hybride d'éducation axée sur les communautés en partenariat avec les écoles secondaires locales, pour lutter contre la délinquance juvénile et les gangs dans les écoles et communautés. Le modèle original que j'ai contribué à créer a inspiré, en tout ou en partie, de nombreuses communautés dans tous les pays.
    J'ai passé les six ou les sept dernières années de ma carrière dans la police en détachement au Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels, un organisme consultatif du gouvernement provincial. Nous avons fourni des conseils sur la sécurité publique, le soutien des victimes de crimes, et la réforme du système de justice pénale à plusieurs procureurs généraux et d'autres ministères du secteur judiciaire de deux gouvernements.
    Je vais parler de deux ou trois choses que le Canadian Centre for Abuse Awareness juge pertinentes en rapport avec le projet de loi C-35.
    Les modifications proposées sont-elles appropriées? Le Code criminel prévoit actuellement l'inversion du fardeau de la preuve, c'est-à-dire que ce n'est pas à la Couronne mais à l'accusé de présenter la preuve quand il doit y avoir audience sur sa libération sous caution. Ceci porte sur divers types d'infractions, et je pense que vous les connaissez toutes, y compris certains délits perpétrés contre l'État, stipulés à l'article 469, une infraction punissable par mise en accusation commise pendant que l'accusé était déjà en liberté sous caution, certains délits de crime organisé et de terrorisme, des infractions commises par un accusé qui vit en dehors du pays, le meurtre et certaines infractions liées au trafic de drogue. Il convient de souligner que ce fardeau, en ce qui concerne la Couronne et la défense, est déterminé à la lumière de la prépondérance des probabilités.
    En dépit des recommandations des articles 7 à 11 de la Charte, la Cour suprême a appuyé ces dispositions, comme en font foi deux affaires, l'une appelée Morales, et l'autre Pearson. L'affaire Morales, en particulier, a déterminé plusieurs éléments, notamment que le droit d'être présumé innocent, en vertu de l'article 11 de la Charte, n'est pas un facteur pertinent lors des audiences sur la libération sous caution. Autrement dit, la culpabilité ou l'innocence n'est pas prise en considération, et la punition ou la peine n'est pas imposée. Au lieu de cela, l'audience concerne l'imposition ou non de la détention préventive. Le tribunal a déterminé que la sécurité publique est un motif pertinent rejeter une demande de libération sous caution. Le tribunal a aussi décrété que les dispositions portant inversion de la preuve restaient valides.
    Le tribunal a déterminé que la portion dite d'intérêt public de l'article était trop vague et, en conséquence, inconstitutionnelle. Après cette décision, le Parlement a modifié l'article et a déclaré ce qui suit — et je pense que c'est important:
il est démontré une autre juste cause et, sans préjudice de ce qui précède, sa détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice, compte tenu de toutes les circonstances, notamment le fait que l'accusation paraît fondée, la gravité de l'infraction, les circonstances entourant cette perpétration et le fait que le prévenu encourt, en cas de condamnation, une longue peine d'emprisonnement.
    Ceci a été ajouté aux dispositions originales. L'affaire Pearson a abouti à des décisions d'ordre similaire.
    Comme vous le savez, les articles à l'examen avec ce projet de loi visent des infractions qui concernent le port et l'utilisation d'armes à feu pour perpétrer des délits graves et qui sont passibles d'une peine minimale de trois ans d'emprisonnement. Elles devraient donc être incluses à l'article 515, relativement l'inversion du fardeau de la preuve.
    Est-ce que les crimes violents sont en hausse au Canada? Quand on examine les statistiques sur les taux de criminalité, on peut faire valoir les aspects que l'on veut. Les criminologues, les avocats, les professeurs de droit et d'autres universitaires n'hésitent pas à vous rappeler qu'il faut s'en tenir aux faits, et ne pas se tromper. Je suis bien d'accord avec eux, mais ils font parfois la faute de fonder leurs arguments sur des hausses ou des baisses à court terme une année sur l'autre. Ce peut être trompeur et non pertinent.

  (1025)  

    Si on regarde le taux de crimes violents, calculé en fonction d'une population de 100 000 personnes, qui remonte à 1962, on constate que le taux de crimes violents de 221 par 100 000 habitants en 1962 est passé à 1 084 en 1992, et s'est stabilisé depuis lors à un peu moins de 1 000 par 100 000 habitants ces neuf dernières années. C'est une hausse phénoménale quel que soit l'angle sous lequel on regarde les choses, et la stabilisation que l'on constate depuis une douzaine d'années nous laisse encore à des années lumières des bons vieux jours. Quand on pense au nouveau vocabulaire de la criminalité, de nos jours — et j'en parlerai plus longuement tout à l'heure — cette hausse extraordinaire depuis 1972 est importante, et je ne pense pas que nous puissions la passer sous silence.
    Bien que la CCAA n'a pas accès à des tableaux correspondants à long terme pour les infractions mettant en jeu des armes à feu, nous ne doutons pas que, si nous en avions, ils feraient état d'une incidence similaire ou supérieure des crimes violents, là où un suivi est fait des délits de ce genre. La CCAA encourage vivement le comité à obtenir des représentants du ministère les mêmes tableaux à long terme sur les infractions mettant en jeu des armes à feu.
    Les agents de la paix et autres professionnels qui sont aux premières lignes du système de justice pénale savent d'instinct que ce n'est qu'un petit nombre de délinquants qui commettent un nombre disproportionné des crimes graves et violents. Ils savent aussi qu'un grand nombre de crimes violents sont commis par des délinquants qui sont en liberté sous caution ou d'autres formes de liberté conditionnelle ou judiciaire.
    Le document de discussion de LEGISinfo qui a été préparé pour ce projet de loi disait ce qui suit:
D'après les statistiques citées par le gouvernement du Canada, sur près de 1 000 crimes commis avec des armes à feu ou des armes à utilisation restreinte en 2006 à Toronto, « près de 40 p. 100 d'entre eux ont été commis par quelqu'un qui était en liberté sous caution, en liberté conditionnelle, en absence temporaire ou en probation ». Selon la police de Toronto, 70 p. 100 des personnes accusées d'homicide en 2006 étaient visées par une ordonnance de la Cour au moment de la commission de l'infraction.
    La CCAA est convaincue que si ces chiffres étaient analysés, on découvrirait que bien des délinquants responsables de la commission de crimes violents graves étaient en liberté provisoire ou une autre forme de liberté conditionnelle au moment de commettre l'infraction, y compris la liberté sous caution quand des armes à feu ont été utilisées au moment de l'infraction supposée. Je le répète, la CCAA recommande que ce comité obtienne du ministère tous renseignements disponibles sur ces questions.
     Qu'en est-il des incidents survenus avec des armes, à Toronto, depuis 30 ans? Nous aimerions, en passant, faire un petit historique des crimes mettant en jeu des armes à feu à Toronto. Nous soupçonnons que la situation était la même dans la plus grande partie des municipalités urbaines de tout le pays.
    J'ai eu une perspective unique sur la situation, en tant qu'agent de maintien de l'ordre du service de police de Toronto de 1976 à 2006. Les premières années, il était extrêmement rare, même dans les secteurs les plus peuplés du centre-ville que des délinquants soient arrêtés en possession d'armes à feu illégales ou semi-automatiques. Même les trafiquants de narcotiques et de drogues les plus organisés ne transportaient ni ne possédaient pas ce genre d'armes de feu. Je le sais, parce que j'ai travaillé pour la brigade des drogues. Les policiers, qu'ils soient en uniforme, en civil ou infiltrés, étaient rarement confrontés à ce type d'armes.
    La situation a changé à la fin des années 1980, ce qui a coïncidé avec le commerce du crack — c'est-à-dire de cocaïne épurée. Elle a continué au début des années 1990, et encore avec la prolifération des gangs de rue à l'américaine, généralement organisés par groupes ethniques, qui, maintenant, commettent des crimes pour assurer leur territoire et leurs profits.
    Les résultats sont flagrants, souvent dans les secteur à prédominance de logements subventionnés, et de temps à autre, dans nos rues encombrées des centres-villes: fusillades au volant, coups de feu tirés pour une impression de manque de respect, agressions à domicile brutales et souvent aléatoires... aucun vendeur de crack qui se respecte ne quittera son domicile sans son fidèle pistolet Glock ou son arme de poing 9 millimètres, et des communautés entières sont marginalisées et vivent dans la peur. Nous avons un nouveau vocabulaire du crime violent et brutal, et les statistiques sur les crimes violents que je vous ai données plus tôt reflètent cette réalité.
    La plupart des citoyens canadiens ne voient, ni ne vivent l'expérience des jeux d'armes et de gangs qui se livrent dans certains contextes urbains. Ils le voient, souvent, que lorsqu'ils syntonisent leur poste sur le bulletin d'actualité du soir. Mais pour une vaste minorité de personnes non favorisées de la strate sociale inférieure, les jeux d'armes et de gangs ne sont que trop réels, et sèment la panique dans les communautés et parmi ceux qui y vivent. Ce n'est pas exagéré que de dire que pour certains, les armes et les gangs ont réduit leur communauté à des zones urbaines de guerre virtuelle et de danger, ou si on ne se lie pas aux méchants, on doit garder la tête baissée, croiser les doigts et prier pour qu'aucun de ses proches ne se fasse tuer.
    Eh puis, il y a les représailles contre les délateurs. Dans le contexte que je viens de décrire, un créneau très répandu est qu'on ne moucharde ni ne rapporte pas à la police, en aucun cas. Cette idéologie est bien répandue depuis longtemps. Lancée par les détenus des prisons et les groupes de crimes organisés, c'est une dynamique particulièrement puissante qui a enveloppé les communautés dont je viens de parler. Les organismes urbains d'application de la loi éprouvent d'énormes difficultés à obtenir l'appui des témoins quand les armes à feu et des gangs sont concernés. C'est probablement la principale raison qui fait que ces délinquants ne sont pas allés devant la justice dans les pires des cas particulièrement pour les homicides.
    Le fait de libérer sous caution des délinquants qui utilisent des armes à feu quand ils ne devraient pas être libérés contribue à saper encore plus l'administration de la justice. Et cela pousse les témoins et les victimes, s'ils vivent encore, à se cacher encore mieux. Ce problème ne sera pas réglé de sitôt.

  (1030)  

    Pour terminer, cette modification proposée a reçu un vaste soutien d'un large éventail d'intervenants. Ceux qui possèdent et utilisent des armes à feu visées par ce projet de loi ont fait des choix très particuliers sur la manière dont ils veulent vivre leur vie, plus, du moins sous l'angle de la sécurité publique, que le petit revendeur de pot. Quand on décide de prendre une arme à feu pour commettre un crime ou comme outil faisant partie de son arsenal criminel, peut-être ne sait-on pas combien de temps on passera en prison, mais l'on connaît certainement les conséquences qu'il y aurait à faire feu avec cette arme, et on a fait un choix clair. On ne peut pas ne pas savoir qu'il pourrait y avoir de la violence grave et des victimes.
    La CCAA n'appuie pas et ne devrait pas appuyer la moindre recommandation qui sape les principes fondamentaux de notre système judiciaire: la présomption d'innocence. C'est la pierre angulaire du système de justice pénale du Canada. La question que nous posons c'est jusqu'où doit-on aller? Nous sommes d'avis qu'il convient d'inverser le fardeau de la preuve pour un petit nombre de délits similaires mettant en jeu des armes à feu, qui sont tous assortis de peines minimales obligatoires assez importantes.
    Nous pensons qu'il s'agit ici d'un peaufinage législatif plutôt que d'un virage radical dans la manière dont la loi est appliquée en matière de libération sous caution. En fin de compte, ce sera à nos tribunaux de décider, selon la prépondérance des probabilités, si l'accusé devrait être détenu en attendant son procès. Donnons donc à ces tribunaux ce petit outil pour les aider à prendre des décisions en faveur d'une plus grande sécurité publique.
    Nous encourageons tous les membres du comité et tous les parlementaires à s'unir pour adopter cette loi.
    J'ai laissé des copies de mon document de présentation au greffier, et aussi un graphique qui illustre la montée des crimes violents.
    Je vous remercie.

  (1035)  

    Merci beaucoup, monsieur Muise.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Chaque intervenant aura droit à six minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.
    Monsieur Bagnell, vous avez la parole.
    Pour le premier tour, voulez-vous dire?
    Il n'y aura pas de deuxième tour. C'est six minutes en tout, pour les questions et les réponses, pour chacun. Vous êtes le premier. Vous venez de perdre dix secondes.
    Merci à tous deux d'être venus. Nous sommes ravis de vous revoir. Ces présentations étaient très réfléchies.
    Monsieur Doob, pour ceci et d'autres projets de loi, j'aimerais situer correctement le contexte. Est-ce que le crime est en baisse au Canada? Comme le disait M. Muise, il ne suffit pas d'examiner la question une année sur l'autre, alors remontons à une dizaine d'années, à 1992, ou quelque chose du genre.
    Le chiffre que vous avez est là. En un certain sens, John Muise et moi-même nous entendrions sur le fait que le nombre de crimes déclarés à la police est monté en flèche, c'est certain, sur une période de 20 ans. Nous ne devrions pas non plus, je pense, nier la baisse des crimes, comparativement au début et au milieu des années 1990. Je serais tout à fait d'accord avec lui qu'on ne voudrait pas, en matière de crime, choisir les comparaisons d'années et de crimes particuliers commis au fil des années.
    Je pense que ma réponse à cela, c'est que ce n'est pas le temps de paniquer et de chercher des solutions rapides et inefficaces au crime. Ce que nous devrions faire, c'est chercher une solution tangible. Je pense que le problème, c'est que ce que nous ferions contre le crime, qu'il soit en hausse ou en baisse, est du pareil au même.
    Le problème des gangs armés, dont a parlé John Muise, est un problème grave. Peu m'importe, en fait, quoi que nous allions faire à ce sujet, qu'il y en ait eu moins cette année que l'année dernière ou l'année d'avant. Il me semble que s'il y a un problème avec les armes à feu et les gangs, nous devrions nous attaquer à ce problème.
    Alors pour moi, la question de la hausse ou de la baisse du crime n'est pas l'enjeu central. L'enjeu central, c'est que nous devrions faire quelque chose de sérieux contre le crime et, bien entendu, nous devrions faire quelque chose de sérieux contre le crime mettant en jeu des armes à feu.
    Est-ce que vous pourriez me répondre brièvement, pour me situer? Est-ce que le taux de criminalité est plus élevé aux États-Unis, ou est-il inférieur à celui du Canada?
    La réponse la plus simple, c'est qu'il n'y a pas de réponse. La raison à cela, c'est que la méthode d'enregistrement des crimes aux États-Unis est très différente. En particulier, il y a une catégorie de crimes appelée « index crimes », qui sont les seuls que le FBI collige et qui rassemble un grand nombre de services policiers. Nous autres, de notre côté, colligeons chaque crime qui est déclaré à la police, selon la population, tous les services de police confondus.
    La décision des États-Unis d'adopter la méthode d'indexation des crimes a fait que, nécessairement, moins de crimes sont enregistrés, parce que c'est un sous-ensemble d'infractions.
    Il y a un type de crime qu'il est facile de comparer, les homicides. Aux États-Unis il y a généralement trois fois et demie plus d'homicides que chez nous. C'était ainsi au milieu des années 1970, quand le taux d'homicides a atteint son sommet, et c'est encore ainsi maintenant.
    J'ai une autre question à poser, puis je laisserai mes collègues poser les leurs.
    Nous avons été très frustrés qu'il n'y ait pas de statistiques sur les libérations sous caution. Si ces gens-là sont libérés et commettent des crimes, c'est très frustrant pour le comité. De toute évidence, bien des innocents sont en prison, en détention provisoire, en attendant leur procès. Avez-vous des données pour démontrer que c'est un élément négatif, qui fait du tort à la population, qu'il y ait des Autochtones en prison? D'un autre côté, est-ce que cela l'emporte sur le fait qu'il se peut qu'on garde des gens en prison alors que d'autres pourraient être en train de commettre des crimes graves?

  (1040)  

    Je pense qu'il y a là deux problèmes. L'un, c'est qu'il me semble que nous devrions nous inquiéter un peu à l'idée de punir des gens avant qu'ils soient trouvés coupables de quelque chose. Le deuxième, du point de vue correctionnel, c'est que les détenus provisoires sont un groupe très difficile, parce que les responsables des services correctionnels disent qu'ils ne peuvent vraiment pas leur offrir des programmes appropriés, pour les raisons que j'ai indiquées dans mes commentaires. Je pense que l'argument généralement posé, c'est que les peines devraient être prononcées et ceux qui sont déclarés coupables devraient purger leur peine.
    La hausse de la population de détenus provisoires, particulièrement depuis dix ans, me semble-t-il, reflète le fait que nous avons durci cet aspect du système de justice pénale à une époque où la criminalité elle-même ne le justifiait pas. Je craindrais, comme je l'ai dit, en ce qui concerne ce projet de loi, que ce que nous sommes en train de faire aille dans le même sens.
    Madame Jennings, vous avez une minute et demie.

[Français]

    Je vais céder ma place à M. Murphy.

[Traduction]

    Monsieur Murphy.
    Monsieur Doob, vous ne nous donnez pas vraiment de solution, en disant que si nous voulons vraiment prévenir le crime, nous devrions investir dans diverses priorités. Je comprends bien que votre rôle, ici, était de parler de ce projet de loi, mais prenons la promesse qu'a faite le premier ministre et son équipe de financer 2 500 agents de police. Si elle était tenue, ce qui jusqu'ici n'est pas le cas, est-ce que vous considéreriez que c'est l'un de ces aspects importants, ou iriez-vous plus loin en disant que nous devrions adopter le programme de prévention du crime d'autres compétences, en tout ou en partie?
    Je dirais que ce que nous voulons vraiment faire, c'est ceci. Si nous avons un certain montant d'argent que nous sommes prêts à dépenser sur la prévention du crime, ce que j'aimerais faire, c'est avoir un débat sérieux sur le meilleur usage à en faire.
    D'après les données que j'ai, la police est capable à tout le moins d'empêcher certains crimes rien que par sa seule présence dans les rues. D'après les études qui ciblaient les agents de police de certains secteurs où il y avait des problèmes particuliers, il semble y avoir réduction de la criminalité pendant la période de présence de la police. La théorie voulant que de vastes coups de filet, comme il y en a eu dans certaines villes, y parviennent, est autre chose. Mais il me semble que le simple enjeu dont nous soyons sûrs, par exemple, d'après les recherches sur la dissuasion, c'est que l'arrestation est importante. Des mesures qui favoriseraient l'arrestation, des programmes ciblés qui entraîneraient l'arrestation des gens qui commettent des crimes graves avec des armes à feu — on pourrait difficilement être contre.
    En même temps, je pense que si nous avons quelques millions de dollars à investir, nous devons réfléchir ensemble à la manière de les répartir. Allons-nous en donner aux prisons, qui représentent la punition après le fait; en donner à la police pour faire le genre de choses dont je viens de parler ou investir dans la prévention primaire, pour essayer de contrer la motivation à se joindre à des gangs et à se munir d'armes à feu?
    J'aimerais bien qu'il y ait un débat là-dessus.

[Français]

    Monsieur Ménard.
    J'ai trois courtes questions, dont deux pour M. Doob et une pour M. Muise. En effet, chacun doit faire sa part.
    Monsieur Doob, vous savez peut-être que depuis une dizaine d'années au Canada, il existe une stratégie appelée la Stratégie nationale pour la prévention du crime. Au Bloc québécois, nous pensons qu'il faut augmenter de 25 p. 100 les fonds alloués à cette stratégie. En fait, elle comporte trois programmes: deux d'entre eux sont destinés à des groupes communautaires, et l'autre fournit des outils, surtout à l'échelle nationale.
    Avez-vous étudié l'impact de cette stratégie? Vous n'avez pas à nous convaincre que les statistiques sont ce que vous prétendez qu'elles sont, puisque vous les avez déposées.
    Vous nous dites aussi que dans la pratique, une personne ayant commis des crimes au moyen d'une arme à feu a peu de chances d'être remise en liberté. Que ce soit positif ou négatif, il faut trouver ailleurs des solutions pour enrayer le fléau que sont les crimes commis au moyen d'armes à feu.
    Croyez-vous que la Stratégie nationale — et ici, on devrait parler d'une stratégie canadienne puisque, comme vous le savez, le mot « nations » est pluriel, mais il s'agit là d'un autre débat — pour la prévention du crime ait donné des résultats positifs?
    J'aimerais ensuite demander à M. Muise pourquoi il conteste les statistiques sur la criminalité effective au Canada.

  (1045)  

[Traduction]

    Il est très difficile de répondre à la question sur l'efficacité de la stratégie nationale, parce que la stratégie du programme national de prévention du crime, me semble-t-il, a à la fois l'avantage et l'inconvénient d'être diffuse, c'est-à-dire que très peu d'argent est attribué à un vaste nombre de programmes chargés de faire diverses choses dans la communauté. Ce n'est pas ainsi que j'aurais fait. J'aurais plutôt choisi de concentrer le budget de la prévention du crime sur des programmes dont il est reconnu qu'ils sont efficaces, et de les évaluer en cours de route, pour vraiment déterminer comment ils vont.
    Il existait un programme européen dont je suis au courant, qui était assez semblable, qui versait de l'argent à des communautés relativement restreintes, et ces communautés faisaient diverses choses. L'incidence générale de cette mesure semblait relativement mince. Ce que je crains, c'est que quand on donne 50 000 $ ici, 20 000 $ là et 100 000 $ ailleurs, on se retrouve avec tellement de programmes, dont la plupart ne sont pas correctement évalués, qu'au bout du compte, on ne peut pas savoir qu'est-ce qui est vraiment efficace.
    Si je devais répartir le budget de prévention du crime, ce que je dirais, c'est analysons quatre ou cinq possibilités différentes. Mettons ces mesures en oeuvre en plusieurs endroits, et évaluons et modifions sérieusement ce que nous faisons. Alors quand on constate que quelque chose est efficace à un endroit, on modifie les autres programmes, et quand on trouve des choses qui ne fonctionnent pas, on y met fin.
    Je ne pense pas que nous ayons cela, parce que comme je l'ai dit, ce que nous avons fait jusqu'ici, c'est de dire laissons tout le monde au Canada essayer quelque chose, et nous nous retrouvons avec tous ces petits programmes éparpillés.
    Monsieur Muise.
    Monsieur Ménard, je pense que votre question était de savoir pourquoi je conteste les statistiques sur la criminalité. Ce n'est pas ce que je fais. Les statistiques que j'utilise sont légèrement différentes; ce sont les statistiques sur les crimes liés au trafic, les infractions au Code criminel en général. Mais en 1962 — et je sais que M. Doob a le graphique de ces statistiques — le taux de crimes violents était de 221 par 100 000 habitants. Il a atteint un sommet en 1992, à 1 084 par 100 000 habitants, et il est retombé maintenant à 943.
    Ce que j'en déduis, c'est que nous avons connu une hausse extraordinaire de 1962 à 1992, et qu'il y a eu stabilisation après un léger fléchissement de quelque 12 à 15 p. 100 sur les 13 dernières années. C'est l'aspect positif qu'on peut en déduire.
    Le moins positif, je pense, c'est que nous vivons dans un monde tout à fait différent de ce qu'il était en 1962. Alors il y a un peu de positif, mais dans l'ensemble, du très négatif en ce qui concerne les crimes violents. Quand nous reviendrons au taux de 1962, à l'époque de Leave it to Beaver, et ce sera bien après mon passage sur la terre, je pense, si jamais cela arrive, alors je n'aurai plus à venir ici.
    Je ne conteste absolument pas les statistiques sur les crimes violents. C'est terrible.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Comartin.
    Je ne peux laisser cela au compte rendu sans rien dire. Je veux dire que la réalité est que les crimes du début des années 1962 jusqu'à — le professeur Doob le saurait mieux que moi — la fin des années 1972 étaient grossièrement sous-déclarés, parce que notre système de cueillette de statistiques sur la criminalité était encore embryonnaire en 1970-1975.
    Monsieur Muise, peut-être voudriez-vous retourner étudier la cueillette de statistiques sous cet angle.
    Monsieur Doob, ...
    Voulez-vous que je réponde à cela, monsieur Comartin?
    Non, pas du tout. Ce n'était qu'un commentaire. J'ai le droit d'en faire. Si vous voulez nous montrer comment interpréter les statistiques — et j'en suis parfaitement capable —, je vous dirais peut-être de vous améliorer auparavant à ce chapitre.
    Monsieur Doob, au sujet de la statistique de 40 p. 100 de personnes qui sont libérées et qui récidivent — et M. Muise l'a reprise, ce qui n'a rien d'étonnant — vous en atténuez l'importance, du moins vous l'avez tous les deux fait dans vos présentations aujourd'hui, et je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi ne devrions-nous pas nous inquiéter? Est-ce que ce chiffre n'est tout simplement pas exact?
    Vous avez dit que ce n'était pas pertinent, mais je n'ai pas compris pourquoi, alors pourriez-vous m'expliquer votre position sur cet aspect?
    Ma position est très simple, c'est que la catégorie des 40 p. 100 de gens qui commettent des infractions avec des armes à feu est volumineuse. Ce sont des gens qui sont en probation, en liberté sur parole, qui jouissent d'une forme quelconque de libération, ou encore qui font l'objet d'un mandat quelconque. Ce dont nous parlons ici, c'est la libération sous caution, et la question est de savoir quelle proportion de ceux-là sont en libération sous caution.
    La deuxième question...

  (1050)  

    Nous ne le savons pas?
    Eh bien, ce n'est pas mon étude. Je n'en ai vu que des extraits, je ne pense pas qu'elle ait été publiée, alors je n'y ai pas accès.
    Le deuxième problème est de savoir combien de ces délinquants n'étaient pas seulement libérés sous caution, mais aussi s'ils étaient accusés d'infractions mettant en jeu des armes à feu. Alors là je pense que nous devons faire attention à bien déterminer la cible de cette étude, sous l'angle de la sécurité publique. Ce sont des gens qui sont inculpés pour des infractions commises avec des armes à feu, qui vont au tribunal des cautionnements, qui seront détenus, et qui auraient été libérés s'il n'y avait pas cette loi — c'est-à-dire qui seraient détenus à cause du projet de loi C-35 — mais qui alors commettaient une autre infraction. Alors vous parlez ici d'un impact potentiel minimum, parce qu'il ne s'agit que de ce groupe.
    Mon point de départ, d'après les statistiques de l'Ontario que j'ai en main, c'est que ces gens-là vont être détenus. Alors quand vous inversez le fardeau de la preuve... En réalité, le fardeau est déjà inversé, comme vous le disait le témoin de tout à l'heure. Alors vous parlez d'un nombre minimal de personnes qui pourraient être détenues, mais autrement, qui auraient été libérées. Maintenant vous dites, quelle proportion de ce nombre minimal commettrait une autre infraction? Ce n'est pas de la sécurité publique.
    Je le comprends.
    Y a-t-il d'autres résultats similaires relativement à cette pratique des tribunaux, qu'illustre votre graphique sur la montée du taux de femmes incarcérées en attendant leur procès ou la disposition de la plainte, pour les minorités visibles, les premières nations, les Autochtones ou les Métis? Avez-vous vu quoi que ce soit à ce sujet?
    Je pense avoir utilisé le terme « limitées » en parlant des données du pays, à bien des égards. C'est une autre paire de manches. Je ne peux obtenir ces données que pour l'Ontario. Nous n'en avons même pas sur les femmes. On pourrait penser que ce devrait être relativement facile.
    J'ai examiné la question dans un autre contexte récemment, et la difficulté, c'est que les définitions sont changeantes. Nous n'avons pas de définitions claires de ce que sont les autres groupes. Je ne veux pas vraiment défendre l'agence de statistiques, mais les circonstances sont telles qu'il n'est pas tellement facile de mesurer la population Autochtone, par exemple, avec le temps. Dans ses données sur la population, Statistique Canada déclare que le nombre d'Autochtones a augmenté de 106 p. 100 entre 1981 et 1991. C'est en grande partie parce que ce segment de la population était disposé à s'identifier en tant qu'Autochtone en 1991, et ne l'était pas en 1981. Nous n'avons pas de renseignements sur la manière dont est enregistré le statut d'Indien dans les prisons.
    Alors la réponse simple, c'est que c'est un domaine où je peux comprendre que l'agence de statistiques n'aie pas de données, bien qu'il y ait d'autres domaines où il me semble qu'elle devrait en avoir mais n'en a pas.
    Avez-vous eu des contacts avec l'agence? Ils s'engagent à recueillir plus de statistiques — qu'elles soient utiles ou non, je n'en sais rien — d'ici un an ou un an et demi. Avez-vous eu des entretiens avec eux sur la manière dont ils conçoivent la cueillette de statistiques?
    J'ai jeté un oeil, rapidement, sur leur témoignage d'il y a quelques jours, ici. Je pense qu'ils parlaient de statistiques des tribunaux. La difficulté, avec les statistiques des tribunaux en ce moment-ci, c'est que nous avons déjà deux ans de retard. Ils ont promis de publier les statistiques de 2004-2005 au troisième trimestre de cet exercice. Ils n'ont jamais publié celles de 2003-2004. C'est la même chose pour les jeunes et les adultes. Alors pour ce qui est de notre capacité d'obtenir des renseignements détaillés, nous sommes très en retard.
    De plus, le degré de détail de leurs données habituelles — du moins pour des gens comme moi — est tel qu'il est très difficile d'utiliser ces données pour éclairer des politiques comme celle-ci.
    Merci.
    Monsieur Moore, vous avez la parole.
    Merci à tous deux.
    Il y a une chose que nous avons entendue à maintes reprises des témoins précédents — et je l'ai entendue de votre bouche, aujourd'hui, monsieur Muise — y compris des chefs de police... Et je pense que nous avons entendu, professeur Doob, que ceci pourrait ne toucher qu'un nombre relativement restreint de personnes.
    Ce que nous avons entendu à maintes reprises en tant que comité, c'est que le problème vient d'un nombre relativement limité de personnes, quand elles sont libres. Nous avons entendu que quand on retire ce petit nombre de récidivistes des rues — les gens qui commettent des infractions avec une arme à feu, comme les infractions graves visées par le projet de projet de loi C-35  — dans certaines communautés, les taux de criminalité peuvent chuter radicalement.
    Je me demande, monsieur Muise si vous pouvez commenter cela, selon votre expérience, parce que nous l'avons certainement beaucoup entendu. Aussi, j'aimerais que vous répondiez à une question de M. Comartin, alors je vous laisserai du temps pour cela.
    Est-ce que vous pourriez tous les deux répondre brièvement, parce que j'ai d'autres questions à poser?

  (1055)  

    Très brièvement, parce qu'il ne reste que trois minutes.
    Oui, merci monsieur Moore.
    Pour la première question, la neutralisation, oui... En fin de compte, la raison pour laquelle on rejette la demande de libération sous caution d'une personne, c'est pour assurer sa comparution devant le tribunal et, si cette personne constitue une menace, qu'elle ne commettra pas d'autres crimes pendant la période de libération sous caution. Mais il ne fait aucun doute que dans l'ensemble, si on neutralise les pires délinquants qui commettent un nombre disproportionné de crimes violents graves, au bout du compte, si on s'y attaque sous tous les angles, on y arrivera. La criminalité sera en baisse.
    Pour ce qui est des statistiques, nous ne sommes pas en mesure d'entamer un débat ici. Je comprends la différence dans la collecte des données au fil des années. Sous réserve de données plus solides émanant d'experts du domaine, je pense que ce graphique particulier sur les crimes violents reflète raisonnablement la trajectoire du taux de crimes violents dans le pays entre 1962 et maintenant.
    Je m'en tiendrai là pour l'instant, et je vous remercie de m'avoir permis...
    Nous avons entendu aussi à maintes reprises qu'il est difficile d'obtenir les statistiques. Nous avons aussi entendu tout aussi souvent que c'est toujours un pourcentage relativement très faible de notre population, au Canada, qui pose vraiment problème, et qu'en nous concentrant là-dessus, on pourrait faire une différence réelle dans les communautés.
    Professeur Doob, je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Nous devrions faire quelque chose, que le crime soit en hausse ou en baisse. Si nous avons un problème de criminalité, nous devrions agir. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Vous avez parlé des taux plus élevés de détentions provisoires, comparativement aux condamnations. Est-ce que vous estimez que ce pourrait être attribuable aux retards des procès? Avez-vous examiné et comparé ces taux entre les diverses compétences, quand le procès a lieu plus tôt ou plus tard, selon la compétence?
    Oui, c'est tout à fait juste, c'est dû en partie aux retards.
    Ce que nous semblons constater plus précisément en Ontario, c'est qu'il y a deux problèmes. L'un est que les audiences de libération sous caution elles-mêmes prennent plus de temps, et au lieu de réserver un jour ou deux pour l'audience sur la libération sous caution, il en faut nettement plus. De plus, les délinquants sont détenus plus longtemps. Mais il semble aussi qu'il y ait plus de délinquants qui sont détenus pour de plus longues périodes. Ce sont donc les trois possibilités.
    D'accord.
    Et monsieur Muise, vous avez vu ce sur quoi le projet de loi est axé. Nous avons vu ce qu'a donné l'inversion du fardeau de la preuve dans le passé. C'est en vigueur actuellement. Notre plus haut tribunal a même, à quelques reprise, confirmé que cette pratique est constitutionnelle, particulièrement quand elle est aussi focalisée que dans ce projet de loi. Certains des délits les plus graves — le port d'arme à feu, la tentative de meurtre, le vol, le kidnapping...
    Pouvez-vous expliquer un peu comment, selon vous, un projet de loi aussi focalisé que celui-ci aura une incidence sur certains de ces cas?
    Eh bien, je pense qu'il a été longuement réfléchi. Il est évident qu'en le rédigeant, les rédacteurs ont examiné la jurisprudence de Morales et Pearson, ils ont étudié la Charte, parce qu'il serait difficile d'imaginer une série plus ciblée d'infractions préjudiciables pour une communauté que les crimes mettant en jeu des armes à feu dans les secteurs urbains, commis par des gens qui ne devraient pas posséder ces armes à feu.
    Je suis d'accord avec l'intervenant précédent à ce sujet — et je ne voudrais en rien en atténuer l'importance — mais c'est plus que le revendeur de pot local. Il apparaît tout à fait logique de vouloir cibler les gens qui possèdent des armes à feu et qui les utilisent pour commettre des crimes graves.

  (1100)  

    Merci beaucoup aux deux témoins, MM. Muise et Doob.
    Je tiens à rappeler à nos collègues que nous avons rendez-vous cet après-midi à 15 h 30, dans la pièce 308 de l'édifice de l'Ouest. Merci.
    La séance est levée.