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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 juin 2007

[Enregistrement électronique]

  (1115)  

[Traduction]

    La séance du 5 juin 2007 du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord est ouverte.
     Vous avez tous reçu l'ordre du jour. Nous reprenons notre étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Nous accueillons aujourd'hui Jerome Slavik, avocat chez Ackroyd, Piasta, Roth & Day; Louise Mandell, avocate chez Mandell Pinder; et le professeur William Black de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous.
    Selon notre procédure habituelle, chaque témoin aura 10 minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    J'aimerais commencer avec William Black, s'il vous plaît.
    Je remercie les membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Je sais que mes collègues aborderont la question des consultations. Bien qu'elle soit importante, je l'admets, je vais plutôt m'intéresser à d'autres questions qui doivent aussi faire l'objet d'un débat.
    J'ai fait partie du comité La Forest, le comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Mon objectif principal aujourd'hui est de parler de la réflexion de ce comité et de la manière dont il est parvenu à ses recommandations
    Parlons d'abord des objectifs que nous pensions devoir atteindre. Autrement dit, avant de voir comment nous sommes parvenus à nos recommandations, voyons ce que nous voulions faire. Je crois que le comité s'était fixé cinq objectifs.
    Le plus évident était d'offrir un recours aux personnes faisant l'objet de discrimination reliée à la Loi sur les Indiens, ce qui n'est plus possible aujourd'hui à cause de l'article 67.
    Lle deuxième, tout aussi important, était de faire cela en trouvant un juste équilibre entre les droits individuels au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne et les droits collectifs des peuples autochtones.
    Le troisième était de veiller à ce que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne devienne pas un outil permettant aux non-autochtones de contester les programmes et activités conçus au profit des autochtones pour remédier à leur inégalité historique.
    Le quatrième, qui est relié au troisième, était de veiller à ce que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'aboutisse pas au démantèlement à la pièce de la Loi sur les Indiens. Certes, la Loi sur les Indiens est loin d'être parfaite mais, si l'on doit la modifier, nous pensions qu'elle doit l'être de manière plus globale.
    Le cinquième était de veiller à ce que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique de manière égale aux bandes et aux autres gouvernements autochtones et ne débouche pas sur des résultats arbitraires. Selon notre comité, l'article 67 débouche parfois sur des résultats arbitraires.
    Permettez-moi de vous donner deux exemples. Supposons que deux bandes différentes prennent exactement la même décision, la première en invoquant ses pouvoirs de réglementation au titre de la Loi sur les Indiens, et la deuxième, dans un processus plus informel. Supposons cependant qu'elles adoptent toutes les deux exactement le même règlement. La première ne pourrait faire l'objet d'aucune contestation parce qu'elle est protégée par l'article 67 qui empêche de formuler une plainte contre elle au titre des droits de la personne. La deuxième, par contre, ne serait pas protégée par l'article 67, bien qu'elle ait fait exactement la même chose.
    Deuxième exemple : certains gouvernements autochtones agissent en invoquant leurs pouvoirs au titre de la Loi sur les Indiens alors que d'autres agissent au titre d'une entente d'autonomie gouvernementale. Comme l'article 67 s'applique uniquement aux mesures prises au titre de la Loi sur les Indiens, le premier groupe est protégé par l'exemption alors que le deuxième ne l'est pas. Notre comité pensait qu'il conviendrait d'adopter une démarche plus intégrée au sujet de ces questions.
    Un bref rappel au sujet de ce que nous avons recommandé, même si je sais que vous le savez : notre recommandation à long terme était d'instaurer un système de droits humains contrôlé par les gouvernements autochtones au plan local, régional ou national.
     Dans un contexte plus immédiat, cependant, notre but était d'abroger l'article 67 mais d'ajouter une clause d'interprétation disant en substance que la Loi canadienne sur les droits de la personne doit être interprétée de manière à tenir compte des besoins et aspirations de la communauté autochtone.
     J'aimerais expliquer pourquoi nous pensions qu'une clause d'interprétation est nécessaire. Premièrement, elle nous semblait nécessaire pour atteindre l'objectif d'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Si l'article 67 était abrogé, le risque aurait été que les droits essentiellement individuels au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne priment sur les droits collectifs des peuples autochtones
    Deuxièmement, nous voulions nous assurer que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne deviendrait pas un outil permettant à des non-autochtones d'attaquer les dispositions et avantages consentis aux peuples autochtones, voire de démanteler à la pièce la Loi sur les Indiens. Par exemple, des non-autochtones pourraient contester l'offre de certains services de santé et d'éducation aux seuls autochtones.
    Troisièmement, nous voulions nous assurer que les procédures et recours employés par la Commission canadienne des droits de la personne et par le Tribunal canadien des droits de la personne seraient appropriés pour les communautés autochtones. Autrement dit, que le Tribunal se demanderait quel serait le recours approprié dans le cas d'une collectivité autochtone par rapport à un recours approprié dans le cas de Bell Canada ou de Postes Canada, par exemple.
     Comme vous le savez, il y a des dispositions de portée générale dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, notamment les dispositions de justification pour bien-fondé, qui permettent parfois d'assurer un certain équilibre. Toutefois, elles n'ont pas été conçues en fonction des besoins et intérêts particuliers dans ce contexte et le comité estimait donc qu'elles ne sont pas suffisantes à elles seules.
    Je sais qu'on a envisagé d'autres mesures pour trouver le juste équilibre et j'ai pensé qu'il serait utile d'expliquer pourquoi le comité a jugé qu'une disposition d'interprétation est nécessaire alors que d'autres solutions ne seraient pas adéquates à elles seules.
    La première raison, dont je sais que vous avez parlé, est l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le problème est que l'article 35 protège certains droits historiques ou issus des traités mais ne protège pas toutes les questions revêtant un intérêt crucial pour les autochtones. Par exemple, il ne protège pas les traditions de pêche et de commerce qui ne sont pas touchées par un traité et qui se sont développées après le contact avec les Européens. En outre, il ne protège pas les programmes gouvernementaux tels que les programmes conçus dans l'intérêt des peuples autochtones en vertu de la Loi sur les Indiens. Il constitue donc une solution partielle mais insuffisante en soi.
    L'article 25 de la Charte dispose que celle-ci doit être interprétée de manière à ne pas porter atteinte aux droits des peuples autochtones mais il ne fait aucunement référence à la Loi canadienne sur les droits de la personne, à laquelle il ne s'applique pas. Donc, à mon avis, il n'est pas très pertinent dans ce contexte.
    L'article 15 de la Charte, concernant l'égalité, est dans la même situation par rapport à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ses dispositions portent essentiellement sur des droits individuels et ne sauraient donc assurer, à notre avis, le genre d'équilibre que nous jugions essentiel.
    J'aimerais aborder un instant la forme que devrait prendre cette disposition d'interprétation. Je n'ai pas de texte précis à proposer au comité mais il y a plusieurs choses qui me semblent cruciales, et j'aimerais ensuite vous proposer une option sans affirmer nécessairement que je la recommande.
     Les deux caractéristiques qui nous semblaient cruciales sont les suivantes. Tout d'abord, il devrait s'agir d'une disposition exécutoire, c'est-à-dire exigeant que la loi soit interprétée d'une manière concordant avec les besoins et aspirations des peuples autochtones. Ça ne devrait pas être un simple énoncé de principe. Ensuite, nous pensions qu'elle devrait être incluse dans la loi en étant peut-être complétée par d'autres dispositions adoptées par voie réglementaire.
    L'option que j'aimerais vous proposer consisterait à adopter une disposition assez générale dans la loi elle-même, exprimée en termes relativement généraux, en préservant la possibilité ou l'espoir que des règlements plus précis pourraient être adoptés pour traiter de questions plus particulières après consultation des peuples autochtones. Si ces consultations n'étaient pas aussi productives qu'on l'avait espéré, on aurait toujours cette disposition générale dans la loi.
    On trouve dans la Charte elle-même une disposition d'interprétation qui fait précédent. En effet, l'article 27 dispose que : « Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ».

  (1120)  

    Cette disposition protège les droits multiculturels. Je pense que notre comité estimait qu'une disposition similaire à ce qui se trouve dans la Loi canadienne sur les droits de la personne serait nécessaire pour protéger également les droits des peuples autochtones.
     Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Black.
    Je donne maintenant la parole à madame Mandell.
    Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invitée. Permettez-moi de dire tout de suite une chose que je crois évidente : les organisations autochtones appuient sans équivoque le principe de l'abrogation de l'article 67.
    La question dont je voudrais parler brièvement concerne le processus engagé par le projet de loi C-44, c'est-à-dire un amendement essentiellement unilatéral de la loi avec des consultations après coup.
    Parlons brièvement de l'aspect juridique, c'est-à-dire de la question de savoir si cela va à l'encontre des principes de réconciliation et d'honneur de la Couronne qui ont été énoncés par la Cour suprême du Canada. À mon avis, tout ce processus d'amendement avec des consultations après coup va à l'encontre des principes fondamentaux énoncés depuis 1977, lorsque le Parlement a adopté unilatéralement la Loi canadienne sur les droits de la personne en reportant jusqu'à aujourd'hui la tenue de consultations sur les mesures à prendre pour régler les problèmes connexes découlant de la Loi sur les Indiens.
    Ce qui s'est passé depuis 1977 sur le plan de la jurisprudence et avec l'adoption de l'article 35 de la Charte, c'est que le paysage juridique a été complètement transformé et que le mouvement de la jurisprudence a été de s'écarter de la gouvernance au titre de la Loi sur les Indiens en faveur du principe général de réconciliation qui, selon la Cour suprême, doit être au coeur même des relations entre les autochtones et l'État.
    Pour ce qui est de la réconciliation, ce qui est réconcilié, c'est la préexistence des sociétés autochtones, y compris leurs systèmes juridiques et leurs lois, avec l'affirmation de la souveraineté de l'État. Les tribunaux inférieurs et supérieurs ont généralement reconnu que l'affirmation de la souveraineté de l'État n'éteint pas la souveraineté des peuples autochtones et que, de ce fait, la réconciliation englobe à la fois la reconnaissance des droits de gouvernance des autochtones et, ensuite, la reconnaissance de ces derniers et la réconciliation avec eux. Cela impose à l'État des devoirs qui ont été explicités par la Cour suprême du Canada, notamment notamment dans l'arrêt des Haïda, pour arriver à la réconciliation. En ce qui concerne votre comité, le devoir pertinent est celui de consulter sur l'accommodement.
    J'aimerais aborder brièvement certains des principaux éléments de ce devoir car ils ont une incidence profonde sur les questions de consultation soulevées par cette affaire.
    L'arrêt le plus important est l'arrêt des Haïda et je tiens à dire clairement qu'il ne concernait pas l'amendement d'un texte de loi mais plutôt la manière dont l'État s'était comporté dans une situation où il avait accordé un permis de sylviculture à une grande société forestière dans la région de Haida Gwaii — les Îles de la Reine-Charlotte — ce qui lui permettait d'entreprendre un projet pluriannuel de coupe de bois à grande échelle sur les îles sans avoir consulté les Haïda. La question était de savoir si l'État était obligé de les consulter en l'absence d'un titre de propriété quelconque ou d'un traité. Dans son arrêt phare, la Cour suprême a déclaré que l'État avait ce devoir. C'est le devoir dont il s'acquitte actuellement. C'est le devoir du gouvernement. Permettez-moi d'en exposer les paramètres fondamentaux.
     La Cour s'est demandé dans quelles circonstances le devoir de consulter existe. Elle a répondu que le devoir de consulter les peuples autochtones procède de l'honneur de la Couronne. Elle a dit que ce devoir trouve naissance dans l'affirmation de la souveraineté de l'État et se prolonge dans le processus de négociation de traités entre l'État et les autochtones. Elle a précisé que l'honneur de la Couronne est toujours en jeu dans ses relations avec les peuples autochtones mais, en particulier, que le devoir de consulter — Je vais vous lire le passage exact de l'arrêt :
Mais à quel moment, précisément, l'obligation de consulter prend-elle naissance? L'objectif de conciliation ainsi que l'obligation de consultation, laquelle repose sur l'honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l'existence potentielle du droit au titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d'avoir un effet préjudiciable sur celui-ci.
    Dans l'espèce, nous avons un acte qui va manifestement avoir un effet sur les droits de gouvernance des peuples autochtones — pas seulement sur la gouvernance des conseils de bande mais aussi sur les droits de gouvernance des autochtones, qui sont plus larges que les droits des conseils de bande. Beaucoup de conseils de bande, à la lumière de la Loi sur les Indiens, exercent à la fois des droits qui sont considérés plus traditionnels en soi — qui ne découlent pas d'une délégation de pouvoirs au titre de la Loi sur les Indiens — et aussi des droits qui découlent de pouvoirs délégués.
    Le contexte du devoir de l'État — et c'est à ceci que le comité doit prêter une attention particulière, à notre avis — est proportionnel à l'évaluation de la solidité de la cause et de la gravité de l'effet préjudiciable potentiel sur le droit ou titre de propriété invoqué.

  (1125)  

    L'honneur de la Couronne exige que l'État agisse en toutes circonstances de bonne foi en tenant des consultations sérieuses eu égard à la situation. Nous avons donc dans cet arrêt le signal que la Cour prend ses distances par rapport à la Loi sur les Indiens en s'orientant plutôt vers une réconciliation dont le devoir de consulter fait partie intégrante. Dans son analyse, la Cour décrit les éléments de ce devoir comme étant l'obligation de consulter dès que possible dans le processus de décision, de fournir toutes les informations pertinentes aux peuples autochtones, de faire preuve de souplesse et de bonne foi à l'égard d'autres possibilités envisageables ou de changements pouvant être apportés à l'action envisagée, sur la base d'informations obtenues par la consultation, et de ne pas faire la promotion de son initiative mais plutôt d'écouter en gardant l'esprit ouvert.
    Dans le contexte de cet amendement législatif, nous avons un Parlement qui est parfaitement conscient de l'existence potentielle de droits de gouvernance et du fait que la reconnaissance constitutionnelle et l'affirmation des droits autochtones ont pour but de concilier les systèmes juridiques indigènes et canadiens. Le Parlement envisage aujourd'hui de modifier une loi d'une manière qui risque de constituer une ingérence dans ces droits de gouvernance. Avant d'adopter le projet de loi C-44 et de modifier la loi, l'honneur de la Couronne permet de penser que le Parlement devrait discuter avec les premières nations pour déterminer les conséquences éventuelles et envisager des options pour éviter ou atténuer le phénomène d'ingérence et favoriser la réconciliation. La consultation devrait porter sur le fait de savoir si le processus de la Loi canadienne sur les droits de la personne est le bon pour intenter une plainte contre un conseil de bande au sujet des droits de la personne ou s'il ne serait pas préférable de le faire devant une institution indigène différente, peut-être sur la base d'une législation différente.
    Avant de conclure, j'aimerais souligner que l'État fédéral avait pris en 1977 l'engagement politique devant les chefs des premières nations qu'il tiendrait des consultations avant d'appliquer la loi, et cette promesse engage directement l'honneur de la Couronne.
    Passons maintenant à la question de savoir qui doit être consulté. Je sais qu'il y a eu certaines consultations sur cette question mais, comme les premières nations sont organisées en fonction de niveaux et de types différents de pouvoir et d'autorité, beaucoup ont leurs propres méthodes pour faire face aux questions de droits humains et toutes sont régies par le cadre opérationnel de la Loi sur les Indiens. Considérant la très forte ingérence et l'impact considérable de cette mesure, ce dont vous avez certainement entendu parler par les autochtones du pays au sujet de ce qui pourrait se produire et se produira une fois que des plaintes sur les droits humains pourront être portées, notamment contre des conseils de bande, cette mesure aura une incidence profonde sur les collectivités autochtones. L'arrêt de la Cour suprême permet de penser que simplement recueillir l'opinion des organisations autochtones ne constituera pas une consultation adéquate sur toutes les questions de gouvernance autochtone qui seront touchées par ce projet de loi.
    Je voudrais dire quelques mots de l'arrêt Corbiere qui concernait une situation relativement analogue dans la mesure où la Cour a jugé que le paragraphe 77(1) de la Loi sur les Indiens, qui privait les membres des bandes indiennes vivant en dehors des réserves du droit de voter sur les décisions des bandes, n'était pas conforme au paragraphe 15(1) de la Charte. La question qui s'est posée a été de savoir comment modifier le paragraphe 77(1) jugé anticonstitutionnel étant donné que les membres des bandes qui vivaient en dehors des réserves seraient touchés ou pourraient être touchés par les règlements qu'il allait falloir adopter pour réparer le problème constitutionnel causé par l'arrêt Corbiere.
    Voici ce qui s'est passé dans ce cas. Après avoir conclu que le paragraphe était anticonstitutionnel, la Cour a suspendu l'application de sa décision pendant 18 mois pour permettre la tenue de consultations auprès des membres des bandes dans les réserves et en dehors des réserves avant de modifier la législation. Le Canada a alors entrepris une consultation en deux étapes, d'abord auprès des organisations autochtones et, en même temps, en finançant les quatre organisations autochtones nationales pour qu'elles consultent elles-mêmes leurs membres. Ces derniers ont donc donné à leurs organisations le mandat de les représenter, et les bureaux régionaux du ministère des Affaires indiennes ont également obtenu des fonds pour pouvoir tenir des réunions et des ateliers.

  (1130)  

    Il y a eu ensuite des rapports. Environ neuf mois après la première étape de consultation, le gouvernement a publié des ébauches d'amendement aux règlements, lesquelles ont aussi fait l'objet de consultations. Il y a eu ensuite d'autres communications avec les chefs et les conseils qui ont été invités à donner leur avis sur les ébauches d'amendement. Ensuite, les textes ont été révisés puis, quand les nouveaux règlements sont entrés en vigueur, il y a eu une deuxième étape de consultation comprenant des discussions plus vastes sur la Loi sur les Indiens, la gouvernance et la reddition de comptes.
    Nous pensons que les problèmes soulevés par l'abrogation ou l'amendement de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont similaires à ceux de Corbiere. Dans Corbiere, il y a eu des difficultés importantes et des coûts pour essayer de mettre en place un système intégrant les membres des bandes dans les réserves et en dehors des réserves. De même, le coût d'établissement de systèmes et de modification du système actuel pour les rendre conformes à la Loi canadienne sur les droits de la personne pourrait être élevé, tout comme la défense en cas de poursuite.
    Je voudrais prendre les dernières minutes de mon temps de parole pour dire que l'initiative réelle, à l'heure actuelle et considérant la jurisprudence, ne doit pas comprendre seulement une discussion limitée à la question étroite de savoir si et comment la Loi canadienne sur les droits de la personne doit s'appliquer aux conseils de bande prenant des décisions au titre de la Loi sur les Indiens. Si l'on veut tenir compte de la jurisprudence actuelle et des questions soulevées par la négociation des accords sur les revendications territoriales et des accords sur l'autonomie gouvernementale ainsi que par la jurisprudence évolutive qui oblige le système juridique de l'État à reconnaître les systèmes juridiques préexistants, ce qu'il faut, c'est une discussion plus large sur la manière de s'écarter de la Loi sur les Indiens pour se rapprocher de la gouvernance autochtone au sein de la fédération canadienne sur la base d'une reconnaissance du droit inhérent des autochtones à se gouverner eux-mêmes.
    Si nous nous concentrons uniquement sur la Loi sur les Indiens et apportons les changements annoncés ici, il y aura des problèmes innombrables avec la Loi sur les Indiens et des problèmes innombrables pour essayer de résoudre les problèmes de la Loi sur les Indiens. Plus important encore, la Commission royale sur les peuples autochtones et d'autres entités qui se sont penchés sur le droit et sur l'évolution nécessaire pour arriver à la réconciliation ont vivement recommandé que toute évolution vers l'autonomie gouvernementale comprenne un mouvement de distanciation par rapport à la Loi sur les Indiens au profit du plein potentiel et de la réalisation des lois et des systèmes juridiques autochtones et des institutions autochtones qui coexistent avec celle de l'État dans une fédération. Il ne s'agirait plus d'imposition unilatérale d'une loi, surtout d'une loi, comme la Loi sur les Indiens, vieille de près de 100 ans et comportant le bagage colonial de l'exigence d'un type particulier de gouvernement et, en plus, un type particulier d'imposition fédérale sur la manière dont ce gouvernement deviendra à terme civilisé. Il s'agit là de problèmes que nous savons aujourd'hui avoir été créés dans le passé mais dont nous essayons vraiment maintenant de nous affranchir.
    Merci de votre attention.

  (1135)  

    C'est maintenant au tour de M. Slavik.
     Je tiens à féliciter les deux personnes qui m'ont précédé pour leur analyse excellente et exhaustive de ces aspects du droit. Pour éviter que votre comité devienne une chambre d'écho, je me contenterai d'ajouter certains éléments marginaux à leurs exposés très étoffés et réfléchis.
    Il existe à l'évidence un consensus sur la nécessité d'abroger l'article 67 mais cela doit se faire en étant sensible au contexte constitutionnel complexe et évolutif d'ordre culturel, législatif et réglementaire dans lequel vivent les premières nations. il s'agit là d'un domaine du droit et des politiques sociales très fluide et en évolution constante.
    Comme l'a dit Mme Mandell, avec l'émergence du concept de réconciliation et son apparition au premier plan d'un cadre de résolution des préoccupations entre l'État et les premières nations, il est important d'envisager le projet de loi C-44 dans le contexte des principes de réconciliation. Sous sa forme actuelle, le projet de loi, qui participe au demeurant d'intentions excellentes, n'est pas satisfaisant. On peut parvenir à une meilleure réconciliation et à un meilleur équilibre.
    J'aimerais faire une remarque générale au sujet de la loi. Elle s'applique en réalité aux champs de compétences fédéraux, notamment du gouvernement fédéral et des entités régies par le gouvernement fédéral et, dans l'ensemble, ce sont de vastes entités : grandes entreprises, gouvernements, etc. Nous avons maintenant cette loi s'appliquant à des centaines de gouvernements autochtones de très petites collectivités prenant des décisions sur un large éventail de questions concernant des droits, des services, des membres — qui fait partie du groupe et qui a le droit de recevoir ses rares ressources.
    Les gouvernements des premières nations sont dans une situation très difficile, non seulement parce qu'ils prennent des décisions sur un très large éventail de questions mais aussi parce qu'ils le font avec des ressources très limitées, dans des circonstances très difficiles. Appliquer les droits humains dans ce contexte serait absolument légitime et utile mais à condition de le faire en étant sensible à ce contexte.
    J'évoque dans mon mémoire la grande diversité des décisions prises par les gouvernements des premières nations qui pourraient déclencher des problèmes de droits humains, que ce soit dans le contexte de la Loi sur les Indiens ou de l'autonomie gouvernementale.
    S'il est vrai que l'abrogation de l'article 67 nous semble nécessaire, nous pensons qu'il faut agir en étant sensible aux principes de réconciliation et à la situation générale des premières nations. Nous appuyons à cet égard les recommandations de la Commission canadienne des droits de la personne et de l'Association du Barreau canadien soulignant qu'il doit absolument y avoir un processus de consultation adéquatement conçu et géré, débouchant sur l'élaboration d'une disposition d'interprétation appropriée dans le contexte des droits de l'article 35, de la situation et du régime de gouvernance des premières nations.
    À cet égard, il serait peut-être possible d'adopter le projet de loi d'abrogation mais d'en suspendre l'entrée en vigueur jusqu'à ce qu'une période de transition adéquate ait permis de rédiger et d'adopter une disposition d'interprétation. Je partage l'opinion de M. Black sur la forme que devrait prendre cette disposition d'interprétation pour qu'elle guide réellement non seulement la Commission et le Tribunal mais aussi les premières nations et les autres parties quant à la manière dont cette loi doit être appliquée, notamment dans les collectivités des premières nations.
     Il est important de prévoir une longue période de transition, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, soyons francs, parce que cette question ne fait pas partie des préoccupations politiques immédiates de la plupart des premières nations. Nous représentons 20 à 30 premières nations. J'ai vérifié auprès de la plupart d'entre elles et rares sont celles qui sont au courant de ce projet et des conséquences qu'il pourrait avoir.
    Comprendre quelles pourraient être ces conséquences, ce qui pourrait les obliger à revoir leurs lois, leurs politiques et leurs méthodes de décision — et peut-être même à en changer ou à les amender — sera difficile pour beaucoup de collectivités qui manquent déjà de ressources. Elles seront vulnérables à toutes sortes de plaintes étant donné leur peu de ressources et les nombreuses décisions qu'elles sont amenées à prendre, sans compter qu'elles comprendront difficilement quelle pourrait être l'incidence de cette loi sur leurs pouvoirs de décision.

  (1140)  

    Il me paraît crucial de prévoir du temps et des ressources pour permettre aux premières nations d'analyser adéquatement ces questions de manière proactive et de s'assurer qu'elles pourront y réagir, et pour éviter des plaintes à l'avenir. À mon avis, cette période devrait s'étendre au moins sur deux cycles budgétaires car il faudra bien fournir à ces premières nations les ressources nécessaires pour ce faire.
    Il y a aussi une question d'ordre pratique. Étant donné le nombre de plaintes qui seront formulées, bon nombre de premières nations n'auront tout simplement pas les ressources voulues pour y répondre — pour engager des avocats et agir efficacement devant les tribunaux. Elles se trouvent dans des régions éloignées et leurs ressources déjà chiches sont totalement mises à contribution.
    Des crédits fédéraux seront nécessaires pour permettre aux premières nations de faire face aux plaintes, notamment celles pouvant avoir de profondes ramifications sur plusieurs d'entre elles ou susceptibles de remettre en cause la portée des droits de l'article 35. Autrement dit, il faudra créer un fonds pour fournir aux premières nations les ressources nécessaires pour réagir aux causes types et aux plaintes de vaste portée.
    Ffinalement, on a dit qu'il pourrait y avoir des plaintes concernant non seulement les activités des gouvernements des premières nations mais certaines dispositions clés de la Loi sur les Indiens, en particulier celles régissant le statut d'Indien et l'appartenance aux bandes. Cet amendement ne devrait pas devenir une méthode dérobée de démantèlement de la Loi sur les Indiens.
    Le gouvernement, notamment le ministère des Affaires indiennes, sait depuis des années que les dispositions de statut et d'appartenance de la Loi sur les Indiens posent des problèmes fondamentaux. Il a évité de s'y intéresser — Le cataplasme provisoire fut le projet de loi C-31. Il avait dit : « Ça durera une génération ». Nous sommes à la fin de cette génération.
    Les questions de statut et d'appartenance prennent de plus en plus d'importance dans les collectivités autochtones et risquent — je parle seulement de l'incidence potentielle de cette loi — de faire l'objet de contestations, tout comme d'autres dispositions de la Loi sur les Indiens. Il est très important que le gouvernement engage des consultations de manière proactive avec les premières nations sur la manière de développer les dispositions de statut et d'appartenance pour l'avenir, en tenant compte des droits humains et d'autres questions, notamment le pouvoir et la compétence constitutionnelle des premières nations à s'autodéfinir et à déterminer qui en fait partie.
    Je vous implore de ne pas sous-estimer la complexité et la difficulté potentielles que cette législation peut avoir pour les premières nations. Personne ne conteste le principe mais ne pas permettre d'assurer la reconnaissance, l'accommodement et la conciliation non seulement des droits mais aussi des intérêts en jeu serait téméraire et regrettable, surtout quand on sait qu'il existe une solution meilleure et plus prudente pour atteindre le même résultat. Je vous implore de faire preuve de respect envers les premières nations et envers leurs droits et leur situation en procédant à la modification de cette loi.
    Merci de votre attention.

  (1145)  

    Merci.
    Nous entamons la période des questions avec Mme Neville.
    C'est un tour de 10 minutes.
    Permettez-moi d'abord de remercier nos trois témoins d'aujourd'hui. Comme le disait mon voisin de table, vos témoignages sont étourdissants. Je vous en remercie sincèrement.
    En vous écoutant, et avant que M. Slavik ne prenne la parole, je me demandais ce que nous devrions faire à partir de maintenant. Nous savons qu'il y a d'énormes pressions pour que ce projet de loi soit adopté rapidement. D'aucuns laissent entendre que, si nous ne l'adoptons pas, c'est parce que nous ne sommes pas en faveur des droits humains, ce qui est complètement faux. Vous avez fort bien expliqué la complexité de toute cette problématique.
    Professeur Slavik, vous nous avez recommandé la prudence.
    Madame Mandell, vous avez souligné l'importance de la réconciliation.
     Monsieur Black, vous avez souligné l'importance d'une disposition d'interprétation. La question que je me pose en ce moment est de savoir comment nous pourrions adopter ces amendements et entreprendre ensuite un processus de consultation. Pouvons-nous avoir l'assurance qu'il y aura des ressources pour des consultations sérieuses? D'après vous, que devrait faire le comité à partir de maintenant? Nous faisons l'objet de pressions considérables.

  (1150)  

    Je vais commencer en me tenant le plus près possible de ce dont parlait notre comité. Nous n'avions pas parlé d'échéancier en détail mais plutôt de la nécessité de tenir des consultations. Notre position était que l'article 67 ne devrait pas être abrogé sans prendre de mesures pour trouver un équilibre entre les droits individuels et les droits autochtones. Autrement dit, il ne faut pas faire l'un sans l'autre.
    En ce qui concerne les consultations, je voudrais ajouter une chose. Nous avons dit que cette exigence concorde avec les arrêts relatifs aux droits autochtones mais je pense qu'il faut tenir compte aussi du fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'est efficace que si elle est acceptée par les groupes auxquels elle s'applique. S'ils font preuve de réticence, elle ne sera pas très efficace, même avec de fortes mesures d'exécution. Donc, purement du point de vue des droits humains, il me paraît tout à fait indispensable d'agir d'une manière qui favorise l'adhésion des organisations.
    Permettez-moi de dire que, même si vous avez beaucoup entendu parler des conséquences de l'abrogation de l'article 67, je pense que les deux questions préliminaires à résoudre avant d'adopter cet amendement sont, premièrement, de développer la capacité des peuples et gouvernements des premières nations à en assurer une mise en application efficace.
    Je parle de capacité à deux niveaux. Le premier concerne la capacité de répondre aux plaintes sur les droits de la personne, et le deuxième — J'exerce le droit autochtone depuis 30 ans et je passe quasiment tout mon temps dans les réserves du Canada. Je n'ai encore jamais vu un seul édifice public équipé d'une rampe pour les fauteuils roulants. Il faut donc faire quelque chose au niveau de cette capacité dès le départ car ce n'est certainement pas un problème qui sera réglé plus tard quand tout le monde sera sous pression et qu'il y aura un processus complexe d'arbitrage et de pénalité. C'est donc une question préliminaire.
    La deuxième question préliminaire consiste à élaborer un processus, comme on l'a fait dans Corbiere, avec la participation directe des collectivités et des premières nations. À mon avis, si ce processus était élaboré, la question à leur poser serait de savoir quel serait à leur avis un régime cohérent de droits humains pour les peuples et les gouvernements des premières nations assurant un équilibre adéquat entre les besoins de ces peuples en matière de droits humains et la nécessité de sauvegarder leurs droits et intérêts. Je crois que cette question est importante, tout comme celle du processus.
    D'après vous, quand cette consultation, selon le modèle de Corbiere, devrait-elle se tenir? Avant l'adoption du projet de loi ou après? Comment devons-nous —
     Ce que dit l'arrêt des Haïda, qui nous donne une bonne indication, c'est que la consultation doit se faire en amont de l'infraction. Il est encore tôt, il n'est pas trop tard, c'est au niveau stratégique.
    Par exemple, si nous envisageons un processus parallèle des droits humains par l'établissement d'institutions autochtones, comme nous devrions le faire, si cela fait partie des facteurs pris en compte dans le cadre de cet amendement, alors la consultation devrait se faire avant d'adopter le projet de loi afin de régler tous les aspects fondamentaux à l'avance. Si nous avons envisagé des options, si nous avons décidé collectivement comment cela peut se faire dans la collectivité autochtone et quelle est la meilleure méthode, et si les problèmes de financement sont réglés, je pense que l'amendement passera comme du beurre dans la poêle.
    Merci.
    M. Slavik.
    Je ne suis pas en désaccord avec Louise qui estime qu'il serait préférable de tenir les consultations et de développer les capacités à l'avance. D'ailleurs, le développement des capacités ne concerne pas que les collectivités des premières nations. Je soupçonne que la Commission des droits de la personne et le Tribunal devront eux aussi développer leurs capacités et leurs ressources pour se préparer, et se demander aussi comment interpréter correctement cela dans un environnement autochtone, et peut-être réfléchir un peu plus sur les conséquences éventuelles sur la Loi sur les Indiens. Ce serait préférable.
    Toutefois, comme la pression est très forte pour faire adopter rapidement cet amendement, une autre solution pourrait être de procéder à l'adoption de l'amendement mais de reporter son entrée en vigueur de 15 à 30 mois, comme l'avait fait la Cour suprême quand elle avait rendu sa décision en donnant 18 mois aux parties pour entreprendre un processus de consultation, un processus de développement des capacités et un processus d'information pour se préparer aux conséquences de sa décision.
    Cette fois, je pense qu'il faudrait une période plus longue étant donné les conséquences budgétaires, l'étendue des besoins d'éducation et la complexité des questions à régler. On pourrait donc avoir une adoption avec entrée en vigueur ultérieure, et travailler entre-temps sur un amendement approprié qui répondrait aux préoccupations que vous avez entendues, j'en suis sûr, devant ce comité et de beaucoup d'autres parties.

  (1155)  

    Merci.
     Monsieur Lemay.
    Puis-je poser une question, monsieur le président?
    M. Slavik est venu avec un mémoire. Pourrions-nous le recevoir?
     Nous allons d'abord le faire traduire.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    M. Slavik.
    J'ai déjà eu bien du mal à le rédiger en anglais.
    Merci.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie. Vous êtes dans le milieu. Vous êtes des avocats et avocates chevronnés dans le domaine du droit autochtone et je vous ai écoutés avec beaucoup d'attention, car je voulais voir si le système de traduction fonctionnait comme il se doit. Le pire, c'est que je suis d'accord sur tout ce que vous avez dit.
    Le problème, c'est que pour le gouvernement, le mot « consultation » ne veut pas nécessairement dire ce que vous avez expliqué tous les trois. Pour le gouvernement, rencontrer le chef des Premières nations à l'aéroport fait partie de la consultation. Je ne suis pas sûr que vous pensiez la même chose que moi à cet égard. Je voudrais qu'on m'explique, parce que c'est très important.
     Maître Slavik, vous avez dit quelque chose de très intéressant. Devrions-nous aller jusqu'à attendre qu'il y ait eu une consultation au sens de l'arrêt Corbiere pour adopter le projet de loi, ou si nous pouvons adopter le projet de loi, mais avec  des lignes directrices très précises, des amendements qui diraient de quelle façon doit avoir lieu la consultation, quitte même à donner une période de transition de 36 mois, comme on l'a fait pour l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?
    Je résume mes deux questions. Qu'est-ce qu'une consultation, au sens de la Cour suprême? Je pense que vous êtes tous les trois capables de nous le dire vraiment. Dans notre travail de législateurs, pouvons-nous inclure dans le projet de loi des amendements concernant une période de transition, une disposition interprétative, et possiblement une clause de non-dérogation?
    Je vous laisse tout le reste de mon temps pour répondre.

  (1200)  

[Traduction]

    Permettez-moi de faire d'abord une déclaration générale.
    Mon expérience, et je ne sais pas si c'est la même chose pour les autres avocats, m'a montré que le gouvernement fédéral n'a pas encore bien saisi les principes de réconciliation ou le processus de consultation d'un point de vue structurel ou de processus. Dans plusieurs des dossiers dont nous nous occupons, nous essayons d'élaborer des cadres de consultation avec le Canada sur des questions beaucoup plus simples et de moins grande portée que celle-ci, avec beaucoup de difficulté.
    Il faudra beaucoup de travail de la part de l'État pour qu'il mette en oeuvre ce que les tribunaux lui disent en matière de réconciliation. Cela dit, dans le cas présent, la consultation visant à la réconciliation me semble absolument nécessaire. Si cette question n'est pas traitée correctement, elle pourrait sérieusement enflammer les relations entre autochtones et non-autochtones.
     Votre commentaire de l'aéroport m'a fait sourire. En arrivant à l'aéroport, j'ai croisé un chef autochtone de premier plan en Alberta. Je lui ai dit ce que je venais faire et il m'a dit : « Ah, un autre clou dans le cercueil! » Voilà l'impression qu'on a dans la communauté, à tort ou à raison. Si vous lui demandiez — et son épouse était à côté de lui — s'il devrait y avoir l'égalité des sexes dans sa communauté, vous pouvez deviner quelle serait sa réponse politiquement correcte. Ce n'est pas ça le problème, c'est plutôt le sentiment d'ingérence politique et culturelle dans les affaires des premières nations, à tort ou à raison.
    Il est très important de comprendre ce sentiment et d'en tenir compte et je crois qu'il est essentiel de donner le signal que les Canadiens et les dirigeants des premières nations veulent que l'article 67 soit abrogé, mais en le faisant de manière à prévoir du temps pour l'accommodement, pour la réconciliation, pour l'information, pour des méthodes d'évitement des conflits éventuels et pour des méthodes de préparation aux conséquences, prévues ou imprévues.
    De ce fait, monsieur Lemay, j'estime que reporter de 24 à 36 mois la date d'entrée en vigueur de cet amendement serait un minimum pour exprimer la bonne foi du gouvernement et sa prise en compte des appréhensions et préoccupations des premières nations.
    Il vous reste 50 secondes et nous passerons ensuite à quelqu'un d'autre.
    En 50 secondes, j'aimerais dire —
     Vous êtes devant la Cour suprême.
    Je suis devant la Cour suprême. Merci.
    J'aimerais dire que l'un des problèmes de l'adoption du projet avant la consultation est le postulat implicite que ce sont les conseils de bande des premières nations qui sont chargés de la gouvernance des premières nations et que ce seront eux qui devront rendre compte d'infractions qui trouvent peut-être leur origine dans la Loi sur les Indiens, ce qui va leur poser des problèmes avec leurs membres. C'est un postulat problématique à la fois du point de vue de la jurisprudence et du point de vue de la consultation. Je consulte aussi dans les aéroports mais, si ce projet de loi est adopté et qu'on n'organise pas de consultation adéquate, il fera l'objet d'une contestation judiciaire au bout d'un certain temps.
    Les principes plus hauts et plus exigeants qu'expriment les tribunaux, et qui ne font pas nécessairement partie de la réflexion quotidienne du Parlement ou de votre comité, doivent être pris en considération à cause de la jurisprudence qui évolue et de la rapidité extrême avec laquelle les tribunaux éclairent la manière dont le comportement du Parlement sera évalué.
    Pour ma part, je préfère que le travail soit fait correctement avant d'adopter le projet de loi.
    Merci.
    Madame Crowder, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir présenté une démarche très cohérente dans l'analyse de ce projet de loi.
    Je voudrais juste faire quelques remarques.
    Tout d'abord, l'un de mes collègues a parlé de pressions. Je tiens à préciser que ces pressions émanent strictement du gouvernement.
    Ce que nous ont dit pratiquement tous les témoins, c'est qu'ils approuvent l'abrogation de l'article 67, comme les néo-démocrates. Nous sommes absolument en faveur de l'abrogation de l'article 67 — mais après des consultations adéquates. On ne cesse de nous dire que ce projet de loi ne doit pas être adopté avant qu'il y ait eu des consultations. C'est parfaitement clair.
    Monsieur Slavik, vous avez parlé du projet de loi C-31 qui a été mentionné plusieurs fois déjà. De vives inquiétudes ont été exprimées au sujet du projet de loi C- 31 qui rétablissait le statut des femmes mais qui aura aussi pour effet, avec sa disposition de dérogation de deuxième génération — l'article 6.2 — de mener à l'assimilation. Bon nombre des témoins ont parlé du manque de consultations adéquates avant que ce projet de loi n'ait de conséquences imprévues dans les communautés. Le ministère lui-même s'est penché sur l'incidence du projet de loi C-31 du point de vue des poursuites qui pourraient être intentées contre le gouvernement et il estime qu'il pourrait y en avoir jusqu'à 250 000. Je parle ici de l'analyse du ministère lui-même.
    Pourriez-vous me dire s'il y a une raison quelconque d'adopter ce projet de loi avant de tenir des consultations? J'essaye de voir pourquoi nous devrions agir ainsi, considérant tout ce que nous savons. Y a-t-il un argument quelconque justifiant qu'on adopte le projet de loi avant de tenir les consultations, alors que nous aurions largement le temps de les tenir avant?
    Y a-t-il un argument?

  (1205)  

    Comme je l'ai dit, la consultation n'est pas la seule manière de s'acquitter des obligations légales et de produire un texte de loi efficace sur les droits humains. En même temps, je pense que nous ne devons pas oublier qu'il y a certaines personnes reliées aux collectivités autochtones qui sont privées de droits contre le gouvernement dans ces circonstances parce que l'article 67 protège le gouvernement contre les poursuites.
    Que se passerait-il, monsieur Black, si nous adoptions un amendement disant que l'article 67 s'applique uniquement au gouvernement, et si nous adoptions une disposition disant qu'on consultera les premières nations et que nous produisions ensuite un amendement s'appliquant aux communautés des premières nations? Serait-ce faisable?
    Je devrai y réfléchir.
    Ma seule crainte est que, dans certaines circonstances, vous risqueriez aussi d'attaquer indirectement les pouvoirs des gouvernements autochtones en poursuivant le gouvernement au sujet de l'article de la Loi sur les Indiens qu'ils invoquent pour adopter leurs règlements, par exemple.
    Je n'ai pas beaucoup réfléchi à une démarche en deux étapes mais, en théorie, elle me plaît. Je pense que ce serait très raisonnable car bon nombre des problèmes qui se manifestent sous forme de plaintes relatives aux droits humains individuels trouvent leur origine dans la Loi sur les Indiens. J'ai trouvé intéressant le commentaire du juge Muldoon dans l'affaire de 1995 concernant le ministère des Affaires indiennes, Commission canadienne des droits de la personne c. Ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord. Si l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'existait pas, a-t-il dit, les tribunaux des droits de la personne auraient été obligés de détruire la Loi sur les Indiens au nom de l'égalité des droits humains au Canada. Il y a tellement d'éléments dans les décisions des conseils de bande qui trouvent leur origine dans la Loi.
    Le seul problème auquel on n'a peut-être pas pensé est que les plaintes proviennent des particuliers. C'est un peu gênant quand ce sont des particuliers qui peuvent déposer des plaintes, peut-être au sujet de la Loi elle-même.
    Je crois que la démarche en deux étapes n'est pas sans intérêt dans la mesure où nous connaissons les problèmes de plaintes sur les droits humains contre le Canada mais l'impact réel, dont vous entendrez parler, concerne l'application de cela aux conseils de bande.
    Voici un commentaire « sous réserve ».
    En suivant le débat politique sur cette question, je suis frappé de constater que bon nombre des justifications de l'amendement sont reliées aux répercussions de la Loi sur les Indiens. C'est frappant quand on lit certains des autres mémoires. Sans aller dans les détails politiques, je constate que tous les partis ont un intérêt en la matière. Appliquer immédiatement la loi au gouvernement fédéral et éliminer de cette protection l'exemption de la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les activités du gouvernement fédéral obligerait le gouvernement à revoir les dispositions de statut et d'appartenance de la Loi, tout comme l'adoption de la Charte en 1982 l'a obligé à revoir les dispositions discriminatoires de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens qui existaient alors et l'a obligé à modifier la Loi sur les Indiens par le truchement du projet de loi C-31.
    Cette modification, qui fut la dernière grande modification apportée à la Loi sur les Indiens, avait été provoquée par l'adoption de la Charte par le Parlement et par les assemblées législatives des provinces. On peut prévoir que l'abrogation de l'article 67 provoquera une révision similaire de ces dispositions par le Canada et par les premières nations, chose qui n'a que trop tardé à mon avis. En tant qu'avocat de certaines premières nations — je ne cache pas notre intérêt en la matière — nous sommes préoccupés par l'incidence que cela pourrait avoir sur nos clients. Cela résulte de ce que je sais et de mon expérience. Les premières nations savent ce que sont les droits humains. Les gens pensent qu'il s'agit de l'inégalité des sexes mais je peux vous dire que bon nombre de nos clients sont dirigés depuis 15 ou 20 ans par des femmes occupant des postes de chef, de conseillère, de PDG, ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans. Je travaille moi-même pour une organisation autochtone qui est dirigée presque seulement par des femmes.
    Quoi qu'il en soit, il conviendrait d'atténuer l'incidence que cet amendement pourrait avoir. Il faut prévoir du temps pour s'y adapter. Il sera peut-être nécessaire d'apporter des changements pour éviter des plaintes et des difficultés inutiles et, ce qui est encore plus important, de voir quelles seront les effets dans les collectivités des recours consentis en matière de plaintes sur les droits humains.
    À mon avis, on a très peu réfléchi aux répercussions que pourraient avoir ces recours. Si quelqu'un fait l'objet de discrimination et n'obtient pas une maison parce qu'il y a 20 personnes en attente et qu'on juge que c'est un acte discriminatoire, obtiendra-t-il la maison? Je ne le crois pas. je ne sais pas quelles seront les solutions concrètes mais ce ne sera pas de lui donner la maison. Quand la Commission des droits de la personne a rendu un jugement contre le Canada dans une affaire de discrimination sexuelle sur le plan salarial, le Canada a dû débourser plus de un milliard de dollars. Les premières nations n'ont pas ce genre de ressources et ne pourraient pas accorder de telles réparations. C'est une question à laquelle on n'a pas assez réfléchi, je crois.
    Pour résumer, je pense absolument qu'il faudrait éliminer la prohibition s'appliquant au gouvernement fédéral mais je vous invite très sérieusement à envisager un délai de 24 à 36 mois pour une initiative sérieuse de consultation-réconciliation avec les premières nations, d'information et de développement des capacités. Je crois que ce pourrait être gagnant-gagnant.

  (1210)  

    Merci.
    Nous passons maintenant du côté du gouvernement.
    Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
    Je m'adresse d'abord à Mme Mandell au sujet de ce qu'elle a dit sur les consultations. Je vais peut-être énoncer ma propre position pour qu'il n'y ait aucune surprise. Je suis tout à fait en faveur de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne aux peuples des premières nations. Je crois que tout le monde au Canada devrait bénéficier des mêmes droits de la personne. C'est comme ça que cette loi a été appliquée et c'est l'une des raisons pour lesquelles tant de gens estiment que le Canada est le meilleur pays au monde.
    Considérant que je suis en faveur de ce projet de loi et considérant vos remarques, madame Mandell, sur l'évolution de la jurisprudence, pensez-vous qu'il y a un conflit quelconque entre ma position et la manière dont la jurisprudence évolue, car je souhaite que le projet de loi soit adopté, que ce soit aujourd'hui, demain ou dans les prochaines semaines?

  (1215)  

    Je pense que le projet sous sa forme actuelle, prévoyant l'entrée en vigueur de l'amendement — avec un délai de six mois, je crois, puis une sorte de révision au bout de cinq ans, et rien d'autre ensuite — est problématique sur le plan du droit. Certes, j'approuve comme vous l'objectif général qui est visé mais je dois dire que, sur le strict plan du droit, la Cour suprême du Canada ne s'est pas encore penchée sur ce que sont les obligations de consultation concernant la législation.
     Je tiens à le dire très clairement. Les principes énoncés dans l'arrêt des Haïda ne l'ont pas été dans ce contexte et je suppose qu'il est donc toujours possible, comme dans toute question de droit, que ce projet de loi soit jugé acceptable. Je crois cependant, à la lumière des principes que j'ai récemment exposés, que si ça devait être le cas, ce projet de loi pourrait certainement être contesté avec succès parce qu'on n'a pas tenu compte des principes adéquats qui sont exigés. Je recommande donc la prudence à cet égard.
    Dans ce cas, quelle serait une période de transition adéquate? C'est ça le défi, à mon avis : communiquer avec les membres des collectivités qui aimeraient avoir la possibilité de contester la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui auraient aimé avoir cette possibilité il y a 15 ou 20 ans, sans parler de demain. Voilà le défi que nous avons à relever. Je crois que l'équilibre sera difficile à gérer car, dans bien des cas, les groupes à qui nous parlons ont tendance à être des groupes qui estiment peut-être que cela entrave leur pouvoir de gestion des ressources et leur pouvoir de décision dans leurs collectivités.
    Le revers de cette médaille est que nous avons des particuliers qui voudraient avoir la possibilité de dire comment leurs droits ont été transgressés. Je crois cependant qu'il serait difficile à un tribunal d'étendre ce que vous dites — c'est-à-dire de renverser cette abrogation à cause d'une période de mise en oeuvre trop courte — à cause du fait que des particuliers veulent pouvoir bénéficier individuellement des droits de la personne par opposition aux collectivités. Je dois dire que j'ai du mal à concevoir qu'un juge casse cette abrogation si nous allons de l'avant.
    Peut-être pourriez-vous parler un peu de... Monsieur Sadik souhaite intervenir.
    Je vous en prie.
    Je ne m'oppose pas du tout à l'extension des droits humains à tous sans exception. Nous avons signé un pacte international à ce sujet mais le Canada se trouve dans une situation assez particulière. Nous sommes en effet le seul pays à avoir inscrit dans sa Constitution les droits collectifs des peuples autochtones, à l'article 35, ce qui nous place dans une situation assez unique. L'Australie, la Nouvelle-Zélande... Je ne connais aucun autre pays qui ait inscrit les droits des peuples autochtones et les droits issus des traités dans sa Constitution.
    C'est de ce droit énoncé dans la Charte qu'émane le principe de réconciliation. Il s'agit du fait que ces droits pourraient avoir un effet négatif — pas qu'ils ont effectivement un effet négatif mais qu'ils pourraient l'avoir. Nous avons un ensemble de droits dont la définition et le statut évoluent, et nous avons dans le système un autre texte de loi qui risque d'affecter la manière dont les premières nations peuvent exercer leurs droits collectifs, notamment vis-à-vis des gouvernements. C'est un domaine qui continue d'évoluer et je peux concevoir qu'un avocat entreprenant ou une communauté autochtone veuille que la question soit réglée par les tribunaux : quel est le juste équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels.
    Il y a ici un risque de poursuites judiciaires. Il appartiendra au ministère de la Justice et à d'autres d'évaluer sa gravité mais je pense que ce risque serait sensiblement atténué si l'on adoptait un processus de transition exhaustif ayant pour objet la réconciliation et l'accommodement, l'information et la prise en compte de la manière dont cette loi devra ensuite être appliquée et gérée.
    Je crois qu'on peut en fait tout résumer à ceci : la période de transition pourrait considérablement réduire le risque de poursuites.

  (1220)  

    Vous avez 30 secondes.
    Au sujet de votre commentaire, monsieur Slavik, je crois comme vous, et vous aviez raison, que la Charte protégerait ces droits collectifs. Nous avons la conviction que la Commission canadienne des droits de la personne tiendra très sérieusement compte de la Charte dans sa prise de décision.
    Continuons.
    Monsieur Russell, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi à tous.
    Je pense que vos exposés étaient très équilibrés et étaient empreints d'un certain optimisme au sujet de toute cette affaire. C'est très important.
    Ils étaient aussi très dépolitisés, alors que cette question devient très politisée. On essaie de faire croire que tel ou tel est pour ou contre les droits humains.
    Il y a quelque chose qui me préoccupe. Quand le gouvernement essaye de faire en sorte que les autochtones soient les mêmes, de leur appliquer les mêmes lois, sans tenir compte des facteurs culturels ou historiques, ou de quoi que ce soit de ce genre, j'ai l'impression que c'est une approche de type assimilatrice.
    En ce qui concerne la période de transition, que ce soit 6,12 ou 36 mois, quelle différence cela peut-il faire si le projet de loi est foncièrement vicié? À quoi sert d'avoir une période de transition plus longue si c'est pour mettre en oeuvre un projet de loi vicié? Fondamentalement, l'objectif est d'adopter un projet de loi répondant aux besoins et désirs que nous essayons d'énoncer : la protection des droits humains. La période de transition est une question mineure, à mon avis, car je pense que le projet de loi est foncièrement vicié du point de vue de son approche et de son processus.
    Dans ce cas, passons tout de suite au vote.
    Je voterai, ne vous inquiétez pas. Je voterai contre ce projet de loi sous sa forme actuelle, c'est absolument certain.
    S'il y a une période de consultation de 12 ou 18 mois et qu'on propose ensuite un projet de loi convenant aux premières nations et aux collectivités autochtones, est-ce que ça ne réduira pas le temps requis pour qu'il entre en vigueur, dépendant de la manière dont le processus de consultation a été conçu, étant entendu qu'on peut faire un certain nombre de choses en même temps?
    Puis-je avoir votre avis à ce sujet?
    Je suis d'accord avec vous.
    Je n'ai pas de solution à proposer au comité mais il serait merveilleux que vous trouviez une solution permettant la consultation mais sans produire le même résultat que celui obtenu lorsque l'article 67 est entré en vigueur, c'est-à-dire que, dans 30 ans, en 2037, nous n'ayons pas à dire que ça n'est pas encore tout à fait terminé.
    La question est de savoir comment atteindre l'objectif en permettant la consultation, mais en s'assurant d'une certaine manière que cette consultation soit une priorité au cours de la prochaine période, quelle qu'elle soit — 12, 24 ou 36 mois.
    Y a-t-il un plus grand risque d'infraction aux droits de la personne dans les situations où nous avons des conditions socio-économiques difficiles? Est-ce généralement ce qu'on pense?

  (1225)  

    Il y a beaucoup plus de mécontentement politique dans les petites collectivités qui ont élu des chefs devant répartir des ressources rares, que ce soient des emplois, des maisons ou des bourses d'études supérieures. Il est inévitable que certaines personnes se jugent lésées par un processus qu'elles croient injuste, et ceci leur offrira un mécanisme de plainte formel. Dans la mesure où il est utilisé, dans la mesure où on en abuse, ce qu'on ne peut pas encore savoir, vous avez raison.
    Je voudrais revenir à ce que vous avez dit. À mon avis, les organisations autochtones souhaitent l'abrogation de ce projet de loi. Procéder à l'abrogation de ce projet de loi selon la méthode dont nous avons parlé, c'est-à-dire une abrogation immédiate vis-à-vis de la Loi sur les Indiens et du gouvernement fédéral, offre un certain nombre d'avantages à toutes les parties concernées. Pour ceux qui sont absolument favorables au projet de loi, l'avantage de cette méthode est qu'elle oblige à se pencher sur les dispositions de statut et d'appartenance de la Loi sur les Indiens. En fait, si le gouvernement ne voulait pas se pencher sur ces questions, il lui serait difficile d'aller contre cette abrogation.
    Cela implique que les premières nations seront obligées de se pencher tôt ou tard sur ces questions de droits humains. Je ne pense pas qu'on puisse continuer à les exclure ou à les exempter comme on l'envisage dans cette loi. Mon seul argument sur la période de transition est relié à l'argument absolument admirable, légitime et brillant de Louise sur la nécessité d'agir d'une manière qui favorise la réconciliation et l'accommodement, ce qui est plus important, en leur donnant équitablement la chance de développer leurs capacités et de réagir efficacement. À mon avis, nous devons aller de l'avant avec ce processus. Je sais qu'il y a beaucoup de premières nations qui pensent le contraire mais nous vivons au sein d'une société canadienne plus vaste où l'on doit aussi prévoir des accommodements et la réconciliation avec les premières nations.
    Monsieur Albrecht, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'aujourd'hui.
    Quelqu'un a dit que nous subissons une pression considérable pour adopter ce projet de loi sous sa forme actuelle. Je tiens à dire que ce n'est pas vrai. Tout ce que nous demandons, monsieur le président, c'est de passer à l'étude article par article, ce qui permettra alors à certains de proposer des amendements.
     Nous savons aussi que de nombreuses tentatives ont déjà été faites par au moins deux partis politiques pour abroger l'article 67. Il est donc injuste, à mon avis, de dire que cette initiative provient uniquement du gouvernement actuel. En 1992, il y avait le projet de loi C-108. En 2000, il y a eu le comité d'examen indépendant et je précise en passant que tous les groupes qui représentaient des femmes autochtones appuyaient vigoureusement cette recommandation. En 2002, il y a eu le projet de loi C-7 et, en 2005, le projet de loi S-45. En octobre 2005, la Commission canadienne des droits de la personne a de nouveau recommandé avec vigueur l'abrogation immédiate. En 2006, la communauté internationale — les Nations unies — a condamné le Canada pour ne pas avoir abrogé l'article 67.
    Considérant tout ce que je viens de dire, je suis surpris de vous entendre affirmer que cette question n'est absolument pas une préoccupation pour les personnes à qui vous parlez. Je me demande quelle aurait été la réaction des Canadiens en 1977, avant l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de la personne, si on leur avait demandé si c'était l'une de leurs préoccupations. Vous ne pouvez peut-être pas répondre mais c'est une question que je me pose. Ne croyez-vous pas que cette question ne fera pas partie des préoccupations tant qu'on n'aura pas adopté un projet de loi, éventuellement avec un délai raisonnable d'entrée en vigueur?
    Je voudrais préciser que ma remarque signifiait que je ne pense pas que la plupart des premières nations comprennent que cet amendement avance en ce moment dans le processus parlementaire ni quelles en seront les répercussions. Si vous interrogez l'homme de la rue, vous aurez probablement une réponse semblable, et peut-être encore plus dans les collectivités isolées.
    Cela ne nous dit rien quand au mérite ou à la nécessité de ce projet de loi. Ce que cela révèle, c'est qu'une période de transition est nécessaire pour la réconciliation, l'accommodement et la modification éventuelle de ce projet de loi. Voilà ce que je voulais dire, monsieur.

  (1230)  

    J'entends bien. En fait, si je vous ai bien compris, l'une des solutions que vous proposez est d'adopter l'amendement mais d'en retarder l'entrée en vigueur pendant une période plus longue, l'autre solution étant de mener toutes les consultations avant.
    Oui. Le projet de loi peut entrer en vigueur en ce qui concerne les premières nations, c'est-à-dire l'application à la Loi sur les Indiens et au gouvernement fédéral. Je n'ai aucune objection à ce qu'on agisse immédiatement à ce sujet.
    Une autre question que...
    Je veux aussi faire une remarque.
    Je pense que les efforts déployés pour modifier la loi, notamment en tenant compte de l'engagement international sur les droits humains, sont essentiellement perçus par les autochtones comme étant reliés à l'héritage colonial de la Loi sur les Indiens et aux problèmes qu'elle a créés, par opposition aux problèmes associés aux décisions prises par les conseils de bande pour mettre la Loi sur les Indiens en application.
    Je tiens à insister sur la question de l'opposition, notamment concernant cette démarche en deux étapes. Si vous allez de l'avant et faites des poursuites intentées contre le gouvernement canadien et les lois du Canada une priorité, vous répondrez très certainement, je n'en doute pas, aux préoccupations de ceux qui estiment que le Canada ne respecte pas les droits humains ni sa législation.
    Je voudrais ajouter brièvement quelque chose. Je ne sais pas si je me suis bien exprimé mais je voudrais réitérer que bon nombre des problèmes reliés à la mise en application par les conseils de bande, qui débouchent sur d'éventuelles infractions aux droits humains sur le terrain, trouvent leur origine dans la Loi sur les Indiens. Ils sont difficiles à résoudre. Prenons l'exemple du projet de loi C-31. Il y avait l'alinéa 12(1)b) qui est devenu le projet de loi C-31 qui a eu pour effet de scinder le statut et l'appartenance aux bandes, ce qui a amené beaucoup de collectivités autochtones à adopter des codes d'appartenance inclusifs. Ensuite, le gouvernement fédéral a attribué au bandes de l'argent réservé aux Indiens conventionnés. Ainsi, une bande comprenant des conjoints et des enfants non conventionnés doit faire face à la rareté de ses ressources. Ce problème peut être attribué à l'amendement de l'alinéa 12(1)b) et aux problèmes qu'il a créés.
    De même, bon nombre des plaintes sur les droits humains auxquelles nous pouvons nous attendre trouveront leur origine dans la Loi sur les Indiens, que j'ai examinée en détail pour essayer de les cerner. Par exemple, vous pourriez avoir des bandes percevant un impôt foncier auprès des entités commerciales et des résidents non conventionnés mais exonérant les résidents conventionnés. Ce système, qui trouve son origine dans la Loi sur les Indiens, pourrait être contesté. De même, en ce qui concerne les testaments et les successions, il se pourrait que la Loi sur les Indiens empêche les héritiers n'ayant pas le droit de vivre dans les réserves d'hériter de biens appartenant à un résident d'une réserve. Une plainte pourrait être formulée contre le conseil de bande ayant légitimement pris cette décision, mais le problème découlerait de la Loi sur les Indiens.
    De même, il pourrait y avoir une plainte au titre des droits de la personne contre certaines exemptions de taxation et de saisie des biens personnels dans les réserves dont bénéficient uniquement les Indiens conventionnés, ce qui résulterait encore une fois de la Loi sur les Indiens.

  (1235)  

    Monsieur le président, comme elle vient de répondre à certaines des questions de l'opposition, puis-je avoir un peu de temps supplémentaire?
    Malheureusement non.
    Nous passons à M. Lévesque ou M. Lemay.
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Merci d'être venus nous fournir des explications et nous donner votre opinion. Laissez-moi vous dire que vous avez utilisé des mots qui reflétaient mes inquiétudes.
    Vous parlez de clause d'interprétation, de délai d'application, de consultation des Premières nations et du devoir de la Couronne quant à la conciliation des Premières nations. À cet effet, il y a une question que je me suis toujours posée. Je ne suis pas un juriste. Je ne suis pas un avocat. Cependant, je me demande si on peut abroger l'article 67 et inscrire un délai, avec des conditions spécifiques et des obligations de la Couronne, avant que cela puisse être appliqué?
    Si, au bout du compte, on n'atteignait pas ces objectifs, l'abrogation deviendrait-elle caduque?
    On peut vouloir compter sur la bonne foi du gouvernement —  quelqu'un a d'ailleurs mentionné cela — à la suite de l'abrogation de l'article 67, et sur l'engagement des Premières nations à ne pas poursuivre en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais cela demeurerait volontaire.
    Considérant tout cela et considérant aussi qu'un changement de gouvernement est possible, puisqu'on a des gouvernements minoritaires... J'aimerais vous rappeler l'exemple du 31 mai 2005, alors que le gouvernement s'était engagé à renforcer la collaboration avec les Premières nations et à discuter avec elles avant d'élaborer des nouvelles politiques les concernant. Cela a-t-il été appliqué dans la mesure que nous étudions aujourd'hui? Pas du tout. Absolument pas.
    Il y a aussi l'engagement qu'avait pris le gouvernement à l'automne 2005, c'est-à-dire l'Accord de Kelowna. Cet engagement a-t-il été respecté? Pas du tout.
    À long terme, peut-on s'attendre, si on abroge l'article 67, malgré toute la bonne foi du gouvernement en place, à ce que le gouvernement suivant ait autant de détermination à appliquer l'article?
    Je me demande si la suggestion que vous êtes en train de nous faire n'est pas celle de modifier la Loi sur les Indiens, quitte à la modifier à la pièce, jusqu'à ce qu'elle rencontre les objectifs de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[Traduction]

    Je ne suis absolument pas contre l'idée de modifier la Loi sur les Indiens mais mes collègues sont les experts en la matière.
    Même si tout le monde fait preuve de bonne foi, la possibilité ou le risque existe que la consultation ne débouche pas sur une solution adéquate dans le délai prévu. Voilà pourquoi notre comité avait recommandé d'inclure dans la loi une disposition d'interprétation de repli. Notre espoir était qu'on pourrait formuler une telle disposition et que des dispositions beaucoup plus précises et détaillées pourraient ensuite être formulées à la suite de la consultation. Si le processus échouait, on aurait quand même eu dans la loi cette disposition d'interprétation protégeant les droits collectifs des peuples autochtones, le résultat ultime étant qu'on n'aurait pas simplement abrogé l'article 67 en n'ayant rien pour le remplacer.
    Je ne vois pas quel gouvernement serai prêt à entreprendre dans un avenir prévisible un processus de modification de la Loi sur les Indiens, surtout de certaines de ses dispositions les plus problématiques. Je ne pense pas que la modification de la Loi sur les Indiens doive être un substitut de l'abrogation de l'article 67, mesure qui procède de sa propre logique.
    Vous avez demandé si l'on avait eu recours à une période de transition dans d'autres contextes. Lorsque la Loi sur les Indiens a été modifiée par le projet de loi C-31 en 1985, ce qui représentait au fond une modification de la Loi sur les Indiens, c'était trois ans après la Charte. Le ministère et le Canada avaient eu le temps de s'y préparer. Ensuite, les premières nations avaient eu deux ans supplémentaires pour adopter leurs propres codes d'appartenance et, à toutes fins pratiques, se débarrasser dans une certaine mesure des dispositions d'appartenance de la Loi sur les Indiens.
    Voilà donc un autre cas où les premières nations eurent deux périodes distinctes pour s'adapter à une loi fédérale qui affectait la composition ou la gouvernance de leurs collectivités. Voilà pourquoi nous recommandons au minimum une période de transition adéquate pour permettre aux premières nations de s'adapter et, dans certains cas, d'appuyer cette modification.
    Si j'ai pu vous donner l'impression que les premières nations s'opposent au principe de protection des droits humains, ce n'était pas du tout mon attention. Ce n'est pas la position de mes clients.

  (1240)  

    Merci. Je voudrais finir ce tour de questions.
    Monsieur Storseth, du parti gouvernemental, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie sincèrement les témoins qui ont fait des exposés extrêmement intéressants.
    Madame Mandell, vous avez parlé du processus de consultation et du moment où il est le plus nécessaire. Ne croyez-vous pas que la consultation devrait se tenir avant, pendant et après le processus, c'est-à-dire continuellement?
    Tout dépend de son objet. Je n'ai rien contre le fait d'instaurer un système de consultation avant, pendant et après, et je ne voudrais certainement rien faire pour empêcher cela mais je tiens à souligner que c'est seulement sur la consultation avant que la Cour suprême a mis l'accent. Cela résulte clairement de son analyse du moment où la consultation devrait se tenir et des questions sur lesquelles elle devrait porter. Dans l'arrêt des Haïda, elle a bien dit que la consultation devrait faire partie de la planification stratégique.
    La Cour suprême a dit qu'il devrait y avoir consultation en amont de l'incidence réelle et c'est donc une exigence légale. Ma conclusion est que le gouvernement devrait donc mettre la plupart de ses oeufs dans ce panier, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des questions sur lesquelles il devrait y avoir une consultation ultérieure. Par exemple, je pense que le développement des capacités est un aspect sur lequel on apprendra plus à mesure qu'on avance, et que cela donnera naissance à des obligations différentes. Je conçois donc facilement qu'il y ait une consultation à ce sujet après.
     Cela permettrait d'éviter certains des résultats imprévus dont parlait M. Slavik.
    Dans ce cas, considérez-vous que le travail que nous faisons ici au sein d'un comité parlementaire pour recueillir l'opinion d'organisations et de personnes différentes fait partie du processus de consultation?
    C'est un peu comme une rencontre à l'aéroport, dans le sens où ça ne tient pas réellement compte de ce qu'a dit la Cour suprême, qui est qu'il faut consulter les parties affectées par la décision lorsque la Couronne sait qu'elle prend une décision qui débouchera sur une ingérence. Étant donné la nature de cette mesure, chaque première nation, rurale ou urbaine, sera touchée différemment... Celles qui ont adopté des règlements sur les droits humains ou qui ont des lois traditionnelles seront touchées différemment de celles qui n'en ont pas. Celles qui sont prospères seront touchées différemment de celles qui gèrent la pauvreté. Donc, à mon avis, il faudrait tenir une consultation plus large auprès des collectivités touchées.
    Si les organisations autochtones doivent être le succédané pour ce genre de consultation, alors il faut que les collectivités autochtones ne le sachent pour qu'elles puissent leur communiquer leurs positions respectives.
    Merci.
    Je ne veux pas être grossier mais pensez-vous que ceci fait partie du processus de consultation?
    Je n'ai aucune autorité pour être consultée au nom des premières nations. Je ne m'exprime pas devant vous en ayant obtenu leur autorisation de présenter leurs positions. Donc, je veux dire que ce que vous faites fait partie du processus mais ne saurait en aucun cas remplacer une consultation au sens où l'entendent les tribunaux. Ce ne sont pas mes droits qui sont touchés, ce sont ceux des collectivités autochtones.
    Monsieur le président, je vais intervenir brièvement pendant le temps de parole de M. Storseth.
    Madame Mandell, pensez-vous que ce devoir de consultation incombe également à la magistrature?
    Non, je ne pense pas que la magistrature ait le devoir de consulter puisque son rôle est d'interpréter les décisions du gouvernement et de ses représentants.

  (1245)  

    Par exemple, après Taku-Haïda, la Cour suprême a rendu une décision favorable à mon groupe d'autochtones, en particulier. Je suis métis. La Cour suprême a jugé que, selon l'arrêt Powley, les métis possèdent des droits de chasse. Cela faisait suite à Taku-Haïda. Cette décision de la Cour suprême affecte d'autres groupes autochtones, notamment des premières nations. Ne croyez-vous pas alors que la Cour suprême devrait mener le type de consultation dont vous parlez?
    La Cour détermine le cadre de consultation ou de détermination des droits mais elle laisse au gouvernement le soin de mener la consultation ou d'appliquer sa décision.
    Mais comment peut-elle prendre une telle décision qui a une incidence sur les peuple autochtones et qui découle de Taku-Haïda?
    C'est la nature de notre système.
    Je suppose que oui. Et c'est aussi la nature du système qui fait que nous sommes élus pour représenter les Canadiens.
    Pour être direct, au moment où une affaire arrive devant la Cour, les tribunaux l'ont déjà entendue trois fois et les premières nations et autres parties directement concernées ont largement eu l'occasion de contribuer au processus de décision.
    Ça ressemble beaucoup aux 30 années de débats sur ces questions, au moins parmi les députés,
    Oui, ça prend du temps.
    C'est le moins qu'on puisse dire.
    Nous passons maintenant à Mme Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais aborder plusieurs questions. Premièrement, je ne sais pas si vous avez dit tout ce que vous vouliez dire au sujet de la consultation entreprise par le comité. L'une des choses que nous avons entendues de la part de certains témoins est que ce processus d'audiences du comité ne constitue pas une consultation.
    Je reviens à ce que vous disiez tout à l'heure au sujet du clou dans le cercueil, quand vous avez parlé à un dirigeant autochtone dans un aéroport. Bien des gens contestent l'idée que ceci représente une consultation.
    Mon interprétation de certains des arrêts judiciaires — et Wendy Grant-John a certainement fait un excellent travail dans ses recommandations sur le MRP — sur ce à quoi devraient ressembler certains de ces éléments de consultation, étant donné que la vérificatrice générale a dit que le gouvernement n'a pas élaboré de politique sur la consultation...
    Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose sur la consultation, monsieur Black, vous n'avez pas eu l'occasion d'intervenir.
    Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu une discussion au sujet de la consultation au sein du comité d'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous avons tenté de parler aux organisations des premières nations mais il faut replacer ça dans le contexte. Notre comité se penchait sur la Loi dans sa totalité. Nous nous demandions s'il faudrait ajouter la condition sociale, la situation des gens en milieu urbain, etc.
    Même si nous avons consulté pendant une année, je ne voudrais pas donner l'impression que notre objectif était essentiellement ni même prioritairement de consulter sur cette question particulière.
    On a parlé plusieurs fois du développement des capacités, c'est-à-dire de la capacité des premières nations à réagir aux plaintes sur les droits de la personne, et on a dit qu'il y a le remède.
    Nous savons que l'Assemblée des premières nations et d'autres ont fait une analyse du plafond de financement de 2 p. 100 qui existe depuis 1996. Le ministère aussi en a analysé les conséquences.
    D'après vous, quelle serait la situation des collectivités des premières nations si elles... Vous avez pris l'exemple du logement et d'autres personnes ont parlé de la garde d'enfants. Que se passerait-il si les premières nations n'avaient tout simplement pas les ressources nécessaires pour dispenser les services?
    J'approuve tout ce qui a été dit au sujet du besoin de ressources. Ce serait un triste résultat de vos délibérations si l'on disait simplement que ce sera un autre groupe de gens qui n'auront pas de logement mais que le nombre total de personnes n'en ayant pas restera le même.
    Je voudrais revenir aux dispositions d'appartenance. Quand vous avez abordé cette question, monsieur Slavik, était-ce en dehors du contexte du projet de loi C-31? Pourriez-vous préciser?
     Nous avons fait des recherches et nous pensons qu'il y a aujourd'hui 300 à 400 premières nations qui ont leur propre code d'appartenance. Ce sont des codes qui définissent qui est membre de la première nation et qui est donc admissible à certains droits, privilèges et avantages. Par définition, cela indique également qui est exclu.
    À l'heure actuelle, les critères des droits de la personne ne s'appliquent pas à ces codes. Par contre, si cet article est abrogé, les premières nations qui ont adopté un tel code devront le faire réviser, probablement par un avocat, pour s'assurer qu'il est conforme aux dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Je ne peux vous dire combien sont conformes ou non mais c'est simplement l'une des raisons pour lesquelles une initiative de transition est nécessaire. Je peux vous dire que nous avons préparé l'ébauche d'un grand nombre de codes d'appartenance et qu'on y trouve beaucoup de facteurs d'ordre politique, social et budgétaire qu'il faudra revoir en profondeur.
    De même, il faudra revoir les règlements d'ordre fiscal ainsi que tout un éventail de politiques et de pratiques. Je ne veux pas dire qu'ils seront nécessairement jugés non conformes mais qu'il faudra vérifier.

  (1250)  

    Merci.
    Monsieur Epp, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
     Ce sujet m'intrigue et vos exposés nous donnent certainement matière à réflexion sur ce qu'il faut faire à partir de maintenant.
    Si je comprends bien votre message, vous nous dites que les dirigeants des premières nations approuvent l'abrogation de l'article. C'est mon impression générale. Pourtant, monsieur Slavik, vous nous avez parlé d'un chef qui vous a dit qu'il s'agit d'un clou de plus dans le cercueil. À mon avis, s'il appuyait cette initiative, il aurait dû vous dire plutôt qu'il est très heureux de ce qui se passe.
    Avez-vous une idée de la raison pour laquelle il a fait cette remarque?
    Je pense qu'elle portait sur le caractère d'ingérence de l'initiative. Si vous lui aviez demandé son opinion sur les droits de la personne — c'est quelqu'un qui est très évolué — il vous aurait certainement dit qu'il est en faveur. Par contre, il s'oppose certainement à cette imposition unilatérale. S'il avait la chance de mieux comprendre ce qui se passe et de s'y préparer, en adaptant ses méthodes actuelles, qu'elles posent ou non des problèmes, je pense qu'il aurait beaucoup moins de souci.
    Je crois que c'était simplement une réaction instinctive de sa part et nous réagissons tous de manière instinctive quand nous avons l'impression qu'on nous impose quelque chose, que ce soit bon ou non pour nous — nous sommes tous mariés après tout.
    Il réagissait donc probablement au manque de consultation à l'égard d'une mesure qui lui est imposée. C'est la conclusion que j'essaie de tirer.
    Vous avez tous parlé de l'importance des consultations et je suis d'accord avec vous. Nous-mêmes, comme députés, nous consultons régulièrement nos électeurs et nous exprimons leurs idées le plus possible. Il arrive cependant souvent qu'ils aient des opinions contradictoires et nous avons alors un choix difficile à faire : quelle position défendre, comment voter? Au bout d'un certain temps, il nous faut bien voter pour ou contre les choses qui nous sont proposées.
    Voici donc ma question : quelle forme devraient prendre les consultations pour donner satisfaction aux premières nations?
     En réponse à votre première question, je dois signaler aussi que deux institutions ont été créées dans le sillage de la Loi canadienne sur les droits de la personne : la Commission et le Tribunal des droits de la personne. Toute cette loi est axée sur l'arbitrage des transgressions individuelles ou des torts individuels dont nous discutons ici.
    En ce qui concerne le clou dans le cercueil, ce que j'ai entendu dire, c'est que la Commission et le Tribunal ne sont pas des institutions appropriées pour bon nombre des questions préoccupant les autochtones du point de vue de la manière dont il réagiront aux transgressions des droits humains en vertu de leurs lois et parce que ces processus ne sont pas adaptés à la manière autochtone ou n'essayent même pas de s'y conformer — processus impliquant les tribunaux et leurs méthodes.
    En outre, je pense que les gens sont avant tout préoccupés par la préservation de leurs droits collectifs et par le fait qu'il n'y a actuellement dans le système issu de la Loi canadienne sur les droits de la personne aucun mécanisme de reconnaissance de ces droits collectifs.
    Par exemple, je travaille pour une première nation. C'est une communauté de pêcheurs et c'est le conseil de bande qui distribue le poisson pêché grâce au permis de pêche communal. À l'heure actuelle, on distribue le poisson en commençant par les anciens et, en période de disette, il peut arriver que les jeunes ne reçoivent pas de poisson ou n'en reçoivent pas assez. Si un jeune déposait une plainte d'infraction aux droits de la personne parce qu'il ne reçoit pas de poisson et que sa plainte entrait en conflit avec les valeurs et principes de sa société, comment réglerait-on le problème? À mon avis, c'est ce que voulait dire le clou dans le cercueil.
    En contrepartie, au sujet de ce qui serait suffisant, je pense que nous en avons largement discuté et que les deux choses importantes sont d'identifier la collectivité devant être consultée — et je crois comme Mme Crowder que votre comité ne s'adresse pas vraiment aux gens auxquels il devrait s'adresser — et de choisir la bonne question à lui poser. Voilà pourquoi j'ai dit que la bonne question à poser serait de savoir quel serait un régime cohérent de protection des droits de la personne du point de vue des droits collectifs en jeu.
    En outre, si le projet doit avoir une incidence sur la Loi sur les Indiens, quelle est la politique fondamentale qu'il faut réexaminer au moyen d'amendements apportés directement à la Loi sur les Indiens?
    Je pense que ce sont là des questions qui susciteraient des réponses permettant d'instaurer un régime dont chacun se sentirait très fier.

  (1255)  

    Monsieur Black.
    À mon avis, la quadrature du cercle, pour votre comité, c'est d'étendre la portée des droits humains qui sont actuellement limités par l'article 67 mais de réussir à le faire en ne portant pas atteinte aux autres droits pouvant être considéré comme des droits humains, c'est-à-dire les droits collectifs des peuples autochtones.
    Je crois que tout le monde autour de cette table convient qu'il faut élargir les droits humains mais votre problème est d'assurer un résultat gagnant-gagnant plutôt qu'un résultat gagnant-perdant.
    Je vais conclure.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Je termine en faisant une brève remarque. Je suis le député légitimement élu d'Okanagan-Shuswap où j'ai cinq bandes. Je dialogue avec ces bandes pour comprendre leurs besoins et exprimer leurs préoccupations, tout comme je le fais avec les non-autochtones de ma circonscription. Cela n'est pas sans effet et je pense que nous avons un peu marginalisé le fait que nous sommes des élus légitimes et que dans notre fonction de député nous représentons les autochtones de nos diverses circonscriptions.
    Merci beaucoup. C'était une séance extrêmement intéressante.
    La séance est levée.