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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 avril 2007

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord du jeudi 26 avril 2007.
    Chers membres du comité, vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Nous accueillons ce matin du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien M. Daniel Watson, sous-ministre adjoint principal, Politiques et orientation stratégique; et M. Daniel Ricard, directeur général, Direction générale de la gestion et du règlement des litiges.
    Du ministère de la Justice, nous accueillons Christine Aubin, conseillère juridique, Section des opérations et des programmes, Unité des services juridiques.
    Plus tard, du Congrès des peuples autochtones, nous recevrons les témoignages de Patrick Brazeau, chef national.
    Le comité souhaitait que ces témoins comparaissent en même temps, et par conséquent, il n'y aura pas de pause et nous essaierons de profiter au maximum du temps disponible. Je vous dis cela parce que je ne voulais pas que certains trouvent préoccupant que nous recevions en même temps les fonctionnaires du ministère et M. Brazeau — je voulais simplement que vous le sachiez.
    Les représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du ministère de la Justice n'ont pas d'exposés liminaires à faire, et nous allons donc ouvrir immédiatement la période des questions.
    M. Brazeau arrivera un peu en retard; il a dit qu'il serait là vers 11 h 15 ou 11 h 20. Si vous êtes d'accord, je vais donner la parole à M. Brazeau, dès son arrivée, pour faire son exposé. Si les membres du comité sont d'accord, nous pourrons ensuite continuer jusqu'à la fin.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Je vous remercie.
    Nous allons donc commencer par les questions qui s'adressent aux représentants ministériels.
    Bienvenue, et merci à vous tous de votre présence.
    Monsieur Bagnell.
    Je présume que vous vous êtes préparés, que vous avez lu le compte rendu du premier débat et que vous êtes donc au courant des préoccupations soulevées par d'autres témoins.
    Comme mon collègue vient de le dire, un certain nombre de points ont été soulevés par les témoins et par nous-mêmes, dans nos discours, du moins de ce côté-ci de la Chambre. Je voudrais donc vous donner l'occasion de nous indiquer des changements qui vous semblent éventuellement souhaitables ou de défendre votre position par rapport à ces différents éléments.
    Je n'ai pas sous les yeux le texte du discours que j'ai prononcé lors du débat, mais je me rappelle que ces éléments étaient les suivants : premièrement, les peuples autochtones affirment qu'il n'y a pas du tout eu de consultations récentes au sujet de cette initiative; deuxièmement, comme les représentants de la Commission du droit nous l'ont fait savoir hier, il devrait y avoir une disposition de dérogation afin de garantir, étant donné que cette question est aussi délicate, que les droits ne sont pas violés; troisièmement, il conviendrait de prévoir un plus long délai de mise en oeuvre, puisqu'il s'agit d'une situation particulièrement difficile, afin de permettre aux gens de s'y adapter progressivement; et mon dernier point concerne une disposition d'interprétation.
    Si mes autres collègues ont à l'esprit d'autres éléments importants… De plus, à titre de corollaire, pourriez-vous me dire si vous prévoyez de faire de la formation et de prévoir et d'affecter des ressources?
    Il est évident que les conseils de bande qui n'ont pas l'habitude de cette situation pourraient provoquer toutes sortes de plaintes et de procédures judiciaires contre eux-mêmes, s'ils ne reçoivent pas la formation requise. Il s'agirait de leur assurer cette formation comme mesure préventive. Deuxièmement, il leur faudra des crédits pour aller devant la justice et de la formation au préalable, pour qu'ils ne soient pas obligés — c'est ce qu'on espère — d'aller devant les tribunaux.
    Avons-nous reçu d'autres plaintes importantes de la part des témoins? Il me semble avoir mentionné les points les plus importants. Je vous invite donc à y répondre, puisque vous êtes certainement bien préparés et au courant de ces arguments… Si je ne m'abuse, les membres de l'opposition et les témoins étaient essentiellement d'accord pour dire que ces éléments posent problème. Selon moi, il existe des solutions, mais je voudrais entendre vos réactions.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de répondre à vos questions.
    Peut-être pourrais-je aborder chacun de ces points par ordre inverse et vous donner certains renseignements complémentaires relativement aux questions posées la dernière fois, lorsque nous avons comparu devant le comité avec le ministre.
    Pour ce qui est de notre réflexion, notamment au sujet de l'impact que cela pourrait avoir sur les collectivités, il y a un certain nombre de points qu'il convient de se rappeler, et voilà ce que nous avons fait en examinant les différents scénarios.
    D'ailleurs, il existe déjà certaines connaissances et une certaine expérience par rapport à ce phénomène. Ce n'est pas quelque chose de tout à fait nouveau. Malgré l'article 67, la Loi canadienne sur les droits de la personne a toujours visé certains aspects des activités et du travail des premières nations jusqu'à présent. Nous croyons savoir qu'il y a entre 35 et 50 dossiers à traiter chaque année, par rapport à diverses questions, aux termes de la LCDP, par conséquent, ce n'est pas comme si nous passons d'une situation où la Loi ne s'appliquait à aucun aspect de la vie ou des activités des premières nations à une situation où elle s'applique à tout ce que font ces dernières. Nous avons certaines données de référence à cet égard. À ce chapitre, je pensais qu'il serait bon qu'on passe en revue un certain nombre d'éléments.
    À l'heure actuelle, la CCDP reçoit chaque année environ 60 plaintes émanant des premières nations. Ces données sont le fruit des recherches que nous avons menées avec la Commission, plutôt que des données ministérielles. Bien sûr, les gens peuvent déposer une plainte, et selon la procédure, c'est à la Commission de déterminer s'il faut ou non les accueillir. En moyenne, 60 plaintes sont déposées chaque année et 40 sont retenues pour examen. Je ne peux pas vous parler de l'issue de ces plaintes, mais disons qu'une quarantaine de plaintes suivent les autres étapes du processus.
    D'après ce que nous avons pu comprendre, les plaintes déposées contre les premières nations sont différentes. Par exemple, 15 p. 100 d'entre elles sont liées à l'invalidité, comparativement à 40 p. 100 pour les autres dossiers traités par la CCDP. Par rapport aux différents types de plaintes que reçoit la Commission, les 12 p. 100 qui concernent les premières nations sont liées à la situation familiale, par rapport à 4 p. 100 pour le reste de la population.
    D'après les renseignements que nous possédons à ce sujet, les plaintes déposées contre les premières nations sont plus susceptibles d'être réglées que d'autres plaintes. Cela cadre avec les observations faites par plusieurs premières nations concernant la nécessité de pouvoir régler les différends en dehors des procédures judiciaires traditionnelles. De telles plaintes sont moins susceptibles d'être renvoyées à la Commission, mais plus susceptibles d'être examinées par le tribunal une fois qu'elles ont été renvoyées à la Commission. Environ 14 p. 100 d'entre elles sont examinées par un tribunal, par opposition à 4 p. 100 pour les autres dossiers traités par la Commission. Donc, nous avons là une certaine expérience sur laquelle nous pouvons nous appuyer dans ce contexte.
    Encore une fois, ce n'est pas tout à fait nouveau. Il est évident qu'on parle ici de certains changements, mais ce sont tout de même de bonnes données de référence.
    Les premières nations autonomes sont évidemment visées par la Loi canadienne sur les droits de la personne, et nous avons également examiné leur situation. Le nombre de plaintes n'a pas augmenté en flèche dès qu'on a ouvert les vannes, pour ainsi dire — c'est-à-dire lorsque le régime que prévoit la Loi sur les Indiens a cessé de s'appliquer et qu'elles sont devenues autonomes. Ce serait un enjeu important au Yukon et dans d'autres régions du Canada.
    L'autre élément dont nous avons tenu compte et auquel nous avons bien réfléchi concerne le fait que le gouvernement fédéral, et notamment les gouvernements autochtones, font déjà l'objet de poursuites dans toutes sortes de domaines différents qui donnent lieu à des plaintes devant la CCDP. Nous avons donc tenu compte du fait que les gouvernements autochtones administrent déjà leurs activités dans un environnement où leurs décisions, non seulement sont examinées au niveau politique par les citoyens des premières nations, mais peuvent également susciter des poursuites en justice, et il y a effectivement des poursuites. L'une des différences clés qu'il convient de signaler, dans le contexte de la LCDP et de la CCDP, c'est que la Loi inclut un mécanisme prévoyant un type de médiation fort différent, d'ordre plutôt informel, qui n'existe pas dans le contexte des poursuites au civil.
    L'effet de l'abrogation se fait évidemment sentir au sein de l'appareil fédéral. Daniel Ricard, qui m'accompagne ce matin, est le directeur général de la Gestion et du règlement des litiges. À n'importe quel moment, nous traitons plus de 1 000 dossiers à la fois.

  (1110)  

    Nous avons au sein du gouvernement fédéral des mécanismes qui nous permettent de nous en charger, mais je sais aussi que les premières nations et les groupes autochtones qui se sont prononcés sur la question sont moins préoccupés par la capacité du ministère de traiter ces dossiers que la leur.
    Ayant réfléchi à cette question et examiné l'expérience de la CCDP au cours des 30 dernières années pour ce qui est de gérer ce genre de situations, instruire les plaintes et prévoir les procédures nécessaires, nous nous sommes rendu compte que les premières nations disposent déjà, dans certains cas, de systèmes assez développés de règlement des différends. Dans ce contexte, nous nous demandons si cela explique la capacité accrue des collectivités, constatée par la CCDP, de régler leurs différends à l'interne, par rapport à ce que nous constatons pour d'autres contextes.

  (1115)  

    Permettez-moi de vous interrompre. Nous avons déjà dépassé sept minutes et maintenant nous en sommes à la période des questions.
    Je voudrais donc donner la parole à M. Lemay pour qu'il vous pose ses questions.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'écoutais avec attention —

[Traduction]

    Si vous voulez qu'il continue, c'est très bien, mais ce sera pris sur votre temps de parole.

[Français]

    Vous avez raison; je vais plutôt reprendre la question que mon collègue a abordée plus tôt.
    Monsieur Watson, monsieur Ricard et madame Aubin, je vais vous faire part de mes impressions. Je suis content que vous soyez ici précisément à cette étape de l'étude du projet de loi C-44. Je compare ce que vous nous dites aux propos de ceux qui ont comparu devant nous précédemment, dont l'Association du Barreau Autochtone, et je trouve qu'il s'agit de points de vue complètement différents.
     D'un côté, les gens du ministère affirment être capables de faire face à cela sans problème. Ils disent qu'après 30 ans dans ce domaine, ils en ont vu d'autres. D'un autre côté, l'Association du Barreau Autochtone cite le juge Muldoon, de la Cour fédérale. Je ne veux pas massacrer les propos de sa seigneurie, mais dans le cadre de cette cause, dont j'ai oublié le titre et le numéro, le juge a rendu une décision dans laquelle il disait qu'interpréter les décisions rendues par la Commission des droits de la personne en fonction de la Loi canadienne sur les droits de la personne allait dans le sens de l'assimilation des Autochtones, de la fermeture des réserves. J'utilise des termes un peu durs. C'est malgré tout ce qu'il veut dire et ce que nous ont dit les gens de l'Association du Barreau Autochtone.
    Je vous avoue que tout ça me semble très ambigu ce matin. J'aimerais que vous m'éclairiez à ce sujet. Il faut savoir qui a raison et qui a tort. Les gens de l'Assemblée des Premières Nations veulent qu'il y ait une clause interprétative, mais ceux de la Commission des droits de la personne nous disent qu'il serait possible d'inclure dans le projet de loi une disposition qui définirait une clause interprétative, de façon à voir venir les choses. Les premières nations veulent une clause dérogatoire.
    Quelle est votre position, ce matin, sur les revendications de l'Association du Barreau Autochtone et de l'Assemblée des Premières Nations? Est-ce que vous n'en avez rien à faire?
    Pour répondre à la question à savoir comment à notre avis va se dérouler la mise en oeuvre de cette loi, je vais faire une mise en contexte et parler un peu des recherches que nous avons faites. Évidemment, prédire ce qui pourrait arriver en vertu d'une loi n'est pas une science, mais un art. Nous avons pris connaissance de ce qui s'était produit dans des cas passés semblables.
    Pour ce qui est de la question sur le but de cette loi, je vais reprendre les commentaires qu'a émis le ministre Prentice devant ce comité. J'ai le texte en anglais devant moi, et je vais vous le lire: 

[Traduction]

— nous aspirons assurément à un pays où un citoyen autochtone a tout autant qu'un citoyen non autochtone la faculté d'intenter une poursuite pour manque d'accès à des services médicaux.

[Français]

    C'est selon moi un résumé de l'intention du projet de loi. Ça ne touche pas les réserves dans le sens où l'on veut créer de nouvelles politiques. L'intention est de créer les mêmes droits pour les gens qui vivent dans les réserves en vertu de la Loi sur les indiens.
    Monsieur Watson, ne me répétez pas tout l'avant-midi ce que nous a dit le ministre: je le sais.
    Actuellement, les premières nations disent qu'elles ne sont pas prêtes à appliquer demain matin le projet de loi C-44 dans sa forme actuelle. Elles disent que cela créerait le chaos. Lorsque je leur ai demandé ce que nous devrions faire, ils nous ont proposé d'ajouter une clause interprétative. Vous l'avez lue. Êtes-vous d'accord? Le ministère est-il prêt à agir ainsi? Est-il prêt à discuter de la création et de la mise en place d'une clause interprétative et d'une clause de non-dérogation?
    Ma question est très précise, en tout cas, je l'espère.

  (1120)  

    Lors de sa dernière comparution devant le comité, le ministre, en réponse à une question concernant le délai dans la mise en oeuvre de la loi, qui est évidemment une partie importante de tous les commentaires qui ont été faits ici, a dit qu'il était prêt à entendre des conseils à ce sujet. Cela reste vrai.
     Nous lisons donc attentivement les témoignages des gens qui comparaissent devant le comité et nous écoutons. Nous savons que les divers intervenants ont suggéré un délai de 18 mois à 30 mois. Évidemment, nous sommes au courant de cela et, comme je le souligne à nouveau, le ministre s'est montré ouvert à l'idée de considérer ces conseils.
    En ce qui concerne la question d'interprétation, on a souvent reçu des commentaires, à ce comité et ailleurs, de gens qui voulaient qu'il soit clair que certains programmes avantageux pour les membres des bandes indiennes continuent d'exister en vertu de la loi, comme c'est le cas pour d'autres secteurs de la société canadienne. Nous avons entendu cela.
    Ce n'est pas, au départ, des principes qui sont déjà dans la loi. La proposition ne diminuerait en rien le droit pour un groupe autochtone de procéder de manière à avantager ses membres. Donc, en ce qui a trait à la clause interprétative, je suppose que le principe qui a été exprimé par les gens est réalisable. Il s'agit considérer la question et de la clarifier. Cependant, il n'est pas question de diminuer les possibilités pour des groupes autochtones, en particulier les premières nations, de bénéficier de programmes qui existent dans d'autres secteurs de la société canadienne.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je dois maintenant passer à Mme Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence devant nous aujourd'hui.
    Je voudrais passer de la théorie à la pratique et vous citer un exemple concret.
    En 2004, la vérificatrice générale a déposé un rapport dans lequel elle a fait savoir que le système d'éducation, de la maternelle jusqu'à la 12e année, posait vraiment problème dans les réserves, et que le ministère allait y voir en élaborant un accord-cadre et un accord sur les politiques à appliquer. Je crois savoir que le travail lié aux politiques est essentiellement au point mort et il en va de même, depuis tout dernièrement, pour le processus coopératif de définition d'une formule de financement.
    Lorsque le ministre a comparu devant le comité en mars, il a parlé de l'abrogation de l'article 67 dans ces termes :
C'est pourquoi je pense que l'abrogation de l'article 67 est si importante, car nous voulons un pays où tous les citoyens peuvent appeler les autorités gouvernementales à défendre leurs actes et à défendre les décisions prises par les gouvernements et les ministres, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou celui de la santé ou qu'il s'agisse de la répartition des ressources au sein de la collectivité.
    Mais, dans les documents d'information fournis par le ministère lui-même, on met en relief l'existence d'un énorme manque d'équité. On dit ceci : « Selon l'analyse décrite ci-dessus et de facteurs de comparabilité nationale, il existe un écart de financement de 64 millions de dollars pour le système des écoles de bande en 2004-2005 ». Donc, même dans ses propres documents, le ministère reconnaît qu'il existe certaines inégalités.
    Lorsque les représentants de l'Association du Barreau canadien ont comparu, ils nous ont dit que si nous démantelons la Loi sur les Indiens, sans que cela passe par une démarche vraiment transparente, il pourrait y avoir des conséquences involontaires. Étant donné que le ministère reconnaît, par exemple, que les écoles de bande sont gravement sous-financées, j'imagine qu'il pourrait y avoir des contestations. Et le ministre est d'avis que l'abrogation de l'article 67 constitue un mécanisme permettant d'éliminer les inégalités qui existent dans le secteur de l'éducation.
    Avez-vous examiné par anticipation des situations où une plainte pourrait être déposée devant le tribunal — étant donné que les données du ministère lui-même indique qu'il existe des inégalités — contre le gouvernement, soit par des conseils de bande, soit par des membres d'une bande qui estiment ne pas avoir le même accès aux services d'éducation que d'autres Canadiens?

  (1125)  

    Pour moi, votre question comporte deux volets. Dans un premier temps, vous me demandez s'il pourrait y avoir des plaintes. Je dirais qu'il est presque certain qu'il va y en avoir.
    Avez-vous examiné les données du ministère indiquant qu'il existe des inégalités?
    Le deuxième volet de votre question est: pourrait-on se servir des renseignements produits par le ministère dans le contexte d'une plainte? La réponse est —
    Non, voici ma question: avez-vous examiné les données actuelles du ministère, qui reconnaissent d'ores et déjà qu'il existe des inégalités, en vue d'évaluer les effets sur le ministère jusqu'ici ou les effets potentiels sur les conseils de bande, puisque nous savons déjà qu'il y a des inégalités?
    La réponse la plus simple que je puisse vous donner serait de dire que nous possédons toutes sortes d'information et de données. Nous sommes déjà partie à diverses poursuites judiciaires, et je vais peut-être demander à mon collègue, Daniel Ricard, de vous en parler. Nous savons que diverses informations sont découvertes tous les jours dans le cadre de différentes procédures judiciaires, et qu'il peut parfois s'agir de centaines de milliers de pages d'information. Donc, il est certain qu'on va se servir de ces informations.
    Peut-être me suis-je mal exprimée. Nous savons déjà que le ministère lui-même reconnaît qu'il existe certains défis. En l'occurrence, ce dernier reconnaît qu'il existe un écart de financement de 64 millions de dollars pour ce qui est des services d'éducation auxquels ont accès les enfants autochtones vivant dans les réserves.
    Nous savons que ces inégalités existent. Le ministère a-t-il examiné des cas particuliers où de telles inégalités existent, et a-t-il cherché à déterminer quelle pourrait être l'incidence sur le ministère? Supposons que je fournisse ce document à toutes les réserves qui administrent leurs propres écoles au Canada en leur disant: « Je vous conseille de déposer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne parce que le ministère reconnaît qu'il existe des inégalités en matière de financement qui sont de l'ordre de 64 millions de dollars »; je vous demande donc si le ministère a analysé ces inégalités qu'il a lui-même recensées en cherchant à déterminer quelle serait l'incidence sur le ministère si chaque première nation au Canada décidait de déposer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne?
    Je vais remonter un peu plus en arrière. Il y aura des plaintes. Les gens se serviront de nos données. Il est évident qu'ils se serviront de certaines des conclusions du ministère pour faire valoir le bien-fondé de leurs plaintes. Il est évident que nous ne devons pas nous substituer au tribunal en tirant des conclusions définitives à ce sujet, mais le simple fait que nous —
    Voici ma question: le gouvernement a-t-il examiné cela?
    Je ne suis pas sûr de savoir quel document nous avons préparé, mais me dites-vous que —
    Il pourrait s'agir de toutes sortes de documents différents. La vérificatrice générale elle-même a découvert certaines inégalités au sein du système, par exemple. Ma question est donc celle-ci: le ministère a-t-il examiné des cas spécifiques où il existe des inégalités, afin de déterminer quelles en seraient les conséquences? Il ne s'agit pas de savoir si les gens vont se servir de ces données à l'avenir. Avez-vous examiné les cas spécifiques qui ont déjà été documentés?
    Dans la mesure où vous parlez d'un de nos propres documents, la réponse est oui, nous l'avons examiné et nous en sommes au courant, puisque ce document ressemble bien à un document que nous-mêmes aurions préparé.
    Dans ce cas, pourriez-vous nous fournir votre analyse? Pourriez-vous fournir au comité l'analyse que vous avez effectuée sur les documents faisant état d'inégalités dans le contexte actuel?
    Encore une fois, ce genre de chose ferait l'objet d'une plainte qui préciserait tous les faits et toutes les circonstances, plainte qui serait en bonne et due forme selon la procédure habituelle. Il ne nous appartient pas de préjuger le résultat d'une telle plainte. Il nous appartient plutôt de concevoir des programmes et de les structurer de façon à respecter, non seulement la loi, mais les objectifs stratégiques fixés par le ministère et approuvés par le Parlement. Voilà notre rôle. Évidemment, au fur et à mesure d'élaborer de nouvelles initiatives, nous constatons que certaines situations posent problème. À ce moment-là, nous nous efforçons de trouver des solutions. Mais essayer de voir comment nous pourrions jouer un rôle qui correspond davantage à celui d'un tribunal représente évidemment un travail différent.
    Ce n'était pas l'objet de ma question. Je voulais savoir si vous aviez fait une analyse.
    Nous passons maintenant 
    Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue au comité à Patrick Brazeau, chef national du Congrès des peuples autochtones.
    Je vais simplement terminer le premier tour de questions, et nous vous donnerons ensuite la parole pour faire vos remarques liminaires.
    C'est maintenant à M. Bruinooge, du parti ministériel.

  (1130)  

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins qui comparaissent devant le comité aujourd'hui.
    Si je devais choisir le sujet que j'examinerai avec vous dans le contexte de mes questions, ce sujet serait surtout les consultations qui se déroulent depuis une trentaine d'années. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été créée en 1977. Peut-être pourriez-vous nous parler un peu de tout le processus et du débat qui s'est tenu au fil des ans au sujet de cette exemption.
    Je sais qu'il en a été question en 1985, de même qu'en 1992, et qu'il y a eu également un débat exhaustif sur la question en 2000. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui avez participé à cette démarche ministérielle. Peut-être pourriez-vous nous parler un peu des différentes recommandations qui ont été faites au cours des 30 dernières années, depuis que la Loi a été adoptée.
    Très bien. Merci.
    La Loi a été mise en vigueur en 1977. En 1985, le projet de loi C-31 a apporté certaines modifications à la Loi sur les Indiens, et à cette époque de même que par la suite, il y a eu de longues discussions dans l'ensemble du Canada au sujet de certaines dispositions de la Loi qui étaient jugées discriminatoires.
    En 1992, le projet de loi C-108, Loi modifiant la LCDP, a été déposé. L'abrogation de l'article 67 était l'une des modifications proposées. Ce projet de loi est mort au Feuilleton. Le Parlement a été dissout en 1993.
    En 2000, le rapport du comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne a été déposé, et vous y avez fait allusion. M. le juge Gérard La Forest était président du Comité de révision qui a, lui aussi, tenu de grandes consultations, notamment concernant l'article 67, dans l'ensemble du Canada auprès d'organismes autochtones à la fois nationaux et régionaux, dans le cadre de ce travail de révision en profondeur. Comme vous le savez peut-être, le Comité de révision a recommandé que l'article 67 soit supprimé et que la Loi vise les communautés autochtones autonomes jusqu'au moment de la mise en application des codes autochtones de protection des droits de la personne. Le Comité de révision a également discuté d'un certain nombre d'autres enjeux pendant les consultations mais, encore une fois, si je peux résumer la réponse à votre question au sujet des consultations, on peut certainement affirmer qu'il y a eu à l'époque des consultations exhaustives sur la question.
    En 2002, le rapport final soumis à l'examen du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien par le Comité consultatif interministériel mixte faisait les mêmes recommandations que celles qui se trouvaient dans le rapport du Comité de révision déposé quelques années auparavant.
    En 2002, le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des premières nations, a été déposé, et vous vous souviendrez peut-être que ce dernier proposait également l'abrogation de l'article 67. Il va sans dire que ce projet de loi a fait l'objet de discussions exhaustives dans l'ensemble du Canada.
    De plus, en 2005, le projet de loi S-45 a été déposé, encore une fois en vue d'apporter des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne. La CCDP a aussi publié un rapport spécial intitulé Une question de droits sur l'abrogation de l'article 67.
    Donc, il y a eu au cours des 30 dernières années de très vastes consultations sur cette question. Je dirais même qu'il y a peu de questions d'intérêt public qui ont fait l'objet d'un examen aussi approfondi au cours de cette même période. On peut certainement me corriger, mais pour moi, cette question a fait l'objet d'une attention toute particulière.
    Il me reste combien de temps, monsieur le président?
    Environ une minute.
    Je ne sais pas si la représentante du ministère de la Justice voudrait également nous apporter certains éléments d'information, mais j'ai une question au sujet des décisions rendues dans les affaires Nation haïda et Taku River. Je voudrais savoir s'il est question dans ces arrêts d'un délai particulier? Est-ce qu'on y fait mention d'un délai à prévoir obligatoirement pour les consultations, ou laisse-t-on le soin au gouvernement ou au comité parlementaire de préciser ces choses-là?

  (1135)  

    Si vous parlez des décisions rendues par la Cour suprême dans les affaires Nation haïda et première nation Tlingit de Taku River, eh bien, la Cour n'a pas prescrit de délai particulier à ce sujet-là. Par contre, elle énonçait des lignes directrices générales sur la façon dont le Canada devrait se comporter dans le contexte des consultations. Dans les arrêts Nation haïda et première nation Tlingit de Taku River, la Cour ne fait pas allusion à l'obligation de tenir des consultations, par exemple, dans le contexte de la préparation d'un projet de loi. En fait, les arrêts en question concernait un scénario factuel très différent. Dans ce contexte, les lignes directrices qui étaient fournies visaient plutôt à proposer une approche contextuelle en ce qui concerne la tenue de consultations raisonnables et pertinentes, selon la nature précise du programme ou de l'activité concernée.
    En ce qui concerne les ressources, j'imagine qu'il pourrait s'agir d'une situation où il y aurait, pour la collectivité concernée, la possibilité qu'on s'immisce dans la gestion de ses ressources, par opposition à ce dont on parle ici. Y a-t-il une corrélation directe entre cet arrêt et ce que le Parlement pourrait éventuellement faire, si une disposition précise de la loi était abrogée?
    Je suppose que j'essaie de savoir si les arrêts Nation haïda et Taku River ont eu des conséquences en dehors de ce contexte précis, c'est-à-dire là où il est question de ressources?
    Encore une fois, les décisions rendues par la Cour dans les affaires Nation haïda et Taku River ne concernaient pas les obligations de la Couronne en matière de préparation de propositions législatives. En fait, nous n'avons encore reçu aucune directive de la Cour suprême du Canada concernant l'obligation légale de tenir des consultations, par exemple, dans le contexte d'une étude parlementaire ou de la préparation de propositions législatives. Cette obligation existe en dehors de ce contexte-là.
    Je vous remercie. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant demander à M. Brazeau de nous faire son exposé.
    Encore une fois, bienvenue.
    Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Au nom du Congrès des peuples autochtones, j'ai le plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-44 qui est actuellement étudié par les membres du comité.
    Il y a trois domaines que le Congrès souhaite aborder aujourd'hui en ce qui concerne les répercussions du projet de loi C-44. Ces domaines sont les suivants: nos observations sur le fait que la Loi sur les Indiens constitue un obstacle à la protection efficace des droits de la personne dans les collectivités des premières nations; notre point de vue sur les conseils de bande et la gouvernance en général dans les collectivités des premières nations; et le besoin d'éducation et de communication afin de sensibiliser les gens, d'atténuer leurs préoccupations et de leur permettre de comprendre la valeur des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Depuis 1982, la Constitution du Canada et sa Charte des droits et libertés — qui sont les lois primordiales du pays — ont expressément reconnu trois groupes de peuples autochtones : les Indiens, les Métis et les Inuits. Toutefois, quelque 25 ans après le rapatriement de notre Constitution, l'écart entre l'égalité théorique et les pratiques gouvernementales touchant la reconnaissance et la protection des droits autochtones prévus par les dispositions de la Constitution, est une réalité quotidienne pour les membres du Congrès des peuples autochtones. Leurs préoccupations et leurs aspirations demeurent négligées par tous les ordres de gouvernement. Ils doivent composer encore et toujours avec l'exclusion et l'ignorance.
    J'ai souvent dit que la Loi sur les Indiens devrait être — en fait, doit être — remplacée. Cette loi archaïque représente une imposition artificielle et étrangère de la « qualité d'Indien » aux peuples autochtones. Je réitère encore une fois cet appel au profit des membres du comité qui sont présents aujourd'hui.
    La Loi sur les Indiens a entraîné la déconstruction des nations autochtones traditionnelles et historiques. Conformément à ses dispositions prescriptives, ces collectivités historiques ont été rassemblées dans des réserves indiennes, dont beaucoup ont été la source de difficultés sociales et économiques pour les peuples autochtones pendant plus d'un siècle.
    En plus de l'établissement du système des réserves, la Loi sur les Indiens établit à l'article 6 qui a le droit d'obtenir le statut d'Indien inscrit. Il découle de cette désignation des droits particuliers à des programmes et des services — par exemple, le financement de l'éducation postsecondaire et des services de santé non assurés, de même que l'accès au logement et certaines exemptions fiscales. Au-delà de la lettre de la Loi sur les Indiens et du système bureaucratique qui appuie et applique ses dispositions colonialistes, il y a les Autochtones et leurs familles.
    Il existe actuellement au Canada de nombreuses familles autochtones dont tous les membres ne jouissent pas du même accès aux programmes et services, et ce uniquement selon qu'ils ont ou pas le droit de s'inscrire en vertu de la Loi sur les Indiens. Une personne raisonnable n'a pas besoin de réfléchir longtemps aux répercussions, par exemple, du fait que même si une personne peut avoir accès à des médicaments sur ordonnance, à des soins dentaires ou à des lunettes, son parent, son frère, sa soeur ou ses enfants ne peuvent pas.
    Tous les parents veulent que leurs enfants aient une meilleure vie que la leur. Imaginez un instant que des parents qui ont eu accès à un financement pour leurs études postsecondaires voient leurs enfants se faire refuser ce même financement en raison de l'application des principes de la Loi sur les Indiens.
    Il est clair que la Loi sur les Indiens est, directement et indirectement, le fondement de mesures discriminatoires touchant la majorité des Autochtones du Canada d'aujourd'hui. Il existe un profond désaccord entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet de la compétence et de la responsabilité financière des programmes et services à l'intention des Indiens inscrits. Cela comprend l'éducation, les soins de santé et les services sociaux, comme l'aide au revenu et les services d'aide à la vie autonome. Pendant que les gouvernements fédéral et provinciaux ergotent sur la question de savoir qui doit payer quoi, les Autochtones et leurs familles souffrent et se passent de ces services.
    Cela dit, est-ce que le Congrès des peuples autochtones appuie l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne? Absolument et catégoriquement.
    Le fait que la Loi sur les Indiens ait dans l'ensemble échappé à un examen en fonction des droits de la personne pendant trois décennies est inacceptable dans un pays par ailleurs reconnu dans le monde entier comme un exemple de démocratie réussie et prospère.
    Le gouvernement fédéral a consacré beaucoup de temps, d'efforts et d'argent pour essayer d'appuyer l'établissement des fondements modernes d'une saine gouvernance dans les réserves établies par suite de la Loi sur les Indiens. Il a également investi une quantité extraordinaire d'argent et d'efforts dans la défense de la Loi sur les Indiens contre diverses contestations judiciaires. Ces efforts découlent en grande partie des directives périmées et inadéquates de la Loi sur les Indiens sur les questions touchant la gouvernance dans le cadre du système de gouvernance par les conseils de bande que prévoit la Loi.
    Depuis 2003, année où le projet de loi sur la gouvernance des premières nations a été retiré, nous attendons le dépôt par les gouvernements — tant fédéral qu'autochtones — des solutions viables de rechange au projet de loi C-7 dont les critiques formulées publiquement à son sujet ont été nombreuses. Près de quatre ans plus tard, nous attendons toujours. Pour les personnes qui vivent dans les réserves établies en vertu de la Loi sur les Indiens, le conseil de bande est l'autorité suprême au sein de la collectivité. C'est de lui qu'émanent les emplois, les logements, l'aide au revenu, l'éducation et la formation.

  (1140)  

    Le CPA et ses affiliés continuent d'être contactés par des membres de bandes, dont beaucoup ont quitté leurs réserves en raison de différends relatifs à l'accès aux programmes, qui nous font part de nombreuses plaintes et préoccupations. Ils sont incapables d'obtenir des copies des critères des politiques et programmes. On leur refuse l'accès à des mécanismes de recours et ils voient leurs appels arbitrés par les mêmes personnes qui leur ont refusé l'accès aux programmes au départ.
    L'exécution des programmes et la prestation des services dans les réserves sont généralement financées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vertu d'accords de contribution normalisés conclus avec les conseils de bande, de même que leurs organismes et agences. Ces accords comprennent un financement pour l'éducation, la santé et les programmes sociaux, comme l'aide au revenu, les services à l'enfant et à la famille, la prévention de la violence familiale et l'aide à la vie autonome. Les accords de contribution obligent les conseils de bande à exécuter les programmes au moyen de processus respectant les principes de la transparence, de la divulgation et de la réparation.
    Nous savons qu'on a adopté un règlement de bande obligeant les membres d'une famille de vivre séparément parce que l'époux ou les enfants ne sont pas membres de la bande. Il existe également des processus électoraux qui retirent aux personnes le droit de se porter candidates au conseil en raison de leur religion, de leur situation matrimoniale ou de leur lieu de résidence.
    Comment pouvons-nous tolérer que ces situations inadmissibles continuent d'exister? Qu'il soit possible que vous, en votre qualité de parlementaires, et nous, en notre qualité de dirigeants autochtones, ne nous sentions pas moralement obligés de corriger cette situation avec rapidité, conviction et précision est une chose qui, franchement, me dépasse.
    Il subsiste beaucoup de débat et de controverse dans ce pays sur ce qui constitue un droit et sur la mesure dans laquelle les peuples autochtones profitent ou non des mêmes droits que les citoyens canadiens en général.
    C'est une constatation bien triste, mais au point de notre histoire où nous en sommes actuellement, nous savons que le Canada n'a pas réussi à éliminer une source importante de discrimination réelle et potentielle contre les peuples autochtones du Canada. Heureusement, l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne constituera une première initiative visant à régler cette question pressante.
    Il existe un énorme besoin d'éducation — aux niveaux des personnes, des conseils de bande, des organismes et des gouvernements fédéral et provinciaux — afin d'atténuer et de gérer ce qui pourrait être un important conflit de valeurs, de normes de programmes et de compétence en raison de l'abrogation de l'article 67.
    Nous, du Congrès des peuples autochtones, ne nous faisons aucune illusion et savons que l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne à la Loi sur les Indiens et la pleine mise en oeuvre de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans les réserves seront difficiles et parfois sembleront même impossibles. Cela dit, nous ne souhaitons pas que la période de mise en oeuvre de ces mesures soit excessivement longue. Les droits de la personne ne sont pas négociables et, encore une fois, surtout que nous sommes déjà au XXIe siècle, leur application ne doit pas être reportée encore.
    En résumé, nous encourageons fortement le comité à formuler des recommandations énergiques et précises à soumettre à l'examen du gouvernement quant à la nécessité de travailler avec les Autochtones, leurs conseils de bande et les organismes qui les représentent, afin de garantir que les répercussions de l'abrogation de l'article 67 sont comprises et acceptées par les personnes et les collectivités qui sont touchées, de même que les ministères fédéraux et provinciaux dont les programmes et services actuels sont liés à l'inscription et aux différentes mesures prévues dans la Loi sur les Indiens.
    Nous vivons dans une nation qui profite d'une prospérité presque sans limite. Au Canada, nous sommes effectivement l'incarnation du vrai Nord, libre et fort. Nous devons agir avec rapidité et sincérité pour garantir que nos frères et soeurs des premières nations, jeunes et vieux, vivant dans les réserves ou hors réserve, profitent de toute la liberté, de tous les avantages et de toute la protection que leur offrent les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Par conséquent, nous félicitons le ministre Prentice et le premier ministre Harper d'avoir pris les dispositions nécessaires pour concrétiser cette mesure, et nous encourageons le comité à faire en sorte que ce projet devienne une réalité.
    Meegwetch, merci.

  (1145)  

    Le président voudrait faire remarquer aux témoins que, étant donné que notre réunion comprend l'heure du déjeuner, nous avons fait venir de la nourriture, par conséquent, vous-mêmes ainsi que les membres du comité sont invités à vous servir quelque chose, si vous le souhaitez. Nous n'allons pas nous arrêter, mais le déjeuner est disponible. Je voulais simplement vous le faire savoir.
    Nous passons maintenant au deuxième tour de questions, et Mme Neville est notre première intervenante.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins de leur présence.
    Est-ce que je dispose de cinq minutes, monsieur le président?
    En effet.
    Monsieur Watson, j'ai un certain nombre de questions à vous adresser. Je n'aime pas critiquer les bureaucrates, mais je dois vous dire que je trouve vos réponses aux questions qui vous sont posées très difficiles à suivre, en ce qui me concerne et je dirais — c'est peut-être juste moi — qu'elles ne nous éclairent pas beaucoup sur la question que nous examinons aujourd'hui.
    Je voudrais en revenir aux observations de Mme Crowder, et M. Brazeau y a fait allusion aussi. Je suis frappée de voir que vous n'êtes pas en mesure de nous expliquer de façon plus détaillée quelles analyses vous avez menées sur les éventuelles conséquences, pour les collectivités des premières nations, de l'abrogation de l'article 67. Nous savons qu'il existe un certain nombre de rapports gouvernementaux internes qui donnent certains conseils au ministre au sujet de questions liées aux soins médicaux, au logement et à l'éducation. Nous savons qu'ils existent. Certains d'entre nous avons un exemplaire de ces rapports. Donc, l'existence de ces rapports est connue.
    Quelles analyses avez-vous effectuées afin de vous préparer pour les conséquences potentielles de cette initiative et définir des mesures qui permettront de les atténuer au sein des collectivités, afin qu'elles puissent prendre les mesures qui s'imposent? Vous ne nous avez pas du tout parlé de cela.
    M. Brazeau a indiqué dans son exposé liminaire qu'il sait que bon nombre de processus qui sont actuellement en place vont être chamboulés. Ce sont mes paroles, et non les siennes.
    Je vous demande donc de nous aider, car jusqu'ici, vous ne nous avez rien dit à ce sujet.
    Si mes réponses ne vous semblent pas bien utiles, je m'en excuse. Ce n'est certainement pas intentionnel.
    Pour ce qui est des opérations actuelles du ministère, nous savons qu'il existe des défis importants dans de nombreux domaines. Par exemple, nous cherchons à améliorer les systèmes d'éducation, les services à l'enfance et à la famille, la qualité de l'eau, et nos efforts dans ce sens visent toutes sortes de secteurs différents. Si nous faisons cela, c'est parce que nous savons qu'il existe des défis importants. Nous savons —

  (1150)  

    Écoutez, monsieur Watson, je comprends qu'il existe tous ces différents défis. Je ne veux pas vous sembler impolie en vous interrompant, mais je pense que nous comprenons tous la nature des défis qu'il y a à relever. Nous comprenons qu'il y a des problèmes liés aux ressources, mais pour ma part, je vous demande de m'indiquer les analyses que vous avez effectuées concernant les incidences potentielles de l'application de ce projet de loi par rapport à tous les problèmes que vous avez définis et au sujet duquel le ministère a déjà donné certains conseils aux décideurs politiques. Nous avons besoin de savoir cela avant de pouvoir prendre ce genre de décision.
    Je vais demander à mon collègue, Daniel Ricard, de vous parler des poursuites dans un instant, parce que cela fait partie de notre réflexion sur la question.
    Nous savons qu'il va y avoir des plaintes. Ces plaintes seront fondées sur des cas et des circonstances précises et soulèveront des questions de droit précises.
    Excusez-moi de vous interrompre, mais je veux des réponses. Ces plaintes seront fondées sur les données que vous possédez déjà et que vous avez censément fournies au ministre au sujet des lacunes actuelles. Quelles analyses avez-vous effectuées en vous appuyant sur ces données?
    Elles ne vont pas également se fonder sur les données et les renseignements que nous possédons. Les gens fonderont leurs plaintes —
    Oui, je comprends, mais je vous demande spécifiquement, en fonction des informations que vous avez fournies…
    Nous n'avons pas cherché à déterminer quelle sera la plaidoirie d'un plaignant précis qui pourrait déposer une plainte. Par contre, dans certains domaines particuliers, nous essayons d'apporter certaines améliorations afin d'éviter qu'il soit nécessaire de déposer des plaintes. Par exemple, dans le domaine des services à l'enfance et à la famille en Alberta, nous avons lancé une initiative prévoyant une démarche fort différente pour ce qui est de la façon dont les problèmes liés à l'enfance et à la famille sont traités par les premières nations dans cette province. Si nous avons fait cela, c'est parce nous savons qu'il existe des problèmes dans ce domaine.
    Ce que nous voudrions faire, c'est concevoir les programmes de façon à éviter de faire l'objet de plaintes. Voilà ce à quoi nous consacrons nos efforts. Il s'agit de les concevoir de façon à ce que les gens ne ressentent pas le besoin de déposer une plainte. Mais nous n'avons pas essayé de déterminer quelles plaintes pourraient éventuellement être déposées en essayant de concevoir les programmes en fonction de cela.
    Je vous remercie.
    C'est le tour des membres de la majorité. Le président voudrait justement poser une question à ce sujet-là, et ma question s'adresse à Mme Aubin.
    En ce qui concerne le sujet de notre discussion, pensez-vous que des questions telles que la prestation de services de logement adéquat, des systèmes d'alimentation en eau sûrs et suffisants et l'accès raisonnable aux services d'éducation feront l'objet de décisions judiciaires qui permettront au ministère de mieux déterminer le niveau de services qui est nécessaire?
    L'examen de questions telles que le logement, les services à la famille, etc. a deux volets. Il y a, d'une part, les considérations liées à l'intérêt public, et il est évident que je ne suis pas très bien placée pour vous en parler, et, d'autre part, des considérations d'ordre socioéconomique. Il peut également y avoir des considérations liées aux directives données par les tribunaux.
    Vous avez fait allusion aux critères de la raisonnabilité. Il peut être question de différents scénarios factuels dans l'analyse générale de l'article 67 et de son abrogation, et dans l'analyse de la LCDP. À l'heure actuelle, nous avons comme référence les lois qui sont actuellement en vigueur, et les plaintes qui en découlent visent soit les premières nations, soit la Couronne dans ces différents domaines d'activité.
    Il faut toujours garder à l'esprit le champ d'application de la LCDP en examinant des plaintes réelles ou potentielles. La mesure dans laquelle ces secteurs d'activité ou services sont présumés constituer des services, au sens de la Loi, nous permet de mieux orienter notre examen, si vous voulez.
    Encore une fois, bien que les politiques puissent s'appuyer sur des considérations d'ordre socioéconomique, culturel ou social, l'examen des tribunaux a toujours une portée plus vaste et peut donner lieu à d'autres directives ou à l'expansion de la jurisprudence en ce qui concerne l'adéquation des services. Il est difficile d'émettre des hypothèses sur les conditions qui pourraient donner lieu à cela. Elles peuvent varier d'une affaire à l'autre. Elles peuvent aussi varier d'une collectivité à l'autre. C'est peut-être, d'ailleurs, l'un des avantages que présente l'expansion de la jurisprudence dans ce domaine.

  (1155)  

     Je suppose que c'est justement cela que nous ignorons. Le défi pour le ministère consiste à établir un niveau de service suffisant et de permettre à quelqu'un d'autre de déterminer dans quelle mesure les attentes des collectivités autochtones sont remplies par rapport à l'adéquation des services — et aussi de savoir si le projet de loi C-44 garantira aux intéressés l'accès nécessaire pour faire faire ces déterminations par le biais de la jurisprudence.
    À mon avis, nous parlons dans certains cas d'éléments inconnus. Est-ce que la somme nécessaire pour assurer des services d'éducation adéquats se monte à 68 millions de dollars? Est-ce davantage ou est-ce moins? Qui doit déterminer cela? C'était ça l'objet de ma question.
    Nous passons maintenant au Bloc.

[Français]

    Nous discutons actuellement de l'abrogation de l'article 67, qui porte sur la protection de la Loi sur les Indiens, et on veut mettre en application de la Charte des droits et libertés.
    Une fois que cela a été établi, dans le cadre de l'élaboration des mesures à prendre pour la mise en oeuvre de la loi, de nombreuses associations, soit l'Association des Premières Nations du Québec et du Labrador, l'Association des Premières Nations du Canada, le Congrès des peuples autochtones, représenté aujourd'hui par M. Brazeau et les différents chefs des communautés, ont-ils eu le temps nécessaire et les moyens de consulter chacun et chacune des bandes des premières nations au Canada? Ont-ils eu la chance de le faire?
    Avez-vous prévu un délai et l'argent nécessaire pour permettre aux associations d'informer leurs membres des conséquences de ces changements? Vous nous en parlez depuis tout à l'heure. Vous avez prévu qu'il pourrait se passer des choses dans plusieurs cas. Avez-vous informé les peuples autochtones des secteurs où il pourrait y avoir des différences de points de vue, avant l'abrogation finale de l'article 67 et la mise en oeuvre complète de la loi?
    Oui. Je reviens au témoignage de la Commission canadienne des droits de la personne de l'autre semaine. Elle a longuement parlé de la question de la mise en oeuvre et de l'importance de travailler avec les collectivités autochtones pour voir comment on pourrait faire la mise en oeuvre. Dans certain cas, les collectivités voudront peut-être développer leurs propres mesures de règlement des différends dans la communauté avant d'aller plus loin dans le système.
    On devra contribuer de diverses façons à ce processus. La commission reconnaît qu'elle a un rôle important à jouer. Nous nous attendons à ce qu'elle continue à faire le travail qu'elle fait depuis 30 ans, notamment travailler avec les collectivités touchées par la loi, développer diverses procédures et approches, éduquer le public, etc.

  (1200)  

    Je m'excuse de vous interrompre. Compte tenu de vos 30 ans d'expérience, pouvez-vous me dire si, en vue de la mise en oeuvre de cette loi, on a fait des recommandations concernant des secteurs que vous considérez chauds, par exemple l'eau et les soins de santé? Advenant la mise en oeuvre de la loi sans que les différents conseils de bande et les chefs des premières nations en soient informés, celle-ci pourrait occasionner des faillites de conseil de bande ou des faillites d'assemblée.
    Avez-vous soumis ces points chauds et fait des recommandations pour la mise en application de la nouvelle loi?
    Nous y travaillons actuellement. On continue de travailler avec les groupes autochtones pour savoir dans quels domaines ils voudront obtenir de l'aide. C'est surtout l'emploi qui suscite de nombreuses plaintes. Nous prévoyons qu'il sera nécessaire de travailler avec les groupes autochtones pour savoir, entre autres, d'où proviennent ces plaintes et comment on peut les régler. Dans un contexte particulier, nous prévoyons faire ce travail, qui ne doit pas être effectué uniquement par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais aussi par la commission, qui est spécialisée dans ce domaine.
    Quel est le délai pour la mise en application?
    Elle est prévue dans six mois. Le ministre a manifesté le désir de recevoir des conseils à ce sujet. Nous voyons dans les témoignages qu'on parle souvent d'un délai de 18 à 30 mois.

[Traduction]

    Monsieur Albrecht, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier chacun des témoins pour sa présence devant nous aujourd'hui. J'ai plusieurs questions à poser, mais avant de les poser, je voudrais faire une observation sur ce que je considère comme une approche fort simpliste pour ce qui est d'évaluer les conséquences potentielles de plaintes qui pourraient s'appuyer sur des documents faisant état de lacune dans une branche ou l'autre du gouvernement. Il existe des lacunes dans toutes les branches du gouvernement, et supposer donc qu'il est possible de prévoir à l'avance le nombre de plaintes qui pourraient être déposées me paraît pour le moins simpliste.
    Mais je passe directement à ma question. Chef Brazeau, merci de votre présence aujourd'hui. Merci aussi de cette passion qui animait vos remarques liminaires, de votre éloquence, et aussi de représenter les peuples autochtones de l'ensemble du Canada.
    J'ai une question à soulever que vous n'avez pas abordée dans votre exposé, même si je suis convaincu que vous avez une opinion à ce sujet, et c'est la question d'une disposition d'interprétation. Bon nombre de groupes qui ont comparu devant le comité demandent l'inclusion d'une disposition d'interprétation. D'autres ont affirmé que les articles 15 et 25 de la Charte et l'article 35 de la Constitution sont suffisants pour garantir l'équilibre approprié entre les droits individuels et les droits collectifs. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Merci pour votre question, monsieur Albrecht.
    Ma réponse est simple : le Congrès estime qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une disposition d'interprétation car, à notre avis, l'article 35 est suffisant et vise au minimum à établir un bon équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels.
    Mais à ce chapitre, il convient de se rappeler que, s'agissant de droits de la personne, aucun droit n'est absolu. Si vous examinez la jurisprudence qui s'est constituée au fil des ans, vous verrez que les tribunaux se sont toujours assurés d'établir un équilibre entre les droits individuels et collectifs.
    À cet égard, je vous cite l'exemple de l'arrêt Corbiere de 1999 sur le droit des Autochtones vivant en réserve de voter aux élections organisées par la bande. Là, la Cour suprême a clairement établi cet équilibre dans sa décision.
    Il importe également de noter, dans le contexte des droits individuels et collectifs, que l'issue va toujours dépendre des faits que l'on présente devant les tribunaux et des conditions entourant ces faits. Pour notre part, nous sommes tout à fait convaincus que les tribunaux continueront à bien jouer le rôle pour ce qui est de maintenir cet équilibre.
    Je voudrais juste ajouter, au sujet du libellé qui a été proposé pour une éventuelle disposition d'interprétation, que nous serions contre toute tentative pour saper les droits individuels en faveur de ceux de groupes qui prétendraient que les leurs l'emportent sur les droits individuels et contre toute initiative qui pourrait compromettre l'abrogation de l'article 67 et ses objectifs.

  (1205)  

    Monsieur Brazeau, vous connaissez, évidemment, un grand nombre de groupes autochtones. Il me semble que l'un des problèmes qui se posent si nous souhaitons inclure une disposition d'interprétation, est le fait qu'il existe au Canada 600 collectivités de premières nations. Pensez-vous que, si le comité décidait d'inclure une disposition d'interprétation, nous risquons de rencontrer des difficultés si nous optons pour une disposition de type générique qui s'appliquerait à tout le monde?
    À mon avis, c'est fort probable. Étant donné qu'il existe actuellement plus de 600 réserves au Canada, il est possible que certains d'entre elles décident d'inclure leur propre disposition d'interprétation, afin de compromettre l'objet et l'intention de l'abrogation de l'article 67, et nous ne pourrions pas accepter cela.
    Un autre point qui a souvent été mentionné est la nécessité de tenir des consultations. Il est évident que nous voulons consulter les intéressés. Nous souhaitons bénéficier d'un maximum d'opinions à ce sujet. Mais, à un moment donné, il faudra tout de même passer aux actes.
    Donc, qu'est-ce qui constituerait à votre avis des consultations suffisantes?
    Tout dépend du contexte des consultations. Si vous parlez de consultations sur l'intention et l'objet de l'abrogation de l'article 67, à mon avis, nous n'avons pas besoin de tenir d'autres consultations. Il y a déjà eu 30 années de discussion à ce sujet. Notre organisme a participé à des consultations en 1999 et 2000. Nous avons également participé aux consultations de 2001, lors du dépôt du projet de loi sur la gouvernance des premières nations. En fait, c'est le Congrès des peuples autochtones qui a recommandé à l'époque que le gouvernement fédéral envisage d'abroger l'article 67.
    Pour ce qui est de consulter les intéressés au sujet de la mise en oeuvre des dispositions portant abrogation de l'article 67, là j'estime que des consultations s'imposent. Cela dit, il s'agit de savoir, encore une fois, en quoi consistent des consultations appropriées. En 2001, par exemple, certains groupes ont décidé de ne pas participer aux consultations. Peut-on dire qu'il s'agit, dans ce cas-là, d'un manque de consultations, ou serait-il plus juste de dire que ces groupes ont tout simplement boycotté le processus? Pour notre part, nous avons pris part aux consultations et nous avons fait des recommandations, et nous sommes heureux de voir que ces efforts aboutissent aujourd'hui à des résultats concrets.
    Je vous remercie.
    Madame Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Sur la question des consultations, je sais que le rapport du juge LaForest a déjà été cité, et je voudrais aussi vous citer un extrait du chapitre sur les consultations.
    On y lit ceci :
Toute tentative de traiter de la question de l'article 67 doit assurer un apport adéquat des peuples autochtones.
    Un peu plus loin, en parlant des conséquences possibles, il dit ceci :
Ces éléments soulèvent des questions fort importantes relativement à la structure sociale et économique autochtone et à ses fondements légaux. Ces questions exigent une étude beaucoup plus approfondie que celle que nous avons été à même d'effectuer.
    Donc, même dans son rapport de 2000, le juge lui-même admet qu'il faut des consultations beaucoup plus vastes.
    Ma question concerne davantage le fait de savoir si, dans ce contexte, le ministère considère que sa façon de faire constitue une violation des droits de la personne.
    Veuillez me répondre par un simple oui ou non, car j'ai une question de suivi.
    Nous tenons compte de l'ensemble des lois canadiennes.
    Dans ce cas, je présume que le ministère compte défendre ses politiques actuelles, si jamais elles font l'objet d'appels par la suite.
    Depuis toujours, le ministère s'efforce de modifier ses programmes pour obtenir de meilleurs résultats, car nous reconnaissons qu'il faut obtenir de meilleurs résultats, bien avant qu'il ne soit question de poursuites.

  (1210)  

    La vérificatrice générale elle-même a parlé du fait que, par le passé, il est arrivé bien souvent que des poursuites soient intentées parce que le ministère a vigoureusement défendu des politiques qui ont ensuite été annulées par les tribunaux. Dans bien des cas, c'est également le ministère qui prend la décision de poursuivre ou non l'action.
    Donc, l'adoption du projet de loi C-44 ne va pas vraiment changer le comportement du ministère.
    Eh bien, si une plainte est déposée et — à supposer que l'affaire atteigne cette étape-là — le tribunal ordonne au ministère de prendre certaines mesures, il est évident que le comportement du ministère devra changer.
    Mais seulement en réponse à certaines interventions. Donc, le ministère ne cherche pas actuellement à déterminer dans quels domaines ses activités pourraient faire l'objet d'une plainte. Encore une fois, nous avons une documentation volumineuse indiquant que les politiques du ministère ne sont pas équitables. Je conclus que le ministère ne cherche pas à voir dans quels domaines ses politiques et pratiques pourraient constituer une violation.
    Ce que je peux vous dire, c'est que nous examinons nos activités en permanence — pas seulement d'un point de vue légal, mais aussi du point de vue de nos objectifs stratégiques — pour voir dans quels cas nous n'atteignons pas les objectifs que nous nous sommes fixés. Parfois ces éléments sont le fait de la Charte ou d'autres lois — celles touchant l'environnement, par exemple — et parfois ils relèvent d'une orientation stratégique qui ne s'appuie pas nécessairement sur des exigences législatives particulières.
    Ce que vous me dites, essentiellement, c'est que le ministère ne compte aucunement changer sa façon de faire, que le projet de loi C-44 soit adopté ou non.
    Je peux vous affirmer que les efforts que nous déployons en permanence afin de nous assurer que nous respectons l'esprit et la lettre des lois canadiennes vont se poursuivre. Mais une partie des lois canadiennes changera, en ce sens que des personnes qui n'ont pas actuellement la possibilité de déposer des plaintes contre nous le feront. Dans la mesure où nous adoptons une position différente à ce moment-là, mais où nous sommes obligés de réagir par l'entremise d'une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle on conclut que les activités du ministère ne sont pas conformes à la loi, oui, absolument; il y aura nécessairement un changement sur ce plan-là également. Donc…
    D'accord. Mais on dirait qu'il n'y aura aucune mesure proactive. Le ministère attendra que les plaintes passent devant un tribunal pour réagir.
    Non. Je vous disais au début de ma réponse que d'ores et déjà nous examinons activement l'ensemble de nos politiques pour nous assurer qu'elles sont conformes à l'esprit et à l'intention des lois — il peut s'agir de toutes sortes de lois, évidemment et pas seulement de la Loi sur les Indiens ou de la Charte, ainsi que de nombreuses autres directives et mesures législatives. Donc, ça, c'est un élément critique.
    Si la loi est modifiée, il va sans dire que notre rôle et nos activités seront définis différemment par rapport à ce qui existe maintenant, alors que cette mesure ne fait pas partie des lois du Canada.
    Donc, il importe de reconnaître que le premier volet de ma réponse correspond à la situation dans un monde parfait, où nous comprendrions toujours parfaitement ce que prévoit la loi de façon à pouvoir réagir en définissant les bonnes interventions. Mais il est évident que nous ne comprenons pas toujours parfaitement la situation, et par conséquent, nos interventions ne sont pas toujours parfaites. Voilà pourquoi nous établissons tous ces processus, de façon à pouvoir déterminer que nous sommes sur la mauvaise voie dans certains cas.
    Très bien. Merci.
    La parole est de nouveau à M. Albrecht.
    Merci encore, monsieur le président.
    Je voudrais intervenir, encore une fois, sur l'idée selon laquelle le ministère devrait faire une étude pour essayer de cerner toutes les conséquences possibles. J'estime, premièrement, que ce serait une perte de temps, même s'il était clair que le comité comptait aller de l'avant.
    Mais au cours des dernières études que nous avons menées, il semble que l'opposition ait tenu absolument à faire traîner les choses, au lieu de nous permettre d'avancer et de prendre des mesures concrètes face à nos préoccupations en ce qui concerne l'égalité de tous les membres des premières nations au Canada.
    Pour ce qui est du délai de mise en oeuvre, j'invite le chef Brazeau à se prononcer sur la question. L'éventail des propositions qui nous ont été faites à cet égard est très vaste, c'est-à-dire de six mois à 30 mois. À votre avis, quel serait le laps de temps approprié à prévoir entre l'adoption de ce projet de loi et sa mise en oeuvre au sein des collectivités des premières nations?
    D'abord, sur la question des consultations à tenir sur la mise en oeuvre de la Loi, si le projet de loi est bel et bien adopté, il existe, me semble-t-il, des précédents dans ce domaine — encore une fois, je cite à ce sujet l'arrêt Corbiere, où la Cour suprême a établi un délai de 18 mois pour les consultations et la mise en oeuvre.
    Si vous examinez de récents exercices semblables entrepris par des gouvernements antérieurs, par exemple, le processus des tables rondes a également duré environ 18 mois. Si cela dépasse 18 mois, pour moi, ce serait beaucoup trop long, et si c'est moins — il s'agit de permettre aux gens de faire leur propre évaluation. Donc, dans un esprit de justice, il me semble qu'un délai de 18 mois serait approprié pour permettre la mise en oeuvre de cette loi.

  (1215)  

    L'autre préoccupation dont on nous a fait part — et cette question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins qui souhaitent y répondre — concerne la possibilité d'un accroissement considérable du nombre de plaintes qui pourraient être déposées si ce projet de loi est adopté. À mon avis, tout le monde admet que le nombre de cas va certainement augmenter. Mais de là à supposer qu'il y aura une augmentation considérable du nombre de plaintes ne reconnaît pas suffisamment les capacités des membres des premières nations.
    Nous savons tous que lorsque de nouvelles lois sont adoptées au Canada, ou dans n'importe quel pays, 95 p. 100 des gens, ou même plus, s'y conformeront de suite; ils n'attendront pas d'être accusés d'une infraction en vertu de la nouvelle Loi. J'espère qu'il en sera de même dans ce cas-ci également, bien que mes collègues d'en face ne soient peut-être pas du même avis.
    N'est-il pas possible de supposer que la grande majorité des collectivités des premières nations auront déjà commencé à comprendre les conséquences dont nous discutons aujourd'hui? Avec l'aide de la Commission, du ministère et des autres premières nations, les groupes les plus importants auront certainement déjà commencé à se préparer, afin d'éviter l'éventualité d'une augmentation considérable du nombre des dossiers à traiter.
    Monsieur Ricard, souhaitez-vous répondre?
    Je voudrais simplement dire que cela me semble être une supposition raisonnable. En fait, comme les représentants de la Commission vous l'ont dit lorsqu'ils ont comparu devant le comité, ils ont établi un sous-groupe autochtone, au sein de la structure interne de la Commission, précisément pour faire ce travail. Par conséquent, il me semble raisonnable de supposer qu'une bonne partie de ce travail aura déjà été effectué avant que l'abrogation ne devienne effective pour les premières nations.
    Je vous remercie.
    À mon avis, il convient d'atténuer les craintes de tous les Canadiens qui pensent peut-être que nous serons inondés de plaintes. Comme je viens de le dire, je reconnais qu'il y aura sans doute une augmentation, mais —
    Sur ce point, il est difficile de prévoir de façon précise combien il y en aura et pendant combien de temps ce sera le cas. Il n'est pas inconcevable, par exemple, qu'au cours de la première année ou des deux premières années, il y en ait davantage, tout simplement parce qu'il y aura eu une attitude de refus au cours des 30 années précédentes. Donc, il n'est pas inconcevable qu'il y ait un nombre plus important de plaintes pendant les premières années.
    Pour ce qui est de savoir si cela continuera d'être le cas, ou si le nombre diminuera avec le temps, nous n'en savons rien. Nous savons simplement que, si vous examinez les exemples de dispositions d'autonomie gouvernementale qui font que les premières nations autonomes sont assujetties à la loi, cela n'a pas été le cas. Si vous regardez les autres plaintes qui ont déjà été déposées auprès de la Commission relativement à d'autres dispositions de la loi sur les Indiens, vous allez voir, encore une fois, que le nombre est relativement stable.
    Je crois que vous avez parlé d'une soixantaine de plaintes par année, ce qui me semble gérable.
    C'est exact, et je crois savoir que ce nombre est relativement stable. Donc, voilà ce que nous savons maintenant, mais pour le reste, nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses.
    Il est important à mon avis d'être réaliste et rationnel et de ne pas se laisser aller à exagérer, en essayant de déterminer quelles seront les conséquences potentielles de ce changement.
    Votre temps est écoulé, monsieur Albrecht.
    C'est vrai?
    C'est tout à fait vrai.
    J'ai une question à poser. Qui devrait participer aux consultations? Évidemment, il doit y en avoir entre les dirigeants et les collectivités autochtones, mais du côté du gouvernement, est-ce que le ministère, le ministère de la Justice, ou le comité devrait y participer? Qui devrait être l'autre partie? Cela m'intrigue. Est-ce que cela intrigue d'autres personnes également?
    J'adresse ma question à M. Watson.
    Si nous parlons de décisions judiciaires, la Cour fait mention de consultations avec les détenteurs de droits potentiels ou réels — voilà la description que je ferais pour des non-initiés. Évidemment, les consultations peuvent prendre diverses formes. Les premières nations peuvent se rassembler à cette fin, ou d'autres groupes autochtones peuvent se rassembler, ou peut-être voudront-ils en discuter individuellement.
    Du côté du gouvernement, comme l'a expliqué ma collègue du ministère de la Justice, la Cour suprême du Canada n'a encore donné aucune directive explicite à cet égard par l'entremise du processus d'élaboration de la législation. Jusqu'à présent, cette orientation a surtout concerné la réglementation et les programmes.

  (1220)  

    Pour moi, l'établissement du délai à prévoir dépend beaucoup des mesures que l'on prendra pour faciliter et orienter ces consultations.
    Monsieur Brazeau, avez-vous une opinion à ce sujet — c'est-à-dire qui, du côté du gouvernement, devrait être le porte-parole du gouvernement ou être assis à la table pour le représenter? Serait-ce un représentant du ministère, du comité, ou le ministre lui-même?
    À mon avis, en premier lieu, les responsables du ministère devraient être chargés de tenir ces consultations auprès des conseils de bande et des organismes qui représentent les Autochtones au nom du gouvernement, car nous estimons que c'est le ministère qui a la responsabilité principale dans ce dossier. Comme il est directement intéressé par le sort des réserves, c'est lui qui devrait être le principal porte-parole.
    Je vous remercie.
    La parole est à M. Russell.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à chacun d'entre vous, et je voudrais saluer tout particulièrement Patrick, puisque je le connais depuis fort longtemps.
    Je ne suis pas d'accord avec une bonne partie des observations que l'on retrouve dans le texte de votre exposé — ou du moins, pas avec les observations d'ordre politique. Peut-être pourrons-nous en discuter à un autre moment.
    Monsieur Albrecht, je vous fais remarquer que le Congrès des peuples autochtones lui-même admet que le travail de mise en oeuvre sera peut-être accablant par moments. Il est normal que les membres du comité, lorsqu'ils sont saisis d'un projet de loi important, posent des questions et cherchent à approfondir certains éléments d'une mesure législative aussi importante. Donc, il n'y a pas de mal à poser des questions.
    Personne autour de cette table, ni aucun témoin qui a comparu devant le comité, n'a jamais déclaré qu'il ne faut pas abroger l'article 67. Il s'agit de savoir comment s'y prendre et quelle démarche est la plus appropriée dans ce contexte.
    J'ai une question à poser à M. Ricard. Les responsables de la Commission canadienne des droits de la personne ont comparu devant le comité. Il s'agit du même organisme par lequel nous souhaitons que les membres des premières nations puissent passer pour intenter un recours relatif à l'abrogation de l'article 67. Les responsables de cet organisme nous ont dit qu'il faut une plus longue période de transition et une disposition d'interprétation ou, en l'absence de cette dernière, des directives exécutoires.
    Selon eux, le nombre de plaintes va augmenter, puisqu'il y en a déjà 60 sans aucun recours. Donc, combien y en aura-t-il une fois que ce recours sera pleinement disponible? Il est évident que le nombre de plaintes va augmenter de façon exponentielle, si bien qu'il faut prévoir des ressources additionnelles pour les premières nations, peut-être pour la CCDP, et le gouvernement lui-même aura peut-être besoin de ressources additionnelles pour se défendre par suite de l'abrogation de cet article.
    Étant donné que tous ces groupes réclament une prolongation de la période de transition ou du moins une plus longue période de transition, des ressources additionnelles, une disposition d'interprétation, ou quelque chose du genre, comment se fait-il qu'aucun de ces éléments n'ait été inclus dans le projet de loi? Je suis sûr que dans toutes les consultations, qu'elles aient ou non été suffisantes, tenues depuis 1977, il a été question de ces éléments-là? Je ne sais pas si on en a discuté dans le cadre de ces consultations. Étant donné toutes les observations qui sont ressorties des consultations, pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de ne pas en tenir compte dans ce projet de loi? Quelle est la politique du gouvernement? En dehors des dispositions législatives proprement dites, quelle est la politique du gouvernement relativement aux consultations à mener auprès des peuples autochtones avant le dépôt d'un projet de loi? Avez-vous une politique en vertu de laquelle vous devez faire ceci ou cela, avant de déposer le projet de loi? Je voudrais simplement savoir si vous avez une politique ou une directive interne à ce sujet?
    Je vous remercie.
    Si le projet de loi ne compte aucune disposition concernant les ressources, c'est tout simplement parce que nous estimons qu'il n'y a pas nécessairement lieu d'y inclure ce genre de disposition. Le ministère en a parlé lorsqu'il a comparu devant le comité. Nous souhaitons bénéficier des conseils du comité à ce sujet, mais on ne parle pas normalement de ressources dans un projet de loi.
    S'agissant de la disposition d'interprétation, nous y avons réfléchi. C'est une question qui est débattue depuis longtemps. Je crois que les opinions de tout le monde sont bien connues à ce chapitre.
    Comme vous l'a dit le ministre, en ce qui nous concerne, une disposition d'interprétation n'est pas nécessaire. Pour nous, les dispositions de la Loi constitutionnelle sont suffisantes, et là je fais allusion plus particulièrement à l'article 35, à l'article 15 et à l'article 25, où il est question d'un lien ou d'un équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels.

  (1225)  

    Sur ce même point, quand s'est-il produit que le gouvernement fédéral ne conteste pas l'exercice d'un droit garanti par l'article 35 par les peuples autochtones?
    Pourriez-vous répéter votre question?
    Selon vous, est-il déjà arrivé que le gouvernement fédéral ne conteste pas l'exercice d'un droit par un groupe autochtone qui affirme avoir ce droit?
    Eh bien, je ne suis pas nécessairement expert en la matière, mais si je comprends bien le processus qui se déroule au sein de la CTCB, nous ne remettons pas en question l'existence des droits ancestraux dans le cadre de ce processus. Nous admettons que certains droits peuvent exister. Mais, comme vous le savez, le caractère précis de ces droits, du point de vue de leur nature, de leur étendue et du lieu géographique ou qui peuvent être exercés, sont des questions épineuses et, bien souvent, des questions bien spécifiques.
    Pour en revenir au projet de loi et la possibilité d'une disposition d'interprétation, comme je l'ai déjà dit, jusqu'à présent, nous avons été d'avis que les dispositions de la Loi constitutionnelle sont sans doute suffisantes pour assurer l'équilibre approprié.
    En ce qui concerne maintenant la politique relative aux consultations à tenir au sujet des projets de loi, cela varie d'un cas à l'autre. Il n'y a pas de règle standard en vertu de laquelle il faut prévoir x période pour les consultations. Cela varie d'un projet de loi à l'autre et d'une loi à l'autre.
    Très bien. Merci. Notre temps est écoulé.
    Nous allons terminer ce tour de questions de cinq minutes après les interventions de Mme Crowder, et nous passerons ensuite aux travaux du comité.
    Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore aux membres du comité.
    Je voudrais commencer par poser une question à M. Brazeau.
    En tant qu'Indien du Québec visé par un traité, avez-vous été témoin, dans votre réserve, d'une façon d'affecter les ressources qui, selon vous, pourrait être contestée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, si l'on décidait d'appliquer la même formule dans les réserves?
    À titre d'éclaircissement, je précise que je suis un Indien inscrit du Québec, et non un Indien visé par un traité, puisqu'il n'y a pas de traité au Québec, à l'exception du traité moderne que nous avons en la Convention de la Baie James.
    D'après mon expérience, non seulement au sein de ma collectivité mais dans d'autres également, les membres des bandes ont été victimes de certaines pratiques douteuses pour toutes sortes de raisons.
    En fait, trois personnes m'accompagnent aujourd'hui: Erin Wolski, qui est membre de la Première nation des Cris de Chapleau dans le nord de l'Ontario, et son fils, Rudy, qui est un Indien non inscrit. Il y a également Irene Goodwin, qui est membre de la Première nation Dalles du nord-ouest de l'Ontario, et sa petite-fille d'un an, Cassidy, qui est également Indienne non inscrite. Il y a aussi Cathy Graham, Indienne non inscrite, et son fils, Michael. Le père de Michael était membre de la Première nation mississauga, et sa grand-mère a vécu dans un pensionnat; Michael est également Indien non inscrit. Il s'agit d'Autochtones de la base ou d'organismes de la base, comme le sait certainement M. Russell, puisqu'il a siégé à notre conseil pendant plusieurs années.
    Donc, l'affectation des ressources est une question importante, mais surtout dans le contexte précis de l'article 6 de la Loi sur les Indiens relativement à l'inscription et aux droits. Voilà qui a créé énormément de problèmes pour les membres du CPA en particulier qui — c'est-à-dire que nous allons voir ce qui arrivera si ce projet de loi est adopté.

  (1230)  

    Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner les dispositions d'interprétation proposées au fil des ans, mais récemment, nous avons reçu le mémoire de l'Assemblée des Premières nations. Cette dernière a soumis à l'examen du comité une disposition d'interprétation. C'est quelque chose que j'aurais voulu explorer à diverses reprises dans le cadre des audiences du comité, car j'estime que certains éléments sont au coeur de ce que nous essayons de faire en garantissant la protection des droits aux personnes vivant dans les réserves. Et un certain article du texte en question prévoit que le chef et le conseil de bande pourraient affecter les ressources en fonction de leurs préférences. Comment voyez-vous ce texte par rapport à ce que nous essayons de faire ici?
    Il se trouve que j'ai vu la disposition d'interprétation recommandée par l'Assemblée des Premières nations. Premièrement, le CPA rejette d'office cette disposition d'interprétation parce que, selon nous, elle est la preuve des véritables intentions de certains chefs relativement à l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Si les dirigeants souhaitent être des vrais défenseurs des droits de la personne, même dans un contexte d'autonomie gouvernementale, ils doivent mener leurs activités de façon à protéger les droits fondamentaux de tous les peuples. Donc, pour moi, il s'agit là d'une tentative pour saper l'intention et l'objet de l'abrogation de l'article 67, et essentiellement pour conférer aux chefs et conseils de bande le pouvoir de saper davantage — Ce serait essentiellement le statu quo si cette disposition devait être retenue.
    Je vous remercie.
    Y a-t-il d'autres questions de la part des membres du Bloc?
    Monsieur Lemay.

[Français]

     Monsieur Brazeau, j'avoue que j'ai énormément de difficulté à vous suivre. Je suis divisé. On va régler la question immédiatement: je suis un Blanc qui demeure en Abitibi, où il y a sept communautés anishnabes, donc algonquines. Ces sept communautés m'ont toutes demandé d'intervenir auprès du comité pour que l'article 67 soit rappelé. Tout le monde est d'accord pour que l'article 67 soit rappelé et abrogé. On a besoin pour ce faire de temps pour la consultation et, surtout, pour se préparer à la mise en oeuvre de cette nouvelle loi, qui est fondamentale pour l'avenir des premières nations.
    Ces communautés me demandent du temps, au moins entre 24 et 36 mois, parce que les conseils de bande ne sont pas tous situés près des villes, ni organisés. Ils ont besoin de temps. Vous nous dites aujourd'hui qu'on devrait abolir cela immédiatement sans aucune considération et que plus vite ce sera fait, mieux ce sera.
    Ce n'est pas ce que vous me dites?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Que me dites-vous?
    J'ai dit qu'on devrait abroger l'article 67 immédiatement, mais qu'il devrait y avoir un processus de consultation, après l'amendement, d'une durée de 18 mois. La jurisprudence nous a déjà —
    Ça va bien.
    Sans clause interprétative?
    Je crois qu'on n'a pas besoin de clause d'interprétation.
    Comment fera-t-on pour protéger les droits? La Loi canadienne sur les droits de la personne, monsieur Brazeau, s'applique aux individus. Comment pouvons-nous protéger les droits collectifs des communautés? C'est ce qu'on me demande de protéger. C'est là où je suis perplexe par rapport à votre position.
    On a déjà parlé de la problématique concernant la Loi sur les Indiens. J'ai de la difficulté à voir ce que sont les droits collectifs d'une réserve. Je connais la raison d'être des droits collectifs d'une nation comme la nation algonquine. Cependant, dans le cas d'une première nation, d'une réserve ou d'un conseil de bande, on ne parle pas de droits collectifs.
    Pour ce qui est d'une clause d'interprétation, selon nous, l'article 35 de la Constitution garantit déjà ces droits. Si les cours de justice sont appelées à se prononcer ou à équilibrer les droits individuels et collectifs, elles le feront. Elles l'ont d'ailleurs déjà fait. J'ai mentionné plus tôt que l'arrêt Corbiere qu'avait rendu la Cour suprême en 1999 équilibrait les droits individuels et collectifs, et qu'aucun droit dans ce pays n'est absolu. Les droits sont relatifs et les cours de justice ont toujours fait du bon travail pour équilibrer ces deux sortes de droits.

  (1235)  

    Je suis d'accord avec vous. Cela veut donc dire que si une femme enceinte vit dans une communauté autochtone située à 450 kilomètres au nord de Toronto ou de Montréal et qu'elle n'a pas de service d'eau potable, en tant que femme enceinte, elle pourrait poursuivre son conseil de bande et le ministère. Cela va coûter de l'argent. Comment fera-t-on? C'est le problème, actuellement.
    Il ne s'agit pas d'anticiper les problèmes. Il faudra bien admettre un jour que le problème, pour les communautés autochtones, est la Loi sur les Indiens. Les chefs, nous-mêmes, tout le monde devra l'admettre. Tenter de trouver à mesure des solutions aux problèmes qui existent déjà ne réglera pas la situation.
    Je constate les problèmes potentiels, mais on parle de droits de la personne, de droits humains. Pourquoi penser à l'avance à des problèmes potentiels et prévoir les coûts qu'ils pourraient entraîner et délaisser la vraie solution, qui est d'offrir des droits à des gens qui pendant 30 ans n'en n'ont pas eu?

[Traduction]

    La parole est à Mme Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur un point. Peut-être que M. Ricard pourrait s'essayer cette fois-ci, car à mon avis, nous n'avons pas obtenu de réponse.
    Lorsque les représentants de l'Association du Barreau canadien ont comparu devant le comité, ils ont cité les propos du juge Muldoon, qui avait émis certaines hypothèses au sujet des répercussions possibles de l'abrogation de l'article 67, par rapport à la Loi sur les Indiens dans son ensemble. Il a dit ceci: « S'il n'y avait pas l'article 67 de la LCDP, les tribunaux des droits de la personne seraient obligés de démembrer la Loi sur les Indiens, au nom et dans l'esprit de l'égalité des droits de la personne au Canada ».
    L'argument de M. Brazeau me semble juste. Beaucoup d'autres personnes ont fait état des aspects de la Loi sur les Indiens qui sont des vestiges de l'époque coloniale et qui ont peut-être même un caractère raciste. Mais les représentants de l'Association du Barreau canadien ont clairement indiqué que, selon eux, le démanteler pièce par pièce, plutôt que de le faire selon un plan bien précis, pourrait causer toutes sortes de problèmes que personne n'a prévus.
    Donc, le ministère a-t-il envisagé d'adopter une telle approche? A-t-il examiné les répercussions possibles d'une démarche consistant à démanteler la Loi sur les Indiens article par article, plutôt que selon un plan en bonne et due forme?
    L'histoire démontre que les tentatives du passé pour modifier la Loi sur les Indiens ont été pour le moins problématiques.
    Mais le ministère a-t-il examiné les conséquences possibles de l'abrogation de l'article 67 pour la Loi sur les Indiens?
    Je vais répéter ce que ma collègue a déjà dit. On ne peut pas examiner des problèmes potentiels dans le vide et conclure qu'ils vont automatiquement conduire à l'annulation d'une disposition de la Loi sur les Indiens.

  (1240)  

    Je vous interromps. Si je comprends bien, vous nous dites que vous n'avez aucunement analysé cette question.
    Nous savons qu'il y aura des contestations. Nous en avons déjà parlé. Quand ces contestations se concrétiseront, nous étudierons le bien-fondé des arguments avancés.
    Comme M. Watson l'a indiqué tout à l'heure, la Couronne fait l'objet de plus de 1 000 poursuites dans tous les domaines, qui sont liées à la Loi sur les Indiens et à toutes sortes d'autres mesures. Environ 300 d'entre elles sont actives. Donc, une de nos activités courantes consiste à examiner tous les dossiers, évaluer les arguments et, au fur et à mesure du déroulement des procédures, selon les preuves qui sont produites, déterminer dans quelle mesure il convient de poursuivre l'affaire, si nous estimons qu'il y a lieu de soumettre la question à la justice. Peut-être estimons-nous que, dans l'ensemble, la position que nous avons adoptée est juste, ou encore que c'est un enjeu très important sur lequel il convient d'obtenir l'opinion des tribunaux.
    Excusez-moi de vous interrompre, mais je ne dispose que de cinq minutes pour des questions. Je pense que nous avons compris l'essentiel de votre propos.
    Bon nombre d'entre nous dans cette salle avons déjà été entrepreneurs, et chaque fois que nous envisagions de lancer un nouveau projet, nous faisions une analyse des risques. Il s'agit tout simplement d'une bonne pratique commerciale. Je trouve inquiétant que le ministère n'ait pas fait d'analyse des risques, étant donné les décisions judiciaires que nous avons eues jusqu'à présent, les rapports de la vérificatrice générale où elle fait état des lacunes actuelles et les analyses du ministère lui-même, selon lesquels il existe des lacunes importantes en ce qui concerne l'exécution actuelle des politiques. Donc, les raisons qui auraient pu inciter le ministère à ne pas faire d'analyse des risques m'intriguent. Je sais que vous ne pouvez pas savoir à l'avance d'où proviendront les plaintes, mais j'aurais supposé que vous essaieriez de faire un examen général des conséquences possibles.
    La réponse courte à votre question —
    Je vous saurais effectivement gré de faire une réponse courte, car notre temps est presque écoulé.
    La réponse courte à votre question est que la décision de procéder à l'abrogation de l'article 67 relevait d'une question de principe, plus précisément le fait que cette situation dure depuis une trentaine d'années, et que l'abrogation de cet article était attendue depuis très longtemps. Si les conséquences sont celles que vous décrivez — eh bien, nous verrons, mais le fait est que cet article est inscrit dans une loi canadienne depuis beaucoup trop longtemps, et le ministre était d'avis que le moment était venu de l'abroger.
    Je vous remercie.
    Au nom de tous les membres du comité, je remercie les témoins pour leur présence aujourd'hui. Vous avez fait des observations fort perspicaces sur le travail que nous effectuons actuellement dans le cadre de notre étude du projet de loi C-44, et nous vous en remercions.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes.

    


    

  (1245)  

    Nous reprenons nos travaux.
    D'abord, est-ce que tout le monde a reçu une copie des motions de Mme Crowder et de Mme Neville?
    Deuxièmement, quel est le voeu du comité? Souhaitez-vous en discuter en séance publique, ou préférez-vous le faire à huis clos?
    Je vois que vous êtes d'accord pour que cela se fasse en réunion publique, et nous allons donc nous attaquer tout de suite à la première motion, soit celle de Mme Crowder.
    La motion est la suivante: Que le Comité permanent des affaires autochtones invite les membres du Groupe d'experts indépendant à faire rapport de leurs constatations et recommandations concernant les subventions et les contributions accordées aux première nations, aux Métis et aux Inuits.
    Souhaitez-vous nous indiquer le bien-fondé de cette motion, madame Crowder?
    Oui. Merci, monsieur le président.
    Je pensais qu'il serait important que les membres du comité entendent les commentaires de ce groupe d'experts. Il a publié un rapport intitulé Des lourdeurs administratives à des résultats clairs en décembre 2006. Cela me semble important, étant donné que, depuis plusieurs mois, le ministre cite toutes sortes de chiffres, notamment que les collectivités des premières nations reçoivent 10 milliards de dollars, et les membres individuels, 16 000 $. S'agissant des subventions et des contributions, le rapport du Groupe d'experts indépendant indique en réalité que seulement 4,9 milliards de dollars sont versés aux collectivités des premières nations sous forme de subventions et de contributions. Par conséquent, je pense qu'il serait utile que les membres du Groupe d'experts puissent expliquer aux membres les éléments qui ont été examinés et la façon dont ils ont obtenu ces chiffres. Cela concerne évidemment 2004-2005, mais nous savons aussi que le financement n'a pas beaucoup augmenté depuis.
    Je pense qu'il nous serait utile de savoir quels sont les vrais chiffres, comment ils ont pu les rattacher aux diverses collectivités, et quels en sont les résultats directs; d'ailleurs, j'ai fait certaines recommandations sur la comptabilisation des crédits.

  (1250)  

    Très bien. Y a-t-il d'autres interventions? Y a-t-il quelqu'un d'autre qui voudrait se prononcer sur la motion?
    Il s'agirait de faire cela après l'étude que nous menons actuellement.
    Est-ce que cela se ferait après l'étude actuellement en cours?
    Oui, après que nous aurons terminé notre examen du projet de loi C-44.
    Nous pourrions faire cela en janvier prochain.
    Pourrions-nous le faire au cours de la prochaine législature?
    Ce serait possible, si nous avons des témoins de ce genre.
    Veuillez lever la main si vous êtes en faveur de la motion de Mme Crowder.
    (La motion est adoptée.)
    Il est donc entendu que cela se fera après que nous aurons terminé notre examen du projet de loi C-44.
    Nous passons maintenant à la motion suivante, qui est celle de Mme Neville.
    La motion se lit ainsi: Que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord invite M. John Borrows à lui présenter son analyse des répercussions cumulatives de la jurisprudence autochtone au Canada et de ses effets éventuels du point de vue de l'élaboration de la politique fédérale concernant les revendications territoriales, de l'obligation de consulter et de la conception d'autres politiques touchant les Autochtones.
    Madame Neville, souhaitez-vous nous expliquer le bien-fondé de votre motion?
    Merci, monsieur le président.
    J'ai déposé cette même motion il y a quelque temps dans un autre contexte. Mais je me disais aujourd'hui, en écoutant la discussion, qu'il serait très important d'entendre les vues d'une personne comme M. Borrows à ce sujet. Si le comité est d'accord, je serais ravie de le faire participer à nos discussions sur le projet de loi, notamment en ce qui concerne l'obligation de consulter et la conception d'autres politiques touchant les Autochtones.
    Je n'y avais pas pensé avant d'entendre… pardon?
    C'est une motion légèrement différente. Votre motion semble indiquer que vous souhaitez que cette personne comparaisse devant le comité après l'examen du projet de loi C-44.
    Au départ, je proposais dans ma motion qu'il comparaisse devant le comité simplement pour nous faire bénéficier de son expertise. Mais, en me rendant compte que les témoins ne nous fournissaient aucun renseignement utile, je me disais qu'il serait bon, si le comité est d'accord, de l'inviter à comparaître comme témoin. Mais tenons-nous en à la motion.
    Si vous voulez qu'il vienne présenter ses vues sur le projet de loi C-44, à mon avis, la procédure normale consisterait à faire cette recommandation au sous-comité, mais ça, c'est à part.
    Y a-t-il d'autres observations sur la motion, telle qu'elle est actuellement rédigée?
    (La motion est adoptée.)
    Pour ce qui est du calendrier des travaux du comité, madame Neville, si vous souhaitez que la greffière ajoute le nom de cette personne à la liste des témoins, nous avons un créneau le 17 mai. Nous avons déjà prévu une réunion avec les experts juridiques, et il y a un point d'interrogation après cela; donc, cette possibilité existe, si le sous-comité est d'accord.
    Vous avez la parole, madame Crowder.
    Quand le sous-comité va-t-il se réunir? J'avais également proposé comme témoins potentiels les représentants de la bande de Westbank.
    Madame la greffière, avons-nous fixé des dates?
    Nous attendons toujours de recevoir la réponse de certains bureaux. Nous essayons d'organiser cela pour mardi après-midi prochain.
    Très bien.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Quelle était la question et quelle était la réponse? Je n'ai pas compris Mme Charron.

[Traduction]

    La question était la suivante: quand le sous-comité va-t-il se réunir? Nous essayons de fixer une date, et pour le moment, il est question que cette réunion se tienne mardi prochain, si nous réussissons à coordonner tout cela avec votre bureau, avec celui de Mme Crowder ou avec celui de Mme Karetak-Lindell.
    Nous allons donc poursuivre ce travail, et nous avons un certain nombre d'éléments à l'ordre du jour de cette réunion. Je recommande donc à Mme Neville de faire connaître sa demande en ce qui concerne la possibilité que M. Borrows soit l'un des témoins convoqués devant le comité.
    Y a-t-il autre chose en ce qui concerne le calendrier?

  (1255)  

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Monsieur Bruinooge.
    Quand le sous-comité se réunira la prochaine fois, d'autres témoins auront peut-être été recommandés et feront l'objet d'une discussion à ce moment-là. Par exemple, on pourrait discuter de la personne que propose Mme Neville à ce moment-là. Faisons cela en sous-comité.
    Très bien.
    Y a-t-il autre chose?
    La séance est levée.