SINT Réunion de comité
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 3 mai 2005
¹ | 1535 |
Le vice-président (M. Ted Menzies (Macleod, PCC)) |
M. Andrew Steeves (vice-président, Services administratifs et planification corporative, ADI Group Inc.) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)) |
M. James Smith (vice-président, Affaires corporatives, MedMira Inc.) |
M. Giles Crouch (vice-président, Commercialisation et développement des affaires, MedMira Inc.) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. Ted Menzies |
Le président |
M. Ted Menzies |
M. Andrew Steeves |
º | 1605 |
M. Ted Menzies |
M. Andrew Steeves |
M. Ted Menzies |
M. Andrew Steeves |
M. Ted Menzies |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Ted Menzies |
º | 1610 |
M. Giles Crouch |
Le président |
M. Ted Menzies |
M. Giles Crouch |
º | 1615 |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
M. Andrew Steeves |
M. Pierre Paquette |
º | 1620 |
M. Giles Crouch |
M. Pierre Paquette |
M. James Smith |
º | 1625 |
Le président |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Andrew Steeves |
Le président |
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
º | 1630 |
M. Giles Crouch |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Giles Crouch |
L'hon. Marlene Jennings |
º | 1635 |
M. Giles Crouch |
M. James Smith |
L'hon. Marlene Jennings |
º | 1640 |
M. Andrew Steeves |
L'hon. Marlene Jennings |
Le président |
L'hon. Marlene Jennings |
Le président |
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD) |
º | 1645 |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
º | 1650 |
M. Peter Julian |
Le président |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
º | 1655 |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Giles Crouch |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
» | 1700 |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
M. Peter Julian |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Andrew Steeves |
Le président |
M. Giles Crouch |
M. James Smith |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
M. James Smith |
» | 1705 |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
» | 1710 |
M. Giles Crouch |
Le président |
M. Giles Crouch |
Le président |
M. James Smith |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le vice-président (M. Ted Menzies (Macleod, PCC)): Veuillez nous excuser du retard. Nous attendons le président.
Comme je suis le vice-président, je prends la responsabilité d'ouvrir la séance. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité étudie la stratégie commerciale à l'égard des marchés émergents.
Nous entendrons aujourd'hui M. Andrew Steeves, vice-président, Services administratifs et planification corporative au sein du ADI Group Inc.; M. James Smith, de MedMira Inc., ainsi que Giles Crouch, vice-président, Commercialisation et développement des affaires, également chez MedMira Inc.
La liste mentionne une autre témoin, mais elle n'est pas encore ici. Nous allons quand même commencer.
Je vois que le président est arrivé. Nous allons donc suivre la procédure ordinaire.
Monsieur Steeves, à vous la parole.
M. Andrew Steeves (vice-président, Services administratifs et planification corporative, ADI Group Inc.): Merci de me donner l'occasion de me prononcer sur le thème du commerce extérieur et des marchés émergents.
Je vais tout d'abord vous toucher un mot de l'historique de notre entreprise, de sorte à vous donner une meilleure perspective pour apprécier mes remarques.
Voici le contexte. Notre société d'ingénierie, d'architecture et de recherche en environnement a été fondée à Fredericton, en 1945. Nous avons des bureaux partout dans le Canada atlantique. Toutefois, nous réalisons la moitié de notre chiffre d'affaires à l'extérieur de la région de l'Atlantique, hors du Canada en fait. Environ 240 employés travaillent pour nous, dont une centaine sont propriétaires de l'entreprise. Comme je l'ai dit, nous réalisons la moitié de notre chiffre d'affaires à l'étranger, ce qui est de l'ordre de 25 millions de dollars par année en services d'ingénierie—plus précisément, des services d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction—fournis à l'étranger. Une bonne partie de ces services sont destinées à la Turquie, à l'Europe de l'Est, à l'Amérique latine et à l'Asie du Sud-Est. Nous travaillons un peu en Europe de l'Ouest, un peu en Australie, et un peu plus encore aux États-Unis. Cependant, le gros de nos activités se déroule dans des pays que j'appellerai les marchés émergents.
Que vendons-nous? Nous vendons des services environnementaux en général et, plus particulièrement, des services de traitement des eaux usées industrielles déversées par des processeurs chauds, puissants et organiques. Nos services s'adressent par exemple à des brasseurs, des distilleries, des usines de transformation des aliments, pharmaceutiques, etc. Il est important de bien avoir ce contexte en tête. Vous devez également tenir compte de notre emplacement, parce que n'opérons pas à partir du centre industriel traditionnel du Canada. Nous ne sommes pas dans la région de Montréal. Nous ne sommes pas dans le sud de l'Ontario. Nous ne sommes pas en Alberta ni dans le sud de la Colombie-Britannique. Nous nous trouvons dans ce qu'il est convenu d'appeler le Canada rural.
En préparant mon exposé, j'ai pris connaissance du cadre de référence du Comité. J'ai pensé qu'il serait un bon point de départ à mon laïus. J'ai noté que les consultations visaient essentiellement trois domaines, le premier étant la recherche d'information sur des moyens d’action utiles soit pour améliorer l’accès aux marchés, soit pour faciliter les affaires. J'ai lu la question suivante dans l'énoncé du cadre de référence : Le Canada a-t-il besoin de nouveaux accords de libre-échange? Notre réponse est affirmative. Le libre-échange a beaucoup servi aux entreprises du Canada atlantique. Il nous a ouvert des marchés auxquels nous n'aurions sans doute pas eu accès aussi facilement.
Faut-il envisager d'autres accords comme des accords sur la protection des investissements ou des accords plus spécialisés sur la reconnaissance des normes? Notre réponse est oui pour la reconnaissance des normes. Quand toutes les entreprises s'entendent sur des normes communes, il est beaucoup plus facile pour les entreprises canadiennes, peu importe leur taille, de fonctionner dans le marché. Elles sont également un gage de transparence. Nous voulons fonctionner dans un environnement concurrentiel transparent, dont les règles sont claires et dont on connaît le processus de décision. Ce n'est pas toujours le cas. À vrai dire, ce n'est même pas toujours le cas au Canada. Il nous arrive parfois de ne pas comprendre pourquoi nous n'avons pas remporté un marché, et de ne jamais parvenir à comprendre.
A mes yeux, la question des droits de douane est la même que celle du libre-échange.
Pour ce qui est de la double imposition, des prestations de retraite, etc.—nous ne sommes pas touchés par le problème de la double imposition des pensions. La plupart du temps, quand nous obtenons un contrat dans un autre pays, au Chili, par exemple, nous réalisons la grande partie des travaux au Canada. Nous avons un partenaire chilien qui réalise la construction de la station d'épuration des eaux usées et qui fournit les services d'ingénierie nécessaires sur place. Nous travaillons ensemble. Par conséquent, ces considérations ne nous concernent pas.
Pour ce qui est des moyens d'action et des approches que devrait explorer le gouvernement canadien—j'ai été très actif au sein de l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, alors je ne parle pas seulement au nom d'ADI, mais de tous les cabinets de génie-conseil au Canada. Je peux dire qu'il serait merveilleux que l'ACDI unisse ses efforts à Affaires étrangères et Commerce international, ce qui n'est pas toujours le cas. Il arrive que le type de services et de biens dont les délégués commerciaux font la promotion ne correspondent pas du tout à ce que l'ACDI recherche. Leurs visées sont parfois complètement opposées.
J'aimerais aborder plus précisément la question des investissements dans l'infrastructure. Comme je viens du Canada atlantique, j'ai pu constater à quel point il était bénéfique d'investir dans l'infrastructure comme les routes, les ports, etc. L'ACDI a cessé d'investir dans l'infrastructure, et je crois que ce choix nuit à notre efficacité.
¹ (1540)
J'ai remarqué quelque chose à cet égard. L'ACDI s'inquiète beaucoup du rôle des femmes dans les pays en développement. Or, s'il y a un puits dans un village, les femmes ont beaucoup moins de travail. Pourtant, nous n'investissons pas autant dans les puits et dans le traitement des eaux que nous le devrions.
Si on investit dans une source d'énergie, une centrale communale de production de biogaz ou quelque chose du genre, on réduit de beaucoup le temps que doivent consacrer les femmes et les enfants à la cueillette de bois pour le feu. À mon avis, il y a beaucoup à faire pour unifier les efforts de l'ACDI avec ceux des Affaires étrangères et de Commerce international.
Le deuxième volet du cadre de référence concerne les types de programmes et de services, de conseils et d’information qui aideraient le mieux les entreprises canadiennes, grandes ou petites, à profiter des marchés émergents, compte tenu des contraintes budgétaires.
Selon moi, dans de nombreux cas, les entreprises de notre taille ou plus petites veulent être informées des projets. Nous ne voulons pas connaître les programmes et les politiques. Si nous savons par exemple que l'accent sera mis sur la transformation des aliments dans tel pays, que des usines de transformation des aliments, du poisson, des produits agricoles, etc., y seront construites, nous pouvons offrir des solutions. Nous pouvons offrir des services d'aide, c'est notre domaine. En revanche, il n'est pas de grand intérêt pour nous de savoir qu'un pays a signé un accord commercial ou songe à signer un accord avec le Canada.
Je vais vous donner un exemple d'aide d'une déléguée commerciale en République d'Irlande qui nous a donné un sérieux coup de pouce. Elle travaille à l'ambassade canadienne à Dublin. Elle se nomme Gerry Mongey—j'espère que je prononce bien. De façon périodique, elle transmet à notre société et à d'autres que je connais des messages électroniques décrivant des projets prévus en Irlande et qui pourraient comporter une composante d'ingénierie. Dans beaucoup de cas, les travaux n'entrent pas dans nos champs de compétence, ni dans ceux probablement de quiconque n'est pas en République d'Irlande. Mais devinez quoi? C'est notre choix, et elle nous donne la possibilité de faire ces choix. C'est beaucoup plus que, si j'ose dire, ce que nous avons retiré des balades de l'Équipe du commerce du Nouveau-Brunswick ou d'Équipe Canada dans divers pays. On en fait beaucoup de cas mais, en réalité, ces missions nous donnent bien peu de projets à nous mettre sous la dent. Si vous examinez de près qui participe aux missions d'Équipe Canada, vous y verrez des entreprises d'une certaine taille ou spécialisée dans tel domaine. Des sociétés comme la nôtre ne sont pas invitées.
C'est le genre de coups de pouce dont nous avons besoin. Cela ne coûte pas cher—c'est ce que font les délégués commerciaux—, et il est facile de dresser une liste de destinataires de messages électroniques. L'Association des ingénieurs-conseils du Canada pourrait facilement fournir la liste des entreprises membres du Canada. Je le répète, nous recevons l'information, et nous avons le choix de faire des soumissions ou non.
Nous apprécierions également, toujours en réponse à la question sur les services et les programmes, d'être alertés s'il y a des risques d'infraction aux lois. Je pense notamment à une autre entreprise du Canada atlantique et à son président, Ken Rowe, qui a investi dans un hôtel à Moscou. L'hôtel les a volés, littéralement, en infraction aux règles. Une entreprise de 250 employés qui appartient à ses employés ne veut pas travailler dans ces pays. Nous ne voulons pas travailler dans de telles conditions. C'est le genre de brèche dans la coque qui mène directement au naufrage.
Nous faisons de l'exportation et nous voulons en faire. Nous pensons être suffisamment avisés en la matière mais, s'il y a revirement soudain de la situation ou de régime dans un pays et qu'il y a risque de violation des lois, les conséquences sont très graves pour nous. Des organismes comme Exportation et développement Canada nous aident déjà, mais ce genre d'alertes nous seraient plus qu'utiles.
Le troisième point concerne—je ne veux pas dépasser mon temps—les propositions et la façon d’élaborer des politiques et des campagnes de promotion pour le commerce canadien et les investissements à l’étranger, ainsi que pour intégrer des valeurs comme la responsabilité sociale des entreprises, la gouvernance et la primauté du droit.
Il est important de se rappeler que le Canada est un immense pays. Nous parlons des deux solitudes, qui autrefois désignaient les anglophones et les francophones, l'Est et l'Ouest ou le Nord et le Sud. Actuellement, ce sont les régions rurales, à maints égards, qui sont isolées des zones urbaines. Il existe deux Canada, le Canada rural et le Canada urbain. Je vous fais ce préambule pour soulever une question très pointue sur le commerce. On donne énormément d'importance à tout ce que j'appellerai la haute technologie—l'aérospatiale, les communications, l'automobile, etc. Or, ce n'est pas de cela dont les marchés émergents ont besoin. Vous rappelez-vous mon exemple des puits? Beaucoup d'entreprises canadiennes de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick, peut-être aussi des territoires, peuvent être d'une grande aide pour le développement des zones rurales de ces économies émergentes, pays émergents ou marchés émergents, appelez-les comme vous voulez.
¹ (1545)
Parfois—je fais abstraction de la République d'Irlande—, on nous propose des mégaprojets, qui ont une envergure beaucoup trop grande pour la capacité des entreprises du Canada atlantique. Je vais vous citer un exemple et, pour vous enlever un peu de pression, je précise que dans cette affaire, c'est la province du Nouveau-Brunswick qui était en cause, non pas le gouvernement canadien. Voilà quelques années, on avait lancé un projet de construction d'un gros aéroport moderne à Hong Kong. Le projet comportait des travaux de remplissage dans le port—pour la construction de cet aéroport le plus moderne du monde, dépassé depuis par Pearson, je crois—, mais notre entreprise ne pouvait pas s'engager dans des opérations d'une telle envergure.
Si vous volez au-dessus du Nouveau-Brunswick, qu'y verrez-vous? Ces jours-ci, beaucoup d'eau parce que la rivière Saint-Jean déborde. Mais, en temps normal, vous y verrez beaucoup d'arbres, beaucoup de petites villes, des fermes. Dans ce type d'environnement, on ne conçoit pas des aéroports pour les ports de Hong Kong. Cependant, nous pourrons proposer un très bel aéroport pour une ville rurale de la Chine, du Congo ou du Brésil.
Je crois que nos activités commerciales sont beaucoup trop axées sur les gros projets, qu'elles font peu de cas des petits projets. C'est ignorer le fait que de nombreux Canadiens excellent dans des domaines de faible technicité. Notre entreprise, par exemple, se spécialise dans la production de biogaz à partir des eaux usées épurées. Ces biogaz permettent de produire l'électricité ou le chauffage pour une usine. Ils peuvent même servir à faire tourner la station d'épuration des eaux usées. De plus, ils réduisent les émissions de gaz à effet de serre.
C'est une technologie simple. Nous avons des brevets, mais nous n'avons pas besoin de docteurs pour faire tourner les stations, ni pour les concevoir. Cela ne les rend pas moins efficaces, tout à fait pertinentes dans un contexte rural. Pourtant, nous recevons fort peu de propositions du genre à nos bureaux commerciaux.
Peut-être vous demandez-vous comment nous obtenons du travail? Nous trouvons des projets dans les foires commerciales, où nous rencontrons d'autres entreprises privées. Les délégués commerciaux font du travail utile, ils ont de bonnes intentions, mais pas pour nous.
C'est l'une des principales recommandations que je veux vous faire. Il faut mettre en valeur l'expertise du Canada dans les climats froids et les régions éloignées. Cette expertise trouvera écho, j'en suis convaincu, en Sibérie ou dans la Chine rurale, au Tibet, dans certaines régions d'Afrique, de l'Amérique latine. Est-ce que nous faisons tout pour promouvoir cette expertise?
Il faut permettre aux entreprises de mettre leurs compétences à profit. Je propose par exemple d'organiser un forum réunissant les entreprises canadiennes de petite taille, qui viennent des régions plus rurales, afin qu'elles exposent leurs domaines de compétence aux délégués commerciaux. On y découvrirait certainement que les entreprises du Canada atlantique exportent beaucoup plus qu'on ne pense. Le Nouveau-Brunswick est au deuxième rang au Canada pour ce qui est de la part exportée des services d'ingénierie générés dans la province. Cette statistique en surprend beaucoup.
Voilà. J'espère que mes réflexions sont pertinentes pour votre étude. Je pourrai répondre à vos questions maintenant ou après la présentation suivante.
¹ (1550)
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): Monsieur Steeves, nous poserons nos questions à tous les témoins après les présentations de chacun.
Je vous remercie, monsieur Steeves.
Nous passons maintenant à M. Smith. Monsieur Smith, est-ce que M. Crouch a également des remarques à nous livrer au nom de MedMira?
M. James Smith (vice-président, Affaires corporatives, MedMira Inc.): Oui, monsieur le président, si vous le permettez. Je vais vous livrer quelques remarques préliminaires, puis M. Crouch assumera le reste de notre présentation.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité. Au nom de MedMira Laboratories, je vous remercie de votre invitation à nous adresser au Comité.
Pour vous donner un bref portrait, je précise que MedMira est une entreprise de Halifax, en Nouvelle-Écosse, spécialisée dans les sciences de la vie. Elle a été fondée en 1994. MedMira crée et met en marché des tests de diagnostic rapide pour les points de service. Notre procédé scientifique permet de dépister les marqueurs de la maladie en moins de trois minutes.
Je ne veux cependant pas vous inonder de données scientifiques. Je me contenterai de dire que le test rapide de dépistage en trois minutes permet de diagnostiquer les maladies infectieuses ou non. Ces tests peuvent dépister le VIH/sida, l'hépatite C et l'hépatite B, la bactérie H. pylori—à l'origine du cancer de l'estomac dans certains pays, dont la Chine—et d'autres formes de cancers. Notre test est un outil de dépistage destiné aux grosses populations, mais il permet également de diagnostiquer la présence d'infections après un accident de travail comme une piqûre d'aiguille ou lors des accouchements, pour protéger le bébé quand la mère est infectée.
La technologie est l'invention de Hermes Chan et Carlina Hui, lorsqu'ils étaient étudiants diplômés à l'une de nos universités, l'Université Acadia, située à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. Le test est commercialisé depuis 2000, et nous sommes inscrits à la Bourse de croissance TSX, sous MIR. Nos sièges sociaux sont situés à Halifax. Toutes les installations de recherche et développement et de fabrication se trouvent en Nouvelle-Écosse. Nous avons également un bureau de réglementation, qui fait un peu de commercialisation, à Beijing, en Chine.
MedMira est la seule société de fabrication de tests de diagnostic rapide dans le monde ayant été autorisée à commercialiser un test de dépistage rapide du VIH par son pays d'origine—nous avons l'autorisation de Santé Canada—, la FDA aux États-Unis, ainsi que l'administration d'état de contrôle des aliments et des médicaments en Chine. Je crois qu'il n'est pas exagéré d'affirmer que MedMira est réputée mondialement pour avoir le meilleur produit de diagnostic rapide.
Le monde présente de nombreux défis, monsieur le président. On y trouve de la pauvreté, le paludisme et, sur le même pied que ces deux grands fléaux planétaires, le VIH/sida. Personne n'est à l'abri d'une épidémie, aucun pays. Au Canada seulement, notre gouvernement nous a affirmé que 17 000 personnes sont porteuses du VIH sans le savoir.
La grande partie de nos recettes—je vais m'interrompre ici—sont tirées de nos ventes aux États-Unis, en Chine, dans certains pays africains, dans les Caraïbes et en Amérique latine. Nos ventes au Canada, pour 2004, totalisaient 5 000 $. Nous n'avons pas réussi à pénétrer le marché canadien.
C'est tout ce que j'avais à dire. Je vais demander à mon collègue, Giles Crouch, de poursuivre.
M. Giles Crouch (vice-président, Commercialisation et développement des affaires, MedMira Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs et mesdames, je suis ravi d'être ici aujourd'hui. Merci de m'avoir invité.
Jim vient tout juste de présenter notre société. Je vais pour ma part me concentrer sur les problèmes que nous vivons à titre d'exportateur de produits de santé. Nous nous intéressons aux questions de santé et à l'exportation de produits de santé.
Dans le monde, nous avons la réputation d'avoir l'un des meilleurs programmes d'assurance-santé universelle. Nos fournisseurs couvrent tout le spectre, du secteur primaire au quaternaire, et certains de nos hôpitaux jouissent d'une renommée mondiale, dont le IWK Grace, à Halifax.
Assez étrangement pourtant, le Canada exporte très peu dans le domaine de la santé. Seulement neuf entreprises canadiennes réussissent à exporter pour 100 millions de dollars par année, et les exportations totales des entreprises canadiennes du domaine de la santé ne dépassent pas les 5 milliards de dollars. Si on compare au domaine du bois de sciage, c'est 9 milliards de dollars par année. Magna International, à elle seule, a exporté pour 14 milliards de dollars l'an dernier, et Nortel Networks pour 22 milliards de dollars. Pourquoi les sociétés canadiennes du domaine de la santé ne peuvent-elles pas exporter? C'est la première question à se poser.
La première partie de la réponse se trouve ici même, au pays. La demande ici est faible, si on la compare avec celle de pays comme les États-Unis, où le système de santé est différent. Il favorise la concurrence, et les clients sont plus exigeants. Aux États-Unis, notre test rapide de dépistage du VIH est utilisé sur une base quotidienne. Notre test rapide est le plus utilisé dans les hôpitaux américains. Que l'on parle de l'hôpital Johns Hopkins, de la Stanford Medical School, de la Duke School of Medicine, du United States Marines Hospital, du U.S. Navy Hospital, du Walter Reed Army Hospital, tous utilisent notre test. Notre test est utilisé partout aux États-Unis. Pas du tout au Canada.
Au Canada, personne ne veut utiliser nos produits. C'est une situation difficile pour nous parce que, quand nous transigeons dans les marchés extérieurs, on nous demande qui au Canada utilise notre produit. La vérité : personne n'utilise nos produits. Pourtant, notre test a reçu l'autorisation de Santé Canada. Depuis des années. Notre test de dépistage rapide du VIH joue un rôle essentiel dans beaucoup de situations. Par exemple, il peut arriver qu'une mère soit porteuse du VIH mais qu'elle ne connaisse pas son état quand elle admise à l'hôpital pour accoucher. Avec le test de dépistage utilisé actuellement, il faut attendre 24 heures avant de recevoir les résultats. C'est trop tard parce que le bébé est né. Et il sera porteur du VIH. Un test de dépistage rapide, qui permet d'obtenir les résultats en moins d'une heure, aurait incité les professionnels de la santé à administrer des médicaments prophylactiques avant la naissance, qui réduisent les risques de transmission mère-enfant de 90 p. 100. Tous les jours, des enfants naissent avec le VIH au Canada, ce qui pourrait être évité. La raison en est, en partie, que notre système de santé ne crée pas la demande.
Donc, 99 p. 100 de nos revenus viennent de l'exportation. Pour augmenter les exportations dans le domaine de la santé, le gouvernement canadien doit fournir du soutien. Je ne parle pas de soutien financier. Je parle de reconnaissance. Nous avons besoin d'aide pour faire connaître dans le système de santé les services améliorés qu'offrent des entreprises comme la nôtre et beaucoup d'autres au Canada. Il existe beaucoup d'autres produits de qualité comme le nôtre. Ils sont approuvés par Santé Canada, mais ils ne trouvent pas preneurs ici. Néanmoins, ils font rapidement leur nid aux États-Unis parce qu'ils sont avantageux pour le système de santé.
Il est impérieux pour nous de faire notre place dans les marchés européens. Nous nous sommes attaqués aux États-Unis avec beaucoup d'énergie, mais le marché secondaire de l'Europe doit également entrer dans la mire du Canada. Nous avons naturellement tendance à jeter rapidement notre dévolu sur nos voisins du sud, mais nous aurions tout avantage à porter notre regard plus à l'est. Pour certains aspects, ce marché est plus complexe que le marché américain, dans le domaine de la santé et dans bien d'autres. Nous aimerions également aller plus au sud, vers l'Amérique latine.
Les ententes bilatérales ne sont pas monnaie courante au Canada. Les États-Unis en ont signées beaucoup, dans diverses parties du monde, mais surtout en Afrique, un marché qui se développe à vive allure. Les Africains concluent des ententes bilatérales avec l'Europe et les États-Unis. Le Canada rate les occasions de croissance. Nous sommes très présents en Afrique du Sud, et je sais que les entreprises canadiennes ratent beaucoup d'occasions d'exporter en Afrique. L'Afrique du Sud est relativement stable, de même que d'autres pays de l'Afrique occidentale. Les conflits se raréfient, ces pays gagnent en stabilité. Je dois reconnaître cependant que certains n'ont pas encore atteint le niveau de stabilité recherché par les exportateurs.
¹ (1555)
Pour renchérir sur les propos de M. Steeves, il est vrai que les entreprises canadiennes pourraient prêter main forte à toutes sortes de projets de plus petite envergure dans les pays en développement, et que le soutien du gouvernement canadien à cet égard serait tout à fait bienvenu. Encore une fois, ce n'est pas de soutien financier dont nous avons besoin, mais de soutien des ambassades, du Service des délégués commerciaux et des Affaires étrangères, qui pourraient faire de la prospection et faire connaître les entreprises canadiennes. Les fonctionnaires chinois nous demandent souvent pourquoi notre gouvernement ne nous reconnaît pas. De fait, cela faciliterait énormément nos affaires en Chine.
Nous avons reçu un soutien extraordinaire du Service des délégués commerciaux, je tiens à le souligner et à les féliciter. Dans beaucoup de pays que nous visitons, la Chine en particulier, et lors de nos voyages d'affaires en Europe et en Amérique latine, le Service a toujours été prompt à nous aider. Malgré ce souci réel de nous appuyer dans notre travail, j'ai l'impression que le Service n'a pas les coudées franches, qu'il pourrait aller beaucoup plus loin. Les délégués devraient notamment être en mesure de nous dire si les entreprises avec qui nous faisons affaire sont en règle et quelle est leur réputation.
Je conçois qu'il n'est pas de leur ressort de mener des enquêtes pointues et d'effectuer la vérification de la solvabilité de telle ou telle entreprise. Nous n'attendons pas du Service des délégués commerciaux qu'il fasse le travail d'une agence d'évaluation du crédit. Ce n'est peut-être pas prévu dans son mandat, mais nous aimerions que le Service puisse nous dire si telle entreprise a réellement pignon sur rue.
En outre, nous croyons qu'il serait utile pour nous que des organismes comme l'ACDI contribuent à la mise en valeur des produits canadiens. L'ACDI fait un excellent travail, mais elle ne fait rien pour favoriser nos produits canadiens quand l'occasion se présente, de sorte que ce sont souvent des produits européens ou américains qui sont vendus dans les pays qui reçoivent de l'aide au développement de l'ACDI. Voici comment les choses se passent : l'ACDI verse de l'argent à un gouvernement, qui l'utilise pour lancer un projet et pour acheter les produits nécessaires à sa réalisation aux États-Unis ou en Europe. Il ne les achète pas au Canada. Comment faire pour que cela cesse? En signant des ententes bilatérales. C'est la seule issue.
La réduction tarifaire est l'autre piste et, là encore, ce sont les ententes bilatérales qui feront foi de tout. Le secteur de la santé reçoit très peu de soutien en général, mais ce n'est pas le seul. Souvent, nous faisons les frais de la double imposition. Nous sommes aux prises avec un marché extrêmement concurrentiel. Dans le monde, 36 entreprises fabriquent des tests de dépistage rapide du VIH. Seulement quatre de ces tests sont homologués par la FDA. Seulement un—celui de MedMira—est homologué par Santé Canada, la FDA, l'Association chinoise de contrôle. Notre test est de qualité supérieure, le meilleur du marché. Certains tests de dépistage rapide du VIH sont en fait des tests de grossesse remballés. Des gens meurent parce qu'ils ont utilisé de tels tests. C'est un combat quotidien que nous livrons.
J'ai travaillé avec le gouvernement de l'Uruguay, qui a acheté 2 000 tests de grossesse remballés. Un nombre indéterminé de personnes ayant reçu un résultat faux négatif ont continué de transmettre le VIH. Le gouvernement a un problème sur les bras, mais il prélève une taxe sur le produit importé dans ce pays, et le produit est taxé de nouveau quand il est vendu par le distributeur. Il y a donc double imposition.
Enfin, nous aimerions recevoir de l'aide en matière de réglementation. Pour une petite entreprise du domaine de la santé, les frais d'assistance en matière réglementaire sont très élevés. Ils sont démesurés par rapport à nos budgets. Le gouvernement pourrait nous aider au moyen de prêts remboursables comme ceux qu'offre l'APECA dans les provinces de l'Atlantique, et grâce auxquels MedMira a embauché 60 professionnels, dont beaucoup d'universitaires, et étendu ses marchés internationaux. Même si nous réalisons 99,9 p. 100 de notre chiffre de ventes à l'étranger, nous employons des Canadiens.
Voilà pour notre exposé de position. Nous avons besoin d'un meilleur soutien du Canada, qui commence par la reconnaissance. Nous ne demandons pas d'argent, mais simplement de la reconnaissance et de l'aide pour le secteur de la santé. Il faut améliorer l'environnement concurrentiel pour inciter les scientifiques canadiens à demeurer au pays et à continuer de mettre au point des produits qui seront exportés vers d'autres marchés.
º (1600)
Le président: Merci, monsieur Crouch.
Nous allons maintenant entendre les questions du Comité, à commencer par celles de M. Menzies.
Monsieur Menzies, je vous en prie.
M. Ted Menzies: Merci, monsieur le président...
Le président: Nous ferons une première série de questions et réponses de dix minutes. Au terme de cette première série, nous serons ravis d'en entamer une deuxième.
Monsieur Menzies.
M. Ted Menzies: Merci de nous avoir livré des exposés des plus intéressants, messieurs. Nous avons entendu des témoignages sur des thèmes très diversifiés depuis le début de notre étude sur les marchés émergents, et vous nous apportez, une fois de plus, d'autres perspectives intéressantes.
Monsieur Steeves, vous parlez beaucoup de ce que je qualifierai des projets d'aide—des projets de l'ACDI, pour être plus précis. Je vous ai entendu dire qu'il était primordial que les Affaires étrangères, Commerce international et l'ACDI unissent leurs efforts. Pouvez-vous élaborer un peu? Pourriez-vous nous donner des exemples? Nous sommes actuellement en plein débat sur la scission de ces services, mais vous prétendez pour votre part qu'il faudrait les garder ensemble, pour assurer une meilleure continuité. Pouvez-vous nous donner un peu de détail?
M. Andrew Steeves: Bien entendu.
C'est un thème en deux volets. Tout d'abord, que les deux services soient réunis sous une seule bannière importe peu pourvu qu'ils travaillent de concert. Les représentants de MedMira nous ont donné un excellent exemple avec leur produit. Le fait est que nous ne travaillons pas avec l'ACDI. Nous y avons renoncé voilà bien des années, à l'instar de beaucoup d'autres firmes de conseil. Le Nouveau-Brunswick vend des sardines par l'entremise de l'ACDI, pas des services d'ingénierie. Cela nous a été dit sans équivoque. Par ailleurs, l'infrastructure n'est plus au centre de l'attention, et c'est ce qui nous intéresse, c'est là que nous excellons. Il n'en demeure pas moins que, selon nous, l'ACDI devrait recentrer ses intérêts, se recanadianiser—réunifier son message. Giles vient de nous donner un excellent exemple d'une collaboration possible entre ces organismes.
Je veux que vous compreniez bien que nous ne demandons pas... Nous ne sommes pas des mercenaires. S'il existe un test de qualité supérieure et qu'il est canadien, pourquoi ne pas l'utiliser au lieu d'en acheter un autre? C'est très fréquent. L'ACDI tourne le dos aux ententes bilatérales. L'organisme préfère verser son aide dans une cagnotte—aux Nations Unies ou peu importe. Cette naïveté un peu scoute m'horripile. Les Européens se battent becs et ongles pour vendre leurs biens et leurs services, mais les Canadiens croient que ce n'est pas pour eux.
Un mercenaire pousserait le produit canadien, peu importe qu'il soit de qualité inférieure, mais beaucoup de nos produits, justement, ne sont pas inférieurs. Je peux vous dire que dans le domaine des services d'ingénierie, les Canadiens obtiennent la palme d'or mondiale. Je suis profondément ennuyé de constater que nous donnons de l'argent qui sert à acheter des produits, parfois de qualité inférieure, venant de l'Europe, ou même des États-Unis.
C'est tout ce que je peux répondre. Les gens du commerce le savent, mais je ne suis pas certain que ceux des affaires étrangères en soient conscients. Il semble parfois que le personnel de l'ACDI travaille à contre-courant.
Je ne sais pas si ma réponse est satisfaisante, monsieur Menzies.
º (1605)
M. Ted Menzies: Oui, vous avez répondu à cette question, mais votre réponse soulève d'autres questions. Nous avons entendu dire que des sociétés privées avaient présenté des projets à l'ACDI, qui les aurait refusé en leur disant que si elles avaient des visées lucratives, que si le projet devait rapporter des profits à la société, l'ACDI ne pouvait pas s'y associer.
C'est, selon moi, une mauvaise approche. Je préfère la vôtre. Il faut que la prestation de l'aide soit la meilleure et la plus efficace possible, et choisir les meilleurs produits, même si ce sont des produits commerciaux et qu'ils viennent du Canada. Une règle rigide qui interdit de s'associer à une entreprise canadienne pour éviter les allégations de conflits d'intérêts ne mène pas loin. Le seul critère valable est celui de l'efficacité de la prestation de l'aide.
M. Andrew Steeves: Vous avez raison. Il suffirait de poser les bonnes questions à la société en question.
M. Ted Menzies: Tout à fait.
M. Andrew Steeves: Je n'ai aucune objection. C'est l'idée du refus systématique qui m'indispose. Puis-je remarquer que ce n'est pas ce qu'on appelle un processus transparent...
M. Ted Menzies: Pas tout à fait, vous avez raison.
M. Smith a fait un commentaire au sujet des petits projets. Est-ce que les entreprises canadiennes sont en meilleure position concurrentielle quand les projets sont plus petits? Vous avez également parlé de la présence des grosses sociétés au sein des missions d'Équipe Canada, en soulignant que nous privons ainsi les petites sociétés de profiter des possibilités... J'ai toujours été d'avis que ce sont les petites entreprises familiales qui sont l'essence de ce pays. Ce sont elles qui génèrent l'assiette fiscale, qui sont le fleuron de notre économie.
J'aimerais entendre votre point de vue à cet égard.
M. Andrew Steeves: N'oubliez pas d'où je viens. Si je témoignais aujourd'hui pour le compte d'une grande société, peut-être mon discours serait-il tout à fait autre. Je suis réaliste.
Cependant, comme je travaille dans une petite société, avec l'expérience acquise depuis 26 ans maintenant, je peux vous affirmer qu'il y a énormément de petites sociétés, partout au Canada, qui ont mis au point des technologies qui m'apparaissent tout à fait adaptables pour les régions rurales de la Pologne, de l'Ukraine et du Brésil. Dans bien des cas, ces régions sont mal desservies. Les petites entreprises comme la mienne ont peu d'intérêt pour des projets de construction de gros aéroports ou d'immenses stations d'épuration des eaux usées. Dans les faits, la misère et les problèmes se trouvent beaucoup plus dans les régions rurales de ces pays.
Je peux relater brièvement une situation survenue il y a quelques années, peu après la dissolution de l'URSS. Nous avions fait une étude très approfondie d'un projet d'entrepôt de pommes de terre en Ukraine—c'est là où l'on garde les pommes de terre en attendant de les envoyer à la transformation ou à la vente dans les marchés. Nous avons examiné le projet de très près—il aurait bénéficié de subventions d'aide—, mais nous avons bientôt réalisé que ce serait une catastrophe. Je ne veux pas blâmer les Ukrainiens, mais il était difficile d'acheminer les pommes de terre vers l'entrepôt à cause des routes et de l'infrastructure. Et le transport des pommes de terre de l'entrepôt au supermarché, ou au marché public, ou à l'usine de transformation posait encore un autre problème. Chaque maillon de la chaîne posait un problème, que ce soit avec les routes, l'énergie, la réfrigération, etc. Pourtant, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, là où on fait pousser des pommes de terre, il existe toutes sortes de petites entreprises qui pourraient venir en aide à au moins un coin de l'Ukraine, pour l'aider à surmonter ce genre de problèmes. Cette région pourrait jouer le rôle d'un phare, d'un leader ou d'un modèle, que le reste du pays pourrait suivre par la suite. Nous ratons ce genre d'occasions.
Je pourrais vous donner d'autres exemples. Giles a bien décrit la situation sur le front médical. Je pourrais résumer ses propos ainsi : souvent, nous voulons frapper un coup de circuit, nous cherchons le produit qui pourrait concurrencer les Français, les Américains ou les Allemands. Pourquoi ne pas chercher la solution appropriée au marché visé, surtout s'il s'agit de marchés émergents? Le noeud du problème, à mon avis, est que pour démarrer une telle aventure, il faut y aller une étape à la fois. On ne passe pas si rapidement des bottes de travail au bureau en coin avec vue dans une tour de bureaux. Il faut y aller lentement.
Le président: Monsieur Menzies, il vous reste trois minutes.
M. Ted Menzies: J'aurais aimé que M. Crouch parle au comité de la santé de ce test rapide que nous n'utilisons pas au Canada. Je peux bien imaginer la difficulté que vous avez à le vendre dans d'autres pays quand votre propre pays ne l'accepte même pas.
Où est le problème? Pourquoi le Canada ne l'adopte-t-il pas?
º (1610)
M. Giles Crouch: Très bonne question. Un test fabriqué par une société nommée BioChem, qui a été rebaptisée Adaltis, donnait de très piètres résultats. Souvent, il donnait des résultats faux positifs, et Santé Canada a révoqué le permis de la société. Elle n'a plus le droit de vendre le test. Nous avons obtenu notre autorisation peu de temps après, et je crois que les professionnels de la santé sont restés sur leurs gardes. Je les comprends. Ils veulent s'assurer que les produits utilisés fonctionnent et sont éprouvés.
Nous avons fait tous les essais nécessaires. Tout était parfait. Nous avons fait la même chose aux États-Unis, mais les professionnels de la santé ici sont restés réticents, les travailleurs des laboratoires également, à adopter notre test après l'échec de son prédécesseur. Même si nous sommes une société complètement différente et que nous utilisons une technologie complètement différente, qui a été éprouvée dans bien des marchés, ils ne voulaient pas continuer les tests.
D'un autre côté, on n'a jamais vraiment fait la promotion de cette technologie. Nous avons fait ce que nous pouvions au Canada pour le faire connaître aux laboratoires de santé publique. De façon générale, ce sont eux qui font les tests. Au Canada, nous avons l'habitude d'aller visiter notre médecin, qui nous dit d'aller à la banque de sang, ou d'aller faire une prise de sang à l'hôpital le plus près. Ils avertissent les patients de faire vite parce qu'il faut attendre une semaine avant d'avoir le résultat du test. Dans beaucoup de cas, c'est tout à fait approprié, mais pas dans le cas d'une femme qui vient accoucher, ou d'un médecin ou d'une infirmière qui se fait piquer par une aiguille en aidant une femme porteuse du VIH à accoucher. Si l'infirmière ou le médecin commence le traitement immédiatement après la piqûre, il y a 90 p. 100 moins de risque que le VIH lui soit transmis. Cependant, si on attend 24, 36 ou 48 heures, voire 3 semaines avant d'obtenir les résultats et de commencer le traitement, les risques de transmission augmentent.
On sent une certaine réticence devant la nouvelle technologie, qui s'explique notamment par le fait que le Canada est un monopsone—c'est-à-dire qu'il y a un seul acheteur de tous les produits médicaux. Les responsables ne sont pas portés à essayer de nouvelles technologies, à leur donner leur chance. Nous devons convaincre les laboratoires de santé publique de mettre de nouvelles technologies à l'essai, en les comparant avec les technologies existantes pendant une certaine période, pour obtenir l'homologation scientifique nécessaire avant de les intégrer au système de santé. Il faut combattre la réticence du milieu canadien de la santé.
Le président: Il vous reste encore une minute, monsieur.
M. Ted Menzies: Vous serez peut-être heureux d'apprendre qu'il ne s'agit pas du seul monopsone au Canada. En effet, la Commission canadienne du blé dans l'Ouest canadien est aussi un monopsone--c'est-à-dire, le seul acheteur sur le marché. Quoi qu'il en soit, c'est une autre paire de manches.
Quel est le coût de ce test, et s'agit-il d'un test valide? Devrions-nous intervenir pour que le Canada évalue dans quelle mesure on pourrait l'utiliser pour sensibiliser les populations au VIH ou pour faire la détection du VIH dans les pays africains dont il est question sans arrêt?
M. Giles Crouch: Oui, absolument. C'est une très bonne question. Étant donné que nous n'avons pas bénéficié d'un appui très solide au Canada, nous avons commencé à travailler directement avec la Clinton Foundation dans le cadre de son initiative visant à réduire le coût de nos tests de dépistage du VIH/SIDA dans les nations africaines. Nous leur avons fourni toute la documentation indiquant qui sont nos fournisseurs. Nous avons ouvert nos livres et nous leur avons dit : « Vous pouvez aller de l'avant et négocier avec nos fournisseurs afin de réduire les coûts des matières premières que nous obtenons des diverses régions du monde. Et ensuite, nous produirons le test. » Nous leur avons déclaré que nous ne prendrions qu'une marge de 5 p. 100 en Afrique. Nous avons pour philosophie que nous ne voulons par réaliser d'énormes profits dans les pays où le VIH sévit... 750 personnes vont mourir durant les deux heures que prendra notre réunion de cet après-midi.
Le Canada pourrait nous aider en négociant avec les fournisseurs ainsi qu'avec certaines organisations titulaires de brevets relatifs au VIH-1 et VIH-2, et auxquelles nous versons des redevances sur une base permanente, pour qu'elles réduisent le montant de ces redevances, avec l'aide du ministère des Affaires étrangères, et en nous ouvrant les portes de certains de ces pays d'Afrique. Nous pourrions par exemple collaborer avec l'ACDI plutôt qu'avec la fondation Clinton, et l'Association pourrait nous ouvrir des portes en Afrique, et nous aider à réduire les coûts auprès de nos fournisseurs, ce qui nous permettrait d'offrir un produit meilleur marché.
Donc, nous n'attendons aucune aide financière du gouvernement. Nous voulons seulement qu'il nous aide à négocier des prix réduits, soit en exerçant des pressions ou en intervenant de quelque manière. Ainsi, nous pourrions offrir un produit abordable sur le marché africain, en nous réservant une très faible marge, mais en contrepartie de volumes élevés.
º (1615)
Le président: Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos présentations. Malheureusement, j'en ai manqué quelques-unes, mais j'ai suivi la première série de questions.
Je voudrais revenir à vous, monsieur Andrew Steeves. Vous avez mentionné que l'ACDI, finalement, n'était pas prête à prendre fait et cause pour des produits ou services canadiens, même lorsque ces produits étaient d'aussi bonne ou de meilleure qualité que d'autres. J'aimerais que vous m'expliquiez comment les Européens, dans le cadre de leur programme d'aide publique, font en sorte de promouvoir leurs produits lorsqu'ils pensent à juste titre que ces produits sont de bonne qualité. Comment pourrait-on s'y prendre, à moins de lier l'aide à des achats canadiens? Est-ce déjà fait?
[Traduction]
M. Andrew Steeves: C'est une très bonne question. J'aimerais vous faire remarquer que depuis 10 ou 15 ans, l'ACDI est davantage axée sur la gouvernance et le renforcement des capacités--la bonne administration du gouvernement, et ainsi de suite--plutôt que sur l'infrastructure en profondeur, comme elle le faisait auparavant. Donc, c'est l'un des aspects de la question.
En ce qui concerne le manque de soutien à l'égard des entreprises canadiennes, je pense qu'il y a deux explications à cela. La première rejoint la question que vous avez posée, mais la première partie de l'explication tient au fait que l'ACDI a subi de fortes pressions à l'interne pour adopter des approches multilatérales plutôt que bilatérales. En ce qui concerne les approches bilatérales, si vous voulez travailler avec le Zaïre en vue d'améliorer une infrastructure comme celle du réseau d'aqueduc par exemple, l'ACDI préférera agir par l'entremise des Nations Unies, de la Banque africaine de développement, ou d'un organisme du même ordre.
Dans le cadre d'une approche multilatérale, très vite les Nations Unies ou la Banque africaine de développement va présenter un appel de propositions en vue d'obtenir ce service. Dans bien des cas, à cause des relents de colonialisme en Afrique ou en Asie, les pays européens bénéficieront d'un certain avantage que n'ont pas les compagnies canadiennes. En effet, les entreprises canadiennes ont obtenu d'assez bons résultats dans les pays de l'Afrique francophone, mais pas dans le reste de l'Afrique. Donc, il y a cet aspect lié au multilatéralisme et au multinationalisme, par opposition au bilatéralisme.
Dans le cadre du bilatéralisme, on pourrait voir une entente entre le Canada et le Zaïre du genre: « Nous allons vous accorder de l'aide avec le réseau d'aqueduc, le carburant et le transport, et nous allons travailler avec des entreprises canadiennes, si elles sont en mesure d'offrir de bonnes solutions. » C'est différent.
Les contrats bilatéraux dont l'ACDI a pris part portaient toujours sur des grands projets, et non sur des petits--par exemple, mettre sur pied un système de traitement de l'eau ou de traitement des eaux usées dans une grande ville, au lieu d'aider plusieurs petits villages à régler leurs problèmes de communication, d'approvisionnement en eau, etc.
Pour expliquer ce qui s'est passé, je pense que chacun d'entre nous passe par la même expérience, c'est-à-dire que l'on se retrouve un peu coincé dans les mêmes façons de penser. On tente de revenir à ce que l'on considère comme les méthodes éprouvées, mais elles ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Dans le cas de l'infrastructure, l'ACDI a décidé de s'en écarter, mais je pense que le moment est venu de revenir en arrière et de réévaluer la situation.
L'expérience du Canada nous enseigne que, si l'on souhaite que Gaspé ou le Canada atlantique ou encore le Grand Nord se développent, il faut penser à l'infrastructure. Il faut construire un solide réseau routier, prévoir des réseaux de communication, d'aqueduc, d'égout, et ainsi de suite. C'est d'ailleurs une question qui touche de près nos Premières Nations, par exemple.
[Français]
M. Pierre Paquette: J'aimerais poser une question plus générale, car vos présentations étaient relativement spécifiques. Nous devons faire un rapport pour que le Canada se dote d'une stratégie face aux marchés émergents. M. Crouch a abordé la question. Si vous aviez chacun une recommandation à faire quant l'action gouvernementale à faire en priorité, quelle serait-elle? Qu'est-ce que le comité devrait recommander au gouvernement de faire en priorité concernant les marchés émergents, selon vos expériences très concrètes?
º (1620)
[Traduction]
M. Giles Crouch: Je pense que le gouvernement canadien, par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et du ministère de l'Industrie pourrait travailler de concert avec l'ACDI à la détermination des occasions favorables en Afrique et dans les pays en développement où les pays européens ont un passé colonial, et par conséquent, des relations d'affaires déjà établies. Le Canada jouit d'une réputation enviable, selon mon expérience, dans les pays en développement.
Le volet Industrie et Commerce pourrait amorcer des contacts avec l'ACDI afin de discuter de projets de plus petite envergure avec des entreprises canadiennes comme celle de M. Steeves, et de projets ayant une incidence directe sur le système de soins de santé utilisé dans la lutte contre le VIH.
J'ai discuté avec des représentants de pays africains comme le Kenya. Au Kenya, les CDC, qui sont un organisme américain, ont mis en place un programme dans le cadre du plan mondial de lutte contre le sida. Ils livrent des produits américains directement par l'entremise des CDC et des programmes d'aide américains. L'ACDI est entrée en scène et a proposé de participer à la construction de cliniques, mais cette proposition n'était pas assortie d'une offre de produits canadiens. Donc, le ministère de l'Industrie, du Commerce et l'ACDI pourraient travailler ensemble sur des projets dans le cadre desquels le gouvernement fera des appels d'offres et des achats.
Le gouvernement du Canada procède effectivement à des adjudications. Mais ce qui se passe, c'est qu'étant donné que les CDC ont l'habitude de travailler avec une société appelée OraSure, ils lui permettent de présenter des propositions, mais nous n'en entendons jamais parler. L'ACDI ne transmet pas l'information concernant ces projets.
Le Comité pourrait recommander à l'ACDI, ainsi qu'aux ministères de l'Industrie et du Commerce de travailler ensemble afin de déterminer quels sont les projets de développement à venir susceptibles de comporter des demandes de propositions, ou encore, dans les situations où le gouvernement se prépare à effectuer des achats de grande envergure, d'informer, par l'entremise de la base de données Exportations WIN, les entreprises susceptibles d'avoir des occasions d'affaires dans ces pays.
[Français]
M. Pierre Paquette: Monsieur Smith, voulez-vous répondre?
[Traduction]
M. James Smith: Merci.
J'aimerais seulement revenir brièvement sur des éléments que j'ai déjà mentionnés, à savoir que notre petite société de biotechnologie de la Nouvelle-Écosse a pu bénéficier d'un financement providentiel de 12 millions $ sur un total de 34 millions $. Mais, ce financement visait la R-D initiale. Par la suite, il faut penser à la commercialisation et au marketing, et cette deuxième étape comporte de sérieux risques pour les entreprises canadiennes qui plongent souvent une fois arrivées là, et je pense surtout à celles qui sont issues des universités et des programmes de recherche. Donc, il faudrait peut-être examiner le processus d'autorisation et l'aide financière accordée en cours de route afin soit de l'accélérer ou d'offrir une certaine forme d'aide durant cette période et durant les négociations, parce que, pour mettre un produit sur le marché, il faut envisager d'investir autant que 250 000 $ ou même 500 000 $.
Nous avons parlé de notre test de dépistage du VIH, mais nous disposons aussi d'un test combiné pour le dépistage du VIH et de l'hépatite C, un test qui est particulièrement utile dans le cas des utilisateurs de drogues injectables, comme dans l'est de Vancouver, où l'on a pu établir un lien très clair entre les deux. Ce test est idéal pour ce type d'environnement, mais il nous manque les autorisations des organismes réglementaires. C'est un processus qui prend du temps. Il faut procéder à des essais cliniques et investir de l'argent pour les mesures réglementaires...
Ces derniers six mois, j'ai eu l'occasion de passer pas mal de temps en Chine. L'image de marque du Canada est bien acceptée en Chine. Et cela ne vise pas seulement nos tests, mais de nombreux autres. Donc, je pense que nous arrivons avec une excellente réputation.
J'ai été à même de le constater dans les Caraïbes aussi, à l'époque où j'étais ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Durant une visite là-bas, j'ai pu voir que des Canadiens avaient été appelés pour terminer des projets amorcés par les Américains. Il s'agissait du réseau d'aqueduc des Barbades, à titre d'exemple.
Nous avons bénéficié d'un excellent appui de la part de l'ambassade du Canada, de groupes associés aux missions commerciales ou encore des attachés commerciaux dans des endroits comme Beijing où ils nous ont accompagnés au Palais du peuple une journée, pour y rencontrer des représentants du gouvernement chinois, le gouvernement national. Nous avions été invités, et ils nous ont été extrêmement utiles. Ils nous ont également suivis dans toute la Chine, et même dans les petites villes, où il y avait tout de même autour de 10 à 20 millions d'habitants. Ces gens nous accompagnaient. Comme Giles l'a mentionné, nous sommes très en faveur de cette façon de procéder, et nous voulons l'encourager. C'est vraiment précieux.
Quant à moi, ils m'emmènent avec eux parce que je suis vieux. Ils m'appellent l'Oncle Jim. Je fais mon possible, mais nous avons besoin de l'aide du gouvernement aussi. Voilà, je vous ai livré ma pensée.
J'ai exercé la médecine familiale durant 30 ans, en Nouvelle-Écosse. Je suis très favorable à la position de l'ACDI qui souhaite que l'on utilise un test de bonne qualité en Afrique. Je pense que c'est une question de morale et d'éthique, et qu'il faut que nous utilisions un test rigoureux. Nous avons l'un des meilleurs du monde, probablement le meilleur, aussi je n'accepterai pas que notre test ne puisse être utilisé en Afrique alors que l'argent des contribuables sert à financer des programmes dont ces pays ont bien besoin.
On nous a appelés à la rescousse en Chine, dans certaines régions, pour y faire le ménage. On avait opté pour des tests bon marché, de qualité inférieure, et cette décision a entraîné beaucoup de problèmes dans leur système de santé public. On nous a appelés dans plusieurs régions où l'on a utilisé notre test pour tirer la situation au clair. Je ne pense pas que l'on devrait répéter cette situation, avec la bénédiction d'une organisation chapeautée par le gouvernement canadien en Afrique.
Merci.
º (1625)
Le président: Merci.
Monsieur Steeves.
M. Andrew Steeves: J'ai deux recommandations.
Premièrement, pour en revenir à tout à l'heure, lorsque j'ai abordé la question des projets bien adaptés, je le répète, une entreprise comme la nôtre n'a pas sa place dans le cadre d'un projet de l'envergure du barrage des Trois Gorges ou encore à l'aéroport de Hong Kong. Toutefois, nos activités de R-D nous ont permis de mettre au point une technologie très simple. Elle est brevetée, mais d'une grande simplicité. Elle consiste à prendre du purin de porc--les porcs sont une source de nourriture acceptable, une source de protéines, utilisée dans le monde entier--donc, si on dépose ce purin dans un bassin et si on le recouvre d'une membrane, on peut produire du biogaz qui servira éventuellement de combustible. Avec la membrane, on élimine une bonne partie des mouches, et en capturant le biogaz, on se trouve à réduire la quantité de gaz à effet de serre, mais ce qui importe encore davantage dans une pays émergent, c'est qu'en recouvrant ces déchets d'une membrane, on empêche le dégagement de l'ammoniac dans l'atmosphère--l'ammoniac étant du NH3. Ainsi, il reste dans les déchets et on peut l'épandre dans les champs. Beaucoup de pays émergents laissent sécher les déjections animales ou le purin et s'en servent ensuite comme combustible--c'est un procédé qui entraîne une perte d'énergie et une perte d'une matière qui a de la valeur.
Bien entendu, il faut manipuler cette matière. En la déposant dans un bassin et en la recouvrant d'une membrane, on peut capturer le biogaz qui s'en dégage, réduire la quantité de vermine, de mouches, etc., et récupérer la valeur de l'engrais, et par le fait même, réduire la quantité de gaz à effet de serre. C'est une technologie très simple qui pourrait être utilisée sur une grande échelle.
Je vais vous donner un autre exemple. Il y a bien des années, notre société a étudié la possibilité de mener un projet au Guyana, en Amérique du Sud. On y avait construit une distillerie de rhum qui produisait des déchets extrêmement concentrés qui nuisaient à la qualité d'un cours d'eau récepteur. Ces déchets étaient tellement concentrés que si on les avait traités par décomposition anaérobique, ils auraient produit assez de biogaz à l'époque--il y a environ 15 ans de cela--pour couvrir les coûts de l'installation en deux ans. Je me fonde sur un prix de 25 $ le baril.
Le président: Avez-vous dit que cette technologie avait été brevetée?
M. Andrew Steeves: Une bonne partie est brevetée, mais il s'agit d'une technologie assez simple. Ces déchets auraient pu être traités; la concentration des déchets aurait pu être réduite d'environ 90 p. 100, par conséquent, on se serait retrouvé avec le dixième du problème. Le biogaz aurait pu être produit pour répondre aux besoins de la distillerie elle-même, mais aussi probablement pour alimenter les habitations et les bâtiments environnants. Ce sont des technologies simples.
Si nous étions informés de ces opportunités--et je pense que dans bien des cas, les fonctionnaires du commerce connaissent très bien l'emplacement de ces distilleries ou du moins, ils savent dans quelles régions il y a des problèmes--je pense que les entreprises pourraient répondre aux besoins. Il y a à Sydney, en Nouvelle-Écosse, des entreprises, et notamment la nôtre, qui traitent les étangs bitumineux. On est en train d'y mettre au point une expertise qui sera très bienvenue je crois dans l'est de l'Europe et en Russie, mais serons-nous informés en temps utile?
Ce serait ma première recommandation.
La deuxième a à voir avec une chose que le Canada fait très bien , à mon avis: promouvoir le libre-échange, promouvoir le concept de la transparence. Il est important que nous sachions s'il y a un problème, parce que MedMira ne souhaite pas vendre ses trousses dans des pays où on ne les utilisera pas correctement, où elle aura de la difficulté à se faire payer ou encore où elle ira à la catastrophe. Les petites entreprises ne peuvent se permettre ce genre de problème.
Voilà mes deux recommandations.
Le président: Madame Jennings.
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de vos exposés. Certaines des questions que vous avez soulevées sont, à mon avis, au coeur des préoccupations de ce comité.
J'aimerais vous poser deux ou trois questions. La première porte sur votre entreprise, messieurs Smith et Crouch. Par exemple, ce test de dépistage rapide du VIH/SIDA qui n'est pas utilisé au Canada, même s'il a été créé ici, au pays, est néanmoins utilisé ailleurs dans le monde. Vous avez donné comme explication... Vous avez commencé par dire qu'une des raisons de cet état de choses était notre système public de soins de santé. Par la suite, vous avez ajouté qu'un autre test avait été produit avant le vôtre, qu'il avait obtenu les autorisations et qu'on s'était finalement aperçu qu'il était de qualité inférieure et donnait un nombre élevé ou inacceptable de résultats positifs erronés. Cette situation aurait eu des retombées négatives sur votre propre test, qui a obtenu ses autorisations peu après, et entraîné des réticences. Voici une explication qui ne met pas en cause le système public de soins de santé...
Voici à quoi je veux en venir. Je pense que c'est une honte qu'il ne soit pas utilisé au Canada. Je suis d'accord avec vous que lorsque vous exportez l'expertise ou les inventions canadiennes, les autres pays vous demandent si vos produits sont utilisés au Canada et il arrive parfois qu'ils veuillent venir et inspecter les installations, rencontrer vos clients, etc. Donc, à mon avis, c'est vraiment dommage.
Ma question est la suivante: ce test pourrait-il être utilisé--je suppose que oui--dans les hôpitaux, surtout, parce que vous avez mentionné les femmes enceintes porteuses du VIH, au moment de l'accouchement; les secouristes, les policiers, les pompiers ou peu importe; ou encore les médecins ou les infirmières qui viennent en contact avec... ou qui sont piqués par une aiguille, ou encore chaque fois qu'il y a une transfusion sanguine. Il y a bien des années de cela, j'ai travaillé dans un hôpital. Il possédait un laboratoire où l'on procédait aux tests. Donc, je suppose que les hôpitaux ont toujours ce genre de laboratoires. Bon, voilà une chose.
Mon collègue, M. Paquette, je pense--non, c'était M. Menzies--vous a demandé combien coûtait ce test. Est-ce que c'est ce facteur qui empêche les fonctionnaires du ministère de la Santé du Canada de l'adopter, de l'acheter et de le mettre à disposition dans les laboratoires, etc., pour qu'on puisse s'en servir? Est-ce que c'est cela le vrai problème aujourd'hui?
º (1630)
M. Giles Crouch: Pas directement. Le coût final réel que le système de soins de santé paierait par l'entremise de notre distributeur national se situe autour de 12 à 15 $ par test. Ce test pourrait être effectué à l'hôpital. Il a obtenu les autorisations nécessaires pour être utilisé soit avec le sérum ou le plasma humain. Il faut prélever un échantillon sanguin du patient, et effectuer la séparation du sang, donc il est idéal pour l'utilisation en laboratoire, et selon nous, il devrait être utilisé en laboratoire parce qu'il devrait y avoir une consultation ou un counselling avec le patient une fois que les résultats sont sortis, dans la mesure où ils sont positifs.
Il coûte environ 15 $. Et ce n'est pas ce qui est à l'origine de la réticence. Dans le cas d'une intervention prophylactique à la naissance auprès de la mère, on se trouve à faire économiser les contribuables; il est préférable de dépenser 15 $ pour un test plutôt que des milliers de dollars en médicaments et en thérapie de lutte contre le VIH pour un enfant. Dans le cas d'une infirmière ou d'un médecin, c'est la même chose: on économise tout ce que l'on dépenserait en médicaments. Donc, ce n'est pas vraiment le facteur. Il y a eu un problème avec le test de BioChem-Adaltis, et cette situation a eu une incidence sur nous au début, mais c'était il y a quelques années de cela.
L'hon. Marlene Jennings: Dans ce cas, quel est le problème aujourd'hui?
M. Giles Crouch: Il semble qu'il s'agisse seulement d'une réticence qui prend du temps à s'estomper, et je le répète, tout cela s'explique par le fait que le système canadien est un monopsone, et qu'il ne stimule pas la demande sur le marché. Au Canada, les consommateurs ne vont pas très avertis, et ils ne s'informent pas sur le nouveau matériel médical.
L'hon. Marlene Jennings: Cette question en particulier, pas celle des tests de dépistage rapide du VIH, mais plutôt celle des nouveaux produits de soins de santé, qu'il s'agisse de traitements ou de produits servant au diagnostic, m'a été posée personnellement il y a environ 18 mois. L'entreprise qui l'avait soulevée, avait mentionné quelques-unes des préoccupations que vous venez d'énoncer, notamment la réticence, le fait que le public n'était pas très averti, et aussi que l'on avait affaire à un acheteur public, un acheteur en vrac, donc qu'il n'y avait pas de place pour la concurrence, etc. Elle avait suggéré qu'un des moyens que le gouvernement, et le gouvernement fédéral en particulier, pourrait utiliser pour corriger la situation ou du moins pour contribuer à la corriger, consisterait à collaborer avec le secteur privé à la mise sur pied d'un centre modèle où ces nouveaux produits seraient mis à l'essai. Un réseau de cliniques et de médecins, etc., pourraient y travailler, et ce centre serait en communication avec le réseau info-santé, qui est sur le point d'être mis en place. Ce serait un endroit où l'on pourrait réunir les médecins ou les fonctionnaires du ministère de la Santé de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique. Ils viendraient sur place se rendre compte par eux-mêmes des résultats obtenus avec les produits. On y traiterait de vrais patients, mais ce serait un peu comme lors d'une expérience, une sorte de laboratoire, un laboratoire vivant.
Pensez-vous que c'est une chose que le gouvernement devrait faire?
º (1635)
M. Giles Crouch: Je pense que oui. C'est certainement un pas dans la bonne direction, parce que cela contribuera à faciliter les choses aux entreprises--les entreprises de biotechnologie et de sciences de la vie ainsi que les sociétés pharmaceutiques qui souhaitent essayer de fabriquer de nouveaux produits. Cela leur donnerait un point de départ, parce que, pour l'instant, il faut aller aux États-Unis, et tous nos frais sont en devises américaines. Aïe!
M. James Smith: Si vous me permettez un commentaire, Giles, je pense que vous avez très bien répondu, mais ce ne sont pas les médecins qui sont les moteurs du système, dans ce pays.
Au Canada, nous avons un très bon système. Il comporte beaucoup d'aspects très positifs. Et grâce à Dieu, nous sommes privilégiés d'en bénéficier. En revanche, certains secteurs sont assez réfractaires au changement. Il y a donc de grosses machines, qui coûtent cher, et qui sont chargées d'effectuer ces tests, et elles conservent les panels. Elles doivent les sauvegarder durant plusieurs jours avant de pouvoir effectuer les tests. C'est la raison pour laquelle, lorsque vous vous adressez à votre médecin...
J'ai reçu l'autre jour un courriel d'une dame de Victoria. Son fils avait décroché un emploi, et il devait faire effectuer des analyses sanguines. Il sortait de l'université et s'était trouvé du travail sur un navire. Quoi qu'il en soit, on lui a dit qu'il faudrait attendre de quatre à cinq semaines avant d'obtenir les résultats des analyses pour son fils. Ça peut sembler extravagant, mais c'est la pure vérité, c'est le temps nécessaire pour que les paperasses fassent le tour du système.
C'est un problème. Donc, des emplois sont en jeu. Je pense que certains s'inquiètent à l'idée de perdre un emploi. Et c'est sans compter les doutes qui subsistent quant à la qualité de ces tests que l'on compare à ceux qui sont effectués dans les hôpitaux. En Chine, dans certaines régions, on est très à cheval sur les questions scientifiques. Le niveau est vraiment excellent. Et le Centre for Disease Control de l'endroit a comparé notre test avec celui qui était effectué traditionnellement à l'hôpital. On a trouvé que les deux étaient d'une qualité égale, et que le nôtre était le meilleur parmi les dix qui étaient disponibles en Chine. Nous nous sommes classés les premiers pour le test rapide, et à égalité avec le test traditionnel.
Il ne s'agit pas d'un test de qualité inférieure, mais je pense que nous évoluons au sein d'un système qui est réfractaire au changement. On peut penser qu'il n'y a qu'un seul acheteur, mais en fait, ce sont des acheteurs du même genre, si vous voulez. Et nous sommes arrivés à un point où--encore une fois, je ne veux pas abuser des mots « morale » et « éthique »--des vies sont mises en danger du simple fait que l'on ne puisse obtenir les résultats de ce test avant 24 heures et même deux ou trois jours.
Je suis en faveur de ce que vous avez proposé, à la fois du point de vue de la santé publique et en tant que médecin. Mais ce ne sont pas les médecins qui sont la force d'impulsion du système. Des universités américaines viennent de publier des études qui portent justement sur cette question--que nous devons faire passer des tests aux adultes en Nouvelle-Écosse. En plein coeur de Manhattan, on enregistre une forte incidence--elle est aussi élevée qu'en Afrique--et des universités très respectables publient des recommandations comme quoi il faut faire quelque chose à ce sujet.
L'hon. Marlene Jennings: Non, ce sont les administrateurs des systèmes de santé qui approuvent les budgets, et les ministères provinciaux qui accordent tel et tel montant à tel hôpital, selon la province, et quel que soit le système. Mais ce sont précisément ces gens qu'il faudrait inviter à visiter ce centre, pour leur montrer que ça fonctionne, et que ça permettrait d'économiser un montant x en dollars.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais passer à un autre point. Merci beaucoup.
Monsieur Steeves, vous avez parlé de l'ACDI, et du fait que l'Agence ne participait plus aux projets d'infrastructure, et qu'elle s'était pour ainsi dire retirée de ce genre de projets depuis les 10 ou 15 dernières années. Et il se pourrait même que l'on doive remonter jusqu'aux années 80 pour trouver le moment où l'Agence a commencé graduellement à se retirer de ce genre d'activités. Je suis sûre que vous connaissez les raisons ayant motivé ce retrait, parce que nous avons participé à des projets d'infrastructure de grande envergure, et que les pays en développement n'avaient pas les moyens de continuer à utiliser ces usines d'épuration des eaux, ces centrales hydroélectriques ou même d'assurer l'entretien des autoroutes et quoi encore, et que l'on se retrouvait presque avec des mausolées. Donc, il y a eu des pressions de la part des Canadiens pour que l'Agence se retire de ce genre de projets--qu'elle cesse d'investir dans la construction pour investir plutôt dans les populations.
Mais je reconnais avec vous que sur une plus petite échelle, l'infrastructure peut avoir une incidence majeure en très peu de temps sur l'existence des populations, et dépasser les limites d'un petit village. Je suis allée dans le nord du Ghana--il y a environ deux ans, je pense--et j'ai visité à cette occasion un village de Ghanéens musulmans. Ils élevaient des porcs. Leur imam leur avait donné la permission. Du moment qu'ils n'abattaient pas les porcs, ils avaient obtenu l'autorisation de diversifier et de se lancer dans l'élevage du porc.
Alors, lorsque vous parlez de cette invention pour laquelle vous détenez des brevets et qui permettrait de transformer le purin de porc en biogaz, pour ensuite le transformer en électricité, donc en énergie, etc., tout en réduisant la quantité de mouches, et ce faisant les risques d'infection et de maladie, je trouve tout cela extrêmement intéressant. Je ne vois pas pourquoi l'ACDI ne participerait pas à la promotion de ce genre de projet.
º (1640)
M. Andrew Steeves: Je suis d'accord avec vous, mais je pense que nous avons une autre optimiste--si vous me permettez l'expression--étant donné qu'ils sont le seul acheteur de services d'aide au Canada. J'ai été très intrigué lorsque vous avez parlé de votre modèle, et je me suis retenu pour ne pas intervenir par rapport aux commentaires de James et de Giles comme quoi on pourrait appliquer ce système aux éleveurs de porcs du Ghana, afin de voir s'il est acceptable. Et pas seulement acceptable, parce qu'en ce qui me concerne, acceptable veut dire aussi durable. Vous savez, on peut très bien construire ce système, ça paraît bien, et nous allons couper le ruban, et nous faire prendre en photo, mais dans six mois, la membrane pourrait bien être tombée dans le purin, et plus personne ne s'en servira. C'est toujours ce qui importe le plus pour moi, déterminer si cette intervention est durable.
Je voudrais seulement bien me faire comprendre. Il s'agit simplement de prendre un étang, creusé à même le sol ou dans le béton, et de le recouvrir d'une membrane. Nous avons conçu cette membrane de manière à ce qu'elle résiste aux rayons ultraviolets. S'il pleut dessus, la pluie peut être récupérée, et ainsi de suite. Ce sont de petites choses finalement. Je pense que ce serait merveilleux si nous pouvions trouver le moyen de vérifier si ce projet est réalisable.
Dans le cas de l'ACDI, on peut voir que l'on est passé d'un extrême à l'autre, c'est-à-dire des vastes projets d'infrastructure dignes de figurer sur la page couverture de Engineering News-Record, à des projets pratiquement dépourvus d'infrastructure. C'est seulement malheureux que... et je le répète, je pense que nous avons tous tendance à agir ainsi. Je suis ingénieur; les ingénieurs le font. Les travailleurs sociaux le font aussi. Les avocats le font. Quel que soit le modèle « en vogue », nous nous jetons dessus plutôt que d'essayer de déterminer ce qui convient dans la région.
Chaque fois que je prends l'avion pour rentrer à la maison, ça me frappe. Et, ce soir encore, je vais revivre les mêmes sentiments. Que l'on rentre au Nouveau-Brunswick ou en Saskatchewan, on est frappé par l'immensité déserte de ce pays. C'est peut-être un peu différent dans le sud de l'Ontario ou dans la région de Montréal, au Québec. Mais pourquoi n'essayons-nous pas d'exporter un peu de ce que nous avons appris au fil du temps, dans les régions éloignées du Nouveau-Brunswick, pour communiquer, et nous déplacer sur des routes conçues pour résister au gel, aux inondations et à des conditions difficiles, oui, pourquoi n'essayons-nous pas d'exporter cette expertise en Europe, plutôt que d'importer l'idée des autoroutes à huit voies avec des échangeurs et tout le tralala?
L'hon. Marlene Jennings: Je déduis de votre explication que le gouvernement, et plus précisément le gouvernement fédéral, devrait élaborer un modèle qui permettrait, lorsque apparaissent sur le marché canadien des produits nouveaux et qui lui conviennent parfaitement--par exemple, des produits de diagnostic dans le domaine de la santé, et que ces produits sont susceptibles de convenir à un pays en développement, dans le contexte de la coopération internationale au développement--d'offrir une vitrine aux produits canadiens afin de montrer qu'ils sont efficaces et durables, et que les autres pays feraient bien de s'y intéresser.
Le président: Cela ressemble davantage à un énoncé qu'à une question, et je vais céder la parole à M. Julian.
L'hon. Marlene Jennings: Non, j'ai tout simplement fait un résumé. J'ai regroupé les questions et les réponses dans la même phrase, et j'ai vu que nos recherchistes prenaient des notes avec avidité.
Le président: Je les ai vus aussi.
Monsieur Julian.
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci beaucoup.
Vous en avez peut-être parlé durant votre déclaration préliminaire, mais je tenais à ce que chacun d'entre vous m'indique quel pourcentage de ses activités était effectué au Canada, et quel pourcentage à l'étranger, et aussi que vous me disiez quels sont vos principaux marchés à l'extérieur du Canada. En pourcentage, pour ce qui est de vos sociétés, quel serait le chiffre? Et quels sont les principaux marchés, sur tous les plans?
º (1645)
M. Andrew Steeves: Cette année, notre entreprise enregistrera un chiffre d'affaires d'environ 50 millions $, et nos activités à l'extérieur du Canada se chiffreront quelque part entre 25 et 30 millions $. Sur ce montant de 25 à 30 millions $, probablement la moitié sera réalisée aux États-Unis, et peut-être même un peu plus, et les autres plus grosses parts proviendront du Panama, de la Chine, de l'Australie et de la Corée.
M. Peter Julian: Quels sont les montants en jeu? Est-il question de 1 million $ dans chacun de ces pays?
M. Andrew Steeves: Non, nous avons un grand projet en Australie qui rapportera quelque chose comme 6 ou 7 millions $. Le projet au Panama devrait se chiffrer autour de 2 ou 3 millions $. En Chine, nous avons bon espoir de réaliser une série de projets qui pourraient totaliser environ 800 000 $ chacun. Nous avons des partenaires dans tous ces pays.
M. Peter Julian: Donc, essentiellement, deux ou trois millions là-bas.
M. Andrew Steeves: Oui, et je réalise que l'Australie n'est pas un pays émergent.
M. Peter Julian: Non. C'est juste.
Et en Corée?
M. Andrew Steeves: En Corée, ça dépend, parce que nous avons un partenaire dans ce pays, et parfois nous réalisons un chiffre d'affaires de 50 000 $, et d'autres années de 800 000 $. Je le répète, dépendant du partenaire avec lequel nous faisons affaire--et l'économie tourne un peu au ralenti en ce moment, si j'ai bien compris. Nous avons entrepris des démarches à Taïwan, mais ce projet s'est achevé l'année dernière.
Nous avons travaillé dans 30 pays, depuis les 20 dernières années et nous avons entrepris des projets d'envergure dans je dirais pratiquement chacun d'eux.
M. Peter Julian: Est-ce que ces contrats ont tendance à avoir une certaine durée dans le temps, ou bien s'agit-il plutôt de contrats ponctuels? Si vous souhaitez faire de nouveau affaire avec un pays en particulier, devez-vous reprendre tout le processus depuis le début?
M. Andrew Steeves: Pour dire les choses clairement, tous ces projets--et quand je dis tous, je veux dire 90 p. 100 et plus--sont destinés au secteur privé. Pour vous donner un exemple: prenons une fromagerie australienne où l'on souhaite traiter les eaux usées--peut-être que la fabrique date de quelques années, qu'elle est surchargée, démodée, peu importe. Nous allons construire une station de traitement d'eau pour cette fromagerie. On mettra en place un programme de service après vente, et nous continuerons de collaborer avec le personnel pour nous assurer que tout fonctionne bien. Dans certains cas, on utilise des instruments et des systèmes de commande pour faciliter la gestion de la station; et parfois, ce n'est pas nécessaire. Mais cela représente un contrat de 20 000 $ par année. Comme nous maintenons le contact avec ces gens, il se pourrait que l'on nous invite à soumissionner lors de la prochaine modernisation, qui est prévue pour dans dix ans. Il faut en effet remplacer la membrane tous les huit ou neuf ans, par conséquent, il y a des modalités permanentes... il s'agit donc plus ou moins d'une opération ponctuelle, et il nous reste à trouver une autre fromagerie australienne susceptible d'être intéressée par nos membranes.
M. Peter Julian: Comment procédez-vous pour surveiller continuellement les projets susceptibles de déboucher?
M. Andrew Steeves: Comme nous évoluons dans le secteur privé... nous fréquentons les foires commerciales. Il s'agit de foires régionales et internationales destinées à l'industrie laitière, à l'élevage porcin, aux brasseries, aux distilleries, et ainsi de suite. Il nous a fallu du temps pour comprendre cela. Ça l'air simple comme cela, mais nous avons commis beaucoup d'erreurs. L'une des choses que nous avons apprises, ce fut d'aller chercher les acheteurs là où ils se trouvent, et les foires commerciales sont justement l'un de ces endroits.
Nous faisons de la publicité et du marketing, nous effectuons des visites à l'improviste, mais vous seriez surpris de voir à quel point le monde est petit. Par exemple, dans le domaine de la transformation de la pomme de terre, nous avons un représentant. Il se fait fort de mettre la main sur pratiquement tous les grands transformateurs de pommes de terre dans le monde entier parce que, finalement, l'univers est assez restreint pour beaucoup de ces industries. Et ce serait la même chose pour les mines et la transformation des métaux. Par exemple, dans l'automobile, il y a en réalité seulement huit grands constructeurs.
M. Peter Julian: Pour poursuivre dans la même veine, avant de passer à MedMira, j'aimerais parler de l'aide que vous recevez du gouvernement canadien à l'échelle internationale. Vous dites que vous visitez les foires commerciales et que vous essayez d'y maintenir un réseau de contacts. Avez-vous obtenu une aide appréciable? Quel genre d'aide avez-vous reçu? Vous avez mentionné très clairement que l'ACDI n'avait pas vraiment été utile. Et en fait, l'ACDI ne figure même pas dans vos cibles.
M. Andrew Steeves: J'ai mentionné l'ACDI parce que, dans certaines circonstances précises, cette technologie pourrait être utilisée par un organisme sans but lucratif, comme un village où les déchets de la collectivité sont acheminés et où il est possible de produire du biogaz.
Nous n'obtenons pas vraiment beaucoup d'aide de la part des attachés commerciaux, pour parler franchement. Parfois, lorsque nous nous rendons dans des pays comme la Chine, nous les informons de notre venue, mais la plupart de nos contacts ont été pris par nous-mêmes ou par nos partenaires. Ce qui nous ramène à ce que nous disions tout à l'heure--nous sommes du trop menu fretin pour apparaître sur les écrans radars. Pour nous, des projets de 3 ou 4 millions $ sont importants, mais si vous travaillez pour l'ambassade du Canada à Beijing, 3 ou 4 millions $, ce n'est pas un gros projet. Dans bien des cas, c'est juste assez peu pour qu'ils ne s'y intéressent pas. Enfin, c'est notre hypothèse. Je ne veux pas m'en prendre aux attachés commerciaux, parce que lorsque nous leur avons demandé de l'aide, comme l'a mentionné aussi MedMira, ils ont répondu à l'appel--mais nous avons dû la demander cette aide. Nous n'avons pas beaucoup d'exemples à vous donner. Je vous ai cité celui de l'ambassade du Canada à Dublin. Les attachés de là-bas produisent des listes des projets qui se déroulent dans ce pays. Mais c'est rare.
º (1650)
M. Peter Julian: De combien de minutes est-ce que je dispose?
Le président: De sept minutes, monsieur.
M. Peter Julian: Dans ce cas, je vais poursuivre sur cette lancée, pour un petit moment. Quel genre d'aide avez-vous reçu? Vous avez mentionné que le bureau commercial de l'Irlande faisait des efforts particuliers. Plus précisément, quel est à votre avis le genre d'aide le plus utile pour vous?
M. Andrew Steeves: Eh bien, parfois, nous éprouvons des difficultés à faire entrer un ingénieur professionnel dans un pays, et cette situation concerne davantage notre voisin que les autres pays--entrer aux États-Unis, par exemple, ou dans d'autres pays, peut se révéler difficile. Parfois, nous devons connaître certains détails sur les arrangements commerciaux, les contrats, et ainsi de suite. Je le répète, nous avons pu obtenir de l'aide de Exportation et développement Canada, mais nous n'avons pas créé un seul emploi par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
M. Peter Julian: Pas un seul emploi?
M. Andrew Steeves: Pas un seul--et nous n'avons pas travaillé pour l'ACDI depuis 1993, et ce fut notre seul et unique projet.
M. Peter Julian: Si nous avons le temps, je reviendrai à l'ACDI, mais je tenais à poser la même question aux représentants de MedMira, en ce qui concerne leurs marchés dans le monde entier et l'aide qu'ils ont reçue.
M. Giles Crouch: Nous avons achevé l'étape de la R-D l'année dernière seulement, et nous avons amorcé l'étape de la commercialisation dès que nous avons obtenu l'autorisation de la FDA.
L'année dernière, nous avons enregistré un chiffre d'affaires de 2,4 millions $. Le marché est en pleine croissance. Évidemment, nous nous efforçons d'élargir le marché pour une petite entreprise. Les États-Unis représentent environ 70 p. 100 de nos revenus, la Chine entre 10 et 15 p. 100, et le reste se répartit entre divers pays. Mais les choses vont changer considérablement au cours du présent exercice. En effet, nous prévoyons une diminution pouvant atteindre 50 p. 100 aux États-Unis, et que le reste du 50 p. 100 sera réparti entre la Chine, l'Amérique latine et l'Afrique.
M. Peter Julian: Quelles sont les ventes prévues pour cette année?
M. Giles Crouch: Nous prévoyons atteindre un chiffre d'affaires entre 4,5 et 5 millions $.
M. Peter Julian: Très bien, donc vous prévoyez doubler le chiffre d'affaires.
M. Giles Crouch: Oui. Nous nous attendons à continuer à doubler notre chiffre d'affaires au cours des trois ou quatre prochaines années.
M. Peter Julian: C'est très intéressant. Et vous prévoyez le faire sans le marché canadien?
M. Giles Crouch: Oui, sans le marché canadien. Le chiffre total des ventes au Canada, durant le présent exercice, est de 8 000 $.
M. Peter Julian: Et en quoi est-ce que cela consiste, si ce n'est pas indiscret?
M. Giles Crouch: C'est un peu moins de 0,00...
M. Peter Julian: Non, non, mais 8 000 $... parce que vous avez dit... Nous allons revenir à la question--parce que j'ai appris un nouveau mot aujourd'hui--du monopsone. Donc, pour y revenir, ce montant de 8 000 $ est pour...
M. Giles Crouch: Il s'agit des tests de dépistage rapide qu'utilisent les Forces canadiennes, ainsi que un ou deux hôpitaux.
M. Peter Julian: Donc, les forces armées les utilisent?
M. Giles Crouch: Oui, il s'en servent dans les théâtres des opérations à l'étranger, comme en Bosnie et en Afghanistan.
M. Peter Julian: Qu'est-ce qui cloche là-bas?
M. Giles Crouch: Eh bien, on s'en sert pour effectuer des tests de dépistage sanguin, pour protéger nos troupes.
M. Peter Julian: Quelle aide avez-vous reçue de la part des fonctionnaires du MAECI ou encore de nos ambassades ou consulats?
M. Giles Crouch: Nous n'avons jamais reçu d'aide financière de la part de nos ambassades. Nous n'en avons jamais demandé, et ils n'en ont pas à offrir non plus. Quant aux délégués commerciaux, en Chine, lorsque Jim s'y est rendu à l'occasion pour voir ce qui s'y passait, les délégués commerciaux se sont présentés lors d'événements pour y déployer le drapeau canadien. C'est assez important en Chine, lorsque l'on veut traiter avec le gouvernement chinois. Dans le passé, des délégués commerciaux m'ont emmené pour me présenter à diverses entreprises. Lorsque nous faisions des affaires en Suède, l'ambassadeur était venu assister à un événement que nous avions organisé à l'ambassade. Il s'était déplacé pour y assister, et nous pensons que cela a eu une incidence favorable sur la conclusion de marchés. Les gens ont été impressionnés. C'est un honneur pour nombre d'entreprises de recevoir une invitation de l'ambassade du Canada.
M. Peter Julian: Oh, oui, tout à fait.
M. Giles Crouch: Les délégués commerciaux de l'Afrique du Sud ont été d'une aide extrêmement précieuse, et ce, même s'il y a eu une forte dissension entre l'ACDI et le délégué commercial en Afrique du Sud concernant le projet du NEPAD. Le délégué nous a confié qu'il ne pouvait rien faire pour nous en rapport avec l'ACDI. Ce fut très frustrant pour nous. Mais la haute-commissaire nous a prêté sa résidence pour que nous puissions y effectuer le lancement de notre produit sur le marché sud-africain, et pour y tenir une petite conférence.
L'ACOA, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, nous a soutenus en nous fournissant une aide financière pour le marketing par l'entremise de prêts remboursables. Nous sommes heureux d'accepter des prêts remboursables plutôt que des subventions ou une aide financière gratuite. Nous préférons devoir rembourser.
Pour revenir sur le commentaire qu'a fait tout à l'heure M. Steeves, nous ne figurons pour ainsi dire pas dans le collimateur de EDC, et ce, même si certains des marchés que nous transigeons valent autour de 2 millions, 3 millions ou même 5 millions $. EDC ne semble pas trouver que nous valons la peine qu'elle s'intéresse à nous. L'organisation s'intéresse davantage aux projets de très grande envergure, aussi nous ne sommes pas vraiment visibles sur son écran radar.
º (1655)
M. Peter Julian: Est-ce le résultat d'une conversation ou d'une déduction?
M. Giles Crouch: Je dirais plutôt une déduction. On ne nous l'a jamais dit directement. À une occasion, on nous a fait savoir qu'un de nos projets était trop petit pour qu'ils s'y intéressent. Et à d'autres moments, on nous a simplement dit qu'un projet de telle ou telle envergure ne figurait pas dans leur mandat.
M. Peter Julian: Pour en revenir à vos commentaires concernant le monopsone et le système de santé canadien, est-ce que le vrai problème ne vient pas du manque d'encouragement pour l'innovation canadienne? Dans les deux cas, qu'il s'agisse de l'ACDI ou du système de soins de santé, on ne sent pas le genre d'encouragement nécessaire pour stimuler les innovations susceptibles d'avoir des retombées positives sur d'autres technologies ou d'autres innovations dans des secteurs différents qui pourraient être non seulement utiles aux Canadiens, mais aussi exportées ailleurs dans le monde.
M. Giles Crouch: Absolument.
Roger Martin, qui est le doyen de la Rotman School of Management de l'Université de Toronto, a produit un excellent rapport intitulé, “Where are the Exports? The Canadian Health Care Mystery”, et nous nous en sommes inspirés abondamment.
Le problème commence au Canada, parce que nous sommes un monopsone. Nos consommateurs ne sont pas assez avertis pour savoir quoi rechercher dans tel ou tel produit. Aux États-Unis, étant donné que l'on a un éventail de fournisseurs de soins de santé, on peut dire: « Je vais dans tel hôpital parce oncle Jos a dit qu'ils ont ce nouveau test extraordinaire avec lequel on peut obtenir les résultats en l'espace de cinq minutes ou d'une demi-heure », ou encore je peux décider d'aller passer une IRM dans cet hôpital plutôt qu'un autre, parce que le service est plus rapide et un peu moins cher.
Mais au Canada--et je ne voudrais pas que vous pensiez que je fais l'éloge du système américain par rapport au nôtre; ce n'est pas du tout mon intention.
M. Peter Julian: Je serais bien la dernière personne autour de cette table à accepter que vous le fassiez. C'est bien simple, le système de soins de santé des États-Unis coûte deux fois plus cher; et des millions de personnes en sont exclues.
J'essayais de faire valoir que le problème ne tenait pas à la structure de notre système de soins de santé, mais plutôt au fait qu'il n'y avait pas suffisamment d'encouragement à l'innovation, comme il se devrait.
M. Giles Crouch: C'est exact.
M. Peter Julian: Il n'y a pas de raison pour que notre structure existante de soins de santé ne comporte pas de mesures d'encouragement pour l'innovation. Il devrait y en avoir.
J'essaie de vous dire que je suis d'accord avec vous sur ce point; mais pas en ce qui concerne la cause. La cause, ce n'est pas la structure. La cause, c'est le fait que nous n'encourageons pas l'innovation, et nous pourrions le faire à l'intérieur de notre système de soins de santé actuel.
M. Giles Crouch: Je pense que nous le pouvons, en effet. Nous avons un bon système de santé, mais il est nécessaire de stimuler l'innovation.
Ce qui nous ramène aux remarques de Mme Jennings sur la possibilité de mettre sur pied un centre où pourraient évoluer des entreprises dans le domaine des sciences de la vie et de la biotechnologie. Il pourrait y avoir deux centres, et cela comporterait l'avantage d'attirer les gouvernements étrangers qui viendraient voir ce qui se passe, et éventuellement, ces innovations pourraient se traduire en ventes à l'exportation.
M. Peter Julian: Vous avez parlé tout à l'heure, monsieur Steeves, de la recanadianisation de l'ACDI. Pourriez-vous être un peu plus précis?
M. Andrew Steeves: Il y a eu une forte pression au sein de cette organisation pour que l'on adopte une approche multilatérale plutôt que bilatérale. Bilatérale veut dire canadienne. Avec une approche bilatérale, il est question du Canada faisant affaire avec des entreprises du pays. L'approche multilatérale quant à elle consiste à soutenir une troisième entité, disons les Nations Unies ou la Banque interaméricaine de développement, grâce à vos dons, ce qui leur donne ensuite le loisir de décider quoi faire avec leurs ressources et leur personnel beaucoup plus imposants, et ainsi de suite.
Le problème, c'est que la réputation des entreprises canadiennes--pas seulement dans mon secteur, mais en règle générale, auprès de la Banque mondiale, etc.,--laisse à désirer. Je ne veux pas revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la structure, mais je vais vous expliquer une chose. Toute structure a tendance à se calcifier avec le temps; elle a tendance à adopter une vision sclérosée. C'est ce qui, à mon avis, est en train de se passer avec l'ACDI ou le corps médical. Il y a une telle pression en vue de réduire les coûts grâce au regroupement, en se servant du pouvoir d'achat du groupe pour acheter des médicaments auprès du fournisseur qui demande le plus bas prix, que cela n'encourage en rien l'innovation. Non, vraiment pas.
Je vous suggère--et encore une fois, il est important de tenir compte de mon contexte, de là d'où je viens--qu'une énorme partie de l'innovation ne vient pas du noyau; elle vient d'autour du noyau. L'histoire a permis d'écrire des théories complètes sur le sujet. L'innovation n'est pas venue de Rome; elle est venue des environs, dans un rayon de 50 milles autour de Rome. Les Canadiens pourraient être tentés de dire qu'un certain fuseau horaire est plus innovateur que d'autres--en tout cas, c'est vrai dans certaines régions.
» (1700)
M. Peter Julian: La Colombie-Britannique.
M. Andrew Steeves: Non, je ne dirais pas cela de la Colombie-Britannique, parce que la Colombie-Britannique est très innovatrice en matière de génie.
M. Peter Julian: C'est ce que je veux dire. La Colombie-Britannique se situe à seulement quelques fuseaux horaires plus loin.
M. Andrew Steeves: Nous avons une structure très solidement établie, il est difficile de remettre en question quoi que ce soit à l'intérieur de cette structure. Nous avons déjà vécu la même expérience. Nous avions mis au point une technologie destinée à éliminer l'arsenic de l'eau potable. Dans notre province, un ancien premier ministre facilitait les choses pour une autre entreprise canadienne concurrente.
Le président: Il semble, pour une raison ou pour une autre, que je sois plus généreux avec mes collègues du Nouveau parti démocratique pour ce qui est du temps alloué. C'était une bonne question.
Pour ce qui est de nos représentants à l'étranger, vous avez fait appel aux services de notre représentant en Irlande?
M. Andrew Steeves: Oui.
Le président: J'ai remarqué que ces délégués commerciaux qui travaillent à l'étranger pour le pays sont mutés tous les trois ou quatre ans. Étant donné le temps investi pour former ces gens, est-ce que vous suggéreriez que leur mandat soit prolongé? Monsieur Steeves, vous avez dit que vous alliez là où se trouvaient les acheteurs, et qu'il faut du temps pour prendre de l'expérience. Est-ce que le même principe ne devrait pas s'appliquer aux attachés commerciaux?
M. Andrew Steeves: Je suis assez d'accord avec vous, et je vais vous expliquer pourquoi. Il faut beaucoup de temps. Avec nos ingénieurs, il faut compter trois ans avant qu'ils puissent donner un certain rendement. Ils doivent connaître les rouages de l'entreprise, les caractéristiques de la technologie, et mettre tous les morceaux ensemble. Je suppose que cela s'applique aussi aux endroits. Il serait logique de prendre trois années au moins avant de connaître un endroit et ses caractéristiques.
Par exemple, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement accomplit beaucoup de travail dans l'est de l'Europe. Je serais prêt à parier qu'une bonne part de ce travail est réalisée par des Européens, pas par des entreprises nord-américaines ou japonaises. Pourquoi? Parce que le financement provient des autres pays européens.
Nous perdrions tout simplement notre temps si nous tentions d'approcher la Pologne en vue d'y construire une station d'épuration des eaux pour une friterie, si c'est la Banque européenne pour la reconstruction et le développement qui finance le projet. C'est sûr que le contrat ira aux Hollandais, aux Allemands ou aux Britanniques.
Le président: Vous faites référence à l'ACDI, je suppose.
M. Andrew Steeves: Exact, mais l'attaché commercial nous dirait de ne pas y aller. Du point de vue des Nord-Américains, le processus n'est pas transparent. Avec les Européens, il est transparent. On accepte votre proposition, mais vous n'avez aucune chance de remporter l'appel d'offres.
Le président: Le fait qu'il y ait de plus en plus d'organismes présents dans divers pays est une bonne chose, cependant, ces organismes doivent prendre le temps de se familiariser avec le terrain.
Vous avez déclaré qu'il n'existait aucune mesure d'encouragement à l'innovation. Est-ce que MedMira a reçu une aide financière quelconque du gouvernement au titre de la R-D?
M. Giles Crouch: Pas beaucoup.
M. James Smith: Durant les étapes de la R-D, le gouvernement provincial a injecté 600 000 $. Nous avons aussi bénéficié de certains avantages fiscaux et de mesures de ce genre. L'ACOA nous a bien traités. Il nous a fallu près de quatre ans pour obtenir l'autorisation de la FDA pour notre premier test de dépistage du VIH.
Le président: Lawrence MacAulay était le Premier ministre de la Nouvelle-Écosse à l'époque, et c'est lui qui vous a accordé de l'aide?
M. James Smith: Non, il s'agissait de M. MacLellan.
Le président: MacLellan, c'est bien ça--un ancien collègue et membre du Parlement.
Vous avez fait plusieurs fois référence au gouvernement, et j'aimerais clarifier les choses. Si j'ai bien compris, vous avez obtenu votre avis de conformité en 1995 ou 1996?
M. James Smith: Nous l'avons obtenu de Santé Canada en 1998. Avec la FDA, il a fallu attendre jusqu'en 2003.
» (1705)
Le président: Je me suis un peu documenté sur votre entreprise. Vous avez dû affronter des obstacles à l'échelle provinciale et n'avez pas réussi à établir de contact avec le gouvernement du Canada. L'avis de conformité vous a donné le feu vert, mais ensuite vous avez dû composer avec la lourdeur du système provincial. Les conditions varient beaucoup, d'une province à l'autre. Ou encore, était-ce plutôt le gouvernement fédéral qui vous a empêché de vendre votre produit dans les laboratoires?
J'aimerais établir la distinction entre les secteurs de compétence provincial et fédéral, pour le compte rendu.
M. James Smith: Le gouvernement provincial était désireux de nous voir demeurer en Nouvelle-Écosse. Le siège social se trouvait à Toronto, à l'époque.
Le président: Mais a-t-on utilisé vos tests dans des laboratoires?
M. James Smith: Oui, on en a utilisé dans certains hôpitaux, mais je le répète, nous avons éprouvé des difficultés en raison de l'autre entreprise qui fabriquait des tests, et c'est alors que les choses se sont gâtées. L'autre problème, comme je l'ai mentionné auparavant, c'est que le système utilisé dans les hôpitaux continuait de fonctionner. Vous savez comment ça se passe, les tests étaient déjà effectués, alors pourquoi changer? Je pense que l'idée même de l'innovation et d'y avoir recours...
Le président: Me permettez-vous d'insister, monsieur Smith, afin de déterminer à qui la faute? Est-ce le gouvernement fédéral qui a fait obstacle une fois que vous avez obtenu l'avis de conformité?
M. James Smith: Il s'agit tout simplement d'une occasion manquée. J'étais assez bien informé, en 1998, et pendant toute cette période, je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a eu des obstacles. Mais plutôt, une absence d'occasions favorables. Je ne vois pas comment répondre à cette question autrement.
Le président: Mes collègues l'ont déjà dit et je suis d'accord avec eux, c'est décevant, et c'est vraiment une honte que d'avoir eu ce produit unique, résultat de l'innovation canadienne, un vrai produit canadien, et de pas s'y être intéressé plus que cela. C'est à ça que je veux en venir--j'essaie de voir si les ordres de gouvernement ont assumé leurs responsabilités. Je me rappelle qu'à l'époque où j'étais secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, nous discutions de la possibilité d'améliorer les choses sur le plan des autorisations, des essais cliniques, etc.
M. James Smith: Je pense que les choses se sont plutôt bien passées, de ce côté. Nous avons obtenu l'autorisation pour le Canada. Il nous fallait aussi un permis d'exportation et de laboratoire. Il n'était pas question de passer ce test sur la rue, ou dans une clinique du genre de celle que nous avons en ce moment au Canada, mais nous sommes néanmoins très satisfaits de ce que nous avons. Il n'existe toujours pas de remède pour le VIH/SIDA, et il est important que ces tests soient administrés par des personnes compétentes, avec beaucoup de soin.
Certains produits font l'objet de tests cliniques, pour ensuite être distribués dans les collectivités, et il s'ensuit parfois des catastrophes. C'est ce que nous avons été à même de constater un peu partout dans le monde, avec certains autres de ces tests: les essais cliniques donnent de bons résultats lorsqu'ils sont administrés par des personnes compétentes, mais une fois dans les collectivités, les résultats ne sont plus aussi intéressants. Mais avec MedMira, nous avons décidé d'adopter une approche positive, et nous ne faisons aucun reproche au gouvernement fédéral. Nous sommes en relation avec un système qui, dans l'ensemble, fonctionne assez bien. Mais bien sûr, certains aspects pourraient être améliorés.
Nous avons abordé la question du coût de notre test, et dans quelle mesure il répond aux exigences réglementaires. Lorsque l'on obtient la première autorisation aux États-Unis, on l'appelle la première génération. En fait, nous devions faire trois tests: les deux contrôles, et le test proprement dit. Je ne voudrais pas trop compliquer les choses, mais il y a eu trois tests, et disons que le coût total était d'environ 45 $. Certaines OSSI et d'autres vous diront que l'on avait droit à 25 $, mais nous sommes passés à la deuxième génération, et cela nous a permis de nous débarrasser des deux contrôles, ce qui fait que nous ne sommes tenus d'effectuer qu'un seul test à l'heure actuelle. Donc, nous pouvons exiger 20 $ pour un test, et il leur reste encore une marge de 5 $ dans leur budget. C'est alors que l'on se rend compte de l'importance des autorisations réglementaires, et c'est ce qui explique qu'elles sont si coûteuses. Mais nous avons réussi à passer de la première génération à la deuxième, avec l'autorisation de la FDA. C'est le genre de choses que nous avons améliorée au Canada aussi.
Le président: Maintenant, je vais conclure là-dessus, si vous le permettez. Nous savons que les Nations Unies ont entrepris une initiative de grande envergure en vue de surveiller certaines maladies, comme le VIH, par exemple, et de lutter contre elles. Le fait d'avoir obtenu l'autorisation du Canada et celle de la FDA n'a-t-il pas contribué à positionner votre entreprise, ou du moins ces produits canadiens, afin qu'il soit facile de se les procurer dans les régions où les besoins se font sentir--je n'ai pas l'intention de nommer ces régions, mais dans certains pays qui ont besoin de trousses de test de dépistage de ce genre?
» (1710)
M. Giles Crouch: Oui, dans une grande mesure. Malheureusement, une partie du problème tient à la commercialisation. Nous ne disposons pas de beaucoup de capitaux, aussi nous sommes en train d'essayer de modifier la formule.
Le président: Ce qui nous ramène à ce que disait M. Steeves, à savoir que nous avons besoin de personnes sur place pour faire la promotion du Canada, des produits canadiens et de l'innovation canadienne. Et cela s'inscrit dans la même ligne de pensée que les conclusions que nous allons mettre dans notre autre rapport, comme quoi EDC devra élargir son mandat et soutenir non seulement l'exportation des biens, des pommes de terre, etc.,--comme il se doit--mais aussi tout le reste.
M. Giles Crouch: L'ambassadeur du Canada aux Nations Unies pourrait aller défendre nos produits.
Le président: Je suis content que ce soit vous qui l'ayez dit, et pas moi.
Je vous remercie beaucoup d'être venus et de nous avoir présenté vos exposés. Il est certain qu'ils vont nous être très utiles lorsque viendra le moment de produire notre rapport sur ces marchés nouveaux et soi-disant émergents. Quoi qu'il en soit, je vous ai entendus tous les trois faire des commentaires très élogieux sur les marchés que l'on convoite au Brésil, en Chine et en Inde, mais cela ne devrait pas nous inciter à négliger d'autres régions que vous avez aussi mentionnées.
En passant, est-ce que MedMira fabrique ses produits en Chine?
M. James Smith: Non, l'autorisation de la FDA et celle que nous avons pour la Chine concernent uniquement notre installation de la Nouvelle-Écosse. Mais on pourrait envisager du conditionnement, à un moment donné.
Voyez-vous, il y a des choses qui nous inquiètent, comme par exemple lorsque la presse canadienne publie des articles sur des concurrents qui auraient soi-disant conclu des ventes avec l'Armée rouge--une expression qui n'a pas été utilisée depuis 18 ans, au moins--et nous entretenons de sérieux doutes sur la véracité de ces affirmations. Il s'agit d'une société canadienne qui dope le marché boursier, finalement, afin de faire la promotion de son produit, sans pour autant être en mesure de fabriquer le test de dépistage du VIH et de l'exporter du Canada à la Chine. Nous avons l'impression que ces gens vont probablement passer par Shanghaï, acheter un produit existant aux mêmes conditions et partir de là. Mais, il se trouve que ce sont nos concurrents, au Canada, sur le marché boursier, si vous voulez avoir une idée de ce à quoi nous avons affaire.
Mais il s'agit d'un produit, et notre coût, même s'il n'est pas beaucoup plus élevé, l'est parfois un peu plus que celui de ces entreprises qui sont prêtes à vendre dans ces pays en développement.
Le président: Eh bien, encore une fois merci d'être venus et de nous avoir transmis toute cette information. Comme je l'ai dit, nous avons l'intention d'en faire bon usage.
Je remercie mes collègues.
La séance est levée.