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PACP Rapport du Comité

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GESTION DE LA RECHERCHE SUR L’OPINION PUBLIQUE

INTRODUCTION

Le gouvernement du Canada a recours à la recherche sur l’opinion publique à diverses fins, et notamment pour orienter la conception ou la modification de programmes et de services nouveaux ou existants, pour évaluer la réceptivité des Canadiens à l’égard de nouvelles propositions gouvernementales ou, simplement, pour découvrir ce que les Canadiens attendent de leur gouvernement.

Le rapport que la vérificatrice générale Sheila Fraser a rendu public en novembre 2003 [1] examinait la façon dont le gouvernement a géré ses contrats de recherche sur l’opinion publique contrats entre 1999-2000 et 2002-2003 et cherchait à déterminer si le gouvernement avait suivi ses propres lignes directrices en matière d’administration et de contrats pour attribuer et gérer ces contrats. Mme Fraser a conclu que pour l’essentiel, « le gouvernement fédéral gérait la recherche sur l'opinion publique de manière transparente et à l'aide de contrôles adéquats [2]. » Lors de son témoignage devant le Comité (38e législature, 1re session, réunion no 30), elle a ajouté que les activités de recherche sur l’opinion publique étaient « coordonnées de façon centrale, conformément aux politiques » (et) que la « sélection des fournisseurs pour les offres à commandes respectait le processus concurrentiel. » En outre, contrairement au Programme des commandites (Chapitre 3, novembre 2003), où les contrats étaient attribués et rédigés par les mêmes personnes, les services de recherche sur l’opinion publique séparaient les deux fonctions de sorte que, d’après Mme Fraser, « la séparation des tâches était appropriée. » Bref, le gouvernement fédéral a respecté ses propres lignes directrices en choisissant des cabinets de recherche sur l’opinion publique selon un processus essentiellement concurrentiel géré par un organe de coordination centralisé.

À l’époque, cet organe de coordination s’appelait Communication Canada. En avril 2004, les principales fonctions de coordination ont été prises en charge par la Direction de la recherche sur l’opinion publique (DROP) à la Direction générale des services d’information du gouvernement, un service du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada (TPSGC). En 2003-2004, la Direction de la recherche sur l’opinion publique a coordonné 593 projets de recherche sur l’opinion publique représentant au total 25,4 millions de dollars, une augmentation en comparaison des 576 projets réalisés au coût de 23,7 millions de dollars en 2002-2003 [3]. Les cinq principaux utilisateurs de recherche sur l’opinion publique en 2003-2004 étaient Santé Canada, Développement des ressources humaines Canada (devenu Ressources humaines et Développement des compétences Canada), Patrimoine canadien, Communication Canada ainsi que Affaires étrangères et Commerce international Canada.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

La vérificatrice générale a généralement jugé satisfaisante la gestion du processus de passation de marchés pour les sondages d’opinion, mais elle a toutefois exprimé certaines préoccupations. En réponse à ces préoccupations, TPSGC a dressé un plan d’action qu’il met actuellement en œuvre. Les recommandations du Comité reflètent les questions soulevées par la vérificatrice générale, les mesures prises par TPSGC et les témoignages qu’il a entendus au cours de sa réunion.

  1. Préoccupations concernant les risques de conflit d’intérêts
  2. Au cours de la réunion, le Comité a entendu des témoignages au sujet de contrats passés entre le ministère des Finances et le cabinet Earnscliffe Strategy Group entre 1993 et 1996, soit avant la période visée par l’examen de la vérificatrice générale. À l’époque, Earnscliffe comptait parmi son personnel M. David Herle, qui est devenu associé du cabinet en 1997. M. Herle entretient des relations personnelles avec Terrie O’Leary, qui était à l’époque chef de cabinet de Paul Martin, alors ministre des Finances. Selon certains, ces relations ont donné aux milieux de la recherche sur l’opinion publique l’impression qu’il pourrait y avoir conflit d’intérêts.

    Le Comité n’est pas en mesure de se prononcer sur l’existence d’un conflit d’intérêts relativement au contrat Earnscliffe. Néanmoins, le Comité tient à souligner qu’il importe de veiller à ce qu’il ne puisse y avoir aucune perception de conflit d’intérêts dans le processus de passation de marchés de recherche sur l’opinion publique à l’avenir. Il recommande donc ce qui suit :

    RECOMMANDATION 1

    Que le gouvernement adopte des lignes directrices exposant aux fonctionnaires la façon de repérer et d’éviter les conflits d’intérêts et l’apparence de conflit d’intérêts dans le cadre du processus d’octroi de contrats de recherche sur l’opinion publique.

    RECOMMANDATION 2

    Que le gouvernement exige la production d’une liste complète des entreprises qui se sont regroupées pour soumettre des offres en vue d’obtenir des contrats du gouvernement, y compris des contrats de recherche sur l’opinion publique.

    RECOMMANDATION 3

    Que les demandes de propositions soient rédigées de façon à ne pas exclure à tort des soumissionnaires potentiels.

  3. Préoccupations soulevées par la vérificatrice générale
  4. Malgré une évaluation généralement positive, Mme Fraser a exprimé certaines préoccupations quant à la façon dont le gouvernement comblait ses besoins en matière de recherche sur l’opinion publique.

    Dans le processus de passation de marchés, par exemple, elle a relevé que 4 des 12 offres à commandes en vigueur au moment de la vérification avaient été prolongées au-delà de la période spécifiée dans l’offre initiale, et ce sans justification apparente, une pratique qui aurait pu « empêch[er] d'autres fournisseurs éventuels de soumissionner pour de nouveaux travaux » [4]. La vérification a aussi révélé que 8 des 12 offres à commandes alors en vigueur ne prévoyaient pas de « plafond » ou de limite de valeur pour un travail donné [5]. D’après la vérificatrice générale, « […]la limite favorise le processus concurrentiel parce que les projets qui dépassent le plafond doivent faire l'objet d'un appel d'offres. Sans une telle limite, la possibilité de concurrence est réduite ».

    La vérificatrice générale mentionne aussi dans son rapport que de « nombreux » contrats de recherche sur l’opinion publique d’une valeur supérieure à 25 000 $ ont été attribués sans processus concurrentiel, malgré l’existence de listes de fournisseurs présélectionnés. À l’époque, les lignes directrices du Conseil du Trésor précisaient que toutes les entreprises figurant sur une liste de fournisseurs présélectionnés devaient avoir la possibilité de présenter une offre.

    En dehors du processus de passation de contrats, la vérificatrice générale a constaté que, dans certains cas, les ministères s’abonnaient à des sondages multiclients qui comprenaient des questions à caractère politique, une pratique qui contrevenait aux lignes directrices du Conseil du Trésor alors en vigueur [6]. La vérificatrice générale a pris note du fait que par la suite, en mai 2003, le Secrétariat du Conseil du Trésor avait levé l’interdit concernant ce type de sondage politique. Aucune justification de ce changement n’a été fournie.

    Le rapport de la vérificatrice générale indique aussi que certains rapports de recherche sur l’opinion publique — environ 14 % de tous les sondages réalisés chaque année — n’étaient pas mis à la disposition de la population par l’entremise de la Bibliothèque nationale et de la Bibliothèque du Parlement. Les lignes directrices du Conseil du Trésor exigent que tous les sondages d’opinion soient déposés dans ces établissements dans les trois mois suivant leur réalisation. La vérification a également révélé qu’un certain nombre de rapports de recherche non publiés étaient fournis verbalement plutôt que par écrit au ministère des Finances.

    Au cours de la réunion, M. David Herle, ancien associé du cabinet Earnscliffe, a expliqué au Comité qu’un rapport verbal plutôt que par écrit s’imposait en raison de la nature du travail effectué. Il a mentionné en particulier que les services du cabinet Earnscliffe avaient été retenus pour réaliser les travaux suivants :

    une recherche en temps réel, c'est-à-dire que nous avons formé des groupes de discussion à différents endroits du pays; ces groupes ont écouté le discours du budget au moment où il était prononcé; nous avons enregistré leurs réactions et nous avons discuté avec eux du budget. Nous avons transmis l'information en temps réel au ministère pour qu'il sache ce que les Canadiens comprenaient du budget, les problèmes qui nécessitaient plus d'explications et là où il fallait améliorer les communications. Par la suite, nous avons présenté un rapport verbal complet de l'opération.

    Le Comité est d’avis que les violations susmentionnées des directives du Conseil du Trésor sont inacceptables. Il recommande donc :

    RECOMMANDATION 4

    Que, comme il le recommandait dans son 9e Rapport de la première session de la 38e législature, des sanctions administratives pouvant aller jusqu’au renvoi de la fonction publique du Canada soient établies pour dissuader les responsables de l’attribution des contrats d’en violer les règles.

  5. Réponse du Conseil du Trésor et de TPSGC aux préoccupations de la vérificatrice générale
  6. Depuis la vérification de novembre 2003, les lignes directrices du Conseil du Trésor et les pratiques de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada en matière de recherche sur l’opinion publique ont été modifiées pour tenir compte des préoccupations de la vérificatrice générale et des consultations avec l’industrie.

    Quant aux préoccupations exprimées par la vérificatrice générale au sujet du processus de passation de marchés, TPSGC affirme que les nouvelles lignes directrices à cet égard créent « un bassin plus vaste de fournisseurs dans tout le Canada et une plus grande transparence dans le processus de sélection. Ils avivent la concurrence entre les sociétés tout en donnant à chacune de meilleures chances de faire concurrence aux autres en vue d'obtenir des contrats du gouvernement [7]. » Plus précisément, le gouvernement a maintenant établi quatre seuils distincts pour l’octroi de contrats [8] :

    1. Contrats de moins de 25 000 $ : Comme par le passé, peuvent être accordés sans recourir à un processus concurrentiel;
    2. Contrats d’une valeur maximale de 200 000 $ : Attribués sous forme d’« offres à commandes » pour des « travaux simples », pour une durée maximale de deux ans;
    3. Contrats d’une valeur maximale de 400 000 $ : Attribués sous forme d’« accords d’approvisionnement », pour les « travaux plus complexes », dans le cadre de « mini-concours » entre fournisseurs présélectionnés;
    4. Contrats de plus de 400 000 $ : Attribués dans le cadre d’un concours régulier mené dans le système MERX.

    Pour répondre aux préoccupations de la vérificatrice générale concernant les questions de sondage à caractère politique, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié le 28 avril 2005 une Orientation de politique, précisant ce qui suit : « il ne faut pas affecter de fonds publics à la recherche sur l'opinion publique visant à déterminer les intentions de vote ou l'image de partis politiques [9]. » La note précise ensuite qu’« une nouvelle clause figure maintenant dans tous les marchés de services de recherche sur l'opinion publique attribués par l'intermédiaire de TPSGC. »

    Finalement, en réponse aux préoccupations relatives aux rapports présentés verbalement et aux sondages d’opinion non déposés à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque du Parlement, TPSGC exige maintenant de tous les ministères qu’ils présentent des rapports écrits pour tous les travaux de recherche sur l’opinion publique. En outre, le Ministère affirme que la « conformité » avec les exigences du domaine public en ce qui concerne les sondages personnalisés [10] atteint maintenant les 97 %, en comparaison du taux de conformité de 86 % établi par la vérificatrice générale dans son rapport de novembre 2003.

    Le Comité est encouragé par les réponses tant du Secrétariat du Conseil du Trésor que de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Il réclame néanmoins certaines assurances que les nouvelles lignes directrices et pratiques du Secrétariat du Conseil du Trésor et de TPSGC donnent les résultats anticipés. Il recommande donc :

    RECOMMANDATION 5

    Que tous les ministères produisent des rapports écrits sur toute recherche sur l’opinion publique, y compris la recherche communiquée oralement conformément à la nouvelle directive de Travaux publics et Services gouvernementaux sur la recherche sur l’opinion publique.

    RECOMMANDATION 6

    Que le Conseil du Trésor publie à nouveau sa politique officielle interdisant au gouvernement d’acheter des travaux de recherche sur l’opinion publique qui fournissent de l’information sur les intentions de vote.

    RECOMMANDATION 7

    Qu’il soit interdit de mener des sondages sur les intentions de vote après l’émission d’un bref d’élection et d’en communiquer les résultats durant une période d’élection si la recherche sur l’opinion publique a été entreprise avant l’émission du bref.

    RECOMMANDATION 8

    Que le Conseil du Trésor publie des lignes directrices claires concernant les groupes de discussion ou les études en temps réel, pour veiller à ce que ces travaux portent uniquement sur les politiques du gouvernement et n’empiètent pas sur le domaine de l’opinion politique et les préférences à l’endroit de l’un ou l’autre parti.

    Le Comité ne voit pas non plus pourquoi il ne pourrait pas y avoir une conformité totale avec l’exigence qu’un exemplaire de tous les rapports de recherche sur l’opinion publique soit déposé à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque du Parlement. Il recommande donc :

    RECOMMANDATION 9

    Que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada prenne des mesures pour assurer une conformité absolue avec l’exigence de divulgation et qu’il fasse état de sa réussite à cet égard dans ses rapports ministériels sur le rendement.

CONCLUSION

Dans le Chapitre 5 du rapport qu’elle a publié en novembre 2003, la vérificatrice générale accorde la note de passage à la gestion des contrats de recherche sur l’opinion publique du gouvernement fédéral, mais les chapitres 3 (Commandites) et 4 (Publicité) ont donné lieu à des enquêtes au criminel, à la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (la Commission Gomery) et à des rapports détaillés produits par le Comité permanent lui-même. Comme la vérificatrice générale et le Comité l’ont signalé dans des rapports antérieurs, nombre des problèmes liés à la gestion des programmes de commandites et de publicité peuvent être rattachés aux lacunes de la responsabilité des sous-ministres et à la décision de fusionner deux fonctions préalablement distinctes, c’est-à-dire l’attribution des contrats et la définition des conditions les régissant. En règle générale, ces problèmes étaient sans pertinence ou inexistants dans le cas du programme de recherche sur l’opinion publique.

Ceci dit, le Comité a entendu des témoignages au sujet des risques de conflit d’intérêts, ou du moins de l’apparence de conflit d’intérêts, dans l’attribution des contrats de recherche sur l’opinion publique. Le Comité n’est pas en mesure de juger s’il existait bel et bien de tels conflits d’intérêts, mais il considère cependant que le gouvernement doit prendre des mesures pour minimiser les risques qu’il y ait même apparence de conflit. Quant aux préoccupations exprimées par la vérificatrice générale, le Comité voit d’un bon œil la réponse du gouvernement et attend avec impatience la vérification de suivi que réalisera la vérificatrice générale du Canada.


[1] Le Rapport est daté de novembre 2003, mais il n’a été rendu public que le 10 février 2004.

[2] Rapport de la vérificatrice générale du Canada — Novembre 2003, p. 9, paragraphe 5.41.

[3] TPSGC, « La recherche sur l'opinion publique au gouvernement du Canada : Rapport annue 2003-2004 », p. 8, http://www.communication.gc.ca/reports_rapports/por_rop/2003-2004/03-04_04_f.html.

[4] Le Secrétariat du Conseil du Trésor définit ainsi l’offre à commandes : « un fournisseur propose de fournir à des clients des biens et/ou des services selon des prix ou une base de tarification préétablis et conformément à des clauses et des conditions définies pour une durée précisée, sur demande. On conclut un contrat distinct chaque fois qu'on passe une commande subséquente dans le cadre d'une offre à commandes. Lorsqu'on passe une commande subséquente, les modalités sont déjà définies, et le gouvernement doit accepter sans condition l'offre du fournisseur. La responsabilité du gouvernement est limitée à la valeur réelle des commandes subséquentes passées au cours de la durée précisée dans l'offre à commandes. L'offre à commandes n'est pas un contrat. »
Voir : http://www.tbs-sct.gc.ca/gr-rg/gomery/amr-rgp08_f.asp.

[5] Le Secrétariat du Conseil du Trésor définit ainsi la « commande subséquente à une offre à commandes » : « Est émise en vertu des pouvoirs de l'utilisateur autorisé en bonne et due forme, pour une offre à commandes précise. Lorsqu'on passe une commande subséquente à l’offre dans le cadre de l'offre à commandes, on accepte cette offre pour les biens ou les services commandés ou pour les deux à la fois, ce qui donne lieu à un contrat. »
Voir : http://www.tbs-sct.gc.ca/gr-rg/gomery/amr-rgp08_f.asp.

[6] Plutôt que de commander leurs propres sondages, les ministères et organismes fédéraux s’abonnent parfois à ce que l’on appelle des « sondages multiclients », c’est-à-dire des travaux de recherche sur l’opinion publique réalisés pour plusieurs clients, à frais partagés, par des cabinets de recherche d’opinion.

[7] TPSGC, « « La recherche sur l'opinion publique au gouvernement du Canada : Rapport annuel 2003-2004 », p. 9.

[8] Voir : Gouvernement du Canada, 12 juin 2003, « Le gouvernement du Canada améliore le processus d’attribution des contrats de recherche sur l’opinion publique », sur le site : http://news.gc.ca/cfmx/CCP/view/fr/index.cfm?articleid=5179.

[9] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 28 avril 2005, « Orientation de politique », sur le site : http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/sipubs/comm/pg-op_f.asp.

[10] Les sondages personnalisés sont différents des sondages multiclients, qui demeurent la propriété du cabinet qui a réalisé l’étude.