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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 31 octobre 2005




¾ 0840
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. James Fergusson (directeur, Centre d'études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba)

¾ 0845

¾ 0850
V         Le président
V         Mme. Michelle Gallant (professeur, Université du Manitoba)
V         Le président
V         Mme. Michelle Gallant

¾ 0855

¿ 0900
V         Le président
V         M. Martin Dolin (directeur général, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue))

¿ 0905

¿ 0910
V         Le président

¿ 0915
V         Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC)
V         M. James Fergusson
V         Mme Joy Smith
V         M. James Fergusson
V         Mme Joy Smith
V         M. James Fergusson

¿ 0920
V         Mme Joy Smith
V         M. Martin Dolin
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. James Fergusson

¿ 0925
V         Mme Beth Phinney
V         M. James Fergusson

¿ 0930
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Le président
V         M. Martin Dolin
V         Le président
V         Le président
V         M. James Fergusson

¿ 0935
V         M. Martin Dolin
V         Le président
V         M. Martin Dolin
V         Le président
V         Mme. Michelle Gallant
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD)
V         Le président
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         L'hon. Bill Blaikie
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie

¿ 0940
V         M. James Fergusson
V         Le président
V         M. James Fergusson
V         Le président
V         Mme Helena Guergis

¿ 0945
V         Le président
V         M. James Fergusson
V         Le président
V         M. James Fergusson

¿ 0950
V         Le président
V         Le président
V         M. George MacLean (professeur , Science politique, Université du Manitoba)

À 1005
V         Le président
V         M. Jim Cornelius (directeur général, Banque de céréales vivrières du Canada)

À 1010

À 1015
V         Le président
V         Mme Joy Smith
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         Mme Joy Smith
V         M. Jim Cornelius
V         Mme Joy Smith
V         M. Jim Cornelius
V         Mme Joy Smith

À 1020
V         M. Jim Cornelius
V         Mme Joy Smith
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. Jim Cornelius
V         Mme Helena Guergis
V         M. Jim Cornelius
V         Mme Helena Guergis
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         M. Roger Clavet

À 1025
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         M. Roger Clavet
V         M. Jim Cornelius

À 1030
V         M. Roger Clavet
V         M. George MacLean
V         Le président
V         Mme Beth Phinney

À 1035
V         M. George MacLean

À 1040
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. George MacLean

À 1045
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. George MacLean
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. George MacLean

À 1050
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. George MacLean
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         M. Jim Cornelius

À 1055
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         M. Jim Cornelius
V         Le président
V         Le président
V         M. Don Peters (directeur exécutif Canada, Mennonite Central Committee)
V         M. Bill Janzen (directeur, Mennonite Central Committee)

Á 1110
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         M. Bill Janzen

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Alan Yusim (directeur régional, Midwest, B'nai Brith Canada)

Á 1125
V         Le président
V         M. David Matas (avocat juridique principal, B'nai Brith Canada)

Á 1130
V         Le président
V         Mme Joy Smith

Á 1135
V         M. Don Peters
V         Mme Joy Smith

Á 1140
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. Roger Clavet

Á 1145
V         M. Bill Janzen
V         M. Roger Clavet
V         M. Bill Janzen
V         M. Roger Clavet
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Beth Phinney

Á 1150
V         M. David Matas
V         Mme Beth Phinney
V         M. David Matas

Á 1155
V         Le président
V         M. Don Peters
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie

 1200
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. Bill Janzen

 1205
V         Le président
V         M. David Matas
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. David Matas
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président

 1210
V         L'hon. Bill Blaikie
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 31 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¾  +(0840)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour tout le monde. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions l'énoncé de politique internationale. Bienvenue à cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Comme vous le savez, en avril dernier, le gouvernement a rendu public son premier énoncé de politique internationale et, depuis ce moment-là, le comité tient des audiences à Ottawa et partout au pays. Nous avons également lancé une consultation en ligne sur ce sujet, consultation dont vous trouverez le détail sur notre site Web. Quand nous aurons terminé nos audiences et la consultation en ligne en décembre, nous préparerons notre rapport, assorti d'une recommandation en matière de politique qui, nous l'espérons, sera déposé au début de la nouvelle année.

    Ce matin, nous allons accueillir, de l'Université du Manitoba, James Fergusson, directeur du Centre d'études sur la défense et la sécurité et Michelle Gallant, professeure de droit international. Nous accueillons aussi Martin M. Dolin, directeur général du Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba. Bienvenue à vous trois.

    Vous avez la parole monsieur Fergusson, si vous voulez débuter.

+-

    M. James Fergusson (directeur, Centre d'études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba): Merci.

    Avant que nous ne parlions de l'énoncé de politique internationale, je tenais à vous faire part d'une remarque. Après ma dernière comparution devant ce comité, en novembre, quelle ne fut pas ma surprise de trouver mon nom dans le Hansard et de constater qu'on m'y décrivait comme quelqu'un de profondément influencée par le grand complexe militaro-industriel destructeur de démocratie ou comme représentant ce dernier. Bien que je n'ai pu m'empêcher de glousser en constatant la nature grotesque que l'attaque à laquelle un membre du comité venait de se livrer contre moi, je me suis demandé pourquoi j'étais ainsi devenu un objet de calomnies. Le véritable danger, dans tout cela, réside dans le fait que le député en question s'est dit d'avis que le gouvernement ne devrait financer et appuyer que ceux et celles qui le soutiennent. Je me serais attendu à ce genre de remarque dans une dictature totalitaire ou à la soviétique, mais pas dans une démocratie parlementaire.

    J'ai attendu en vain, sans réagir, les excuses de ce député qui s'est réfugié derrière l'immunité parlementaire ou encore une réaction des autres députés membres du comité. Apparemment, personne ne s'est préoccupé des répercussions que de telles déclarations peuvent avoir sur les témoins qui comparaissent devant votre comité en toute bonne foi, ni sur le message que le fait de traiter des gens comme je l'ai été à la Chambre des communes envoie à nos concitoyens.

    J'ai toujours cru que les activités de comité avaient pour objet d'aider le Parlement à comprendre et à évaluer des questions complexes, parce que les députés ne sont généralement pas des experts des domaines qu'ils étudient et qu'ils ploient sous une énorme charge de travail. J'ai plutôt découvert qu'il arrive que personne ne soit vraiment intéressé sauf lorsque les informations ou les personnes peuvent servir à étayer des conceptions et des préjugés préexistants ou à promouvoir des intérêts personnels ou partisans. D'ailleurs, après toutes ces années passées dans le domaine de l'analyse des politiques, il m'arrive parfois de me demander — et je ne suis pas le seul, puisque mes collègues se le demandent aussi — si quelqu'un, quelque part, nous écoute vraiment.

    Toutefois, je continue à croire qu'il est de mon devoir et de ma responsabilité de poursuivre ma tâche, raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui. J'espère que les membres du comité, les présents comme les absents, prendront le temps d'examiner les arguments que je me propose de leur soumettre tout à l'heure.

    Pour cela, je me propose d'attirer l'attention du comité sur le concept de la « pensée de groupe ». Il décrit la nature dysfonctionnelle du processus décisionnel attribuable au fait que les membres du groupe, pour toute une diversité de raisons, en viennent rapidement à un consensus sans jeter de regard critique sur les prémisses du raisonnement, sans explorer les autres facettes du problème dont ils sont saisis et sans examiner toute la gamme des options qui pourraient leur être soumises. Je dois dire que ce concept correspond à la situation qui règne au Canada en ce qui a trait à ce qui se passe chez nous et à la place que nous occupons dans le monde.

    Je ne suis bien sûr pas assez naïf pour croire que l'énoncé de politique internationale est un document apolitique. Il répond aux intérêts politiques du gouvernement puisqu'il en reflète la position, mais il est aussi le reflet du vaste consensus des forces politico-sociales qui s'expriment au sujet de la politique étrangère du Canada et de la place du Canada dans le monde d'aujourd'hui.

    La différence entre les partis politiques est effectivement tout à fait secondaire dans le domaine de la politique internationale. C'est ce que l'on constate non seulement par le silence qui a entouré la publication de l'énoncé de politique internationale et de ses quatre documents d'accompagnement, depuis avril dernier, mais aussi par le consensus des partis sur les questions dont nous sommes saisis, notamment celles du bois d'oeuvre.

    L'immédiateté des règles de politique intérieure est telle qu'après plus d'une décennie d'échecs dans le règlement de ce problème par le Canada et les États-Unis, personne ne semble se rendre compte que cette approche ne fonctionne pas. Et pourtant, on a l'impression que l'on préfère politiser les dossiers plutôt que de les résoudre.

    Il est encore plus surprenant que le gouvernement ait pris autant de temps à produire un énoncé de politique internationale et qu'il ait apparemment autant agonisé pour pondre un énoncé qui se contente de reprendre les mêmes vieux mythes et les mêmes vieilles politiques cocardières qui ont caractérisé toutes les politiques canadiennes et tout le répertoire des gouvernements qui se sont succédé depuis 40 ans voire plus. Même le gouvernement Mulroney, qui avait essayé de s'écarter de ce sentier sans issue n'y est pas parvenu... tout cela dans un contexte où la politique de défense et la politique étrangère ne trouvaient que peu pour ne pas dire aucun écho sur le plan intérieur.

    Malgré tout, l'Énoncé de politique internationale ne dévie pas du passé, et l'on ne fait qu'y reprendre, en des termes différents, la même vieille stratégie qui, comme on le sait, a échoué. D'ailleurs, lorsqu'on songe à l'objectif expresse du gouvernement qui est de redonner au Canada un « rôle influent qui suscite la fierté dans le monde », on part des prémisses fondamentales voulant, premièrement, que la fierté et l'influence du Canada dans le monde ont décliné et, deuxièmement, que ce déclin est le simple résultat des coupures budgétaires que le gouvernement a dû effectuer à cause de la situation financière qui prévalait dans les années 90.

    Maintenant que l'un des piliers de la politique étrangère canadienne a été réparé, comme l'a annoncé le gouvernement précédent dans son énoncé de 1995 en Chambre, ce qui a remis de l'ordre dans les affaires économiques du pays, le gouvernement actuel dispose des fonds nécessaires pour financer les deux autres piliers: la sécurité internationale et l'exportation des valeurs canadiennes. D'après ce qui est annoncé dans l'EPI, les deux piliers en question seront financés à la hauteur voulue — ce que l'on ne peut évidemment pas définir avec précision — et l'on parviendra ainsi à restaurer la fierté et l'influence du Canada dans le monde. Autrement dit, le déclin du Canada sur la scène internationale a été fonction des ressources investies et nous retrouverons automatiquement la place qui nous revient en réinvestissant davantage. Cela nous rappelle les bonnes vieilles politiques des années 70: tout peut se résoudre grâce à l'argent; plus d'argent pour la diplomatie, plus d'argent pour la défense et plus d'argent pour le développement.

    Je ne suis pas en train de dire que ces trois piliers n'ont pas besoin d'une sérieuse injection de capitaux. Bien au contraire. Les forces armées battent de l'aile et ont un criant et immédiat besoin de fonds, pas dans deux ans d'ici, ne serait-ce que pour ne pas décrocher.

    Toutefois, le simple fait de canaliser des fonds vers les trois piliers — c'est-à-dire, la diplomatie, le développement et la défense en partant des mêmes prémisses que celles qui ont prévalu au cours des dernières décennies, et à supposer que la stratégique qui a guidé nos entreprises dans le passé demeure valable et qu'elle permettra, grâce à un afflux de ressources, de redonner au Canada la place qui lui revient dans le monde, quelle qu'elle soit — ce simple fait est tout simplement insensé étant donné ce qu'il nous est donné de constater aujourd'hui. D'ailleurs, cet objectif de fierté et d'influence est non seulement déplacé, mais il nous rappelle, Ô combien, la sempiternelle politique canadienne.

    À quoi doit servir la fierté? À se sentir bien? La population doit-elle dépenser des milliards de dollars pour que nous nous sentions bien? Ce n'est certainement pas la prémisse sur laquelle nous devons sculpter notre comportement pour être davantage présents sur la scène internationale. Cela reviendrait-il à dire que, tant que nous nous sentons bien, c'est que les gouvernements prennent des mesures légitimes même si elles consistent à exposer nos forces armées dans des lieux éloignés?

    Les États en déroute ou fragiles ne réclament pas l'intervention du Canada mais, en l'absence de critères clairs, le fait d'envoyer des troupes au nom de la fierté nationale constitue un pêché d'orgueil. Qui dit politique étrangère, dit nécessité d'effectuer des choix dans un monde difficile, à partir de ressources limitées. Comme le gouvernement ne sait pas dans quels pays en déroute ou fragiles il convient d'intervenir sous le prétexte qu'ils constituent une menace parce qu'ils sont un creuset du terrorisme — mais alors lesquels et dans quelles conditions? — ou pour des raisons humanitaires au nom du devoir de non-indifférence, il n'y a pas vraiment là de fondement à la prise de décision. La fierté ne suffit pas et elle n'est qu'un passé garant de l'avenir.

    Chaque événement ou chaque crise qui survient dans le monde exige une réaction canadienne. Toutefois, dès que d'autres acteurs internationaux interviennent aussi, surtout les plus forts — à moins que les États-Unis paraissent vouloir agir unilatéralement — le Canada se défile, non pas parce que c'est ce qu'il faut faire dans les circonstances, mais sur la base de préjugés nationaux.

    Tout cela s'explique dans un pays dont la politique est fondée sur la fierté. Cela nous en dit long sur la nature surréaliste de la politique étrangère et du débat en la matière au Canada.

    L'influence — l'autre sempiternel objectif de la politique étrangère canadienne — est sans doute raisonnable, mais on continue de le considérer comme une fin en soi, à l'instar du multilatéralisme, plutôt que comme un moyen de parvenir à une fin.

    Au fait quelle est-elle cette fin? Former le monde à l'image du Canada; exporter ses valeurs correspondant à un modèle social et pluraliste fondé sur le multiculturalisme; supposer, avec orgueil, que le reste du monde aspire à nous ressembler — à être riche, gâté, suffisant, sans grande crainte des conséquences de nos comportements — rendre le monde plus sûr pour instaurer la démocratie? Tous ces beaux discours sont fort bien au Canada, mais ils ne sont que des mots vides de sens sur la scène internationale, une vieille maladie canadienne.

    La politique étrangère canadienne devrait avoir pour objet de promouvoir et de défendre les intérêts du Canada sur la scène internationale et ces intérêts ne sont pas forcément synonymes de paix et de sécurité dans le monde, peu importe ce que l'on entend par là et qui définit ces termes.

¾  +-(0845)  

    Qui plus est, le Canada n'est pas une super puissance, une grande puissance ni même une puissance régionale et les politiciens et les médias devraient arrêter de se laisser bercer par tous les beaux discours diplomatiques que les autres pays tiennent à notre égard. Le Canada n'a ni les ressources ni la volonté d'agir en tant que puissance de ce genre, même si, selon la dialectique de la politique internationale, nous avons les deux. Tant que la politique ne sera pas alignée sur la réalité, c'est-à-dire en fonction de notre véritable capacité d'influer sur les décisions et les actions des autres, le Canada demeurera sur la ligne de touche, en tant qu'acteur marginal de la scène internationale. Nous pourrons être heureux chez nous, mais nous n'aurons aucune place dans le monde.

    Permettez-moi de conclure en vous donnant un dernier exemple. Comment nos alliés, nos amis ou nos adversaires potentiels sur la scène internationale peuvent-ils prendre le Canada au sérieux quand nous affirmons, dans notre Énoncé de politique internationale: « aucune circonstance ne justifie le recours à la violence comme instrument de changement politique, de l'intérieur comme de l'extérieur ».

    À quoi le gouvernement a-t-il pensé quand il a envoyé des troupes en Afghanistan? Demandez donc aux Chiites et aux Kurdes irakiens si la violence est un instruments de changement politique acceptable et s'il aurait mieux valu les laisser à leur sort entre les mains de Saddam Hussein?

    Que font nos troupes en Afghanistan? Prétend-on qu'elles n'ont pas recours à la violence comme instrument de changement? Pourquoi le gouvernement s'est-il engagé à engager des forces terrestres d'intervention plus importantes et mieux dotées, pourquoi promet-il d'intervenir dans les États en déroute ou fragiles et pourquoi se prépare-t-il à une guerre « en trois volets » — déclaration par ailleurs stupide — s'il estime que la violence et le recours aux forces armées ne sont pas des moyens d'imprimer le changement?

    À quoi les Canadiens et le gouvernement croient-ils que les forces armées servent? À du travail social? Elle est là la racine du dysfonctionnement de la politique étrangère canadienne d'aujourd'hui et, tant que l'on n'examinera pas de façon critique la stratégie qui sous-tend ce phénomène, le Canada ne retrouvera pas son influence d'antan, sur quelque plan que ce soit, peu importe les déclarations, les prétentions ou les dépenses du gouvernement.

    Je serais heureux de consacrer une quinzaine de minutes à vous exposer pleinement mes vues sur la défense ainsi que le rôle et la fonction des forces armées en général et des Forces canadiennes en particulier. Je ne veux pas que mon témoignage se ramène à une simple entreprise de démolition de l'Énoncé de politique internationale ou de ses composantes.

    Le moment est venu pour le Canada d'examiner de près le reste du monde et d'effectuer des choix déterminants pour l'avenir. Sa politique en matière de sécurité, en dehors de la question du terrorisme, bénéficie de conditions très favorables. Aucune menace primaire ne pèse actuellement sur la paix et la sécurité dans le monde et le Canada a donc essentiellement les coudées franches dans les choix qu'il peut faire sur la scène internationale. D'ailleurs, sans pour autant faire fi des crises actuelles dues aux États en déroute ou fragiles, le Canada peut investir dans ses forces armées afin de se préparer pour l'avenir et non pour le passé.

    L'énoncé de politique internationale porte sur le passé et vise à préparer nos forces armées à la dernière guerre. Dans 10 à 15 ans d'ici, quand les investissements actuels auront permis de régénérer nos forces armées, il faut espérer que le monde n'aura pas changé. Le gouvernement, le Parlement et peut-être même les Canadiens peuvent trouver rassurants et touchants les beaux discours de l'IPE. Toutefois, il est peu probable qu'ils permettent véritablement au Canada de retrouver une certaine influence sur la scène internationale.

    Je vous remercie.

¾  +-(0850)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Fergusson.

    Passons à Mme Gallant.

    Vous avez des observations à nous transmettre?

+-

    Mme. Michelle Gallant (professeur, Université du Manitoba): Oui.

+-

    Le président: Pas de problème, c'est pour cela que nous sommes ici.

+-

    Mme. Michelle Gallant: Merci pour votre invitation et l'occasion que vous m'avez donnée de venir vous faire part de mes réflexions sur l'Énoncé de politique internationale du Canada.

[Français]

    Merci aussi d'être venus au Manitoba.

[Traduction]

    Je veux vous faire part de mes réflexions est au sujet de la deuxième priorité qui consiste à rendre le monde plus sûr par le biais de la lutte contre le terrorisme et de la quatrième priorité qui est d'encourager un réel développement par la mise à contribution de l'expertise canadienne.

    En ma qualité de chercheure qui s'intéresse plus particulièrement à la circulation de l'argent du crimine dans le monde, je pense qu'il ne faut pas croire que la lutte contre le financement des organisations terroristes aura un effet appréciable sur les activités terroristes. Comme je travaille dans un établissement d'enseignement, j'estime qu'une des meilleures façons de mettre l'expertise canadienne au service du développement consiste à consentir des bourses fédérales à des étudiants canadiens pour leur permettre d'étudier à l'étranger et à des étudiants étrangers pour leur permettre de venir étudier ici.

    S'agissant de la politique intérieure et de la politique étrangère, le Canada s'est engagé à débusquer les terroristes ici et à contribuer à la lutte qui leur est faite ailleurs dans le monde. Nous devrions, dans le cadre de notre action diplomatique, insister pour que les instruments internationaux existant soit effectivement mis en oeuvre. Nous devrions suivre les progrès réalisés. Nous devrions insister pour que ces instruments soient effectivement appliqués et nous devrions proposer notre expertise pour cela.

    En revanche, on fait fausse route quand on se concentre sur le financement du terrorisme; agir ainsi revient à chercher la proverbiale aiguille dans une botte de foin et il est financièrement imprudent de mobiliser de plus en plus de ressources au titre de cette stratégie de lutte. Pourquoi est-ce imprudent? Parce que l'actuel système de surveillance financière a été conçu pour s'attaquer aux activités criminelles graves. Il a été conçu pour aller chercher de très importantes sommes d'argent, de l'argent provenant d'activités criminelles internationales. Il n'a pas été imaginé, et il ne serait d'ailleurs pas efficace, pour rechercher et intercepter des fonds destinés à financer les terroristes parce que les sommes entrant en jeu sont trop modestes.

    Tout indique que les actes terroristes, notamment les plus récents qui ont consisté à faire éclater des bombes dans les transports en commun, n'ont nécessité que très peu d'argent. Il est tout à fait futile, dans un système financier national comme international qui voit transiter des millions de dollars, d'essayer de retracer quelques dollars terroristes. Plutôt que d'essayer d'affiner notre système et d'aider les autres à surveiller le système financier pour contrer le terrorisme, nous devrions reconnaître qu'il existe des liens entre les différentes activités criminelles internationales et chercher, avant tout, à faire obstacle aux crimes graves plutôt que de nous concentrer spécifiquement sur le financement terroriste comme si c'était cela le crime.

    Pour relancer notre partenariat nord-américain en matière de sécurité, nous devrions demeurer sceptiques face aux politiques de nos voisins du sud. Les efforts déployés par les Américains pour lutter contre la criminalité dans le monde n'ont jamais été particulièrement équilibrés ni particulièrement ingénieux, même pas depuis septembre 2001. Ainsi, l'Amérique essaie depuis longtemps de porter un coup définitif au trafic de la drogue, mais elle ne veut pas prendre acte du problème de consommation qu'il existe chez elle. Depuis 2001, le président américain a tendance à concentrer son attention sur les maux que représente le blanchiment de capitaux à l'étranger sans s'intéresser, ou du moins pas assez, au fait que ses propres institutions financières ont favorisé les activités de blanchiment dans le monde.

    S'il appliquait une vision semblable, le Canada devrait se méfier des effets négatifs qu'un examen plus serré du système financier mondial pourrait avoir sur l'écoulement des fonds vers les pays en développement. Ceux-ci ont besoin d'un financement, public et privé. Il n'est pas rare que les immigrants envoient d'importantes parties de leurs revenus canadiens dans leur pays d'origine. Pour cela, ils comptent sur des réseaux bancaires informels, non réglementés. Ces systèmes que nous ne connaissons pas en Occident sont dus à la crainte de l'autorité ou à l'absence d'un secteur bancaire crédible dans leur pays d'origine. Pourtant, on cherche souvent à détruire ces réseaux informels en partant du principe que l'argent qui y transite est clandestin. Or, nous devrions reconnaître la valeur que ces réseaux représentent sur le plan du développement plutôt que de supposer que tout réseau officiel, permettant à un expéditeur d'envoyer de l'argent dans son pays d'origine, est, par nature, une passerelle qui permet d'acheminer de l'argent terroriste vers différentes destinations.

    Enfin, en ma qualité d'universitaire travaillant dans un établissement d'enseignement, j'estime qu'il n'y a pas de meilleure façon d'exporter l'expertise canadienne que de miser sur les programmes d'échange internationaux pour étudiants. Les établissements postsecondaires canadiens sont sans équivalent dans le monde. La libéralisation de l'accès à nos établissements, pour les étudiants étrangers, pourrait contribuer à la formation de la future génération de leaders dans les pays en développement parce qu'ils seraient exposés à l'admirable culture canadienne en matière de règlement coopératif des problèmes.

    En général, nous considérons que les bourses consenties aux étudiants venant de pays en développement sont une aide internationale, toutefois, quand il fait venir ces étudiants ici, le Canada en tire un réel avantage. Les entreprises canadiennes sont l'une de nos priorités. Or, elles profitent du fait que nous accueillons des étudiants étrangers chez nous parce qu'une fois rentrés chez eux, ils peuvent devenir des dirigeants ou simplement se lancer en affaires et penser alors à la destination que représente le Canada. S'ils envisagent de nouer des liens avec l'étranger, ils pensent au Canada. S'ils cherchent des investissements, ils n'oublient pas le Canada où ils ont étudié. C'est la même chose quand on remet des bourses d'études à des Canadiens pour qu'ils aillent étudier à l'étranger.

¾  +-(0855)  

    Pour instiller le sens de la citoyenneté à nos compatriotes, il faut les envoyer à l'étranger, dans leurs jeunes années, pour qu'ils fassent l'expérience d'une vie ailleurs. Une façon d'y parvenir, c'est de leur donner des bourses d'études.

    En conclusion et s'agissant de l'avenir de la diplomatie canadienne, on peut songer à quelqu'un comme Susie, notre future première ministre, qui, en 1998, et est allée étudier à l'étranger. Grâce à cette expérience au Kosovo, elle a découvert ce que c'était que d'habiter un pays qui se fait envahir. Comme elle eu une idée des propos venimeux tenus à l'endroit des Canadiens, elle saura peut-être mieux, dans l'avenir, ce qu'il convient de faire dans nos relations avec les pays étrangers.

    Merci.

¿  +-(0900)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Gallant.

    Je cède la parole à M. Dolin.

+-

    M. Martin Dolin (directeur général, Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba (Place de Bienvenue)): Passons à présent à quelque chose de totalement différent... je ne suis pas universitaire. Personnellement, j'estime que nous sommes confrontés à deux problèmes. D'abord, c'est la façon dont le Canada traite les réfugiés et, deuxièmement, c'est le problème de l'État qui s'oppose aux droits de l'individu.

    Je vais vous dire un peu qui je suis. Je suis directeur général du Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba. Nous sommes, dans cette province, le seul organisme qui s'occupe de réfugiés parrainés par le gouvernement. Nous avons conclu une entente de parrainage avec le gouvernement du Canada. Nous sommes le plus important parrain du genre au Canada. Nous comptons actuellement 4 200 personnes qui attendent de venir au Canada en qualité de réfugiés, des personnes que nous parrainons à titre privé. L'année dernière, nous en avons accueilli un millier dans cette catégorie, partout au Canada. Cela, c'est le travail d'une agence parmi d'autres.

    Je tenais à vous signaler une chose. À la page 7 de votre document, vous parlez d'intercepter les navires transportant des immigrants illégaux. Eh bien, ça fait une vingtaine d'années que je fais ce genre de travail et je n'ai pas encore entendu ce terme... « immigrants illégaux ». J'aimerais savoir ce qu'il veut dire. Qui a déterminé que ces transfuges de la mer sont des illégaux avant même qu'on leur ait permis d'avoir une audition en règle? S'agissait-il des Juifs, à bord du St. Louis, que nous avons repoussés de nos côtes en 1939? S'agissait-il des Fudjianais qui sont arrivés sur les côtes de la Colombie-Britannique? S'agissait-il des Asiatiques du sud qui sont arrivés en Nouvelle-Écosse? Qui est illégal? Qui a déterminé cela avant une audience de l'immigration?

    J'ai l'impression que ce document a été rédigé à partir de conditions entendues d'avance et de préjugés, ce qui m'inquiète. Je ne pense pas que ce soit intentionnel, mais ça correspond à la façon dont les députés et la population canadienne perçoivent ceux et celles qui fuient la persécution, situation à laquelle nous sommes confrontés en permanence.

    Je vais maintenant vous parler des ambassades canadiennes et de leur rôle dans tout cela.

    Depuis les réductions budgétaires au début des années 90, nos ambassades souffrent d'un grave problème de sous-effectif, partout dans le monde, du moins en ce qui concerne les bureaux de l'immigration. Ceux qui veulent obtenir une entrevue, à Nairobi ou à Accra, par exemple, doivent attendre quatre ans. Je suis également gêné quand j'entends dire qu'il faut être attribué au racisme le fait que quatre missions seulement, situées aux quatre coins de l'Afrique, traitent des dossiers des réfugiés, c'est-à-dire Accra, le Caire, Prétoria et Nairobi, et qu'une fois de temps en temps, quand il n'y a pas de guerre, nous en avons une autre à Abidjan. Et pourtant, c'est là-bas que la demande est la plus forte au monde.

    Je suis également préoccupé par le manque d'efficacité du ministère de l'Immigration qui influe sur la politique étrangère. Par exemple — et c'est là où je voudrais que les États-nations s'occupent de leurs propres ressortissants — en Éthiopie, le peuple majoritaire est le peuple Oromo. Or, il est persécuté et torturé par le gouvernement éthiopien qui, comme nous le savons, a été accusé d'avoir truqué les dernières élections.

    En fait, le gouvernement du Canada a décrété que le FLO, le Front de libération Oromo, est un organisme terroriste. Nous avons constaté que le gouvernement éthiopien a arrêté et emprisonné un grand nombre d'Oromos uniquement parce qu'il les soupçonnait — étant donné qu'il n'y a pas de preuve — d'appartenance ou de sympathie au FLO. Notre ambassade sur place rejette la revendication de réfugiés de ces gens-là parce que le gouvernement éthiopien, qui est au départ animée d'un fort préjugé envers les Oromos, a déterminé qu'ils appartiennent au FLO ou qu'ils sont associés à ce mouvement. Tout cela m'amène à me poser des questions.

¿  +-(0905)  

    Dans votre rapport, vous parlez de la fiche de route du Canada qui a la réputation de sauver ceux et celles qui fuient la persécution. À la page 14, vous parlez de « leader » et de « réfugié » et... Cela fait environ 20 ans que je travaille dans ce domaine. Je vais vous donner un exemple.

    En 1990, le gouvernement du Canada a parrainé 13 000 réfugiés. Nous en parrainons maintenant 7 300. En 1990, nous avions un programme de regroupement familial grâce auquel les Canadiens immigrés pouvaient parrainer leurs frères, leurs soeurs, leurs nièces et leurs neveux. Il a été supprimé en 1992. À l'époque des réfugiés de la mer, les parrains privés s'occupaient de tout et il n'en coûtait rien au gouvernement. C'était les églises du Canada ainsi que les Canadiennes et les Canadiens qui se chargeaient de tout. D'ailleurs, les Canadiens et non le gouvernement du Canada a reçu la médaille Nansen en 1986. À l'époque, nous parrainions 31 000 personnes par an. L'année dernière, nous en avons accueilli 3 200, ce qui m'amène à dire que nous avons beaucoup refermé nos portes.

    Je vais vous lire une lettre que je viens juste de recevoir. Ce cas a été porté à notre connaissance après qu'un bureau de l'immigration a commis ce que j'estime être une énorme erreur. J'ai écrit au service de gestion des cas et voici ce que j'ai reçu en réponse:

Les bureaux des visas canadiens à l'étranger ont pleine autorité et compétence pour prendre en compte et évaluer toutes les demandes d'immigration, et rendre une décision à leur égard, y compris les demandes pour raisons d'ordre humanitaire soumises conformément à la législation sur l'immigration et la protection des réfugiés. En l'espèce, l'agent des visas a fourni de bonnes raisons pour lesquelles il avait refusé la demande de Mme T. Notre bureau n'est pas investi du pouvoir législatif de renverser la décision d'un bureau des visas ou d'intervenir de quelque façon que ce soit.

    Cela concerne essentiellement les bureaux des visas, mais à l'étranger et dans les aéroports, nous avons aussi des personnes non élues, non supervisées, qui rendent des décisions de vie ou de mort dans le cas de personnes qui essaient de fuir la persécution. C'est scandaleux. C'est absolument scandaleux dans une société démocratique. Et voilà que vous avez un bureaucrate du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui nous dit que personne au ministère ne peut remettre en question la décision de ces agents.

    J'ai 37 personnes qui travaillent dans mon bureau et si quelqu'un fait une bêtise et si je reçois une plainte, j'ai le pouvoir d'examiner la situation et de sanctionner l'employé concerné. Le ministère de l'Immigration, lui, m'affirme qu'il n'est pas investi de ce genre de pouvoir, que tous les agents de l'immigration sont de petits dictateurs en puissance. C'est absolument scandaleux et aucune société démocratique ne peut tolérer ça.

    La dernière chose dont je me proposais de vous parler, c'est ce qui apparaît à la page 20 de votre document. Vous dites que l'objectif ultime du Canada est de promouvoir les droits de la personne, la démocratie et l'état de droit, de placer ainsi chaque citoyen au coeur de la société et de créer un État résolu à protéger le bien-être de sa population. Un peu plus loin, vous dites « ... nous on saurions trop insister sur l'importance de l'autonomie nationale ». Je vois un dilemme dans tout cela et j'espère qu'en votre qualité de représentant élu de la nation, vous êtes en mesure de le résoudre. Ce dilemme concerne le droit de toute personne à se protéger contre la torture que peut lui infliger un État-nation et le droit d'une nation à prendre ses propres décisions à l'abri de toute intervention d'un organisme externe ou d'un autre État-nation.

    Permettez-moi de vous lire une lettre que j'ai écrite à Mary Robinson. Je reçois environ 2 000 courriels par an, de réfugiés de partout dans le monde. Par ailleurs, beaucoup de nos ambassades orientent les gens vers notre site Internet parce qu'il donne des renseignements détaillés sur la façon de formuler une demande de statut de réfugié en fonction des règles en vigueur au Canada. Comme la plupart de nos ambassades ne disposent d'aucune information à ce sujet, leur personnel demande à ceux qui les contactent de consulter notre site Web.

    Dans cette lettre, je déclare avoir reçu 2 000 lettres de demandeurs du statut de réfugié et j'ajoute:

Vous trouverez ci-joint un résumé de 476 cas dont 136 font spécifiquement état d'incidents de torture. Je suppose que bien d'autres personnes sont aussi victimes de torture (surtout les Érythréens ou les Oromos), mais je n'ai inclus que ceux où j'ai noté « torture » dans mes dossiers.

    Voici les deux problèmes auxquels je suis confronté. D'abord, après avoir écrit à Mary Robinson, qui a depuis été remplacée par Louise Arbour — c'était en 2002 — au Haut-Commissariat des Nations unies sur les droits de la personne, tout ce que j'ai reçu de Genève, c'est un formulaire à remettre aux quelque 476 personnes concernées. Il aurait fallu que je sillonne les rues de Nairobi pour leur demander de remplir ce formulaire. Comme je ne suis pas particulièrement poli, j'ai demandé à quel genre de bureaucratie crasseuse j'avais affaire. J'ai reçu une réponse d'un certain Jean-Louis, je crois, qui me présentait ses excuses et disait se rendre compte de l'existence d'une bureaucratie, mais qu'il en était le seul et unique employé.

    Imaginez donc! Le Haut-Commissariat aux droits de la personne, aux Nations unies, n'a qu'un seul employé pour le monde entier. Si le Canada voulait bien être un peu plus présent, peut-être que nous pourrions déployer quelques efforts pour renforcer les effectifs de ce bureau. Finalement, j'ai contacté Human Rights Watch, à Washington, pour que ces gens-là se rendent sur place afin d'y faire des entrevues et de rédiger un rapport ensuite.

¿  +-(0910)  

    En présence d'États-nations de ce genre, deux choses me gênent. D'abord, il y a le fait que l'on puisse déterminer qu'une personne n'est pas un réfugié parce que son pays d'origine la considère comme une menace. Les bureaux de l'immigration entérinent-ils les décisions de ces despotes?

    Ce qui me dérange aussi, c'est que je me demande quel rôle joue le Canada en matière de protection des droits de la personne. Il y a eu, par exemple, le cas du Kosovo. Pourquoi sommes-nous intervenus au Kosovo? Pourquoi ne sommes-nous pas intervenus au Darfour? Pourquoi ne sommes-nous pas intervenus au Sierra Leone ou au Libéria, comme les Britanniques? Le Canada a un rôle à jouer sur la scène internationale et je crois que nous jouissons d'un grand respect dans le reste du monde, surtout en Afrique. Les gens que je vois arriver chez nous, en qualité de réfugiés, viennent ici parce qu'ils sont convaincus que le Canada est un pays juste et décent.

    Je terminerai en vous rappelant que le ministère de l'Immigration a renoncé à notre souveraineté. Nous avons signé avec les États-Unis une entente de tiers pays sûr en partant du principe que notre voisin est tout aussi équitable et responsable que nous.

    Comme je ne peux pas jongler avec les mêmes généralités et les mêmes chiffres que des universitaires, je vais vous donner un exemple. En 2004, quelque 14 000 personnes vivant aux États-Unis demandaient le statut de réfugié au Canada. Comme notre taux d'approbation est d'environ 50 p. 100, cela veut dire que 7 000 de ces demandeurs ont pu rester au Canada. Dans le sens inverse, du Canada vers les États-Unis, il n'y en a eu que 250. Pourtant, avant le 11 septembre, l'administration poussait dans ce sens, parce que cela lui facilitait le travail. Elle voulait remettre tout le travail aux Américains et elle leur demandait de traiter toutes les demandes.

    Je vais vous donner un exemple du genre de répercussion que cela a eu. Un jour, un Togolais, passant par les États-Unis, a fait une demande de statut de réfugié à la frontière canado-américaine, à Emerson, au Manitoba. On lui a dit, pas de problème, il vous suffit de passer une entrevue; dans quelle langue voulez-vous que cela se déroule? Comme le français est sa langue première — mais il parle aussi couramment l'anglais étant donné qu'il a pu communiquer aisément avec mon employé qui, lui, ne parle pas français — il a indiqué qu'il préférait que l'entrevue se déroule en français. On lui a répondu que personne ne parlait français à la frontière à ce moment-là et qu'il devrait revenir. Il a alors rétorqué que l'entrevue pourrait très bien se dérouler en anglais. On lui a dit non, vous devrez revenir. Il a précisé que s'il était renvoyé aux États-Unis, les Américains le jetteraient en prison. « Les Américains, eux, n'adhèrent pas au concept onusien du non-refoulement et ils vont me refouler, ils vont me renvoyer chez moi », comme M. Arar pourra vous l'expliquer, si vous l'invitez à venir témoigner. Le personnel chargé de la sécurité à la frontière l'a refoulé aux États-Unis et, comme tout le monde pouvait s'y attendre — à l'exception peut-être du personnel de la sécurité à la frontière — les Américains l'ont jeté en prison. Il s'est retrouvé plus tard au Togo. Il s'est de nouveau enfuit et je pense qu'il se trouve actuellement au Bénin. Il nous a envoyé un courriel dans lequel il nous dit que le gouvernement du Canada envisage maintenant de traiter sa demande de réfugié. Comment va-t-on l'extraire du Bénin? Qui va payer son billet d'avion?

    Ce que nous avons essentiellement fait en signant un accord de tiers pays sûr... je ne sais pas si c'est le fait du ministère des Affaires étrangères ou celui de Citoyenneté et Immigration mais, pour dire les choses carrément, je me demande bien franchement comment ces gens-là peuvent-ils oser fixer la politique étrangère du Canada et renoncer à notre droit de décider qui est réfugié et qui a besoin de protection en fonction de nos lois à nous et non des lois américaines?

    Je ne sais pas comment on pourrait abroger ce traité, mais je suis porté à penser que c'est ce qu'il faudrait faire avant que le Canada refasse ce genre de chose. Nous devrions laisser les Américains se débrouiller de leur côté et faire nos affaires à nous d'une autre. Reste à savoir comment votre comité et comment les députés vont régler ce genre de problème.

    J'espère donc que votre comité va étudier la façon dont le Canada transige avec les pays qui maltraitent leurs résidents et voir comment nous pouvons maintenir la canadianité de nos politiques, plutôt que de succomber à l'influence américaine, comme Jim l'a très clairement fait ressortir.

    Merci beaucoup de m'avoir accordé votre temps.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Dolin.

    Avant de passer aux questions, j'aimerais faire une remarque. Je tiens à indiquer à M. Dolin que l'EPI n'est pas notre rapport. Ce n'est même pas le document complet. Il s'agit d'un document du gouvernement à propos duquel nous sillonnons le pays, parce que nous voulons recueillir les commentaires de la population, comme nous le faisons ce matin.

    Nous allons entamer une première série de questions de 20 minutes. Nous appliquerons l'ordre habituel: Conservateurs, Bloquistes, Libéraux, puis Néo-démocrates. En déplacement, cependant, nous commençons par ceux qui sont prêts; je donnerai donc la parole à la première personne qui voudra poser des questions.

    Madame Smith.

¿  +-(0915)  

+-

    Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC): Merci beaucoup.

    Je tiens à remercier tous nos témoins. Vos exposés étaient très fouillés et captivants. Merci beaucoup. C'était très instructif.

    Je vais adresser ma première question à Jim Fergusson.

    Je vais parler de deux aspects seulement de votre exposé, par manque de temps, même si j'ai été intéressée par beaucoup plus de choses. Vous avez dit avoir fait un exposé à ce comité, dans le passé, et avoir été bouleversé par la façon dont vous avez été attaqué à la Chambre des communes. Ce genre de chose ne devrait pas se produire. Nous sommes ici dans une tribune indépendante où les gens peuvent librement présenter leur point de vue. C'est pour cela que vous êtes ici.

    Pourriez-vous nous en dire un peu plus long?

+-

    M. James Fergusson: Eh bien, je ne veux pas revenir sur le passé, mais sachez simplement qu'après avoir fait un exposé sur les questions touchant à la course aux armements, à Ottawa, au sujet de la défense antimissiles, lors d'un petit-déjeuner organisé par le CRSH, je me suis fait traiter en Chambre, par un député, de portefaix du complexe militaro-industriel — vous trouverez cela dans un des Hansard de la mi-novembre.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

+-

    M. James Fergusson: Je suis assez blindé et cela ne me dérange pas. Je peux m'en accommoder. Ce qui est inquiétant, c'est plutôt l'attitude de la population envers les politiciens par les temps qui courent, c'est-à-dire la remise en question de la légitimité du Parlement et de notre système de gouvernement. Personnellement, j'estime qu'il y a lieu de s'inquiéter quand on voit de telles choses se produire.

+-

    Mme Joy Smith: Je suis plutôt d'accord avec vous et cela nous préoccupe.

    Deuxièmement, pour ce qui est de l'Énoncé de politique internationale, vous nous avez essentiellement dit, pour vous résumer, que c'est une déclaration de non-violence et que c'est un énoncé qui appartient au passé. Nous savons qu'il y a énormément de problèmes en matière de défense au Canada. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? J'étais très intéressée par ce que vous disiez.

+-

    M. James Fergusson: Les Canadiens, le gouvernement et les parlementaires — parce que je ne désigne personne en particulier, mais bien tout le monde — se laissent bercer par certaines convictions au sujet du Canada et du monde. Ce sont des convictions qui découlent essentiellement de toutes les histoires que nous nous racontons depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Il y est question du Canada en tant que puissance moyenne, du rôle et des attributs de notre pays depuis les années 50 et 60, le soi-disant âge d'or de l'internationalisme et l'époque de la guerre froide: la valeur que représente le multilatéralisme, les alliances, etc. Je pourrais entrer dans le détail parce que les écrits savants ne manquent pas sur ce sujet.

    À la fin de la guerre froide, tous les pays ont pris un temps de réflexion pour repenser leur stratégie de sécurité nationale — ainsi que les stratégies de politique étrangère, d'ailleurs, puisque l'Union soviétique avait disparu et que nous nous retrouvions dans un monde nouveau — et tout le monde s'est mis à agoniser sur ce qu'il pouvait faire ou devrait faire pour s'adapter à ce monde nouveau.

    Dans les 15 années qui ont suivi — mais c'est encore vrai aujourd'hui — on est parti du principe que la stratégie du Canada, qui s'était peut-être avérée utile — je ne prendrai pas position à cet égard — durant la guerre froide, qui avait peut-être eu une valeur durant cette période, conservait toute sa pertinence dans un nouvel environnement. Nous n'avons donc rien changé. Côté défense, tout ce que nous avons fait au cours des 15 dernières années — le déploiement de nos forces armées à l'étranger et le rythme opérationnel soutenu axé sur l'emploi de forces terrestres — s'est passé en une période où, de l'avis de tout le monde, même du gouvernement, l'influence et le prestige du Canada ont décliné sur la scène internationale.

    Nous disons maintenant — du moins c'est le gouvernement qui nous le dit — que nous allons continuer à faire la même chose. Armés de cette conviction, nous allons joindre le geste à la parole avec nos dollars. Apparemment, c'est en mobilisant davantage de soldats, des soldats plus efficaces, que nous y parviendrons, mais l'argent ne suffit pas pour cela. Il ne suffit pas parce que d'autres problèmes ne sont toujours pas résolus et, tant que nous ne nous demandons pas ce qui ne va pas, nous ne saurons pas où il faut investir.

    Que faisons-nous? Nos forces armées investissent massivement pour mobiliser une armée afin de combattre en Afghanistan et la population canadienne n'est même pas au courant que nous sommes là-bas, ce qui est dangereux.

¿  +-(0920)  

+-

    Mme Joy Smith: Merci. Monsieur Fergusson, j'aimerais avoir une copie de votre présentation, si c'est possible.

    Monsieur Dolan, le ton que vous avez employé était plutôt alarmant. Vous nous avez parlé d'un problème de reddition de comptes du côté du ministère de l'Immigration. Vous nous avez dit que des agents de l'immigration prennent des décisions de vie ou de mort au sujet de gens qui essaient de fuir la répression, sans avoir à rendre de compte. Cela m'inquiète. Pourriez-vous nous en dire davantage?

+-

    M. Martin Dolin: Très volontiers.

    Au cours des 15 ou 20 dernières années, j'ai comparu à plusieurs reprises devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, il existe un système d'appel que le gouvernement a refusé... Je suis devenu plutôt copain avec Denis Coderre qui avait promis, à la Chambre, qu'il allait mettre en oeuvre une procédure d'appel dans le courant de l'année afin de permettre l'examen par un tiers des décisions prises par les agents de l'immigration.

    J'ai également participé à une conférence organisée par Patrimoine canadien sur l'action policière dans une société multiculturelle. Il s'est avéré que la division d'exécution de la Loi du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration — qui est en fait un véritable corps policier investi du pouvoir d'incarcérer et d'extrader — était le seul corps policier au pays à ne pas être représenté. La GRC dispose d'un mécanisme d'examen externe, tout comme le SCRS. Tous les autres corps policiers au Canada disposent de ce genre de mécanisme d'examen externe, sauf celui du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ses décisions ne font l'objet d'aucun examen.

    Selon moi, ce ministère a enfreint une des lois du Canada en ne mettant pas en oeuvre de procédures d'appel, comme cela est prévu. En outre, j'estime que Coderre — et qui est encore en Chambre — devrait être traduit devant le comité des règlements et privilèges au motif qu'il a trompé la Chambre en déclarant qu'il ferait cela dans l'année.

    En réalité, j'aimerais que M. Volpe agisse à cet égard et ce serait un pas dans la bonne direction. L'autre pas dans la bonne direction serait que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration se soumette lui-même à une forme d'examen externe, que ce soit par le truchement d'une commission comme le SCARS ou d'un ombudsman, parce que la vie de personnes est en jeu.

    Ce qui me préoccupe aussi, dans le cas des interceptions, c'est que le gouvernement du Canada envoie des gens dans des aéroports à l'étranger pour empêcher certains passagers de monter à bord des avions sous prétexte qu'ils ne répondent pas à nos critères ou qu'ils sont des migrants illégaux, pour autant que cela ait un sens. Ainsi, des fonctionnaires rendent des décisions de vie ou de mort qui concernent d'autres individus et absolument personne ne peut contrôler ce qu'ils font par racisme, par stupidité ou parce qu'ils se sont levés du mauvais pied ce matin-là. C'est cela notre réalité.

    Je suis d'accord avec vous. C'est absolument scandaleux et nous l'avons dit à Citoyenneté et Immigration Canada. J'espère que votre comité va prendre conscience des graves répercussions de tout cela sur la politique étrangère et sur la façon dont nous sommes perçus ailleurs dans le monde. Une société démocratique ne devrait pas fonctionner ainsi.

+-

    Le président: Nous allons passer à Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci de vous être déplacé ce matin, surtout que c'est tôt. En ce qui me concerne, j'ai l'impression que c'est très tôt.

    Je tiens à indiquer à Michelle que lors de notre dernière réunion des affaires étrangères à Ottawa, nous avons accueilli des représentants de l'AUCC et que nous avons parlé de la même chose que ce que vous avez mentionné, c'est-à-dire de la valeur des échanges étudiants et de la manière dont ces échanges peuvent influencer la façon dont le Canada est perçu à l'étranger et la façon dont nos étudiants perçoivent le reste du monde.

    Mes questions vont essentiellement s'adresser à vous, monsieur Fergusson. J'aimerais que vous nous expliquiez comment le Canada devrait collaborer avec les États-Unis dans les questions de sécurité et de défense continentale et internationale.

    J'aurais deux ou trois autres questions à vous poser, mais je le ferai en même temps.

    Que pensez-vous du fait que le Canada ne prenne pas part au programme de défense anti-missiles des États-Unis? Je devine vos réponses d'après votre exposé de tout à l'heure.

    Le Canada devrait-il accroître sa contribution militaire aux opérations de l'ONU?

    Je vais m'arrêter ici pour l'instant et je verrai s'il me reste du temps.

+-

    M. James Fergusson: Eh bien, très brièvement, la question de la coopération avec les États-Unis est sans doute la plus importante à laquelle les dirigeants canadiens sont confrontés. Comme toujours, et ce n'est pas la moindre des raisons, cette coopération est important parce que nous partageons un continent avec notre voisin du sud, mais aussi parce que nous bénéficions d'un régime international qui a essentiellement été instauré par les États-Unis. Ce régime est maintenu par les Américains avec l'aide d'amis et d'alliés et de pays qui partagent leur point de vue, selon un consensus qui s'est établi à la fin de la Seconde guerre mondiale et qui va plus ou moins dans le sens des intérêts du Canada.

    À quel niveau devrait-on coopérer? Eh bien, nous devrions le faire à un niveau qui traduise les intérêts du Canada pour uniformiser le plus possible notre collaboration à l'échelon continental et notre collaboration à l'échelon international avec les États-Unis. Nous devrions garantir aux États-Unis une certaine cohérence et une certaine prévisibilité dans notre politique, comme doivent le faire des amis et des alliés.

    Cela ne revient pas à dire, comme tout le monde le croit — la plupart de ceux que je rencontre pensent que je suis américain et non canadien — que nous sommes toujours d'accord avec ce que font les États-Unis. Les Américains ne s'attendent pas à ce que nous soyons toujours d'accord avec eux. En revanche, nous devons honnêtement et ouvertement faire savoir que nos points de vue reposent sur une analyse rationnelle des différentes perceptions de la situation et des options également différentes, plutôt que de nous renvoyer la balle l'un l'autre en fonction de l'humeur du jour ou de ce que disent les sondages d'opinion et les médias et de ce que sont les exigences du gouvernement de l'heure. Encore une fois, je ne m'adresse pas ici uniquement à ce gouvernement, mais aussi à tous ceux qui l'ont précédé.

    Et cela déborde sur la question du bouclier antimissiles qui est un parfait exemple de ce qui ne va pas. J'estime que, dans cinq ans d'ici, quand les universitaires examineront les cas d'espèce de ce qu'il ne fallait pas faire en matière de politique étrangère au Canada, ils dénonceront notre politique sur le bouclier antimissiles et le fait que nous sommes passés de l'incertitude à l'adhésion complète avant de faire un soudain demi-tour, sans explication, sans que le gouvernement ne fournisse de justification bien claire, sans que le gouvernement ne donne de raison à l'appui de ses décisions, sans que nos alliés aient une vague idée des motifs qui nous ont amenés à faire ce que nous avons fait. Si vous étiez à Washington, vous vous demanderiez ce qui se passe, là haut dans le Nord, et si l'on peut faire confiance à ces gens-là, s'ils sont crédibles, s'ils sont fiables.

    C'est ce que j'ai dit et je le maintiens. J'étais favorable au bouclier antimissiles et j'ai soutenu cette position une décennie durant. Ce n'est pas un oui ou un non sur la question du bouclier antimissiles qui risquait d'entacher nos relations avec les Américains, c'est plutôt la façon dont nous allions nous y prendre. Nous n'avons pas adhéré à la défense antimissiles à l'occasion de l'ABM et nous n'avons pas adhéré à l'IDS. C'est ce que nous avons clairement fait savoir aux États-Unis. Il n'y avait pas de lien entre les deux et les États-Unis ont compris comment les choses fonctionnaient. Toutefois,nous ne nous étions pas clairement prononcé à l'époque et c'est cela qui a eu des répercussions, et je vais vous en parler.

    Je pense que notre souveraineté et la défense de notre pays, qui peut passer par la défense antimissiles, sont des enjeux importants, surtout pour ce qui se produit au Canada. Je soutiens et je continuerai de soutenir que le dossier de la défense antimissiles va avoir des répercussions extrêmement négatives sur le Canada, parce que nous allons perdre. Je n'ai que faire de ce système et de tout ce qu'il coûte aux Américains ainsi que des problèmes auxquels ils sont confrontés. Ce n'est pas cela le problème. Nous allons perdre et nous le voyons déjà.

    Je serais prêt à parier sur le fait que les États-Unis vont freiner des quatre fers quand viendra le temps de renouveler les ententes bilatérales dans le cadre du NORAD. Oh, ils seront très heureux de signer des protocoles d'entente bilatéraux avec nous, mais il faudra oublier pour tout de suite l'idée d'un commandement bilatéral où les Canadiens pourront commander des Américains et avoir accès à tout le savoir et à toutes les informations que nous trouvons tant utiles parce qu'elles nous permettent de découvrir des choses que nous ne pouvons pas découvrir par nous-mêmes.

    Votre dernière question dont j'ai pris note consistait à savoir si le Canada...

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Beth Phinney: ... doit accroître sa contribution militaire dans le cadre de l'ONU?

+-

    M. James Fergusson: À l'instar des autres institutions internationales, les Nations unies sont un instrument qui doit traduire et promouvoir les intérêts canadiens. Nos forces armées doivent être efficaces et elles doivent essentiellement nous servir à répondre à nos besoins en matière de défense nationale — pas aux besoins de la paix et de la sécurité internationales, mais aux exigences d'une défense nationale efficace — dans un monde en pleine évolution que les intellectuels définissent par l'expression « révolution dans les affaires militaires ». Ces forces que nous devons mettre à la disposition de l'ONU doivent être efficaces et modernes parce que nous ne pouvons nous permettre des forces armées tous azimuts. Ces forces doivent être axées sur des missions nationales et, par définition, sur des missions continentales. Nous pouvons les mettre à disposition de l'ONU et de l'OTAN si nous estimons que nous avons intérêt à participer à leurs missions, mais ce serait quant à moi une erreur, dans la façon d'appliquer des ressources limitées, que de mettre sur pied des forces armées canadiennes spécifiquement onusiennes.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Nous allons refaire un tour de table de 10 minutes. Nous commencerons par M. Clavet, après quoi nous entendrons M. Blaikie.

    Monsieur Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    Je remercie les témoins de leur présentation. Il y a là quelques constatations que j'ai faites, moi aussi, à titre de porte-parole du Bloc québécois. Je suis ici en qualité de remplaçant de quelqu'un qui siège habituellement à ce comité, mais mes dossiers sont ceux de l'immigration et de l'Asie du Pacifique.

    M. Dolin a parlé de ses frustrations par rapport aux petits dictateurs. Je partage certaines de ses frustrations, quoique je serais un peu plus modéré, parce qu'il y a quand même des agents d'immigration qui font un travail honnête.

    De la même manière, Mme Gallant a identifié l'argent des immigrants qui s'en va à l'étranger par le biais des banques, etc. Je crois comprendre qu'il y a énormément de frustration et qu'il n'y a pas de lien entre l'immigration et ses conséquences en termes de sécurité et la politique étrangère canadienne.

    Est-ce que vous pourriez me dire si c'est bien le propre d'une politique étrangère que d'inclure cette dimension de l'immigration, non seulement en matière de sécurité mais aussi quant aux objections que M. Dolin et Mme Gallant ont soulevées. Trouvez-vous que cet énoncé de politique étrangère canadienne est complètement en dehors de la réalité et que l'on aurait dû y intégrer davantage la dimension immigration?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Dolin.

+-

    M. Martin Dolin: Si j'ai bien compris votre question, ma réponse sera oui, très certainement.

    Un bon exemple de la politique étrangère du Canada est la question du « tiers pays ». Quand Jim parle du rôle du Canada au sein du NORAD, de la défense et du reste, nous, nous parlons de nos relations avec l'éléphant du sud. Conclure une entente de tiers pays sûr, ayant une incidence sur notre pouvoir de déterminer qui doit recevoir le statut de réfugié chez nous, revient fondamentalement à renier nos responsabilités et à les transférer aux Américains. Cela a certainement à voir avec notre politique étrangère et avec la nature de notre relation avec nos « amis du Sud ».

    Il se trouve que je suis originaire des États-Unis. J'ai passé les 26 premières années de ma vie dans ce pays. Pour éduquer un peu Jim sur certaines réalités à côté desquelles il me semble passer, je lui dirais ceci: j'ai remarqué qu'il y a une différence culturelle entre les Canadiens et les Américains dans la façon dont nous interprétons le mot « compromis ».

    Les Canadiens, eux, retiennent la définition du dictionnaire, comme il convient selon moi de le faire. « Compromis » veut dire que vous donnez quelque chose, que je donne quelque chose en retour, que nous nous en remettons à un tiers indépendant — en général un arbitre — et que nous parvenons à une décision qui convient à tous les deux, chacun ayant cédé quelque chose.

    Moi, qui suis Américain originaire du Bronx du Sud et qui a appris la politique au Parti démocrate dans les rues du Bronx, estime plutôt que « compromis » veut dire que c'est vous qui devez céder quelque chose, que je vais vous contraindre à faire un « compromis ». C'est comme cela que les Américains perçoivent ce mot.

    Quand on voit des Canadiens comme Mickey Cohen qui rentre d'une série de négociations avec les Américains et que nos voisins disent« nous avons atteint un compromis », l'ex Américain que je suis se dit qu'ils nous ont encore eu.

+-

    Le président: Merci.

    Une voix: Pourrait-on avoir la réaction de M. Fergusson?

+-

    Le président: Très courte alors, 30 secondes.

+-

    M. James Fergusson: Très brièvement, je suis heureux qu'un député du Bloc soit présent aujourd'hui, parce que je craignais beaucoup qu'il n'y ait pas de représentant du Bloc québécois qui accompagne ce comité dans le reste du pays. Je suis très heureux de vous voir ici.

    Ce que vous voulez dire et ce que je retiens du fondement de l'intervention de M. Dolin — pas de sa réponse à propos de laquelle nous pourrions débattre — c'est que le problème fondamental consiste à se demander si l'actuelle structure de gouvernement demeure applicable aux tâches que le gouvernement doit maintenant remplir. Nous avons hérité une structure de gouvernement, du moins dans le domaine de la politique étrangère, qui appartient au XIXe siècle: politique étrangère, affaires étrangères, défense. Nous voyons à présent, en matière de sécurité nationale, que les lignes de démarcation entre ces divers secteurs s'estompent. La politique étrangère — ce que fait actuellement la diplomatie — est bien différente de ce qu'elle était dans le passé et M. Dolin l'a bien fait remarquer.

    J'ai l'impression que ce qui manque dans le pays — dans tout cet exercice — c'est un examen critique des structures en fonction desquelles nous adoptons des politiques et, quant à moi, c'est un aspect qu'il convient de régler.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Martin Dolin: Puis-je intervenir?

    Au sujet des agents d'immigration, je ne voulais pas dire...

+-

    Le président: Vous avez 30 secondes monsieur Dolin.

+-

    M. Martin Dolin: Oui, ce sera bref. Je n'étais pas en train de dire que les agents de l'immigration sont des gens malhonnêtes et sont comme des petits... Ce sont les règles qui leur permettent de travailler ainsi en totale indépendance, sans contrôle a posteriori, règles qui les placent également dans une position scabreuse parce qu'ils n'ont aucun compte à rendre et ne sont investis d'aucune responsabilité. Je ne pense pas que ce sont des gens malhonnêtes ou malfaisants, certainement.

+-

    Le président: Je dois vous dire, monsieur Dolin, que nous connaissons bien la situation dans le cas des visas, tous les députés savent ce qui se passe du côté des visas dans les bureaux de l'immigration.

    Madame Gallant.

+-

    Mme. Michelle Gallant: Cela ne m'étonne pas. On parle souvent de mobilité commerciale, de mobilité des investissements, mais on exclut habituellement de tout ce discours la mobilité des personnes et je ne suis donc pas étonnée de voir que l'immigration fasse partie intégrante de ce document.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Blaikie.

+-

    L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

    Avant de poser ma question, je veux faire un rappel au Règlement pour expliquer pourquoi je suis arrivé en retard, parce que c'est finalement assez amusant.

+-

    Le président: Vous nous l'avez déjà sortie celle-là.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Ce sera déduit de votre temps.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Non, j'ai dit que c'était un rappel au Règlement et ce ne sera pas défalqué du temps qui m'est alloué. Si vous ne voulez pas me faire crédit de ce temps-là, je ferai un rappel au Règlement plus tard. Bon! si ce n'est pas le cas, je vais continuer.

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Les gens de Winnipeg savent qu'il y a un stationnement souterrain à côté d'ici et j'envisageais de m'y garer pour la journée. J'ai pris une sorte de tunnel et, quand je suis arrivé au bout pour prendre mon ticket, il y a eu comme une panne de courant et aucun moyen... la barrière s'était abaissée devant moi. Comme il n'y avait pas de voiture derrière, j'ai fait marche arrière pour voir s'il n'y aurait pas une sorte de bouton sur lequel j'aurais pu appuyer. Comme il n'y en avait pas, je suis redescendu pour voir si ça remarchait.

    Pendant ce temps-là, tout une file de voitures s'est formée derrière moi et cette satanée barrière ne voulait toujours pas s'ouvrir. C'est alors que l'entretien est arrivé. Le type a essayé de faire fonctionner la machine, mais il lui fallait actionner la barrière manuellement à l'aide d'outils. Comme il n'avait pas ce qu'il lui fallait, je lui ai passé ceux que j'avais dans ma voiture. De toute façon, et pour résumer, c'est à cause de cela que je suis arrivé en retard et je vous présente mes excuses...

    Cela étant, j'espère que je n'aurai pas à payer le stationnement parce que je n'ai finalement pas obtenu de ticket pour entrer.

    Je tiens simplement à signifier mon accord avec la plus grande partie de ce que j'ai entendu, mais je n'ai bien sûr entendu que l'exposé de M. Dolin. Toutefois, les réponses de M. Fergusson m'incitent à poser une question ou deux.

    Je suis évidemment d'accord avec le fait qu'il faut faire quelque chose — comme tous les députés le savent fort bien — au sujet de l'autorité dont sont investis certains de nos représentants à l'étranger. Nous sommes sans cesse en train de nous battre à coup de télécopies et de lettres, et d'essayer de faire intervenir le ministre. Nous connaissons fort bien ce qui se passe de ce côté-ci.

+-

    Le président: Vous voulez dire des deux côtés.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Effectivement, des deux côtés. Il nous arrive très souvent de nous sentir aussi frustrés que vous l'êtes. Je ne suis pas certain que ces gens-là détiennent ce genre de pouvoir en vertu de l'article 64 de la loi, mais des gens sont venus me voir pour réclamer le changement de cette disposition. J'espère que vous transmettrez le message dans l'autre sens.

    Je suis évidemment également d'accord... Je ne savais pas à quel point le Haut-Commissariat aux droits de l'homme pouvait manquer de personnel.

    Nous aussi avons exprimé des réserves au sujet de l'entente de tiers pays sûr et de la procédure d'appel que nous avons réclamée à maintes reprises. Comme vous le voyez, nous nous entendons sur pas mal de chose.

    Je voulais poser ma question à M. Fergusson. Vous avez fait deux remarques excellentes au sujet de la défense antimissiles. Nous sommes opposés quant à la position à adopter à ce sujet, mais je suis d'accord avec vous sur le fait que tout ce dossier a été fort mal géré dans les relations avec le Parlement, avec la population et avec les États-Unis. J'ai eu quelques échanges avec l'ambassadeur Cellucci à ce propos et je comprends le grand étonnement des Américains sur la façon dont le système politique canadien a fonctionné à cet égard.

    En fin de compte, nous n'avons encore reçu aucune explication au Parlement quant à la raison pour laquelle le gouvernement a pris la décision qu'il a prise. Il nous avait promis qu'il y aurait un débat et un vote et, peu importe ce qu'a fait le gouvernement, nous n'avons finalement jamais obtenu cela. Si cet engagement avait été annoncé dans le discours du Trône, nous aurions au moins pu obtenir un semblant d'explication.

    Vous avez parlé de l'Afghanistan et du fait que nous sommes en guerre là-bas et que les Canadiens ne semblent pas s'en rendre compte. Il est vrai, je pense, que le gouvernement a essayé de présenter ce qui se passe en Afghanistan comme si c'était une sorte de prolongement de notre ancien rôle de maintien de la paix en parlant de reconstruction d'une province et ainsi de suite.

    Êtes-vous en train de dire que nous ne devrions pas faire cela? Vous avez semblé dire que l'Afghanistan était l'extension de ce vieux modèle qui, selon vous, est une partie du problème. Êtes-vous en train de dire que nous ne devrions pas nous trouver là-bas?

¿  +-(0940)  

+-

    M. James Fergusson: Je ne dis pas nécessairement que nous ne devrions pas être là-bas. Je pense d'ailleurs que toute la question de l'Afghanistan et de notre présence dans ce pays est intéressante.

    Ce qui me préoccupe, c'est la façon dont on peut interpréter notre présence en Afghanistan à partir de l'Énoncé de politique internationale. Comme vous le disiez, le gouvernement ne nous a jamais fourni d'explication quant à notre position sur le bouclier antimissiles. Quand j'étais étudiant, il y a bien des années de cela, et que je lisais avec mes amis la traduction des discours du Secrétaire général du Parti communiste de l'URSS, devant le Présidium suprême, nous nous demandions à quoi pouvait bien servir toute cette propagande. Eh bien, il est de bon ton que les gouvernements fassent part de leurs intentions à leur population et au reste du monde. C'est une tâche importante pour tous les gouvernements, quels qu'ils soient.

    Des lors, je devrais pouvoir trouver, dans cet énoncé de politique internationale, une explication de notre présence en Afghanistan et de la raison pour laquelle nous y avons envoyé 2 000 militaires. Or, ce qu'on y trouve, c'est toujours la même vieille explication, celle du maintien de la paix. C'est ce que nous y faisons et cela nous fait nous sentir bien.

    Il existe pourtant de nombreuses autres explications possibles à notre présence là-bas, et je m'attends à ce que, dans ce livre blanc — parce que c'est bien ce dont il s'agit ici — le gouvernement dise clairement aux Canadiens pourquoi nous sommes là-bas et qu'il ne nous cache rien. Je vais vous illustrer mon propos. Cela fait près de 15 ans maintenant que nous sommes en guerre, d'une façon ou d'une autre, de la Yougoslavie au Kosovo en passant par la Bosnie, mais le gouvernement n'a jamais employé le mot « guerre ». Nous venons d'envoyer 2 000 militaires en Afghanistan pour assurer la sécurité des équipes chargées de la reconstruction d'une province qui se trouve en plein fief taliban. Ces militaires ne se retrouvent pas dans une situation très différente de celle des soldats de l'Armée rouge qui avaient été dépêchés sur place pour aider des équipes de reconstruction provinciales avec leurs commissaires politiques qui s'étaient installés dans les régions rurales. C'est exactement la même chose.

    Nous ne parviendrons pas changer le monde. Nous pouvons toujours penser que nous sommes mieux que les autres. Pas de problème. Mais c'est pour cela que nous sommes là-bas.

    Il n'y a pas eu de débat sur le bien-fondé du déploiement de 2 000 militaires canadiens chargés de remplir des missions de recherche et de destruction, parce que c'est ce qu'ils font ont dans le sud-est de l'Afghanistan pour appuyer la reconstruction de cette province. Nous n'avons pas eu de débat à ce sujet.

    Je suis choqué de constater qu'une démocratie libérale mûre n'a pas suffisamment confiance dans sa population pour faire face au Parlement afin de tenir un débat éclairé sur le bien-fondé de notre présence là-bas, par-delà la bonne action que représente une opération de maintien de la paix. Si les choses tournent mal, nous a prévenu le ministre de la Défense... Personne ne semble écouter. Le Chef d'état-major de la défense a annoncé sans détour que des militaires seraient tués dans cette opération, mais je ne crois pas que la population l'a bien compris.

    Je terminerai sur une chose à propos de l'Afghanistan, si vous me le permettez.

+-

    Le président: Oui, mais très vite.

+-

    M. James Fergusson: Notre politique, selon le gouvernement, consiste essentiellement à intervenir dans des pays en déroute ou fragiles. Cela remonte à notre intervention en Afghanistan en 2001. Pourtant, en 2001, l'Afghanistan n'était pas un pays en déroute ou fragile. Les talibans, qui contrôlaient 80 à 90 p. 100 du territoire, constituaient un gouvernement de fait et ils étaient sur le point d'écraser ce qui restait et de l'Alliance du Nord. Nous sommes allés là-bas et nous avons pleinement appuyé les Américains et l'Alliance du Nord pour renverser un gouvernement qui n'avait rien de fragile et qui n'était pas en déroute. Je n'entretiens aucun réserve quant aux motifs de cette intervention, mais soyons honnêtes, faisons preuve de leadership et faisons confiance aux Canadiens.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à Mme Guergis et j'aurais aussi une question à poser.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

    Après avoir entendu toutes ces questions qu'on vous a posées, j'aurais beaucoup aimé revenir sur certaines d'entre elles. Au sujet de votre dernière remarque — non pas sur la question de l'envoi systématique de soldats canadiens à la guerre, mais sur celle de l'absence de véritables débats à la Chambre des communes pour que les Canadiens sachent exactement ce qui se passe et que nous puissions voter sur le déploiement de militaires outre-mer — sachez que notre parti est tout à fait favorable à cette façon de procéder et qu'il en parle depuis longtemps. Merci pour vos commentaires à ce sujet.

    Merci de vous être rendu à notre invitation. Je suis en partie d'accord avec les préoccupations que vous avez énoncées au début, monsieur Fergusson. Le malheur, c'est que vous avez en grande partie raison, mais j'aurais préféré le contraire. Comme je suis porte-parole en matière de coopération internationale, j'aborderai la plupart de mes questions sous l'angle de la prestation de l'aide étrangère par le Canada. J'espère que vous allez m'aider en répondant à deux ou trois questions que je me pose.

    Récemment, j'ai posé une question au premier ministre quand le gouvernement a décidé de déployer l'équipe DART au Pakistan. Dans la plupart de mes communiqués de presse et de mes questions, j'ai complimenté nos soldats et ceux qui font partie de l'équipe DART. Or, on a détourné mes propos pour affirmer que je ne m'étais attaquée à l'équipe DART et à ceux qui y font un excellent travail.

    Pourtant, mes questions étaient fondées sur 13 pages de documents obtenus par le biais de l'accès à l'information, documents confirmant que le gouvernement avait été informé par le MDN et l'ACDI que, dans sa forme actuelle, l'équipe DART est inefficace. Cette histoire remonte à près d'un an et demi. Si nous déployons l'équipe DART pendant 10 mois sur place, elle pourra consulter 10 000 patients en plus de 40 jours et, dans le même temps, fournir de l'eau potable pour 6 666 personnes. En revanche, moyennant 420 000 $ et le recours à OXFAM ou à toute autre ONG de même compétence et de même qualité, il serait possible de distribuer de l'eau potable à 20 000 personnes pendant six mois.

    C'est sur cela que ma question était fondée. J'ai critiqué le premier ministre parce qu'il avait préféré une bonne séance de photographie à une saine collaboration avec des ONG.

    Dites-moi, quel rôle l'équipe DART devrait-elle jouer dans l'avenir? Devrait-on lui donner les ressources nécessaires pour la rendre plus efficace ou devrait-on se tourner vers les organisations non-gouvernementales qui n'ont plus rien à prouver dans la prestation de l'aide?

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Monsieur Fergusson.

+-

    M. James Fergusson: Je ne suis pas expert dans les questions de développement et d'aide internationale, mais j'estime que le déploiement de l'équipe DART constitue une mauvaise utilisation de ressources limitées. Cette équipe est faite pour intervenir d'urgence sur le terrain et accomplir très vite la mission pour laquelle elle a été conçue. Comme dans toutes les situations d'urgence, les primo-intervenants se chargent du travail préliminaire; dans le cas de DART, cela consiste à distribuer tout de suite de l'eau. Après cela, une semaine ou une dizaine de jours plus tard, nous devrions nous tourner vers des organisations qui sont plus efficaces à long terme, comme OXFAM, CARE et d'autres ONG. C'est à ce moment-là que les autres devraient intervenir, parce qu'ils n'ont pas les ressources voulues pour assurer une réponse immédiate.

    Or, à la façon dont elle a été conçue, l'équipe DART n'a pas la capacité d'agir rapidement. Elle n'y parvient tout simplement pas. Tout d'abord, il lui faut réserver un avion Antonov pour son transport. Combien de temps a-t-il fallu pour obtenir un tel avion après le tsunami et le tremblement de terre au Pakistan? Les Américains, eux, étaient là tout de suite après parce qu'ils ont les ressources nécessaires qui sont déployées à partir de leurs porte- avions. Nous n'avons pas de tels moyens.

    Que nous faut-il? Nous voulons que notre action soit efficace. Nous voulons déployer rapidement cette équipe et la faire revenir le plus vite possible une fois le travail de base accompli. Ce serait une façon de dispenser plus efficacement notre aide. Toutefois, pour cela, le gouvernement devrait investir dans des moyens de transport stratégique, ce qu'il se refuse de faire.

+-

    Le président: J'ai une dernière question à vous poser. vous vous êtes montré très critique dans vos propos, monsieur Fergusson, ce que je trouve très bien. Que pensez-vous de l'idée d'un énoncé de politique internationale intégré? Pensez-vous qu'une mise à jour annuelle de ce document soit une bonne idée?

    Deuxièmement, vous avez parlé des trois piliers que sont l'économie, les valeurs canadiennes et la défense. Dans un domaine comme la défense,vous avez dit qu'il faudrait revenir aux prémisses de base plutôt que de simplement mobiliser des ressources financières et humaines. Si nous le faisions, qu'est-ce que cela changerait à notre politique?

+-

    M. James Fergusson: Est-ce bien de produire un énoncé annuel? Est-ce bien de copier les Américains qui le font avec leur stratégie en matière de sécurité nationale?

    Maintenant, nous produisons annuellement le rapport du chef d'état-major de la défense. C'est sensé ajouter de la transparence et accroître le degré de reddition de comptes. Eh bien, pour ces deux motifs, c'est effectivement intéressant, mais si tout le gouvernement se met à publier des énoncés rassurants, d'auto-congratulation, alors je pense que ça ne servira plus à grand chose. Nous gaspillons là de précieuses ressources.

    Ce pourrait être un exercice utile mais, tant que nous ne le ferons pas correctement, il ne servira à rien.

    Si nous en revenions aux prémisses de base, nous constaterions un basculement fondamental dans ce que nous faisons. Nous pourrions commencer à examiner la situation et à poser des questions. Par exemple, durant la majeure partie de l'ère qui a suivi immédiatement la fin de la guerre froide, les Forces canadiennes n'ont jamais été déployées sous les auspices de l'ONU. En revanche, elles l'ont fait sous la direction d'autres commandements, notamment de l'OTAN, pour toute une diversité de raisons.

    Pourquoi avons-nous choisi l'OTAN et pas l'ONU? Simplement parce que l'ONU n'était pas en mesure de réagir et que nous avons sauter sur la première formule que nous pouvions trouver? Cela traduit-il simplement le principe selon lequel, dès qu'il y a une crise internationale quelque part, le Canada doit intervenir? Pourquoi agissons-nous ainsi?

    Si nous appliquions le premier principe nous nous apercevrions qu'à cause de la nature de la politique que nous menons au Canada, nous n'aurions pas les moyens de nos ambitions sur la scène internationale en matière de projection de notre défense. Les gouvernements ne sont pas prêts à changer les choses et je me permettrais de faire remarquer que ni le Bloc, ni le NPD, ni les Conservateurs ne sont prêts non plus. Nous savons et la preuve nous en a été donnée à maintes reprises.

    À cause du peu de ressources que nous avons, nous devons faire des choix difficiles. En fonction des premiers principes, nous devons déterminer les bases sur lesquelles nous allons effectuer ces choix. Qu'est-ce qui est important dans ce cas?

    Je pourrais vous fournir une longue liste de réponses si nous en avions le temps, mais sachez que si nous agissions ainsi, nous ferions preuve d'une plus grande discrimination. Nous deviendrions davantage prévisibles et davantage fiables sur la scène internationale et, comme nous serions également davantage crédibles, les autres commenceraient à nous écouter. Les gens s'intéresseraient à ce que nous avons à dire et à ce que nous voulons faire si nous ne nous laissions pas aller à tout ce fatras, ici et là.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Merci.

    Merci, monsieur Fergusson, madame Gallant et monsieur Doling. Nous allons suspendre la séance pendant quatre ou cinq minutes.

    Merci.

¿  +-(0952)  


À  +-(1001)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux.

    Nous accueillons à présent, de l'Université du Manitoba, George MacLean, professeur de science politique, et de la Banque de céréales vivrières du Canada, Jim Cornelius qui en est le directeur général.

    Bienvenue à vous deux.

    Nous allons commencer par M. MacLean.

+-

    M. George MacLean (professeur , Science politique, Université du Manitoba): Merci beaucoup.

    Permettez-moi de commencer par remercier le comité de me donner la possibilité de prendre la parole devant lui aujourd'hui. Je débuterai par quelques observations, préférant réserver plus de temps aux questions par la suite.

    Je tiens tout d'abord à signaler que, selon moi, la politique étrangère canadienne est en train de s'écrire sur un fond de turbulences à l'échelle internationale, et la plupart des gouvernements des pays industrialisés de l'Occident doivent tenir compte de cette nouvelle situation, qui comprend de nouveaux acteurs, notamment des acteurs non étatiques. Cela nous amène à nous poser des questions notamment sur la souveraineté et sur la mondialisation. Toutefois, pour autant que la politique internationale soit marquée au sceau du changement, je crois que nous devons inscrire notre action dans la continuité.

    J'estime que l'Énoncé de politique internationale est un progrès très important. Pendant des années, les universitaires et les observateurs de la question ont soutenu que le Canada devait rechercher davantage l'intégration dans son énoncé de politique intérieure et je crois que cette question de l'intégration est absolument essentielle dans ce cas. On pourrait dire en quelque sorte que cet énoncé de politique est la réponse que le gouvernement propose après des décennies où on lui a demandé de produire une politique coordonnée plutôt que d'essayer d'établir des liens ici et là entre les différentes politiques en place.

    Cela dit, un nouvel énoncé n'est pas forcément synonyme de nouvelle politique. Je vois plutôt dans ce document un projet de coordination des politiques actuelles moyennant un meilleur texte, de meilleurs titres et une meilleure approche de l'intégration. Ainsi, je ne pense pas que les nouveaux axes proposés dans l'EPI sont aussi novateurs qu'on le soutient dans ce texte, mais certaines choses semblent avoir bougé, par exemple du côté de la sécurité régionale et des acteurs non étatiques, outre que l'on ouvre la question de l'intérêt national, autant d'enjeux qui ont un relief différent de celui qu'ils avaient au lendemain de la guerre froide.

    J'estime qu'il est important d'envisager la politique étrangère du Canada, à l'ère moderne, par le biais des 3D — défense, diplomatie et développement —, même si je suis convaincu qu'il faudrait davantage parler d'une approche DDDC. En effet, il conviendrait de souligner davantage l'importance que nous voulons placer sur le commerce.

    Quant à moi, la politique étrangère correspond à un cadre beaucoup plus vaste que celui qu'on nous a décrit dans le passé. Je crois qu'il faut tout miser sur la politique étrangère, les autres questions, comme la défense, le commerce et le développement devant en découler.

    J'ai eu l'occasion d'entendre certains des échanges avec le groupe de témoins précédent au sujet de l'Afghanistan. Quant à moi, ce modèle est important. J'ai été en Afghanistan et j'ai vu le genre de travail qu'on y fait. Je ne partage pas le point de vue qui a été exprimé tout à l'heure au sujet de la présence du Canada en Afghanistan: je ne pense pas que celle-ci soit fonction d'une nouvelle politique, mais qu'elle est plutôt le résultat d'une politique qui a été modifiée et qui est plus logique que par le passé.

    Je dirais également que l'approche DDDC s'inscrit dans la tradition de la politique étrangère canadienne et qu'elle n'est pas entièrement nouvelle, comme l'illustre parfaitement la mention à « la paix, l'ordre et le bon gouvernement » que l'on trouve dans l'énoncé de politique, mention qui ne s'applique pas simplement à la gouvernance dans le système international mais qui est un concept de politique résiduaire qui situe les centres de pouvoir. Pour moi, il convient que la gouvernance demeure un principe de la politique étrangère canadienne.

    Pour ce qui est de l'idée de l'intérêt national, je dirais qu'il doit traduire les élans nationaux. L'énoncé reflète effectivement les élans nationaux qui ne sont pas nécessairement ceux de nos amis et de nos alliés.

    Il faut toutefois se garder de penser que les conditions changeantes à l'échelle internationale signifient que nous n'avons plus besoin d'une politique étrangère canadienne traditionnelle; nous devrions plutôt tenir compte de nos priorités fondamentales. Il y a d'abord, bien évidemment, celles de nos relations avec les États-Unis que nous devrions mieux gérer pour mieux protéger nos intérêts. Deuxièmement, il y a le commerce international qui est fondamental dans le cas de nos relations avec les États-Unis. Puis, il y a la question de notre sécurité et, enfin, celle de la stabilité des institutions.

    Je vois beaucoup de choses du genre à la lecture de l'Énoncé de politique internationale. Je crois aussi que nous devrons nous concentrer davantage dans certains domaines, comme l'équilibre et la diversité de nos relations en matière de politique étrangère ou l'application d'un multiculturalisme revu et corrigé et des questions comme l'importance de la sécurité humaine qu'il ne faut pas négliger, mais qui doivent bien se retrouver au centre de la politique étrangère canadienne.

    Sur ce, je vais céder le micro.

    Merci.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cornelius.

+-

    M. Jim Cornelius (directeur général, Banque de céréales vivrières du Canada): Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous. Je représente la Banque de céréales vivrières du Canada, association de 13 organismes religieux qui collaborent à la lutte contre la faim dans le monde.

    L'année dernière a été toute une année pour nous, dans le milieu de l'aide au développement et de l'aide humanitaire. Nous avons dû faire face à nombre de situations d'urgence un peu partout. Les gens sont épuisés.

    La semaine dernière, j'étais à Rome pour une rencontre dans le cadre du Programme alimentaire mondial où l'on a dit que le problème le plus important auquel nous sommes actuellement confrontés, c'est le divorce. Le personnel du Programme alimentaire est régulièrement envoyé dans des postes où les familles ne peuvent pas suivre à cause de la nature du travail sur place, ce qui occasionne d'énormes problèmes avec le personnel et une baisse du moral des troupes. Avant, le Programme était confronté à une grande crise tous les deux ans mais, maintenant, les crises s'enchaînent comme nous le constatons tous dans notre milieu.

    D'un autre côté, nous essayons de déterminer ce qui se cache derrière toutes ces crises. Nous ne pouvons pas simplement regarder cela de l'extérieur et il nous faut voir ce qu'il y a derrière, nous intéresser aux causes du problème. À la Banque de céréales vivrières, nous essayons de faire face à tous ces problèmes et de réfléchir à la façon dont le Canada peut intervenir et où il doit le faire.

    Nous étudions la situation dans le sud de l'Afrique et essayons de tirer des enseignements des grandes pénuries alimentaires, comme au Darfour et en Afghanistan, où nous sommes intervenus. Ce que nous avons à dire au sujet de l'Énoncé de politique internationale est donc fondé sur cette expérience, sur le résultat de nos recherches et sur ce que nous pensons des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés dans les pays où nous sommes présents, que ce soit au Sierra Leone, au Liberia, au Bangladesh ou en Inde, c'est-à-dire partout où il y a des famines.

    Je commencerai par dire que nous avons réalisé d'énormes progrès au cours des 40 dernières années parce que nous avons réduit la proportion de ceux qui, dans le monde, se couchent en ayant faim. Nous semblons toujours penser que les choses empirent tandis que l'on a réalisé d'énormes progrès au cours des 40 dernières années. Au début de 1970, on estimait que 35 p. 100 de la population mondiale connaissait la famine. Aujourd'hui, il y en a moins de 17 p. 100, malgré une fantastique croissance démographique.

    Cela évidemment m'amène à conclure qu'il est possible d'éradiquer la pauvreté. Au cours des 40 dernières années seulement, nous avons réalisé de très importants progrès et, avec les objectifs du développement du millénaire, nous allons à présent chercher à réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, d'ici 2015. Nous estimons que c'est un objectif tout à fait réaliste et réalisable.

    Ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est que la dernière décennie a été une décennie perdue. Les progrès ont plafonné. Avant cela, nous avions énormément progressé, mais le rythme est en train de diminuer graduellement ce qui veut dire que si nous atteignons un plateau, nous ne réaliserons pas les objectifs que nous nous sommes fixés. Pour y parvenir, il faudra déployer de nouveaux efforts et trouver de nouvelles façons de fonctionner pour renouer avec le rythme de progression du passé.

    Nous nous réjouissons de voir que, dans l'EPI, le Canada s'engage à augmenter substantiellement son budget d'aide au développement et qu'il entend même en accélérer le déboursement sous réserve d'un petit slogan accrocheur glissé au passage: « si la situation financière le permet ». Pour nous, il est essentiel que le Canada se dote d'un plan qui va nous permettre de parvenir au niveau de 0,7 p. 100 de notre INB d'ici 2015.

    Nous nous réjouissons de voir que le gouvernement inscrit son action diplomatique, militaire, commerciale et d'aide au développement dans une politique étrangère intégrée parce que, pour vraiment s'attaquer à la faim et à la pauvreté dans le monde, il va falloir recourir à tous les volets de la politique étrangère. On ne peut pas ramener uniquement les choses à l'aide au développement, comme si elle devait être la réponse à tout. Le commerce international est très important aussi, de même que les questions touchant aux conflits et aux institutions multilatérales. Nous n'atteindrons pas notre objectif de réduction de la faim dans le monde par le seul truchement de l'aide au développement.

    Nous sommes donc très heureux de voir une telle approche intégrée que notre milieu de l'aide au développement réclame depuis longtemps. Nous nous réjouissons de voir que, dans l'EPI, le Canada s'engage à évaluer son action par le biais d'un examen élargi des droits de la personne et de la sécurité humaine. Nous estimons en effet que les gouvernements doivent se doter d'une meilleure capacité pour faire face à leurs obligations en matière de droits de la personne et pour rendre des comptes dans les questions de respect et de protection des droits fondamentaux de la personne.

    Au cours des quatre dernières années, nous avons participé à la formulation de lignes directrices internationales sur la mise en oeuvre des droits humains dans le dossier de la faim dans le monde et il y a lieu que le Canada se demande comment nous pourrions faire progresser ce cadre d'application des droits de l'homme dans la réalité, de façon pratico-pratique et pas uniquement théorique. Il est fondamental que l'on apporte une aide aux groupes de la société civile des pays en développement qui sont aux prises avec la faim parce qu'en fin de compte, ce sont les résidents de ces pays et non des acteurs externes qui doivent tenir leurs gouvernements responsables. Il y a donc lieu de les renforcer.

À  +-(1010)  

    Nous avions une grande crainte quand l'EPI a été annoncée, soit que l'on n'y mentionnait pas l'agriculture en tant que domaine prioritaire. Il est ironique de penser que la plupart des gens qui ont faim dans le monde vivent dans des régions rurales et que leur subsistance dépend d'une forme ou d'une autre d'agriculture. Tout indique qu'il faut absolument inclure l'agriculture dans un plan qui aurait pour objet de réduire très nettement la faim et la pauvreté dans le monde.

    L'ACDI l'a reconnu en 2003 quand elle a adopté son énoncé de politique sur la promotion d'un développement rural durable par le biais de l'agriculture. À cette époque, on considérait que le Canada était un chef de file mondial dans la relance de l'appui à l'agriculture et nous sommes donc très préoccupés par le fait que cet intérêt n'ait pas été repris dans l'EPI. Nous avons ensuite applaudit à la déclaration de la ministre de la Coopération internationale quand elle a dit que l'énoncé de politique de 2003 était toujours valable, même s'il n'était pas repris dans l'EPI et qu'il avait été relégué au second plan, derrière d'autres priorités, surtout celle du développement du secteur privé.

    Nous craignons que l'on perde de vue le développement de l'agriculture pris en temps que priorité. S'il n'apparaît pas dans ce document, nous allons le perdre de vue. Nous exhortons votre comité, dans le rapport ou les rapports qu'il rédigera, à insister sur le fait que ce document doit mentionner l'agriculture. Comme je le disais, la plupart des humains qui ont faim vivent dans des régions rurales. Sans un tel investissement, nous ne parviendrons pas à réaliser nos objectifs de lutte contre la faim.

    Nous nous sommes aussi réjouis en constatant que le Canada reconnaît que les négociations commerciales peuvent jouer un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté et de la faim dans le monde, surtout dans le cas des négociations commerciales agricoles. Il est vital, selon nous, que les négociateurs du Canada reçoivent pour mandat de tenir compte du développement et qu'ils en fassent un objectif fondamental. Ils ont certes reçu pour mandat de prendre acte du point de vue des pays en développement, mais il faudrait que ce mandat leur précise que le développement est un objectif en soi et pas uniquement une fonction des intérêts du Canada.

    Nous pensons que les intérêts du Canada et ceux des pays en développement convergent à bien des égards mais, si l'on tient compte de l'approche 3D ou plus exactement de l'approche DDDC, il faut donner aux négociateurs le mandat de véritablement tenir compte des intérêts des pays en développement. Sinon, cette série de négociations résultera, une fois de plus, dans la marginalisation des pauvres comme ce fut le cas la dernière fois.

    Il faut absolument permettre aux pays en développement d'appliquer des mesures aux frontières afin qu'ils puissent protéger leurs cultures et leurs moyens d'existence qui sont fondamentaux à leur sécurité alimentaire, dans un monde où les subventions continueront de jouer un rôle très important dans les années à venir, même si la série de négociations aboutit.

    Nous avons constaté que beaucoup de collectivités rurales sont davantage vulnérables et qu'elles résistent moins aux divers chocs auxquels elles sont soumises, par rapport à la situation d'il y a plusieurs années. Elles seront plus vulnérables. À l'occasion des sécheresses dans le sud de l'Afrique et au Nigeria, nous avons constaté à quelle vitesse ces collectivités pourraient se retrouver en situation de récolte déficitaire et d'augmentation des prix.

    L'EPI fait allusion à l'absence remarquée de filets de sécurité à l'échelle internationale. Nous estimons qu'il est fondamental de mettre en place des filets protecteurs de base, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale, afin d'aider les populations à composer avec les chocs auxquels elles sont soumises, de sorte que des situations d'urgence ne se transforment pas en crises humanitaires. Il serait possible d'éviter les crises en agissant beaucoup plus tôt grâce à de tels filets de protection. Une convention portant sur l'aide alimentaire serait une solution. Pour cela, il faudra réformer le système et nous allons demander au gouvernement de participer activement à cette réforme.

    Je dirais un dernier mot sur l'idée de mobilisation de la population, dont il est question dans l'énoncé, autour de ces questions de développement et de faim dans l monde. C'est quelque chose que les ONG réclament depuis longtemps: parler de la façon dont nous pouvons mobiliser la population autour de ces questions. Notre organisation a investi énormément de ressources pour essayer de mobiliser les Canadiens, pas uniquement à l'occasion de campagnes de financement, mais pour les amener à comprendre les enjeux et à y prendre part, parce que ce sont eux dont vous, parlementaires, aurez besoin en fin de compte pour apporter les changements nécessaires. Nous estimons essentiel de collaborer avec l'ACDI et avec les parlementaires sur la façon de mobiliser la population autour de toutes ces questions.

    Voilà donc un autre aspect qui est couvert dans l'EPI, mais qui n'a pas donné lieu à beaucoup de réalisations jusqu'ici. Nous espérons qu'il y aura un suivi à cet égard.

    Je vais m'arrêter là.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cornelius.

    Nous allons commencer par Mme Smith.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

    Merci à vous deux pour vos exposés qui étaient très perspicaces.

    En 2002-2003, la Chine était le quatrième plus important bénéficiaire de l'aide accordée par le Canada. Étant donné le dossier lamentable de ce pays dans le domaine des droits de la personne et son développement économique rapide, estimez-vous que le Canada devrait fournir une aide au développement à la Chine? Qu'en pensez-vous?

+-

    Le président: Monsieur Cornelius.

+-

    M. Jim Cornelius: À l'examen des statistiques sur la faim, on se rend compte que, si le monde a réalisé autant de progrès sur ce plan, c'est essentiellement grâce aux progrès de la Chine dans sa lutte contre la pauvreté et la faim. Considérée uniquement sous cet angle, la Chine a fait beaucoup de progrès, même s'il y a lieu de continuer de s'inquiéter de sa performance sur le plan du respect des droits de la personne.

    Je pense qu'il y a lieu d'intéresser le gouvernement chinois aux questions de développement, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de transférer d'importantes ressources à cet égard. Je crois que nous pourrions avoir recours à d'autres moyens pour parvenir aux mêmes fins, notamment en travaillant avec le gouvernement chinois, surtout dans les régions rurales pour nous assurer que la population est en mesure de profiter pleinement des progrès économiques de ce pays et que personne n'est exclue. Il y a plusieurs façons d'y parvenir et, selon moi, il n'est pas nécessaire d'investir de vastes sommes d'argent, mais il faut tout de même mobiliser le gouvernement. On ne peut pas simplement considérer qu'un dossier de développement devient, du jour au lendemain, un dossier économique.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Smith.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

    Selon vous, quel devrait être l'objectif le plus important de la politique et des programmes de développement du Canada à cet égard?

    L'autre soir, j'ai participé à un événement organisé pour l'Aide à l'enfance. En début d'exposé, vous avez dit qu'il y a de très nombreux désastres, des guerres et des événements du genre, et qu'il est très difficile de faire face à la situation, parce que beaucoup de gens ont encore faim dans le monde à l'heure actuelle. Cela étant, je dois vous dire que j'ai trouvé fascinant l'exposé de l'Aide à l'enfance. Cela m'a donné envie de prendre l'avion et de me rendre là-bas pour escalader les montagnes.

    Compte tenu de la situation dans le monde à l'heure actuelle, quel est, selon vous, l'objectif le plus important de la politique et des programmes de développement du Canada?

+-

    M. Jim Cornelius: La réduction de la pauvreté.

+-

    Mme Joy Smith: Je voulais parler de façon plus précise. Nous nous entendons tous sur la réduction de la pauvreté, mais selon vous, quel genre de politique pourrait nous permettre de parvenir à ces fins?

+-

    M. Jim Cornelius: Au bout du compte, nous ne devons pas faire en sorte que notre politique consiste uniquement à réagir en cas de crise humanitaire. Ce qui m'inquiète, c'est que ce genre d'intervention est particulièrement visible. Or, nous devons nous attaquer aux points faibles sous-jacents qui, à de nombreux égards, contribuent à ces crises et les aggravent même.

    Regardez ce qui se passe dans le sud de l'Afrique; cette région vit une récolte déficitaire, une sécheresse, mais il y a 20 ans, une telle sécheresse n'aurait pas occasionné le genre de crise que nous connaissons aujourd'hui. En fait, les populations sont plus vulnérables et elles ont moins la capacité de se relever aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Elles sont moins en mesure de faire face à la situation et il est fondamental que notre programme d'aide vise à mieux les équiper et à leur donner des mécanismes d'adaptation pour que les gens puissent résister aux ondes de choc et s'en remettre.

    Cela pourrait notamment se faire par le déploiement de filets de sécurité de base parce que, quand de tels chocs se produisent, les gens sont plongés dans une pauvreté dont ils ne peuvent plus sortir. Ils perdent tout, ils perdent leurs biens de production, ils retirent leurs enfants des écoles et ainsi de suite autant de choses qui contribuent à leur appauvrissement.

    Le développement ne se fait pas qu'au niveau macro, au niveau supérieur, il passe par une intervention des collectivités les plus pauvres, par une action visant à mieux outiller les gens et à réduire leur vulnérabilité. C'est cela, selon moi, qui est le plus fondamental dans le programme d'aide.

+-

    Mme Joy Smith: Pourriez-vous nous dire de manière un peu plus précise ce que devrait être le filet de sécurité?

À  +-(1020)  

+-

    M. Jim Cornelius: Prenons le cas du Niger, dont on a parlé récemment. L'insuffisance de la récolte n'a pas été particulièrement grave mais le problème est qu'il y a eu une augmentation des prix. Les prix des aliments ont doublé. Les gens n'ont pas pu les assumer.

    Le filet de sécurité dans ce cas fait en sorte que, quand ces facteurs se déclenchent, on lance de grands programmes de travaux publics, par exemple, pour injecter de l'argent dans l'économie. On donne des emplois pour que les gens aient de l'argent. On s'efforce également d'augmenter l'offre de produits alimentaires dans la région concernée pour faire baisser les prix.

    Il y a plusieurs manières de faire ça : on peut le faire par l'aide alimentaire mais aussi par des transferts réels d'argent aux ménages. Il faut que les familles aient de l'argent liquide en mains. Si elles ont de l'argent, elles peuvent s'en sortir, et il y a beaucoup de méthodes pour leur en donner -- comme les travaux publics. Parfois, on peut aider les plus vulnérables en leur donnant directement de l'argent ou des produits alimentaires ou en augmentant l'offre de ces derniers.

    Tout cela est parfaitement faisable et coûte beaucoup moins cher que la résolution d'une crise, et on a des médecins et des infirmières pour faire face aux niveaux élevés de malnutrition.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Mme Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins d'aujourd'hui.

    Quand j'examine l'ÉPI, je me demande si ACDI Inc. ne devient pas un outil d'échanges commerciaux. Bien sûr, les fonds de l'ACDI devraient servir au développement. Certes, le secteur privé un rôle énorme à jouer dans la prestation de l'aide internationale mais il me semble que le gouvernement libéral, en plaçant ACDI Inc. dans la partie des services commerciaux de l'ÉPI -- ce qui confirme deux choses à mes yeux -- continuera de l'utiliser comme une sorte de caisse noire à ses propres fins. En outre, il ne respectera pas son engagement de délier l'aide.

    Le 22 septembre, les ministres ont annoncé que la moitié de l'aide serait déliée et j'aimerais savoir si la Banque de céréales vivrières du Canada a pu acheter de l'aide alimentaire déliée.

    Comprenez-vous ma question?

+-

    M. Jim Cornelius: Oui.

    Vous savez peut-être que nous avons fait des pressions pendant huit ans pour obtenir ce changement et que nous avons été très heureux qu'il soit annoncé le mois dernier.

    Nous avons à l'heure actuelle des programmes en Afrique australe. Ce changement de politique nous a permis d'accroître sensiblement le nombre de personnes que nous avons pu aider dans cette région. Depuis lors, nous avons économisé plus de un million de dollars pour ce seul programme de l'Afrique australe grâce à ce changement de politique. C'est très important et nous en sommes très heureux.

+-

    Mme Helena Guergis: Avez-vous reçu une liste de pays où vous pouvez faire des achats?

+-

    M. Jim Cornelius: Oui. Dans le cas dont je parle, nous ne voulons pas acheter dans les régions où il y a déjà des pénuries alimentaires mais l'Afrique du Sud vient d'enregistrer une récolte record de maïs et, comme c'est un pays voisin, il est beaucoup plus facile de s'y approvisionner de manière efficiente et sans perdre de temps, ce qui est excellent.

    Je dois dire que nous avons beaucoup apprécié l'appui des Conservateurs, du Bloc, du NPD et des autres à ce sujet car cela nous permettra de rendre notre aide beaucoup plus efficace. En fin de compte, quand nous parlons aux Canadiens -- et je pense que ceci nous ramène à vos questions sur ACDI Inc.-- ils disent constamment qu'ils souhaitent que les budgets d'aide soient utilisés le plus efficacement possible pour faire face à la pauvreté et à la faim.

+-

    Mme Helena Guergis: Vous avez raison.

+-

    M. Jim Cornelius: Et il est vrai que, même si c'est avantageux pour le Canada, les Canadiens réagissent de manière très négative si les avantages pour le Canada amènent à compromettre la lutte contre la pauvreté et la faim.

+-

    Le président: Merci.

    Je dois ajouter que vous avez déjà parlé de cela en 2002. Voyez-vous... c'est la politique du gouvernement et nous avons obtenu une résolution unanime du comité. Je dois dire que nous avons discuté de cette question avec le ministre et que 50 p. 100 n'est pas suffisant à nos yeux. Nous voulons que la proportion d'aide déliée soit plus élevée parce que c'est la seule solution pour être efficient.

    Je donne la parole à M. Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins.

    Je suis quand même surpris de l'affirmation de M. Cornelius. Dans un sens, oui, je pense que les problèmes de pauvreté reculent, mais à une vitesse absolument inacceptable. Comme vous l'avez bien expliqué, il y a, depuis les 10 dernières années, un certain retard, un plafonnement de la lutte contre la pauvreté.

    Vous disiez, évidemment, que nous sommes en faveur d'une augmentation de l'aide internationale if the fiscal situation permits. Or, l'année dernière, le gouvernement canadien a eu un surplus de 9,1 milliards de dollars.

    Est-ce que vous pensez que dans cette énoncé de politique étrangère, on retrouve la générosité qui fut l'apanage du Canada pendant plusieurs années? Est-ce qu'on retrouve à la fois l'intention, le geste et la parole, ou si on retrouve encore un voeu pieux à l'effet que, finalement, on va faire davantage?

    Comme vous l'avez mentionné, la situation en Asie sur les plans des désastres naturels et de la faim a été particulièrement difficile cette année.

    Le Canada n'a-t-il pas manqué une belle occasion de faire davantage avec ses surplus financiers colossaux?

À  +-(1025)  

[Traduction]

+-

    Le président: M. Cornelius.

+-

    M. Jim Cornelius: Je veux répondre de manière impartiale, dans le sens où j'estime que le Canada a sensiblement augmenté son aide. Il faut l'admettre. Je ne voudrais pas donner l'impression qu'il n'y a pas eu d'augmentations importantes car il en a eu et elles ont été très appréciées.

    Toutefois, nous sommes encore loin de l'objectif de 0,7 p. 100 et nous croyons, d'après notre analyse, que la situation budgétaire du gouvernement lui permettrait de dresser un plan en conséquence. Je sais que le Premier ministre est prudent mais je pense qu'il y a d'autres méthodes à court terme. Nous pourrions même avoir des plans à court terme qui nous permettraient... Ici, nous parlons d'un plan détaillé sur 15 ans mais cela montre au moins que nous sommes sur la bonne voie. Je crois que c'est vital.

    Quand je vois combien d'argent on consacre chaque jour à la guerre contre la terreur -- et 656 personnes ont été tuées dans le monde entier par des actes de terrorisme en 2004, alors que 3 millions sont mortes du VIH-Sida la même année -- je pense que nous devrions revoir nos priorités. Je pense qu'il y a de l'argent et qu'il y a des plans clairs qui nous permettraient d'arriver là où nous voulons aller dans l'élimination de la pauvreté et de la faim. C'est tout à fait faisable.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Vous avez aussi mentionné la pression qui s'exerce de plus en plus sur les ONG, sur le personnel. Vous avez parlé de divorces dus à la situation tendue pour ceux qui veulent aider.

    Est-ce que cette espèce de surenchère de problèmes mondiaux que l'on constate en ce moment peut nuire un peu au travail des ONG? Sentez-vous un peu l'impuissance d'organismes comme le vôtre à vraiment corriger la situation? Avez-vous besoin d'aide supplémentaire? Y a-t-il, dans cet énoncé de politique étrangère, quelque chose qui soit dirigé vers des organisations non gouvernementales, afin de les aider dans des situations extrêmes comme on vient d'en vivre cette année avec les tsunamis, les tremblements de terre et autres problèmes? Est-ce qu'on aide suffisamment les ONG?

[Traduction]

+-

    M. Jim Cornelius: Tout dépend de ce que vous entendez par la santé. Recevons-nous suffisamment de conseil sur le mariage? Probablement pas.

    Je crois que les ONG sont préoccupées par ce que sont devenues les augmentations de l'aide. Le gouvernement a entrepris un effort relativement soutenu pour repenser son aide bilatérale, et ce processus a été important. Il a fait beaucoup de travail pour repenser son aide multilatérale mais il n'en a pas fait beaucoup pour repenser le rôle de la société civile et des ONG. Je dois dire que cet énoncé de politique n'explicite pas ce rôle de manière très efficace.

    En revanche, on y dit que le gouvernement mettra sur pied un comité qui sera chargé de repenser toute cette question, ce qui est une source d'espoir. Nous réclamons ce type de conversation depuis quelque temps déjà et... d'abord, nous repensons ces choses et nous nous occuperons du reste ensuite. Nous espérons que le reste sera examiné sans retard et que le gouvernement se penchera sans tarder sur ce que devrait être le rôle des ONG et sur ce dont elles ont besoin pour être le plus efficaces possible.

    Ceci touche en grande mesure notre propre travail. Il ne s'agit pas du gouvernement. Je veux dire par là que nous devons nous-mêmes revoir comment nous sommes structurés. Bon nombre de nos organisations ne sont pas bien structurées pour faire face à ce type de crises à répétition qui écrasent nos systèmes. Nous devons revoir comment nous sommes organisés et je pense que nous le faisons en collaboration étroite avec les acteurs gouvernementaux.

    Nous sommes tous confrontés à ce problème -- les agences de l'ONU -- dans la mesure où nous essayons de voir comment nous pouvons fonctionner dans un monde bien différent d'il y a 10 ans.

À  +-(1030)  

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Enfin, monsieur le président, j'aurais une question pour M. MacLean qui a dit:

[Traduction]

notre relation avec les États-Unis pourrait être mieux gérée.

[Français]

    Est-ce qu'il pourrait dire de façon un peu plus précise comment nos relations avec les États-Unis pourraient être améliorées?

[Traduction]

+-

    M. George MacLean: Merci d'avoir posé cette question.

    Je pense que l'exemple de l'Afghanistan est excellent. J'ai été surpris de la discrétion avec laquelle le gouvernement du Canada a répondu aux critiques provenant des États-Unis concernant le manque d'appui à la guerre en Irak. Personnellement, je pense que nous avions de bonnes raisons de ne pas y participer mais je crois que le gouvernement canadien aurait pu expliquer de manière beaucoup plus efficace pourquoi il ne pouvait pas y participer en disant que le problème primordial était la guerre contre le terrorisme. Il aurait pu rappeler aux États-Unis ce qu'il faisait ailleurs. À mesure que les mois passaient, j'étais surpris du silence relatif d'Ottawa sur ce que faisait réellement le Canada.

    Je crois que l'une des manières les plus efficaces de traiter avec les États-Unis est de reconnaître, tout d'abord, qu'il y a entre nos deux pays une relation de dépendance mutuelle, étant bien entendu que nous sommes le plus dépendant des deux. Si notre position de départ est que les États-Unis se sont diversifiés à un point tel qu'ils n'ont plus besoin de nous, nous serons en position de faiblesse. Certes, il est vrai, notamment sur le plan commercial, que les États-Unis sont aujourd'hui beaucoup plus diversifiés qu'à l'époque de la signature de l'Accord de libre-échange, par exemple.

    Je crois qu'on a généralement le sentiment à Washington que nous sommes beaucoup moins importants que nous l'étions dans le passé. Or, le Canada ne répond pas assez vigoureusement à ce sentiment en rappelant chaque fois aux Américains, et pas seulement à leur gouvernement... Par exemple, quand un journaliste canadien a demandé à Condoleezza Rice, la conseillère du président sur la sécurité nationale, pourquoi George Bush était allé au Mexique et non pas au Canada après son élection, elle a répondu que le Mexique était leur partenaire le plus important. Nous n'avons pas répondu à cela. Il y a eu des réactions d'étonnement un peu partout mais personne n'a pris la peine de répondre clairement que le Mexique n'est pas le partenaire commercial le plus important des États-Unis. En fait, il n'est même pas le deuxième puisque la Chine l'a aujourd'hui dépassé.

    Je pense que nous pourrions faire beaucoup plus pour rappeler aux Américains ce que nous leur apportons, notamment en ce qui concerne les questions de sécurité et la guerre contre le terrorisme, mais aussi du point de vue des bienfaits du commerce. Je ne pense pas que l'on doive gérer la relation au moyen de mesures de rétorsion en disant que nous allons les attaquer sur le gaz naturel parce qu'ils nous attaquent sur le bois d'oeuvre. Je crois que notre vulnérabilité à cet égard serait beaucoup trop grande.

    Par contre, rappeler continuellement aux Américains l'importance de cette dépendance bilatérale me semble être un premier pas important. Et ce serait également très utile pour l'électorat intérieur. Il serait très bon que les Canadiens sachent vraiment ce que nous faisons. Quelqu'un parlait plus tôt de la confusion relative ou du malentendu concernant ce que nous faisons dans la guerre contre le terrorisme. Je crois que le gouvernement canadien pourrait être beaucoup plus ferme à cet égard, en rappelant aux Canadiens quel est notre rôle international.

+-

    Le président: Merci.

    Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Merci beaucoup.

    Je voudrais revenir sur quelque chose que M. Cornelius a mentionné, et il n'est pas le seul à l'avoir fait.

    On propose de faire une mise à jour annuelle de notre politique internationale pour les Affaires étrangères mais quelqu'un a dit que ce devrait être circonscrit au ministère. Certaines personnes ont dit que cela devrait être public et d'autres ont suggéré plus de coopération avec les ONG. M. MacLean a dit qu'il était nécessaire d'assurer une continuité. Je me demande pour ma part si le fait de recueillir plus de réactions publiques à notre politique, chaque année, ne risque pas de déboucher sur plus de réactions de panique et sur une réorientation trop rapide de notre politique.

    J'aimerais avoir votre réaction à cette idée, et à celles qui suivent.

    On a parlé un peu de l'ALENA. Que pensez-vous de notre relation au sein de l'ALENA? Devrait-elle être approfondie? Devrait-on y inclure d'autres ententes ou se limiter au commerce? Devrait-on y inclure des choses comme l'investissement -- des dollars?

    J'ai une autre question. Le comité s'est rendu récemment aux Nations Unies où il a discuté des difficultés que pose la révision des politiques onusiennes. Comment réagissez-vous à cela? Pensez-vous que la session avec les Nations unies consacrée à leurs changements de politiques a été un succès ou non?

À  +-(1035)  

+-

    M. George MacLean: D'abord, en ce qui concerne la révision de notre politique internationale, c'est absolument essentiel. Ces choses doivent être intégrées, ce qui n'est pas le cas actuellement au gouvernement.

    La séparation des Affaires étrangères et du Commerce international a paralysé beaucoup de monde. Cela m'a surpris. Je crois que les membres de ce Ministère ont été surpris par ce qui s'est passé. Cette décision avait fait l'objet de très peu de débats. Je ne pense pas que l'on ait donné des raisons très solides au public, au gouvernement ou aux autres parties pour justifier ce qui a été fait.

    C'est également en décalage par rapport à ceci car c'est en réalité une intégration de la politique et une meilleure prise en compte de ce que sont vraiment les relations étrangères du Canada.

    Je crois pas que la politique étrangère intéresse beaucoup les Canadiens. Je ne vois pas un seul député gagner ou perdre un siège en fonction de la politique étrangère du pays ni même, hélas, de l'aide au développement -- mais je suis pas sûr que Jim serait d'accord avec moi.

    Je crois que réviser notre politique étrangère rappellerait aux Canadiens l'importance des relations étrangères. Nous sommes un pays tributaire du commerce, plus que la plupart des pays industrialisés. Nous ne pouvons pas agir de manière indépendante. Si nous le faisions, une bonne partie -- les deux tiers, environ -- de notre produit intérieur brut serait menacée car elle est directement reliée au commerce.

    Il faut rappeler aux Canadiens que le commerce fait partie de la politique étrangère. C'est un dérivé de la politique étrangère. Nous devons savoir ce que les Canadiens attendent de notre politique étrangère. Si nous songeons sérieusement à accroître notre aide au développement pour atteindre 0,7 p. 100, demandons aux Canadiens ce qu'ils en pensent.

    Cela dit, je pense qu'une révision est absolument essentielle. Il faut qu'elle soit ouverte et intégrée. Je ne pense pas que cela donnera un avantage quelconque aux députés au moment des élections, ni même au gouvernement, mais cela rappellera au moins aux Canadiens, même si c'est assez bizarre -- et relativement paradoxal -- que l'un des aspects les moins prioritaires de la politique canadienne est l'un des plus importants pour les Canadiens.

    En ce qui concerne votre deuxième question, sur l'ALENA, les idées concernant un marché commun mériteraient d'être examinées. Je ne pense pas qu'il soit très réaliste d'envisager d'aller au-delà, par exemple jsuqu'à une union douanière. Je ne pense pas que ce serait bien accueilli par les États-Unis, d'autant plus que Washington est maintenant très focalisé sur une mentalité de réseau en étoile.

    Il y a 15 ans, cette focalisation sur le réseau en étoile préoccupait beaucoup les Canadiens -- je parle ici d'une relation commerciale internationale dont les États-Unis seraient le centre. Nous avons réussi dans une certaine mesure à surmonter cela en demandant que les pourparlers avec le Mexique deviennent trilatéralisés, ce qui est soudainement devenu l'ALENA, alors que notre intérêt à l'égard du Mexique était quasiment nul, sauf dans la mesure où nous voulions qu'il soit à la table avec les Américains quand ceux-ci géraient une relation de libre-échange avec un autre partenaire. Cela a été une décision très importante.

    Il importe que nous soyons conscients de ce qui se passe au sujet de la relation commerciale aux États-Unis, et proposer des idées comme un marché commun nous aiderait pour des questions telles que la main-d'oeuvre et les migrations. Il y a eu un peu de discussions sur les migrations et sur la main-d'oeuvre dans le groupe précédent. Je ne crois pas que cela ira beaucoup plus loin que cela. L'idée de la dollarisation, d'une union monétaire, est une idée mort-née. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

    Par exemple, les arguments culturels et politiques qui ont amené à approfondir l'intégration de l'union européenne n'ont tout simplement aucune pertinence en Amérique du Nord et je ne pense pas qu'elles devraient être avancées. Par contre, je crois que le moyen d'aller de l'avant est de commencer à se demander où nous voulons aller. S'il ne s'agit pas de nouveaux acteurs dans l'hémisphère Sud et en Amérique centrale, approfondissons alors ce que nous avons.

    Cela peut aussi être un processus à plusieurs vitesses. L'idée que tout le monde doit entrer au même moment pour qu'on puisse aller de l'avant a été l'un des grands problèmes de l'accord de libre-échange des Amériques : tout le monde devait être au même niveau et tout devait être accepté par tout le monde pour pouvoir avancer. Eh bien, nous n'entendons plus beaucoup parler de la ZLEA aujourd'hui parce que tout le monde n'a pas pu entrer en même temps. Même les États-Unis ont critiqué cette démarche.

    Un processus à plusieurs vitesses pour approfondir l'intégration au sein des Amériques serait justifié et, parmi tous les pays, c'est le Canada qui devrait en prendre la tête, nonobstant les discussions de la Chine. Ces discussions sont importantes mais j'ai vu récemment des statistiques sur notre relation avec la Chine. Tout notre commerce avec ce pays n'atteint pas ce que nous dépensons chez nous pour acheter des médicaments. C'est un commerce minuscule. En fait, il est incroyablement petit par rapport aux avantages potentiels que nous pourrions tirer d'une meilleure intégration des Amériques.

    Nous avons une relation étrange au Canada. Nous sommes un pays américain mais nous n'admettons pas que les Américains sont notre foyer. En réalité, je pense que nous devrions être à l'avant-garde. Si les Amériques doivent être plus intégrées, nous devrions être le chef de file de ce mouvement.

    En ce qui concerne votre troisième question, sur l'ONU, j'ai beaucoup de réserves sur ce qui se passe là-bas car j'ai des opinions personnelles sur l'importance d'un multilatéralisme élargi. Toutefois, je ne pense pas que la mentalité ou la culture que le gouvernement canadien apporte dans les débats concernant des questions telles que les relations au-delà de l'Atlantique avec les partenaires de l'OTAN ou avec les États-Unis puissent être insérées telles quelles dans une relation multilatérale comme celle que nous voyons aux Nations Unies.

À  +-(1040)  

    Il faut bien comprendre que le multilatéralisme peut prendre de nombreuses formes. Le genre de multilatéralisme rénové dont je parlais dans ma déclaration liminaire est plus axé sur l'identification des buts que l'on peut atteindre par l'action collective.

    Le multilatéralisme repose plus sur l'idée qu'il permet de faire des choses qu'on ne peut pas faire seul. On peut obtenir des choses différentes. On peut obtenir de la crédibilité. On peut obtenir un siège à la table. On peut contribuer plus à la réforme institutionnelle de l'ONU. Mais on peut aussi obtenir des effets du monde réel touchant les ressources, les politiques, les priorités de politique étrangère, au moyen d'autres types de forums multilatéraux.

    Au cours des 15 dernières années, la manière dont nous avons abordé les différentes catégories de multilatéralisme en confirment l'importance. Il n'y a pas que le multilatéralisme onusien et je pense que nous devons nous concentrer sur les objectifs que nous voulons atteindre en comprenant comment ils sont différents de ceux que nous avons besoin d'atteindre par le truchement des nations multilatérales dans les Amériques et avec nos partenaires du Pacifique et d'Europe.

+-

    Le président: Merci.

    M. Blaikie.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Merci, monsieur le président. Je n'ai que quelques questions à poser, surtout au professeur MacLean.

    Tout d'abord, pour répondre à ce que vous disiez sur le fait que la politique étrangère intéresse peu les Canadiens, je vous comprends parfaitement. En revanche, il semble que certaines questions suscitent beaucoup d'intérêt dans certaines régions du pays. Je pense qu'on a beaucoup parlé du fait que les Québécois étaient vigoureusement opposés à la guerre en Irak et à la défense antimissiles. Comme ces questions avaient beaucoup d'importance dans cette province où le gouvernement se sentait particulièrement vulnérable, elles ont été des facteurs importants dans les décisions qui ont été prises, quoi que l'on puisse en penser.

    J'aimerais vous poser quelques questions sur l'Afghanistan. Vous avez dit que c'était l'activation d'une vieille politique et non pas une nouvelle politique. Pourriez-vous préciser cette idée?

    Deuxièmement, vous avez dit que notre première priorité devrait être la relation Canada - États-Unis mais il me semble, tant dans le contexte de l'Afghanistan que dans celui de la sécurité de l'Amérique du Nord, que nous risquons d'avoir déjà compromis nos valeurs. Nous remettons des combattants aux États-Unis alors que nous n'avons aucune assurance réelle que les Américains respectent la Convention de Genève à Guantanamo Bay, Abu Ghraib ou ailleurs. Nous remettons également indirectement des Canadiens aux États-Unis, bien sûr, comme nous l'avons fait avec Maher Arar. Comment devrions-nous traiter des questions de cette nature, alors que nous vivons dans cette relation avec un pays qui se voit de plus en plus comme au-dessus ou à côté de divers types de droit international?

+-

    M. George MacLean: Merci.

    Je ne sais pas si vous avez constaté que la politique étrangère suscite beaucoup d'intérêt à Winnipeg mais c'est peut-être le cas étant donné que Winnipeg est une ville internationale, nonobstant son emplacement. C'est en tout cas ce que j'avais perçu quand j'y habitais.

    Je pense que votre remarque est pertinente au sujet de questions telles que l'Irak et la défense antimissiles. J'aimerais revenir sur l'Irak à la fin de mon intervention, pour faire un commentaire qui sera relativement controversé mais que je tiens à faire quand même. En ce qui concerne la défense antimissiles, je pense que nous avons fait la bonne chose. Je ne crois pas que refuser de participer à la défense antimissiles aura un effet quelconque sur notre relation avec les États-Unis.

    En fait, si nous avions accepté la défense antimissiles, je crois que les conséquences auraient été énormes sur la politique étrangère du Canada, notamment en ce qui concerne la non-prolifération et le désarmement.

    D'après moi, la non-prolifération des armes nucléaires et le désarmement étaient encore, en tout cas la semaine dernière, le pilier de notre politique étrangère. Nous n'y prêtons peut-être pas toute l'attention qu'il faudrait mais cela me paraît clair. Or, ce sont des questions sur lesquelles nous avons toujours été en désaccord avec les Américains. Nous avons été en désaccord sur des questions telles que le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires ou le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et je crois que nous aurions sérieusement compromis ce pilier fondamental de notre politique étrangère si nous avions accepté de participer au bouclier antimissiles.

    En outre, notre relation du NORAD n'est pas complètement intégrée. Il y a des aspects du NORAD et du commandement spatial auxquels nous participons très peu, par exemple.

    Quand j'ai visité le quartier général du NORAD en 2000, plusieurs Américains m'ont dit que ce que pense le Canada de la défense nationale antimissiles n'a pas vraiment d'importance. Ils ne parlaient pas de défense antimissiles balistique. Comme vous le savez, c'est une politique nationale.

À  +-(1045)  

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Oui.

+-

    M. George MacLean: Certes, ils auraient aimé avoir les Canadiens avec eux mais ils disaient que c'était un peu comme ce qui se passe là-bas, au bout du couloir. On ne peut pas y aller de toute façon parce que c'est une initiative nationale du Canada. Je ne pense pas que cela affecte notre initiative américaine. Je ne crois pas que cela affecte directement notre relation avec les États-Unis.

    En ce qui concerne l'Afghanistan, bonne question. Est-ce une nouvelle politique ou la continuation de l'ancienne? Je pense que c'est la continuation d'une tradition de politique étrangère du Canada de stratégie interventionniste fondée sur des principes, fondée sur la culture et les priorités. Ce n'est pas simplement de l'humanitarisme aveugle, c'est de l'intérêt égoïste bien compris.

    Je crois que les Canadiens, pendant très longtemps, que ce soit par le maintien de la paix ou par le truchement des accords commerciaux, ou par celui de relations plus étroites avec la République populaire de Chine... C'est toujours une question d'intérêt. Pourquoi devrions-nous être présents en Afghanistan? Tout d'abord, la question de la guerre contre le terrorisme est très différente de la guerre en Irak, à mon avis.

    Je suis d'accord avec beaucoup des choses que vous avez dites. Je ne crois pas que nous ayons compromis nos valeurs en étant impliqués en Irak. Je conviens avec vous qu'il y a certaines choses troublantes, surtout en ce qui concerne la question des citoyens canadiens, comment nous nous intégrons réellement aux Américains en Afghanistan, ce qui a été une question difficile à régler car il y a plusieurs missions différentes en cours, comme vous le savez. Il y a l'Opération ATHENA, il y a l'Opération APOLLO, il y a l'Opération Enduring Freedom et, quand la FOI participe pas à Enduring Freedom...

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Et à l'ISAF.

+-

    M. George MacLean: C'est vrai, l'ISAF fait partie de l'opération ATHENA.

    C'est très différent de l'ISAF car, quand nous commandions l'ISAF, nous commandions des Américains. C'est une chose importante à garder à l'esprit. Le Canada est l'un des très rares pays au monde que les États-Unis n'hésitent pas à laisser commander leurs soldats. De fait, nous sommes leur seul allié multinational qu'ils autorisent à commander leur marine.

    Je crois que la question des valeurs compromises ne concerne pas tant l'Afghanistan que certains de ses aspects. Où je pense qu'il s'agit dans une certaine mesure d'une nouvelle politique -- l'Afghanistan -- c'est dans la meilleure intégration des différents aspects de notre politique étrangère du passé. Plus de 70 % des Canadiens disent qu'ils ne savent pas ce qui se passe en Afghanistan mais à peu près la même proportion disent qu'ls aiment le maintien de la paix. Eh bien, c'est un problème parce que le gouvernement n'a pas vraiment expliqué aux Canadiens comment le maintien de la paix a évolué. En fait, l'expression même, « maintien de la paix », n'a pratiquement plus de sens car on parle plus aujourd'hui de choses telles que l'instauration de la paix qui, il y a 10 ans, était une chose que l'on réprouvait dans les milieux universitaires. Les gens n'employaient pas d'expression comme celle-là mais ils n'hésitent plus à le faire aujourd'hui.

    Ce que nous faisons en Afghanistan n'est pas du maintien de la paix. Parlez à des soldats canadiens qui y sont allés et ils vous diront que ce n'est pas du maintien de la paix. Ça l'est peut-être à certains moments mais, à d'autres, quand ils s'en vont en mission de reconnaissance, ils n'y vont pas comme agents qui maintiennent la paix mais comme agents qui établissent ou instaurent la paix.

    Je crois que c'est là un meilleur exemple d'une politique étrangère intégrée, impliquant les aspects militaires et civils et les organismes non gouvernementaux qui, me semble-t-il, sont aussi embêtés de travailler avec des militaires que ceux-ci le sont de travailler avec eux. Quoi qu'il en soit, c'est un exemple qui marche.

    Je conclus en faisant deux remarques. Premièrement, j'ai discuté avec un général américain qui m'a dit -- et vous pouvez citer cela autant que vous voulez à condition de ne pas dire qui c'était... Il venait tout juste de rentrer d'Irak, avait passé un peu de temps aux États-Unis et se préparait à partir en Afghanistan. Il m'a dit, vous savez, si nous avions en Irak la moitié de ce que nous avons ici, nous serions dans une bien meilleure situation. Ce qu'il avait vu en Afghanistan avec l'approche multilatérale, selon lui, était beaucoup plus efficace pour arriver à un environnement sûr. Évidemment, les conditions ne sont pas du tout les mêmes dans les deux pays.

    Ma dernière remarque est celle-ci : je crois qu'il vaudrait la peine, maintenant, que le gouvernement canadien examine les possibilités d'intervention en Irak. Je pense que le moment est venu pour les Canadiens de dire que, malgré nos réserves, les conséquences de notre non-participation sont beaucoup plus préoccupantes, du point de vue éthique et moral, que celles de notre participation éventuelle. Aujourd'hui, en 2005, je crois que les Canadiens seraient capables de dire à leurs propres concitoyens et à la communauté internationale qu'il est possible de participer au processus qui doit continuer d'avancer -- et pas seulement les Canadiens. Je crois que les Européens de l'Ouest pourraient également participer, et il y aurait là pour les Canadiens le moyen d'établir un contact très étroit avec les Américains et avec nos alliés européens en disant que les efforts actuels ne marchent pas et que la situation va empirer en Irak. Si elle continue d'empirer, nous finirons par avoir une bien mauvaise réputation si nous ne disons pas... Comment pouvons-nous tirer parti des leçons apprises avec l'ISAF, par exemple, en essayant de les appliquer en Irak sans dire, voyez, nous avons appuyé l'invasion de 2003?

    Je crois qu'il vaudrait la peine que les Canadiens se demandent, considérant leurs ressources limitées, ce qu'ils pourraient faire là-bas. Certes, nos ressources sont limitées et nous devons admettre qu'elles seront dispersées. Nous n'avons pas la possibilité de dire qu'il s'agit de sécurité continentale. Ce n'est tout simplement pas la tradition de la politique étrangère canadienne. Ce sont peut-être des ressources petites, voire insignifiantes par rapport à d'autres, mais la contribution petite et insignifiante que nous avons faite en Afghanistan n'est pas jugée petite et insignifiante par nos partenaires, je crois, ou par la population afghane.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci.

    Mme Helena Guergis

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.

    M. MacLean, vous dites que nous devrions rappeler aux Américains ce que nous faisons exactement en matière de sécurité. Pourriez-vous préciser votre pensée et, peut-être, nous donner une liste ?

+-

    M. George MacLean: Certainement. Je ne crois pas que les citoyens américains ou leur gouvernement dresseront une liste détaillée de ce que nous faisons, pour s'en souvenir. Plus nous restons silencieux au sujet de ce que nous faisons en matière de sécurité, plus nous causons de tort à notre relation avec les États-Unis.

    Tout d'abord, je crois qu'il est absolument essentiel de rappeler aux Américains que nous étions là dès le début dans la guerre contre la terreur. Notre contribution à l'ISAF a parfois été plus importante que celle de n'importe quel autre pays, à part l'Allemagne. Elle a été plus importante que celle des États-Unis. Nous avons participé à plus de commandement et de contrôle de l'ISAF que les Américains.

    Je comprends bien ce n'est ai pas l'opération Enduring Freedom mais c'est le modèle qui s'applique maintenant dans les PRT du reste du pays. C'est ce que nous faisons avec un PRT, ce qui est plus dangereux et implique plus de force, mais ce n'est pas comme si nous n'avions pas fait ça dans le passé. On devrait rappeler continuellement que le ratio du personnel militaire canadien qui est actuellement actif en Afghanistan est largement supérieur à celui des autres pays alliés, à l'exception des États-Unis, malgré nos ressources limitées. Il est important de le dire.

    Je pense qu'il est important de rappeler constamment aux Américains que, dans certains cas, nous sommes le seul pays qu'ils autorisent à commander leurs troupes. Pourquoi cela ? Parce que nous sommes plus intégrés avec leurs forces militaires que n'importe qui d'autre, y compris les Anglais. Les Anglais parlent de relation spéciale. Georges Bush dit que ce sont les alliés les plus proches des États-Unis. Or, nous sommes plus intégrés que n'importe quel autre pays sur le plan militaire.

    Nos alliés européens oublient souvent que nous sommes légalement obligés de protéger une plus grande partie du globe que n'importe quel autre pays, à part les États-Unis, à cause de NORAD et de l'OTAN. La prochaine fois que nos amis belges ou hollandais demandent ce que nous faisons pour l'OTAN, nous pourrions leur répondre que nous sommes légalement tenus de défendre une plus grande partie du globe que les autres systèmes internationaux, à part les Américains. Je pense que nous devons le dire pour améliorer nos relations publiques car, si nous ne le disons pas, personne ne le saura, sauf à Washington.

    Une dernière remarque. Je crois que les choses ont commencé à changer à ce sujet à l'ambassade du Canada à Washington. Je constate que l'ambassade réagit plus rapidement qu'avant quand des critiques sont formulées aux États-Unis à l'égard de la politique étrangère du Canada. Cela ne trouve pas nécessairement dans la presse américaine l'écho que nous souhaiterions mais il est quand même essentiel de le rappeler continuellement.

    Des critiques ont été formulées au cours des cinq dernières années, à peu près, sur ce que nous faisons, et il n'y a eu aucune réaction d'Ottawa. Je crois que l'heure est venue de réagir avec beaucoup plus de fermeté. Je crois que le public canadien l'accepterait et que les Américains seraient également beaucoup plus réceptifs.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Je voudrais faire une remarque et poser une question à M. Cornelius.

    Avant cela, je dois dire que nous sommes très heureux d'accueillir M. MacLean qui a passé du temps en Afghanistan. Il est très utile pour nous d'avoir quelqu'un qui a été en Afghanistan.

    Ma première remarque, monsieur Cornelius, concerne le Niger. Il n'y a pas vraiment eu d'effondrement des récoltes au Niger, comme on l'a dit. Il y a plutôt eu une carence du gouvernement qui n'avait pas vu venir la situation. Il savait qu'il y aurait un problème mais il n'a rien fait. Il aurait dû prendre des mesures préventives.

    Ma question concerne l'objectif de 0,7 % dont on discute beaucoup. Si le gouvernement canadien voulait doubler sa contribution pour atteindre 0,5 % en 2010, où devrait-il dépenser l'argent ? Devrait-il doubler l'aide aux Nations unies ? Devrait-il doubler l'aide à l'ACDI ?

    Ce que je vous demande, c'est si nous sommes prêts à donner plus d'argent à l'ACDI ?

+-

    M. Jim Cornelius: Ce sont là des questions de capacité. Je fais face aux mêmes défis qu'un patron d'entreprise. Si j'avais deux fois plus d'argent l'an prochain, pourrais-je le gérer efficacement ?

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Exactement.

+-

    M. Jim Cornelius: Pour l'an prochain, la réponse serait non. Par contre, s'il y a un plan et que l'on sait que l'argent va arriver, on peut développer ses capacités pour l'utiliser. Les questions de capacité peuvent être réglées.

    Si l'ACDI savait qu'elle allait recevoir cet argent, elle pourrait formuler un plan afin de se doter du personnel et des structures nécessaires pour l'utiliser efficacement.

    Je ne pense pas que ce soient là des options mutuellement exclusives. Dans un tel cas, on se demanderait ce qu'il vaudrait mieux confier aux organisations à but non lucratif. Je ne crois pas que réserver tout le programme canadien d'aide à des gens comme nous serait la meilleure solution. Il y a des choses que les Nations Unies peuvent faire beaucoup mieux que nous ne pourrions jamais l'espérer et, de même, il y a des relations bilatérales qui sont très importantes. Nous devons nous assurer de donner un appui aux paliers gouvernementaux.

    Je dirais à mes amis Libéraux qu'il faut adopter une approche équilibrée mais qu'il est aussi très important de savoir ce qu'on envisage pour l'avenir et quelles sont les ressources qui seront mises à notre disposition. C'est seulement alors que l'on peut vraiment se doter d'une capacité.

+-

    Le président: Croyez-vous que le secteur gouvernemental... l'ÉPI était bon, de ce point de vue, pour ce secteur ?

+-

    M. Jim Cornelius: Non...

+-

    Le président: Je suis Libéral mais dites vraiment ce que vous pensez. Ne vous inquiétez pas.

+-

    M. Jim Cornelius: Je ne suis pas sûr que le plan a été bien formulé.

+-

    Le président: D'accord.

+-

    M. Jim Cornelius: Je pense qu'on a beaucoup réfléchi aux relations bilatérales. Cela semble être le thème central, depuis quelque temps, en ce qui concerne l'aide. Du point de vue multilatéral et des secteurs de la société civile, disons, je pense que la réflexion est relativement faible.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cornelius. Merci, monsieur MacLean.

    Nous allons faire une pause de quelques minutes.

    Merci.

À  +-(1056)  


Á  +-(1106)  

+-

    Le président: Nous allons reprendre.

    Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir M. Don Peters, directeur général du Mennonite Central Committee, et M. Bill Janzen, directeur. Nous accueillons aussi M. David Matas, conseiller juridique principal de B'nai Brith Canada, et M. Alan Yusim, directeur régional.

    Bienvenue à tous.

    Nous commençons avec M. Peters.

+-

    M. Don Peters (directeur exécutif Canada, Mennonite Central Committee): Merci de nous avoir invités à nous adresser au comité aujourd'hui.

    Comme vous le savez peut-être, le Mennonite Central Committee agit dans le secteur des secours internationaux et du développement depuis plus de 80 ans. Nous oeuvrons aujourd'hui dans plus de 50 pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

    En 1968, nous avons été l'une des premières ONG canadiennes à recevoir des fonds de l'ACDI ; aujourd'hui, nous recevons une subvention globale de 2,5 millions de dollars environ, qui permet de financer nos programmes internationaux -- lesquels s'ajoutent aux secours d'urgence de l'an dernier à la suite du tsunami. À cette occasion, je crois que le MCC a reçu des fonds de contrepartie de l'ACDI de l'ordre de 6,75 millions de dollars.

    Les ressources centrales du MCC émanent des Églises Mennonite et Brethren in Christ du Canada, qui regroupent environ 250 000 personnes, selon le dernier recensement canadien. Chaque dimanche, les membres des Églises Mennonite et Brethren in Christ prient dans au moins une douzaine de langues. Avec d'autres donateurs canadiens, ils feront don au MCC de 20 millions de dollars environ cette année, dont 14 millions seront consacrés à l'oeuvre internationale du MCC.

    Outre notre action internationale, nous agissons au Canada pour aider les peuples autochtones et dans les domaines de la justice pénale, des réfugiés, de la santé mentale -- et la liste pourrait continuer. Nous oeuvrons avec des gens de nombreuses religions différentes. Nos représentants locaux dans les pays en développement appartiennent à d'autres religions.

    Nous avons aussi des liens étroits avec les Églises Mennonite et Brethren in Christ dans quelque 60 pays, comme le Congo, le Zimbabwe, l'Inde, l'Indonésie et l'Éthiopie. Certains de ces pays ont plus de fidèles que nous n'en avons au Canada et aux États-Unis.

    Finalement, après avoir écouté les autres témoins, nous voulons réclamer aussi que la politique étrangère du Canada soit aussi solide et efficace que possible, notamment dans deux domaines, les secours internationaux et le développement, ainsi que pour la prévention de la guerre et l'instauration de la paix.

    Je cède maintenant la parole à Bill Janzen, le directeur de notre bureau d'Ottawa.

+-

    M. Bill Janzen (directeur, Mennonite Central Committee): Merci.

    Je commence en vous racontant deux histoires. En 1998, des représentants de la Banque mondiale se sont rendus en Tanzanie. Avant de partir, ils ont rencontré le vieux, Julius Nyerere, président fondateur du pays. Considérant la situation très difficile du pays, ils lui ont demandé : « Quelles erreurs avez-vous commises ? »

    Julius Nyerere leur a répondu ceci : «En 1965, quand la Tanzanie a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne, le taux d'analphabétisme était de 80 % et nous n'avions que deux ingénieurs et 12 médecins. Vingt ans plus tard, à la fin de ma présidence, en 1985, le taux d'analphabétisme était tombé à moins de 10 % et nous avions des milliers d'ingénieurs, de médecins et d'autres professionnels. Aujourd'hui, 13 ans plus tard, un tiers des enfants ne vont plus à l'école, notre système de santé est en ruine et notre infrastructure est catastrophique. Mais, durant ces 13 années, les dirigeants de notre pays ont accédé à toutes les exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ».

    Il leur a donc renvoyé la question en disant : « Quelles erreurs avez-vous commises ? »

    Il y a beaucoup de bonnes choses dans l'Énoncé de politique internationale mais son thème fondamental est d'attribuer aux autres la responsabilité des problèmes. L'histoire que je viens de raconter nous rappelle qu'il y a des problèmes plus proches de chez nous dont nous devons nous occuper.

    Ma deuxième histoire concerne le Rwanda. Nous avons tous entendu parler de la tragédie gigantesque de 1994 -- 800 000 personnes assassinées -- et de ce que le monde aurait dû faire. Ce qu'on ne dit pas souvent, c'est que, dans les années 80, durant la décennie ayant précédé cette tragédie, quatre choses s'étaient produites dont on n'avait pas tenu compte.

    Premièrement, au Rwanda, l'un des pays d'Afrique ayant la plus forte densité démographique, la production alimentaire avait chuté de 30 % par habitant, en partie parce que la population avait augmenté, que les sols étaient épuisés, etc.

    Deuxièmement, dans les années 80, l'accord international sur le café s'est effondré. Or, le café était la principale exportation du Rwanda. À partir de ce moment-là, il n'a pu obtenir que la moitié de ce qu'il recevait auparavant pour ses exportations de café.

    Troisièmement, ces phénomènes ont provoqué un accroissement de la dette. Au début de la décennie, elle était d'un peu plus de 80 millions de dollars. À la fin, elle avait atteint plus de 800 millions de dollars.

    Quatrièmement, en 1990, la Banque mondiale lui a imposé un programme d'ajustement structurel comprenant une dévaluation de 80 %.

    Ce sont là des coups économiques énormes pour une société qui était déjà fragile. Je n'ai aucun doute que les tensions et soupçons qui régnaient dans cette société ont été considérablement aggravés par ses coups économiques et ont contribué au génocide qui a éclaté quatre ans plus tard.

    L'une des bonnes choses de cet Énoncé de politique internationale est qu'on y parle beaucoup des États en faillite. C'est bien. Par contre, quand on propose des solutions, on parle beaucoup trop d'intervention militaire et beaucoup moins de mesures de prévention, notamment pour résoudre les problèmes économiques qui ont contribué à leur faillite et à ce genre d'explosion.

    J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de l'aide au développement international, du commerce, de la cohérence des politiques, et aussi de la guerre et de la paix et de quelques autres questions.

Á  +-(1110)  

    Suis-je trop long?

+-

    Le président: Non, ça va. Continuez M. Janzen.

+-

    M. Bill Janzen: Je suis peut-être trop disert. Je m'en excuse.

+-

    Le président: Non, il n'y a pas de problème.

    Nous siégerons simplement 15 minutes de plus, c'est tout.

+-

    M. Bill Janzen: En ce qui concerne l'aide, je ne saurais mieux faire que rappeler la résolution qui avait été proposée par l'honorable Alexa MacDonough avec l'appui de tous les partis et qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes le 28 juin. Elle réclamait un engagement et un plan pour atteindre 0,7 %. Elle réclamait une plus grande participation des organisations de la société civile du Canada et de l'étranger, ainsi que l'adoption d'une loi faisant de la réduction de la pauvreté l'objectif primordial de notre aide, tout en respectant les droits humains.

    L'endettement et le commerce sont des éléments cruciaux, et le Canada a pris des mesures positives au cours des années, même il y a 20 ans, à leur sujet -- annulation et allégement de la dette, tentative d'ouverture des marchés canadiens aux produits du tiers-monde, et tentative de préservation d'une place pour le tiers-monde dans les politiques. Mais il faut faire plus. La plupart des négociations concernant la dette ou le commerce se font au sein de tribunes internationales dont les résultats globaux ne sont pas mirobolants. Même à Gleneagles, où l'on a beaucoup parlé de radiation de la dette, cela ne valait que pour 18 pays. Or, il y en a 20 autres qui seraient admissibles, mais ils devront satisfaire à des conditions très rigoureuses pour le devenir, conditions qui sont en fait au coeur même du problème.

    D'aucuns disent que ces conditions touchant la libéralisation du commerce, la privatisation des services essentiels et l'austérité budgétaire contribuent plus à la pauvreté que la dette que l'on veut radier. Une organisation britannique appelée Christian Aid -- c'est une grande organisation -- a mené une étude et a conclu que la libéralisation prématurée du commerce a coûté aux pays les moins développés d'Afrique 13 milliards de dollars par an au cours des 20 dernières années. C'est un prix énorme.

    Je suis sûr que vous savez que les analystes qui se penchent sur ces questions affirment que le Sud a en fait subventionné le Nord en grande mesure.

    Face à cette réalité, nous apprécions l'argument de l'Énoncé de politique internationale sur la cohérence des politiques mais, quand nous lisons le document sur le commerce, nous avons le sentiment qu'il est fait indépendant de tout ce qui concerne le développement international. Soyons donc sérieux quand nous parlons de cohérence des politiques et quand nous prononçons de belles paroles sur le développement.

    Pour ce qui est de la guerre et de la paix, nous sommes très heureux que l'on insiste dans l'Énoncé de politique internationale sur la notion de sécurité humaine. Ceci ressortait également de l'Agenda pour la paix publié par Boutros Boutros-Ghali quand il était secrétaire général de l'ONU en 1992, et le Canada a incontestablement défendu ce concept. Il ne remplace pas celui de la sécurité de l'État mais il donne au moins la priorité à la sécurité du citoyen -- sécurité alimentaire, sécurité sur le plan de la santé, sécurité contre la violence interne. Il ne s'agit pas seulement de protéger les frontières des États.

    Ces éléments sont précieux. Nous pensons que la notion de sécurité humaine est une très bonne lentille pour analyser le concept des États en faillite car c'est généralement parce que la sécurité humaine n'est plus garantie que des États tombent en faillite.

    Hélas, la réponse de l'ÉPI, comme je le disais plus tôt, a tendance à envisager trop vite une intervention militaire extérieure. Certes, celle-ci peut avoir un rôle à jouer mais on devrait accorder la priorité au besoin de justice économique et de mesures préventives.

    Pour ce qui est du nucléaire, l'année n'a pas été bonne. Le Traité de non-prolifération nucléaire -- la conférence d'examen -- a connu un échec tragique au printemps dernier. C'est un énorme recul. Dans les années 60, le Canada, notamment par son ministre des affaires étrangères Howard Greeen, sous le gouvernement Diefenbaker, avait beaucoup contribué à la négociation de ce traité. Tous les gouvernements du Canada ont tenté de le respecter mais il est en très mauvais état et nous ne pouvons qu'espérer que le gouvernement ne renoncera pas sur cette question.

Á  +-(1115)  

    La semaine dernière encore, des diplomates canadiens oeuvraient à l'Assemblée générale des Nations Unies pour tenter de briser une impasse sur la Conférence du désarmement, qui est bloquée depuis une décennie, mais ils ont échoué. Comme vous le savez, nous marquions il y a quelques mois le 60e anniversaire d'Hiroshima et de Nagasaki, et on me permettra de penser que d'autres explosions atomiques surviendront si les tendances actuelles se maintiennent. Nous devrions certainement accorder plus de valeur à l'humanité et à la race humaine pour faire tout en notre possible afin d'éviter ça.

Á  +-(1120)  

    Ma troisième remarque concerne les petites armes. On a parfaitement raison de noter dans l'Énoncé de politique que 500~000 morts environ sont causées chaque année par des petites armes. Ici encore, le Canada a beaucoup contribué à un programme de 2001 des Nations Unies en faveur de l'éradication de ce commerce illégal, de programmes d'identification des petites armes pour en contrôler l'usage et le transfert, et de programmes susceptibles d'aider à la démobilisation des soldats après un accord de paix.

    L'une des tragédies de notre monde est qu'il y a eu beaucoup d'accords de paix mais que, dans la moitié des cas environ, la violence a de nouveau éclaté parce qu'on n'avait pas prêté suffisamment attention à la démobilisation et à la réinsertion sociale des soldats.

    J'aborde maintenant quelques autres questions.

    Nous croyons fermement à la diplomatie. Les Canadiens ont fait beaucoup de bonnes choses en Afrique, par exemple pour favoriser des négociations de paix. À l'heure actuelle, il existe un problème énorme au Soudan. Le Sud est très méfiant du Nord. Si cet accord de paix exhaustif doit tenir, il faudra déployer beaucoup d'efforts diplomatiques. Le Canada peut y contribuer, avec les ONG locales, en favorisant l'appui à cet accord.

    J'étais heureux ce matin... mon collègue ne l'a pas entendu mais il y a eu un exposé remarquable sur les réfugiés. Nous sommes très actifs à ce sujet et je pense que nous en avons déjà aidé beaucoup. Nous sommes heureux que la question soit mentionnée dans l'Énoncé de politique internationale.

    Nous sommes également préoccupés par la question de la liberté de religion. C'est l'un des droits humains. Comme l'a dit mon collègue, il y a des Églises dans de nombreux pays qui ont aujourd'hui la vie très difficile. Il ne s'agit pas seulement de liberté de religion pour les Chrétiens, cela concerne également les autres religions, et vous savez que la liberté de religion est une question très délicate. Toutefois, il y a certains principes internationaux que l'on peut défendre et nous vous y encourageons.

    Nous ne proposons pas de partir en croisade sur ces questions, car cela peut nuire aux gens que nous voulons protéger. C'est une question délicate.

    Je tiens à mentionner aussi que l'Énoncé de politique internationale parle beaucoup d'envoyer des Canadiens à l'étranger. Nous n'avons rien contre cette idée mais la réalité est que nous avons également beaucoup de difficultés à faire venir des gens du tiers-monde au Canada. Nous avons des chefs religieux que nous voulons faire venir ici pour s'adresser à nos communautés. Ce sont d'excellents porte-parole mais nous ne pouvons pas obtenir de visa pour eux. Nous vous serions très reconnaissants de faire quelque chose à ce sujet.

    Il y a plusieurs autres questions que j'aimerais aborder, comme l'environnement, l'égalité des sexes, la responsabilité sociale des entreprises, le sida, etc., et nous pourrons peut-être le faire pendant la discussion.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Deux remarques, M. Janzen.

    Vous avez parlé de Christian Aid et nous aimerions avoir plus d'informations à leur sujet et aussi mettre la main sur leur document.

    Si vous avez autre chose à dire au sujet de ces questions -- vous avez mentionné l'environnement -- n'hésitez pas à nous envoyer vos idées par écrit à Ottawa. Merci.

    M. Yusim.

+-

    M. Alan Yusim (directeur régional, Midwest, B'nai Brith Canada): Je m'appelle Alan Yusim et je suis directeur régional de B'nai Brith Canada, qui est une ligue de droits humains et un institut d'affaires internationales.

    J'aimerais vous présenter David Matas, notre conseiller juridique sur les questions de réfugiés et de droits humains. Il est conseiller principal de B'nai Brith Canada et a publié plusieurs ouvrages, notamment Bloody Words: Hate and Free Speech, No More: The Battle Against Human Rights Violations, et, tout récemment, Aftershock: Anti-Zionism and the Rise of Contemporary Anti-Semitism.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: M. Matas.

+-

    M. David Matas (avocat juridique principal, B'nai Brith Canada): Merci. J'essaierai d'être bref.

    La politique étrangère du Canada manque de cohérence. Lorsque deux événements sont reliés, le gouvernement du Canada devrait être capable de voir le lien. Jusqu'à présent, il n'a pas réussi à établir le lien entre la mise au point en secret d'armes nucléaires en Iran et sa haine antisioniste. Le lien est que l'Iran se prépare à une attaque nucléaire de génocide contre Israël. L'une des premières priorités de politique étrangère du gouvernement canadien devrait être de tout faire pour éviter cette attaque.

    Aucun État décidé à lancer une attaque de génocide contre Israël ne va annoncer ses plans à l'avance, ni les moyens de destruction qu'il entend utiliser. Il faut décoder les signes. Les seuls signes d'alerte que nous sommes susceptibles de recevoir sont les suivants : la mise au point en secret d'armes de destruction massive ; une campagne féroce de propagande antisioniste et antisémite ; la dépersonnalisation des juifs, par l'action autant que par la parole ; la complicité dans des assassinats massifs, y compris de juifs ; et l'expression des menaces les plus violentes contre Israël.

    Le pays d'où viennent tous ces signes est l'Iran. Nous avons préparé un mémoire très détaillé, qui est en cours de révision et que nous adresserons au comité, dans lequel nous examinons chacun de ces éléments à tour de rôle en donnant des précisions sur les preuves. Permettez-moi de vous en donner quelques-unes dès maintenant.

    Permettez-moi de vous rappeler qu'un terroriste suicidaire a fait exploser une bombe à l'ambassade d'Israël de Buenos Aires, en Argentine, en mars 1992, tuant 29 personnes et en blessant une centaine. Un deuxième terroriste suicidaire à attaqué le centre communautaire juif de Buenos Aires en juillet 1994, tuant 85 personnes et en blessant plus de deux cents. L'Iran a utilisé Hezbollah pour perpétrer ces deux attaques, ce qui a été la conclusion des services de renseignement argentin. L'Iran possède des missiles capables d'atteindre Israël et sur lesquels on a peint le slogan « Nous allons faire disparaître Israël de la planète » en gros caractères. Son chef religieux, l'ayatollah Khamenei, a déclaré qu'il faut « extraire la tumeur cancéreuse qu'est Israël ».

    La semaine dernière encore, le président Mahmoud Ahmadinejad qualifiait Israël de « tache honteuse qu'il faut effacer de la surface de la Terre».

    Une attaque nucléaire iranienne contre Israël tuerait évidemment beaucoup de non-juifs, beaucoup de musulmans. Mais il faut savoir que le régime iranien actuel a déjà montré dans le passé qu'il est plus que près à ça. En 1988, il a assassiné 30 000 musulmans innocents, dont des femmes et des enfants. Le régime a justifié ces assassinats en disant que ces personnes n'étaient pas pieuses. En ce qui concerne celles qui l'étaient, il a dit qu'elles avaient obtenu la grâce du martyre.

    Les nazis invoquaient l'autodéfense pour assassiner des juifs innocents, en disant qu'ils se protégeaient contre une conspiration juive et la menace de domination mondiale juive. Le fait qu'il n'y ait pas eu de telle conspiration ni menace n'a pas sauvé des millions de juifs innocents de l'annihilation. Demain, si l'Iran lance une attaque nucléaire contre Israël, il la justifiera probablement en parlant de menace israélienne contre la révolution islamique en Iran. Les chefs iraniens d'aujourd'hui prononcent continuellement ce genre de diatribe. Le fait qu'il n'y a pas de telle menace n'est pas en soi une réponse adéquate au danger que pose l'Iran.

    Évidemment, le Canada doit faire tout son possible pour prévenir ce développement nucléaire iranien. Plus important encore, l'Iran doit renoncer à son antisionisme. Le Canada doit faire de la lutte contre l'antisionisme une priorité de sa politique étrangère. C'est loin d'être le cas aujourd'hui. Le Canada devrait voter et s'exprimer sans hésitation contre chaque résolution antisioniste de l'ONU. Lors de la dernière Assemblée générale, il a montré qu'il était relativement conscient du problème en votant de manière différente, mais cela ne suffit pas. Le Canada ne doit pas jouer le jeu des antisionistes ; il ne doit pas voter pour ces résolutions et ne jamais s'abstenir.

    B'nai Brith a en sa possession une publication de février de cette année concernant les diverses résolutions présentées à l'ONU contre Israël -- il y en a eu 19 -- analysées du point de vue de ce qu'on appelle les 3D : démonisation, duplicité et délégitimation. Le Canada a voté contre deux de ces 19 résolutions, s'est abstenu sur quatre, et en a approuvé 13. À notre avis, il aurait dû voter contre les 19. Le Canada devrait s'exprimer haut et fort pour condamner l'antisionisme chaque fois qu'il se manifeste.

Á  +-(1130)  

    Les occasions de ce faire ne manquent pas. Aujourd'hui, par exemple, j'ai reçu dans mon courriel un message largement diffusé appelant le gouvernement du Canada à bannir Ariel Sharon, le premier ministre d'Israël, et à le poursuivre comme criminel de guerre. Sharon n'est pas un criminel de guerre. S'il l'était, il ne serait pas premier ministre d'Israël. Des enquêtes minutieuses ont été faites sous la direction du président de la Cour suprême d'Israël au sujet des allégations de cette nature portées contre Ariel Sharon, et il a été exonéré de toute responsabilité légale.

    Le rapport de cette commission, la Commission Kahan, a été transformé en accusation contre Sharon et j'en parle en détail dans mon livre. L'accusation qu'il est un criminel de guerre n'est en réalité qu'une autre forme de tentative de délégitimation de l'État d'Israël, et le Canada doit le dire.

    Deuxièmement, le Canada doit réclamer la tenue d'une session spéciale de l'Assemblée générale consacrée à l'Iran et aux problèmes qu'il pose. L'Assemblée générale des Nations Unies a tenu de nombreuses sessions spéciales d'urgence au sujet d'Israël, dont une qui est suspendue mais qui n'a pas été ajournée et devrait l'être. À cause de la torture et du meurtre de la photojournaliste canadienne Zahra Kazemi par l'Iran, le Canada est directement intéressé à porter devant l'ONU les transgressions iraniennes des droits humains.

    Troisièmement, le Canada doit cesser de financer la propagande antisioniste fomentée par des institutions internationales et des organisations non gouvernementales. À l'heure actuelle, par exemple, des antisionistes entreposent des munitions dans les écoles de Cisjordanie et de la Bande de Gaza gérées par l'UNRWA, le United Nations Relief and Works Agency for Palestinian Refugees in the Near East. Ces antisionistes font passer des armes et des terroristes en contrebande dans des ambulances de l'agence. Les écoles financées par l'agence sont des unités d'endoctrinement antisioniste glorifiant les terroristes suicidaires. L'agence ferme les yeux sur les vols d'aliments et de médicaments destinés aux réfugiés, pour être revendus sur le marché noir. Les livres de classe payés par l'agence sont de la pure propagande antisioniste. L'agence a des membres de Hamas sur ses listes de paye mais l'UNRWA reçoit environ 10 millions de dollars par an du gouvernement canadien, par le truchement de l'ACDI, qui ne contrôle aucunement comment l'argent est dépensé. Le gouvernement doit cesser de donner cet argent.

    Le ministre canadien des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, a condamné la récente diatribe antisioniste du président de l'Iran, et le premier ministre du Canada a fait de même, ce dont nous sommes heureux. Nous sommes également heureux que le ministre des Affaires étrangères ait fait le lien entre les déclarations du président iranien et l'antisémitisme. Cela dit, la condamnation ne suffit pas.

    Le venin du président de l'Iran participe d'une politique de longue date du gouvernement de l'Iran qui est reliée à la mise au point d'armes nucléaires. Le gouvernement du Canada doit agir contre cette connexion. Sinon, alors que vivent encore des survivants de l'holocauste, le Canada démontrera à nouveau son impuissance face à un autre génocide imminent du peuple juif.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant aux questions en commençant avec Mme Smith, s'il vous plaît.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

    Les exposés de ce matin étaient très intéressants et émouvants, et je vais poser des questions à Bill Janzen, Don Peters et David, dans deux domaines différents.

    Tout d'abord, le Mennonite Central Committee fait un travail remarquable dans le monde entier, notamment en offrant une aide alimentaire, en assurant la protection des droits humains et en s'attaquant aux effets sous-jacents de la pauvreté, ce qui est d'une importance cruciale. En fait, nos propres enfants qui vont au WMES y ont participé. De ce point de vue, ces initiatives apportent peut-être encore plus aux participants qu'aux destinataires.

    Vous avez présenté des arguments très convaincants en disant qu'il y a parfois des conflits -- et David confirmera certainement qu'il faut parfois prendre des mesures préventives pour protéger les gens.

    Cela dit, voici ma première question. Je participais l'autre jour à une réunion de l'Aide à l'enfance. Quand on voit la situation au Pakistan, quand on voit la situation en Afrique ou dans beaucoup d'autres pays, même si l'on entend dire que la pauvreté peut être éliminée, on constate qu'il y a beaucoup d'enfants qui souffrent encore.

    Je sais que mon temps de parole est limité et je me contenterai donc de dire que vos déclarations de ce matin sont très sensées. Nous devons appuyer le Mennonite Central Committee car, comme je l'ai dit, vous faites un travail remarquable.

    Cela dit, s'il y avait une ou deux choses que vous voudriez dire au gouvernement pour que des choses très positives se produisent très rapidement, quelles seraient-elles?

    Étant donné les catastrophes naturelles et les guerres, je suis très préoccupée par les souffrances des gens du monde entier en ce moment et, s'il y avait deux choses que les gouvernements pouvaient faire pour avoir un effet immédiat, j'aimerais savoir, monsieur Janzen ou M. Peters, ce qu'elles seraient.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Don Peters: Permettez-moi de commencer avec une chose qui ne sera pas rapide. Je veux dire que ma réponse sera brève mais que cette solution prendra du temps.

    J'ai eu la chance, il y a quelques années, d'être invité à une table ronde avec Kofi Annan, qui se trouvait alors à Ottawa. Les discussions portaient sur les objectifs de développement du millénaire et le rôle des ONG, et chaque participant pouvait intervenir.

    J'ai attendu trop longtemps, presque la fin, alors que beaucoup de gens avaient déjà parlé du thème que vous venez d'aborder. J'ai décidé de faire une intervention sur le huitième des objectifs de développement du millénaire, concernant le commerce équitable. J'ai voulu faire cette intervention parce que chaque ONG présente avait une expérience pratique. Nous pouvons tous donner des exemples de pays où nous menons une action efficace concernant la mortalité infantile, l'éducation, les soins primaires, etc. Nous avons tous beaucoup d'exemples qui nous permettent de dire que nous faisons ces choses et que nous pourrions faire encore plus si le gouvernement nous donnait plus d'argent. Par contre, quand il s'agit d'équité des échanges commerciaux et d'établir des règles du jeu égales pour tout le monde, afin que les pays en développement puissent avoir accès aux marchés, nous tenons cela pour acquis.

    Si le gouvernement canadien peut prendre une position ferme pour contribuer à l'équité des échanges commerciaux, je sais que ça ne changera rien à la vie de la petite fille que j'ai rencontrée la semaine dernière en Bolivie mais ça risque de changer beaucoup de choses quand elle sera adulte.

+-

    Mme Joy Smith: Je vous remercie. Il est très important d'avoir des solutions à longue échéance pour tirer parti de ce qu'on fait dans l'immédiat.

    David, je dois dire que votre exposé n'était pas seulement inquiétant, il était absolument choquant. Tout pays affirmant qu'il faut faire disparaître Israël de la planète doit être vigoureusement condamné. Sur cette question d'antisionisme, mon père s'est battu pendant la Deuxième Guerre mondiale et nous a appris ce qui était arrivé au peuple d'Israël. Il est déplorable que ce genre d'antisémitisme existe encore aujourd'hui.

    J'estime que nous devons dénoncer ce genre d'attitude de manière beaucoup plus vigoureuse. Qu'en pensez-vous? Je suis consternée quand je vois des politiciens tourner autour du pot à ce sujet. Dans notre monde, nous devrions pas accepter la violence et l'éradication d'une nation parce que nous... Vous voyez ce que je veux dire? Nous devrions être intolérants face à ce genre de chose.

    Que pensez-vous que le gouvernement canadien devrait faire? Il y a 308 personnes à la Chambre des communes qui peuvent dire quelque chose et je crois que nous devrions tous nous élever vigoureusement contre ce genre d'idée. Que pouvons-nous faire?

Á  +-(1140)  

+-

    M. David Matas: Il est clair que les déclarations de la semaine dernière du président de l'Iran sont inacceptables mais je tiens à préciser qu'elles ne sont pas particulièrement étonnantes dans le contexte iranien ; il ne faisait que répéter la politique officielle de son gouvernement et ce que son chef religieux actuel a souvent dit publiquement.

    Il faut se souvenir aussi -- parce que la question du nucléaire me préoccupe -- que ce sont les mollahs qui contrôlent le développement nucléaire en Iran, pas les civils. Comme je l'ai dit, ils organisent des rassemblements et des réunions annuelles là-dessus ; ils font peindre des slogans sur leurs panneaux publics, sur leurs fusées, partout.

    Je suis donc heureux que le gouvernement du Canada ait réagit, la semaine dernière, mais il ne faudrait pas croire que c'est quelque chose qui est arrivé seulement la semaine dernière car il agit en fait d'un problème permanent et omniprésent.

    C'est un problème d'idéologie et, pour lutter contre l'idéologie, il faut se défendre et réagir un chaque fois que c'est possible. Franchement, je ne pense pas que ce soit ce que nous faisons. Voilà pourquoi je dis que nous devrions changer de position quand nous votons sur ces résolutions de l'ONU car ce sont des résolutions de propagande antisioniste. Il faut saisir toutes les occasions de s'y opposer. C'est pourquoi, quand quelqu'un a dit au gouvernement du Canada d'intenter des poursuites contre Sharon, je suppose évidemment qu'il ne le fera pas mais il devrait aussi profiter de cette occasion pour dire que c'est une déclaration diffamatoire.

    Il faut réaliser que le problème est grave à l'échelle mondiale, pas seulement pour Israël mais pour la paix dans le monde, à cause de l'idéologie antisémite que l'on doit contrer chaque fois que c'est possible.

    Ce que les gens du ministère des Affaires étrangères ont tendance à dire à ce sujet, c'est qu'il faut trouver un équilibre avec les Palestiniens et qu'on ne peut pas faire preuve de partisanerie en faveur d'Israël. J'affirme cependant que l'antisionisme victimise autant les Palestiniens que les Israéliens -- et même, si vous examinez la situation relative, encore plus les Palestiniens. Les véritables agresseurs des Palestiniens sont Hamas et Hezbollah, ainsi que l'Iran, et l'Irak sous Hussein. Si on veut la paix au Moyen-Orient, si on veut défendre les droits des Palestiniens, il faut combattre l'antisionisme.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.

    Je note que dans les témoignages à la fois de M. Matas et de M. Janzen, on parle d'incohérence; on dit que la politique étrangère canadienne souffre un peu de manque de cohérence à des degrés divers.

    J'ai été étonné d'entendre le témoignage de M. Janzen au sujet de la Tanzanie et du Rwanda, par exemple. Dans le cas du Rwanda, il nous a fait part de l'effet dévastateur de certaines politiques touchant la dévaluation de la monnaie. Alors, on parle de gros organismes, comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Vous auriez aimé, si je comprends bien, que la politique étrangère canadienne tienne davantage compte de son rôle à l'intérieur auprès de ces organismes internationaux.

    Pensez-vous que la politique étrangère proposée dans cet énoncé se mouille suffisamment pour comprendre un peu la mécanique de ces grands organismes internationaux? Pour avoir un input, est-ce qu'on aurait pu faire davantage, à l'intérieur de l'énoncé de politique étrangère, pour comprendre la logistique du fonctionnement de ces grands ensembles et, si on la comprend, la dénoncer ou la corriger, à l'occasion, en y allant de suggestions précises? Est-ce dans cette voie que vous voyez l'incohérence de la politique étrangère canadienne?

Á  +-(1145)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Janzen: Merci.

    Malgré l'intérêt de l'Énoncé de politique internationale, je dois dire qu'il ne tient pas compte adéquatement de cette dynamique. Je pense que le Canada devrait adopter une attitude plus critique et au moins entreprendre des études indépendantes sur les effets que peuvent avoir les politiques de la Banque mondiale, du FMI et de l'OMC sur le développement des pays du tiers-monde. La Grande Bretagne a déjà commencé. Le dernier rapport des Nations unies sur le développement humain contient des commentaires à ce sujet, et il y a en plus beaucoup d'études universitaires. Pour ce qui est de l'Énoncé, je pense que c'est l'une de ses faiblesses.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Vous avez aussi dit, au chapitre de la cohérence, qu'il était plus facile pour le Canada d'envoyer des troupes à l'étranger que de faire venir des spécialistes des pays touchés, par exemple des porte-parole des pays en développement, afin qu'ils viennent parler au Canada. Dans des organismes comme le Comité central mennonite, vous auriez besoin davantage de cohérence entre l'immigration, les visas, que vous n'obtenez pas, et cette facilité qu'on a, nous, à envoyer des troupes et des forces de maintien de la paix. Inversement, vous avez plus de difficulté à faire venir des gens qui sont au coeur même de ces pays. C'est aussi de l'incohérence.

[Traduction]

+-

    M. Bill Janzen: Merci.

    Je songeais plus au Corps canadien, qui est civil. Mais l'ÉPI contient des termes indiquant un très vif désir d'envoyer des Canadiens. Cela peut être une bonne chose si c'est la bonne catégorie de Canadiens. Mais je crois que nous devrions aussi être prêts à accueillir des gens d'autres pays.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Monsieur Matas, selon un document que vous avez mentionné tout à l'heure, le Canada aurait voté contre deux recommandations; il s'est abstenu.

    Dites-nous en gros sur quoi portait ces deux recommandations. Est-ce que c'était particulier à une politique canadienne précise?

[Traduction]

+-

    M. David Matas: Les 19 résolutions de l'assemblée générale des Nations unies condamnaient toutes Israël de manière inappropriée en le démonisant, en le délégitimant ou en lui appliquant des critères injustes, par exemple en lui reprochant spécifiquement certaines choses concernant l'environnement, les armes nucléaires -- en gros, les choses typiques des Nations unies.

    Le Canada a voté contre deux d'entre elles, ce qui veut dire que leurs attaques contre Israël étaient tellement outrageuses qu'il était prêt à voter contre. Mais, dans les 17 autres cas, il s'est abstenu 4 fois et a voté 13 fois pour.

    Prenez par exemple les armes nucléaires ou la prolifération nucléaire, dont je parlais tout à l'heure. Il y a une résolution concernant le risque de prolifération nucléaire au Moyen-Orient. On y mentionne seulement Israël, pas l'Iran. Évidemment, c'est injuste. Le Canada a voté pour. À notre avis, c'est inadmissible. Voilà ce que nous voulons dire.

+-

    Le président: Merci.

    Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Merci d'être venus aujourd'hui.

    J'ai trois questions assez inhabituelles, je crois. Premièrement, qu'avez-vous pensé en recevant l'invitation à venir ici? Je ne veux aucunement orienter votre réponse mais je sais que cela prend du temps et de l'énergie et j'aimerais savoir à quels résultats vous vous attendiez en venant aujourd'hui.

    Ma deuxième question porte sur les communications. Chaque fois qu'on parle de ce que fait le gouvernement, on déplore un manque de communications. Quelqu'un disait tout à l'heure que nous devrions mieux communiquer aux Américains ce que nous défendons et ce que nous faisons ; que nous devrions aussi mieux communiquer aux Canadiens ce que nous faisons, etc. Pensez-vous qu'il y a un manque de communications de la part du gouvernement?

    Ma troisième question en est une que l'on pose toujours aux politiciens. Personne ne veut en parler mais je suis sûre que tous les députés reçoivent des appels téléphoniques ou des lettres leur demandant pourquoi nous dépensons tout cet argent à l'étranger, chaque fois qu'il y a une catastrophe, et que nous ne nous occupons pas plus de ce qui se passe chez nous. Nous avons appris ces derniers jours qu'il y a au Canada une centaine de collectivités qui n'ont pas d'eau potable -- et c'est ce qui suscite ce genre de question.

    Pouvez-vous me dire ce que vous répondez à ces trois questions?

Á  +-(1150)  

+-

    M. David Matas: Je vais innover en répondant d'abord puisque, jusque maintenant, c'est le Mennonite Central Committee qui a commencé.

    En ce qui concerne la première question, je dois dire que notre organisation a peut-être été invitée mais que l'invitation s'est perdu dans le brouillard. J'avais entendu parler de ses audiences et nous nous sommes invités nous-mêmes, si je peux dire.

+-

    Mme Beth Phinney: Nous l'avons appris nous-mêmes que jeudi, ou tard mercredi, que nous pourrions quitter Ottawa. C'est la raison pour laquelle il y a eu peu d'informations sur ces audiences.

+-

    M. David Matas: Je comprends mais je suis heureux que vous soyez ici. j'adresse de nombreux mémoires au Parlement au nom de B'nai Brith et d'autres organisations,et je viens souvent témoigner à Ottawa, ville que j'aime beaucoup, mais je préfère encore Winnipeg.

    Je suis heureux que vous soyez ici car cela démontre que vous vous intéressez à ce que les gens en dehors d'Ottawa pensent au sujet des affaires étrangères. J'ai souvent traité avec ce ministère et je suis souvent venu devant le comité des affaires étrangères, ce qui m'a permis de constater que l'on a souvent tendance, en tout cas chez les spécialistes, à formuler des politiques sans vraiment solliciter l'avis de la population -- alors qu'il est évident, puisque nous sommes en régime parlementaire, que nos politiques étrangères devraient refléter l'opinion de l'ensemble de la population et ne pas être seulement des exercices théoriques. Or, j'ai le sentiment que c'est trop souvent le cas, moins de la part des parlementaires que des fonctionnaires. Ils ont souvent tendance à se lancer dans de longues analyses purement théoriques qui ne reflètent pas nécessairement les préoccupations de la population dans son ensemble.

    La réalité est que tous les Canadiens ont des préoccupations internationales. À part les autochtones, nous avons tous un liens ou un autre avec des pays étrangers, et même les autochtones s'intéressent beaucoup aux affaires internationales car il y a beaucoup de tribunes international consacré à leurs préoccupations. Interrogez n'importe quel Canadien, il vous donnera facilement son opinion sur les affaires étrangères. Je suis donc très heureux de votre initiative.

    Les communications -- évidemment, en ce qui concerne cette réunion, il y a eu un petit problème d'information. Pour ce qui est de l'élaboration de la politique étrangère, je pense qu'il est bon que vous ayez cette tribune électronique.

    L'élaboration de la politique étrangère vient de passer par une phase très longue. Lorsque le ministre des affaires étrangères Bill Graham était ici -- évidemment, il ne l'est plus depuis un certain temps -- j'ai eu l'occasion de discuter avec lui et je pense que l'on a trop souvent tendance à formuler notre politique étrangère, et c'est aussi le cas de cet Énoncé, en termes si généraux que les gens ont du mal à en comprendre les enjeux réels, en détail, et à savoir comment ils peuvent contribuer. Bien qu'il y ait beaucoup de documents à ce sujet, notamment du gouvernement, ils pourraient sans doute être un peu plus précis pour que les gens sachent vraiment comment jouer un rôle.

    Pour ce qui est et de l'argent dépensé à l'étranger, les positions que nous exprimons ici concernent essentiellement des politiques fondamentales n'exigeant aucune dépense. De plus, nous avons demandé au gouvernement de moins de dépenser en lui disant qu'il ne devrait pas consacrer d'argent à des organisations internationales qui sont antisionistes par la parole et par l'action -- ni à des organisations non gouvernementales qui sont antisionistes par la parole et par l'action.

    Par exemple, il y a eu la semaine dernière à Toronto un rassemblement organisé par un groupe appelé Sabeel, des États-Unis, qui mène à toutes fins pratiques une campagne antisioniste de désinvestissement contre Israël. Le Canada ne devrait pas consacrer d'argent aux organisations qui font la promotion de ce genre d'événement.

    La question ne concerne pas combien d'argent on dépense mais plutôt si l'argent est dépensé de manière à favoriser les idéaux canadiens en politique étrangère ou plutôt de manière contraire à ces idéaux.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci.

    Avez-vous des réponses à donner, monsieur Peters?

+-

    M. Don Peters: Je voudrais faire quelques commentaires, d'abord sur les attentes. Je dois dire que je n'en avais pas beaucoup en venant ici. En fait, la semaine dernière, j'étais à l'étranger. Je suis revenu mercredi à Winnipeg et j'ai reçu un appel de Bill Janzen au sujet de cette réunion de votre comité. Jamais appris en mai, lors de la réunion annuelle du Conseil canadien pour la coopération internationale, que votre comité tiendrait ce genre d'audiences un jour ou l'autre. Les villes n'avaient pas encore été choisies, ni l'échéancier où la liste d'invités, mais nous savions en mai qu'il y aurait ces audiences.

    À mon avis, rentré d'un voyage à l'étranger mercredi pour apprendre que la réunion se tiendra lundi est inacceptable. Je tiens à le dire. Je ne sais pas qui est responsable mais, si vous voulez obtenir une contribution sérieuse des témoins, vous devez et leur donner le temps de se préparer. Certes, je suis heureux de participer à cette audience mais je le serais encore plus si j'avais eu le temps de me préparer.

    Mon deuxième commentaire concerne l'ÉPI. Nous sommes très proches du Conseil canadien pour la coopération internationale et nous suivons depuis un certain temps déjà l'élaboration de cet Énoncé de politique internationale. Je pense qu'il y a eu des communications dès le départ, en tout cas avec les organisations non gouvernementales. Nous avons eu la possibilité de contribuer au processus dès le départ.

    La troisième question concerne le niveau d'engagement à l'étranger et le fait de savoir s'il vaut mieux dépenser l'argent ici ou là, ce qui préoccupe aussi notre organisation, MCC Canada. Nous avons des entités provinciales et il y a toujours au sein de notre organisation des débats sur la manière de répartir l'argent disponible en fonction des besoins, et l'exemple que vous avez donné illustre bien ce problème.

    Nous nous demandons continuellement à quoi nous devrions consacrer la majeure partie de notre budget. Évidemment, chez nous, la majeure partie est consacrée au développement international et cela ne doit pas changer. J'espère que le gouvernement canadien continuera d'appuyer vigoureusement et augmentera ses programmes internationaux par le truchement des organisations non gouvernementales.

    J'entendais tout à l'heure la réponse de Jim Cornelius au député qui lui demandait ce qu'il ferait si le gouvernement lui donnait plus d'argent. Je crois qu'il a répondu avec prudence. Si le budget que nous recevons de l'Agence canadienne de développement international était doublé, je ne crois pas que ce serait prudent cette année. Par contre, si l'on nous donnait une année pour nous préparer, nous pourrions faire bon usage de l'augmentation -- je précise en passant que nous allons demander notre prochaine subvention globale et que je vais écrire aux responsables pour demander une augmentation car ce budget est le même depuis plusieurs années.

+-

    Le président: Merci.

    Avant de donner la parole à M. Blaikie, permettez-moi de dire que nous-mêmes sommes mécontents car nous n'avons reçu que cette semaine, mercredi, l'autorisation de tenir ces audiences. Quand un comité veut voyager, il doit obtenir l'autorisation unanime des leaders des partis. Nous-mêmes avons eu du mal à obtenir des billets d'avion. C'est très difficile. Je précise aussi, puisque vous faites parties du CCCI, que Gerry Barr viendra témoigner devant notre comité à Ottawa. Nous faisons tout notre possible mais je pense qu'il est important d'obtenir votre avis.

    M. Blaikie.

+-

    Mme Beth Phinney: J'espère que vous comprenez que je ne faisais pas référence, quand je parlais de... Quelle était ma question?

+-

    Le président: Les attentes.

+-

    Mme Beth Phinney: Quand je parlais des attentes, je ne songeais pas à cette réunion. Je voulais savoir si vous pensez que ceci ne sert à rien parce que personne n'y prêtera attention. Voilà sur quoi portait ma question, plus que --

+-

    Le président: Non.

+-

    Mme Beth Phinney: Je voulais pas du tout critiquer la greffière car je sais fort bien quels problèmes elle a rencontré.

+-

    Le président: Merci.

    M. Blaikie.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Merci, monsieur le président.

    Il y a tant de points sur lesquels je suis d'accord avec vous que je ne vais pas les mentionner tous, surtout en ce qui concerne l'exposé du MCC. Je conviens avec vous que l'ajustement structurel, qui a commencé il y a longtemps -- je me souviens d'avoir eu une discussion avec Marcel Massé à ce sujet au Comité des affaires étrangères à la fin des années 80 ou au début des années 90 -- s'était avéré être une arme de destruction sociale et économique massive pour le sud. On passe souvent cela sous silence dans les analyses. On n'en parle certainement pas dans cet Énoncé de politique internationale.

    Je voudrais revenir sur deux éléments que vous avez mentionnés, concernant le nucléaire. Bill a dit que cette année n'est pas bonne pour le nucléaire. Il s'inquiète évidemment de la prolifération nucléaire et du risque que l'Iran ait une arme nucléaire pointée sur Israël et soit prêt à l'utiliser. J'ai donc quelques questions à ce sujet.

    En ce qui concerne la conférence de l'ONU, la semaine dernière, notre position -- je parle du NPD et d'Alexa McDonough -- est que le Canada a joué son rôle traditionnel pour chercher une solution, comme vous l'avez dit. Selon mes informations, le Canada a cédé aux pressions américaines à la dernière minute et n'a donc pas joué son rôle habituel, à moins que l'on estime que son rôle habituel soit de céder aux pressions américaines. Si c'est ce que vous vouliez dire, je vous comprends.

    Quoi qu'il en soit, il semble y avoir deux interprétations différentes. Vous vouliez peut-être ne pas froisser le pays dans votre exposé mais nous l'avons interprété différemment. Nous avons conclu que le Canada fait de bonnes choses mais que, quand les choses se corsent, il finit par adopter la position américaine. Je ne sais pas si vous voyez de quoi je veux parler mais il serait utile d'éclaircir un peu cette question.

    Je m'adresse maintenant à David au sujet de la question nucléaire, qui est reliée à la précédente dans une certaine mesure. Je conviens que l'idée d'un Iran équipé d'armes nucléaires, surtout quand on sait ce qu'il dit Israël, est le cauchemar numéro un, pas seulement pour Israël mais pour le monde entier. Toutefois, si le pays qui est le chef de file de la campagne menée pour que l'Iran n'ait pas l'arme nucléaire sabote les pourparlers sur la non-prolifération, à l'ONU et ailleurs, n'avons-nous pas un sérieux problème?

    Je me moque complètement du régime mais, pour le peuple iranien, le peuple indien et les autres qui veulent se doter d'une capacité nucléaire, la situation deviendra vite intenable si la communauté internationale -- les États-Unis ou n'importe qui d'autre -- leur dit « Désolés, il y a un club nucléaire et vous n'en faites pas partie. Ceux d'entre nous qui y sommes déjà n'avons aucunement l'intention de faire quoi que ce soit pour abolir vraiment les armes nucléaires et vous allez donc devoir accepter la réalité que nous en avons et que vous n'en aurez pas ». Je pense que c'est une position intenable qui débouchera sur la prolifération.

    Il y a cependant moyen de séparer la question de l'Iran car il s'agit là d'un pays qui menace un autre avec ses armes nucléaires. Nous n'avons pas d'équivalent. Nous n'avions même pas l'équivalent durant la Guerre froide parce que c'était seulement « Si vous les utilisez contre nous, nous les utiliserons contre vous ». Aujourd'hui, nous avons un pays qui vient juste de menacer de les utiliser, sans provocation, pour des raisons d'ordre idéologique.

    Je conviens donc avec vous qu'il y a là une exception mais, en contrepartie, comment donner une impulsion au mouvement international de dénucléarisation quand on voit que les États-Unis nous barrent la route chaque fois que nous essayons de faire quelque chose?

  +-(1200)  

+-

    Le président: Qui sera assez brave -- monsieur Janzen.

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    M. David Matas: Il a levé la main le premier.

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    Le président: M. Janzen

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    M. Bill Janzen: Vous avez fort bien exposé le problème. Vous avez raison de dire que le Canada a cédé, la semaine dernière, aux Nations Unies. Il y avait plusieurs pays en faveur -- le Canada avec le Mexique, le Brésil, le Kenya, la Suède et la Nouvelle-Zélande, je crois -- et, quand les Américains ont exprimé leur vif déplaisir, la motion a été retirée.

    Je ne sais pas quel rôle a joué le Canada dans cette décision de retrait -- s'il a été un chef de file ou non -- mais je crois que certaines personnes ont dit que d'autres pays auraient peut-être pu exprimer un appui plus ferme, ce qui aurait évité le retrait -- des pays européens. Mais vous avez tout à fait raison de dire que le Canada mérite d'être critiqué pour ne pas avoir tenu bon car c'est une question cruciale. J'ai probablement été trop gentil en ne disant pas que le gouvernement canadien avait capitulé à cette occasion.

  +-(1205)  

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    Le président: M. Matas.

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    M. David Matas: Vous soulevez une question intéressante sur le lien entre la politique nucléaire américaine et l'acquisition et la mise au point d'armes nucléaires par l'Iran. Quel est le lien? Je sais bien qu'il y a un traité de non-prolifération des armes nucléaires en vertu duquel les nouveaux États, outre les cinq déjà nucléarisés, ne peuvent pas avoir de telles armes. Les États nucléarisés sont censés réduire et, à terme, éliminer leurs armes nucléaires et transférer leur technologie nucléaire aux États qui ne la possèdent pas. C'était ce que disait l'entente. Les Américains l'ont signée mais n'ont pas tenu parole. Ils n'ont pas particulièrement réduit leur arsenal nucléaire. La question est de savoir quel lien il y a entre ce facteur et le fait que d'autres États n'ont pas non plus tenu parole.

    J'aborde longuement cette question dans mon mémoire mais l'Iran a signé le traité de non-prolifération et ne l'a pas respecté. L'Agence internationale de l'énergie atomique surveille attentivement la situation et a même obtenu le Prix Nobel, cette année, en grande mesure pour la vigilance dont elle a fait preuve à l'égard de l'Iran. Elle a tiré la sonnette d'alarme au sujet de l'Iran en montrant qu'il n'a pas respecté le traité. Nous citons ElBaradei, son directeur, et ses déclarations sur l'Iran.

    Quel est le lien entre l'inconduite iranienne et l'inconduite américaine au sujet des armes nucléaires? Il y en a peut-être un, comme vous le dites, et en ce qui me concerne --

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    L'hon. Bill Blaikie: Je suppose qu'il est plus difficile d'exercer des pressions --

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    M. David Matas: Il y en a peut-être certaines. Je ne vais pas exprimer la position officielle de B'nai Brith puisque nous n'en avons pas là-dessus mais, bien sûr, j'aimerais que les Américains respectent le traité de non-prolifération nucléaire et que les armes nucléaires soient abolies par tous. Si les Américains n'avaient pas d'armes nucléaires, ce serait peut-être utile.

    Cela dit, pour être tout à fait franc, ma réponse n'est pas complète, pour deux raisons. Premièrement, les États répressifs se dotent d'armes de destruction massive pas simplement par envie, émulation ou imitation mais pour faire de la répression et de l'intimidation. Nous l'avons vu, par exemple, avec les armes chimiques et biologiques. L'Irak de Saddam Hussein avait utilisé et mis au point des armes chimiques, alors que les Américains n'en avaient pas et n'en utilisaient pas. Il ne l'avait pas fait parce que les Américains en avaient mais parce qu'il s'en servait pour opprimer son peuple.

    Je suppose -- et ceci participe de la dynamique qui maintient les Américains en mode de préparation pour les armes nucléaires -- qu'il y a des États voyous, que Bush a peut-être désignés avec exubérance « l'axe du mal ». Ils ne respectent pas les valeurs démocratiques et humaines et -- quel que soit le régime de droit international -- mettent au point des armes de destruction massive. On ne peut supposer que tous les États éviteront ce type d'armement parce que certains le font.

    Deuxièmement, il ne s'agit pas là seulement d'un problème d'armes nucléaires. Même si l'Iran n'avait pas d'armes nucléaires demain, il poserait quand même une menace de destruction massive d'Israël au moyen d'armes biologiques, d'armes chimiques ou d'autres armes de destruction massive. Si nous voulons vraiment régler le problème de l'Iran, je conviens parfaitement qu'il faut se débarrasser de la menace nucléaire --

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    L'hon. Bill Blaikie: Je savais que vous parleriez du problème iranien.

+-

    M. David Matas: La solution, à mon avis, est de combattre l'antisionisme. C'est évidemment là le coeur du problème, selon B'nai Brith. Le problème de l'Iran est plus qu'un problème d'antisionisme.

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    Le président: Voulez-vous conclure?

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    M. David Matas: Je vais conclure ainsi : d'après nous, la solution de la menace iranienne passe par la lutte contre l'antisionisme, sous toutes ses formes et à chaque occasion.

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    Le président: Merci beaucoup.

    En conclusion, je dois dire que le désarmement et la non-prolifération n'avaient même pas été mentionnés dans le document du sommet de l'ONU de septembre dernier. Kofi Annan a dit que c'était une honte.

    Merci beaucoup, M. Peters, M. Janzen, M. Matas et M. Yusim. Nous reviendrons à 13 h 30.

    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Blaikie?

  -(1210)  

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    L'hon. Bill Blaikie: À titre d'information, quand le Canada a rétabli ses relations diplomatiques avec l'Iran -- je ne me souviens plus de l'année exacte -- j'étais critique des affaires étrangères pour le NPD et nous nous y étions opposés.

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    Le président: Merci beaucoup.

    La séance est levée.