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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 21 avril 2005




¿ 0905
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Paul Heinbecker (directeur du programme de relations internationales et de communications, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale)

¿ 0910
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)
V         M. Paul Heinbecker
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         M. Paul Heinbecker

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)
V         M. Paul Heinbecker

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)

¿ 0935
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker

¿ 0940
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker

¿ 0945
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

¿ 0950
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Paul Heinbecker

¿ 0955
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. Paul Heinbecker

À 1000
V         Mme Beth Phinney
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         M. Ted Menzies

À 1005
V         M. Paul Heinbecker
V         M. Ted Menzies
V         M. Paul Heinbecker
V         M. Ted Menzies

À 1010
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker

À 1015

À 1020
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Paul Heinbecker

À 1025
V         M. Pierre Paquette
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Paul Heinbecker

À 1030

À 1035
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Paul Heinbecker
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker

À 1040
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         M. Paul Heinbecker
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         M. Stockwell Day

À 1050
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

À 1055
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. Stockwell Day

Á 1100
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude de la politique internationale.

    Nous accueillons ce matin M. Paul Heinbecker, directeur du Programme de relations internationales et de communications au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale. M. Heinbecker a été ambassadeur aux Nations Unies et en Allemagne, et il est directeur du Centre for Global Relations, Governance and Policy à l'Université Laurier.

    Bienvenue, monsieur Heinbecker. Vous avez la parole. Vous avez tout le temps que vous voulez. Allez-y.

+-

    M. Paul Heinbecker (directeur du programme de relations internationales et de communications, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale): Merci beaucoup.

    Je sympathise beaucoup avec les rédacteurs d'examen de la politique étrangère car j'ai été l'un d'entre eux—pas pour cet examen-ci, mais j'ai rédigé l'examen de la politique étrangère de 1984, et j'en ai fait une petite jaunisse.

    Il y a néanmoins plusieurs choses dont je me réjouis profondément dans ce document. Premièrement, je pense qu'il est solide sur le plan conceptuel. Il reconnaît le fait que nous vivons dans un monde très différent de celui de 1984 quand j'ai rédigé cet examen de la politique étrangère, par exemple. En fait, l'examen de 1995 est déjà dépassé; le problème de ces examens, c'est qu'ils deviennent rapidement désuets.

    Cet énoncé souligne que l'élément central de la réalité contemporaine, c'est l'insécurité qui sape la prospérité et le sous-développement qui suscite l'instabilité. Il y a une relation de réciprocité entre développement et sécurité, à quoi j'ajouterais d'ailleurs les droits de la personne, et c'est sur cette notion que s'appuie la proposition de réforme de l'ONU proposée par son Secrétaire général. Ce document reconnaît aussi que les trois plus grands défis auxquels le Canada est confronté sont la lutte contre le terrorisme mondial, la stabilisation et la reconstruction des États en déroute ou fragiles et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive—et les liens qui relient ces défis. En dépit des événements effroyables auxquels nous avons assisté, on est tenté de dire que nous avons tendance à réagir exagérément à la notion de terrorisme, car il y a beaucoup plus de personnes qui meurent chaque jour de maladie en Afrique que de personnes qui se font tuer par des terroristes. Pourtant, en même temps, si jamais le lien entre le terrorisme et les armes de destruction massive se concrétisait, cela pourrait changer considérablement notre attitude face à la mondialisation et à tout le reste.

    Je suis d'accord avec ce document quand il dit que l'époque des puissances moyennes est révolue. Je n'ai jamais cru à l'idée que le Canada était une puissance moyenne; je crois que c'est une notion restrictive et je ne crois pas que le Canada ait jamais été une puissance moyenne. Je pense que cette notion ne signifie d'ailleurs pas grand-chose. Nous avons l'une des plus grandes économies au monde, même si je constate en sautant d'un document à un autre que le Canada peut passer en un instant de la huitième à la douzième place parmi les plus grandes économies du monde. Disons que cela montre que les choses évoluent plutôt vite.

¿  +-(0910)  

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Laissez-lui encore quelques minutes.

+-

    M. Paul Heinbecker: Encore quelques minutes et nous serons descendus encore plus bas.

    Une voix: Oh, oh!

    M. Paul Heinbecker: Ce qui est important, c'est que le document soutient énergiquement la thèse de la cohérence de nos orientations. En fait, le survol et les quatre documents qui l'accompagnent—je crois bien qu'il y en a quatre—sont une affirmation de l'importance de cette notion de cohérence. Nous ne sommes pas un pays suffisamment important pour pouvoir nous payer le luxe d'avoir une politique étrangère au ministère de la Défense, une autre au ministère des Affaires étrangères, une autre au CPM ou au BCP, ou au ministère des Finances, etc. La politique étrangère, c'est ce que fait le gouvernement du Canada; elle relève du gouvernement canadien et non d'un ministère quelconque.

    Cela dit, je pense que les auteurs de ce document reconnaissent à juste titre que pratiquement tous les ministères ont un rôle international, mais invitent le ministère des Affaires étrangères à assurer « un leadership à l'échelle gouvernementale à propos des questions internationales, au Canada et à l'étranger » et à diriger « à la fois la formulation de la politique internationale globale du Canada et l'élaboration interministérielle de stratégies pangouvernementales ». Je crois que c'est une affirmation très importante du rôle central que doit jouer le ministère des Affaires étrangères si nous voulons avoir une voix et une présence internationale cohérente.

    Je constate aussi avec plaisir que l'énoncé confirme l'orientation du récent budget qui reconnaissait que pour avoir une politique étrangère efficace, il fallait de l'argent, pour la diplomatie, pour l'aide publique au développement et pour la défense, notamment pour l'armée, entre autres. Je ne suis pas sûr de ce qui va se passer sur le plan politique dans les jours qui viennent—ni même dans les heures qui vont venir.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Ce n'est pas drôle, Beth, n'est-ce pas?

+-

    M. Paul Heinbecker: Mais il y a d'importantes propositions de dépenses dans ce budget qui sont vitales pour assurer l'efficacité de la politique étrangère du Canada. Les déclarations de politique étrangère qui ne sont pas appuyées par des outils d'influence efficaces et des prises de risques ne sont que des discours creux.

    Cela me rappelle l'histoire d'un diplomate britannique qui était revenu à Londres après un séjour au Département d'État à Washington. On lui demandait quelle était la différence entre un diplomate américain et un diplomate britannique. Il a répondu qu'au Département d'État, quand il arrivait quelque chose de malencontreux dans le monde, on se demandait ce qu'on allait faire, alors qu'au Royaume-Uni, dans la même situation, on se demandaient ce que les Américains allaient faire.

    On nous demande trop souvent à Ottawa ce que nous devrions dire dans telle ou telle situation. Nous avons vraiment besoin d'outils efficaces. Nous avons besoin d'une armée compétente et suffisamment forte pour offrir des choix au gouvernement, et non d'une armée tellement faible qu'elle ne peut que servir d'excuses au gouvernement.

    J'aimerais attirer votre attention sur deux points en particulier. L'idée d'avoir un groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction est excellente et nous permettra d'intervenir de façon plus opportune dans les crises internationales, et le fonds mondial pour la paix et la sécurité annoncé dans le budget nous aidera à venir au secours des États en déroute ou fragiles.

    Je reviendrai plus tard sur l'APD.

    Pour ce qui est des relations canado-américaines, je crois que l'énoncé met bien la priorité sur les relations canado-américaines. Ces relations sont la tâche numéro 1 de notre pays, ce qui n'enlève rien à l'importance de tout le reste.

    À mon avis, l'énoncé est important par quelque chose qu'il ne dit pas. On parle beaucoup d'harmonisation de la réglementation, et il faut certes s'en occuper, mais il n'est pas question d'un vaste marchandage, d'un troc où l'on échangerait la sécurité contre l'accès, et il n'est pas non plus explicitement question d'une union douanière. L'énoncé se contente d'envisager raisonnablement un partenariat avec les États-Unis dans le cadre de l'indépendance. Nous avons tout intérêt à veiller à ce que le Canada ne devienne pas une porte d'entrée dérobée par laquelle les terroristes et autres pourraient s'introduire aux États-Unis et menacer leur sécurité. Nous avons tout intérêt à éviter cela.

    En même temps, il ne faut pas oublier que les relations canado-américaines ne se limitent pas aux questions de frontières et de terrorisme, si importantes qu'elles soient, ni au bois d'oeuvre, aux exportations de bétail, etc. Comme les États-Unis, nous faisons face à un monde qui se rétrécit de plus en plus, et nous avons tout intérêt à avoir une politique étrangère typiquement canadienne.

    Ce n'est pas à faire de l'anti-américanisme que de reconnaître que l'appui aux États-Unis est à son plus bas dans le monde entier. Cela ne sert à rien au Canada de s'opposer à Washington uniquement pour le principe, et les insultes gratuites ne sont pas dignes de nous. En revanche, reconnaître que la politique américaine ne coïncide pas dans bien des domaines importants avec les intérêts canadiens, sans parler de nos valeurs, c'est simplement faire preuve de réalisme.

    Je suis d'ailleurs tout à fait d'accord avec le premier ministre quand il affirme qu'il est temps de renforcer le droit international et de le consolider à une époque où les États-Unis sont la seule superpuissance au monde. Cette situation ne va pas durer éternellement. La montée en puissance de la Chine est déjà flagrante. D'autres pays lui emboîtent le pas. Nous allons bientôt vivre dans un monde très différent de celui d'aujourd'hui, il est donc temps de définir tout de suite le code de la route, car nous allons insister pour que ces pays émergents respectent ce code de la route.

    Quand Washington insiste sur le principe de l'exception américaine au point de saper tout le principe de la sécurité collective et manifeste son mépris à l'égard du droit international, un droit qui a été mis sur pied et défendu par les présidents Wilson, Roosevelt, Kennedy, Johnson et George H.W. Bush entre autres, alors il est temps pour les gouvernements du Canada de tracer clairement leur propre voie internationale et de s'en expliquer franchement avec les autorités de Washington, en privé et de façon respectueuse.

    L'énoncé dit que le multilatéralisme est essentiel pour notre sécurité collective et notre prospérité, non pas pour faire contrepoids aux États-Unis mais parce qu'en cette ère de mondialisation, d'intégration économique, de guerre asymétrique, de changement climatique, de trous dans la couche d'ozone et de virus qui se propagent à travers la planète, aucun pays ne peut assurer à lui seul la sécurité de ses citoyens.

¿  +-(0915)  

    Un monde sans l'ONU—et je parle ici de sa vocation sur le plan de la sécurité—et sans droit international nous ferait replonger au début du XXe siècle. Au cours de cette période, le monde a connu deux des guerres les plus sanglantes de son histoire—en fait, les deux guerres les plus sanglantes de toute l'histoire du monde. À l'ère des armes de destruction massive, que se passerait-il s'il y avait une troisième guerre mondiale? C'est justement pour éviter cette troisième guerre mondiale que l'ONU a été créée au départ.

    Ce caractère indispensable de l'ONU ne doit pas servir d'excuse à ses lacunes et à ses échecs qui ne sont que trop évidents. Il est prioritaire pour le Canada de faciliter la réforme de l'ONU. Dans cet effort de réforme de l'ONU, nous devons, comme le rappelle l'énoncé, nous souvenir que la sécurité collective dépend à la fois du pouvoir et des principes. Nous devons collaborer avec les États-Unis là où nous le pouvons et les contourner là où nous le devons, en attendant le jour où ils réintégreront le giron de l'organisation comme ils l'ont fait, par exemple, dans le cas du Traité sur le droit de la mer.

    Je suis heureux de voir que l'un des thèmes récurrents de cet énoncé est l'égalité entre les sexes et qu'on insiste particulièrement sur l'importance de donner aux femmes le pouvoir de participer pleinement aux activités politiques et économiques de leur communauté.

    Je me réjouis de voir dans le rapport les mots « tracer notre propre voie », « faire notre part », etc. J'aime moins le mot « leadership ». Il y a plusieurs endroits dans le rapport où l'on parle de leadership alors qu'en fait il s'agit simplement de retrouver notre position après une décennie de retraite—une retraite à laquelle nous avons été contraints par notre propre situation financière, mais une retraite néanmoins.

    Je ne sais trop que penser de l'insistance sur l'aide internationale. Je ne suis pas expert en la matière. Cela semble logique, mais j'aimerais mieux comprendre ce que cela signifie en pratique.

    À propos du Darfour, on accorde une grande importance à la crise dans l'énoncé et l'on parle encore du rôle de leadership—encore « leadership », mais on ne semble pas disposé à aller au-delà de l'aide logistique fournie à d'autres ou à envoyer des militaires canadiens sur le terrain. Parallèlement, l'énoncé insiste sur l'importance de la responsabilité de protéger, initiative canadienne d'une pertinence vitale pour le Darfour.

    On contourne également dans l'énoncé la question de l'objectif Pearson de 0,7 p. 100 du PIB pour l'aide publique au développement, auquel nous souscrivons depuis une trentaine d'années. En fait, en dehors d'une seule référence dans le cahier des Affaires étrangères au rapport du projet du millénaire, dont s'est inspiré en grande partie le Secrétaire général pour rédiger son document sur la réforme de l'ONU, le rapport Sachs n'est pas mentionné du tout.

    L'établissement d'un échéancier pour arriver au niveau de 0,7 p. 100, fait partie de la première recommandation du Secrétaire général pour réformer les Nations Unies. Il y a de nombreux pays pauvres, dont ceux que mentionne la Millennium Challenge Corporation des États-Unis, dont la gouvernance et les autres attributs sont tels qu'ils pourraient faire un excellent usage d'une APD considérablement accrue. En fait, plusieurs des pays de cette liste se trouvent aussi sur la nouvelle liste de l'ACDI.

    Soit nous acceptons de payer 0,7 p. 100 et nous établissons un échéancier limité dans le temps, soit nous ne l'acceptons pas et nous expliquons alors pourquoi nous trouvons que ce n'est pas approprié. Beaucoup de gens dans cette ville considèrent que ce n'est pas approprié, pour toutes sortes de raisons. Ensuite, on peut débattre de la question. Mais si nous pensons qu'il n'est ni sage ni possible de fixer un objectif défini dans le temps, nous devons concilier ce point de vue avec le fait que la Suède, le Danemark, la Norvège, le Luxembourg et les Pays-Bas y sont déjà arrivés, après de bons et de mauvais moments, et que les Britanniques, les Français et maintenant les Allemands se sont engagés à atteindre ce chiffre avant 2015, et que même les Japonais ont commencé à en parler.

    Le Canada n'a jamais été plus riche et nos finances n'ont jamais été plus saines. D'après l'énoncé lui-même, « Grâce à une politique financière prudente, nous avons dégagé une série d'excédents qui nous permettent de réduire notre dette. Ces bases nous donnent la liberté de faire des choix qui nous défissent en tant que pays. »

    Au fait, il n'y a rien dans l'énoncé, ni dans le document séparé sur le commerce, qui m'explique pourquoi nous avons besoin d'un ministère du Commerce distinct. C'est particulièrement vrai pour la politique commerciale, dans laquelle il s'agit essentiellement des relations entre les gouvernements.

¿  +-(0920)  

    Je vais dire quelques mots sur les affaires étrangères, et je m'en tiendrai là.

    L'énoncé donne effectivement au ministère des Affaires étrangères un rôle de chef de file dans l'élaboration de la politique étrangère du Canada, comme je l'ai dit tout à l'heure, et j'espère que ceci signifie la fin des critiques incessantes que l'on entend sur le ministère des Affaires étrangères et le Service diplomatique et qui sont devenues presque routinières à Ottawa.

    Je vais déclarer non pas un conflit d'intérêts, mais peut-être une convergence d'intérêts. J'ai été agent du Service extérieur pendant 38 ans. J'ai deux filles au ministère, l'une agente du Service extérieur, et l'autre qui a un contrat avec le ministère. Celle qui est agente du Service extérieur a quatre diplômes—un de l'Université de Toronto, un de Queen's, et deux de McGill. Elle a fait du travail international pendant trois ans avant d'entrer au Service. Elle est parfaitement bilingue et se débrouille bien dans une troisième langue. Elle a passé environ un tiers de sa vie à l'étranger. Lorsque je suis entré au Service extérieur, je n'avais, à l'exception d'un diplôme universitaire, aucune de ces qualifications.

    De 5 000 à 8 000 personnes présentent l'examen du Service extérieur chaque année, et environ 1 p. 100 du nombre se voient offrir un poste. Je ne sais pas si cela les place parmi « les meilleurs et les plus brillants », comme certains disent. Je ne sais pas si l'on conserve ce genre de statistiques. Mais je suis absolument convaincu que les jeunes agents avec qui j'ai travaillé à New York, par exemple, avant de prendre ma retraite en 2003, étaient plus qualifiés, mieux instruits, plus expérimentés, et plus compétents que je l'étais à leur âge.

    Si l'on peut affirmer dans l'énoncé que les Forces canadiennes sont reconnues à l'échelle internationale et sont considérées comme faisant partie des meilleures au monde, ce qui est vrai, il ne faudrait pas craindre de prétendre que le Service extérieur canadien est aussi reconnu comme l'un des meilleurs au monde, et c'est également vrai.

    J'ai une fille plus jeune, qui est tout à fait qualifiée et a une expérience professionnelle pertinente. C'est elle qui travaille à contrat. Elle ne sait pas si elle veut entrer au ministère des Affaires étrangères. Les efforts qu'il faut déployer pour perfectionner ses connaissances et son expertise et acquérir l'expérience inhérente à la profession représentent un investissement majeur.

    On dit explicitement dans l'énoncé que les nominations à des postes de cadres seront ouvertes aux autres ministères. Je ne veux pas dire qu'il ne devrait pas y avoir d'accès latéral au ministère des Affaires étrangères. Ce n'est pas un monastère. Ce n'est pas un syndicat. C'est un endroit où l'on apprécie l'excellence. Mais ceux qui arrivent doivent accepter les mêmes conditions et modalités que tous les autres, et ne pas arriver pour profiter d'une affectation pour ensuite reprendre un autre emploi à Ottawa lorsque c'est terminé.

    Le recrutement extérieur devrait être axé sur les besoins, et ne devrait pas être large au point de détruire la profession elle-même, parce qu'une fois disparue, elle sera très difficile à recréer. Si le fait de passer devant les autres devient un comportement acceptable, pourquoi présenter l'examen du Service extérieur et se soumettre ainsi que sa famille à toutes les difficultés inhérentes au processus?

    Quant à la question des chefs de mission, il faut mettre en place des mesures de sauvegarde, et notamment fixer des règles strictes sur les compétences afin de se protéger contre le favoritisme bureaucratique. Je ne sais pas s'il existe un conseil de sous-ministres qui aient l'expérience internationale nécessaire—il est certain que beaucoup d'entre nous ne l'ont pas—pour juger adéquatement de ces affectations.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Heinbecker.

    Nous allons commencer la période de questions et réponses, et nous allons débuter avec M. Day, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes, monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur l'ambassadeur. Il est dommage que les contraintes que doit respecter le comité ne nous permettent pas de nous lancer dans des discussions plus approfondies qui nous permettraient de bénéficier de votre grande expérience. Nous vous sommes reconnaissants des services que vous avez rendus à notre pays et aux Nations Unies.

    Je serai aussi bref que possible sur ces vastes sujets et je vais vous demander de faire quelques commentaires.

    Hier, nous avons entendu ici un exposé de Human Righs Watch selon qui le Canada pourrait jouer un rôle plus agressif et plus proactif au Darfour en allant de l'avant, en mettant sur pied un genre de coalition multilatérale qui aiderait l'Union africaine non seulement par de l'argent, mais par une véritable présence.

    Tout d'abord, pourriez-vous nous parler des modalités pratiques? Comment un pays comme le Canada pourrait-il agir ainsi, dans le cadre des Nations Unies ou d'un autre regroupement?

    Deuxièmement, dans l'énoncé de politique internationale, même si l'on reconnaît l'importance géopolitique de la Chine, il n'y a pas un mot sur les violations des droits de la personne, et ceci semble une caractéristique du rapport pour ce qui est des déclarations fermes concernant la Chine ou Cuba ou d'autres régions.

    Troisièmement, l'Alliance atlantique est soumise à une grande tension, notamment en ce qui touche les rapports avec les États-Unis. C'est indéniable. Le Canada a tendance dans ses gestes, sa politique, à toujours prendre partie pour l'UE—à prendre la même position que l'UE, ou que certains pays de l'UE, ou simplement à prendre toujours le contre-pied des États-Unis, au lieu de servir en quelque sorte de pont entre l'Europe et les États-Unis. Nous pourrions jouer un rôle efficace de cette façon.

    J'aimerais entendre vos commentaires.

+-

    M. Paul Heinbecker: Il faudrait que vous demandiez au sous-ministre de la Défense et au chef d'état-major de la Défense si nous disposons actuellement de forces que nous pourrions envoyer au Darfour. Il y a une expérience vécue dont nous pouvons nous inspirer, et c'est ce que nous avons fait dans l'est du Zaïre en 1996, où tout le monde restait les bras croisés, espérant qu'il allait se passer quelque chose, mais où personne ne faisait rien. Le Canada a décidé d'agir et a déclaré qu'il allait diriger la mission au Zaïre oriental, et beaucoup nous ont immédiatement appuyés.

    Nous en avons tiré plusieurs leçons.

    Première leçon : si l'on ne peut pas mettre soi-même suffisamment de soldats sur le terrain pour constituer la base de la force, pas seulement la structure de commandement mais vraiment l'ossature de la force, des soldats avec des bottes et des baïonnettes, on ne peut pas vraiment réussir. La première question devrait donc être celle-ci : « Avons-nous la capacité voulue maintenant? » Il me semble que nous n'en sommes peut-être pas tellement loin, parce que voilà déjà un moment que nous sommes allés dans d'autres théâtres d'opérations.

    La deuxième chose apprise à cette occasion, c'est que lorsque le premier ministre a téléphoné au président, il s'est vu offrir un bataillon. Lorsque j'ai téléphoné à mon homologue, il nous a proposé deux ou trois médecins. C'est beaucoup plus difficile que ç'a en a l'air de diriger ce genre de choses.

    D'un autre côté, en ce qui concerne le Darfour, j'ai écouté tout ce qui s'est dit à propos de souveraineté, j'ai écouté tout ce qui s'est dit quant à la complexité de la situation, j'ai écouté pendant que l'on discutait des divers intérêts économiques en jeu, et j'ai entendu des gens dire que c'était encore un complot de l'Occident pour forcer les pays musulmans à plier. J'ai entendu tout cela. Pendant ce temps-là, avec toute cette complexité, nous sommes passés de 50 000 morts à 60 000 morts, puis à 70 000 morts, et maintenant on dit que l'on pourrait s'approcher du chiffre de 200 000. Je ne sais pas si quelqu'un le sait. Maintenant, il est vraiment temps que quelqu'un qui ait le pouvoir voulu à l'ONU se décide et dise, nous allons participer et demander à d'autres de se joindre à nous. Je crois que c'est ainsi qu'il faudrait procéder. Mais à défaut de cela, l'Union africaine n'est tout simplement pas en mesure de sauver la situation. Lorsque nous disons, plus jamais…eh bien, ça se passe en ce moment même.

    À propos de la Chine et des droits de la personne, je ne sais pas trop comment vous répondre. C'est certainement une grave question. Par ailleurs, la Chine évolue tellement rapidement, se développe tellement vite et change tant qu'il y a aussi je crois des raisons d'être optimistes dans tout cela. Son intégration dans le monde se fait à un rythme effréné. Il y a évidemment beaucoup de choses à critiquer.

    S'agissant de l'Alliance atlantique, c'est devenu pour moi un genre de police d'assurance. Je ne sais plus qui est l'ennemi. Quand je lis le rapport de la défense et l'autre rapport, je constate qu'on y parle de menaces, mais qu'on reste très vague sur l'ennemi, c'est qu'on ne dit pas qui exactement nous menace. J'imagine qu'on s'inquiète d'une menace résiduelle en pensant que les Russes pourraient peut-être commencer à se comporter un jour comme le faisait l'Union soviétique, ou qu'on envisage un jour ou l'autre un forme de menace chinoise. On en parle beaucoup, mais cela ne me convainc guère.

    Je pense que l'Alliance atlantique n'est pas une organisation régionale au sens normal du mot. Une organisation régionale agit dans sa région. On ne voit pas l'OEA essayer d'intervenir en Afghanistan. Je me demande un peu ce que va devenir cette organisation à l'avenir.

    Je pense cependant que l'armée a un rôle absolument vital à jouer au Canada en matière de surveillance de nos côtes et de surveillance aérienne dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et pour aider les pouvoirs civils au besoin. Mais c'est une énorme massue pour s'en prendre à des créatures minuscules et très mobiles.

¿  +-(0930)  

    Donc en ce qui concerne le terrorisme, je pense que ce qui sera le plus utile la plupart du temps, ce sont les services de renseignement, l'échange d'information et les activités de police.

    Pour en revenir à l'Alliance atlantique, je pense qu'elle est une sorte de police d'assurance. Nous pourrions un jour en avoir besoin. Il ne faudrait donc pas la mettre au rancart, mais je n'ai pas l'impression que ce soit un instrument qui puisse nous être très utile. Elle a certes eu un certain succès en Afghanistan, mais cela ne semble vraiment pas être le cas au Darfour.

+-

    Le président: Merci, monsieur Heinbecker.

    Nous passons maintenant à Mme Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci beaucoup, monsieur Heinbecker. C'est passionnant de vous entendre.

    Merci de nous redonner confiance en une politique étrangère qui ne se résume pas simplement à des mots, des souhaits ou un désir de visibilité, mais qui exprime la volonté de poser des actions concrètes et envisage les moyens nécessaires pour le faire. Je vais poser trois questions, ou plutôt examiner trois problèmes.

    Vous parlez d'abord de cette volonté de lutter contre le terrorisme. J'apprécie ce que vous avez dit, mais j'aimerais savoir si vous ne voyez pas une contradiction entre cette volonté très affirmée et le fait que nulle part dans ce rapport — et vous l'avez vous-même souligné —, on accepte l'idée que le 0,7 p. 100 d'aide internationale doit être soumis à un délai fixe.

    Or, il me semble que les rapports sont nombreux entre le terrorisme et le terreau qui l'engraisse. Il me semble qu'à cet égard, la politique étrangère du Canada fait sérieusement preuve de contradiction en ne faisant reposer la lutte contre le terrorisme que sur la défense, soit la protection des frontières et le reste.

    En outre, ne trouvez-vous pas qu'il serait bon, plutôt que de traiter uniquement de la lutte entre les civilisations, d'aborder également le thème du dialogue entre civilisations? Au Comité des affaires étrangères, nous avons réalisé une étude sur les rapports entre le Canada et certains pays du monde musulman, ce qui nous a permis d'apprendre bien des choses. Il me semble que dans ce rapport, on devrait faire allusion à cet aspect important de la question.

    Ensuite, vous avez dit avoir lu dans le rapport que le premier ministre Martin considérait qu'il était temps de consolider le droit international. Je vais relire le rapport parce que pour ma part, je n'avais pas lu cela. Il reste que je suis tout à fait d'accord sur ce que vous avez dit.

    Enfin, vous faites l'affirmation suivante, qui est très importante. D'après vous, le Canada peut soit accepter l'objectif de 0,7 p. 100 et se fixer des buts à cet égard, soit s'y objecter. Compte tenu de ses surplus, le Canada est en mesure d'atteindre cet objectif à l'intérieur des deux délais prévus. La réforme de l'ONU prévoit 0,5 p. 100 pour 2010.

    Quelle est votre proposition?

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Monsieur Heinbecker.

[Traduction]

+-

    M. Paul Heinbecker: Je crois que ce que nous voyons à l'ONU à New York, dans la déclaration du Secrétaire général sur la réforme de l'ONU, dans la recommandation de réforme du groupe de haut niveau et même dans le rapport Sachs, c'est la nécessité d'avoir une démarche globale face au terrorisme. Le Secrétaire général a dit que sans sécurité il n'y a pas de développement, sans développement il n'y a pas de sécurité, et sans respect des droits de la personne il n'y a ni l'un ni l'autre.

    J'ajoute que ce rapport est sorti mardi et que je ne suis pas sûr de l'avoir totalement assimilé parce qu'il représente quelque chose comme 120 pages de texte dense.

    Je dirais néanmoins que vous avez sans doute raison, il faut attaquer le terrorisme de façon globale et intégrée. Il ne suffit pas de dire que quand des gens traversent la frontière, c'est une question qui relève des services de police et de renseignement et quand il y a un navire au large sur lequel il y a peut-être des véhicules aériens sans pilote transportant quelque chose d'épouvantable, c'est une question qui relève de l'armée.

    C'est tout un monde qui nous entoure, et si nous réussissons à mettre sur pied des gouvernements qui respectent l'opinion de leur population et acceptent un changement pacifique, nous aurons un monde beaucoup moins dangereux. D'ailleurs, c'est une évolution en cours. Nous avons maintenant plus de 100 pays aux Nations Unies—je crois qu'on parle même de 130—qui sont entièrement, partiellement ou largement démocratiques.

    Par conséquent, insister comme le fait l'énoncé de l'ACDI sur la gouvernance et l'amélioration des fonctions de bon gouvernement, sur la capacité des États à fonctionner—ce que nous appelions naguère la paix, l'ordre et le bon gouvernement au Canada—c'est à mon avis certainement contribuer à enrayer le terrorisme.

    Il y aura toujours des terroristes. Le fait de déclarer le terrorisme illégal ne fait pas disparaître le terrorisme, pas plus que le fait de déclarer le meurtre illégal ne fait disparaître les assassins. Il y en aura toujours, plus on crée des sociétés, qui sont capables de s'occuper de leurs problèmes, moins on aura à s'inquiéter du terrorisme.

    Il y a eu des discussions à l'ONU sur le dialogue des civilisations. Il faut certainement essayer de mieux se comprendre. Je n'ai quant à moi aucune envie—et ceci va être sujet à controverse—de voir des dirigeants religieux à la tête de ce monde. Je ne suis pas sûr que cela améliore les choses ou que cela calme le jeu.

    Pour ce qui est de la prise de position du premier ministre à propos du droit international, je sais où j'ai lu cela. C'est dans une déclaration qu'il a faite lundi au Musée des civilisations. Je croyais l'avoir ici quelque part, mais je n'ai pas eu le temps de retrouver le passage exact.

    Le troisième point concernait l'objectif de 0,7 p. 100.

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Francine Lalonde: Oui. Ou nous l'acceptons et nous accordons cette aide, ou nous le refusons. Quelle est votre position?

+-

    M. Paul Heinbecker: Je crois que nous devrions respecter cet objectif de 0,7 p. 100. C'est quelque chose que fondamentalement le Canada peut se permettre; je crois que c'est dans nos moyens. Compte tenu de ce que nous venons de dire à propos de l'importance du développement à l'étranger pour notre sécurité et notre prospérité, on pourrait même dire que c'est dans notre intérêt, mais je considère que c'est une question de valeur. Il s'agit d'aider les gens qui n'ont pas autant de chance que nous, et je crois que c'est quelque chose que les Canadiens approuvent.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant à M. McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur l'ambassadeur, merci de votre présence parmi nous.

    Vous avez abordé plusieurs points très intéressants, en vous appuyant sur les connaissances et la vaste expérience que vous avez acquises depuis que vous avez rédigé le document de 1984-1985.

    J'ai examiné les différentes démarches adoptées à l'époque. Le premier ministre du moment, M. Mulroney, était en faveur de contacts directs avec les États-Unis dans la perspective de la politique de l'époque fondée sur la réalité des forces. La politique de M. Clark était de s'occuper de pratiquement tous les autres pays du monde à l'exception des États-Unis. Beaucoup de ces tendances sont encore présentes de nos jours, même si l'on insiste plus sur le facteur sécurité.

    La question de l'allégement de la dette est importante. Avez-vous des commentaires à faire sur les diverses initiatives que le gouvernement du Canada a prises? Il s'agit évidemment d'engager des ressources, d'alléger la dette et d'appuyer d'autres organisations. Globalement, cela voudrait dire que la contribution par habitant du Canada pourrait être plus importante que celle des pays que vous avez cités.

    Deuxièmement, pour reprendre ce que vient de dire M. Day, notre comité est bien conscient du recul de l'atlantisme, en tout cas depuis qu'il y a l'Union européenne, et il se rend compte que c'est quelque chose qui fait un peu double emploi à un moment où le Canada essaie de se définir comme une passerelle entre l'Europe et les États-Unis.

    À propos de votre perception de ce document, il a été question de la tragédie du Darfour et d'un éventuel manque d'engagement humanitaire du Canada. Nous venons de traverser la période Axworthy au cours de laquelle la sécurité humaine comptait par-dessus tout.

    Il se produit toutes sortes de choses en même temps, et la sécurité humaine s'est plus ou moins fondue maintenant dans la notion de sécurité générale. Pensez-vous que ce document s'appuie sur la réalité ou qu'il porte plutôt sur des principes? Pour paraphraser ce que disait Lester B. Pearson, si vous voulez connaître ma position en matière de politique étrangère, revenez dans un an et je vous le dirai.

+-

    Le président: Monsieur Heinbecker.

+-

    M. Paul Heinbecker: La revue américaine Foreign Policy a publié une étude intéressante que je vous recommande, si vous ne l'avez pas déjà lue. Je crois qu'elle a été réalisée par le Centre for Global Development. Il s'agissait de mesurer le genre de choses dont vous parlez à propos d'aide aux autres pays, des choses comme l'abaissement des droits de douane, l'aide au développement, l'effacement de la dette, etc. Si je me souviens bien, même dans ce domaine, nous sommes loin d'être dans le peloton de tête.

    Je pense donc que les gens ont tendance à croire que nous en faisons plus que ce que nous faisons réellement. En tout cas, c'est l'impression des gens qui nous observent. C'est l'impression qu'ils ont. Je parlais lundi à un ambassadeur d'un pays étranger qui me disait : « Je ne comprends pas qu'un pays aussi riche que le vôtre ait du mal à accomplir ce genre de choses ». Il n'en a pas dit plus.

    L'effacement de la dette est important. Il est important de permettre aux pays pauvres d'avoir accès à nos marchés. Il faut par exemple éliminer les limitations imposées pour les textiles. L'aide au développement est importante pour de nombreux pays. Ce n'est pas le marché qui va régler leur problème, même si ces pays se gouvernent très bien. Ce ne sont pas des pays où le secteur privé débarque les mains pleines d'argent.

    Pour ce qui est de votre deuxième remarque à propos de l'Alliance atlantique, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question. Était-ce que les Européens n'ont pas besoin d'une passerelle? Ils n'ont plus besoin de nous comme passerelle depuis les années 50, je pense. Même si la question revient sur le tapis de temps à autre—et c'est une idée attrayante parce qu'il y a manifestement un gouffre d'incompréhension entre Washington et de nombreuses capitales européennes—je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment un rôle à jouer à cet égard.

    C'est un rôle que M. Mulroney a joué dans une certaine mesure durant les années 90. J'ai été son conseiller de politique étrangère à la fin des années 80 et au début des années 90. Par exemple, il y a une chose qui n'est pas très connue, c'est qu'il a beaucoup contribué à amener d'autres pays à appuyer l'unification de l'Allemagne. À une époque où Margaret Thatcher et François Mitterrand avaient de sérieux doutes sur le bien-fondé de la réunification de l'Allemagne, M. Mulroney a réussi à persuader M. Bush—il n'a peut-être pas eu beaucoup de mal—que c'était la bonne chose à faire.

    Donc il nous est arrivé de jouer ce rôle. Mais y voir une constante, je ne crois pas. Je pense que cela nous arrive dans le cadre de contexte ponctuel.

    Vous dites qu'à l'époque le premier ministre s'occupait des États-Unis et le ministre des Affaires étrangères s'occupait du reste du monde. C'est vrai dans une certaine mesure, encore que le premier ministre s'intéressait aussi beaucoup à l'Indonésie, aux droits de la personne en Afrique du Sud et à l'Indonésie et au Timor oriental.

¿  +-(0945)  

+-

    L'hon. Dan McTeague: Et à l'Amérique centrale.

+-

    M. Paul Heinbecker: Et ainsi de suite. Je crois qu'actuellement, avec un comité du Cabinet qui s'occupe des États-Unis et un autre qui se consacre au reste du monde, peu importe la façon dont ils sont organisés, l'essentiel est que cela fonctionne bien.

    Quand j'étais secrétaire du comité du Cabinet responsable de la politique étrangère et de la politique de défense à la fin des années 80 et au début des années 90, cela ne fonctionnait pas très bien. Personne ne s'y intéressait, personne ne venait aux réunions. Le comité n'avait pas d'argent. Il se réunissait plus ou moins pour la forme de temps en temps.

    Ce qui compte donc, c'est l'efficacité plutôt que la structure. Tout dépend de ce que le premier ministre est prêt à investir dans ces comités. M. Mulroney n'y allait pas du tout, par exemple.

    Pour ce qui est de la sécurité humaine ou de la sécurité en général, vous avez raison. Cela fait déjà un certain temps que nous disons que la sécurité humaine et la sécurité nationale sont les deux faces d'une même pièce. Elles impliquent des choses différentes, et on le voit dans ce rapport. Si l'on prend la sécurité humaine au sérieux, il faut avoir une armée capable d'agir.

    C'est un peu l'inverse de la question qu'avait posée Madeleine Albright à Colin Powell quand il était chef d'état-major de la Défense aux États-Unis : À quoi bon cette armée si nous ne pouvons pas l'utiliser? Et effectivement, à quoi bon une politique en matière de sécurité humaine si nous ne pouvons pas assurer cette sécurité? Ce n'est pas avec des notes diplomatiques ou des programmes d'aide qu'on va sauver les gens au Darfour. C'est important. Ce sont des choses qui ont leur place, mais dans l'immédiat, ce qu'il faut faire, c'est arrêter le massacre et pour cela on a besoin d'une armée capable de combattre.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons à Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous, monsieur Heinbecker, de vous joindre à nous aujourd'hui.

    Il serait irréaliste de vous demander de vous prononcer sur chacun des aspects de ce document dont la réalisation a pris 16 mois. Il vous faudra donc un peu plus de temps pour le digérer complètement que le bref délai dont vous avez disposé jusqu'ici.

    Non seulement je suis heureuse que vous soyez venu nous faire part de vos connaissances expertes ce matin, mais je vous admire de nous avoir fait partager vos réflexions personnelles à propos de vos deux filles qui s'interrogent sur l'évolution du Service extérieur. Je dois dire qu'il y a une chose que je trouve extrêmement décourageante, c'est que le gouvernement se complaît à dire à qui veut l'entendre, quand cela l'arrange, que notre service étranger est respecté dans le monde entier pour son professionnalisme, mais qu'en fait nous ne faisons strictement rien pour préserver sa solidité et le soutenir comme il faudrait le faire, qu'il s'agisse de rémunérer correctement les employés ou de prendre au sérieux leurs conseils.

    J'aimerais poser des questions sur trois domaines précis.

    Ce que je vais vous dire à propos de l'objectif de 0,7 p. 100 ne va pas vous surprendre. Vous savez certainement que nous avons entendu, au moins depuis trois ans puisque cela fait trois ans que je participe à ce comité, toute une série d'experts éminents, canadiens et étrangers, nous dire de façon éloquente et convaincante qu'il fallait que le Canada s'oriente vers l'objectif de 0,7 p. 100 énoncé par Pearson en se fixant des cibles et un échéancier, afin de respecter ses obligations internationales en temps opportun. Dire qu'il est décevant de constater qu'il n'en est pas question dans ce document, c'est faire un euphémisme colossal. Il serait plus exact de dire que c'est « humiliant ».

    Je voulais vous poser une question à propos de votre remarque tout à l'heure quand vous avez dit que nous essayons en fait de remonter la pente après 10 ans de régression. On nous a dit et répété que la réputation du Canada n'avait cessé de baisser parce que nous étions incapables de livrer la marchandise dans bien des cas. Quelles sont à votre avis les répercussions de cette situation sur notre réputation de pays multilatéraliste respecté sur la scène internationale?

    Deuxièmement, vous avez dit, et je ne veux pas déformer vos propos, que vous étiez plutôt sceptique à l'égard de cette notion de puissances moyennes, si nous ne sommes pas prêts à nous associer avec—au lieu de puissances moyennes, il faudrait peut-être parler de puissances progressistes—d'autres régions du monde, pour essayer de faire avancer la cause de la sécurité humaine, les obligations relatives au traité de non-prolifération, par exemple, en nous éloignant de ceux qui ne respectent pas l'engagement de 0,7 p. 100, pour nous associer à ceux qui tiennent leurs promesses. Nous sommes maintenant en queue de peloton. Nous sommes dans la deuxième moitié des pays donateurs, par exemple. Sur quelle base le Canada pourrait-il s'appuyer, d'après vous, pour être un citoyen international proactif, progressiste et un leader international si nous ne faisons rien sur aucun de ces fronts?

    En troisième lieu, je voulais en fait vous demander des précisions. Je ne suis pas sûre d'avoir parfaitement compris ce que vous avez dit au sujet du débat ou de la controverse concernant la fusion ou la séparation des Affaires étrangères et du Commerce international. Je dois dire que le document, dans la mesure où il reste tout à fait muet sur la question des droits de la personne et de la sécurité humaine, a renforcé mon inquiétude au sujet de la scission, puisque le ministère du Commerce international pourrait ignorer tout à fait impunément les questions de droits de la personne sans qu'il y ait même un ministre des Affaires étrangères pour réagir. Pourrais-je vous demander de préciser votre pensée sur ce point?

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Monsieur Heinbecker.

+-

    M. Paul Heinbecker: Si j'ai bien compris la première question, il s'agissait de l'impact que pourrait avoir le non-respect des 0,7 p. 100 sur notre réputation.

+-

    Mme Alexa McDonough: Et sur notre capacité à être véritablement un acteur respecté.

+-

    M. Paul Heinbecker: L'énoncé commence par—quel est le titre?—« fierté et influence : notre rôle dans le monde ». On acquiert de l'influence en agissant, et si l'on n'est pas présent… C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai aussi exprimé une certaine hésitation quant à l'idée de mettre l'accent sur certains domaines. Je me souviens d'avoir lu une critique acerbe de cette notion dans un document.

    Selon que l'on parle de l'éradication de la pauvreté en soi, ou en tant que composante de notre politique étrangère, on peut faire des choix très différents sur la façon de dépenser l'argent. Ce n'est certainement pas l'optique conventionnelle actuelle, et ce n'est pas l'opinion exprimée dans ce document—qui, je dois le dire, correspond à l'idéologie dominante—selon laquelle il faudrait vraiment concentrer notre argent et non le disperser. Mais d'un autre côté, si l'on veut exercer de l'influence dans beaucoup de pays, il n'est pas nécessaire de dépenser beaucoup dans ces pays pour avoir une certaine influence. Donc, simplement du point de vue de la politique étrangère, je me pose des questions sur tout cela.

    Mais il faut de l'argent. La politique étrangère exige de l'argent. Il faut, comme je l'ai dit, une force armée solide, et il faut une ACDI très compétente, avec de l'argent à dépenser. Si nous ne lui donnons pas cet argent, et si nous ne sommes pas vus de façon positive…parce que la question des 0,7 p. 100 est presque devenue un critère symbolique. C'est cela qui montre que l'on est sérieux ou pas, et que l'on reconnaît l'importance du problème. Si nous ne voulons pas l'accepter, je pense que nous allons en payer le prix par une perte d'influence. D'après moi, il n'y a aucun doute.

    Pour ce qui est d'être sceptique sur les puissances moyennes et les pays progressistes, je suis très sceptique quant à l'idée d'être une puissance moyenne. Je crois que Jennifer Welsh a raison dans son livre, il s'agissait de processus et pas de résultats. Je pense que nous sommes maintenant assez grands pour dépasser ce stade.

    Je suis d'accord avec vous, les pays progressistes ont un rôle à jouer. Cela me rappelle une blague que m'a racontée un diplomate américain un peu bourru qui disait : « Maintenant que la Suède est entrée à l'Union européenne, le poste de belle-mère du monde est ouvert. Vous avez l'intention de vous présenter? »

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Une belle-mère sans chèque de paie apparemment.

+-

    M. Paul Heinbecker: J'ai toujours été un peu sceptique à ce sujet.

    Je crois à la notion de bon citoyen du monde. C'est manifestement dans notre intérêt de chercher à faire progresser la question du contrôle des armements—c'est manifestement dans notre intérêt. Si le grand problème est le terrorisme, et puisque l'on nous dit maintenant que notre principal souci devrait être les armes de destruction massive et les liens terroristes, n'est-ce pas logique de se débarrasser des armes nucléaires, et ne devrait-on pas en faire une priorité? Je pense que dans une certaine mesure on insiste là-dessus ici—dans une large mesure.

    S'agissant du rôle des affaires étrangères et du commerce, je crois vraiment que la politique commerciale fait partie de la politique étrangère. C'est une partie intégrante de la politique étrangère. Ce sont les relations entre les gouvernements, et je pense pas que l'on puisse renforcer sa position en séparant ces éléments.

    En même temps, ces questions doivent être intégrées quelque part. Elles peuvent être intégrées à mi-hauteur ou au trois quarts de la hauteur du ministère des Affaires étrangères ou encore au Cabinet. Mais je ne pense pas qu'un gouvernement moderne puisse dire que le ministère des Affaires étrangères va s'occuper de tout ce qui touche les droits de la personne, tandis que le Commerce international s'occupe seulement de vendre des canons. À mon avis, il faut une intégration et si elle ne se fait pas au sein du ministère, il faudra qu'elle se fasse au Cabinet. Je ne vois pas d'autres solutions, et je ne crois pas que les gens soient prêts à accepter une politique de ventes militaires tous azimuts.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.

    Vous avez dit que vous étiez heureux que ce document confirme les orientations du dernier budget, et vous avez également mentionné qu'il nous faudrait des forces armées assez importantes. Pensez-vous que ce qui a été prévu et proposé dans le dernier budget sera suffisant?

    De plus, à la fin de votre allocution, vous avez dit que le rapport ne parlait pas de mettre des bottes sur le terrain. Si vous répondez oui à la première partie de ma question, que vouliez-vous dire par là? C'était une déclaration très brève et il n'y a pas eu d'explication. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez mentionné cela en particulier?

+-

    M. Paul Heinbecker: Combien faut-il pour avoir assez? Je ne sais pas combien il faudrait pour la défense. Ceci est un bon début. Ce serait peut-être mieux si l'argent était versé immédiatement plutôt que plus tard, mais il y a peu de chance, à mon sens, qu'il ne soit pas versé d'une façon ou d'une autre. Il me semble que le chef de l'état-major de Défense et le ministère de la Défense ont maintenant la certitude et les garanties dont ils ont besoin.

    On peut ajouter de l'argent et des bottes. Je pense que 5 000 soldats des troupes régulières et 3 000 membres de la réserve, c'est bien. Il n'y a pas si longtemps, nous avions beaucoup plus. Mais si l'on ajoute cela à ce que l'on a maintenant, nous avions une capacité encore plus grande. Donc finalement ce sera peut-être… Nous verrons. Si le monde devient de plus en plus exigeant, il faut de plus en plus d'interventions.

    Si l'on regarde ce qui se passe dans le monde et que l'on se demande où il va falloir envoyer des troupes, on pense au Congo, on pense au nord de l'Ouganda, au sud du Soudan—il y en a 10 000 qui viennent de partir là-bas—et à l'ouest du Soudan. L'Afrique de l'Ouest est toujours candidate pour un plus grand nombre de troupes. Un jour il y aura peut-être une entente entre les Israéliens et les Palestiniens. Cela nécessitera peut-être de nombreux soldats. Il y a l'Afghanistan. Il se passe quelque chose au Népal. Qui sait ce qui va arriver entre les Indiens et les Pakistanais.

    Les besoins sont infinis et l'on demande toujours plus de forces armées compétentes. Ce n'est évidemment pas au Canada de toutes les fournir. Mais si l'on veut être un citoyen du monde responsable, il faut faire sa part. Et nous allons voir si les 8 000 nouveaux soldats et l'argent que l'on va consacrer à l'équipement… Et au fait, le ministère de la Défense parle d'une force beaucoup plus moderne, plus mobile, dans un sens plus meurtrière, et plus facile à utiliser que ce que nous avons eu, en mettant davantage l'accent sur la force terrestre, c'est-à-dire les gens dont on a besoin si l'on veut aller au Darfour ou dans des endroits comme ça.

    C'est cela que je voulais dire. Nous fournissons seulement une aide logistique. Nous fournissons des hélicoptères, des systèmes de communications, etc., pour la force africaine. Il est clair que la situation ne change pas au Darfour, et peut-être que rien ne changera tant qu'il n'y aura pas là une force militaire compétente—je ne veux pas manquer de respect envers les Africains, mais ils n'ont pas le matériel et souvent ils n'ont pas la formation—ils n'ont pas les moyens d'attirer et de retenir l'attention des autres et de les obliger à cesser de faire ce qu'ils font.

À  +-(1000)  

+-

    Mme Beth Phinney: Merci.

+-

    M. Paul Heinbecker: Quelqu'un a dit quelque chose à propos des droits de la personne à quoi je n'ai pas répondu, qu'il n'y a rien là-dedans sur les droits de la personne. En fait, je crois que si. On parle au moins de la Cour pénale internationale. Il est question de l'appui au nouveau conseil des droits de la personne du côté multilatéral.

    Il n'y a peut-être pas de passage intitulé « droits de la personne ». Mais on parle des droits des femmes. Le document fait 120 pages et c'est dedans, si l'on regroupe toutes les références, il y en a pas mal. Mais on n'a pas dit économie, forces armées, droits de la personne—ce qui correspond, au fait, à ce que nous avions fait dans l'examen de 1984, qui était presque mort à l'arrivée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Heinbecker.

    Nous allons maintenant passer à M. Menzies, s'il vous plaît.

+-

    M. Ted Menzies: Merci beaucoup, monsieur Heinbecker. Je trouve que vos propos sont une bouffée d'air pur. C'est très intéressant et très riche d'enseignements pour nous.

    J'aimerais commencer par un commentaire. Depuis 1993, nous avons vu notre aide publique au développement coupée de 9 milliards de dollars. Je suppose que ceci ne vous a guère plu.

    Je dirais qu'il y a des erreurs flagrantes dans la partie développement de cet énoncé de politique , d'après ce que je peux voir. Nous avons divisé les enveloppes d'aide, un tiers, deux tiers. J'aimerais avoir vos commentaires et votre avis là-dessus.

    Pour moi, on dirait que nous avons choisi les éléments faciles et ignoré les problèmes qui font l'actualité et qui sont une grave source de préoccupations pour nous. Vous en avez cité quelques-uns, comme Haïti, le Soudan, l'Iraq, l'Afghanistan et le Moyen-Orient. Nous semblons avoir oublié qu'il est impératif d'avoir immédiatement un processus de paix au Moyen-Orient, et nous n'avons rien fait à ce propos. Ces régions essentielles ne sont même pas sur la liste des cibles. Elles se retrouvent avec l'enveloppe du tiers restant qui va sans doute être la plus difficile à gérer. C'est ma première question.

    Je viens d'assister à une séance d'information sur les problèmes africains et le processus du NEPAD. On a insisté sur le fait que l'Union africaine ne veut pas de troupes de l'ONU ou de troupes canadiennes sur le terrain. Je pense que cela vous inquiète. L'Union africaine serait prête à accepter de l'aide du Canada et de l'ONU pour entraîner ses soldats. Pouvez-vous faire un commentaire sur ce point également?

À  +-(1005)  

+-

    M. Paul Heinbecker: Qui a dit cela?

+-

    M. Ted Menzies: C'était une séance d'information à laquelle j'ai assisté ce matin. Des membres de l'ACDI réitéraient la position de l'Union africaine, disant qu'elle n'était pas à l'aise. En fait, ils étaient assez catégoriques sur le fait que l'Union africaine ne veut pas de soldats canadiens ou onusiens au Darfour, au Soudan, mais apprécierait certainement de l'aide pour entraîner ses soldats afin qu'ils puissent intervenir. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce sujet, si vous le voulez bien.

    Pour moi, la position globale du Canada est affaiblie non seulement dans les affaires internationales mais aussi dans le commerce international. J'ai parlé à des personnes de différents pays qui me demandaient où en était le Canada à l'OMC et dans les affaires internationales. Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît.

+-

    M. Paul Heinbecker: J'essayais de trouver un commentaire que j'avais écrit dans une marge et qui était très proche de votre première observation. Je ne suis pas prêt à essayer de deviner ce qu'ils vont faire avec l'argent parce que je ne pense pas que ce soit très clair, mais j'ai écrit « Iraq » et « Afghanistan ». Ce sont les deux principales destinations de notre APD maintenant, pourtant je ne pense pas que l'on puisse considérer que leurs résultats soient bons sur le plan de la bonne gouvernance, des droits de la personne, et sur beaucoup d'autres considérations.

    Je me demande un peu comment nous allons faire correspondre tous ces chiffres dont on parle. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais je ne vois pas clairement comment tout cela va fonctionner.

    Cela me ramène à la question de concentration dont je parlais. Il faut d'abord une certaine souplesse pour dépenser de l'argent dans des endroits comme Haïti, le Soudan et l'Iraq et peut-être pour l'Autorité palestinienne, et ces pays ne répondent peut-être pas aux critères de la bonne gouvernance et autres. Ils ne répondent peut-être pas à vos critères concernant la concentration. Ce sont des choses qu'il va falloir déterminer au cas par cas, je présume.

    Je pense que l'on veut établir une certaine concentration, parce qu'autrement on a tendance à se disperser en tous sens. On dit vouloir se concentrer sur ces pays, mais le simple fait d'avoir un tiers à part, équivaut, d'après moi, à reconnaître que c'est vraiment impossible de choisir simplement 20 pays en disant : voilà, c'est tout ce que nous allons faire, et nous ne nous occupons pas du reste. Il y a aussi les objectifs de développement du millénaire, et ce que nous allons faire dans ce contexte ne correspondra peut-être pas nécessairement aux points de concentration choisis.

    Quant à l'Union africaine qui ne voudrait pas de soldats étrangers, j'ai aussi entendu l'ambassadeur soudanais me dire la même chose. Je ne veux pas me faire passer pour un expert sur le Soudan; je note simplement que l'on approche des 200 000 morts et l'on peut se demander à quel moment on va cesser d'écouter les objections et les préférences des uns et des autres pour commencer à agir?

+-

    M. Ted Menzies: En ce qui concerne notre position à l'OMC et dans les affaires internationales en général, j'ai l'impression et le sentiment que d'autres pays, comment dire, ne nous respectent plus autant alors que nous devrions avoir une position dominante. Nous étions avant un gardien de la paix. Où en sommes-nous maintenant?

À  +-(1010)  

+-

    M. Paul Heinbecker: Tout dépend de la façon dont on mesure les choses. Lorsque j'ai quitté l'ONU, nous étions au 35e ou 36e rang pour ce qui est du maintien de la paix dans le cadre des Nations Unies. J'ai souvent eu à renvoyer des demandes de participation canadienne qui avaient été refusées par Ottawa à un niveau ou à un autre. Très souvent, on ne demandait pas beaucoup de monde, et c'était le plus souvent le cas pour l'Afrique.

    En même temps, je voudrais dire autre chose. Lorsque j'étais ambassadeur à l'ONU, je n'ai jamais eu l'impression qu'on ne nous écoutait pas. Je n'ai jamais eu l'impression que quelqu'un disait : Ah bon, encore les Canadiens; bien sûr, ils vont dire ça; dommage qu'ils ne fassent jamais ce qu'ils disent. Nous avons toujours été écoutés respectueusement.

    Prenez la question de l'Iraq, puisque c'est là que nous avons essayé, sans succès, de trouver un compromis entre les Américains et pratiquement le reste de l'ONU. Nous étions probablement le seul pays à pouvoir le faire. On parle de rapprochement, eh bien c'était effectivement un effort de rapprochement entre les États-Unis et les autres pays. Les gens nous ont écoutés, se sont réjouis que nous ayons fait la proposition, et beaucoup espéraient que les grandes puissances allaient l'accepter, notamment des membres de la coalition qui auraient vraiment souhaité que les grandes puissances acceptent le compromis. Les Britanniques, par exemple, nous ont encouragés à continuer à défendre nos propositions.

    Ainsi, je ne pense pas que l'on puisse dire que nous sommes hors course, mais il est vrai que nous nous sommes reposés sur nos réussites précédentes dans une certaine mesure et que nous devons commencer à réinvestir dans notre politique étrangère. Dans le budget et dans cet énoncé, il y a un certain réinvestissement. À savoir si c'est suffisant, l'avenir nous le dira.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Merci encore, monsieur Heinbecker.

    Vous avez à nouveau soulevé plusieurs points très intéressants. J'aimerais avoir votre avis sur deux d'entre eux.

    D'une part, bien sûr, il y a la proposition concernant le L-20. Compte tenu du succès que nous avons eu avec le G-20 en ce qui concerne les questions touchant la sécurité humaine, la stabilisation des pays, particulièrement en ce qui a trait à la sécurité alimentaire et énergétique, et bien sûr le fait d'avoir une voix plus forte, étant donné le poids des pays qui feraient partie de ce groupe… Pouvez-vous me donner votre avis et faire quelques commentaires là-dessus? C'est certainement un pas audacieux dans la bonne direction, comme nous le pensons de ce côté-ci du comité.

    J'aimerais avoir vos commentaires sur le Corps canadien en rapport avec la situation de votre propre famille, en ce qui a trait aux possibilités de participation, pas nécessairement par le biais des Affaires étrangères mais par l'intermédiaire d'autres organisations apparentées, et l'importance que cela peut avoir pour canaliser les énergies canadiennes vers des solutions à long terme. J'aimerais aussi avoir vos commentaires sur le redéploiement du personnel des Affaires étrangères, c'est-à-dire l'idée de mettre plus de personnes sur le terrain, de placer plus d'agents du ministère dans nos missions à l'étranger, puisque dans ce document on dit qu'il y a une concentration excessive autour d'Ottawa. Si vous le pouvez, j'aimerais bien avoir vos commentaires à ce sujet.

    Enfin, et je suis désolé d'intervenir là-dessus, mais quand vous avez parlé d'« union douanière », j'ai eu un signal d'alarme qui s'est déclenché instantanément dans ma tête. Cela m'a rappelé le zollverein en 1866 et la création de l'Allemagne, évidemment. Je sais bien que certains politiciens et anciens politiciens, notamment M. Manley, ont déjà abordé cette question. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus dans le temps qui vous reste.

+-

    Le président: Monsieur Heinbecker.

+-

    M. Paul Heinbecker: Oui, je vais essayer d'aller le plus vite possible.

    Je pense que l'idée du L-20 est excellente. Je dois cependant vous déclarer l'intérêt que j'ai dans cette question. Notre centre de recherche travaille beaucoup, avec nos collègues de Victoria, à développer des idées en ce sens. Nous avons eu huit ou neuf réunions à travers le monde avec des groupes de réflexion et même dans certains cas des hauts fonctionnaires d'autres pays.

    Pourquoi est-ce une bonne idée? C'est à mon avis une bonne idée parce que le G-8 est devenu trop étroit. Quand on veut parler de taux de change, les Chinois ne sont pas là. Quand on veut parler d'économies en déroute, les Argentins et les Turcs, etc.—à propos, la Turquie n'est plus en déroute, mais son économie est quand même en difficulté—ne sont pas là non plus. Quand on veut parler de questions de sécurité, les pays concernés ne sont pas là.

    Certes, le G-8 peut faire beaucoup lui-même—il peut décider de faire certaines choses—mais ses décisions ne vont pas rallier les gens qui ne sont pas présents à la table. Donc, les membres du G-8 peuvent bien prendre toutes les décisions qu'ils veulent, mais cela ne veut pas dire que les Argentins vont écouter ce que le G-8 a à dire sur l'effondrement qu'a connu leur économie. Je pense que c'est évident. C'est donc un aspect de la question.

    Le deuxième aspect, c'est que les dirigeants peuvent faire des choses que les ministres ne peuvent pas faire. Les chefs d'État ont de vastes responsabilités. C'est une des leçons du G-8. Quand on a un programme, on peut conclure des ententes simultanées sur tout un ensemble de domaines. Les ministres du Commerce ne peuvent pas le faire, pas plus que les ministres des Affaires étrangères ou les ministres des Finances. Seuls les premiers ministres peuvent le faire.

    En troisième lieu, il y a les relations que nouent entre eux les dirigeants des pays. Il se crée des réseaux, des voies de communication détournées. Les problèmes sont plus faciles à régler quand on comprend la situation politique de son interlocuteur. Le président de l'Afrique du Sud peut très bien dans l'abstrait réclamer plus de ceci ou de cela du président des États-Unis, mais c'est seulement quand il a l'occasion de le rencontrer régulièrement pendant un jour et demi ou deux jours qu'il commence à comprendre ce qui est possible et qu'il est raisonnable de demander par opposition à ce qui ne l'est pas, et comprendre aussi les concessions qu'il doit faire. On obtient donc un débat beaucoup mieux informé.

    Il y a une autre raison, c'est que personne ne se penche vraiment sur la question de la gouvernance au sens mondial. Il y a beaucoup de problèmes au FMI, et il y en a beaucoup à la Banque mondiale. Il y en a à l'ONU. Le PNUD fait certaines choses, la Banque mondiale en fait d'autres. Les banques régionales accomplissent certaines choses. Le FMI fait autre chose. Mais pour l'instant, il n'y a pas suffisamment de liens entre tout cela. On ne peut pas faire ce lien parce que dans certaines tribunes on rassemble des responsables des ministères des Finances, ailleurs ce sont les représentants des organismes de développement, et ailleurs encore ce sont les représentants des Affaires étrangères. Toutes ces activités sont donc cloisonnées. Il faut vraiment charger quelqu'un de chapeauter toutes ces institutions.

    Quatrièmement, il y a les problèmes inter-institutions. Actuellement, nous essayons par exemple de voir ce que pourrait faire le L-20 s'il se réunissait. Il pourrait par exemple examiner la question de la santé publique à l'échelle internationale. Dans un monde où les virus peuvent faire le tour de la planète en moins de temps que leur période d'incubation, il est clair que nous ne sommes pas très bien organisés pour faire face à la menace au plan local, au plan des villes, ni même aux niveaux provincial, national et international.

    Nous sommes aussi préoccupés par le bioterrorisme. La réaction au bioterrorisme est à peu près la même que la réaction aux virus. On peut donc regrouper tout cela. Mais il n'existe aucune institution parfaitement adaptée pour gérer ce genre de dossiers. Cela pourrait être dans une certaine mesure l'OMS, sur le plan opérationnel. Tous ces problèmes relèvent d'institutions distinctes, et il n'y a pour l'instant personne pour s'assurer de la liaison entre elles.

    Enfin, je dirais que ce groupe ne serait pas en concurrence avec le Conseil de sécurité de l'ONU. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'occupe de paix et de sécurité. Il se réunit au niveau des ambassadeurs. C'est un comité permanent qui se réunit pratiquement chaque jour.

À  +-(1015)  

    Les chefs d'État ne se réuniraient sans doute qu'une fois par an. Ils ne seraient donc pas en concurrence avec le Conseil de sécurité. En fait, l'avantage du L-20, s'il existait déjà, c'est qu'il encouragerait la réforme de l'ONU en essayant de réaliser un consensus parmi des pays profondément divisés sur ce qu'il faudrait faire par exemple en ce qui concerne la responsabilité de protéger, sur le dossier du terrorisme, etc. C'est quelque chose de très fort.

    Pour ce qui est du Corps canadien, je crois qu'il y a beaucoup de bonnes choses dans le document. La question de base, c'est que la politique étrangère va de plus en plus au-delà de ce que font les simples gouvernements. Il y a un rôle à l'étranger pour les Canadiens, pour beaucoup de Canadiens. En fait, il y a beaucoup de Canadiens à l'étranger. C'est une des choses qui sont frappantes quand on voyage.

    Je suis allé en Angola, et il y a là-bas quelqu'un qui dirige une toute petite ONG et qui a réussi à faire changer les choses. D'ailleurs, on lui a remis l'Ordre du Canada. Il a beaucoup changé la situation de la communauté locale. Alors que le gouvernement installait des dalles sur la corniche pour faire une jolie promenade, il a amené une conduite d'eau jusqu'à un quartier de 250 000 personnes qui n'en avaient pas.

    Les Canadiens réussissent, individuellement ou en groupe, à faire beaucoup de choses, et le Corps canadien est une bonne formule pour organiser et encourager ces actions.

    C'est sans doute une bonne idée d'élargir le Service extérieur à l'étranger. Nous avons fait beaucoup d'erreurs. Je pense que c'était une erreur de faire toutes ces coupures dans les années 90. Nous avons le plus souvent réduit le nombre de postes subalternes, et ensuite nous nous sommes trouvés avec beaucoup d'agents débutants que l'on ne savait où placer. Je crois qu'en fait, cela a beaucoup affecté le moral. Nous aurions dû réduire davantage le nombre de postes supérieurs, qui coûtent plus de toute façon, de façon à garder davantage de postes subalternes.

    Quoi qu'il en soit, ces agents sont vraiment les yeux et les oreilles du Canada. C'est très bien de lire le New York Times et le Globe and Mail mais on ne peut pas vraiment savoir ce qui est en jeu pour le Canada et les Canadiens à moins d'avoir des gens sur place qui peuvent raconter ce qui se passe.

    Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que ceci doit être le domaine exclusif des agents du Service extérieur. Nous pouvons faire bon usage… Voyez Marcus Pistor, qui est assis là et qui est à l'ambassade canadienne à Bonn en tant que spécialiste politique. C'est très logique d'avoir des gens comme ça—des gens qui comprennent la scène locale, qui ont une connaissance parfaite de la langue, qui peuvent vraiment comprendre des choses que l'on ne peut saisir, tout au moins pas immédiatement, si l'on est étranger.

    Néanmoins, il faut envoyer plus de gens à l'étranger. Je pense que c'est la bonne décision, même si elle coûte de l'argent.

À  +-(1020)  

[Français]

+-

    Le président: Merci. Nous allons maintenant passer à...

[Traduction]

+-

    M. Paul Heinbecker: L'union douanière…

+-

    Le président: Je suis désolé; allez-y.

+-

    M. Paul Heinbecker: Si les États rouges et les États bleus devenaient deux pays, je serais intéressé par une union douanière.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette, la parole est à vous, s'il vous plaît.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci pour votre présentation et vos propos.

    Vous avez signalé dans votre présentation que la politique étrangère devrait être reliée à la politique commerciale. D'après ce que j'ai compris, vous êtes d'accord sur le fait qu'un seul ministère chapeaute ce qu'on pourrait appeler les deux missions. Comme vous le savez, le gouvernement a essayé de diviser le ministère: Affaires étrangères, d'une part, et Commerce international, d'autre part. Or, le Parlement a refusé. Cependant, il ne semble pas que le gouvernement ait pris acte de ce fait. Dans le cadre de la présentation des crédits, nous n'avons pas noté de modifications dans la façon dont le gouvernement gérait le commerce et les affaires étrangères.

    J'aimerais que vous nous donniez des détails sur les liens qui existent entre ces deux secteurs et que vous nous disiez si, à votre avis, le comité devrait, dans le cadre de sa consultation et de son éventuel rapport sur l'Énoncé de politique internationale, recommander que le gouvernement revoie sa démarche concernant la scission du ministère.

[Traduction]

+-

    M. Paul Heinbecker: Ce n'est pas à moi de suggérer au comité ce qu'il devrait faire, mais s'il souhaitait faire cette recommandation, je ne pense pas que ce serait une mauvaise chose.

    J'étais là lorsque le ministère a été organisé en 1984. C'était très difficile—il a fallu des années pour y arriver. La leçon à tirer de toutes ces grandes réorganisations est que la réorganisation devrait être, d'après moi, quelque chose de permanent. Le monde change, la vie change, et il faut sans cesse s'adapter. Les grandes réorganisations sont peut-être parfois nécessaires, mais personne ne devrait croire que l'entreprise va être facile et être rapidement terminée. On a beaucoup travaillé là-dessus aux Affaires étrangères, et selon la rumeur, l'exercice a suscité beaucoup de dissensions, il y a beaucoup de discussions sur tel ou tel poste. Je ne vois pas très bien comment les gens peuvent vivre ce genre de situation et en même temps se concentrer comme ils devraient le faire sur les négociations internationales, qui ont tellement d'importance.

    Donc si le comité veut faire cette recommandation… Je ne suis pas parlementaire et je ne connais pas les droits, les obligations et les règles, etc., mais si vous avez le pouvoir de formuler une telle recommandation et si c'est ce que vous pensez, je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas.

À  +-(1025)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Un des arguments invoqués par l'opposition était que la décision administrative avait été prise justement avant qu'on ait eu connaissance de l'ensemble des consultations sur l'Énoncé de politique internationale du Canada. Au bout du compte, il me semble qu'il serait normal que le comité, sur la base des consultations qui seront faites, fasse une recommandation à cet égard. Il s'agit de savoir comment organiser le travail relatif aux deux missions fondamentales.

    Toujours en faisant le lien entre les affaires étrangères et le commerce international, vous savez que les sociétés de la Couronne, comme Exportation et développement Canada et Corporation Commerciale Canadienne, ne sont pas tenues de respecter les engagements internationaux que contracte le gouvernement canadien. Rien dans la loi ne les oblige à respecter les obligations que le Canada a contractées sur le plan international.

    Est-ce que vous pensez qu'on devrait, dans le cadre des lois qui créent ces organismes publics, y inscrire la mention que leur mandat doit être compatible avec les obligations prises par le Canada sur le plan international?

[Traduction]

+-

    M. Paul Heinbecker: En fait, je ne connais pas vraiment les cas précis dont vous parlez, et je ne suis pas certain de bien comprendre le mandat de ces organisations particulières. Si nous étions dans une situation où la politique du gouvernement canadien serait, conformément à un traité, de sauvegarder du matériel nucléaire, et qu'une société de la Couronne n'en tienne pas compte, ce serait manifestement un problème majeur. Je ne connais pas de cas de ce genre, mais si vous me donniez plus de détails, je pourrais peut-être vous répondre plus intelligemment que je ne le fais maintenant.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette: Le Canada a signé un certain nombre de traités.

    On a proposé un amendement lors de la création d'Exportation et développement Canada, qui s'appelait alors Société de développement des exportations. Le travail de la société est finalement d'aider à la réalisation de projets, d'aider des promoteurs à exporter ou à investir à l'étranger. Cet amendement avait pour but que sa mission soit conforme aux obligations qu'a contractées le Canada. L'amendement a été repoussé par les libéraux. Mon argument était qu'on pouvait l'inscrire dans la loi, si cela ne posait pas de problèmes. Apparemment, cela pose des problèmes.

    Imaginons que, dans le cadre d'une activité, Exportation et développement Canada finance le projet d'un promoteur dans un pays considéré comme une menace, en vertu d'un traité. Sur le plan légal, Exportation et développement Canada n'est pas tenu de renoncer à ce projet. Par contre, d'autres obligations sont prévues dans la loi. Je voulais avoir votre idée. Ce n'est peut-être pas votre domaine d'expertise.

    Dernière chose, j'aimerais avoir votre réaction, en quelques mots, à propos du projet de réforme de l'Organisation des Nations Unies proposé par le secrétaire général actuel, Kofi Annan. Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne voie pour l'ONU? Le Canada devrait-il appuyer ce rapport? J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

+-

    M. Paul Heinbecker: La réforme de l'ONU est certainement nécessaire. Son rapport arrive au bon moment. La réforme s'impose.

    On se pose des questions, parfois très importantes, sur ses chances de réussite. Je ne parle pas du Conseil de sécurité des Nations Unies ni du nombre de pays qui y auront un siège permanent. De toutes les questions à régler, c'est dans un sens la moins importante. C'est peut-être la plus importante pour ceux qui veulent les sièges, mais il est beaucoup plus important d'arriver à un certain consensus sur ce qui peut motiver l'intervention dans les affaires internes d'un autre pays.

    Quand la communauté internationale a-t-elle le droit d'intervenir dans un autre pays? Nous pourrions dire qu'en vertu de la responsabilité de protéger, lorsqu'un pays maltraite ses citoyens, lorsqu'il y a des atteintes systématiques aux droits de la personne avec des massacres et des destructions à grande échelle, la communauté internationale doit temporairement assumer la responsabilité souveraine de ce pays de protéger ses ressortissants. Mais cela ne fait pas l'unanimité à l'échelle internationale. La guerre en Iraq a suscité beaucoup de confusion et de méfiance à ce sujet. Au début, la guerre était justifiée dans la mesure où il y avait des armes de destruction massive, que l'on n'a pas trouvées, et où il y avait un lien avec le terrorisme, qui n'existait pas. C'est ensuite devenu une question de sécurité humaine—sauver les Iraquiens de Saddam Hussein.

    De nombreux pays sont devenus très méfiants en voyant avec quelle facilité les justifications changeaient. Cela les incite à être aussi méfiants à propos du Darfour, ce qui permet au gouvernement soudanais de prétendre que c'est encore une fois un cas d'ingérence des États-Unis, ou de l'Occident, ou de la chrétienté, ou des anciens colonisateurs. Chez les pays pauvres, qui se sentent eux-mêmes assez impuissants vis-à-vis des grandes puissances, l'un des remparts contre l'intervention et l'ingérence a été la notion de souveraineté et les principes de l'ONU selon lesquels nul ne doit s'ingérer dans les affaires internes des autres États. Durant leur vie, ces personnes ont été colonisées. Elles ont vécu la colonisation. D'autres peuples sont venus leur dire ce qu'elles devaient faire et dans de nombreux cas, ç'a été catastrophique. Ils ne vont donc pas renoncer facilement à cette notion de souveraineté.

    C'est là qu'il n'y a pas de consensus. C'est pour cette raison que nous n'arrivons pas à faire quoi que ce soit au Darfour. Il n'y a pas de consensus. Pour nous, c'est évident mais en Afrique et ailleurs, ça l'est beaucoup moins.

    De même, il n'y a pas de consensus sur les grandes questions du terrorisme, des armes de destruction massive, etc.

    Tant qu'on n'aura pas établi ce genre de consensus, l'ONU ne servira pas à grand-chose. Ce n'est pas une entité indépendante. Il y a des gens qui pensent qu'avec une vraie réforme, on pourrait transformer l'ONU en une entité vraiment indépendante, lui donner de l'argent, lui donner un pouvoir d'imposition, lui donner la capacité de mobiliser des forces pour intervenir de façon indépendante. Je doute que cela arrive un jour, en tout cas ce ne sera pas de sitôt, mais en l'absence d'un consensus sur ces grandes questions, l'ONU se retrouve paralysée.

    Cela ne sert à rien d'en accuser Kofi Annan, car il n'y est pour rien; c'est le Conseil de sécurité qui est responsable. Kofi Annan a proposé plusieurs choses très importantes. À propos du recours à la force, il a proposé une série de critères dérivés du rapport La responsabilité de protéger piloté par le Canada. Si ce principe était accepté par le Conseil de sécurité, on commencerait à avoir un comportement cohérent sur cette question, on pourrait décider quand les pays peuvent intervenir. C'est extrêmement important.

    Il a dit que la Commission des droits de l'homme était une honte et qu'il fallait s'en débarrasser. Je pense qu'on ne pourrait pas trouver une seule personne au Canada qui ne soit pas d'accord avec cette affirmation.

    Il a proposé une définition du terrorisme qui n'est pas parfaite, mais qui est excellente et qui permettrait de régler tous ces dossiers… Kenneth Roth vous a probablement dit la même chose quand il s'est adressé à vous. L'idée, c'est que la fin ne justifie pas les moyens. On ne peut pas tuer des innocents sous prétexte qu'on a une cause politique qui le justifie. On ne peut pas justifier un attentat dans une pizzeria.

    Cette définition ne porte pas sur le terrorisme d'État, et c'est une de ses faiblesses. Elle ne porte pas sur le terrorisme qui ne tue pas. Si quelqu'un sabotait complètement le réseau de communications du Canada, ce serait peut-être un acte de terrorisme, mais si cela se faisait sans aucune victime, cet acte ne serait pas couvert par cette définition du terrorisme. Elle comporte donc des faiblesses, mais fondamentalement elle couvre l'essentiel de la question et elle constituerait un énorme progrès.

À  +-(1030)  

    Si l'on pouvait réaliser tout cela, plus l'objectif de 0,7 p. 100 dont parle le Secrétaire général, ce qui permettrait aux pays de recevoir plus d'argent, je crois qu'on pourrait obtenir des résultats à grande échelle. Mais tout cela n'est pas si facile.

    Enfin, il y a l'évolution du Conseil de sécurité. Les Allemands et les Japonais en particulier disent qu'ils apportent une contribution financière énorme et qu'il ne devrait pas y avoir de contribution sans représentation. La plupart des autres membres disent que c'est excessif d'avoir un statut permanent. Il faudrait peut-être trouver un moyen de refléter l'apport de certains de ces pays, un moyen de mieux les représenter. L'ONU n'est pas une démocratie, c'est un organe représentatif, et il faudrait qu'elle soit plus représentative dans la prise de ses grandes décisions. Mais ce n'est pas facile, et il y a beaucoup de gens qui soutiennent que si l'on ajoute 10 membres au Conseil de sécurité de l'ONU, on ne va pas améliorer son efficacité, on va simplement renforcer son caractère de tribune de palabres.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Paul Heinbecker: Simplement, les membres permanents auront plus de difficulté à imposer leur véto, parce que la perspective d'un résultat de 23 contre 1 est encore pire que celle d'un résultat de 14 contre 1. Ce changement aurait donc probablement pour effet de faire diminuer le recours au véto.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant aux questions.

    Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Oui, une brève question à ce sujet pour une brève réponse.

    L'examen a porté sur quatre ministères. Certains ont dit qu'il aurait fallu y inclure aussi l'Immigration. Avez-vous un commentaire à ce propos?

+-

    M. Paul Heinbecker: Oui, le ministère de l'Immigration a des antennes à l'étranger. C'est un aspect très important de notre présence à l'étranger. La fonction immigration occupe une place très importante dans notre trame nationale.

    À propos, il y a eu une autre réorganisation, vers 1993, quand on a séparé l'Immigration des Affaires étrangères pour en faire une entité distincte. Je ne crois pas que c'était une bonne idée non plus de procéder à cette séparation, parce que l'immigration est une composante intégrante de nos missions à l'étranger. Elle est inhérente à nos intérêts à l'étranger.

    Le plus court de ces documents fait 20 pages, je crois, c'est celui qui concerne le commerce. Peut-être qu'on aurait pu difficilement justifier 20 pages pour l'immigration, et qu'il aurait fallu transiger à 10. Mais il est clair que l'immigration est une partie intégrante de nos relations à l'étranger.

+-

    Mme Beth Phinney: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Heinbecker.

    Vous avez des questions, madame McDonough? Allez-y.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

    Monsieur Heinbecker, j'aimerais revenir sur les objectifs du millénaire pour le développement. Je veux le faire en raison des témoignages extrêmement percutants que nous ont présentés Jeffrey Sachs, James Wolfensohn et Robert Greenhill. Tous ceux qui ont abordé cette question ont affirmé que si l'on voulait vraiment éliminer la pauvreté dans le monde et si l'on était vraiment convaincu de l'importance de la gouvernance pour permettre un véritable développement et faire progresser l'humanité, il était essentiel que les pays donateurs atteignent au minimum le seuil de 0,7 p. 100. Deuxièmement, la magie de ces objectifs du millénaire pour le développement—si je puis utiliser ce terme—la force de cet engagement de grande envergure, c'est qu'il s'appuie sur la gouvernance, c'est-à-dire que dans toute la mesure du possible, les gouvernements qui vont recevoir l'argent des bailleurs de fonds devront vraiment rendre des comptes, que ce sera l'une des conditions pour bénéficier des programmes qui leur permettront d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement.

    Dans cette perspective, je voudrais revenir sur les propos très francs que vous nous avez tenus au début en nous disant que le Canada essayait de remonter la pente après 10 ans de—vous n'avez pas utilisé tous ces termes, mais ce sont des termes que nous avons entendus mainte et mainte fois—d'« effritement », d'« érosion », de « désintégration » de notre réputation de pays donateur déterminé à reléguer la pauvreté à l'histoire, à éliminer la pauvreté, etc.

    Ce que je voudrais donc savoir, c'est comment nous pouvons encore nous considérer comme des multilatéralistes sérieux, et comment les autres intervenants sérieux dans le monde peuvent encore nous considérer comme des multilatéralistes sérieux quand nous disons que les objectifs du millénaire pour le développement sont vraiment quelque chose d'important mais que nous n'accomplissons pas le geste le plus important pour assurer le succès de ces objectifs, c'est-à-dire une contribution de 0,7 p. 100 pour les bailleurs de fonds?

    Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ce qu'affirmait Jeffrey Sachs, je crois bien que c'était lui. Il disait que si tous les pays donateurs tenaient parole sur cet objectif de 0,7 p. 100, on pourrait littéralement reléguer la pauvreté à l'histoire, peut-être pas de nos jours, mais dans le monde de demain.

+-

    Le président: Monsieur Heinbecker.

+-

    M. Paul Heinbecker: Quelque part au fond de ma tête, il y a une petite voix qui me dit qu'il ne s'agit pas simplement d'argent. Je pense qu'il y a des gens à travers le monde qui ne sont pas d'accord avec l'idée que c'est simplement une question d'argent, qu'il suffit de verser de l'argent et que tout le reste va fonctionner.

À  +-(1040)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Je voudrais respectueusement vous faire remarquer que ce n'est pas du tout ce que nous ont dit et répété ces gens qui ont insisté sur l'importance essentielle de l'argent. L'argent est une condition préalable, mais si les objectifs du millénaire pour le développement sont une cause qui mérite vraiment que nous nous engagions à fond, c'est justement parce qu'ils vont bien au-delà de la simple question de l'argent.

+-

    Le président: Madame McDonough, je voudrais entendre les réponses.

    Allez-y.

+-

    M. Paul Heinbecker: L'argumentation de Sachs, si je la comprends bien—et je crois que je la comprends bien car je viens d'organiser une conférence sur la réforme de l'ONU, y compris cet aspect de la question—c'est qu'il n'y a pas suffisamment d'argent en général, et qu'il y a des pays qui sont suffisamment bien gouvernés. Certains disent : « C'est beaucoup d'argent et on ne veut pas le gaspiller. Ces pays ne peuvent pas l'absorber, et nous risquons de le gaspiller. À ce moment-là, il y aura une réaction et cela va se retourner contre nous ».

    La réponse, c'est qu'il y a toute une série de pays qui sont bien gouvernés et qui pourraient parfaitement gérer cet argent, mais qu'on ne le leur donne pas actuellement. C'est un premier point.

    La deuxième chose, c'est qu'il soutient que les objectifs du millénaire pour le développement peuvent vraiment être un succès, qu'on n'en fait pas assez pour réduire de moitié la pauvreté, qu'il ne suffit pas de faire ce qui est énoncé dans les objectifs du millénaire pour le développement, mais qu'on peut atteindre ces objectifs si l'on investit l'argent maintenant. Si l'on attend ne serait-ce que jusqu'à la fin de l'année, d'après les gens qui travaillent avec Sachs, ce sera trop tard. Il faut prendre cet engagement tout de suite. Il faut lancer tout cela d'ici septembre, parce que cela fait déjà cinq ans que le processus est en marche et si nous ne le faisons pas tout de suite, mathématiquement cela va devenir impossible. Cela fera trop d'argent et on ne pourra plus absorber cela.

    Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris votre question précise, mais disons essentiellement qu'il semble que la plupart des pays développés, à l'exception des États-Unis, s'orientent vers l'acceptation de cet objectif de 0,7 p. 100 parce qu'ils estiment que c'est important sur le plan symbolique, que c'est possible sur le plan financier, que c'est possible au niveau du développement, et que si nous ne le faisons pas, il y aura des gens qui en tireront des conclusions négatives.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Heinbecker, j'ai une dernière question à laquelle vous venez de faire allusion. C'est à propos de la question de M. Paquette et de ce que vous venez de nous dire à propos de votre centre qui a récemment organisé une grande conférence sur la réforme des Nations Unies.

    Ma question est très simple : cette conférence a-t-elle tiré des conclusions qui pourraient être utiles à notre comité pour promouvoir les réformes les plus nécessaires? Qu'est-il ressorti de votre conférence?

+-

    M. Paul Heinbecker: C'était plus une retraite qu'une conférence.

    Nous avons assemblé le président de l'Assemblée générale et une vingtaine d'ambassadeurs, à peu près autant d'universitaires et encore à peu près autant de représentants d'ONG. En tout, cela faisait beaucoup plus de monde que ce que nous avions prévu, mais l'idée était de sortir tous ces gens-là de New York et de les réunir autour d'une table pour discuter de ce qu'il était possible d'accomplir et de ce qu'il fallait faire pour cela.

    Ce que nous avons constaté, d'une part, c'est que tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait réformer l'ONU. Par ailleurs, il y a encore beaucoup de divergences sur les principes fondamentaux de cette réforme, et même sur son bien-fondé. Disons que le résultat, c'est que nous avons aidé ces gens-là, qui vont être chargés concrètement de faire avancer tout ce processus, à mieux comprendre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, et avoir une petite idée de la façon de procéder.

    Je me ferai un plaisir de vous communiquer un exemplaire de notre rapport. Je ne suis pas sûr qu'il vous soit très utile, parce qu'il n'y a pas d'affirmations catégoriques dans le genre : il ne faut pas changer le Conseil de sécurité. C'est plutôt dans le genre : « d'un côté » et « mais de l'autre ».

+-

    Le président: Nous vous serions reconnaissants de le faire parvenir à notre greffier qui le distribuera à tous les membres.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Heinbecker. Votre sagesse concernant le domaine international fait que la réunion de ce matin a été pour nous très intéressante.

[Traduction]

    Encore une fois, merci beaucoup pour votre témoignage. Nous allons maintenant passer aux travaux du comité.

    Nous reprendrons dans une minute.

À  +-(1045)  


À  +-(1048)  

[Français]

+-

    Le président: Vous avez reçu une liste de témoins suggérés en priorité pour l'examen de l'Énoncé de politique internationale du Canada. En attendant Mme McDonough, je vous demanderais de bien vouloir faire part de vos préférences à notre greffier en ce qui a trait à ces témoins. De cette façon, nous pourrons passer à l'action au mois de mai.

    Mme McDonough s'en vient présenter sa motion.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Day a une motion concernant l'envoi d'un équipe de surveillance des élections en Éthiopie.

+-

    M. Stockwell Day: Les élections en Éthiopie vont être essentielles, et plusieurs groupes de droits de la personne et autres nous ont recommandé de veiller à ce que ces élections se déroulent de façon équitable avec une bonne surveillance. Le gouvernement a déclaré que nous aurions des observateurs par procuration, qui seront peut-être ceux que le Parlement européen a déjà désignés.

    Les divers groupes d'Éthiopiens expatriés au Canada s'inquiètent. Ils voudraient qu'il y ait des Canadiens sur place. Cela permettrait de renforcer la crédibilité du processus électoral et de réduire les risques d'irrégularités.

    Je demande donc dans ma motion que le gouvernement envoie des observateurs comme nous l'avons fait pour les élections en Ukraine.

À  +-(1050)  

+-

    L'hon. Dan McTeague: Je rappelle au parrain de cette motion que le Canada a toujours été favorable à une démarche harmonisée pour la surveillance des élections, ce qui permet d'obtenir un maximum d'efficacité et un minimum de risques de constats contradictoires de la part des observateurs.

    M. Day ne sait peut-être pas que l'Union européenne et le Centre Carter vont envoyer sur place plus de 200 observateurs à court et à long terme, sans parler des observateurs locaux. Compte tenu de ce confortable contingent d'observateurs internationaux, le Canada estime qu'il n'est pas nécessaire à ce stade d'en envoyer d'autres. En outre, pour pouvoir jouer un rôle efficace, ces observateurs devraient être sur place bien avant les élections qui doivent avoir lieu le 15 mai.

    Je comprends bien ce que souhaite faire M. Day. M. Axworthy, qui était ici il n'y a pas un mois, n'a pas suggéré ce genre de choses. Il est inutile d'avoir des interventions qui font double emploi, et nous estimons que ce que font les divers groupes d'observateurs est plus que suffisant, surtout compte tenu des contraintes de temps que nous avons. Nous recommandons donc que cette motion soit rejetée.

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'aimerais avoir une précision. Le secrétaire parlementaire peut-il nous dire, ou se renseigner pour nous dire s'il y a un contingent canadien dans la délégation chapeautée par le Centre Carter. Sinon, pour aller dans le sens de la motion qui nous est présentée, je me demande si nous ne pourrions pas nous organiser pour qu'un contingent canadien soit intégré à ces 200 représentants et puisse ensuite nous présenter directement un rapport qui serait très apprécié.

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: D'après ce que je crois savoir, nous n'avons pas pour l'instant de contingent canadien auprès du Centre Carter pour ces élections. Il y a peut-être des Canadiens là-bas, mais à ma connaissance, il n'y a pas de soutien technique canadien distinct. Ce dispositif est évidemment conforme aux principes d'harmonisation qui ont été énoncés par le PNUD.

    Pour autant que je sache, il avait été convenu au départ avec l'Union européenne que la façon la plus efficace de mener cette mission d'observation au nom de toute la communauté des pays donateurs, c'était de la présenter comme une mission européenne plutôt que de demander à des Canadiens de faire la même chose. Je crois qu'il faut respecter la demande qui avait été présentée par le Centre Carter…et les principes sur lesquels reposait la demande de mobilisation de ces observateurs.

    On n'a pas demandé au Canada de faire ce travail. Ce serait peut-être très gentil de le proposer, mais nous risquerions à la fois d'arriver un peu tard sur le terrain, et de faire double emploi. Nous risquons de semer sans le vouloir la confusion alors que ce que nous voulons, c'est nous assurer que les élections se déroulent dans des conditions équitables et transparentes.

[Français]

+-

    Le président: Madame Lalonde, vous avez la parole.

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, je voudrais profiter de l'occasion pour demander au secrétaire parlementaire, ou à nos adjoints, de nous fournir des renseignements sur la politique actuelle du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en ce qui a trait à la participation aux élections dans les pays où l'on pense que cela peut être utile. Le Canada a envoyé plus de 500 personnes en Ukraine. Par ailleurs, on ne sait pas si d'autres pays pourraient avoir besoin de moins de personnes que cela. Nous devrions débattre de cette question, de même que de la participation des parlementaires. J'avais manifesté mon intérêt à me rendre en Israël et en Palestine. On m'a alors dit d'appeler une ONG qui s'appelle Aga Khan Foundation Canada, mais je n'en ai jamais eu de nouvelles.

À  +-(1055)  

+-

    Le président: C'est très bien.

    Monsieur Paquette, c'est à vous.

+-

    M. Pierre Paquette: Je voudrais ajouter ceci aux propos de Mme Lalonde. Dans le cas du Bloc québécois, personne n'est disponible pour le 15 mai, compte tenu de la situation très particulière que nous vivons.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Pierre Paquette: Il est difficile d'appuyer une chose à laquelle nous ne participerons pas.

[Traduction]

+-

    Le président: Soyons brefs. Si nous voulons voter sur cette motion, n'oubliez pas qu'il ne nous reste que quatre minutes.

    Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Je comprends.

    Le Canada a versé 1 million de dollars pour manifester l'importance qu'il accorde à ces élections. C'est le quatrième pays donateur après la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. Évidemment, nous avons ajouté à cela dans une deuxième étape 900 000 $ qui ont récemment été versés dans le cadre du PNUD, le Programme des Nations Unies pour le développement, à une caisse commune gérée conjointement par tous les bailleurs de fonds.

    Je précise que le Canada se réserve le droit de formuler sa propre opinion sur ces élections même s'il n'a pas ses propres observateurs sur le terrain, et qu'il aura peut-être un petit contingent d'observateurs du service diplomatique le jour des élections. Mais pour son jugement d'ensemble, le Canada a l'intention de s'appuyer sur les observateurs de l'Union européenne et des États-Unis, ainsi que sur ses nombreuses sources au sein de la société civile.

    Je voudrais vous dire,

[Français]

madame Lalonde, qu'il y a des Canadiens au sein du Centre Carter. Cependant, ils ne sont pas déployés. En somme, nous avons fait beaucoup de démarches pour nous assurer que le Canada participe de façon légitime et contribue financièrement.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough, très vite.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'approuve la demande de ma collègue et je voudrais bien effectivement qu'on nous communique la politique du ministère, parce qu'il y a eu toutes sortes de questions très préoccupantes au sujet des 500 délégués qui ont été envoyés en Ukraine. On a entendu des histoires pas très reluisantes à propos de gens à qui on avait dit qu'ils auraient l'occasion de participer, qui avaient la formation voulue, qui suivaient la question depuis un certain temps, et qui se sont ensuite fait mettre sur la touche pour des raisons parfaitement inacceptables, des partis pris politiques mesquins. Je pense donc qu'il y a tout un problème d'ensemble avec cette politique.

    Deuxièmement, voici ma question. Si nous versons effectivement, comme je crois que le secrétaire parlementaire vient de le dire, près de 2 millions de dollars pour contribuer à cet effort de surveillance du Centre Carter, le secrétaire parlementaire peut-il nous confirmer que cela n'inclut pas l'envoi de Canadiens? Ou devons-nous comprendre qu'officiellement il n'y en aura pas et qu'après coup on va s'apercevoir, comme cela a été le cas avec la délégation en Ukraine, qu'il y a un autre dispositif dont on ne parle pas en public et qui n'est pas régi par un ensemble clair de lignes directrices transparentes?

+-

    Le président: Monsieur McTeague, allez-y.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Madame McDonough, objectivement, l'expérience ukrainienne s'est très bien passée. En fait, les seules plaintes qu'elle ait pu susciter concernent l'excès d'enthousiasme des Canadiens qui étaient si nombreux à vouloir participer. Dans ce cas précis, rien n'est caché, que je sache, nous sommes transparents et je vous ai donné pratiquement tout ce que je pouvais vous donner en ce qui concerne la contribution du Canada à ces élections.

    Les Canadiens peuvent se demander s'il existe réellement un statut d'observateur, mais je crois qu'il nous incombe de renforcer les principales organisations. Le Centre Carter a bien sûr une excellente réputation, et a pris des décisions. Si nous voulons envoyer des gens pour vérifier que l'argent est bien dépensé, et je ne crois pas que ce soit l'objectif de votre question, il faudrait le faire par l'intermédiaire de notre mission là-bas. Mais je pense, et c'est cela qui est important, que la contribution du Canada ne peut être mise en doute. C'est une contribution importante dont nous sommes très satisfaits de ce côté-ci.

+-

    Le président: Monsieur Day, êtes-vous prêt à passer au vote ou voulez-vous d'autres commentaires?

    Il nous reste une minute.

+-

    M. Stockwell Day: J'ai un commentaire et ensuite, nous pourrons passer au vote.

    Monsieur le président, tout ce que j'ai entendu dire par les membres du gouvernement soulève plus de questions qu'il n'en règle. Bien que nous ayons injecté plus de 1 million de dollars dans le processus électoral, les groupes que j'ai rencontrés, les expatriés éthiopiens et d'autres qui sont toujours là-bas, m'ont dit que l'on semble en grande partie ignorer l'existence de cet argent ou ne pas savoir où il est passé. Je ne parle pas de malversation mais l'impact de cet argent est minime, sinon inexistant. La situation en Ukraine a légitimement suscité une gigantesque réaction mondiale. Il y avait un très grand nombre d'observateurs, et à juste titre. On sait que ça a eu un effet dissuasif.

    Très franchement, monsieur le président, je ne vois pas pourquoi le Canada ne considérerait pas la situation éthiopienne comme étant tout aussi extrême. Franchement, les discussions que nous avons ici ne vont avoir aucun effet sur le terrain en Éthiopie. Ils ne demandent pas des parlementaires. Je reconnais, comme l'ont fait mes amis du Bloc, qu'il nous serait difficile de partir en ce moment, mais ils ont demandé à avoir jusqu'à 100 observateurs canadiens. Il est évident, à mes yeux, que si cet appel était lancé, nous aurions facilement 100 personnes, dont certaines qui ont déjà eu l'expérience des élections ukrainiennes. On pourrait facilement financer l'opération en se servant de l'argent qui a déjà été réservé pour l'Éthiopie.

    Voilà, monsieur le président, la grande question à laquelle j'aimerais que mes collègues réfléchissent. Dans le cas, par exemple, du Darfour, cette question se pose sans cesse à l'échelle internationale : si l'on se trouve dans un contexte européen ou nord-américain, notre contexte culturel, il semble y avoir une réaction, mais dans un contexte africain, où la situation peut être très douloureuse… C'est juste une question que l'on pose, et je ne veux pas dire qu'il y a quelque chose de louche. Il n'y a pas de préjugés culturels, mais je vous dis que c'est la question qui se pose, et pour y répondre, pour la régler, pour aider le peuple éthiopien, il serait vraiment essentiel d'avoir des Canadiens sur place.

    Je demande le vote sur ce point.

Á  -(1100)  

+-

    Le président: D'accord, vous vous êtes bien fait comprendre.

    Monsieur McTeague, 10 secondes seulement.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, je refuse complètement et absolument les insinuations de M. Day sur la façon dont l'argent est utilisé.

+-

    M. Stockwell Day: Elles ne viennent pas d'ici, elles viennent de là-bas.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Day, je vous ai écouté. Je vous demande de m'écouter, parce que c'est très important. Vous avez mis des paroles dangereuses au compte rendu, monsieur.

    Tout ce que nous cherchons à faire ici, c'est à aider les gens là-bas. Ce gouvernement a respecté ses engagements.

    Vous avez fait des allégations sans aucun fondement sur la façon dont l'argent pouvait être utilisé. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'en ce qui a trait aux élections et à nos engagements dans le cadre d'organisations internationales, engagements qui semblent vous poser problème, monsieur Day, nous sommes prêts à tenir nos promesses et à continuer d'aider le peuple éthiopien, et nous l'avons fait très largement.

    Quant à vos accusations, vos insinuations et toutes vos manigances, monsieur Day, je pense que ceci n'a rien à voir avec les efforts que nous essayons de faire collectivement dans ce Parlement. Bien que vous ayez essayé de vous distancer de tout cela, monsieur, je trouve que vos commentaires sont injustes et inacceptables.

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, j'ai été très clair dans mes remarques. Il n'y a eu aucune insinuation.

+-

    Le président: Non, je vous en prie. Je vais demander le vote ou mettre fin à la réunion. Voulez-vous voter ou terminer la réunion?

+-

    M. Stockwell Day: Oui, demandez le vote, s'il vous plaît.

-

    Le président: Nous allons voter sur la motion de M. Day. Vous avez tous la motion.

    (Motion adoptée [Voir le Procès-verbal])

    La séance est levée. Je vous remercie.