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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 14 avril 2005




¿ 0905
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Robert Greenhill (cadre supérieur invité, Centre de recherches pour le développement international)

¿ 0910

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)
V         M. Robert Greenhill

¿ 0930
V         M. Stockwell Day
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)

¿ 0935
V         M. Robert Greenhill
V         Le président

¿ 0940
V         L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)
V         M. Robert Greenhill

¿ 0945
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         M. Robert Greenhill
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Robert Greenhill

¿ 0950
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)
V         M. Robert Greenhill

¿ 0955
V         Le président
V         Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC)
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)

À 1000
V         M. Robert Greenhill
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague

À 1005
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Robert Greenhill

À 1010
V         Le président
V         M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ)
V         M. Robert Greenhill
V         M. Odina Desrochers
V         M. Robert Greenhill
V         M. Odina Desrochers
V         M. Robert Greenhill

À 1015
V         Le président
V         M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.)
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill

À 1020
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Robert Greenhill

À 1025
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Robert Greenhill

À 1030
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)

À 1035
V         M. Robert Greenhill

À 1040
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Robert Greenhill
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1045
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Dan McTeague
V         Mme Alexa McDonough
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Pierre Paquette

À 1050
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Mme Alexa McDonough

À 1055
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Nous allons débuter.

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude de la politique internationale.

[Français]

    Notre témoin, ce matin, provient du Centre de recherches pour le développement international.

[Traduction]

    Nous avons le plaisir de recevoir Robert Greenhill, cadre supérieur en visite à Ottawa; il vient de publier un livre intitulé Making a Difference? External Views on Canada's International Impact. L'ouvrage n'est pas très épais mais contient énormément de choses.

    D'autre part, je tiens à vous signaler que nous avons ce matin le plaisir de recevoir une quinzaine de députés et sénateurs d'Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovénie et de la République tchèque qui participent à une tournée d'étude parlementaire organisée par le service de l'ACDI chargé de l'aide publique au développement en Europe centrale. Bienvenue à tous nos collègues de ces autres pays. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous ce matin.

    Nous allons maintenant commencer. Nous entendrons M. Greenhill. Je crois que vous avec un exposé à nous faire avant que nous ne passions à la période de questions.

    Je vous en prie, monsieur.

+-

    M. Robert Greenhill (cadre supérieur invité, Centre de recherches pour le développement international): Merci, monsieur, et merci à vous tous. Je suis heureux d'être ici avec vous.

    Je crois savoir que pour la plupart, vous avez reçu mon document seulement hier, si bien que j'essaierai de vous donner en 10 ou 15 minutes un aperçu de mes conclusions avant que nous ne passions à la période de questions. J'espère d'autre part que vous aurez des commentaires et suggestions à me faire car ce que je vous présente aujourd'hui n'est en fait qu'un rapport provisoire et je serai donc très heureux d'avoir vos réactions et vos suggestions sur d'autres recherches que je pourrais faire avant de présenter mon rapport final.

    Permettez-moi d'abord de vous donner une idée de qui je suis. Je suis en fait originaire de l'Alberta, je vis au Québec après avoir passé les quelques années obligatoires à Toronto. Je connais donc un peu le Canada. J'ai également beaucoup parcouru le monde. Depuis 15 ans, je me spécialise dans la stratégie internationale, tout d'abord chez MacKenzie and Company, cabinet d'experts-conseils en stratégie internationale, puis chez Bombardier ces cinq dernières années en tant que président de Bombardier international.

    Il y a environ un an et demi ou deux, avant l'invasion de l'Irak, j'ai en fait décidé de tourner mon attention à plein temps vers les questions de politique internationale, dans l'espoir de le faire avec le même genre de rigueur stratégique que lorsque je traitais d'affaires internationales. Je me suis ainsi demandé comment le Canada pourrait avoir l'influence la plus positive et la plus grande possible dans le monde.

    Question certes assez élémentaire mais tout à fait critique. À mon avis, en effet, si l'on veut savoir comment s'améliorer, il faut savoir comment ça va. Et si on veut savoir comment ça va, il faut poser la question. Mais quand j'ai posé cette question à d'autres qui étaient dans le secteur de la politique internationale depuis plus longtemps que moi, j'ai constaté que c'était quelque chose que l'on avait jamais fait. On n'avait jamais examiné de façon systématique comment le Canada était perçu par les élites en politique internationale.

    C'est ainsi que j'ai décidé d'appliquer la méthode Delphi qui consiste, lorsque l'on examine une question très complexe, à demander a un groupe d'experts hétérogène le point de vue de chacun sur la même question. En comprenant en quoi les réponses se ressemblent et se distinguent, on comprend facilement la solution.

    Voici ce que donne cette méthode en matière de politique publique. J'ai en fait essayé de trouver 40 acteurs différents du monde entier, différents du point de vue géographique, c'est-à-dire Amérique latine, Afrique, Europe, États-Unis, Asie; et différents du point de vue idéologique, c'est-à-dire le socialiste Gareth Evans, qui était ministre des Affaires étrangères de l'Australie et maintenant président de International Crisis Group, d'une part, et Henry Kissinger d'autre part. J'ai également interrogé des gens spécialisés dans des secteurs différents comme Jeffrey Sachs, qui a une grande expérience du développement international, et Richard Haass, qui est très au fait de la politique internationale, ce qui m'a donné une perspective tout à fait hétérogène pour essayer de voir si certains points de vue se recoupaient quant à l'influence que peut avoir le Canada.

    Voilà donc la façon dont je m'y suis pris. J'ai interrogé également des gens comme Francisco Sagasti, ancien planificateur stratégique à la Banque mondiale, et Hage Geingob, ancien combattant de la liberté de SWAPO et premier premier ministre de Namibie.

¿  +-(0910)  

[Français]

et François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la Recherche Stratégique en France.

[Traduction]

    Bref, des gens très différents.

    J'ai essentiellement posé les mêmes questions à tout le monde : le Canada a-t-il eu une influence au cours des 15 dernières années, depuis 1989 et, dans l'affirmative, où et pourquoi? Si j'ai choisi 15 ans, c'est parce que cela marque la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Je demandais ainsi si nous avions eu une influence dans cette période post-guerre froide. Et quand on demande dans quelle mesure le Canada a permis de créer un monde meilleur, il ne s'agit pas simplement de savoir que nous étions présents et que les gens étaient contents de nous voir parce que nous sommes partout et que les gens sont toujours contents de nous voir, mais bien si le fait que nous ayons été là a réellement changé quelque chose. Les résultats ont-ils été différents parce que le Canada aurait joué un rôle important?

    La deuxième question était de savoir où le Canada devrait et pourrait avoir une influence.

    Une de nos grandes constatations est que les réponses reçues étaient très similaires. Vous savez, les anciens combattants de la liberté du SWAPO, Henry Kissinger et Gareth Evans ne sont peut-être pas d'accord sur grand-chose, ils ne sont certainement pas d'accord quant à la façon dont ils perçoivent le monde, mais ils sont en grande partie bien d'accord à propos du Canada : sur le genre de rôle que nous avons joué, sur nos succès et nos échecs, sur les domaines dans lesquels nous pourrions avoir une influence. Ils s'entendent en général assez bien sur tous ces points.

    Dans l'ensemble, les résultats de cette étude furent, pour moi, Canadien patriote, à la fois stimulants et décevants—ou portant à réfléchir.

[Français]

    Les résultats de notre étude nous incitent à la prudence tout en étant stimulants. Ils incitent à laprudence en ceci qu’ils décrivent le Canada comme un pays dont la performance en matière depolitique internationale et, jusqu’à un certain point, la réputation sur la scène internationale ontdécliné au cours des 15 dernières années. Plus précisément, on semble se demander ce qu’ilest advenu de notre influence sur la politique étrangère américaine, de notre contribution à lasécurité internationale et de notre rôle en matière de développement. On semble enclin à croireque nous entrons dans une période encore plus difficile; les institutions au sein desquelles leCanada a joué un rôle important, par exemple le G8 et l’OTAN, perdent une part de leurascendant. Les observateurs considèrent que les pays qui jouent un rôle de plus en plus actif, parexemple la Chine, le Brésil, l’Inde, le Mexique et d’autres pays axés sur des créneauxextrêmement ciblés, comme la Norvège et l'Australie, sont sur le point d’assumer la place traditionnellementdévolue au Canada. Comme l’affirme un observateur européen, la tendanceactuelle n’est pas favorable à l’influence du Canada.

[Traduction]

    Dans ce sens, beaucoup portait à réfléchir. Les résultats sont stimulants en ce sens qu'ils font ressortir les succès, là où le Canada a réellement changé la situation. On estime en effet que le Canada a joué un rôle courageux et important contre l'apartheid en appuyant le gouvernement par la majorité en Afrique du Sud au milieu des années 1990. Le rôle du Canada dans le programme de sécurité humaine, notamment à propos des mines terrestres et de la responsabilité de protéger, aurait été crucial.

    Le Canada montre par l'ALENA et l'accord de libre-échange qu'il est possible de mener de front une plus grande intégration économique et notre indépendance politique. Cela a été largement confirmé par notre position à propos de l'Irak qui est également considérée comme importante.

    Le journal The Observer dépeint un avenir où le Canada peut jouer un grand rôle s'il le veut. Les interviews décrivent un monde plein de grands défis pour lesquels nos grandes institutions internationales semblent de plus en plus inadéquates. Le Canada jouirait d'une situation géopolitique unique qui, combinée à une bonne stratégie, pourrait nous permettre d'avoir une forte influence à l'avenir.

    Ces experts internationaux ont cinq séries de recommandations spécifiques que j'aimerais vous communiquer.

    Tout d'abord, nous devons améliorer notre contribution à la sécurité internationale. Sous ce chapitre, il y a trois secteurs : créer une brigade aéromobile avec capacité d'autonomie que nous soyons prêts à déployer; aider à la formation policière et de sécurité; assumer un leadership dans la reconstruction nécessaire après un conflit. Ce sont des domaines dans lesquels les experts en matière de sécurité des États-Unis, de l'Europe ainsi que des dirigeants africains pensent que le Canada pourrait non seulement jouer un rôle important mais, dans bien des cas, un rôle absolument unique. Comme l'a dit un Américain : « Vos soldats avec leur feuille d'érable sont beaucoup mieux accueillis que nos GI dans nombre de ces régions du monde. »

    Le deuxième secteur dans lequel on recommande fortement et inlassablement que le Canada reprenne la barre, c'est en matière de développement international. Je cite : « Dans les années 1970 et 1980, le Canada était l'un des pays qui partageaient une vision commune et qui avaient un impact sur le développement. Le Canada était véritablement un chef de file. Le Canada a complètement perdu cette place au cours des quinze dernières années. »

    Les experts en développement invoquent deux problèmes : une crise de financement et l'absence de leadership soutenu. Cela ne veut pas dire que le Canada ne fait pas de bonnes choses. Le Canada continue à faire un excellent travail dans certains domaines. Pour ce qui est des technologies de l'information et des communications en Afrique et au Moyen-Orient, nous avons joué un rôle considérable. En Tanzanie, un projet du CRDI et de l'ACDI a réduit la mortalité dans des régions cibles de 46 p. 100. C'est probablement l'intervention en matière de santé la plus réussie des quinze dernières années en Afrique. Toutefois, ces initiatives semblent éparpillées et mal coordonnées dans un contexte de développement très peu reluisant.

    Que faut-il donc? Accroître et améliorer l'aide. Tout d'abord, donner au ministre suffisamment de temps pour faire quelque chose. Une des comparaisons que l'on a fait entre l'ACDI et d'autres organismes de développement portait le rôle incroyable qu'a joué le gouvernement Blair en transformant son ministère du Développement international qui était un organisme assez médiocre pour en faire celui qui est reconnu comme le meilleur au monde. Ce n'est pas une question de magie. Ce n'est pas parce qu'on l'a fait sauter. C'est une question de leadership et d'engagement réel. Ils ont nommé un ministre puissant, Claire Short. Ils lui ont donné un véritable mandat. Ils l'ont laissée là pendant six ans. Elle a créé une équipe qui a la vision et la détermination voulues pour avoir une grande influence.

    On a le sentiment que le Canada pourrait en faire autant sinon mieux. Tout d'abord, ne changeons pas de ministre continuellement. Ne les changeons pas tous les 18 mois. Que le ministre de l'ACDI, et non pas celui des Finances, représente le Canada à la Banque mondiale. Peu importe d'où vient l'argent et où va l'argent. C'est ce qu'ont fait le Royaume-Uni, la Norvège et d'autres pays modèles en matière de développement.

    Concentrons notre action par domaine de spécialisation et par région. Donnons-nous les meilleurs moyens du monde dans les domaines visés. Assurons-nous de ne pas gaspiller l'argent et offrons des services d'experts et pas seulement des fonds. Revoyons notre mode de fonctionnement interne afin d'accélérer les décisions et de limiter les formalités inutiles. Persistons et cessons de modifier nos priorités d'une année à l'autre ou d'un ministre à l'autre.

    On a l'impression qu'avec ces simples changements qui sont néanmoins fondamentaux, l'ACDI pourrait concurrencer le ministère britannique DFID et redevenir la meilleure agence de développement au monde. Ce serait important pour la qualité.

    L'amélioration de la qualité de l'aide est nécessaire mais n'est pas suffisante. Six pays ont maintenant atteint la cible de 0,7 p. 100 du PIB pour le développement international. Six autres, le dernier étant l'Allemagne, se sont engagés à l'atteindre avant 2015. Cela signifie que plus de la moitié des membres du comité de l'aide au développement de l'OCDE ont atteint ou se sont engagés à atteindre le chiffre de 0,7 p. 100.

    Un observateur international que j'ai interviewé a déclaré : « Le Canada doit s'engager concrètement à atteindre 0,7 p. 100 s'il ne veut pas perdre toute sa crédibilité en matière de développement. »

¿  +-(0915)  

    Le développement est le deuxième domaine réel dans lequel les gens de droite, de gauche et des différentes régions du monde pensaient que le Canada pourrait avoir de l'influence.

    Le troisième domaine serait de faire oeuvre de groupe de réflexion mondial sur les grands enjeux internationaux et les problèmes de gouvernance. On estime que le Canada pourrait jouer à cet égard un rôle privilégié et désintéressé. Nous pourrions réunir les meilleurs penseurs du monde pour réfléchir aux grandes questions internationales et trouver des solutions et user ensuite de notre place au sein du G-8, au sein du Commonwealth, de l'APEC, de la Francophonie pour traduire ces recommandations stratégiques en véritables actions, en ne nous contentons pas de discuter mais en nous engageant à donner suite.

    Le concept de la « responsabilité de protéger » qui est ressorti de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États que le Canada a convoquée est considéré comme un exemple parfait. C'est un nouveau concept important qui signifie essentiellement que les pays non seulement ont le droit de gouverner au sein de leurs frontières mais aussi ont la responsabilité de gouverner de façon responsable et, quand ils ne le font pas, que la communauté internationale a non seulement le droit mais la responsabilité d'intervenir. C'est un changement très important dans les normes internationales.

    C'est quelque chose qui a été proposé du temps de Lloyd Axworthy alors qu'il a constitué cette commission internationale. Ce qui est intéressant, c'est que la commission internationale a évidemment remis son rapport immédiatement après le 11 septembre, alors qu'il y avait un nouveau ministre des Affaires étrangères et que, dans une certaine mesure, ce rapport est mort-né. Toutefois, du fait de l'engagement d'un certain nombre de leaders canadiens de différents partis et grâce à l'engagement de Canadiens sur la scène internationale, comme David Malone, à l'Académie mondiale pour la paix, Bruce Jones aux Nations Unies, des fonctionnaires comme Peter Harder et Jonathan Fried, ce concept a repris une certaine vie.

    Ces derniers mois, le groupe élite qui examine la réforme de l'ONU a appuyé l'idée. Le secrétaire général, dans sa réponse aux recommandations de ce groupe, a lui-même appuyé ce concept. C'est un domaine dans lequel le Canada pourrait considérablement contribuer à un monde meilleur et, si nous le faisons, ce sera parce que non seulement nous avons eu une bonne idée et une bonne façon de la formuler mais également parce que nous avons aidé à la faire avancer. Le Canada pourrait jouer un rôle très important en facilitant ces réflexions internationales.

    La quatrième recommandation portait sur le prochain programme nord-américain. On a l'impression à la fois aux États-Unis et au Mexique que les enjeux nord-américains, qu'il s'agisse de sécurité, d'immigration ou d'énergie, vont devenir plus importants. Parmi les trois joueurs, le Canada est probablement considéré comme le plus objectif pour la poursuite de pourparlers futurs.

    Enfin, nous pourrions utiliser notre système d'études postsecondaires pour établir des relations avec une nouvelle génération de décideurs dans le monde entier.

    Les experts internationaux ont fait cinq recommandations spécifiques. La clé de notre influence est la différenciation et la concentration. On nous recommande de choisir certains secteurs, d'investir à fond et de devenir indispensables. Dans ces secteurs, le Canada devrait être considéré comme prééminent en matière d'expertise, de moyens et de ressources.

    Il est intéressant de noter que si la majorité des experts croient que nous pourrions faire tout cela, ils croient aussi que nous ne le ferons pas. La plupart ont l'impression que nous ne jouerons pas en fait le rôle que nous devrions jouer et ils jugent que c'est parce que trois éléments manquent actuellement au Canada : d'une part, la volonté de faire des choix clairs; deuxièmement, la persistance dans les choix et notre positionnement stratégique face à nos partenaires clés, dont les États-Unis et l'ONU; troisièmement, la volonté de nous donner des moyens mondialement reconnus dans les secteurs niches dans lesquels nous avons choisi de montrer la voie.

    On m'a demandé ce que je recommanderais dans le contexte de votre examen de l'énoncé de politique internationale qui devrait être bientôt annoncé. Je recommanderais trois choses. D'une part, nous n'avons pas besoin d'un énoncé de politique internationale, nous avons besoin d'actions concrètes à l'échelle internationale. Le monde en a assez d'entendre la rhétorique canadienne. Il attend des interventions pragmatiques et efficaces de la part du Canada. Si cet énoncé de politique internationale nous aide à canaliser et à préciser notre démarche afin de produire de meilleures actions, c'est alors une première étape très importante. Mais ce n'est rien de plus qu'une première étape.

    Quelle influence aurons-nous sur les résultats du fait de cet énoncé et de la stratégie qui le dicte? Allons-nous parler d'une nouvelle brigade qui pourrait empêcher un Rwanda ou un Darfour ou aurons-nous bientôt une nouvelle brigade déployée qui préviendrait effectivement un autre Rwanda? Allons-nous parler de l'importance de l'aide internationale ou allons-nous accroître réellement notre aide internationale et la rendre plus efficace pour atteindre 0,7 p. 100 avant 2015? C'est cela qui intéresse le monde.

¿  +-(0920)  

    Deuxièmement, cela ne peut pas être l'énoncé de politique internationale d'un parti ni même d'un gouvernement. Si nous voulons vraiment avoir de l'influence dans le monde et avoir une stratégie soutenue pour ce faire, il doit s'agir de l'énoncé de politique internationale de notre pays. Il est essentiel d'avoir une démarche multipartite en matière de politique internationale si nous voulons avoir la continuité qui donne la crédibilité et de l'influence.

    Une des choses qui m'a frappé au cours de cette étude, c'est la façon dont des pays tels que l'Australie, la France et le Royaume-Uni et traditionnellement les États-Unis, même si ce n'est plus tellement le cas ces dernières années, malgré des débats politiques assez animés concernant les affaires intérieures, ont chacun à leur façon trouvé le moyen d'avoir des visions bipartites ou multipartites de la politique étrangère. Cela ne les empêche évidemment pas de débattre de questions spécifiques. La France a une continuité dans sa démarche internationale, qu'il s'agisse d'un gouvernement gaulliste ou d'un gouvernement socialiste. Les Australiens conservent toujours la même attitude vis-à-vis des États-Unis, que la droite ou la gauche soit au pouvoir.

    Il est extrêmement important pour un pays comme le nôtre d'assurer cette continuité que donne une démarche véritablement nationale en matière de politique étrangère.

    Troisièmement, notre stratégie ne doit pas être de copier les autres mais de les compléter. Nous sommes un pays unique en son genre. Nous pouvons avoir une influence tout à fait différente de celle des autres pays du G-8. En fait, je vais vous citer quelqu'un : « Le Canada pourrait jouer un rôle de leadership, un rôle distinct, un rôle très différent de celui des États-Unis. » Il n'est pas surprenant d'entendre certains d'entre nous dire cela. Ce qui m'a surpris, c'est de l'entendre dire par un Américain qui serait considéré comme de droite, qui voit en fait dans le monde aujourd'hui les États-Unis totalement débordés, ayant des obligations militaires énormes, capables de remporter des guerres mais non pas de gagner la paix.

    Comme beaucoup d'autres observateurs, cette personne pense que le Canada pourrait jouer un rôle complémentaire incroyablement important, non pas en essayant d'être un modèle réduit des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni ou de l'Australie, mais en étant réellement distinct et en intervenant de façon à compléter les contributions qu'apportent déjà nos alliés internationaux.

    Aussi, quand on considère ce que nous faisons, nous ne devrions pas essayer d'être 3 p. 100 de tout . Nous devrions essayer d'être 10 p. 100 ou 30 p. 100 dans des domaines où nous pouvons réellement avoir une influence. C'est une démarche qui nous permettrait de rester fidèles à nos valeurs. Cela nous permettrait de défendre nos intérêts nationaux et nous rendrait fiers d'être des citoyens engagés du monde.

    Pour ces trois raisons—nécessité de passer de la rhétorique à l'action, nécessité d'avoir une politique étrangère multipartite marquée par la continuité et nécessité de nous concentrer sur des secteurs où nous pouvons compléter et apporter un complément essentiel aux actions d'autres pays—, je pense que le comité va avoir un rôle incroyablement important à jouer dans les prochains mois. Surtout si nous devons traverser une période d'instabilité politique sur le plan partisan, il sera essentiel que le comité présente une vision de notre politique étrangère qui dépasse les préoccupations partisanes. L'aide aux orphelins du Rwanda, aux gens qui essaient de rebâtir et de recommencer à vivre en Afghanistan et à Haïti et à ceux qui nous demandent de mettre sur pied de nouvelles institutions internationales pour établir des ponts entre le monde en développement et le monde développé ne devrait pas devoir attendre que nous réglions nos problèmes internes. Le Canada doit se doter d'une politique étrangère marquée par la continuité.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, monsieur.

    Nous allons maintenant passer aux questions et nous commencerons par M. Day, s'il vous plaît.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur Greenhill.

    Dans nos rapports avec l'étranger, il y a toujours une tension quand on se pose la question de savoir si les échanges commerciaux devraient primer sur la défense des droits de la personne. Quand devons-nous exprimer nos préoccupations, jusqu'à quel point et avec quelle fermeté? Je pense notamment à la Chine, où le respect des droits de la personne laisse beaucoup à désirer, mais où les occasions d'affaires nous font vraiment envie. J'aimerais avoir votre opinion sur la question, au vu, notamment, de votre expérience chez Bombardier.

    Je vais utiliser un exemple spécifique, même si vous n'y avez pas été directement impliqué. Le gouvernement actuel a accordé à Bombardier d'importantes garanties de prêts. Maintenant, il semblerait que Bombardier soit impliqué dans la planification d'une liaison ferroviaire entre la Chine et le Tibet. Or, les personnes qui suivent la question tibétaine y voient un effort d'assimilation culturelle par un influx de masse de Chinois dans la région, par dizaines de milliers, sans doute.

    À votre avis, quelle devrait être notre position quand il y a tension entre les échanges commerciaux et les droits de la personne, notamment en ce qui concerne l'implication de Bombardier dans la voie ferrée tibétaine?

+-

    M. Robert Greenhill: Je vais vous répondre en trois points, monsieur Day.

    En fait, je connais le Tibet, où je me suis rendu en 1999. J'avais quitté mon travail à Bombardier pour un congé sabbatique de deux mois, à une époque où il me semblait important, en tant que citoyen du monde, d'apprendre à connaître l'Asie. Dans cette optique, ma femme et moi avons parcouru la Chine; nous nous sommes aussi rendus au Tibet, via le Népal, en fait, pas par la Chine. Tout amoureux de la liberté devrait d'ailleurs visiter le Tibet, qui illustre les dangers de l'autoritarisme. En tant que citoyen canadien, j'estime donc qu'il est bon de déployer tous les efforts constructifs et positifs possibles pour améliorer la situation du Tibet.

    Laissez-moi à présent aborder la question sous l'angle d'un ancien dirigeant de Bombardier. À mon avis, Bombardier est une excellente société, une société d'envergure mondiale dont je suis fier d'avoir fait partie. N'ayant pas participé aux négociations ayant permis à une coentreprise de Qingdao de se porter récemment acquéreur de locomotives, je ne peux pas en parler.

    Mais je peux dire quelle était mon approche en tant que président de Bombardier International : essayer, partout et toujours, de constituer un exemple positif sous trois aspects. Tout d'abord, nous nous efforcions d'avoir d'excellentes normes de santé et de sécurité pour tous nos travailleurs; j'y veillais en inspectant personnellement toutes les installations dont j'avais la responsabilité. Deuxièmement, nous tentions d'être à la fine pointe de la protection de l'environnement. Troisièmement, enfin, nous tentions de fournir aux ressortissants des différents pays où nous nous trouvions l'occasion de parvenir aux plus hauts échelons de l'entreprise. Ainsi, à l'époque où je me suis joint à Bombardier International, les trois responsables des différents groupes s'occupant de la Chine étaient tous des expatriés; quand j'en suis parti, c'était des ressortissants chinois. C'est là un exemple spécifique de nos efforts pour faire changer les choses.

    J'avais aussi une approche plus systémique, vu ma participation active à Transparency International. Il existe dans cette association un groupe qui, pour résumer, s'efforce d'élaborer un ensemble de principes d'affaires qu'une société puisse adopter systématiquement dans ses pratiques internes et externes pour traiter de problèmes spécifiques de corruption. Je faisais partie du comité directeur du groupe. J'ai aussi examiné nos pratiques internes avec notre avocat, pour vérifier qu'elles satisfaisaient à ces nouveaux critères de qualité.

    En s'efforçant de traiter des problèmes de corruption et d'agir comme il fallait dans des domaines spécifiques, je pense que la société Bombardier constituait un modèle très positif dans les secteurs où elle était présente. C'est, à mon sens, en tant qu'ancien dirigeant de Bombardier, un rôle approprié à jouer pour une société.

    Pour revenir à la question du Tibet, je vous inviterais, si vous ne l'avez pas encore fait, à visiter le pays, car il me semble que l'on peut amener une évolution positive juste en faisant connaître les choses. Et l'une des meilleures façons de faire connaître les choses est d'en être soi-même le témoin.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Stockwell Day: Pour revenir à la première partie de ma question, jusqu'à quel point un pays comme le Canada s'efforce-t-il de faire connaître les choses quand parler de l'absence des droits de la personne en Chine risque d'avoir des répercussions économiques négatives?

+-

    M. Robert Greenhill: À mon avis, la seule approche valide est celle de la coopération avec d'autres pays. Le Canada par lui-même peut s'époumoner tant et plus; avec l'Europe, avec l'Australie, avec l'Inde et avec les États-Unis, le Canada peut par contre avoir un véritable impact.

    Or l'Inde suit la question de plus près que nous ne l'avons jamais fait. C'est pourquoi il me semblerait bon—mais je parle là de choses qui sont complètement hors de mon domaine de compétence—de savoir quelle est l'opinion de l'Inde sur la question et d'essayer de tisser entre l'Inde et le Canada, à l'avenir, le type de liens qui existaient à l'époque de Nehru et de Pearson, où le Canada et l'Inde s'efforçaient d'élaborer une approche morale à la politique internationale dans le monde en voie de développement. Commencer par le Tibet serait sans doute une bonne chose.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette, vous avez la parole.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je veux encore vous dire combien vos propos et le rapport sont stimulants pour le comité. Je pense que cela rejoint beaucoup d'intuitions que nous avions et sur lesquelles nous aurons à travailler au cours des prochains mois. Vous êtes la troisième personne en quelques semaines à nous parler de l'importance pour le Canada de prendre le ferme engagement de consacrer 0,7 p. 100 du PIB à l'aide publique internationale. Nous avons reçu M. Sachs le 6 avril, et nous avons aussi entendu le président sortant de la Banque mondiale. Vous nous avez tous trois expliqué, d'une façon ou d'une autre, que l'absence d'engagement ferme concernant ce 0,7 p. 100, particulièrement dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement, entachait beaucoup la crédibilité du Canada.

    J'aimerais que vous nous disiez en quoi ce 0,7 p. 100 devient important maintenant, par rapport à la situation d'il y a deux ou trois ans, pour le leadership que peut exercer le Canada dans le domaine de la coopération internationale.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Robert Greenhill: Merci beaucoup, monsieur Paquette.

    Effectivement, je pense que la cible de 0,7 p. 100 devient de plus en plus primordiale maintenant, surtout après la décision courageuse et difficile de l'Allemagne d'adopter la même cible il y a deux semaines. L'Allemagne a actuellement un déficit de presque 3 p. 100 de son PIB. Elle dépense déjà un plus grand pourcentage de son PIB que nous pour la défense. Elle dépense déjà un plus grand pourcentage de son PIB, et trois fois plus en dollars absolus, pour des questions de développement que nous. Dans ce contexte, il aurait été très facile pour l'Allemagne de dire que c'était trop. Mais elle a décidé d'aller de l'avant.

    Donc, la première chose qui a changé est que la cible de 0,7 p. 100, qui a été très théorique pendant presque 30 ans, dirais-je, n'est plus théorique maintenant: soit on va l'atteindre, soit on va la rater. À présent, la majorité des membres du CAD , à l'OCDE, ont déjà fixé cet objectif d'une façon concrète. Trois membres du G7 ont fixé cet objectif. Il y aura une rencontre du G7 cet été. L'Allemagne, la France et l'Angleterre, qui ont toutes des situations financières beaucoup plus difficiles que la nôtre, qui ont déjà toutes des engagements internationaux pour la défense et le développement plus élevés que les nôtres, disent toutes trois qu'elles vont aller de avant.

    On a l'Italie, le Japon et les États-Unis de l'autre côté.

[Traduction]

    Il existe une coalition de gens de bonne volonté et une coalition de gens qui se font tirer l'oreille. Cette fois-ci, efforçons-nous de nous joindre aux gens de bonne volonté.

    C'est d'autant plus important que le contexte international a évolué. Je crains qu'une bonne part des fonds alloués à l'aide internationale dans les années 1970 et 1980 ait été gaspillée, voire exploitée pour des comportements destructifs. Mais tous ceux d'entre nous qui se sont rendus sur le terrain, en Afrique ou ailleurs dans le monde en voie de développement, constatent un moment unique dans l'histoire : la présence, à la tête de ces pays, de leaders compétents, courageux, ayant reçu un mandat démocratique. Par contre, ils évoluent dans une conjoncture particulièrement difficile, vu les répercussions de guerres civiles, les lourdes dettes léguées par certains régimes despotiques et, bien sûr, les ravages du VIH/Sida.

    Pour la première fois, peut-être, nous sommes en mesure d'affirmer avec une certaine assurance que l'argent sera bien dépensé, ce qui serait sans doute l'argument de Jeff Sachs. Nous pouvons veiller à ce qu'il y ait un encadrement politique. Nous savons quelles interventions sont nécessaires. Nous savons qu'avec 1 milliard de dollars en plus, nous pouvons sauver un million de vies en Afrique. Nous savons, grâce au travail du CRDI et de l'ACDI, quelles sont les interventions nécessaires dans différents domaines : embaucher des personnes pour travailler en première ligne, rebâtir les cliniques, mettre en place des systèmes adéquats de diagnostic et de distribution.

    Nous pouvons surveiller précisément où l'argent va. Nous pouvons repérer l'argent, les interventions et l'impact. Pour la première fois, comme je l'ai dit, nous sommes en mesure de dire que l'argent ne sera pas gaspillé. Nous savons que si nous voulons sortir du cercle vicieux en Afrique, échapper à la dégradation de l'économie, aux attaques sur l'environnement, au désespoir social, à l'émigration...

    Certains pays ont perdu jusqu'à 80 % de leurs diplômés universitaires. C'est le problème au Ghana, où aucun diplômé universitaire ne reste. En Afrique du Sud, il n'y a pas d'infirmières; elles travaillent toutes dans le système de soins de santé du Royaume-Uni.

    Comment mettre fin à la dégringolade? En insufflant, au cours des cinq ou dix prochaines années, l'argent voulu pour créer un cercle vertueux et leur permettre de prendre leur propre destin en main.

    Selon moi, l'heure de s'engager a sonné, sur le plan politique, d'abord, vu les engagements de l'OCDE et du G-7, et sur le plan pratique et moral, vu l'usage qui peut être fait de l'argent.

    De plus, vu la courageuse décision de l'Allemagne, si le Canada décide lui aussi de passer à 0,7 p. 100—ce qui serait moins méritoire mais tout aussi important—, cela créerait un fabuleux effet d'entraînement à la veille de la prochaine réunion du G-7 ou du G-8. Si le Canada reculait à présent, il ferait retomber tout cet élan.

[Français]

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer à M. Boudria.

¿  +-(0940)  

+-

    L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    J'ai d'abord une ou deux réactions, avant de poser mes questions.

    Tout d'abord, monsieur, je suis pleinement d'accord avec vous sur un point : il faut commencer par maintenir en place plus longtemps les ministres du Développement international. J'ai passé moins d'un an à l'ACDI. J'appréciais tant mes fonctions que j'ai dit à ma sous-ministre, Mme Labelle, que c'était la première fois de ma vie qu'une promotion m'attristait. À ce qu'on me dit, mon prédécesseur, Pierre Pettigrew, a eu la même réaction. Il était à l'ACDI juste avant moi et y a passé à peu près le même temps que moi. Le phénomène s'est répété.

    Je pense que vous avez raison et qu'il faut trouver une façon de rehausser le prestige du poste. Vous avez parlé du rôle que joue la Banque mondiale. Je voudrais vous inviter à réfléchir au rôle que pourrait jouer une autre entité.

[Français]

    Il s'agit de notre rôle au sein de la Francophonie.

    Lorsque j'étais ministre de la Coopération internationale, j'étais en même temps ministre responsable de la Francophonie. Presque tous les pays membres de la Francophonie sauf nous, la France, la Belgique et un ou deux autres, sont des pays qui reçoivent de l'aide. Le fait que le ministre de la Coopération internationale soit en même temps ministre responsable de la Francophonie permet justement d'avoir une niche. Vous nous disiez que le Canada devait développer davantage de niches. Nous sommes dans une position extraordinaire. Nous ne sommes pas le pouvoir colonial qu'a représenté la France. Nous pouvons donc aider et avoir une influence sans être menaçants. Je pense que c'est une niche. Je vous invite à réagir à ce sujet.

[Traduction]

    La diplomatie parlementaire pourrait-elle jouer un rôle plus important? On n'en parle pas beaucoup, mais c'est une question qui me tient à coeur, sans doute parce que j'y suis jusqu'au cou. Je préside en effet un certain nombre de groupes d'amitié parlementaires, d'associations, etc. Je serais heureux d'avoir votre opinion sur la question.

    D'autre part, en parlant de l'importance de l'aide accordée par le Canada, vous n'avez pas établi de différence entre l'aide conditionnelle et l'aide inconditionnelle. En effet, il y a des pays qui consacrent une plus grande part de leurs revenus à l'aide internationale, mais qui accordent plutôt une aide conditionnelle contraignante, très contraignante, au point qu'on en arrive à se demander si c'est de l'aide ou l'exploitation d'occasions commerciales.

    J'ai beaucoup parlé, mais j'aimerais avoir votre opinion sur certains des points que j'ai soulevés.

+-

    M. Robert Greenhill: D'abord, vous avez fait trois remarques très importantes.

[Français]

    Pour ce qui est du rôle que le ministre de l'ACDI peut jouer dans la Francophonie, je pense que c'est une idée très intéressante que la même personne soit responsable des deux domaines. En effet, il est clair que les pays membres de la Francophonie reçoivent souvent de l'aide internationale, comme vous l'avez dit. De plus, le Canada peut jouer un rôle distinct de celui de la France en Afrique de l'Ouest, mais aussi dans des pays comme Haïti. Je trouve donc l'idée très bonne.

[Traduction]

    Pour commencer par la diplomatie parlementaire, l'une des constatations ayant émergé est la nécessité d'un engagement horizontal, à quel que niveau que ce soit : contacts entre parlementaires; contacts entre les gouvernements des provinces et celui d'autres États, au Mexique, par exemple, afin de mettre en commun des idées sur les soins de santé ou l'éducation; ou encore contacts de notre secteur privé avec des entreprises dans d'autres pays, par le biais de chambres de commerce, mais aussi de comités se penchant sur la gouvernance, afin de mettre en commun les pratiques exemplaires. À mon avis, un travail dans ces domaines pourrait s'avérer précieux.

    Dans le domaine parlementaire, c'est aussi une occasion d'informer les gens et de les faire participer avant qu'ils ne deviennent effectivement ministres ou leaders d'un pays. Comme le constate bien des gens, une fois que l'on est ministre, on a un emploi du temps si chargé qu'il est parfois difficile de trouver le temps d'apprendre encore, n'est-ce pas? Essentiellement, on apporte au travail le capital intellectuel que l'on s'est constitué auparavant. En amenant ces gens à participer avant de devenir ministres, on les aide à se constituer un capital intellectuel sur les questions de démocratie parlementaire, si bien que votre suggestion est excellente.

    En ce qui concerne l'aide conditionnelle par rapport à l'aide inconditionnelle, mon opinion est arrêtée : il ne devrait pas y avoir d'aide conditionnelle. À mon sens, elle est souvent destructrice; elle nuit aux efforts de développement plutôt que d'y contribuer. Elle amène les pays qui en bénéficient à acheter un produit inadéquat ou à l'utiliser de travers, simplement parce que c'est un cadeau, même si les coûts d'exploitation doivent par la suite constituer un fardeau.

    Qui plus est, il est dangereux de permettre à une entreprise de vendre un produit dans ces conditions. Si un produit est bon, l'idée de base est de pouvoir le fournir à un prix inférieur à sa valeur, afin qu'il trouve acquéreur. Un produit qui ne répond pas à ce critère ne devrait pas se vendre.

¿  +-(0945)  

[Français]

+-

    L'hon. Don Boudria: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    On passe maintenant à des tours de cinq minutes.

    Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie de votre exposé de ce matin. Je n'ai pu parcourir votre document que très brièvement.

    Je dois dire que si vos propos pouvaient s'intégrer parfaitement à ce que doit faire ce comité, qui se trouve gravement paralysé depuis près d'un an par l'attente du document d'étude de la politique étrangère, dont la publication est constamment retardée, je ne pourrais que m'en féliciter, car il faut véritablement faire sauter le verrou.

    On a mentionné le brio et les qualités de persuasion des témoignages de James Wolfensohn et de Jeffrey Sachs. Je suis arrivée au comité au début de 2003, et je me souviens de l'exposé de Stephen Lewis, qui n'était pas aussi général, on le comprendra—il mettait davantage l'accent sur l'Afrique—mais qui comportait des arguments très semblables, qui ont été, je dois le dire, fort bien accueillis par tous les partis politiques.

    Peut-être savez-vous—et si vous ne le saviez pas, je suis heureuse de vous l'apprendre—qu'une lettre signée par tous les partis a été présentée au premier ministre par les trois chefs de l'opposition à la veille du budget, pour demander de porter l'APD à 0,7 p. 100 et de mettre en place une structure législative qui guide l'action de l'ACDI afin de nous mettre sur la bonne voie. Vous avez parlé du cas particulier de l'Allemagne. D'autres ont mentionné la Suède et le Royaume-Uni, dont vous avez d'ailleurs parlé vous-même.

    Pourriez-vous préciser vos propos sur le fait que ce dont nous avons besoin, c'est non pas un énoncé de la politique internationale, mais bien de mesures concrètes, attendues depuis longtemps, parfaitement connues et qui ont souvent fait l'objet des recommandations de ce comité? Que pensez-vous que notre comité puisse faire actuellement, s'il peut collaborer pour sortir de la paralysie et de la constipation où l'a contraint l'inaction du gouvernement?

+-

    M. Robert Greenhill: L'important, c'est de trouver l'assise rocheuse sur laquelle on va construire la politique étrangère, indépendamment des obédiences partisanes, en fonction de nos valeurs et de notre intérêt national.

    L'un des éléments de cette assise rocheuse doit être la sécurité internationale. C'est un domaine où l'écart entre la rhétorique et la réalité semble le plus vaste et le plus exaspérant pour bien des observateurs.

    Quelle est donc la réalité? De l'avis du comité, quelle devrait être la capacité du Canada de se projeter véritablement à l'étranger? Est-ce que c'est une brigade internationale aéromobile? À quoi devrait-elle ressembler? Voilà un premier élément.

    Le deuxième élément, c'est notre engagement en matière de développement. Est-ce qu'il faut donner un mandat législatif à l'ACDI? Est-ce qu'il nous faut un ministre qui reste en place pendant un certain nombre d'années? Faut-il en faire la demande? Nous faut-il un programme pour passer à 0,7 p. 100? Est-ce qu'il nous faut des critères de résultat qui seront révisés chaque année?

    Je ne pense pas que cela relève de considérations partisanes. Mais ce n'est pas à moi d'en décider. Il serait utile que ces éléments forment l'assise rocheuse de l'action décisive du Canada, indépendamment du gouvernement au pouvoir, et ce serait extraordinaire de le voir figurer dans une recommandation provenant de tous les partis.

    Il serait également très utile d'avoir des critères de réussite que le comité pourraient appliquer afin de juger l'action du gouvernement au pouvoir, quel qu'il soit. Voilà donc quelques premiers éléments.

    Mais il y a bien d'autres choses qu'on devrait faire. Il y a quelques mesures très importantes que nous pouvons prendre et dont le monde a véritablement besoin. La sécurité et le développement sont les deux thèmes les plus importants.

+-

    Mme Alexa McDonough: Pouvez-vous nous parler du désarmement et du contrôle des armes légères?

+-

    M. Robert Greenhill: Le Canada a déjà obtenu des résultats sur les mines antipersonnel. En ce qui concerne les armes légères, Keith Krause, un Canadien installé en Suisse, a participé à une étude décisive sur les armes légères.

    On voit dans le rapport que j'ai mentionné aujourd'hui que l'action du Canada est décisive. Sa capacité d'action a diminué depuis 15 ans, mais elle pourrait se rétablir. Malgré l'affaiblissement du Canada, des Canadiens continuent à agir dans le monde entier de façon décisive. L'étude de Keith Krause sur les mines antipersonnel en est un bon exemple.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Greenhill.

    Nous passons maintenant à M. McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Je vous remercie, monsieur Greenhill, d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir présenté votre exposé très intéressant sur l'élaboration d'un énoncé de politique internationale. Je vois que vous souhaitez que l'action vienne corroborer la rhétorique. Vous parlez, bien sûr, de l'importance de l'énoncé au cours des prochaines années, puisqu'il va déterminer notre politique étrangère.

    Dans votre exposé, vous avez parlé de la vision nationale de la politique étrangère. Vous avez employé les mots « valeurs » et « intérêts » de façon presque interchangeable, et il y a pourtant entre les deux une différence très importante qu'il va bien falloir saisir. Évidemment, ces mots ont été prononcés par plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité, et d'autres s'en serviront encore. Il existe évidemment une différence mesurable du point de vue du sens et de la thématique entre l'imagination et les faits, entre la réalité et le romantisme en matière de politique étrangère. Je pense que les Canadiens le comprennent bien. Vous avez vous-même parlé de l'appui des Canadiens tant à la droite qu'à la gauche du spectre politique, mais de façon pratique et pragmatique, quel devrait être le rôle du Canada s'il veut faire un meilleur travail?

    Vous avez parlé de 3 p. 100 partout plutôt que 10 ou 15 p. 100 ici et là. Comment peut-on cibler les énergies limitées du Canada de façon à agir le plus efficacement possible dans les différentes régions du monde, compte tenu notamment de nos contraintes géographiques? Nous sommes nombreux à penser qu'il est peut-être temps de concentrer nos efforts sur l'Amérique du Nord. Il y a ici des problèmes de souveraineté du fait de ce qui se passe dans l'Arctique, par exemple, avec la fonte de la calotte glacière et l'ouverture du passage du Nord-Ouest. Il y a certainement des choses à faire ailleurs, mais comme vous l'avez dit, on ne peut pas tout faire. Quels sont les points chauds dont le Canada devrait s'occuper, et dans quelle mesure et sur quels terrains devrait-il le faire?

+-

    M. Robert Greenhill: Voilà une série de questions intéressantes.

    Je vais vous dire ce que j'en pense. J'ai beaucoup réfléchi aux intérêts et aux valeurs. Ce n'est évidemment pas la même chose, mais souvent, la distinction entre les deux n'est pas très grande. C'est comme le diagramme de Venn : on a les intérêts, on a les valeurs; ils ne se recoupent pas toujours, mais ils le font parfois, en particulier pour un pays internationaliste et ouvert comme le Canada. Conformément à nos valeurs, nous voulons vivre dans un monde stable et prospère soumis à la règle de droit. Et il est conforme à nos intérêts nationaux d'avoir un environnement international stable soumis lui aussi à la règle de droit.

    J'aimerais vous lire une citation d'un Européen appartenant à une grande puissance. Pour lui, la possibilité d'utiliser la force au sens traditionnel a des conséquences : « Quand on est modeste militairement et restreint économiquement, il est important d'être vertueux, d'avoir une politique très homogène, d'être cohérent dans l'action et d'être réputé pour n'avoir aucune arrière-pensée. » Eh bien, voilà qui est conforme à nos valeurs mais c'est également conforme à nos intérêts nationaux, car c'est ainsi qu'il faut agir pour se faire entendre. Une superpuissance peut parfois jouer double jeu et s'en sortir quand même, mais pas une moyenne puissance.

    Par conséquent, au plan tactique, les valeurs et les intérêts coïncident, mais au plan stratégique, ils doivent également coïncider, et pas uniquement au niveau mondial, comme je l'ai dit. Notre intérêt, par rapport à nos valeurs, c'est d'avoir une situation internationale stable. C'est comme pour les maladies infectieuses. Il est tout à fait conforme à nos valeurs d'empêcher que des millions de personnes meurent de maladies infectieuses dans d'autres parties du monde. Mais c'est aussi conforme à nos intérêts. Permettre à d'autres sociétés d'accéder à plus de prospérité, à des régimes démocratiques plus stables et à une règle de droit libéral est également conforme à nos intérêts ainsi qu'à nos valeurs, car c'est ainsi qu'on fera obstacle à l'avenir à des situations comme celle que crée al-Quaïda.

    Ma maîtrise portait sur les relations internationales entre 1919 et 1945. Je me suis souvent demandé quand la nécessité de contrer Hitler a cessé d'être une question de valeur pour devenir une question d'intérêt. Si nous nous étions conformés à nos valeurs avec un peu plus de conviction, nous n'aurions pas eu à recourir aussi désespérément à la force pour imposer notre intérêt national de 1939 à 1945.

    Il faut aussi prendre en compte le commerce international et ses règles. Nous veillons à uniformiser les règles du jeu de façon que les sociétés canadiennes aient les mêmes droits que les autres. Voilà un exemple. Vous voyez, c'est essentiellement une question d'intérêt national, mais sur presque tout ce dont j'ai parlé, en particulier sur les questions de sécurité internationale et de développement international, les deux coïncident.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Greenhill.

    Nous passons maintenant à Mme Stonach.

+-

    Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC) Merci.

    Je vous remercie, monsieur Greenhill. J'ai apprécié vos commentaires et la façon dont vous considérez la situation d'un point de vue global. Je suis d'accord avec vous, il est temps d'agir, et non pas d'entreprendre d'autres études. C'est un moment essentiel, particulièrement dans le contexte de la réunion des ministres des finances du G-8 cette fin de semaine.

    Je vous soumets deux questions : tout d'abord, est-ce que l'ébauche d'une révision intégrée de la politique internationale saurait être complète sans le ferme engagement, assorti d'un échéancier, de relever le défi des 0,7 p. 100? Deuxièmement, compte tenu des possibilités offertes par la réunion des ministres des finances, le Canada ne pourrait-il pas se faire l'élément charnière qui va faire basculer l'opinion? Et s'il ne le fait pas, ne va-t-il pas devoir par défaut céder son leadership mondial à d'autres?

+-

    M. Robert Greenhill: Voilà deux questions directes et fort intéressantes.

    Madame Stronach, je répondrai non à votre première question. L'énoncé stratégique de politique internationale ne sera pas complet sans un ferme engagement à atteindre 0,7 p. 100 avant 2015 et 0,5 p. 100 d'ici 2006, comme l'Allemagne.

    Quant à votre deuxième question, c'est effectivement une occasion intéressante, mais une occasion parmi d'autres. Si le Canada relevait le défi lancé par l'Allemagne pour accélérer le mouvement par une décision positive à la réunion des ministre des finances, ce serait fantastique. Mais si cela ne se produit pas, je pense qu'il y aura d'autres occasions. Il va y avoir la réunion des dirigeants du G-8, et en septembre, à Washington, une séance des Nations Unies va se consacrer à la réforme de l'ONU; on va alors étudier la façon dont les pays s'engagent en matière de développement international.

    Nous aurons donc au moins trois occasions d'agir. Le plus tôt sera le mieux, mais il vaut mieux agir tard que de ne pas agir du tout. Je pense que le Canada a plusieurs occasions d'intervenir de façon décisive.

+-

    Le président: M. Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Encore une fois, merci d'être parmi nous. Je dois prendre l'avion tout à l'heure pour rentrer chez moi et j'aurai donc l'occasion de lire votre rapport intitulé « Contribuer à un monde meilleur? L'opinion d'observateurs sur le poids international du Canada ».

    J'ai parcouru cette brochure et je vois que vous y abordé plusieurs points essentiels. Vous avez parlé des 0,7 p. 100. Mais plutôt que d'essayer d'atteindre tous ces objectifs à brève échéance, quelle formule systématique pourrait-on élaborer pour les atteindre tous? Quelles sont les priorités?

    Vous avez parlé du rétablissement des relations avec les États-Unis. Vous avez parlé des 0,7 p. 100. Les journaux ont fait plusieurs pages avec le rôle du Canada en matière de sécurité nationale. Pourriez-vous nous donner quelques détails à ce sujet?

    Vous dites que votre priorité absolue est la protection de la souveraineté canadienne et la défense continentale. Vous dites que pour cela, il faut renouveler la coopération avec les États-Unis, quitte à adhérer au système de défense antimissile.

    Vous parlez également de notre contribution spécifique à la sécurité internationale. Pourriez-vous élaborer sur notre sécurité nationale et sur notre image au plan international dans ce domaine?

À  +-(1000)  

+-

    M. Robert Greenhill: En ce qui concerne l'approche systématique, j'aimerais vous parler de défense, en commençant par la souveraineté nationale et le contrôle de nos frontières.

    On dit notamment que ce qui est absolument critique dans ce domaine, c'est d'assurer l'efficacité de la sécurité périmétrique. Nous avons besoin d'une garde côtière plus efficace. À mesure que le réchauffement climatique ouvre le passage du Nord-Ouest, nous devons renforcer la sécurité et affirmer notre souveraineté sur notre secteur polaire.

+-

    M. Kevin Sorenson: Lorsque vous parlez de sécurité périmétrique et du rôle du Canada dans la sécurité du continent, pensez-vous qu'il faille ouvrir davantage les frontières tout en renforçant notre périmètre, ou est-ce que vous parlez exclusivement de la sécurité du périmètre du Canada?

+-

    M. Robert Greenhill: Prenons les questions une par une dans l'ordre.

    Plusieurs experts américains ont dit que le Canada pouvait participer à la défense antimissile, mais personne n'a dit qu'il devait absolument y participer. Je considère qu'il y a eu un débat, qu'une décision a été prise et qu'il faut maintenant passer à la suite, d'autant plus que de toute façon, nous n'y pouvions rien changer.

    Quels sont les domaines dans lesquels nous pouvons faire changer les choses? Eh bien, une garde côtière efficace, capable de communiquer efficacement avec la garde côtière américaine, nous serait utile non seulement dans le dossier du terrorisme, mais également dans celui de la contrebande, du trafic de personnes, etc. Nous devrions centrer notre attention sur la possibilité de protéger avant tout nos propres frontières et accessoirement de renforcer la sécurité de nos voisins américains. Il faut également étudier la question de l'ouverture du passage du Nord et de la surveillance de ce secteur. Voilà pour l'Amérique du Nord.

    Au plan international, tout le monde a dit essentiellement qu'une brigade autonome aéroportée permettrait au Canada de contribuer considérablement à l'effort international. Pourquoi? Parce que les brigades aéroportées ne sont pas très nombreuses. Les seuls pays qui puissent y contribuer actuellement sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, et leurs forces armées sont déjà très étirées actuellement. Quant à l'Australie, elle peut utiliser des brigades navales dans son secteur.

    Deuxièmement, parallèlement à la question de notre capacité se pose celle de notre crédibilité et de l'image que projette le Canada. On peut penser qu'un contingent efficace, compétent, bilingue et désintéressé de maintien ou de rétablissement de la paix provenant d'un pays sans passé colonial, qui pourrait arriver par ses propres moyens aériens sous le contrôle logistique du Canada, pourrait avoir un effet déterminant, en particulier dans une région comme l'Afrique. Les militaires pourraient intervenir rapidement pour régler une situation conflictuelle avant qu'elle ne dégénère et pourraient ensuite participer à la stabilisation. C'est le rôle que les Américains, les Européens, les Africains et les Asiatiques ont confié au Canada en matière de contribution à la sécurité.

    Et si je considère également le budget de la défense, je devrai me demander comment faire pour que dans le cadre des fonds limités dont nous disposons, nous puissions envoyer 5 000 personnes là où on a besoin d'eux.

+-

    Le président: Merci.

    Nous revenons maintenant à M. McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Voilà un sujet intéressant sur lequel j'aimerais insister, car il me semble que le budget de la défense a augmenté. Il y a eu, effectivement, une augmentation des effectifs—ou du moins de la rémunération des militaires l'année dernière. La formule du déploiement rapide a gagné en crédibilité ces derniers temps quant à la possibilité, pour le Canada, d'intervenir dans certaines régions.

    Même si l'on ne connaît pas l'énoncé de politique internationale, pouvez-vous dire au comité si le Canada est actuellement en mesure de faire face à ses engagements en Haïti et en Afghanistan tout en menant les interventions dont vous avez parlé, même sans ressources supplémentaires?

    Est-ce qu'on s'attend, par exemple, à ce que le Canada intervienne dans d'autres régions du monde, et quelle place occupent respectivement nos engagements militaires tels que vous les évoquez et nos engagements en matière de développement dans les priorités? Certains craignent, il me semble, que les deux ne se mélangent.

À  +-(1005)  

+-

    M. Robert Greenhill: Voilà qui nous ramène à la question de l'intervenant précédent, à laquelle je n'ai pas pu répondre; il s'agissait d'indiquer les véritables domaines de préoccupation.

    Les régions les plus préoccupantes sont sans doute le Caucase, le Moyen-Orient, l'Afrique et Haïti. Le cas d'Haïti constitue une exception tout à fait regrettable dans une situation par ailleurs très positive des Amériques depuis les années 1970.

    Nous pouvons nous demander si le Canada peut agir de façon décisive dans ces régions. Si nous nous préoccupons de sécurité internationale, nous pouvons sans doute déployer 5 000 personnes tout en respectant les engagements pris récemment.

    Reste à savoir si nous avons véritablement la capacité de faire des choix dans le cadre du budget de la défense et si le gouvernement aura la volonté politique de déployer ces forces une fois qu'elles seront disponibles.

    Quant aux domaines sur lesquels doit porter notre effort, nous pouvons faire des interventions de sécurité dans une perspective de développement, ou bien des interventions de réduction de la pauvreté, et les deux se recoupent dans des pays comme Haïti ou l'Afghanistan, où il faut trouver une formule conjointe, même si c'est difficile.

    Cela étant dit, si je devais choisir un endroit du monde où le Canada puisse agir de façon décisive, à condition d'avoir le courage et la détermination de le faire, ce serait Haïti.

    Haïti est un pays dont nous parlons la langue, avec lequel nous avons des relations démographiques, qui est situé dans la même hémisphère que nous et sur lequel nous ne portons pas le même regard que les États-Unis ou la France. Et c'est un pays où nous avons échoué, malgré nos engagements antérieurs, et où nous n'avons plus le droit d'échouer.

    Par ailleurs, comme il s'agit d'une île qui compte six ou sept millions d'habitants, si nous faisons preuve de courage et de conviction dans notre approche, nous devrions pouvoir transformer cette société et la remettre sur la bonne voie, non pas d'ici deux ans, mais d'ici 10 ou 20 ans.

    S'il y a bien un endroit où le Canada peut intervenir de façon décisive à la fois en matière de sécurité et de développement, ce n'est pas en Irak, c'est à Haïti.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Le premier ministre est intervenu avec succès, en tant que ministre des Finances, auprès de 20 des principaux pays du monde. De vigoureuses propositions ont été formulées et les Nations Unies envisagent les différentes options, notamment celles qui découlent de leur responsabilité en matière de protection.

    J'aimerais avoir votre opinion sur l'action du Canada en faveur d'une plus grande participation des nations émergentes, qui ont non seulement un poids économique considérable, mais qui en outre, peuvent maintenant venir en aide à d'autres nations, alors que récemment encore, elles avaient besoin d'aide au développement. Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Robert Greenhill: Je pense que c'est là un excellent rôle pour le Canada. Il est bien conforme à la façon d'agir du premier ministre et du Canada, c'est-à-dire la formation de coalitions et la collaboration avec les autres pays.

    J'ai parlé du rôle que jouaient le Canada et l'Inde dans les années 1950. Je pense que c'est ce genre de rôle qu'on nous invite à jouer au sein du G-20. Lorsque je réponds à des entrevues, je dis que c'est le rôle que le Canada est en mesure de jouer, car il fait partie du G-8 et n'est pas perçu comme une menace.

    Mais si nous voulons jouer ce rôle, il va falloir en faire une priorité nationale, et non pas la priorité d'une seule personne. Il faut faire en sorte que cette priorité s'intègre dans notre stratégie.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Ce n'est donc plus de la rhétorique, c'est de l'action.

+-

    M. Robert Greenhill: Oui.

    À partir de là, la formule du L-20 nous lance un défi, puisqu'on a vingt dirigeants, qui ne se connaissent pas très bien, qui se réunissent pendant deux ou trois jours sous l'oeil des caméras du monde entier et qui doivent produire des résultats concrets. Mais c'est un beau défi, c'est un beau risque. Cela vaut la peine d'essayer, et il faut l'essayer, car de toute évidence, le G-8, l'OCDE et les autres rassemblements internationaux du monde occidental ou de l'hémisphère nord ne traduisent pas la réalité de la population mondiale et ne traduisent même plus la réalité économique et politique du monde actuel.

    Le Canada est en excellente position pour en faire un succès.

À  +-(1010)  

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Desrochers.

+-

    M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur Greenhill.

    Dans l'une de vos conclusions, vous mentionnez que la France et l'Australie maintiennent une forme de constance à l'égard de leur politique étrangère, peu importe que le pouvoir soit aux mains des gaullistes, des socialistes ou d'autres. Or, vous pourrez constater qu'au Canada, il y a toujours deux philosophies qui s'affrontent. Le cas de l'Irak et la question du bouclier antimissile en sont un exemple.

    Que conseilleriez-vous au gouvernement canadien pour qu'il consolide ses positions face à l'Europe et aux États-Unis et pour qu'il fasse davantage preuve de constance à l'égard de sa politique étrangère?

+-

    M. Robert Greenhill: Il s'agirait de toute évidence de donner plus de pouvoir à un comité comme le vôtre. Une des raisons pour lesquelles on a un approche plus bipartite aux États-Unis, c'est que le Sénat joue un rôle primordial à l'égard des traités. Il a déjà utilisé ce pouvoir pour rejeter la position des États-Unis à la Société des Nations. C'était en 1920, si mes souvenirs sont exacts. C'est une chose dont les présidents tiennent compte chaque fois qu'ils prennent une initiative à l'échelle internationale.

[Traduction]

    Il y a aussi la formule utilisée par les Britanniques dans le débat annuel sur la politique étrangère à la Chambre. Il y a donc plusieurs mécanismes. On ne peut pas se contenter d'une formule multipartite, même si on pense que c'est une bonne idée. Il faut mettre en place des structures et des mécanismes pour favoriser la formule multipartite en matière de politique internationale, si on veut qu'elle soit efficace.

    Il y a une question dont on n'a guère débattu au Canada, me semble-t-il, mais dont ce comité pourrait utilement discuter : y a-t-il des mécanismes qu'on pourrait mettre en place ou dont on pourrait s'inspirer pour favoriser une approche plus multipartite et donc plus uniforme et plus efficace dans les affaires internationales?

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Monsieur Greenhill, notre Parlement est à peu de choses près une réplique du Parlement britannique. Son fonctionnement est sensiblement le même.

    J'aimerais savoir si le modèle britannique ressemble à un modèle multipartite ou si la Grande-Bretagne est elle aussi confrontée au genre de situation qui prévaut au Canada.

+-

    M. Robert Greenhill: Honnêtement, je ne saurais absolument pas comparer les systèmes parlementaires aux systèmes présidentiels. Je ne pourrais même pas tenter d'émettre un commentaire à ce sujet.

    Néanmoins, je peux dire qu'en Angleterre, les conservateurs et le Parti travailliste ont toujours à peu près la même approche face aux États-Unis, par exemple. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de variations d'un premier ministre à l'autre. Il reste qu'après 1945, et particulièrement après Suez, en 1956, c'est devenu la façon par laquelle l'Angleterre allait exercer une influence sur le monde et sur Washington. Cette approche s'est maintenue avec beaucoup de constance. Cela fut possible dans le cadre de ce système parlementaire. On peut être d'accord ou non sur cette approche, mais au moins, la constance y est clairement présente.

+-

    M. Odina Desrochers: Monsieur Greenhill, est-ce à dire que le Canada est en quelque sorte déchiré entre le désir de soutenir l'approche européenne et celui d'appuyer l'approche américaine?

+-

    M. Robert Greenhill: Non, le déchirement implique différentes approches canadiennes. Si on prend comme exemple notre position à l'égard des États-Unis, on peut dire qu'au moins trois approches sont en jeu, et que les trois sont canadiennes. Une d'entre elles, un peu dans le style de Brian Mulroney, suppose que nous sommes des amis très proches, que nous le resterons toujours, et que nous finirons toujours par agir conjointement. Une autre de ces approches, qui est plutôt dans le style de Lloyd Axworthy, est davantage fondée sur les sentiments et les souvenirs reliés à la guerre du Vietnam. Elle incite à la prudence et tient pour acquis que la vision des États-Unis de même que la hiérarchie en place sont étatistes, et ne répondent pas vraiment aux besoins de la population. La réalité d'aujourd'hui, qui est davantage celle d'une société civile, fait que nous travaillons ensemble. D'une certaine façon, on pense pouvoir être les représentants étatistes d'une approche qui est plutôt supra étatiste. Cette approche est très différente.

    La troisième approche est d'un style plutôt transactionnel. On se dit qu'étant voisins, on travaillera ensemble lorsque ce sera possible, mais que ce ne sera pas toujours le cas. Au cours des dernières années, le ministère des Affaires étrangères a adopté cette approche, qui se situe un peu entre les deux autres.

    Il y a donc trois approches, et elles sont toutes canadiennes. Or, notre stratégie à l'égard des États-Unis ne peut pas contenir ces trois approches. L'approche change chaque fois qu'il y a un nouveau ministre des Affaires étrangères.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bevilacqua, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Merci beaucoup.

    J'ai parcouru votre déclaration, mais je vais la lire avec plus d'attention.

    Vous avez l'avantage de siéger avec une quarantaine de personnes venues de 19 pays différents, et elles vous donnent leur opinion. Je ne vous demande pas leurs noms, mais de qui s'agit-il?

+-

    M. Robert Greenhill: Leurs noms se trouvent tous à la fin du document.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: En ce qui concerne les citations...

+-

    M. Robert Greenhill: Elles sont en fait importantes. Il y a des représentants de l'Inde, l'ancien ministre des sciences de l'Inde; un professeur norvégien des études militaires; Nancy Birdsall du Center for Global Development; l'ancien ministre des finances du Portugal; Jermyn Brooks qui est directeur exécutif de Transparency International; Rick Burt, qui est le négociateur en chef des États-Unis pour les pourparlers de réduction des armes stratégiques; Patrick Cammaert qui est hollandais et conseiller militaire auprès des Nations Unies sur le maintien de la paix internationale, et ainsi de suite. La liste est là.

    Pour ce qui est de l'approche adoptée, je tiens simplement à préciser qu'il s'agissait de la règle de Chatham House, et par conséquent les noms des gens sont publics et j'ai des citations provenant d'entrevues, mais elles sont anonymes. C'était les règles de participation.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Quel genre de contact ces personnes ont-elles avec le Canada? S'agit-il d'observateurs; sont-elles...?

+-

    M. Robert Greenhill: L'idée en fait n'était pas d'avoir des experts canadiens mais des experts internationaux. Il y avait donc des experts en matière de défense, comme le numéro trois de la défense, Marc Perrin de Brichambaul, directeur des affaires stratégiques au ministère de la Défense en France; John Hamre, qui est le directeur du Center for Strategic and International Studies aux États-Unis, et Mike Peters, qui est le vice-président exécutif du Council on Foreign Relations mais qui est également un ancien adjoint exécutif auprès des chefs d'état-major combinés et qui a participé lui-même au combat en Irak et au Vietnam. Ce serait du côté de la défense.

    De même, en ce qui concerne le développement, il s'agissait de personnes comme Simon Maxwell, qui est chef du ODI, Overseas Development Institute, au Royaume Uni; Eveline Herfkens, ancienne ministre du Développement des Pays-Bas et aujourd'hui responsable de la campagne de l'objectif de développement pour le millénaire, et qui relève directement de Kofi Annan, et Nancy Birdsall qui, comme je l'ai déjà mentionné, fait partie du Center for Global Development.

    Ce que j'ai tâché de faire dans chaque cas, c'était de faire appel à des personnes qui comptent parmi les meilleurs experts au monde dans leur domaine particulier, qu'il s'agisse du développement, de la défense ou de la diplomatie, et de leur demander : « Compte tenu de votre vue globale du monde, avez-vous constaté, lorsque vous avez examiné les initiatives d'importance au cours des 15 dernières années, qu'il y a des domaines ou des secteurs où la contribution du Canada a eu de l'influence?

    C'est l'approche qui a été adoptée. Il ne s'agissait pas de demander à des experts canadiens quel était selon eux le rôle du Canada dans le monde. Je pouvais poser la question à deux ou trois d'entre eux, mais ce qui me préoccupait c'est que, comme moi, ils considéreraient que notre contribution à toute initiative aurait eu de l'influence.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Donc ces discussions ont eu lieu et ces personnes ont donné leur point de vue. Quelle est la tendance qui se dégage? S'il y avait un aspect sur lequel ils s'entendaient, quel serait-il?

+-

    M. Robert Greenhill: Je crois que l'aspect sur lequel tout le monde s'est entendu, c'est que le Canada peut contribuer à un monde meilleur en profitant du fait qu'il est considéré comme un pays désintéressé mais actif qui possède néanmoins une réelle autorité morale ainsi que de réels actifs physiques pour soutenir les initiatives qui nous tiennent à coeur. Sur ce plan, nous sommes considérés uniques.

    Cela a été pour moi une grande surprise. On peut toujours dire que nous sommes désintéressés, que nous jouons un rôle actif mais que nous ne sommes pas une grande puissance et ainsi de suite, mais ce qui est intéressant, c'est l'exemple que m'a donné quelqu'un à propos de la façon dont les pays du G-8 s'occuperaient d'une question internationale difficile, par exemple établir un nouveau régime pour le cycle du combustible nucléaire ou quelque chose de ce genre. On dit, les États-Unis sont le pays le plus puissant, mais dans bien des cas, chaque fois que ce pays offre sa participation, les gens pensent qu'il a des intentions cachées. Il existe donc certaines initiatives qu'il ne peut pas prendre sans que l'on mette en doute son objectivité. La Grande-Bretagne et la France ont les mêmes préoccupations pour des raisons similaires.

    L'Allemagne, l'Italie et le Japon ont tendance à ne pas participer aussi activement à de nombreux dossiers internationaux que nous le faisons et ont tendance à ne pas posséder deux des éléments que nous possédons et qui sont en fait très importants : tout d'abord, une véritable capacité à travailler efficacement en anglais et en français; et deuxièmement être perçus comme étant proches des États-Unis non seulement sur le plan géographique mais sur le plan historique, pour ce qui est de la façon dont nous pouvons travailler ensemble sur certains dossiers.

    C'est lorsque j'étais en Europe et que je leur ai parlé des domaines où la contribution du Canada peut avoir une influence que je suis devenu convaincu qu'il existe des domaines où nous pouvons jouer un rôle unique et désintéressé mais néanmoins actif. C'est la raison pour laquelle je considère qu'il est très important d'avoir un groupe de réflexion international et c'est la raison pour laquelle en ce qui concerne la responsabilité de protéger, nous étions probablement mieux en mesure que tout autre pays de concrétiser cette notion et de la rendre acceptable aux yeux des autres.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Lors de vos entretiens avec ces personnes, vous est-il arrivé d'avoir l'impression que leur évaluation du Canada n'était pas juste?

+-

    M. Robert Greenhill: Il ne fait aucun doute qu'il y a des gens avec qui j'ai eu d'importantes divergences d'opinions sur diverses questions, mais prenons une question en particulier, les mines terrestres par exemple : était-ce une bonne ou une mauvaise chose? La moitié des gens considéraient que c'était une bonne chose, un quart d'entre eux considéraient que c'était une mauvaise chose, et un quart d'entre eux n'y avaient pas d'objection mais considéraient en fait que c'était une initiative inutile. J'ai une opinion à propos des mines terrestres, à savoir que je considère que c'est une bonne chose. Donc je n'étais pas d'accord avec la moitié des gens sur cette question.

    Pour ce qui est de leur perception du Canada et de la façon dont ils nous décrivent, je dirais que l'opinion qu'ils ont de nous est assez cohérente. Nous avons un profil international très clair et cohérent, et je ne me suis pas trouvé en désaccord avec cette opinion.

    Même ceux qui récemment ont vivement critiqué nos politiques ont bon espoir que nous puissions faire de bonnes choses à l'avenir et s'y attendent. Je n'ai rencontré personne qui ait en fait rejeté la possibilité que notre contribution ait de l'influence. J'en ai rencontré quelques-uns qui étaient exaspérés par notre incapacité à réellement contribuer à changer les choses au cours des dernières années, mais je partageais cette exaspération, donc je ne suis pas en désaccord avec eux.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Vous avez dit qu'en matière de participation active, ils nous situent au milieu. Vous avez dit que l'Italie, l'Allemagne et la France ne jouaient pas un rôle aussi actif que le Canada.

+-

    M. Robert Greenhill: Non, j'ai dit l'Allemagne, le Japon et l'Italie.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Désolé, je retire le nom de la France.

    C'est intéressant, parce que vous parlez du G-8 et vous parlez de deux pays déjà qui ne jouent pas un rôle aussi actif que nous et pourtant on nous reproche l'insuffisance de notre participation.

    Je tiens à vous dire que je n'ai pas l'intention de considérer que tout ce que les gens disent à propos de notre pays représente la « vérité ». J'ai l'intention de contester ce qu'ils disent tout au long du processus parce que je ne suis pas convaincu que les gens comprennent clairement et précisément le type de contribution que nous avons apportée. L'une des faiblesses de notre pays, c'est peut-être que nous n'exprimons pas suffisamment haut et fort la contribution que nous avons apportée aux affaires mondiales.

+-

    M. Robert Greenhill: Je suppose que cela dépend du point de vue qu'on adopte. Avons-nous apporté certaines contributions? Oui. Avons-nous apporté une contribution suffisante? Non. Étions-nous le premier pays à envoyer des casques bleus? Oui. Est-ce que nous étions au 34e rang pour ce qui est des opérations de maintien de la paix de l'ONU? Oui. Avons-nous contribué uniquement 2 p. 100 de la contribution occidentale aux missions internationales de maintien de la paix au cours des dernières années? Oui. Notre proportion du PIB consacrée au développement est-il tombé de 0,5 p. 100 à 0,25 p. 100? Oui.

    Nous en faisons plus que certains pays, mais notre contribution n'est pas aussi importante qu'elle la été et je ne crois pas qu'elle soit aussi importante que ce que souhaitent les Canadiens. J'ignore si cela signifie que nous sommes d'accord, pas d'accord, ou extrêmement d'accord à cet égard.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Bevilacqua, en ce qui concerne l'Allemagne, sur le plan politique, on s'intéresse toujours à ce que l'Allemagne atteigne 0,7 p. 100, car ce pays veut obtenir un siège permanent aux Nations Unies. Cela présente beaucoup d'intérêt pour l'Allemagne même si, compte tenu de ce point de vue, cela ne signifie pas qu'elle ne fait pas du bon travail.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je vous remercie, Monsieur le président.

    Je vais essayer de poser trois brèves questions. J'ai très hâte d'entendre vos réponses.

    Tout d'abord vous avez dit que les Canadiens qui portent la feuille d'érable sont beaucoup mieux accueillis dans la plupart des régions du monde que les soldats américains. J'aimerais avoir vos commentaires à propos des pressions de plus en plus grandes et très évidentes qui s'exercent sur nous pour que nous nous rapprochions davantage des États-Unis et que nous nous intégrions de façon plus marquée avec ce pays—sur les plans économiques, militaires, culturels, énergétiques, etc.—et si cela risque de compromettre l'atout considérable que représente pour le Canada le fait d'être considéré comme un pays indépendant, et quelles en sont les incidences.

    Deuxièmement, j'aimerais que vous commentiez l'une des marottes annoncées par le premier ministre, à savoir le projet Corps canadiens. J'ai été frappé par le commentaire de Jeffrey Sachs ou c'est peut-être James Wolfensohn qui a dit que nous avons besoin de 0,7 p. 100, que nous avons besoin d'argent et que oui, le savoir-faire du Canada est important mais qu'il ne faut pas leur envoyer des gens à la place. On craint qu'en l'absence d'un grand nombre de mesures que nous devrions prendre, on y substitut les services du Corps canadien comme mesure symbolique. Je me demandais si vous pourriez commenter l'opportunité d'une telle initiative.

    Enfin, et à certains égards, c'est l'aspect qui contribue le plus à l'exaspération qu'éprouve le comité, car depuis sept mois le programme du comité ne cesse d'être altéré et déformé pendant que l'examen de la politique internationale se fait attendre interminablement. Je me demande si vous avez des suggestions à nous faire sur la façon dont nous devrions, à ce stade, donner suite à un éventuel examen de la politique internationale.

    Je constate que vous même ainsi que Jennifer Welsh avez exprimé une admiration mutuelle un pour l'autre. Je ne vous demande pas si vous avez des secrets à divulguer, mais avez-vous une idée de la situation et du genre de processus qui selon vous devrait être mis sur pied dans l'éventualité d'un examen de la politique internationale? Et enfin, avez-vous eu l'occasion vous-même de participer directement à cet examen de la politique internationale jusqu'à présent? Nous ignorons si ce document se trouve toujours sur le bureau du ministre ou non. Vous pourriez peut-être nous en dire plus.

+-

    M. Robert Greenhill: Très bien, vous avez donc posé quatre questions.

    En ce qui concerne l'intégration avec les États-Unis, je n'ai pas peur des États-Unis. Plus on voyage, plus on se rend compte que leur façon d'aborder certaines choses comporte des éléments qui coïncident avec les nôtres, ce qui n'est pas étonnant. Il y a aussi des domaines où nous adoptons une approche très distincte, ce qui à mon avis peut s'avérer une approche très complémentaire. Je crois en fait que l'un des aspects positifs des 15 dernières années, là où nous avons eu de l'influence, c'est que nous avons montré qu'il est possible effectivement d'assurer une intégration économique plus étroite, par le biais de l'ALE et de l'ALENA, tout en conservant ou, dans certains cas, en améliorant notre indépendance politique. Pour beaucoup, la décision concernant l'Irak en est un exemple clair. En fait, un petit pays en développement a considéré qu'il s'agissait d'un exemple dont pouvaient réellement s'inspirer d'autres pays, non pas parce qu'ils ont été d'accord ou en désaccord sur une question particulière, mais parce que nous pouvions le faire.

    C'est ainsi que j'envisage l'approche envers les États-Unis. Je dirais qu'il est assez clair que les questions qui nous intéressent en tant que pays voisin, entre autres comment assurer l'efficacité de la frontière, ne devraient pas influer sur les positions que nous adoptons sur des questions qui concernent d'autres pays que l'Amérique du Nord. Elles devraient faire l'objet d'un examen distinct. Nous devrions donc agir selon notre intérêt national conformément à nos valeurs dans les deux cas, de façon distincte.

    Deuxièmement, en ce qui concerne le Corps canadien, l'idée d'assurer la participation des Canadiens partout dans le monde est à mon avis une bonne chose pour le monde. Je crois également que c'est vraiment une bonne chose pour les Canadiens. Je n'en connais pas vraiment les détails, mais c'est ce que j'en pense, sur le plan conceptuel.

    Pour ce qui est de proposer une approche, je pense qu'il serait vraiment dommage que l'énoncé de la politique internationale, une fois qu'il sera rendu public, soit dénigré pour des motifs strictement partisans, et que notre politique étrangère devienne alors encore moins cohérente qu'elle ne l'était auparavant. Ce qui serait remarquable, à l'approche d'une période où l'esprit de parti sera clairement à son comble, ce serait que le comité parvienne à s'entendre sur les principes fondamentaux qui vont au-delà de l'esprit de parti et sur lesquels chacun peut s'entendre. Il peut y avoir des éléments sur lesquels on ne s'entendra pas et dont on voudra solidement débattre, mais il y aura des domaines sur lesquels nous nous entendrons tous, et il serait merveilleux si ce pourcentage de 0,7 p. 100 était l'un des aspects sur lequel tous les partis s'entendent. Les éléments relatifs à la sécurité pourraient être un autre aspect, mais vous auriez sans doute une meilleure idée que moi du processus que cela suppose.

    Pour ce qui est de notre contribution à l'examen, cela s'est fait au départ en décembre ou janvier. Mon apport à l'examen de la politique internationale a consisté à m'assurer que ceux qui s'occupaient de cet examen reçoivent une copie de ma contribution. Quand à savoir si le rapport en tiendra compte, cela reste à voir.

À  +-(1030)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Avez-vous une opinion à propos d'un processus, une fois que le rapport sera publié, qui à votre avis serait constructif et favoriserait le dialogue avec les Canadiens? Car les attentes sont grandes à propos d'une politique que les gens attendent depuis longtemps.

+-

    M. Robert Greenhill: À mon avis, il est clair qu'on ne peut pas avoir une stratégie en matière de politique internationale sans tenir de débat sur la politique internationale. Donc, dès que ce rapport sera rendu public, il serait très utile qu'on en débatte. Je suppose que certains éléments demeureront et certains autres seront modifiés et améliorés. Il serait également formidable si au bout du compte, quels que soient les éléments généraux, ils reçoivent un appui aussi peu partisan que possible. Je n'ai pas d'autre proposition plus détaillée à vous faire.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Greenhill.

    Nous allons maintenant passer à une question de la part de M. McTeague, puis se sera au tour de M. Menzies. Vous aurez cinq minutes, monsieur Menzies.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Greenhill, je voudrais revenir sur la démarche de bonnes intentions et de bonnes actions qu'envisagent certaines personnes pour l'avenir de notre politique étrangère. Comment pouvons-nous continuer à insister autant sur la sécurité du continent et le développement de l'hémisphère?

    Vous avez parlé tout à l'heure des problèmes d'Haïti. Vous avez d'ailleurs parlé d'un échec dans le contexte d'Haïti. À votre avis, comment peut-on éviter que cet engagement à long terme du Canada auprès d'un pays comme Haïti ou que notre engagement à assurer la sécurité de la frontière ne s'amplifient au point de rendre insignifiantes nos ressources pour intervenir ailleurs dans le monde? C'est une entreprise colossale d'aller se porter au secours d'une autre nation.

[Français]

    D'après moi, les problèmes qui existent là vont continuer. Tout à l'heure, dans l'échange que nous avons eu lors de la dernière question, vous avez indiqué qu'il y avait un sentiment d'échec dans nos politiques envers Haïti. Évidemment, le dénouement n'a pas été bien apprécié. J'aimerais savoir de votre part ce qui aurait pu être fait et ce que nous devrions faire à long terme sans nuire à nos autres obligations, par exemple la sécurité de nos frontières en Amérique du Nord.

[Traduction]

+-

    M. Robert Greenhill: Je pense qu'il y a deux façons de voir les choses. Nous pouvons consacrer environ 20 milliards de dollars par an à nos engagements internationaux en matière de développement, de défense et de diplomatie. Donc, si nous dépensions 200 millions de dollars par an à Haïti pendant les 10 ou 20 prochaines années—et c'est beaucoup—cela représenterait environ 1 p. 100. À nous de décider : est-ce que cette intervention vaut 1 p. 100?

    Je mentionne l'exemple d'Haïti, car c'est un pays lié à un continent où des choses extraordinaires se sont produites. Quand on songe à la situation dans les années 1970 dans des pays comme le Brésil ou d'autres pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale, on constate que des progrès incroyables ont été accomplis. Haïti et Cuba sont probablement les deux pays qui ont stagné.

    Mais, vous savez, les possibilités d'intervention du Canada à Cuba sont limitées. En revenge, nous pourrions probablement faire beaucoup de choses à Haïti. En fin de compte, c'est à la population d'Haïti, aux gens qui sont là-bas et aux centaines de milliers d'Haïtiens qualifiés qui ont quitté le pays parce qu'ils n'y voyaient pas d'avenir pour eux ou pour leurs familles de décider. C'est à eux de remettre le pays sur pied. Il nous appartient de faire tout ce que nous pouvons pour les aider, et je crois que c'est un pays dans lequel nous sommes aussi bien placés que n'importe quel autre pays pour faire vraiment une différence.

+-

    Le président: Monsieur Menzies, allez-y.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président et merci, monsieur Greenhill, pour vos remarques.

    J'aimerais revenir à la réponse que vous avez donnée à Mme McDonough quand vous avez parlé de chercher à atteindre ces objectifs sans parti pris politique. Vous avez d'ailleurs peut-être vu la lettre signée conjointement par les vieilles gens de l'opposition dans laquelle l'opposition de ce pays s'engage à parvenir un jour à ces objectifs. Espérons donc que les choses vont changer au cours de l'année qui vient, et qu'au lieu de tourner le dos à cet objectif de 0,7 p. 100, nous aurons au contraire la possibilité de nous orienter sur cette voie.

    J'ai plusieurs questions. Nous souhaitons tous évidemment que l'argent aille là où il est censé aller, et j'ai l'impression qu'il y a une assez forte réticence de la part du public parce que les gens se demandent si leur argent va vraiment là où il devrait aller. Comment peut-on surmonter cette résistance? Que ce soit une perception erronée ou que ce soit vrai, comment pouvons-nous surmonter ce problème et comment pouvons-nous nous assurer concrètement que l'argent n'est pas détourné vers de mauvaises personnes pour de mauvaises raisons? Comment pouvons-nous nous assurer de cela et donner la preuve aux contribuables que cet argent, qui est le leur, est utilisé à bon escient?

À  +-(1035)  

+-

    M. Robert Greenhill: C'est effectivement fondamental, d'autant plus qu'il y a manifestement eu dans le passé des cas de mauvaise utilisation des fonds. Pendant la guerre froide en particulier—il y avait ceux qui étaient de notre bord, et il y avait ceux qui étaient de leur bord—on a dépensé énormément d'argent sans la moindre supervision. D'énormes sommes destinées au développement ont probablement eu des conséquences destructrices plutôt que constructives.

    D'une certaine façon, les perceptions sont une mesure du rendement à retardement. Si vous avez fait les choses d'une certaine façon et que vous décidez de changer, savez-vous ce qui va arriver? La plupart des gens vont se souvenir de ce que vous faisiez auparavant. C'est un peu à ce genre de défi que nous sommes confrontés, mais en un sens c'est un bon défi parce que cela oblige les gens à se concentrer sur ce point.

    On peut le faire de trois façons à mon avis. Dans des régions comme l'Afrique, il y a des variations énormes dans la gouvernance : vous avez des pays comme le Ghana, qui est passé d'une dictature dans les années 70 avec Rawlings à une démocratie assez solide maintenant, et un pays comme le Zimbabwe à l'autre extrême. Le Nigeria se situe entre les deux.

    Alors, que faut-il faire? Il y a probablement trois façons d'agir. La première approche consiste à considérer la bonne gouvernance comme une condition essentielle de l'aide. La bonne gouvernance est un des critères essentiels du système de l'aide basée sur le mérite mis sur pied par le gouvernement américain. C'est une formule. On récompense les gens qui ont les bons comportements et on a un procédé plus ou moins objectif pour mesurer cet état de choses.

    La deuxième approche est pratiquée par la Hollande, qui consacre probablement deux fois plus d'argent à l'aide que nous, bien qu'il s'agisse d'un pays beaucoup plus petit. Ce pays consacre probablement 0,8 ou 0,9 p. 100 de son PIB à l'aide actuellement. Les Hollandais sont des gens qui n'aiment pas gaspiller leur argent. Ce sont des gens qui mènent leurs affaires de façon rigoureuse. Alors on peut se demander comment ils peuvent justifier un tel montant. Ils consacrent aussi plus d'argent à la défense que nous alors que leur situation financière est délicate. Il faut donc croire qu'ils se sont posé les mêmes questions.

    Voilà ce qu'ils ont fait. Ils ont travaillé en collaboration étroite avec leur vérificateur général qui a établi un dispositif de vérification des projets et des initiatives dans les pays récipiendaires. Ils ont installé des antennes du vérificateur général en Namibie, au Rwanda ou en Tanzanie afin qu'ils puissent faire ces vérifications eux-mêmes. Ils ont pris le contrôle de la situation. De cette façon, ils savent que pas un guilder n'était gaspillé. Nous pourrions suivre ce genre de démarche.

    La troisième formule est aussi axée sur les résultats. Je vous ai parlé du PIEST, le Projet d'interventions essentielles en santé en Tanzanie. C'était un projet d'environ 20 millions de dollars piloté par le CRDI et l'ACDI. Les personnes responsables du projet sont allées répertorier systématiquement dans certaines régions les taux de mortalité, les causes de cette mortalité et les bonnes façons d'intervenir pour former des travailleurs de la santé de première ligne à agir efficacement. Ils ont suivi tout cela. Dans une région, ils ont contribué à faire diminuer le taux de mortalité de 43 p. 100, et dans une autre, de 46 p. 100. Ils ont clairement établi le lien entre les montants investis et les interventions concrètes. Combien de personnes a-t-on engagées? Combien de dispensaires a-t-on créés? Combien de victimes de la malaria a-t-on traitées? Combien de moustiquaires a-t-on distribués? Combien d'enfants ont été sauvés?

    Nous pourrions faire ce genre de choses, parce qu'on l'a déjà fait dans deux ou trois régions de la Tanzanie avec ces 20 millions de dollars sur cinq ans. En gros, ce projet coûte 1 $ par habitant. Donc, pour environ 30 millions de dollars, on pourrait reprendre cette démarche avec autant de rigueur, et justifier l'utilisation de l'argent non seulement par les interventions effectuées, mais aussi par le nombre de vies d'enfants sauvées en Tanzanie. C'est le genre de choses qu'on pourrait faire aujourd'hui. C'est le genre de démarche rigoureuse que quelqu'un comme Jeffrey Sachs ou d'autres ont apportée dans le développement international.

    Je pense donc que si les Canadiens nous demandaient si avec un milliard de dollars supplémentaires nous allons vraiment pouvoir sauver ou éduquer les enfants et améliorer la situation des Africains, nous pourrions leur répondre catégoriquement que oui, chose que nous n'aurions pu faire il y a 10 ans.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Bon.

    La dernière intervention sera pour M. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: J'aimerais vous poser une question très rapide. J'ai été un peu surpris de voir que vous ne parliez pas du tout de la société civile dans votre document. J'ai travaillé pendant 15 ans à la Confédération des syndicats nationaux. J'ai constaté que, lorsqu'on va au Brésil, par exemple, on voit beaucoup d'investissements faits par les syndicats allemands, italiens et français. On tente de le faire avec l'ACDI, mais il semble que ce soit beaucoup plus difficile que pour les autres.

    Lorsqu'une entreprise allemande arrive au Brésil, elle n'est pas perçue comme étant un méchant impérialiste, mais tout simplement l'entreprise des syndicats qui nous aident à construire la centrale unique des travailleurs.

    J'aurais voulu savoir si, à votre sens, le Canada pourrait mieux utiliser la présence de la société civile canadienne et québécoise un peu partout dans le monde, qui est importante.

+-

    M. Robert Greenhill: Oui, bien sûr.

    Un des problèmes de cette approche est que les experts d'une question au niveau mondial ont tendance à considérer les interactions des gens dans une perspective étatiste. À mon avis, c'est nettement une lacune de cette approche. En Afrique et surtout en Amérique latine, il n'y a pas que la société civile et les organisations non gouvernementales, mais aussi les organisations coopératives comme Investissement Desjardins qui jouent déjà ou qui peuvent jouer un rôle important dans cette approche plus engagée et plus terre à terre. Il est évident que la société civile a un rôle important à jouer dans le développement.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Greenhill, merci beaucoup d'être venu nous rencontrer ce matin. C'était très intéressant.

    J'ai une dernière remarque. Nous allons avoir bientôt un énoncé de politique internationale qui devrait être publié mardi prochain d'après ce qu'on m'a dit. On ne m'a pas dit de quelle année il s'agissait, mais je crois vraiment que ce sera cette année. Au nom de mes collègues, je dois vous dire que notre comité serait très intéressé d'avoir vos commentaires écrits sur ce document.

    Encore une fois, merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Greenhill, d'être venu ce matin.

[Traduction]

    D'après notre règlement, nous avons 15 minutes pour les motions. La motion suivante est celle de Mme McDonough.

    Vous avez la parole au sujet de l'Érythrée et de l'Éthiopie.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Dans l'esprit de collaboration et de coopération de tous les partis pour faire aboutir la motion initiale que j'avais présentée, et à la suite de laquelle Lloyd Axworthy est venu nous présenter d'excellentes suggestions, j'ai essayé de voir comment nous pourrions discuter d'une motion plus complète qui tiendrait compte du témoignage de M. Axworthy.

    J'ai donc distribué à l'avance, je le rappelle simplement à mes collègues, le texte des paragraphes que nous proposions d'ajouter à la motion initiale. Du point de vue de la procédure, et je m'en remets à vous sur ce point—je souhaiterais demander le consentement unanime pour intégrer ces nouveaux paragraphes à la motion, car il n'y a pas de modification à la motion existante. Je voudrais donc savoir si nous pouvons avoir le consentement unanime pour y ajouter ces passages, qui ont été distribués à l'avance à mes collègues. Ensuite, nous pourrions discuter de cette nouvelle motion plus complète.

    J'ai procédé de cette façon afin de permettre à tous les membres du comité de réfléchir et de voir s'il s'agissait-là d'une réponse fidèle et constructive au témoignage de Lloyd Axworthy pour que nous puissions avancer à la réunion d'aujourd'hui. Je souhaiterais donc demander le consentement unanime pour ajouter ces passages à la motion. Cela ne veut pas dire qu'on les approuve ou qu'on les adopte pour l'instant. Il s'agit simplement d'ajouter ces paragraphes à la motion dont nous allons ensuite débattre.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Très bien, j'accepte la façon dont vous avez présenté cela. C'est présenté de façon correcte. Nous avons besoin du consentement unanime pour ajouter ces paragraphes à la motion. S'il n'y a pas consentement unanime, il faudra que quelqu'un les propose sous forme d'amendement à la motion principale.

    Je pose donc la question : Tout le monde est-il d'accord pour ajouter les passages proposés par Mme McDonough à la motion dont nous allons ensuite discuter?

+-

    M. Stockwell Day: Je comprends les problèmes de temps qu'a eus Mme McDonough. Nous avons examiné ces ajouts et nous n'avons aucune objection du côté des conservateurs à les adopter à l'unanimité.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, je retrouve ici cinq des six points qui correspondent à notre intervention au sous-comité. Ils sont là. C'est le premier qui me dérange : « Reconnaissant que le plan de paix en cinq points de l'Éthiopie est un pas dans la bonne direction ». En effet—et je voulais le signaler à Mme McDonough—ce plan risque d'être le seul moyen de retarder la poursuite du processus de démarcation de la frontière entre l'Éthiopie et l'Érythrée tout en donnant l'apparence d'un progrès...

+-

    Mme Alexa McDonough: Je crois que vous êtes en train de discuter du fonds.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Non, je n'en discute pas. Je veux simplement vous dire que cela nous gène de ce côté-ci si vous demandez le consentement unanime. C'est un point que je voudrais demander de retirer si nous voulons avoir le consentement unanime. Il faut bien que je vous explique ce point particulier, sachant bien qu'il y a par ailleurs des étapes très importantes que j'appuie pleinement.

+-

    Le président: Vous acceptez qu'on ajoute ces passages?

+-

    L'hon. Dan McTeague: Oui.

+-

    Le président: C'est ce que nous voulions.

    Et le Bloc? Ils sont d'accord.

    Vous avez donc la parole. Vous pouvez présenter votre motion au complet.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je propose la motion complète que nous avons maintenant sous les yeux.

    Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je pense que nous avons eu un processus constructif jusqu'ici. Le témoignage de M. Axworthy nous a certainement permis de mieux comprendre la situation, et c'est évidemment pour cela qu'il y a ces ajouts à la motion. Je voudrais donc simplement proposer cette motion complète pour que nous puissions en débattre.

    Je voudrais simplement réaffirmer encore une fois que nous n'avons pas le temps de tout passer au crible. Il est évident qu'il faut agir d'urgence. Nous avons entendu nombre de Canadiens, Éthiopiens et Érythréens, nous parler de la situation désespérée là-bas, une situation tragique notamment avec la menace des troupes qui s'amassent des deux côtés de la frontière. Nous devons intervenir d'urgence et remettre au gouvernement un rapport pour lui demander de se remonter les manches et de faire preuve de leadership en intervenant directement.

+-

    Le président: Y a-t-il des commentaires?

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Monsieur le président, tout d'abord, la formulation française est tellement boiteuse qu'elle nous rend mal à l'aise. Mme Lalonde m'a fait des remarques à partir de son lit. Si on continue à travailler sur cette motion, j'aimerais qu'on en récrive la version française. J'avais également compris que Mme McDonough nous avait dit, la dernière fois, que nous aurions la possibilité de contribuer à la formulation de cette motion.

    Deuxièmement, tout en comprenant l'urgence de la situation, nous aimerions bien, avant d'aller plus loin dans le débat, entendre Mme Carroll, qui est censée comparaître devant le comité mardi prochain. Selon nous, l'enjeu majeur réside dans les programmes de l'ACDI en Éthiopie. La seule arme que nous ayons pour faire bouger l'Éthiopie est le fait que l'ACDI ait des programmes et qu'elle ait identifié l'Éthiopie comme une priorité, alors que l'Érythrée ne bénéficie d'aucune aide du Canada. Ce sont vraiment deux poids, deux mesures. Nous aimerions bien que Mme Carroll nous explique pourquoi l'ACDI a cette approche. Nous pourrions amender l'un des paragraphes pour indiquer clairement que l'aide de l'ACDI est conditionnée par la réponse de l'Éthiopie aux démarches faites par les Nations Unies en particulier.

    Donc, la manière dont la motion est écrite me pose vraiment des difficultés.

    De plus, j'ai des réserves face au premier élément qui a été ajouté. Mais cela fait partie du débat. C'est parfait.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: La première réponse est que Mme Carroll viendra au comité le 10 mai.

+-

    M. Pierre Paquette: C'est le 10 mai?

+-

    Le président: Oui, j'ai demandé à notre greffier. Moi aussi, j'ai quelques réserves sur la façon dont certains sujets sont formulés. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas d'accord sur le fond. Je suis d'accord sur le fond.

    Madame McDonough, vous faites parvenir la motion comme telle aux membres du comité. Cependant, j'aurais préféré que vous rencontriez les députés de chaque parti politique pour que nous puissions, lors de notre séance, en arriver à une formulation finale qui fasse l'unanimité de tous les partis politiques.

[Traduction]

    Je dois dire aussi que la traduction est épouvantable. Parfois, je ne comprends vraiment pas le texte. C'est le contraire de ce que dit la version anglaise et cela peut induire nos collègues francophones en erreur.

+-

    Mme Alexa McDonough: C'est effectivement un problème. C'est à ceux qui maîtrisent mieux le français que moi d'en juger. Dans ces conditions—car je veux tenir compte de ces objections—il me semble que nous ne pouvons pas nous prononcer aujourd'hui et qu'il faut attendre que la version française soit rectifiée.

    Par ailleurs, si nous attendons d'entendre la ministre de l'ACDI pour poursuivre cette discussion, nous allons faire preuve d'une grave négligence face à cette situation urgente. Ce que je propose, pour essayer d'avancer, c'est de prévoir un peu de temps après notre prochaine réunion pour poursuivre cette discussion, une fois que nous aurons une version française rectifiée.

    D'ici là, je me ferai un plaisir de poursuivre la discussion et la collaboration avec mes collègues. Si nous souhaitons poursuivre la discussion en comité, ou avoir simplement des discussions entre représentants de chacun des partis avant la prochaine réunion, je serai tout à fait d'accord. Nous sommes tout de même capables de trouver une solution.

+-

    Le président: Voici ce que je vais vous répondre. Je pense que du côté du gouvernement, on pourrait vous envoyer par écrit non pas le texte qui vous pose des problèmes, à cause du libellé... Je pense qu'il faudrait nous réunir pendant un certain temps. Vous pourriez avoir une heure de discussion avec un représentant de chaque parti pour essayer de trouver un consensus sur une motion. C'est ce que je préférerais. Je crois que vous êtes tous d'accord pour procéder de cette façon.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Je me hérisse toujours quand j'entends brandir l'argument tyrannique de l'urgence, mais ce sont vraiment des questions urgentes et je suis d'accord pour tout faire pour collaborer avec Mme McDonough comme vous le suggérez.

    À ce propos, et sans vouloir bouleverser notre ordre du jour, j'ai une motion pour laquelle j'aimerais demander le consentement unanime, si possible avant 11 heures. Si ce n'est pas possible, je le comprendrais. J'ai aussi le texte en français.

    C'est à propos de la question éthiopienne. Il va y avoir des élections le 15 mai. Il y a de graves problèmes de droits de la personne en Éthiopie et on se pose de sérieuses questions sur ces élections. Je vais demander au gouvernement d'envoyer une équipe d'observateurs pour superviser les élections en Éthiopie.

    Je vous en donne simplement préavis. Nous pourrions peut-être examiner cela aujourd'hui si nous avons le temps. Si non, je ferai distribuer ce texte pour que nous puissions l'examiner à notre prochaine réunion.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'essaie juste de voir ce texte. Donc cette motion est au Feuilleton déjà.

    Si nous pouvons conclure, si nous nous entendons... Je voudrais simplement qu'on me fasse signe pour me dire si tout le monde est d'accord pour une réunion avec un représentant de chacun des quatre partis avant notre réunion de mardi—je vais essayer de me charger de la coordination en espérant que j'y parviendrai. Je suis tout à fait d'accord pour passer à l'examen de la proposition de M. Day, si tout le monde pense qu'il n'y a pas d'objection.

    Est-ce que tout le monde est d'accord?

À  -(1055)  

+-

    Le président: Nous allons en terminer avec votre proposition d'abord.

+-

    Mme Alexa McDonough: Bon. Y a-t-il un représentant de chacun des quatre partis qui soit prêt...

+-

    Le président: Vous n'avez qu'à les contacter et je pense qu'ils seront d'accord.

    D'accord? Parfait.

    Y a-t-il autre chose? Il nous reste deux minutes.

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, il s'agit d'une motion claire et sans parti pris politique qui invite simplement le gouvernement à envisager d'envoyer une équipe de surveillance pour suivre le déroulement des élections en Éthiopie. J'ai le texte en anglais et en français.

[Français]

    Ce n'est pas parfait, j'en suis certain.

[Traduction]

    Enfin, c'est ce que je demande.

+-

    Le président: Tout d'abord, monsieur Day, je vais lire le texte de votre motion :

Que, de l'avis du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, le gouvernement devrait envoyer une équipe de surveillance en Éthiopie pour observer les élections générales du 15 mai 2005, et que le président en fasse rapport à la Chambre.

    Je dois dire que nous ne pouvons pas demander sur le plan international à intervenir comme cela dans un autre pays. Les observateurs internationaux ou les associations internationales qui vont observer les élections dans un pays, n'importe où dans le monde, doivent être invités à le faire par ce pays. Si l'Éthiopie ne nous l'a pas demandé, le Canada ne peut pas y envoyer une équipe.

    Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas sonder le gouvernement éthiopien pour voir s'il serait d'accord pour que nous envoyions des observateurs. Dans ce cas, ce serait parfait et je serais d'accord. Mais comme c'est pour le 15 mai et que nous avons une réunion la semaine prochaine, je voudrais m'assurer que la motion est formulée de manière à pouvoir être acceptée par le parti ministériel.

    Nous pourrions donc reporter cela à la semaine prochaine si vous êtes d'accord pour reformuler cette motion.

+-

    M. Stockwell Day: Oui. J'ai simplement signalé cela pour l'instant. Nous allons voir avec le cabinet du ministre comment nous pouvons reformuler ce texte.

-

    Le président: Merci.

    La séance est levée.