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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 3 mai 2005




Á 1100
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         M. Bill Janzen (directeur, Bureau d'Ottawa, Comité central mennonite du Canada)

Á 1105
V         Le président
V         Mme Wendy Swedlove (présidente, Conseil canadien des ressources humaines en tourisme)

Á 1110
V         Le président
V         M. Victor Goldbloom (président, Exécutif national, Congrès juif canadien)

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff (secrétaire trésorier, Congrès du travail du Canada)

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff
V         Le président
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC)
V         M. Victor Goldbloom
V         M. Eric Vernon (directeur, Relations gouvernementales, Congrès juif canadien)

Á 1135
V         M. Inky Mark
V         M. Eric Vernon
V         M. Inky Mark
V         M. Hassan Yussuff
V         M. Eric Vernon
V         Le président
V         Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)

Á 1140
V         M. Victor Goldbloom
V         M. Roger Clavet
V         M. Victor Goldbloom
V         M. Roger Clavet
V         Mme Wendy Swedlove

Á 1145
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         M. Eric Vernon
V         M. Bill Siksay
V         M. Eric Vernon
V         M. Bill Siksay

Á 1150
V         M. Hassan Yussuff
V         Le président
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)
V         M. Bill Janzen

Á 1155
V         L'hon. David Anderson
V         M. Eric Vernon
V         Le président

 1200
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells)
V         M. Eric Vernon
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         M. Eric Vernon

 1205
V         Le président
V         M. Eric Vernon
V         Le président

 1210
V         M. Eric Vernon
V         Le président
V         M. Hassan Yussuff
V         M. Eric Vernon

 1215
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 057 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1100)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Comme nous avons plusieurs témoins, je vais demander à chaque groupe de faire un exposé de sept minutes, après quoi nous passerons aux questions. Avant de commencer toutefois, j'aimerais vous souhaiter à tous la bienvenue au comité. La question dont nous débattons, liée à la citoyenneté, en est certainement une qui vous tient à coeur.

    J'aimerais commencer par M. Bill Janzen.

+-

    M. Bill Janzen (directeur, Bureau d'Ottawa, Comité central mennonite du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité, de me donner l'occasion de comparaître devant vous.

    Nous avons préparé un mémoire écrit que vous avez reçu, si je ne me trompe. Nous vous l'avons envoyé par la poste, et je pense que le greffier vous l'a remis dans les deux langues officielles après s'être occupé de la traduction, ce dont nous vous remercions.

    Notre principal point de préoccupation vise la disposition de la Loi sur la citoyenneté désignée « perte/conservation ». En règle générale, elle signifie que si vous êtes un Canadien de deuxième génération, né à l'étranger, vous cessez d'être citoyen lorsque vous atteignez l'âge de 28 ans à moins de présenter une demande de conservation et de vivre au Canada pendant une année.

    Nous ne sommes pas contre cette disposition. Nous ne demandons pas que les gens puissent conserver leur citoyenneté canadienne automatiquement alors qu'ils vivent indéfiniment à l'extérieur du Canada génération après génération. Les problèmes sont liés aux réalités pratiques de cette disposition. Le fait est que ce ne sont pas tous les Canadiens de deuxième génération, nés à l'étranger qui relèvent de cette disposition, mais seulement ceux qui ont obtenu leur certificat de citoyenneté en vertu d'un article particulier de la loi. Pour cette raison, il est essentiel de faire la distinction entre ceux qui en relèvent et ceux qui n'en relèvent pas, c'est là que se posent les problèmes.

    Les certificats de citoyenneté des gens qui relèvent de cette disposition ne sont pas différents des certificats de ceux qui n'en relèvent pas. Rien n'indique que ce certificat cesse d'être valide lorsque son détenteur atteint l'âge de 28 ans. Si c'était le cas, nous n'aurions aucun problème, les choses seraient claires.

    Dans le cadre de notre travail depuis la mise en vigueur en 1977 de la loi actuelle, nous avons demandé à plusieurs reprises aux fonctionnaires comment ils prévoyaient mettre cette disposition en application. Ils répondaient parfois : « Nous n'avons encore rien prévu dans le cas de cette disposition; nous espérons qu'elle sera modifiée avant que quiconque n'atteigne l'âge de 28 ans ». Malgré plusieurs tentatives, aucune nouvelle loi n'a été promulguée et maintenant, en l'an 2005, les premières personnes visées atteignent l'âge de 28 ans.

    Depuis un, deux ou trois ans, nous travaillons sans relâche pour faire connaître cette disposition, donner des directives pour que les gens puissent vérifier s'il est probable qu'ils en relèvent, pour les informer de ce qu'ils doivent faire s'ils souhaitent conserver la citoyenneté. Nous faisons tout pour corriger cette situation qui reste peu confortable.

    Le problème essentiel, c'est que chaque fois que les gens présentent leur certificat de citoyenneté pour obtenir un permis de conduire ou une carte de santé, ou même à la frontière canado-américaine, rien ne permet de savoir si le certificat est toujours valide ou non.

    Mes collègues dans les régions du sud de l'Ontario, du Manitoba et de l'Alberta qui sont aux premières lignes et travaillent avec le public disent que les gens se montrent considérablement sceptiques. Parfois, une personne dira : « Pourquoi devrais-je m'inscrire? Pourquoi devrais-je m'inscrire pour conserver ma citoyenneté? Mon certificat de citoyenneté a l'air parfaitement valide. Aucun fonctionnaire officiel ne l'a mis en doute et en fait l'un d'eux m'a dit qu'il reste valide pour toujours. Mon voisin, qui a suivi votre conseil et a envoyé une demande d'inscription, a maintenant un nouveau certificat de citoyenneté qui est exactement le même que le mien. Pourquoi donc m'en préoccuper? »

    Quelles solutions proposons-nous? Nous proposons tout d'abord de simplement noter une petite inscription sur les certificats émis à ceux qui relèvent de cette disposition indiquant : « Ce certificat cesse d'être valide lorsque son détenteur atteint l'âge de 28 ans ».

    Comme corollaire, nous suggérons qu'un règlement déclare que les certificats qui ne portent pas pareille inscription sont réputés être valides à moins qu'ils n'aient été révoqués ou annulés en vertu d'une autre disposition.

Á  +-(1105)  

    Une deuxième solution fait intervenir une disposition limitative pour les personnes nées à l'étranger après la deuxième génération. Ces personnes ne seraient simplement pas admissibles à la citoyenneté pour commencer. Comme elles ne pourraient pas obtenir un certificat de citoyenneté, elles ne pourraient cesser d'être des citoyens. Une telle disposition limitative existait dans les récents projets de loi sur la citoyenneté—les projets de loi C-63, C-16, C-18—et elle irait dans le sens de l'objectif de base de la politique qui est d'empêcher des personnes de vivre indéfiniment à l'extérieur du Canada, génération après génération, tout en détenant la citoyenneté canadienne. Grâce à une telle disposition limitative, il serait inutile de prévoir une disposition de perte/conservation comme celle que l'on retrouve dans la loi actuelle.

    Si j'ai encore quelques minutes, j'aimerais parler d'une autre disposition. Merci.

    Une autre disposition qui nous préoccupe prévoit qu'en vertu de la loi en vigueur, une personne née à l'étranger peut être admissible à la citoyenneté, et l'admissibilité ne dépend pas du fait que cette personne soit née à l'intérieur du mariage. Toutefois, en vertu de l'ancienne loi sur la citoyenneté, la question de la naissance à l'intérieur du mariage était un facteur. Par conséquent, une personne qui naît aujourd'hui peut faire une demande de citoyenneté et devra prouver que l'un ou l'autre de ses parents est né à l'intérieur du mariage. Pour certains pays, cela ne pose pas de problème, mais pour d'autres, la question de ce qu'est un mariage légal est vraiment très complexe. Le gouvernement est devenu un peu plus sévère à propos de ce que constitue « la naissance à l'intérieur du mariage ». Nous avons donc des personnes qui font une demande de citoyenneté et qui doivent prouver que leur mère ou leur père est né à l'intérieur du mariage.

    Compte tenu des normes plus sévères, il est parfois établi que le parent n'est pas réputé être né à l'intérieur du mariage, même si le parent détient un certificat de citoyenneté depuis 30 ans. Par conséquent, la demande de citoyenneté présentée par l'enfant est rejetée et le parent reçoit une gentille petite lettre indiquant : « Désolé, nous avons fait une erreur et nous vous demandons maintenant de nous rendre votre certificat de citoyenneté, celui que vous avez depuis 30 ans ».

    À cet égard, nous aimerions au minimum demander qu'une politique prévoit que tout certificat émis ne soit pas retiré si la seule raison du retrait est liée à la question de savoir si un ancêtre est né à l'intérieur du mariage. S'il existe d'autres raisons de retirer le certificat de citoyenneté, pas de problème, mais cette raison, en elle-même, ne devrait pas suffire.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous avons maintenant Mme Wendy Swedlove.

+-

    Mme Wendy Swedlove (présidente, Conseil canadien des ressources humaines en tourisme): Bonjour et merci de me donner la possibilité de faire un exposé, qui ne sera pas aussi technique que celui que nous venons d'entendre.

    Je représente le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme, organisme qui permet à divers intervenants de l'industrie, comme les entreprises, les travailleurs, les établissements d'enseignement et les organismes gouvernementaux d'aborder les questions touchant le marché du travail spécifiques à l'industrie du tourisme. On compte quelque 30 conseils sectoriels au Canada et nous représentons celui chargé de l'industrie du tourisme.

    Les industries qui relèvent du tourisme emploient près de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada, selon Statistique Canada, soit 1,7 million de Canadiens. Compte tenu de la croissance prévue du nombre d'emplois, de 1,8 p. 100 par année au cours des dix prochaines années, 30 000 nouveaux emplois vont être créés chaque année dans l'industrie du tourisme. Trente-cinq pour cent des travailleurs sont âgés de moins de 25 ans et font donc partie du groupe qui, dans le contexte démographique du Canada, est en déclin. Très peu vont prendre leur retraite, mais nous allons essayer de recruter du personnel pour ces 30 000 nouveaux emplois par année dans un bassin de jeunes gens qui se vide peu à peu.

    L'immigration est l'élément clé qui permettra à l'industrie du tourisme de combler ces nouveaux postes et de prendre en compte le taux de rotation, car dans ce groupe de très jeunes gens, on parle beaucoup de taux de rotation structurel. La grande majorité d'entre eux paient ainsi leurs études et vont donc poursuivre d'autres carrières au sein de l'économie canadienne.

    Nous allons donc connaître de très graves pénuries de main-d'oeuvre au cours des dix prochaines années, ce dont on s'aperçoit déjà dans de nombreuses régions du pays, pas encore à Ottawa, ni à Toronto et pas encore à Vancouver, mais on va bien voir ce qui va se passer au moment des Jeux olympiques.

    À l'heure actuelle, les règles de l'immigration relatives aux gens qui sont admis dans le cadre du programme des compétences—et nous ne connaissons pas ce programme autant qu'il le faudrait, mais nous faisons de la recherche pour bien comprendre ce que représentent ces règles—ne permettraient jamais à la vaste majorité des débutants d'être admis dans notre pays. Nous vous encourageons à inciter ceux qui prennent ces règlements à réfléchir aux besoins du Canada en matière de personnel débutant et possédant peu de compétences, de manière à trouver une façon de faciliter leur entrée.

    Je sais que vous allez entendre des exposés sur la reconnaissance des titres acquis à l'étranger, et nous présentons un mémoire à ce sujet également. Certains secteurs qui recherchent du personnel possédant peu de compétences peuvent évaluer les compétences et l'expérience de ceux qui ont travaillé dans ces emplois dans d'autres pays. Ce pourrait être une façon de faciliter l'entrée des personnes disposant de peu de compétences dans ces secteurs de l'économie qui en auront grand besoin à l'avenir.

    C'est tout ce que nous avons à dire aujourd'hui et je vous remercie de nouveau de nous avoir offert cette occasion; je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à M. Victor Goldbloom.

[Français]

+-

    M. Victor Goldbloom (président, Exécutif national, Congrès juif canadien): Je vous remercie, monsieur le président. Nous remercions le comité de nous offrir l'occasion de nous exprimer sur un sujet important.

[Traduction]

    Je m'appelle Victor Goldbloom et je suis président de l'exécutif national du Congrès juif canadien. Je suis accompagné du directeur des relations gouvernementales, M. Eric Vernon.

    Je préside également un groupe de travail sur la promotion de l'immigration au nom des Services d'aide aux immigrants juifs de Montréal.

    Vous avez notre mémoire qui se compose de deux parties reliées l'une à l'autre et qui, toutes les deux, soulignent la nécessité de mettre en valeur et de préserver l'intégrité et le sens de la citoyenneté canadienne.

    Nous avons toujours été les premiers à appuyer la politique canadienne du multiculturalisme qui accueille les néo-Canadiens et qui, en leur accordant la citoyenneté, leur donne la possibilité de cultiver notre diversité ethnoculturelle.

[Français]

    La politique du multiculturalisme du Canada encourage les communautés à maintenir et à préserver leur spécificité ethnoculturelle, tout en acceptant et en partageant les valeurs canadiennes. Parmi celles-ci, il y a la liberté, la démocratie, la civilité, le respect de la diversité et de l'harmonie sociale, le respect et la compréhension intercommunautaires, et la primauté du droit.

    Ce sont pour nous des obligation minimales afférentes à la citoyenneté, qui doivent être respectées comme étant le pendant de notre Charte des droits et libertés. Telle est l'essence de la situation, qui est axée sur les valeurs.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

    Le Canada est un pays différent, marqué du sceau du multiculturalisme et du pluralisme, où les différences sont les bienvenues comme sources de créativité, de force et de prospérité. Le défi qu'il nous faut alors relever consiste à nous assurer que la diversité qui ne cesse de se développer contribue à l'apprentissage, à l'innovation, à la coopération et à la cohésion, plutôt qu'à la division et aux querelles que nous avons, en règle générale, réussi à éviter. Nous devons nous assurer, plus particulièrement en cette période d'instabilité, que le dialogue se poursuive dans une atmosphère de civilité. Les points de vue politiques, même ceux exprimés de façon passionnée, peuvent être librement exprimés, tant qu'un tel discours se déroule de façon compatible avec les valeurs fondamentales du Canada. La citoyenneté consiste à inculquer de telles valeurs. Nous proposons à l'annexe de notre mémoire le libellé d'un préambule à la Loi sur la citoyenneté.

    Le revers de la médaille, c'est que nous devons interdire l'accès au Canada à ceux qui ne méritent pas la citoyenneté canadienne. Ceux qui ont obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration, doivent être identifiés et leur sort réglé. Le gouvernement doit pouvoir refuser l'admission au Canada à ceux qui ont agi frauduleusement, et révoquer la citoyenneté de ceux qui sont là dans l'intention de saper nos valeurs patrimoniales et citoyennes. De toute évidence, cela viserait ceux qui ont perpétré des crimes, ceux qui sont affiliés à des organisations liées au terrorisme et ceux qui ont participé à des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et qui ont violé les droits de la personne.

    Dans notre mémoire, nous traitons de plusieurs questions relatives à la dénaturalisation dont votre comité a été saisi. Nous présentons quelques mythes et les dénonçons.

    En résumé, nous prétendons que la citoyenneté obtenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration devrait être légitimement révocable si la preuve peut en être présentée devant un tribunal, et qu'aucune loi de prescription ne devrait être rattachée à la dénaturalisation. Nous prétendons que la révocation de la citoyenneté n'est pas contraire à la Charte des droits et libertés et qu'elle est conforme aux valeurs inhérentes de la société canadienne.

[Français]

    Nous soumettons respectueusement que le fait de résider depuis longtemps au Canada ne devrait pas compenser une fausse représentation faite à l'occasion de l'entrée au pays ou toute association cachée avec des activités ou des organisations à caractère haineux.

    Si la preuve nécessaire peut être faite, l'utilisation du recours civil de la dénaturalisation et de la déportation est, à nos yeux, légitime pour débarrasser le Canada de personnes impliquées dans des crimes de guerre, dans des crimes contre l'humanité et dans le terrorisme. Ces individus ont amplement accès à l'application réglementaire de la loi et à la procédure équitable qui correspondent aux normes strictes du droit canadien. S'il est établi qu'ils ont obtenu la citoyenneté par des moyens frauduleux, cette citoyenneté devrait leur être enlevée. Si des personnes à qui la nationalité canadienne a été retirée deviennent ainsi apatrides, cela ne devrait pas les exempter de la révocation de leur citoyenneté.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

    Nous demandons instamment que l'actuel régime de révocation reste en vigueur et s'applique aux cas en suspens concernant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Des consultations peuvent avoir lieu et des considérations peuvent être données, à long terme, pour avoir recours à d'autres processus, mais tant que de telles modifications ne seront pas mises en vigueur, la poursuite de la justice concernant les cas actuels ne peut et ne doit pas être suspendue ni abandonnée.

    Enfin, nous recommandons que les processus de dénaturalisation et d'expulsion soient amalgamés.

[Français]

    Monsieur le président, voilà notre déclaration. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons maintenant M. Hassan Yussuff.

+-

    M. Hassan Yussuff (secrétaire trésorier, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.

    Nous voulons faire aujourd'hui un bref exposé, puisque nous allons de nouveau comparaître devant le comité jeudi. Nous présenterons le mémoire définitif traitant des deux aspects de l'exposé que nous allons faire aujourd'hui et jeudi.

    J'aimerais simplement souligner certains des points clés dont nous aimerions parler aujourd'hui.

    Le CTC est heureux de pouvoir comparaître devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous allons donc faire aujourd'hui un exposé oral et nous répondrons sous peu aux questions.

    En l'absence d'un projet de loi proposant des amendements précis à la loi actuelle, nous aimerions lancer un débat sur quelques grands domaines qui, selon nous, ont des effets sur les travaux du comité. Les deux exposés seront présentés dans le mémoire officiel.

    Tout d'abord, permettez-moi de souligner rapidement quelques points. En tant qu'organisation représentant les travailleurs et leurs familles qui arrivent dans notre pays en provenance de diverses régions du monde, nous sommes fiers de notre contribution à l'édification du Canada. On ne peut parler de l'histoire et du succès du Canada sans reconnaître le rôle de l'immigration qui a fait de notre pays un modèle du genre sur la scène internationale. Nos membres sont un élément important de cette histoire. Exception faite des Autochtones, l'immigration a joué un rôle essentiel dans le développement du Canada et de son économie. C'est ce que l'on peut dire au sujet du siècle dernier comme pour aujourd'hui.

    En raison de l'évolution de nos collectivités et de la demande mondiale en matière de main-d'oeuvre, nous devons prêter particulièrement attention aux forces politiques et sociales qui risquent de compromettre l'intégrité de la citoyenneté canadienne. Au cours des années écoulées, nous avons comparu devant le comité permanent et soulevé plusieurs questions que je vais préciser plus tard. Nous les avons également soulevées dans le cadre de l'examen actuel de la Loi antiterroriste.

    L'une d'elles qui, bien sûr, a un impact sur les travaux du comité selon nous, c'est que les certificats de sécurité sont antérieurs à la Loi antiterroriste; il ne faut pas l'oublier. Ils font partie de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, depuis 1991, mais il s'agit en fait d'outils antiterroristes et sont un élément essentiel du secret et de l'arbitraire liés au programme de sécurité.

    Le CTC est d'avis que le recours aux certificats de sécurité, qui s'applique actuellement à des résidents permanents et à des réfugiés, va à l'encontre des normes de procès équitables et des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Dans le contexte du processus des certificats de sécurité, des gens sont détenus pendant un certain temps sans faire l'objet de chefs d'accusation et ils n'ont pas la possibilité d'être mis au courant des preuves portées contre eux. Ils ne peuvent pas préparer de contestation judiciaire relative à la légalité de leur détention et font l'objet d'expulsion du Canada et d'un risque possible de poursuites dans leur propre pays. Si nous croyons que ceux qui sont dans notre pays à titre de résidents permanents devraient avoir la possibilité de devenir des citoyens, le recours à un certificat de sécurité a un impact négatif sur ce principe fondamental. Les membres vulnérables de notre société, comme les immigrants et les réfugiés, ainsi que les gens de couleur ou les membres d'une religion particulière, servent de boucs émissaires par suite de l'échec des mesures nationales en matière de sécurité. Le recours aux certificats de sécurité peut également encourager le racisme systémique et patent que l'on retrouve dans la société canadienne.

    Un Montréalais du nom d'Adil Cherkaoui a été détenu en vertu d'un certificat de sécurité pendant 22 mois sans jamais faire l'objet d'un chef d'accusation. Il a été libéré sous caution en février 2005 et virtuellement assigné à résidence par suite de sévères conditions qui lui ont été imposées. La vie de quatre autres Musulmans qui vivaient au Canada a été gâchée lorsque des certificats de sécurité ont été émis contre eux, d'autant plus qu'ils ne peuvent pas se défendre équitablement et ouvertement devant les tribunaux.

    J'ai quelques préoccupations au sujet de la réunification des familles, programme qui permet de consolider nos collectivités. Les citoyens canadiens et les résidents permanents ne devraient pas avoir à attendre des années avant de retrouver des membres de leurs familles qui vivent à l'étranger. La loi actuelle comporte trop d'obstacles à la réunification des familles, y compris le recours à la disposition d'exclusion, sans compter l'insuffisance du financement du règlement des causes. Toutefois, le gouvernement a récemment reconnu l'importance du programme et a pris des mesures positives, comme l'annonce récemment faite à propos du changement des règles dans le but d'augmenter le nombre de personnes qui peuvent immigrer chaque année au Canada du fait qu'elles sont apparentées aux parents ou grands-parents d'un Canadien.

    Selon un article paru dans le Globe and Mail, 100 000 de ces requérants attendent, alors qu'ils ont déjà payé les frais d'administration de 550 $ pour que leur cause soit entendue. L'arriéré prend de l'ampleur et le nombre de requérants qui réussissent à être acceptés dans la catégorie des parents et grands-parents ne suit pas. Au cours des deux prochaines années, il y en aura 18 000.

Á  +-(1125)  

    Parlons des citoyens de deuxième ordre. Le CTC s'inquiète de plus en plus des attaques accrues contre l'intégrité des passeports canadiens et de la citoyenneté canadienne, en particulier pour les personnes de couleur, par des agents de l'immigration et des douanes des États-Unis. L'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés énonce que tous les citoyens ont les mêmes droits et obligations peu importe la façon dont ils ont obtenu leur citoyenneté, que ce soit parce qu'ils sont nés au Canada, qu'ils sont nés à l'étranger de parents canadiens ou qu'ils ont satisfait les exigences concernant la résidence permanente.

    Les dispositions en matière d'égalité qui sous-tendent notre société figurent également dans l'article 7 de la Charte. La Charte dit clairement que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Lors de présentations antérieures, nous avons exhorté les responsables canadiens de ne pas faire en sorte que le Canada ait différents niveaux de citoyenneté. L'affaire Maher Arar en est un exemple probant. Maher Arar n'aurait jamais été déporté aux États-Unis, puis en Syrie pour être soumis à la torture si les organismes de sécurité canadiens avaient protégé ses droits en tant que citoyen canadien. Tous les Canadiens et Canadiennes doivent être traités de la même façon par les lois démocratiques et internationales. Je n'en dirai pas plus pour l'instant puisque certains de ces points seront abordés plus amplement dans notre projet de loi.

    Il y a un autre élément que nous aimerions porter à l'attention du comité. Il s'agit évidemment de toute la question des travailleurs sans statut au pays. C'est d'ailleurs une situation qui a été décriée par d'autres témoins devant ce comité. Dans notre pays, il y a beaucoup trop de travailleurs qui contribuent à l'économie sans que leur statut ne soit reconnu. Ils devraient obtenir le statut de résidant permanent pour régulariser la situation et avoir la chance d'obtenir en bout de ligne la citoyenneté canadienne et tous les droits qui s'y rattachent. Nous continuons d'exiger une amnistie générale pour tous ces travailleurs. On estime à plus de 100 000 le nombre de travailleurs sans statut au pays.

    Il y a aussi un autre aspect qui nous préoccupe et que pourrait explorer davantage le comité, même si ça ne s'inscrit pas précisément dans son mandat. C'est toute la question des travailleurs de l'industrie du transport au pays. Tous les jours, des Canadiens franchissent la frontière canado-américaine pour leur travail. Nous craignons que leurs droits en tant que citoyens canadiens soient menacés par les mesures antiterroristes.

    La sécurité est devenue un enjeu majeur au Canada après l'attentat à la bombe perpétré contre un vol d'Air India, en 1985, et qui a mené à la conception et à l'implantation hâtives d'un système de contrôle de la sécurité dans les aéroports. La situation des travailleurs sans reproche de l'industrie du transport aérien, qui était déjà difficile, s'est empirée lorsque Transports Canada a changé, l'été dernier, ses politiques concernant les laissez-passer sans consulter les travailleurs de l'industrie. D'après l'Association du transport aérien du Canada, il y aurait jusqu'à 100 000 employés, dont certains travaillent dans cette industrie depuis longtemps et ont un dossier impeccable, qui auraient de la difficulté à obtenir la cote de sécurité nécessaire pour accomplir leur travail.

    Pour obtenir un laissez-passer dans un aéroport, toute personne ayant vécu à l'extérieur du Canada pendant plus de trois mois au cours des cinq dernières années doit fournir un document du service de police ou de sécurité du pays où ils étaient. Les mesures réglementaires sont particulièrement ardues pour les nouveaux immigrants qui ont de la difficulté à obtenir les documents nécessaires auprès de leur pays d'origine. Ces mesures frappent particulièrement les travailleurs de longue date qui étaient en poste à l'étranger ou qui ont visité d'autres pays pendant plus de trois mois. Nous avons préparé divers dossiers qui pourraient intéresser le comité.

    Nous aimerions aussi parler du racisme et du profilage racial. Même si le Canada est un pays d'immigrants, il y a toujours eu beaucoup de tension sociale à l'égard de l'immigration. La présence du racisme dans notre société et les difficultés qu'éprouvent sans cesse les travailleurs de couleur pour s'intégrer à la vie sociale, économique, politique et culturelle de ce pays en sont des exemples vivants. Nous ne pouvons pas édifier un pays fort si nous acceptons que les Autochtones, les musulmans ou les Canadiens d'origine africaine, asiatique, arabe ou juive fassent l'objet de discrimination, de haine et de sectarisme. En tant qu'une des sociétés les plus multiraciales du monde, le Canada sert d'exemple pour illustrer la façon d'intégrer les gens de différentes races, cultures et religions provenant d'un peu partout dans le monde.

    Toutefois, le projet de loi C-36 a eu des effets négatifs sur les Canadiens d'origine arabe ou musulmane. On dirait que le gouvernement leur a tourné le dos en donnant de facto la permission aux services policiers et aux organismes de renseignements d'utiliser le profilage racial et de se lancer dans une chasse aux sorcières.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Pourriez-vous conclure votre exposé?

+-

    M. Hassan Yussuff: Bien entendu.

    Pour terminer, comme vous le savez, l'immigration et les droits associés à la citoyenneté ont toujours été des enjeux critiques sur le plan politique. Vu la pénurie de main-d'oeuvre et les changements démographiques, comme le vieillissement de la population ou le faible taux de natalité en Europe et en Amérique du Nord, nous devons trouver des solutions. Vos décisions joueront donc un rôle essentiel dans l'avenir du Canada. En outre, une étude récente de Statistique Canada révèle que le nombre de membres des minorités visibles au Canada pourrait augmenter de façon spectaculaire d'ici 2070. Si nous voulons être en mesure de relever les défis qui nous attendent, nous devons accueillir de plus en plus d'immigrants. Fait important, ceux-ci s'établiront dans un grand nombre de villes. Nous croyons qu'il est essentiel que le comité examine de nouveau les difficultés qu'une telle situation entraînera en tenant compte de l'environnement urbain et des stratégies à utiliser pour continuer d'attirer et d'accueillir de nouveaux immigrants.

    Le CTC est d'avis qu'il faut renforcer les droits relatifs à la citoyenneté de tous les Canadiens afin d'établir un mouvement plus inclusif et uni dans toute la société. Notre mouvement est une réplique miniature de la société canadienne dans son ensemble.

    Je peux maintenant répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer maintenant à la première ronde de questions, qui durera sept minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.

    Monsieur Mark.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais remercier nos témoins de leur présence ce matin.

    Au cours des trois dernières semaines, notre comité a parcouru le pays, et bon nombre de vos préoccupations ont été soulevées à plusieurs reprises, et j'insiste sur « plusieurs reprises ». J'espère que le gouvernement ne se contentera pas uniquement de déposer un rapport, mais qu'il agira. On entend depuis trop longtemps les mêmes commentaires. Chaque fois que nous tenons une séance publique, nous entendons les mêmes choses.

    J'ai une question à vous poser au sujet de la citoyenneté, à savoir si elle doit être considérée comme un droit ou un privilège. Si la citoyenneté est un droit, devrait-on pouvoir dépouiller quelqu'un de sa citoyenneté? Devrait-il y avoir un délai de prescription concernant les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité? À cet égard, on nous a suggéré de porter des accusations en vertu de nos lois, et si les personnes accusées étaient reconnues coupables, nous les enverrions en prison au lieu de les déporter.

    Que répondez-vous à ça?

    Monsieur Goldbloom, aimeriez-vous commencer?

+-

    M. Victor Goldbloom: Notre pays est fondé sur l'application régulière de la loi, et si des gestes vont à l'encontre de nos lois et de nos valeurs, il faut faire quelque chose. Tout ce que nous disons, c'est qu'il ne devrait pas y avoir un délai de prescription pour les personnes qui ont de toute évidence commis un crime antérieurement et qui ont conséquemment menti pour obtenir la citoyenneté.

+-

    M. Eric Vernon (directeur, Relations gouvernementales, Congrès juif canadien): Si vous me le permettez, j'ajouterais qu'il n'y a rien de mal à utiliser le Code criminel pour poursuivre en justice des criminels de guerre au Canada. De fait, c'était l'une des solutions recommandées par le juge Deschênes dans son rapport, qui aura bientôt 20 ans. Toutefois, cela ne devrait pas empêcher le gouvernement d'utiliser aussi le processus de dénaturalisation. On se retrouve donc avec la possibilité de poursuites au criminel si l'on a suffisamment de preuves, ou le recours au processus de dénaturalisation, conjugué évidemment à l'extradition comme troisième mesure possible.

    Nous croyons qu'il ne devrait pas y avoir de délai de prescription pour l'envoi d'un avis de révocation. Même si une personne vit au Canada depuis des années, qu'elle a toujours été une bonne citoyenne et que sa conduite a été irréprochable, il n'en demeure pas moins que cet individu a fait des déclarations trompeuses ou a obtenu la citoyenneté sous de faux prétextes, ou, si on peut le prouver au criminel, qu'il a commis un crime de guerre. Il s'agit ici de maintenir l'intégrité et la valeur de la citoyenneté canadienne; la présence de ce type d'individu dans notre pays, qu'il soit un criminel de guerre, qu'il ait commis des crimes contre l'humanité ou qu'il se soit adonné à des activités terroristes, entache notre société. Nous devons tout faire pour protéger la citoyenneté canadienne en la refusant à ce type de personne ou en révoquant sa citoyenneté si nous pouvons prouver qu'il l'a obtenue frauduleusement.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Inky Mark: Que feriez-vous si la personne était un adolescent ou un jeune adulte au moment de son arrivée et qu'il ne peut pas être déporté ailleurs? Que faire avec ces gens?

+-

    M. Eric Vernon: D'abord, il faut explorer tous les moyens possibles pour trouver le pays d'origine de la personne et déterminer si la déportation est possible. Cela s'appliquerait peu importe l'âge de la personne au moment de son arrivée. Il n'en reste pas moins que si aucun pays ne veut de cet individu, il faudra prendre des mesures pour le garder au Canada, mais pas en tant que citoyen canadien.

+-

    M. Inky Mark: Seriez-vous en faveur de séparer le processus politique du processus judiciaire? Je pense que c'est justement sur ce point que nous butons aujourd'hui; nous attendons une décision politique pour déterminer l'avenir des personnes en attente.

+-

    M. Hassan Yussuff: Je crois fermement que les ministres ne devraient pas avoir le pouvoir de révoquer la citoyenneté de quelqu'un. Il faudrait que ça découle de l'application régulière de la loi. La révocation de la citoyenneté ne devrait être possible que dans les cas où il y a eu assertion frauduleuse ou omission de déclarer certains faits dans la demande. À part ça, si quelqu'un enfreint la loi, nous avons ce qu'il faut pour les poursuivre en justice en vertu du Code criminel. Ça devrait suffire à maintenir l'intégrité de la citoyenneté canadienne.

+-

    M. Eric Vernon: De notre côté, nous serions en faveur de la judicialisation du processus. Ne vous méprenez pas toutefois, rien ne garantit que ça accélérerait le processus car, comme nous l'avons vu, une partie du problème est attribuable au régime actuel; une fois l'affaire enfin rendue devant les tribunaux, les délais peuvent être phénoménaux. Chaque motion de la défense est examinée longuement. Tous les ajournements sont accordés. L'application régulière de la loi est possible au moyen d'une procédure civile, mais ce n'est pas parce que l'affaire serait strictement entre les mains des tribunaux et que la décision définitive ne reviendrait pas au gouverneur en conseil que le système fonctionnerait mieux ou plus rapidement qu'avant.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Faille.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Étant donné que j'ai manqué la première partie de la discussion, je vais céder la parole à M. Clavet. Je me reprendrai lors du deuxième tour.

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je remercie les témoins qui sont venus participer ce matin à cette rencontre du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. On a suggéré énormément de pistes intéressantes quant aux grands principes généraux. Je félicite particulièrement le Congrès juif canadien pour la qualité de sa présentation.

    Je reviendrai sur certains commentaires que vous émettez dans votre mémoire, notamment quand vous parlez de l'acquisition de la citoyenneté comme d'un privilège et non comme d'un droit. J'aimerais que nous ayons l'occasion d'en discuter un peu plus longuement.

    Monsieur Goldbloom, j'aimerais vous poser une question concernant le préambule que vous proposez pour la nouvelle loi. On dit dans ce préambule proposé que les citoyens canadiens doivent être respectueux des valeurs d'équité, de justice et d'impartialité, notamment. Un attendu m'intéresse particulièrement, soit celui où on dit que les nouveaux Canadiens doivent avoir une connaissance suffisante de l'histoire avant de venir ici, pour ne pas être ballottés par les courants d'idées.

    Je m'aventure ici sur une avenue politique. En 1995, on a assisté à une naturalisation massive et expéditive de nouveaux arrivants. Cet événement coïncidait avec le référendum au Québec. Contreviendrait-on à l'attendu du préambule voulant qu'on connaisse l'histoire avant de devenir citoyen en permettant ce qui est arrivé en 1995, c'est-à-dire l'entrée rapide d'arrivants qu'on a naturalisés? Est-ce qu'on contreviendrait à la loi en n'exigeant pas que les gens aient une connaissance suffisante de l'histoire?

    De toute évidence, on ne peut pas apprendre l'histoire en débarquant de l'avion et en assistant à une réunion politique. On a déjà de la difficulté à apprendre les consignes de sécurité en français et en anglais. J'aimerais savoir si ce préambule pourrait servir à nous protéger contre l'arrivée massive de gens qui, pour toutes sortes de raisons, débarqueraient ici et deviendraient canadiens.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Victor Goldbloom: La citoyenneté canadienne doit être méritée. On doit la gagner en démontrant son engagement vis-à-vis des valeurs canadiennes. On doit aussi démontrer que l'on connaît le pays, y compris son histoire.

    Je ne me sens pas en mesure de commenter l'événement auquel vous faites allusion. Une décision a été prise. Je dois tenir pour acquis que les principes ont présidé à la prise de cette décision et que l'on a exigé de toutes les personnes concernées la preuve qu'elles méritaient la citoyenneté. Tel est le sens de ce projet de préambule qui a été déposé.

+-

    M. Roger Clavet: J'aimerais, si c'est possible, revenir sur le grand principe général du privilège par opposition au droit. Qu'a en tête le Congrès juif du Canada lorsqu'il affirme que c'est un privilège, et non un droit?

    Des immigrants viennent nous voir en nous disant posséder autant de droits que nous, étant citoyens d'ici. Quelle distinction peut-on faire entre privilège et droit?

+-

    M. Victor Goldbloom: Un droit, une fois conféré, implique des recours. Une personne peut se présenter devant les tribunaux et affirmer que son droit a été brimé. Dans le cas qui nous occupe ici, il s'agit plutôt de gagner la confiance du pays pour y être accepté.

    Je ne crois pas que quiconque postule la citoyenneté canadienne puisse invoquer un droit à cette citoyenneté. Ce droit n'est pas acquis simplement en raison de la durée de la présence d'une personne ici. Il faut prouver que l'on mérite la citoyenneté et que l'on est ici pour contribuer aux valeurs canadiennes et les respecter intégralement, notamment la paix sociale de notre société.

+-

    M. Roger Clavet: J'aimerais maintenant poser une question à Mme Swedlove du Conseil canadien des ressources humaines en tourisme. On dit que des mécanismes doivent être élaborés et mis en place pour que les étudiants étrangers aient plus facilement un accès permanent au Canada, et pour que tous ceux qui participent au Programme des travailleurs étrangers et qui souhaitent demeurer au Canada puissent le faire. Quel mécanisme aviez-vous en tête? De quelle façon pourrait-on faciliter cela? Je sais que l'industrie a besoin de ces travailleurs étrangers.

[Traduction]

+-

    Mme Wendy Swedlove: Il y a un programme qui fait appel à un ensemble de normes professionnelles. Prenons par exemple un serveur d'aliments et de boissons. Nous avons réuni des serveurs d'aliments et de boissons du Canada pour qu'ils déterminent les compétences, les connaissances et les qualités personnelles nécessaires pour bien accomplir ce genre de travail.

    Nous avons aussi mis en place un programme aux Philippines pour permettre à des gens de venir ici dans le cadre du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires. Ils ont été formés aux Philippines à l'aide de documents de formation conforment aux normes de la profession. Il y a un programme d'accréditation qui permet d'obtenir le titre de serveur d'aliments et de boissons accrédité. Il s'agit d'un examen écrit, qui est également disponible en ligne, et d'une évaluation pratique en milieu de travail.

    Ainsi, des travailleurs philippins qui avaient déjà de l'expérience aux Philippines ont examiné les normes et le manuel de formation et se sont sentis prêts à passer l'examen. Ils l'ont fait en ligne. Tout ça s'est passé aux Philippines. Ils sont ensuite venus au Canada grâce au Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires. On leur a trouvé un stage. Après avoir acquis l'expérience nécessaire au Canada, on les a évalués en milieu de travail, ce qui était la deuxième partie du programme d'accréditation, et ils sont ensuite devenus des serveurs d'aliments et de boissons accrédités en vertu d'un programme canadien.

    Ainsi, tout employeur de serveurs d'aliments et de boissons est certain que ces travailleurs sont pleinement qualifiés pour travailler ici.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier tous les témoins ce matin. Vos exposés ont été très utiles.

    J'ai une question pour M. Goldbloom et M. Vernon.

    Toute la question d'une citoyenneté de deuxième ordre me dérange, et je sais que vous avez dit très clairement que vous croyez que l'argument est trompeur. Néanmoins, ça me pose encore un problème. Je suppose que je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Ma question est la suivante : À quel moment un individu devient-il un criminel à nos yeux? À quel moment sommes-nous responsables d'avoir laissé cette personne venir au Canada et obtenir la citoyenneté canadienne? À quel moment notre société assume-t-elle cette responsabilité et sommes-nous prêts à admettre qu'on a fait venir cet individu, qu'on l'a soumis à un processus de vérification des antécédents et à une vérification de la sécurité, qu'on l'a laissé faire une demande de citoyenneté et qu'on la lui a accordée? Quand acceptons-nous la responsabilité de ce processus et cet individu devient-il responsable en vertu de nos lois et de notre système de valeurs, etc.?

    C'était ma question. À quel moment quelqu'un devient-il un criminel dans ce sens? J'imagine que c'est vaste comme question. En ce qui a trait aux crimes de guerre, ça me pose un problème aussi puisqu'on ne veut pas que le Canada ignore les choses horribles qui se produisent dans le monde ni les événements historiques. Je ne pense pas que nous soyons à l'écart. Je pense que nous avons une responsabilité dans ce domaine. Voilà pourquoi je veux m'assurer que nous avons des lois efficaces pour régler ce genre d'affaires. Dans de telles situations, à quel moment un individu devient-il un criminel à nos yeux?

+-

    M. Eric Vernon: Dans de telles conditions, un individu devient un criminel lorsque la Couronne réussit à obtenir de solides preuves selon lesquelles la personne aurait obtenu sa citoyenneté canadienne frauduleusement ou en présentant des faits erronés, ou que la Couronne peut prouver devant un tribunal criminel que l'individu est coupable d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité ou encore de s'être adonné à des activités terroristes. Voilà à quel moment l'individu est considéré comme un criminel.

    C'est à ce moment-là que le système judiciaire intervient, et il importe peu que la personne ait été au Canada cinq minutes ou cinquante ans. Si la Couronne peut présenter un dossier étoffé contenant toutes les preuves qu'elle estime nécessaires selon l'option choisie, c'est alors que l'individu devient notre criminel. Quant à savoir si la personne aboutira dans une prison canadienne ou sera déportée, tout cela dépend a) de la procédure préconisée et b) des résultats.

+-

    M. Bill Siksay: Vu la gravité de certains problèmes dont nous parlons et que votre mémoire a soulevés, toute la question entourant la norme en matière de preuve et la raison pour laquelle nous ne devrions pas appliquer la norme de criminalité pour obtenir une condamnation criminelle me pose un problème. N'est-ce pas le système tout indiqué pour traiter des crimes aussi graves que ceux dont nous parlons?

+-

    M. Eric Vernon: Ce n'est qu'une des options. La marge de manoeuvre du gouvernement ne devrait pas être limitée par une seule solution qui consiste à avoir recours au système pénal. Le juge Deschênes a dit très clairement que la preuve présentée dans le cadre d'une procédure civile de révocation de la citoyenneté est une option tout à fait légitime. Dans la situation qui nous intéresse, le niveau de preuve requis est moins élevé car on ne cherche pas à prouver que la personne a commis des crimes de guerre proprement dits, mais bien qu'elle ne mérite plus de conserver sa citoyenneté canadienne vu son passé et son entrée frauduleuse au Canada.

+-

    M. Bill Siksay: Hassan, vous avez dit que certains travailleurs de l'industrie du transport avaient des difficultés à faire reconnaître leur citoyenneté lorsqu'ils traversent la frontière. Je pense que vous avez dit que vous pourriez nous parler de certains cas. Pourriez-vous nous en donner un ou deux exemples?

Á  +-(1150)  

+-

    M. Hassan Yussuff: Nous allons en parler dans notre mémoire et mettrons en lumière quelques cas. Prenons par exemple une travailleuse qui est revenue au Canada après avoir passé trois mois de vacances à l'étranger; elle a dû faire une nouvelle demande de laissez-passer et devait démontrer où elle avait passé les trois derniers mois. Elle était en Chine et, évidemment, n'a pu obtenir d'information des autorités chinoises pour prouver ses allées et venues dans ce pays—nous ne devrions pas exiger ça. Donc, elle ne peut plus occuper son emploi parce qu'elle n'a pas pu prouver ce qu'elle a fait au cours des trois derniers mois en Chine.

    Il existe de nombreux autres cas de ce genre.

    Comme vous le savez, l'industrie du transport, particulièrement le secteur du camionnage, a des milliers de travailleurs. La plupart d'entre eux sont des immigrants ou ont déjà eu dans le passé une autre citoyenneté. Ils font l'objet d'une surveillance beaucoup plus accrue qu'avant, et certains se demandent s'ils vont pouvoir obtenir... On parle de changer le système aux frontières en ce qui a trait à la circulation des camions.

    Nous en parlons un peu dans notre exposé. Dans notre mémoire, nous exposerons davantage ce que vivent quotidiennement ces travailleurs.

    Dans le secteur du transport ferroviaire, la situation est semblable. Nos membres traversent les frontières chaque jour, et tout dépend de leur lieu de naissance et de leurs antécédents en matière de citoyenneté. Des travailleurs trouvent ça pénible de faire plus souvent l'objet de vérifications que les autres travailleurs qui franchissent la frontière.

    Ça soulève une fois de plus toute la question de l'intégrité de la citoyenneté canadienne. Une fois que nous obtenons la citoyenneté canadienne, sommes-nous un véritable citoyen canadien ou y a-t-il une classe de citoyenneté parallèle? Je crois que c'est une question fondamentale. Ça dit qui nous sommes en tant que nation et en tant que pays, et je pense que le temps est venu de régler ce problème une fois pour toutes. Quand on devient un citoyen canadien, est-on un Canadien à 60 p. 100, à 80 p. 100 ou à 100 p. 100?

    Quand je voyage dans le monde, je suis un citoyen canadien. Je ne me vois pas comme un citoyen de deuxième ordre et je ne permettrais pas à quiconque de me traiter ainsi. Mais je sais, en raison de mon travail et de mes responsabilités, qu'on n'est pas traité de la même manière. Je ne peux pas dire ce que vivent quotidiennement mes collègues dans leur domaine de travail, mais vu leurs origines ethniques...

    Je crois donc que c'est une question fondamentale. L'affaire Maher Arar soulève, à nos yeux, de grandes inquiétudes. Si Maher Arar était né au Canada et portait quand même le même nom, l'aurait-on traiter de la même façon? L'aurait-on déporté vers la Syrie pour être torturé? Nous soulevons ces questions parce que nous croyons qu'elles touchent le fondement même de notre système de citoyenneté.

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Monsieur Anderson.

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci. Je félicite les témoins de leurs exposés, qui nous seront fort utiles.

    Monsieur Janzen, vous avez parlé assez longuement de la limite établie à 28 ans pour les personnes dont le seul lien avec le Canada est celui de la parenté. Ils n'ont pas vécu au pays. Je veux bien m'assurer que vous croyez qu'il s'agit d'un délai légitime et qu'il est raisonnable que la loi exige un retour au Canada pour une période minimale, ne serait-ce que pour apprendre à connaître le pays.

+-

    M. Bill Janzen: Indiscutablement. Nous ne nous opposerions pas à cette disposition si ce n'était des problèmes d'ordre pratique qu'elle entraîne. Nous devons nous interroger sur les personnes qui seront visées. Quelqu'un peut être né à l'étranger et arriver au Canada à un an. Je suis sûr que des milliers ont immigré ici jeunes. Ces personnes sont visées par cette disposition. Lorsqu'elles auront 28 ans, elles perdront leur citoyenneté même si elles auront vécu au Canada pendant 27 de ces 28 ans. Elles l'ignorent. Aucun des endroits où le gouvernement pourrait vérifier l'état de leur citoyenneté canadienne ne peut détecter que celle-ci n'est plus valide. C'est une réalité d'ordre pratique. Ce n'est pas le principe que nous ne contestons. Nous n'affirmons certes pas qu'on puisse vivre dans un autre pays tout en conservant indéfiniment la citoyenneté canadienne qui se transmet d'une génération à l'autre. Vous et moi ne divergeons pas d'opinion sur le principe et l'objectif fondamental.

Á  +-(1155)  

+-

    L'hon. David Anderson: Je vous remercie de cette précision.

    Vous avez décrit des difficultés d'ordre pratique concernant des cas précis. Si mes collègues sont d'accord, nous en informerons le ministre.

    Monsieur Goldbloom, je vous remercie de votre présence. Nous vous sommes reconnaissants d'être parmi nous et de participer à nos travaux. M. Vernon et vous, pourriez-vous expliquez les distinctions entre l'aspect civil et l'aspect pénal dans ces affaires? Il me semble que le débat porte essentiellement sur l'aspect pénal. L'annulation de la citoyenneté ne se fonde cependant pas sur la commission d'un crime. On l'annule plutôt parce qu'on a menti et fourni des renseignements erronés sur la demande d'immigration au Canada. Il est peut-être impossible d'établir la preuve que des renseignements inexacts ont été fournis, mais il est possible d'obtenir des preuves dans les pays où ces renseignements inexacts ont été donnés, lorsqu'on peut retrouver les témoins. Je peux comprendre le motif de la disposition permettant d'être jugés au Canada dans certaines circonstances. Sur le plan pratique cependant, la grande majorité de ces affaires seraient entendues plus efficacement dans les autres pays, à cause des éléments de preuve.

    Quant à l'aspect civil, croyez-vous que la prépondérance des probabilités permette d'étayer la décision du ministre?

+-

    M. Eric Vernon: Naturellement, c'est ce qui découle de cette procédure. Je pense que vous demandez s'il est pertinent d'annuler la citoyenneté en se fondant sur la prépondérance des probabilités.

    À mon avis, il faut se rappeler qu'on vise les personnes qui ont été impliquées dans ces genres d'activés. On ne les choisit pas au hasard. Ce n'est pas stigmatiser l'ensemble des Canadiens qui ont immigré en toute légitimité, qui sont devenus de nouveaux Canadiens et qui ont contribué à l'essor de la société canadienne.

    Nous parlons d'individus qui sont arrivés ici en usant de fraude et de tricherie. Les Canadiens n'aiment pas les tricheurs, et si nous avons l'occasion d'affirmer la valeur de la citoyenneté canadienne en annulant le certificat de citoyenneté obtenu par la fraude dans le cadre de ces genres d'activités, je pense alors que c'est tout à fait légitime. Je le répète, le juge Deschênes a indiqué qu'il s'agissait de l'une des trois mesures pour s'attaquer à ces problèmes. Il faut aussi comprendre que le gouvernement pourrait ainsi disposer d'une solution légitime.

    Le gouvernement doit pouvoir affirmer que nous comprenons la valeur de la citoyenneté canadienne et qu'il nous faut un outil pour enlever la citoyenneté à ceux qui ne la méritent pas, soit ceux qui mentent ou qui font des déclarations inexactes pour immigrer ici. Ces personnes n'auraient pas été acceptées si elles avaient dit la vérité sur ce qu'elles ont fait pendant la guerre, qu'il s'agisse de la Deuxième Guerre mondiale ou de la guerre au Rwanda. Naturellement, il n'est pas question de Deuxième Guerre mondiale. Il s'agit des conflits contemporains.

    Ainsi, la personne qui a joué un rôle dans le génocide au Cambodge et qui ment à cet égard à son arrivée ici, ne mérite pas d'obtenir la citoyenneté canadienne ni de vivre au Canada.

+-

    Le président: Le temps de parole est écoulé. Le timbre se fait entendre. Nous devrons conclure. C'est un vote sur une question de procédure auquel tous doivent participer.

    Nina, soyez très brève.

  +-(1200)  

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells): Merci, monsieur le président. Je remercie également nos témoins de leur présence et de leurs exposés.

    Ma question s'adresse aux représentants du Congrès juif canadien. Je tiens à féliciter celui-ci des efforts qu'il déploie pour promouvoir les droits de tous les Canadiens, particulièrement ceux des minorités ethniques, religieuses et autres ainsi que ceux des groupes revendiquant l'égalité.

    Je sais que votre organisation est versée dans la révocation de la citoyenneté canadienne. Pourriez-vous nous parler du processus actuel? A-t-on amélioré les choses par rapport au temps qu'il faut pour annuler un certificat de citoyenneté? D'après vous, comment pouvons-nous rehausser la valeur de la citoyenneté canadienne

+-

    M. Eric Vernon: Je répondrai d'abord à votre première question. Nous n'avons pas constaté de grandes améliorations concrètes dans le traitement des affaires. Même si nous reconnaissons que le nombre d'affaires a augmenté, il n'en demeure pas moins que le rythme est désespérément lent. On ne semble pas saisir qu'il est urgent de les traiter.

    En ce qui concerne les crimes de guerre commis par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, les possibilités s'amenuisent à mesure que les témoins et les auteurs de ces crimes meurent. Une demi-douzaine d'individus qui avaient été informés que leur citoyenneté serait annulée sont décédés pendant le processus.

    Nous croyons qu'il faut accélérer le processus, ce qui ne signifie pas qu'il faut faire des compromis quant à l'application régulière de la loi. Nous souhaiterions cependant que soit accéléré le processus devant les tribunaux. Nous exhortons constamment le ministre de Citoyenneté et Immigration à trancher les affaires rapidement lorsqu'il en est saisi. Certes, il s'agit d'affaires complexes. C'est devenu un cliché de dire que justice différée est justice refusée, mais il n'en demeure pas moins que le processus doit être accéléré, et ce à toutes les étapes.

    Enfin, il convient d'envisager la fusion des services de la dénationalisation et ceux de l'expulsion afin qu'ils travaillent parallèlement. En fait, il n'est jamais arrivé qu'une révocation soit imposée et que se tienne par la suite l'audience sur l'expulsion de l'individu, mais une telle fusion serait beaucoup plus efficace et beaucoup plus pratique.

+-

    Le président: Madame Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci.

    Je voudrais aborder le point soulevé par M. Siksay. Je suis un peu sous l'emprise de l'émotion. Je suis peut-être le seul membre du comité—du moins parmi ceux qui sont présents aujourd'hui—dont l'origine canadienne remonte à très, très, très loin—presque au début. Naturellement, je ne fais pas allusion à Adam et Ève.

    L'idée d'avoir deux catégories de citoyenneté me dérange. Abordons les niveaux de preuve nécessaires à la révocation de la citoyenneté. Si la preuve permet d'entamer des poursuites criminelles—notamment dans le cas de crimes contre l'humanité—, je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas accepter que ces individus devraient être poursuivis, mais pas à titre de Canadiens. Comme Bill le demandait, quand acceptons-nous, comme société et comme gouvernement, la responsabilité des décisions qui ont été prises pour accorder la citoyenneté?

+-

    M. Eric Vernon: Je dirais que le gouvernement devrait pouvoir entamer des poursuites lorsqu'il dispose d'arguments solides. Je m'inscris en faux contre votre motion de deux catégories de citoyens. Nous ne visons pas tous les immigrants canadiens qui sont devenus des citoyens en toute légitimité et dans la légalité. Ceux-ci ne sont pas visés. Il s'agit uniquement des individus qui ont obtenu leur citoyenneté canadienne par le mensonge et de fausses déclarations. Cette catégorie n'a pas besoin d'être protégée par la Charte ou n'est pas protégée par celle-ci.

    Je suppose qu'il serait merveilleux de pouvoir recueillir suffisamment de preuves pour justifier une accusation criminelle, mais ce n'est pas toujours possible, particulièrement lorsque l'affaire remonte à 50 ou 60 ans. Cependant, s'il peut satisfaire à la norme civile de preuve, l'État doit avoir le pouvoir d'entamer les poursuites, sinon il n'aurait aucun recours juridique face aux individus qui ont immigré ici frauduleusement. Il s'agit d'une catégorie d'individus qui ont pris part à des activités odieuses. Les intérêts du Canada ne sont pas servis si nous accueillons des terroristes, des criminels de guerre ou des auteurs de crimes contre l'humanité.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Merci infiniment. Je vais poser quelques questions.

    Je pense que vous ne diminuez pas la valeur de la citoyenneté en abaissant les normes afin de pouvoir épingler les individus que vous visez. Au cours des trois dernières semaines et demie, les témoignages que nous avons entendus dans l'ensemble du pays préconisent indiscutablement d'annuler la citoyenneté d'un individu si vous avez prouvé qu'il a commis un crime. La norme civile de preuve ne s'applique alors pas. C'est un point.

    Étant donné votre position... et vous avez évoqué le génocide au Cambodge, mais il y a eu également des génocides en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale ainsi que, naturellement, dans l'ancienne Union soviétique. Le lundi 25 avril, le quotidien The Globe and Mail a publié un article sur Joseph Riwash et Nahun Kohn, qui ont écrit des livres décrivant leur participation aux crimes contre l'humanité commis. Croyez-vous que nous devrions porter des accusations contre ces individus?

    Enfin, devrions-nous interdire l'accès au Canada à quiconque a fait partie de l'ALS?

+-

    M. Eric Vernon: Je réponds d'abord à votre première question. Je laisserais à l'État le soin d'examiner ces affaires. Il ne nous incombe pas de trancher à cet égard. Nous préconisons de permettre au gouvernement de s'attaquer à ces affaires à l'aide de diverses solutions légalement établies.

    En ce qui concerne l'ALS, je ne crois pas que vous puissiez nécessairement démontrer que ses membres ont été impliqués dans des crimes de guerre.

+-

    Le président: Je ne suis pas certain qu'il faille laisser à l'État le soin d'examiner ses affaires. Si quelqu'un a écrit un livre pour raconter en détail ce qui s'est déroulé, ce sont des preuves plutôt probantes, qui sont beaucoup plus accablantes que celles qui ont été établies dans les affaires d'annulation de la citoyenneté, d'après ce que j'ai pu constater.

    Mon problème est essentiellement le suivant : six millions de Canadiens ne sont pas nés ici. Je suis l'un d'entre eux. Par le projet de loi C-63, le gouvernement propose d'annuler non seulement la citoyenneté des personnes prises dans ce que je considère un processus frauduleux, mais également la citoyenneté des enfants, ce qui m'aurait visé à l'époque ou ce dont j'aurais pu faire l'objet.

    Vous me permettrez de vous dire ceci : je viens d'un milieu familial particulièrement difficile. Mon beau-père était un juin qui a survécu à la Deuxième Guerre mondiale et ma mère était une catholique, même si de tels mariages étaient assez singuliers à l'époque. Après avoir survécu à ces horreurs pour se retrouver soudainement dans un pays où nous croyons à l'application régulière de lois justes, pourquoi un jeune comme moi devrait-il être terrorisé au sujet de sa citoyenneté? Toutes sortes de gens se trouvent dans cette situation.

    Je vous signale qu'une professeure noire de l'Université Simon Fraser a présenté un mémoire à notre comité sur les compétences acquises à l'étranger. Elle a demandé entre autres à quel moment on devient une Canadienne, une « véritable Canadienne », qui n'a plus à s'inquiéter de sa citoyenneté à cause d'un processus d'annulation si injuste. Peu importe ce que vous direz à propos de la Charte, je ne pense pas qu'il y ait lieu de contester. En janvier dernier, le juge Reilly de la Cour supérieure de l'Ontario a statué qu'il fallait satisfaire aux exigences de l'article 7 de la Charte. Malheureusement, avant que la Cour suprême ait pu rendre sa décision, l'affaire a été abandonnée parce que la Cour d'appel fédérale a mis un terme au processus d'annulation de la citoyenneté du gouvernement en accordant de nouveau celle-ci.

  +-(1210)  

+-

    M. Eric Vernon: Vous avez abordé beaucoup de points. J'essaierai de répondre à quelques-uns.

    Premièrement, nous visons principalement les individus qui ont immigré illégalement ou frauduleusement. Ce sont eux que nous visons. Qu'ils soient impliqués dans des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou dans le terrorisme, ce sont eux qui sont responsables de leurs gestes et qui doivent en répondre.

    En ce qui concerne le juge Reilly, je crois que vous savez que ses commentaires sur la section 7 ont une valeur restreinte. On s'est demandé si cette affaire était de son ressort. La justesse de sa décision ne fait certes pas l'unanimité.

    L'article 15 de la Charte comporte deux objectifs : garantir la non-discrimination des groupes identifiables et assurer la protection constitutionnelle de l'intégration active. Il ne vise pas à protéger les individus qui sont arrivés au Canada et qui ont obtenu leur citoyenneté par le mensonge et la fraude.

+-

    Le président: Il n'était pas question de l'article 15 de la Charte, mais bien de l'article 7.

    Monsieur Yussuff.

+-

    M. Hassan Yussuff: Je voudrais simplement dire brièvement que vous avez visé juste concernant l'anxiété de certains Canadiens par rapport à la valeur de leur citoyenneté. Cela ne peut pas s'inventer.

    Les membres de certains groupes de notre société se demandent beaucoup s'ils sont considérés comme les autres Canadiens blancs malgré le fait qu'ils sont nés ici ou ont obtenu leur citoyenneté par le processus de naturalisation. C'est la réalité, parce que l'expérience leur a montré qu'il y a une dualité dans le traitement de notre citoyenneté. Je pense qu'il est absolument primordial que le comité se penche sur cette question.

    Autoriser le ministre à révoquer la citoyenneté vient, à mes yeux, détruire le principe de base de la Charte. À mon avis, il doit exister une façon de redonner au système une certaine intégrité et de dire qu'un Canadien est un Canadien tout en reconnaissant que la Loi sur la citoyenneté doit comporter des dispositions autorisant que les mesures qui s'imposent puissent être prises lorsque quelqu'un a obtenu sa citoyenneté par des moyens frauduleux. À part cela, je ne vois pas ce qui pourrait justifier d'autres dispositions sur la révocation de la citoyenneté dans notre société, car vous renforcez le tout.

    À mon avis, vous essayez de faire valoir que, étant donné le rôle important que joue l'immigration dans l'essor de notre pays, nous serons aux prises avec une situation où ces points seront sans cesse soulevés parce que la vaste majorité des immigrants se poseront la question que la professeure noire vous a posée en Colombie-Britannique. C'est toujours la même. On se demande quand on devient un citoyen à part entière possédant les mêmes droits et les mêmes chances que les autres membres de la société.

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    M. Eric Vernon: Je voudrais dire un mot à ce sujet. Je pense qu'il est important d'établir la distinction entre une certaine conduite qui peut s'observer dans certaines parties du pays à l'égard de groupes particuliers d'une part, et le processus de révocation de la citoyenneté obtenue par la fraude et le mensonge d'autre part. Cette distinction doit être établie.

    Il a été question de l'article 7 et du juge Reilly. Si, comme ce dernier l'a signalé, on s'inquiète du fait que le ministre formule la recommandation sur la révocation et fasse partie parallèlement du processus décisionnaire du gouverneur en conseil, il faudra alors élaborer un processus permettant au ministre de se retirer de ces délibérations. Cependant, cela ne remet pas en cause tout le processus et certainement pas la notion que cela contrevient à l'article 7 de la Charte.

    Je vous remercie.

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    Le président: Au Canada, nous avons également beaucoup de gens qui ont été injustement condamnés en vertu de la norme criminelle de preuve. Recourir à une norme civile de preuve ferait probablement augmenter la probabilité que de nombreuses décisions injustes seraient rendues et enlèveraient à des gens leur citoyenneté. Les tribunaux commettent des erreurs.

    Cependant, je terminerai en vous faisant part d'une situation qui m'inquiète vraiment. Il y a le processus de paix au Moyen-Orient qui, espérons-le, débouchera sur une issue heureuse. Le Canada devrait d'emblée accueillir des gens habitant dans des régions en proie à des difficultés afin que le paix y soit rétablie. J'ai cité l'exemple de l'ALS parce que, même si on peut présenter les arguments contre les membres de l'ALS, je pense que, si notre objectif consiste à maintenir la paix à long terme, le Canada devrait en accepter ici parce qu'ils poseraient un problème trop grave en demeurant au Moyen-Orient.

    C'est l'une de mes principales préoccupations. Nous avons pris des mesures concernant d'autres points chauds sur notre planète. Je pense à la Bosnie-Herzégovine notamment. Nous serons aux prises avec un véritable problème si nous cessons d'offrir une chance d'amnistie.

    De toute façon, nous devons en rester là , car il y aura un vote auquel nous devrons participer. Je veux vous remercier infiniment d'avoir comparu. La séance est levée.