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AGRI Rapport du Comité

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Un marché nord-américain intégré

La mise en œuvre de l’ALE, en 1988, a entraîné l’intégration inextricable des marchés canadiens et américains des bovins et du bœuf, dont les échanges étaient jusque là limités. Dorénavant, la production nationale ne serait plus uniquement destinée à la consommation intérieure mais plutôt à l’ensemble de l’Amérique du Nord, ainsi qu’à de nombreux marchés outre-mer. Par conséquent, il n’y aurait plus de différence entre le prix des bovins et du bœuf canadiens et américains en raison de leur convergence forcée. En outre, suivant l’élimination de la plupart des obstacles tarifaires et non tarifaires, la valeur des échanges augmenterait de façon disproportionnée et la structure commerciale serait régie par des critères d’efficacité et non plus par les décisions prises par les pays. Toutefois, la réglementation sur la salubrité et la sécurité des aliments resterait, elle, distincte de part et d’autre de la frontière. Les politiques agricoles et les régimes fiscaux, qui peuvent indirectement toucher le rendement de l’industrie, demeurent également distincts.

L’intégration des marchés à l’échelle continentale présente de toute évidence des avantages considérables pour les entreprises jouissant d’un avantage comparatif ou concurrentiel et qui sont prêtes à exporter. Les éleveurs canadiens de bovins et d’autre bétail ont un avantage comparatif, tandis que les abattoirs canadiens, surtout ceux qui sont des filiales de multinationales américaines, ont un avantage concurrentiel. En 2002, ces avantages économiques combinés se sont traduits par l’exportation d’environ 1,6 million de bovins, soit plus de 30 000 bêtes par semaine, et par l’exportation d’un milliard de kilogrammes de produits du bœuf pour les producteurs canadiens. L’envers de la médaille, pour ces producteurs, c’est qu’ils s’exposent à d’énormes risques économiques advenant la fermeture de la frontière américaine aux exportations canadiennes. Les éleveurs de bovins ainsi que les exploitants de parcs d’engraissement seraient particulièrement vulnérables, parce qu’ils ne pourraient plus compter sur les abattoirs étrangers pour vendre leurs 30 000 bovins destinés à l’exportation et deviendraient captifs des abattoirs canadiens. Et c’est justement ce qui est arrivé, du fait que nos deux pays n’ont pas procédé à l’harmonisation des règles sur la salubrité et la sécurité des aliments et que nous ne disposions pas d’un plan de mise en œuvre des règles et des procédures scientifiques établies par traité international pour dissiper nos préoccupations communes. Et vu l’influence inégale des intervenants au sein de l’industrie, on se sert de la réglementation pour faire obstacle au commerce.

Ce scénario est devenu réalité lorsqu’on a découvert un cas d’ESB chez une seule vache, dans un seul troupeau, en Alberta. Les États-Unis ont immédiatement fermé leurs portes à tous les bovins et produits du bœuf d’origine canadienne, et non seulement à ceux de l’Alberta, tandis que les autres provinces continuaient d’en acheter. Les autorités fédérales et provinciales chargées de réglementer la santé et la sécurité ont circonscrit leur action à la ferme ou au troupeau spécifique où l’on avait découvert le cas d’ESB (ainsi qu’à toutes les autres fermes où la vache atteinte avait résidé et aux troupeaux qu’elle avait côtoyé). De leur côté, les autorités américaines ont interdit sans discernement l’importation de tous les bovins et produits du bœuf canadiens, en raison du risque perçu de contamination que pose le système canadien d’alimentation du bétail, applicable à l’ensemble du pays. Le Canada, par mesure de représailles, a temporairement interdit l’importation de bovins et de bœuf des États-Unis suivant la découverte d’un cas d’ESB dans l’État de Washington.

À défaut de la mise en œuvre de règles internationales officielles pour résoudre le problème de salubrité et de sécurité des aliments, des négociations s’imposent. Dans les circonstances, toutefois, les autorités américaines ne favoriseront certainement pas les diplomates canadiens mais plutôt les éleveurs américains qui, sans la concurrence des bovins canadiens, obtiennent des prix supérieurs pour leurs bêtes abattues. Le calcul politique est simple : les éleveurs de bovins américains sont, aux yeux du président, des représentants et des sénateurs, des électeurs — qualité que n’ont pas les diplomates canadiens.

À ce titre, les négociations internationales se sont avérées longues et laborieuses, et seuls les échanges de produits désossés provenant de bovins de moins de 30 mois ont repris. La frontière américaine demeure fermée aux bovins sur pied d’origine canadienne et vice-versa. La scission d’un marché que nous avions réussi à intégrer a provoqué la perte de plus de trois mois de commerce transfrontalier pour les produits du bœuf et d’au moins une année pour les bovins sur pied. La croissance imprévue des troupeaux canadiens a entraîné un manque à gagner ainsi qu’une augmentation des dépenses en nourriture pour les éleveurs-naisseurs et les propriétaires de vaches de réforme. Les consommateurs américains ont aussi souffert de cette mesure temporaire.

La chaîne d’approvisionnement/de valeur des bovins et du boeuf

Les données de marché qui précèdent fournissent une vue d’ensemble de l’activité commerciale sur quatre marchés d’animaux vivants, deux marchés de gros et deux marchés de détail, représentés schématiquement  au graphique 2.1. Les quatre marchés d’animaux vivants sont les suivants :

1)Bovins d’engraissement : les éleveurs-naisseurs vendent des bouvillons et des génisses de 6 à 12 mois, pesant entre 600 et 800 livres, aux exploitants de parc d’engraissement qui les engraissent en vue de l’abattage;
2)Bovins d’abattage : les exploitants de parc d’engraissement (ou éleveurs) vendent de jeunes bovins, habituellement âgés de 18 à 24 mois, pesant entre 1 200 et 1 400 livres;
3)Bovins laitiers et de boucherie reproducteurs : les éleveurs vendent des vaches laitières et de boucherie reproductrices, de classes D1 à D5, habituellement âgées de plus de 30 mois; et
4)Veaux de boucherie : les éleveurs vendent aux abattoirs des veaux de boucherie de 18 à 20 semaines, pesant en moyenne 525 livres sur pied.

Les bouvillons engraissés donnent les morceaux de choix et la meilleure viande. Les bovins laitiers et de boucherie servent à la fabrication de bœuf à ragoût, de bœuf haché et d’autres produits de transformation. Les sous-produits, comme la langue, les rognons, les tripes (estomac), les pieds et la queue, proviennent de tous les types de bovin. Les deux marchés de gros incluent les abattoirs et les transformateurs de second cycle (qui ont acheté leur bœuf des abattoirs), qui vendent leurs produits aux distributeurs, aux détaillants ou aux restaurants et aux traiteurs. Pour leur part, les distributeurs vendent leurs produits aux détaillants ainsi qu’aux restaurants et aux traiteurs, c’est-à-dire les deux marchés de détail, qui à leur tour vendent leurs produits aux consommateurs.

Graphique 2.1
Chaîne d’approvisionnement/valeur des bovins et du bœuf

Graphique 2.1 Chaîne d’approvisionnement/valeur des bovins et du bœuf

Structure et rendement de l’industrie

Chacune des étapes qui composent l’industrie canadienne des bovins et des produits du bœuf est structurée de manière passablement différente, malgré leur tendance à se consolider et à se concentrer — une réalité dont il sera question ici. Chaque étape comporte à son tour différents types d’activités. Le présent chapitre portera sur la structure et le rendement des intervenants de l’industrie s’étant arrogé la part du lion à chacune de ces étapes; ils seront tour à tour décrits et analysés.

Exploitations d’élevage-naissage

La chaîne de production commence avec les éleveurs-naisseurs, qui élèvent des veaux pour le reste de l’industrie. Les vaches sont sélectionnées en fonction de leurs qualités maternelles, de la qualité de leur viande et d’autres traits. L’accouplement se fait au début de l’été et le vêlage a lieu le printemps suivant. Dans la plupart des exploitations, l’ensemble du processus d’élevage-naissage se déroule exclusivement sur des parcours herbeux, où les vaches pâturent et allaitent leurs veaux jusqu’à ce qu’ils atteignent 500 ou 600 livres. Ils sont alors sevrés et nourris principalement de fourrage.

Selon le recensement canadien de 2001, 90 066 exploitations ont rapporté posséder des vaches de boucherie, une baisse d’environ 16 % par rapport à 1996, où l’on en comptait 103 675, et une baisse d’environ 45 % par rapport à 1976, où l’on en recensait 163 863 (voir graphique 2.2). On constate une consolidation des activités dans tous les secteurs : les fermes sont moins nombreuses mais plus grosses. En 2001, le cheptel canadien de vaches de boucherie s’estimait à 4,6 millions de têtes, alors qu’il se chiffrait à 4,5 millions de têtes en 1976. Autrement dit, une exploitation moyenne de vaches de boucherie est passée de 27 à 51 bêtes entre 1976 et 2001. On trouve aujourd’hui 40 % du cheptel de vaches de boucherie dans des exploitations d’au moins 123 bêtes.

Graphique 2.2
Nombre d’exploitations canadiennes faisant l’élevage de bovins de boucherie

Graphique 2.2 Nombre d’exploitations canadiennes faisant l’élevage de bovins de boucherie

En partie à cause de la crise de l’ESB, le cheptel canadien de vaches de boucherie a atteint un peu plus de 5 millions de têtes au 1er janvier 2004, une taille record. Dans l’Est, le cheptel se chiffrait à 706 700 têtes, soit 14 % de la totalité des vaches de boucheries du pays, alors que l’Ouest comptait 4 314 000 têtes ou 86 % du cheptel total. C’est surtout pour des raisons de climat que l’élevage des bovins de boucherie se concentre dans l’Ouest du pays, loin des principaux centres de consommation.

D’un autre côté, on retrouve davantage d’exploitations laitières dans l’Est ou le centre du Canada que dans l’Ouest. Étant donné que la production laitière ne dépend pas autant du climat que la production de viande de bœuf, que les produits laitiers se conservent relativement moins longtemps et qu’ils coûtent plus cher à transporter, il importe de rapprocher les exploitations laitières des consommateurs. C’est pourquoi leur répartition colle davantage au modèle démographique du pays que les élevages de bovins de boucherie. En outre, les vaches de réforme constituent une plus grande source de bœuf à ragoût et de bœuf haché pour l’Est que pour l’Ouest. Celles-ci sont exportées pour abattage aux États-Unis de manière disproportionnée par rapport aux vaches de boucherie, parce que la capacité d’abattage du Canada n’est pas suffisante pour ce type de bovins. Dans l’Est, le cheptel de vaches laitières comptait 836 000 têtes au 1er janvier 2004, soit 78 % de l’ensemble des 1 077 100 vaches laitières du Canada. Dans l’Ouest, il se chiffrait à 241 000 têtes, soit 22 % du total national. En raison de la grande amélioration de leur productivité, le nombre de vaches laitières est en baisse constante; on en dénombrait trois millions en 1960.

Parcs d’engraissement

Les exploitants de parcs d’engraissement fournissent une nourriture riche en protéines aux jeunes vaches, pesant habituellement entre 600 et 800 livres, qu’ils achètent des éleveurs, jusqu’à ce qu’elles aient atteint un poids se situant entre 1 200 et 1 400 livres et soient prêtes pour l’abattoir. Au début, le régime des veaux consiste en fourrages pour progressivement se composer à 90 % de céréales. Un régime à base de céréales favorise la production d’une viande persillée tendre.

Tableau 2.1
Capacité d’élevage des parcs d’engraissement de l’Alberta et de la Saskatchewan — 1er janvier 2004

Tableau 2.1 Capacité d’élevage des parcs d’engraissement de l’Alberta et de la Saskatchewan — 1<sup>er</sup> janvier 2004

Il existe des statistiques sur les parcs d’engraissement de l’Alberta et de la Saskatchewan. Au 1er janvier 2004, il y avait 212 parcs d’engraissement en Alberta et 28 en Saskatchewan. Le tableau 2.1 donne la répartition des parcs d’engraissement en fonction de la taille (capacité limite) en Alberta et en Saskatchewan. Lorsqu’on répartit les parcs d’engraissement par catégorie selon qu’ils comptent de 1 000 à 5 000, de 5 001 à 10 000 ou plus de 10 000 bêtes, on constate que la capacité totale est distribuée assez également en Saskatchewan. Ce n’est pas le cas pour les parcs d’engraissement de l’Alberta. Onze parcs d’engraissement de l’Alberta d’une capacité de plus de 20 000 bêtes représentent à eux seuls 35 % de la capacité totale des parcs d’engraissement de l’Alberta. Le parc d’engraissement moyen a une capacité limite de 1 000 à 5 000 bêtes; il y en 130 dans cette catégorie en Alberta, mais ils ne représentent globalement que 20 % de la capacité totale pour la province.

Graphique 2.3
Regroupement et concentration des parcs d’engraissement
en Alberta — 1991 et 2002

Graphique 2.3 Regroupement et concentration des parcs d’engraissement en Alberta — 1991 et 2002

Le graphique 2.3 indique qu’il y a également eu consolidation dans ce secteur de l’industrie. En Alberta, le nombre de parcs d’engraissement est descendu de 229 en 1991 à 212 en 2003. Durant cette période, la production annuelle des parcs d’engraissement est passée de 927 000 à 2 millions de bêtes. La production annuelle moyenne a donc augmenté de 4 048 à 11 538 bêtes. Le nombre de parcs d’engraissement d’une capacité de plus de 10 000 bêtes est passé de 12 à 36 entre 1991 et 2003, et leur pourcentage de la production a presque doublé puisqu’il s’est porté de 31 % à 59 %.

Abattoirs et autres usines de transformation

Les abattoirs  tuent les bovins dont la carcasse pesait en moyenne 836 livres en 2003. La viande y est découpée, parée et emballée pour ensuite être acheminée vers les détaillants, les distributeurs ou les restaurants et traiteurs; les sous-produits, comme le cuir, les abats et la farine d’os, sont vendus à d’autres clients. Parce que ces activités  consistent en des processus de réduction (de la carcasse de l’animal aux coupes de viande spécialisées), les abattoirs économisent sur les coûts de transport en s’installant à proximité des exploitations de naissage et des parcs d’engraissement plutôt que des centres de consommation du pays. C’est la raison pour laquelle la majorité des abattoirs sont situés en Alberta et en Saskatchewan.

Les abattoirs sont inspectés soit par le gouvernement fédéral soit par le gouvernement provincial; le présent chapitre porte sur les abattoirs et autres établissements de transformation sous contrôle fédéral. Le tableau 2.2 montre qu’il y a 19 abattoirs pour le bœuf inspectés par le gouvernement fédéral au Canada, dont la capacité d’abattage hebdomadaire va de 25 bêtes à Lacombe (Alberta) à 22 000 bêtes à Brooks (Alberta). La capacité totale d’abattage par semaine s’élève à plus de 73 725 bêtes et l’Alberta mène avec 49 325 bêtes.

Tableau 2.2
Abattoirs canadiens inspectés par le gouvernement fédéral — 2003

Tableau 2.2 Abattoirs canadiens inspectés par le gouvernement fédéral — 2003

Graphique 2.4
Nombre de vaches abattues dans les établissements inspectés par le gouvernement fédéral

Graphique 2.4 Nombre de vaches abattues dans les établissements inspectés par le gouvernement fédéral

Le graphique 2.4 donne à entendre que la forte concentration de la propriété dans l’industrie canadienne du bœuf  pourrait s’expliquer par les fusions qui ont eu lieu entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. Le nombre de bovins abattus a diminué progressivement pour passer d’un point culminant d’environ 4,5 millions en 1976 au point le plus bas de 2,7 millions en 1993. De nombreux abattoirs ont fermé leurs portes dans l’intervalle. Par la suite, le nombre d’abattages a augmenté pour se stabiliser autour de 3,2 à 3,4 millions de bêtes jusqu’à la crise de l’ESB en 2003.

Détaillants

Les détaillants alimentaires, qui englobent par définition les supermarchés, épiceries et autres établissements d’alimentation et comptent au total 8 342 magasins, vendent plus de 25 000 articles. En 2002, leur chiffre de ventes a été de 64 milliards de dollars et ils employaient 400 000 personnes. La marge de profit sur tous les articles vendus dans ces magasins représente en moyenne entre 1 % et 2 % des ventes.

Les ventes des épiceries ont continuellement affiché une avance sur l’économie canadienne au cours des quelques dernières années, augmentant en moyenne de 4 % par année. Malgré cette solide performance, les épiceries canadiennes traditionnelles ont vu leur part du marché des ventes au détail diminuer constamment. D’autres types de magasin de détail, comme les pharmacies, les grandes surfaces et les clubs-entrepôts, se sont lancés dans la vente au détail d’aliments pour faire profiter les consommateurs des avantages du «  guichet unique  ». Par conséquent, le vaste choix de circuits de distribution de détail pour les produits d’épicerie de base a intensifié la concurrence à l’égard du dollar du consommateur et favorisé le brouillage des circuits. Le secteur du commerce alimentaire de détail a donc vu sa part des ventes au détail tomber à 22 % en 2002. Le tableau 2.3 donne la part de marché des ventes d’épicerie des dix plus grands détaillants au Canada en 2002.

Tableau 2.3
Dix plus grands détaillants alimentaires au Canada selon les ventes et la part du marché — 2002

Tableau 2.3 Dix plus grands détaillants alimentaires au Canada selon les ventes et la part du marché — 2002

Les épiceries de détail canadiennes ont vendu 240 milliards de kilogrammes de bœuf et de produits du bœuf d’une valeur de 2,1 milliards de dollars en 2003. La promotion dynamique des ventes orchestrée par de nombreux détaillants alimentaires pour venir en aide aux éleveurs canadiens tout au long de l’année a fait augmenter la consommation de bœuf au Canada de 5 % par rapport à 2002. Cette augmentation se compare très favorablement à la performance plutôt médiocre des années précédentes, quoiqu’elle  ne soit pas supérieure à la hausse de consommation du poulet (5 %) et du porc (9 %) au cours des douze derniers mois. D’après les données sur les prix lus optiquement d’AC Nielsen, le prix moyen du bœuf et des produits du bœuf a diminué de 13,8 % entre mai et décembre 2003.

Concurrence

Depuis un certain temps déjà — au moins deux décennies — tous les secteurs de l’industrie du bœuf sont témoins de fusions, les participants restants devenant plus gros — beaucoup plus gros. Par exemple, d’après les données de recensement de Statistique Canada, la taille des exploitations des éleveurs-naisseurs a presque doublé au cours des 25 dernières années pour passer d’une moyenne de 27 bêtes en 1976 à 51 bêtes en 2001. Toutefois, le nombre des exploitants s’élevant à 90 000, ce secteur est le moins concentré de l’industrie. Les gains en efficience semblent être la raison première de ces fusions. En effet, les données révèlent que les prix de détail des produits du bœuf ont augmenté au même rythme que l’inflation générale des prix des biens et services au cours des quelques dernières années. Par ailleurs, les prix à la production du bétail ont diminué en tant que pourcentage des prix de détail. Ces deux tendances semblent appuyer les allégations de gains en efficience.

Il y aurait également eu regroupement dans le segment des parcs d’engraissement, le nombre des exploitations en Alberta ayant diminué de 229 en 1991 à 208 en 2002 pour regrimper à 212 en 2004. Il n’existe pas de données nationales, mais les données pour l’Alberta et la Saskatchewan laissent entrevoir une tendance vers des parcs d’engraissement moins nombreux, mais plus gros. Les gains en efficience semblent être à nouveau le motif, puisque ce secteur de l’industrie n’est pas dominé par un petit nombre d’exploitants. 

La situation n’est cependant pas la même dans le secteur de l’abattage. Au premier coup d’œil, il semblerait que les 19 abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral et les quelques centaines d’exploitations inspectées par les gouvernements provinciaux2 assurent une concurrence suffisante. Toutefois, l’industrie de la viande de l’Ouest du Canada est caractérisée par un triopole composé de Cargill Foods, Lakeside Packers (une division de Tyson Foods) et XL Beef, à qui quelques petits rivaux viennent livrer concurrence. Dans l’Est et le centre du Canada, l’industrie est également concentrée — quoique dans une mesure moindre — puisque Better Beef Limited a une capacité d’abattage de 8 500 bovins par comparaison à une capacité d’abattage régionale de 19 525 bêtes par semaine, soit 43,5 % du total.

Dans l’Ouest du Canada, Cargill Foods, Lakeside Packers Ltd. et XL Beef peuvent abattre 51 500 bêtes par semaine alors que la capacité d’abattage totale est de 54 200 bovins. Ces trois entreprises contrôlent donc 95 % de l’industrie du bœuf de l’Ouest. Elles sont aussi intégrées verticalement, car elles possèdent des parcs d’engraissement, l’acquisition de bovins appartenant aux abattoirs ayant représenté en moyenne 16 % des ventes de bovins en Alberta au cours des six dernières années3. D’aucuns affirment que, comme les abattoirs du Colorado, ceux de l’Alberta sont plus verticalement intégrés (en termes de pourcentages) que leurs homologues du Kansas, du Nebraska ou du Texas de sorte qu’il leur est plus facile de gérer l’aspect saisonnier de l’approvisionnement en bovins gras au Canada. Une intégration verticale partielle garantit aux abattoirs un approvisionnement en bovins gras plus sûr et plus régulier tout au long de l’année, ce qui réduit les risques d’investissement tout en permettant de plus grandes économies d’échelle.

Cargill Foods et Lakeside Packers Ltd. sont des filiales de multinationales basées aux États-Unis qui peuvent compter sur une infrastructure de marché considérable aux États-Unis, au Japon, au Mexique et dans d’autres grands pays importateurs de viande de même que sur une information au sujet de ces pays. L’appartenance à ce plus vaste réseau oblige les dirigeants de ces entreprises à utiliser les bovins et le boeuf canadiens de façon à compléter la production de leurs usines américaines, sans les concurrencer directement. Ce type d’organisation de l’entreprise conférerait apparemment un avantage concurrentiel.

Les plus petits abattoirs pourraient être désavantagés par rapport à Cargill, Tyson et XL Beef pour ce qui est des coûts unitaires de production, mais ils bénéficient quand même d’avantages particuliers. Du fait qu’ils sont beaucoup plus petits, leurs calendriers de production sont plus flexibles et il leur est plus facile de les adapter à la conjoncture du marché. Les plus petits abattoirs possèdent également une meilleure connaissance des marchés locaux et sont mieux en mesure de saisir les occasions qui peuvent y surgir.


2Par exemple, il y aurait, selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Ontario, 121 usines de transformation du bœuf inspectées par la province. Il s’agit d’établissements locaux dont les produits ne peuvent faire l’objet d’un commerce interprovincial.
3Canfax résumé hebdomadaire, volume XXXVI, numéro 6, 13 février 2004, p. 1.