Le Groupe de travail national sur les services à large bande a demandé en 2001 que soient examinées les règles en matière de propriété étrangère dans le domaine des télécommunications et de la distribution de radiodiffusion. À l’époque, il craignait que les restrictions imposées n’empêchent le secteur de participer à la mise en place, de manière concurrentielle, de l’infrastructure à large bande au Canada. Depuis, dans le cadre de sa Stratégie d’innovation du Canada, Industrie Canada a consulté la population et le monde des affaires, qui ont eux aussi appelé à un tel examen. Les intéressés ont dit à cette occasion craindre que les restrictions n’entravent l’apport de capitaux et ne découragent éventuellement la venue de spécialistes hautement qualifiés. Or, ces deux facteurs sont porteurs d’innovation dans l’un des secteurs fondamentaux de l’économie du savoir que les Canadiens bâtissent depuis un certain temps et que le gouvernement encourage activement.
Bien que ces deux appels à un examen des règles en matière de propriété étrangère dans le secteur des télécommunications et de la distribution de radiodiffusion1 soient relativement récents, les préoccupations qui y ont donné lieu datent déjà d’un certain temps, soit de l’ouverture du secteur à la concurrence, laquelle s’est faite à la faveur des avancées dans les technologies d’information et de communications. Ces nouvelles technologies novatrices changent radicalement la structure du secteur. Les techniques numériques et de compression des données, ainsi que les câbles à fibres optiques, qui transmettent les informations sous forme d’impulsions lumineuses, les systèmes sans fil, qui font appel au spectre électromagnétique, et Internet, réseau grande distance de couverture mondiale, rendent possible la transmission des communications de données et vocales et les services de divertissement audio et vidéo par téléphone, micro-ondes, satellite et entreprise de câblodiffusion. En raison de contraintes technologiques, les communications audio et vidéo étaient traditionnellement le fief des réseaux et des entreprises de télévision, de radio et de téléphonie. Les progrès récents ont estompé les frontières conventionnelles entre télécommunications, distribution de radiodiffusion et traitement et préparent la convergence des services de diffusion des informations par le truchement ce que l’on appelle « l’autoroute de l’information ».
Les fournisseurs de services téléphoniques, les entreprises de distribution de radiodiffusion et les fournisseurs indépendants d’accès Internet, qui se disputent la même clientèle pour ce qui est des services à large bande et des services Internet, sont impatients de bâtir cette autoroute de l’information. Cet enthousiasme mercantile présente des avantages et des inconvénients. Du côté négatif, il faut dire que l’élaboration simultanée de services, menée dans un contexte de libre concurrence, conduit à des doubles emplois au niveau de l’infrastructure. Du côté positif, il est à noter que l’évolution vers une structure de marché plus concurrentielle annonce une augmentation des services à valeur ajoutée, une gestion plus efficiente et une mise en place plus efficace de l’infrastructure de télécommunications autant de facteurs qui, sans doute, compenseront largement les doubles emplois. Quoi qu’il en soit, le climat concurrentiel va à l’encontre de la structure de monopole naturel, qui caractérise depuis longtemps les réseaux de télévision par câble et de téléphonie, et d’une réglementation contraignante2.
Pendant la transition allant du monopole à la libre concurrence, l’organe de réglementation canadien, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC), a décidé de s’abstenir de réglementer certains services. Cette démarche est fondamentalement différente de la déréglementation pure et simple, en ce sens que l’organe de réglementation décide de manière discrétionnaire des moyens, des modalités et des délais de mise en vigueur. En pratique, elle signifie une supervision limitée du secteur ou l’adoption de moyens de réglementation moins lourds (« modèle de réglementation souple »). Au Canada, les formules traditionnelles et réglementées de tarification par interfinancement entre les divers services de télécommunications et l’engagement vis-à-vis d’un service universel demeurent inchangées. Toute étude des règles en matière de propriété étrangère dans le domaine des télécommunications devra donc prendre en compte l’incidence de telles règles sur les politiques publiques et sur les pouvoirs et les possibilités d’abstention du CRTC.
Le discours du Trône de 2002 soulignait qu’il fallait, dans toute économie axée sur le savoir, adopter des démarches plus innovatrices en matière de réglementation : le concept de « réglementation intelligente » était lancé. À la demande du ministre de l’Industrie, le Comité a reçu pour mandat d’examiner toutes les restrictions en matière de propriété étrangère dans le domaine des télécommunications. Des restrictions analogues s’appliquent également aux entreprises de distribution de radiodiffusion la seule différence tient au fait que le chef de la direction de ce type d’entreprises doit être canadien, ce qui n’est pas le cas de celui d’une entreprises de télécommunication et sont examinées simultanément par le Comité permanent du patrimoine de la Chambre des communes dans le cadre d’une étude générale du secteur de la radiodiffusion.
Le mandat dont nous sommes chargés est d’examiner l’incidence des restrictions en matière de propriété étrangère applicables aux entreprises de télécommunications sur le secteur dans son ensemble et de voir s’il est possible de les modifier sans compromettre les intérêts nationaux. Pour ce faire, le Comité a articulé son rapport selon quatre chapitres. Dans le premier, il se penche sur les restrictions en matière de propriété étrangère du Canada par comparaison à celles d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Comité étudie également la position relative du Canada pour ce qui est de ses engagements de libéraliser les services de télécommunications par comparaison à ceux d’autres pays signataires de l’Accord sur les télécommunications de base. Dans le chapitre 2, le Comité analyse les allégations d’incidences négatives des restrictions en matière de propriété étrangère imposées sur l’investissement ainsi que sur la structure et la stabilité financière du secteur au Canada. Il étudie également le cadre législatif et la structure réglementaire du secteur des télécommunications pour établir si ces derniers encouragent les investissements et l’innovation. Au chapitre 3, le Comité envisage diverses règles de propriété étrangère et autres instruments de politique dans le contexte de cinq scénarios. Il retient celui qu’il estime être le plus à même de concilier l’objectif qui consiste à conserver l’identité et la souveraineté canadiennes et celui qui vise à encourager l’IED comme moyen de maintenir des services et une infrastructure de télécommunications modernes. Au chapitre 4, le Comité cherche à déterminer si un remaniement des restrictions en matière d’IED dans le secteur des télécommunications élargira l’accès aux technologies nouvelles dans le secteur ou améliorera les services destinés aux consommateurs. Il traite de la question de la convergence technologique et se demande si les entreprises de distribution de radiodiffusion devraient être assujetties aux mêmes règles en matière de propriété étrangère que les entreprises de télécommunications. Enfin, la conclusion résume les recommandations du Comité au gouvernement.
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Cette nouvelle économie repose sur le capital intellectuel, et non sur des biens matériels, mais ce capital est tributaire des rails d’une infrastructure de communications de tout premier rang. [John McLennan, AT&T Canada, 14:15:45]
Notre infrastructure de télécommunications est peut être suffisante aujourd’hui, mais étant donné l’évolution du monde filaire, il faudra un jour investir de nouveau. Ces investissements détermineront notre compétitivité nationale et notre capacité à créer les emplois durables fondés sur le savoir dont notre avenir dépend tellement. [William Linton, Call-Net Enterprises Inc., 14:16:05]
[C]ertaines tendances sont préoccupantes. L’écart entre nos revenus et ceux de notre principal partenaire commercial, les États-Unis, se creuse. Il s’établit actuellement aux alentours de 20 %. La vive concurrence mondiale concernant les travailleurs possédant les meilleures connaissances est caractéristique d’une économie fondée sur le savoir. La part canadienne de l’investissement étranger direct en Amérique du Nord, ou l’IED, est en baisse. [Peter Harder, Industrie Canada, 12:9:35]
[S]i vous en parlez aux dirigeants des sociétés de haute technologie, ils vous diront qu’il n’y a encore aucun investissement dans le sans fil de la prochaine génération, dans les satellites de la prochaine génération, dans la télévision numérique de la prochaine génération, dans la télévision interactive, dans le sans fil interactif, dans la radio [...] Les gens de l’industrie nous disent qu’ils ont besoin de fonds. [Michael Binder, Industrie Canada,12:11:05]
J’essaie autant que possible de ne pas employer le mot « déréglementation » […] [N]ous n’avons pas tenté de passer subitement d’un monopole à une situation de totale concurrence. Nous avons entamé une période de transition au cours de laquelle le titulaire a l’obligation de subventionner le service en zone rurale ou éloignée. Le mot à […] préférer, c’est « libéralisation », [Hudson Janisch, Université de Toronto, 16:16:40]
Nous ne perdrons pas la maîtrise du marché si nous ouvrons la porte à la propriété étrangère. Le CRTC conservera les mêmes pouvoirs de réglementation. [Francis Fox, Rogers AT&T Wireless Inc., 13:16:55]
La culture et le contenu ne sont pas visés. Il est à souligner que le contexte [de cet examen] concerne les mécanismes et les objectifs en matière de politique. Il s’agit de déterminer la meilleure façon de les atteindre. [Peter Harder, Industrie Canada, 12:9:40]
La question n’est pas de savoir si nous devons modifier ces objectifs stratégiques […] Il s’agit plutôt de déterminer s’il existe de meilleurs mécanismes ou instruments permettant d’atteindre ces objectifs. [Peter Harder, Industrie Canada, 12:9:50]
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