Passer au contenu
Début du contenu

INST Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

OPINION DISSIDENTE DU
NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Restrictions à l’investissement étranger s’appliquant aux entreprises de télécommunication

 

Brian Masse, député
Porte-parole du NPD en matière d’industrie, de sciences et de technologie
Avril 2003

«  Commencer par une telle révision (sur les restrictions à la propriété étrangère) est comme vouloir réparer quatre pneus crevés de votre voiture en remplissant le réservoir d’essence. À moins de régler le vrai problème, celui qui empêche d’avancer, vous n’irez nulle part. Plus de capital étranger ne fera pas avancer la concurrence. Il ne va pas égaliser le terrain de jeu.  »

William Linton, Call-Net Enterprises Inc.


Le ministre de l’industrie, Allan Rock, a demandé au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie d’examiner la question des restrictions canadiennes à l’investissement étranger direct (IED) dans le secteur des télécommunications. Selon certains, il y a déséquilibre entre l’investissement dans le secteur et la politique publique du Canada en matière de souveraineté, créant ainsi des obstacles à l’innovation et à la croissance dans le secteur.

Dans le cadre de cette étude, le Comité a entendu plusieurs témoins et produit son rapport. Je ne puis appuyer les recommandations du rapport car il n’a pas été démontré suffisamment que la levée des restrictions à l’IED rétablira l’équilibre dans le secteur des télécommunications. En outre, de nombreux témoins ont indiqué que l’industrie dans son ensemble a un urgent besoin d’une étude plus détaillée avant que puisse être prise toute décision qui pourrait avoir des effets irréversibles sur l’industrie et les consommateurs canadiens. De plus, il ressort clairement des témoignages qu’il n’y a pas de consensus sur cette question particulière, et qu’une étude plus large s’impose. Ironiquement, dans une de ses recommandations, le Comité propose d’approfondir l’étude, mais après la levée des restrictions à l’IED. À mon avis, c’est mettre la charrue devant les bœufs, et voici à cet égard nos recommandations dissidentes que nous vous soumettons pour examen.

Liste de recommandations dissidentes

1. Que le gouvernement du Canada ordonne à un comité de la Chambre des communes d’entreprendre une étude détaillée de la structure de gouvernance des secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion au Canada, notamment pour analyser la question de la convergence technologique. L’étude devrait porter au moins sur les points suivants :
(a) la réglementation régissant le secteur des télécommunications au Canada, afin de déterminer la relation qui existe entre celui-ci et les facteurs suivants : situation de monopole, concurrence, contrôle étranger direct sur la propriété, entreprises de radiodiffusion, établissement des prix à la consommation, emploi et souveraineté nationale;
(b) démarches que le gouvernement fédéral pourrait adopter pour faciliter davantage la diffusion sur large bande dans les régions rurales et éloignées;
(c) rôle des ministères fédéraux (Industrie Canada et Patrimoine canadien);
(d) compétence et mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).
2. Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur les télécommunications pour exiger qu’elle fasse à tous les cinq ans l’objet d’un examen par un comité parlementaire.

Les technologies de l’information et des communications ont toujours joué un rôle primordial dans l’élaboration de la politique sociale, de la politique économique et de la politique publique. Depuis plusieurs années, les Canadiens voient naître et reçoivent un certain nombre de services qui ont une incidence considérable dans leur vie personnelle et professionnelle. Plus récemment, l’évolution rapide de la technologie a compliqué les relations entre les lois, la réglementation et les responsabilités des ministères. Malgré tous ces facteurs, bien des témoins ont reconnu que le Canada est un chef de file mondial pour ce qui est de la disponibilité des services, des possibilités et des prix offerts aux consommateurs.

«  D’abord, je voudrais rappeler un commentaire de M. Sabia de BCE, alors qu’il a comparu devant ce comité la semaine dernière. M. Sabia a dit, et je suis d’accord, «  Le Canada a bien fait les choses  ».

Donald Ching, président et directeur général de Sasktel

 

Le véritable objectif de l’étude du comité, c’est de mesurer l’IED et les intérêts nationaux : toutefois, bien des témoins ont traité de l’aspect philosophique de la levée des restrictions et de la relation à établir avec une concurrence accrue et l’injection rapide de capitaux. Je rappelle que plusieurs témoins se sont dit préoccupés par d’autres questions auxquelles l’industrie fait face. Pour déterminer comment il faut lever les restrictions à l’IED, il faut examiner plusieurs questions fondamentales et y répondre :

 Y a-t-il un déséquilibre dans la politique publique du Canada qui compromettrait l’accès au capital dans des intérêts nationaux?
 La levée des restrictions à l’IED corrigera-t-elle ce déséquilibre?
 Une augmentation de l’IED peut-elle améliorer la souveraineté nationale?
 L’augmentation de l’IED améliore-t-elle l’accès aux régions rurales et éloignées?
 La levée des restrictions entraînera-t-elle l’injection de nouveaux capitaux et, si oui, cela fera-t-il une différence suffisante pour l’industrie?
 L’élimination complète des restrictions est-elle le seul moyen d’accéder davantage aux capitaux?
 Les consommateurs profiteront-ils de prix réduits?

Qu’arrivera-t-il si la levée des restrictions à l’IED n’engendre que de l’incertitude qui aurait pour effet de compliquer ou d’empirer la situation actuelle de l’industrie. Voici d’autres questions sur la levée des restrictions à l’IED qui méritent une analyse plus poussée :

 Les Canadiens perdront-ils la maîtrise sur une part très importante de l’infrastructure?
 Le Parlement aura-t-il fait des changements dans l’industrie avant que celle-ci soit pleinement évaluée?
 Sera-t-il impossible ou fiscalement improbable que le Parlement puisse revenir sur ces changements si de nouvelles recommandations devaient résulter d’une étude détaillée?
 Avec la levée des restrictions, sera-t-il plus compliqué d’investir sachant que la Chambre et le Sénat étudieront la question plus à fond?
 Cette démarche axée sur l’IED nuit-elle davantage à l’industrie et a-t-elle une incidence néfaste sur les consommateurs et la culture canadienne?
 La question porte-t-elle vraiment sur le contrôle, puisqu’il n’y a actuellement aucune restriction concernant l’investissement étranger sans droit de vote?

Opinion dissidente concernant les recommandations du Comité

Malgré plusieurs propositions de rechange à la levée immédiate des restrictions à l’IED, il est recommandé au gouvernement du Canada dans le présent rapport d’éliminer toutes les exigences à l’égard de la propriété canadienne. Cette approche expose l’ensemble de notre infrastructure des télécommunications au reste du monde et pourrait mener à la disparition complète d’entreprises contrôlées par des intérêts canadiens. En outre, elle ne tient aucunement compte du fait que, dans bien des sociétés canadiennes, les options d’IED avec droit de vote n’ont pas atteint leur nombre limite et pourraient encore devenir plus nombreuses dans le contexte juridique actuel.

De plus, cette approche ne tient pas compte des conséquences d’une telle décision concernant la souveraineté nationale, la protection des consommateurs, l’emploi et la relation entre la prise d’une telle mesure et la conduite d’une étude plus détaillée comme il est proposé dans les recommandations contenues dans le présent rapport. Ce que nous savons, c’est que les Canadiens sont préoccupés par cette question :

«  Les Canadiens sont contre un accroissement de la propriété étrangère. Selon un sondage Decima, 72 % des Canadiens sont opposés aux modifications que certains envisagent et défendent.  »

M. Brian Payne, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier

Pour ces raisons et d’autres, il est à mon avis primordial de ne pas modifier la réglementation de l’IED d’une manière isolée.

En plus des questions susmentionnées, plusieurs autres méritent d’être mentionnées et analysées plus à fond : accès aux capitaux, concurrence loyale, accords de partage de l’infrastructure, nouveaux venus et participants actuels, stratégies commerciales et bien d’autres questions d’ordre culturel. Le simple fait que bien des entreprises, représentants de l’industrie, experts, organismes, universitaires et organismes gouvernementaux ont soulevé diverses questions dans des contextes fort différents justifie un examen approfondi d’un actif national avant d’envisager la solution la plus radicale : éliminer complètement les restrictions à l’IED.

En conclusion, je ne crois pas que l’interdiction immédiate de l’IED mette fin au processus ou au débat mais, suscitera plutôt un examen plus détaillé des questions prioritaires auxquelles l’industrie fait face. Comme disait Alexander Graham Bell, «  Lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre; mais nous contemplons si longtemps et avec tant de regret la porte fermée que nous ne voyons pas celles qui nous sont ouvertes.  » Le Comité n’a pas travaillé inutilement; il a plutôt ouvert une porte plus grande dont nous devons d’abord franchir le seuil. Cela en soi entraînera des améliorations qui permettront aux compagnies d’attirer des capitaux à moindre coût comme M. Leonard Asper l’a indiqué dans son témoignage : «  C’est pourquoi il suffirait que le marché soit perçu comme plus ouvert pour inciter Can West et d’autres compagnies ayant des visées internationales à entreprendre ce genre de pourparlers avec des compagnies internationales qui peuvent compter sur un cours du marché ou une monnaie plus forte.  »