Passer au contenu
Début du contenu

HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 3 juin 2003




¿ 0910
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         M. Roch Carrier (administrateur général, Bibliothèque nationale du Canada)
V         M. Ian Wilson (archiviste national, Archives nationales du Canada)
V         M. Roch Carrier

¿ 0915

¿ 0920
V         M. Ian Wilson

¿ 0925

¿ 0930
V         M. Roch Carrier

¿ 0935
V         M. Ian Wilson

¿ 0940
V         M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Roch Carrier
V         Le président
V         M. Roch Carrier
V         M. Ian Wilson

¿ 0945
V         M. Roch Carrier
V         M. Ian Wilson
V         M. Chuck Strahl
V         M. Ian Wilson
V         Le président
V         M. Chuck Strahl

¿ 0950
V         M. Roch Carrier
V         M. Chuck Strahl
V         M. Ian Wilson

¿ 0955
V         M. Chuck Strahl
V         Le président
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ)
V         M. Roch Carrier
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold

À 1000
V         M. Roch Carrier
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         M. Roch Carrier
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)

À 1005
V         M. Ian Wilson
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Wilson
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Wilson
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Wilson
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Wilson
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)

À 1010
V         M. Ian Wilson
V         M. Roch Carrier
V         Le président

Á 1100

Á 1105
V         M. Michel Beauchemin (coordonnateur, Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright (DAMIC))

Á 1110
V         Mme Marian Hebb (conseillère juridique, Creators Copyright Coalition)

Á 1115
V         M. Michel Beauchemin
V         Le président
V         Mme Francine Bertrand-Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec, Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright (DAMIC))

Á 1120
V         Le président
V         Mme Janet Lunn (ancienne présidente, Writers' Union of Canada)

Á 1125
V         Le président
V         Mme Marian Hebb
V         Le président
V         M. Fred Hosking (président, Public History Inc.)

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Howard Knopf (avocat spécialisé dans le droit d'auteur, À titre individuel)

Á 1140

Á 1145
V         Le président
V         M. Howard Knopf
V         Le président
V         M. Howard Knopf
V         Le président
V         M. Chuck Strahl

Á 1150
V         M. Fred Hosking
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)
V         Mme Francine Bertrand-Venne

Á 1155
V         M. Réal Ménard
V         Mme Francine Bertrand-Venne
V         M. Réal Ménard
V         Mme Francine Bertrand-Venne
V         M. Réal Ménard
V         Mme Francine Bertrand-Venne
V         M. Réal Ménard
V         Mme Francine Bertrand-Venne
V         Le président
V         M. Alex Shepherd (Durham, Lib.)
V         Mme Marian Hebb
V         Le président
V         M. Alex Shepherd
V         Le président
V         M. Fred Hosking

 1200
V         Le président
V         Mme Marian Hebb
V         Le président
V         Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.)
V         M. Michel Beauchemin
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Marian Hebb

 1205
V         Le président










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 juin 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte.

[Français]

    Le comité se réunit pour examiner le projet de loi C-36, la Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence.

[Traduction]

    J'aimerais signaler aux membres du comité que nous allons entendre nos deux témoins principaux jusqu'à 10 heures. Puis, notre comité se réunira à huis clos pour étudier pendant une demi-heure nos travaux futurs. Nous devrons débattre de quelques motions et d'une question sur l'examen du droit d'auteur dont notre comité sera saisi. Puis, nous reprendrons notre séance officielle à 10h30 pour entendre d'autres témoins sur le projet de loi C-36.

    Pour l'heure, j'accueille avec grand plaisir M. Ian Wilson, archiviste national, et M. Roch Carrier, administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada. Notre comité connaît bien ces deux personnes qui sont précédées de leur réputation.

    Monsieur Carrier, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Roch Carrier (administrateur général, Bibliothèque nationale du Canada): Merci, monsieur le président. Au nom de mon collègue, Ian Wilson, et de tous les employés de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales, j'aimerais vous remercier, monsieur le président ainsi que les membres du comité, pour l'attention que vous nous donnez ce matin, ainsi que pour le temps que vous allez consacrer à notre projet. Ce projet est un projet excitant et un projet dans lequel se sont engagés presque tous nos employés. Nous avons la conviction que c'est un projet pour l'avenir.

[Traduction]

+-

    M. Ian Wilson (archiviste national, Archives nationales du Canada): Monsieur le président et mesdames et messieurs, M. Carrier et moi avons le privilège de diriger deux des institutions les plus extraordinaires du Canada, qui se distinguent par leurs décennies de service, par une longue tradition, par leurs collections et par la grande compétence de leurs employés.

    Créées quelques années après la Confédération, les Archives nationales ont constitué le premier programme culturel actif du nouveau gouvernement du Canada. Elles ont été établies délibérément à titre d'institution culturelle qui devait fournir aux chercheurs et aux auteurs l'accès aux dossiers originaux authentiques de l'expérience canadienne.

    Un de mes prédécesseurs, c'est-à-dire le deuxième archiviste du Dominion, sir Arthur Doughty—et j'ajouterais, pour votre gouverne, que je suis le septième archiviste depuis 1872, tandis que M. Carrier est le quatrième administrateur général de la Bibliothèque nationale depuis la création en 1953 de la Bibliothèque nationale—a dit ceci, en parlant des ambitions qu'il avait pour les Archives nationales:

«De tous les biens de la nation, les archives sont les plus précieux. Ils représentent le legs d'une génération à la suivante et le soin dont on les entoure donne la mesure de notre civilisation».

    Il a donc entamé une longue et extraordinaire démarche de collection, faisant l'acquisition, eh oui, des dossiers officiels du gouvernement du Canada, et comme il reconnaissait la nécessité de rapatrier nos dossiers datant de la colonie, il a commencé à acquérir le matériel dans le secteur privé, de même qu'à acquérir des portraits, de l'art documentaire, des publications, et du matériel sous toutes les formes, pour documenter l'expérience canadienne. Il a exposé toutes ces acquisitions, et bon nombre des collections qu'il a acquises forment aujourd'hui les fondements du Musée national de la guerre. Elles se retrouvent également au Musée des civilisations et ailleurs, puisque jusque dans les années 60, les Archives et la Bibliothèque constituaient en fait le musée, la tribune publique permettant de comprendre et d'appréhender l'histoire du Canada.

    Mais au XXIe siècle, nous sommes à l'ère de l'information. La convergence de l'entreposage de l'information et des télécommunications modifie les besoins et les attentes des Canadiens en ce qui concerne l'accès à l'information touchant le Canada, notre société, qui nous sommes et ce que nous avons accompli comme peuple. Les Canadiens s'attendent à pouvoir avoir accès aux documents et ils exigent de leurs institutions nationales qu'elles soient dignes d'intérêt, qu'elles ouvrent grandes les portes pour leur permettre de comprendre directement leur histoire, leur collectivité et le vécu de leur pays. Ils constatent pour la première fois que les collections de la Bibliothèque et des Archives—formées de journaux et de répertoires municipaux, de même que de dossiers d'immigration, de recensement et de guerre, etc.—sont une source de documentation détaillée sur l'expérience canadienne et ils s'attendent à pouvoir les consulter.

    Dans une société de l'information, nos employés et nous-mêmes sommes fermement convaincus que la Bibliothèque et les Archives du Canada ne doivent pas devenir une institution au service uniquement des universitaires—et nous maintiendrons nos services à ces derniers—mais qu'elles doivent être une institution de plus en plus pertinente pour les Canadiens de tout âge, partout au Canada. Voilà l'ambition que nous avons aujourd'hui.

[Français]

+-

    M. Roch Carrier: Mon collègue a souligné l'importance des changements qu'apporte la technologie. J'aimerais juste vous donner une toute petite indication. Nous avons, par exemple, à la Bibliothèque nationale du Canada, un département de musique. Dans le passé, nous recevions 300 chercheurs annuellement. Maintenant que nous sommes en ligne, nous recevons chaque mois plus de 100 000 visites environ. Cela donne un exemple de l'extrême possibilité d'accès qu'ont maintenant les Canadiens à une collection unique.

    Ian et moi avons été nommés à peu près en même temps. Avant d'être nommés, nous avons lu le rapport English, rapport qui est infiniment respectable, qui a une vision que je compare parfois au rapport Massey-Lévesque, qui a eu tellement d'importance en son temps. Ce rapport English suggère entre les deux organisations une collaboration qui peut-être n'existait pas anciennement. Ian et moi avons parlé de ce rapport. Nous avons discuté ensemble et nous nous sommes aperçu des très nombreuses possibilités que nous avions de travailler ensemble.

    Pour toutes sortes de raisons historiques, il y avait des divisions assez difficiles à comprendre. Par exemple, Ian est responsable des cartoons, des caricatures dans les journaux; moi, je suis responsable des journaux. Je suis responsable des voix; Ian est responsable des images qui donnent les voix, etc. Alors, comme nous sommes tous les deux assez pratiques, nous avons convenu que ça n'avait pas de bon sens et que ce qui aurait du bon sens serait de réunir l'immense richesse dont nous sommes responsables, richesse du patrimoine documentaire canadien. Nous avons la responsabilité de recueillir ce patrimoine, de l'organiser afin qu'on le retrouve plus tard.

    À la Bibliothèque nationale et aux Archives du Canada, on ne perd pas de documents. On a un système qui nous permet d'identifier ces documents et de les retrouver. Nous avons la responsabilité, une responsabilité immense aussi, une responsabilité nationale de préserver ces documents, parce que si nous perdons aujourd'hui des documents, dans 50 ans, dans 300 ans, ces documents-là seront inaccessibles. Et nos institutions sont au sujet de l'accès.

    Nous nous sommes bien sûr aperçu que nous avons un personnel dévoué et professionnel. Le personnel des archives et celui des bibliothèques sont peut-être les professionnels qui ont le plus rapidement utilisé ou compris les possibilités de la technologie pour donner accès. Enfin, nous avons les mêmes défis concernant les ressources, la préservation à long terme.

    Donc, après avoir parlé, discuté, nous avons commencé à mettre en place les modifications recommandées par le rapport English et nous avons réalisé que cette logique-là devait nous mener plus loin. C'est ainsi que nous avons commencé à développer ce que nous appelons la vision de l'institution pour le futur.

    À quoi ressemble cette vision? À quoi ressembleront la Bibliothèque et les Archives du Canada? Bien sûr, nous construisons sur la continuité, et notre choix est la transformation. Alors, il ne s'agit pas d'amener ensemble deux organisations sans les transformer. « Transformation » est le mot magique. Nous sommes en train de « transformer » deux institutions en une nouvelle institution qui sera Bibliothèque et Archives du Canada, une institution de savoir unique, moderne, dont le but est de répondre aux besoins changeants du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens.

    Le but premier de Bibliothèque et Archives du Canada consiste à préserver, faire connaître notre héritage le plus important, soit le savoir de l'expérience canadienne, le savoir que les Canadiens, dans toute leur diversité, dans toutes les régions du Canada, ont accumulé. Comment négocier avec les défis qui sont parfois les défis du monde et que nous, Canadiens, avons réussi à trouver pour orienter notre voie vers le futur.

¿  +-(0915)  

    Le rôle de la nouvelle institution sera aussi de permettre un accès facile à l'information pertinente pour les Canadiens. Notre pays est un immense pays et personne ne devrait être défavorisé en ce qui concerne l'accès. La technologie des systèmes de communication permet maintenant à quelqu'un qui est au nord, au sud, à l'est ou l'ouest d'avoir un accès facile à l'information pertinente qu'il recherche. Nous serons donc une ressource fondamentale pour l'éducation et nous savons que dans toutes les régions du Canada, l'éducation a besoin d'un peu d'aide, d'un peu de soutien, et notre collection sera là pour aider ceux qui en ont besoin.

    Comment allons-nous réaliser cette vision? En quatre points. Premièrement, nous allons continuer d'accumuler une collection exhaustive de documents appartenant au patrimoine canadien, reflétant la diversité de plus en plus présente de notre peuple qui change et reflétant aussi la recherche très multiple de la connaissance.

    Nous allons préserver adéquatement ces documents. Nous allons les organiser de façon à les retrouver plus tard, les organiser de façon experte. Enfin, par l'accès, nous allons mettre ces richesses à la disposition de tous les Canadiens.

¿  +-(0920)  

[Traduction]

+-

    M. Ian Wilson: Roch Carrier a mentionné l'exhaustivité de notre collection. Permettez-moi de vous parler brièvement de cette collection dont nous sommes tous deux responsables. Peu de Canadiens la connaissent et savent à quel point elle est étendue, exhaustive, détaillée; elle l'est, car elle est et sera formée à partir de toutes les formes de documentation qui constituent le patrimoine documentaire du Canada. Ce dernier est en bonne partie unique, car il n'existe souvent qu'en un seul exemplaire, qu'il est irremplaçable, fragile et impossible à trouver ailleurs qu'au Canada. En effet, cette collection met l'accent principalement sur le Canada et sur l'héritage canadien. C'est une collection multimédia, puisque depuis déjà 100 ans, nous collectionnons toutes les formes de matériel documentaire servant à illustrer le Canada, sa diversité et sa complexité.

    Nous possédons actuellement quelque 19 millions de livres et de périodiques, de même que de grandes collections de journaux canadiens, de microfilms tirés à partir de nombreuses sources de journaux et de répertoires municipaux. Nous avons des manuscrits littéraires. À nous deux, nous possédons les manuscrits de beaucoup de grands écrivains canadiens de même que la totalité des publications du gouvernement du Canada.

    À cela s'ajoutent 156 kilomètres de documents textuels uniques de type gouvernemental et autres. Si vous preniez toutes les boîtes qui se trouvent aux archives et les aligniez, nous pourrions presque nous rendre jusqu'à Montréal. On y trouve les documents complets du Cabinet, c'est-à-dire les décrets. Comme me le rappelle le tableau accroché au mur, nous possédons également les manuscrits privés de nombreux Pères de la Confédération.

    Le tableau qui se trouve derrière moi et qui évoque le monument de la crête de Vimy me rappelle que nous détenons les dossiers complets de service de tous les Canadiens qui ont combattu pendant les deux grandes guerres. Nous avons en notre possession les journaux de guerre de la crête de Vimy et de toutes les autres grandes batailles de la Première Guerre mondiale. Nous détenons également tous les registres d'immigration et la plupart des registres de recensement, de même que les registres de la Nouvelle-France et du régime colonial britannique. Nous avons les documents d'hommes d'affaires appartenant à tous les secteurs d'activité, de même que les dossiers de nombreux syndicats, clubs et associations canadiens, c'est-à-dire tous ces groupements qui ont fait du Canada le pays qu'il est aujourd'hui. Nous détenons également les dossiers des partis politiques et des dirigeants politiques de tous les partis à la Chambre des communes.

    Cette collection est extraordinaire, et il ne s'agit là que des documents textuels.

    Nous détenons 21 millions de photographies prises au Canada de gens, de lieux et d'événements, de 1840 à aujourd'hui, et qui incluent l'entière collection de photographies de Yousuf Karsh. Nous avons des images extraordinaires des dirigeants autochtones dans l'Ouest, qui sont des photographies prises lors de l'expédition Hind dans les années 1850—ce sont des images extraordinaires de gens et de lieux. À cela s'ajoutent des portraits représentant plus d'un million de Canadiens—comme les quatre peintures à l'huile des quatre chefs mohawks par le peintre de la Cour Verelst à l'occasion de leur rencontre avec la Reine Anne, en 1710 à Londres. C'est nous qui possédons les originaux. Nous venons tout juste d'acquérir des tableaux du gouverneur Vaudreuil et de sa femme, le seul couple de la Nouvelle-France et le seul Canadien à avoir été gouverneur de la Nouvelle-France.

    Nous possédons presque trois millions de cartes, de même que de l'art documentaire, c'est-à-dire 300 000 oeuvres d'art documentant le paysage et les événements de l'histoire canadienne au cours des XVIIe, XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Nous possédons des enregistrements et avons conclu des ententes avec plusieurs radiodiffuseurs pour qu'ils enregistrent notre patrimoine radiodiffusé qui constitue l'une des formes les plus fugaces de notre patrimoine.

    Nous avons conclu des accords pour obtenir des films, et nous comptons quelque 50 000 titres dans notre collection de films canadiens qui remonte à 1898. Nous avons des enregistrements sonores, et le patrimoine musical de la Bibliothèque, les archives, et bien d'autres enregistrements remonte, sauf erreur, à lord Stanley dans les années 1880: il s'agit d'un enregistrement sonore de la voix de Mackenzie King inaugurant le carillon de la Tour de la paix en 1927; nous avons également les enregistrements des reporters de guerre lors du Jour du débarquement, dont nous allons marquer l'anniversaire dans quelques jours. Nous avons les enregistrements sonores des reporters de guerre canadiens et du général Vanier, le premier Canadien à atteindre les portes d'Auschwitz, racontant aux auditeurs de la CBC et de Radio-Canada ce qu'il voyait.

¿  +-(0925)  

    Vous voyez que c'est une collection phénoménale qui donne vie à l'histoire du Canada. Elle constitue le registre légal du gouvernement du Canada de même que le registre officiel de la société canadienne. C'est une collection multimédia qui est à notre image à tous, à celle de nos familles et à celle de nos collectivités.

    Nous voulons pouvoir continuer à élargir notre collection, car des nouveautés ne cessent de surgir. Avec les 21 000 bibliothèques et 800 archives du Canada qui sont nos partenaires, nous voulons nous assurer de l'existence de stratégies nationales en vue de faire en sorte que les collections qui sont logées dans les bibliothèques et dans les archives reflètent bel et bien la pleine diversité de la société canadienne, et fassent appel à tous les genres de supports, incluant les nouveaux médias comme l'Internet.

    Le projet de loi prévoit la possibilité de prendre des échantillons des sites Internet, sans restriction. Cette disposition permettra à la nouvelle institution de prélever des échantillons pour des fins de préservation, c'est-à-dire pour préserver les connaissances et la créativité des Canadiens et montrer l'évolution de notre société, pour le bénéfice de ceux qui alimentent les sites Web et pour les autres. Ainsi, dans cinq ans, on pourra savoir ce qui se transmettait aujourd'hui sur le Web et les générations de demain comprendront mieux le phénomène de l'Internet et ce que cette forme de communication représentait pour la créativité des Canadiens.

    Je signale qu'une bonne partie du projet de loi actuel est fondée sur les lois existantes de la Bibliothèque et des Archives dont la première loi remonte à 1912 et a été mise à jour dans les années 80. Quant à la Loi sur la Bibliothèque nationale, elle a été adoptée en 1953.

    Nous avons mis à jour et modernisé la terminologie, de même qu'harmonisé l'usage de termes entre la Bibliothèque et les Archives; toutefois, nous allons maintenir les rôles importants assumés par les deux institutions, qui jouent à la fois le rôle de ressource culturelle et de dépôt permanent des publications et dossiers du gouvernement, le dépôt officiel permanent du gouvernement du Canada.

    La BAC continuera d'être le centre de leadership et d'expertise au sein du gouvernement du Canada en ce qui a trait à la gestion de l'information utilisée et créée par les institutions gouvernementales. Nous renforcerons ce rôle traditionnel.

    Le projet de loi maintient le régime du dépôt légal en plus de le moderniser pour inclure de façon explicite de nouvelles formes d'expression publiée et les publications en direct. Le dépôt légal est un outil vital qui permet d'assurer la préservation à long terme et la disponibilité des publications qui font partie du patrimoine publié d'un pays. D'ailleurs, la plupart des sociétés modernes dans la plupart des pays modernes disposent d'un régime de dépôt légal pour leur bibliothèque nationale.

    Le dépôt légal visera les publications définies dans le projet de loi comme incluant toute forme mise à la disposition du public par tout moyen et qu'on retrouverait normalement dans une bibliothèque, incluant les publications distribuées en ligne.

    Le Règlement continuera à détailler les applications du dépôt légal ainsi que la responsabilité de ceux qui y sont assujettis.

    Par exemple, le Règlement exclura peut-être les personnes qui ne font que distribuer les publications, comme les distributeurs de services Internet, tout en s'appliquant directement aux éditeurs chargés de l'élaboration de la publication.

¿  +-(0930)  

[Français]

+-

    M. Roch Carrier: Mon collègue vous a fait part, parmi les millions de pièces existantes, de quelques-unes parmi ses préférées. J'aimerais, pour ma part, vous mentionner la Halifax Gazette. Si vous allez aujourd'hui dans les écoles de cette région, vous pourrez constater que les étudiants savent que le premier journal canadien a été publié à Halifax. C'est une pièce précieuse.

    À ce chapitre, la ballade de Martin Parker est elle aussi d'une grande valeur. Il s'agit d'une copie unique au monde d'un poème écrit en 1626, si mes souvenirs sont exacts. Elle raconte le triomphe des troupes britanniques venues attaquer Québec. C'est une pièce d'un intérêt remarquable parce qu'elle révèle l'image de l'Europe entière. En outre, nous avons des manuscrits d'écrivains; on trouve parfois une copie unique d'un poème écrit, bien sûr, par un poète inspiré.

    Tous ces trésors sont là, mais on ne pourra plus y avoir accès si on ne les préserve pas de manière adéquate. Il est essentiel de bien préserver notre patrimoine documentaire, aussi bien dans des installations adéquates qu'avec tous les moyens technologiques nécessaires. C'est un grand défi, plus grand que ma petite personne et plus grand certainement que notre organisation. Nous devons donc, à l'échelle nationale, manifester notre volonté de préserver notre mémoire collective.

    Pour ce qui est de l'aspect pratique, nous joignons depuis quelques années nos efforts à ceux de Travaux publics dans le but d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'installation à long terme. Voilà le défi que nous devons relever: penser à long terme. Les solutions à court terme ne sont pas valables. Or, le projet est ambitieux et considérable.

    Comme je l'ai dit, la préservation ne touche pas seulement les installations, les toits et les murs, par exemple. Il faut que les documents soient lisibles par le biais de machines; or, cela requiert une infrastructure technologique, une expertise et la garantie qu'on puisse les préserver de façon authentique et fiable et qu'ils soient non seulement lisibles, mais également fiables dans 100 ans et plus.

    De plus, dans le but de consolider le rôle de la Bibliothèque et des Archives du Canada en matière de préservation, le projet de loi propose qu'il soit dorénavant possible de demander qu'on transfère les documents de valeur historique ou archivistique qui, de l'avis du bibliothécaire et de l'archiviste, risquent de subir de graves dommages ou d'être détruits en raison, par exemple, d'un entreposage inadéquat. C'est tout simplement une mesure visant à assurer que la mémoire de notre peuple soit préservée et qu'elle se perpétue dans l'avenir.

    L'institution gouvernementale doit réagir en transférant les documents à ses risques ou en prenant des mesures dans le but de les sauvegarder. Cette facilité d'accès, que nous souhaitons offrir à tous les Canadiens, repose sur une organisation et une description extrêmement sophistiquées des documents telle que la création de métadonnées. Ces dernières permettraient à tous les Canadiens de repérer--peu importe la façon dont ils s'y prennent--les renseignements complets qu'ils cherchent et qui font autorité et ce, de façon efficace.

    Nous croyons qu'en combinant leurs compétences, les bibliothécaires et les archivistes pourront permettre un accès intégré à ces fonds. Imaginons, par exemple, que quelqu'un cherche des renseignements sur le naufrage de l'Empress of Ireland. Grâce à cette collaboration, qui prévaut à l'heure actuelle dans plus de 40 comités à la Bibliothèque et aux Archives du Canada, une nouvelle synergie permet de nous orienter vers des solutions très créatrices, le but étant toujours de permettre un meilleur accès.

    La Bibliothèque et les Archives du Canada souhaitent offrir un environnement accueillant à quiconque souhaite explorer le patrimoine documentaire canadien. Le public, dont l'âge, les intérêts et les origines varient, peut facilement avoir accès à ce qu'il cherche. Au gré des changements qui s'opèrent dans le tissu social, il va sans dire que notre clientèle se modifie.

¿  +-(0935)  

    Certains de nos clients ont cinq ans alors que d'autres ont 80 ans; leurs origines et leur milieu varient considérablement.

    Nous ne voulons pas travailler de façon isolée. Le défi est si grand que personne ne peut accomplir seul ce travail. Le mot essentiel ici est «partenariat». Or, le nouvel organisme que constitue Bibliothèque et Archives du Canada envisage un rôle de premier plan pour ses partenaires. Nous sommes en train d'établir des programmes de partenariat avec le réseau des bibliothèques et des archives, d'un océan à l'autre. Pas plus tard que vendredi dernier, je me suis rendu en Colombie-Britannique pour discuter avec des représentants du gouvernement de la manière dont nous pourrions devenir de meilleurs partenaires.

    Enfin, de très intéressantes perspectives s'annoncent et ce, dans le but de réaliser notre promesse de rendre l'accès au patrimoine documentaire des Canadiens facile, équitable et réel.

[Traduction]

+-

    M. Ian Wilson: La vision décrite par mon collègue fait partie intégrante du préambule du projet de loi C-36 et vise à préserver le patrimoine documentaire canadien.

    Je vous ai dit que, pour mon prédécesseur, Arthur Doughty, les archives étaient le plus précieux de tous les actifs d'une nation. C'est ce que nous croyons nous aussi, à la fois pour la Bibliothèque nationale et pour les Archives. Nous serons tous perdants si nous ne le préservons pas comme il faut. Il faut les traiter comme un actif précieux pour des fins culturelles, pour établir notre identité et aussi, il faut le reconnaître, pour des fins juridiques. En effet, nos collections servent quotidiennement à aider le gouvernement du Canada à établir sa position en droit.

    Nous devons être une source d'information durable sur le Canada. Je répète: une source durable qui soit accessible à tous, tout en respectant la protection des renseignements personnels et le droit d'auteur, en plus de contribuer au progrès de notre société sur le plan du savoir et de faciliter la coopération au sein des communautés oeuvrant à la promotion et à la préservation du patrimoine documentaire canadien.

    Nos deux institutions ont été très actives dans leurs milieux respectifs. Nous avons l'intention de demeurer aussi actifs et d'entamer des discussions pour aider les deux milieux à oeuvrer en plus étroite collaboration, dans la foulée de ce que nous faisons aujourd'hui, afin d'assumer notre rôle qui est d'être la mémoire permanente des institutions du gouvernement du Canada.

    Au fur et à mesure que cette synergie se développera, nous espérons pouvoir aider les Canadiens à mieux se connaître, à mieux comprendre la société dont ils ont hérité et sur laquelle ils prennent appui, et à comprendre les forces et les faiblesses de la société canadienne afin de mieux faire face aux problèmes de demain.

    Nous espérons édifier une culture d'acquisition continue du savoir, puisque l'usage des services de la Bibliothèque et des Archives ne constitue pas une démarche passive. Il ne s'agit pas uniquement de lire ce que nous vous mettons sous les yeux. Au contraire, il s'agit d'une démarche d'exploration et de découverte active, au fur et à mesure que vous scrutez vos propres racines, votre propre milieu, et ce qui vous intéresse.

    Nous voulons contribuer à la croissance de la société canadienne du savoir et partager avec le reste du monde l'expérience canadienne. Beaucoup d'autres pays sont intéressés par la façon dont notre pays a réussi à former la société unique en son genre qui est la nôtre.

    Nous espérons que la visibilité et la pertinence permettront de mieux faire apprécier dans la société canadienne les documents précieux qui sont entre les mains des familles, des entreprises et des syndicats; je pense notamment aux manuscrits, journaux, lettres, bibles familiales, photographies, vidéos et films. Nous espérons que les Canadiens s'associeront aux bibliothèques et aux archives de partout au pays pour préserver cette mémoire collective.

    Nous voulons rejoindre tous les Canadiens pour que l'histoire du Canada ne soit pas uniquement celle des peuples fondateurs. L'histoire du Canada, c'est notre histoire à tous, nous qui avons des antécédents divers et c'est celle de toutes nos communautés. La Bibliothèque et les Archives du Canada continueront à croître, comme le Canada, en reflétant et comprenant cette diversité et l'interaction des cultures qui caractérisent notre société.

    Nous avons besoin de nouveaux lieux d'exposition pour que notre matériel soit vu. Le Musée du portrait, qui se trouve de l'autre côté de la rue dans ce qui fut l'ambassade des États-Unis, collaborera sans doute étroitement avec le nouveau Centre d'histoire du Canada.

    Nous sommes en train de créer de nouveaux espaces, de nouveaux lieux et de nouveaux services numériques. Le Centre de référence virtuelle et la Généalogie en ligne sont déjà souvent utilisés par les Canadiens de partout au pays et de l'extérieur. Nous avons même créé un gramophone virtuel et mis au point Images Canada, qui permet de rejoindre les Canadiens dans les salles de classe, dans les bibliothèques publiques et chez eux.

    Mais le numérique ne suffit pas, car il faut que les ouvrages originaux puissent être vus. Nous allons miser sur notre programme de prêts entre les bibliothèques qui existe déjà pour que ces dernières puissent servir de débouchés pour notre programme d'expositions. D'ailleurs, nous prêtons déjà à des fins d'exposition nos ressources uniques à différentes bibliothèques du pays. Nous avons l'intention de faire de même à l'échelle internationale.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): J'invoque le Règlement, monsieur le président.

    Monsieur le président, si nous devons vraiment nous arrêter à 10 heures, nous n'aurons pas le temps de poser des questions. J'écoute ce qui se dit avec grand plaisir, mais nous manquerons de temps.

+-

    Le président: Oui, j'allais justement interrompre les témoins. Comme nous avons commencé 10 minutes en retard, j'ai pensé que nous pourrions poursuivre jusqu'à 10h10, pour que vous puissiez poser des questions.

    Monsieur Carrier, alliez-vous conclure? Combien de temps vous faut-il encore? Les membres du comité voudraient pouvoir vous poser des questions.

+-

    M. Roch Carrier: Cinq minutes tout au plus.

+-

    Le président: Très bien.

[Français]

+-

    M. Roch Carrier: George Elliott, dans un de ses romans, dit que les grands événements qui secouent le monde--un tremblement de terre, par exemple--sont toujours annoncés dans des documents, des journaux ou des livres qui n'ont pas été lus.

    Les bibliothèques ne sont pas seulement un entreposage pour le passé. Elles participent aussi à la connaissance du présent et peut-être même à des solutions pour l'avenir. Bibliothèque et Archives du Canada sera le centre de ressources et d'information du gouvernement canadien qui assurera le leadership en appuyant toutes les bibliothèques et les archives au pays. Les notes que nous vous avons communiquées seront étudiées de très près par la communauté des bibliothèques; ces dernières ont besoin d'un leadership national pour ce qui est de faire leur promotion et les appuyer.

    Grâce à sa nouvelle structure, la nouvelle organisation sera certainement plus en mesure de rendre ce service. Comme nous l'avons souvent répété, nous faisons en ce moment un effort pour en arriver à une meilleure préservation et à un accès plus équitable pour tous les Canadiens.

[Traduction]

+-

    M. Ian Wilson: On s'est interrogé sur le mandat proposé dans le projet de loi et qui vise à interpréter le patrimoine documentaire du Canada et à le présenter : sachez que c'est ce que font les Archives depuis déjà plus de 100 ans. Il s'agit simplement de présenter la documentation et l'information avec d'autres documents pertinents et dans le temps pour que les Canadiens puissent leur donner leur propre sens. Tous les jours, des chercheurs se présentent dans nos salles de lecture pour étudier ce que nous avons au sujet des pensionnats, des revendications territoriales et des questions frontalières. C'est parce que nous sommes le détenteur neutre des archives que ceux qui ont des points de vue aussi différents et aussi opposés peuvent les utiliser dans nos salles de lecture.

    Prenons l'exemple de certaines controverses : lorsque les Canadiens d'origine japonaise se sont interrogés sur ce qui était arrivé au cours de la Seconde Guerre mondiale et sont venus consulter nos archives dans les années 70 et 80, nous avions tout dans nos dossiers. Les Canadiens d'origine chinoise qui s'inquiétaient aussi de la capitation imposée à leurs familles il y a un siècle ont consulté eux aussi nos registres. Nous avons ce qu'il faut pour présenter l'histoire du Canada et aider à l'interpréter.

    Quant à la situation politique, sachez que notre collection comprend des centaines de milliers de dessins humoristiques à saveur politique qui font rarement preuve de respect à l'égard de nos dirigeants politiques, depuis l'époque de Macdonald. Les consulter permet d'atteindre une certaine impartialité et de faire preuve de jugement critique.

    L'ajout du conseil consultatif permettra de renforcer notre rôle en matière de programmation publique, puisqu'il nous conseillera sur tous les aspects de ce rôle. Nous nous attendons à ce que ce conseil consultatif soit composé de membres possédant une certaine expertise et ayant fait leur marque et qu'il nous aide à présenter une vision équilibrée du Canada, de même que les différentes perspectives de vie des Canadiens; nous voudrons également refléter la richesse et la diversité des opinions des Canadiens.

¿  +-(0945)  

[Français]

+-

    M. Roch Carrier: J'aimerais conclure en parlant de notre personnel.

    Nous avons craint que les employés ne subissent un changement de statut. Or, ça ne s'est pas produit. La nouvelle institution demeure une agence ministérielle, comme le sont présentement la Bibliothèque et les Archives. Comme par le passé, elles relèvent du Parlement, par l'intermédiaire de la ministre du Patrimoine. Les 1 100 employés conservent donc leur statut.

    Pour ce qui est des disciplines, la nouvelle organisation sera formée de différents spécialistes, les uns bibliothécaires et les autres archivistes. Il y aura des spécialistes en technologie de l'information et des spécialistes en contenu. Aucun changement de statut n'aura lieu et non seulement les disciplines seront-elles respectées, mais les différentes compétences seront aussi valorisées. En effet, la valeur d'une organisation comme Bibliothèque et Archives du Canada repose sur sa collection, mais sans les gens qui en assument la responsabilité, cette collection demeure inerte.

    Au sujet du personnel, j'aimerais mentionner le fait qu'au début, alors que je venais d'intégrer mon poste, quelqu'un a souligné que j'avais une collection d'une grande richesse mais que je ne devais pas oublier que mon personnel était, lui aussi, un trésor national. C'est ce que nous continuons de penser.

[Traduction]

+-

    M. Ian Wilson: Enfin, nous essayons ici...

+-

    M. Chuck Strahl: À combien de «enfin» êtes-vous rendu?

+-

    M. Ian Wilson: J'en ai pour une minute à peine, monsieur Strahl.

    Nous voulons ici créer une nouvelle institution qui ne soit pas uniquement un résultat de la fusion de la Bibliothèque et des Archives, mais qui soit une institution du savoir nouveau genre digne du Canada du XXIe siècle. Le défi est immense. Nous avons besoin de toutes les disciplines et de toutes nos collections. Mais c'est un défi que nous voulons relever en jumelant nos deux institutions.

    Merci.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrier et monsieur Wilson.

[Traduction]

    Commençons tout de suite la première ronde de questions.

    Monsieur Strahl.

+-

    M. Chuck Strahl: Merci.

    Merci à tous les deux de cet excellent exposé. Comme nous manquons de temps, nous devons passer aux questions.

    Je vous ai trouvé tous deux inspirants. J'étais presque prêt à demander la levée de la séance pour aller voir les archives, mais vaut peut-être mieux pas.

    J'espère que vous avez un exemplaire du livre qu'Eugène Bellemare a publié des caricatures politiques de tous les députés. J'ai arraché la page sur laquelle j'étais dessiné, mais le reste n'est pas mal du tout.

    Je voudrais reprendre certaines questions que j'ai déjà posées à d'autres fonctionnaires lorsqu'ils ont comparu. D'abord, vous avez utilisé toutes sortes d'expressions pour dire que vous espériez, que vous souhaitiez, que vous vous attendiez à ce qu'il y ait des améliorations, et que vous souhaitiez pouvoir apporter votre contribution ou que vous espériez créer des synergies, etc. Et pourtant, lorsque j'ai demandé l'autre jour un plan d'ensemble exposant comment la nouvelle institution se proposait de s'installer dans un nouvel édifice, un organigramme, un échéancier... On va dépenser beaucoup d'argent et déployer beaucoup d'énergie, et nous sommes même saisis maintenant d'une proposition législative visant à créer une nouvelle institution, et pourtant il semble rester beaucoup de choses non encore résolues sur la façon dont tout cela va se faire.

    On nous demande d'étudier ce projet de loi-ci et de l'adopter. Vous n'avez pas à nous convaincre de la grande valeur des Archives ou de la Bibliothèque, mais vous devez néanmoins nous convaincre que vous allez pouvoir inscrire toutes ces belles idées dans un grand plan. Sans ce plan, il nous sera difficile de nous enthousiasmer. Nous voudrons bien appuyer ce projet de loi qui sera sans doute adopté, mais comme on l'a lu dans les journaux, on a l'impression que le plan n'est peut-être pas bien ficelé et que certains éléments manquent à l'ensemble de l'échafaudage. On s'inquiète de ne pas avoir assez de coopération ou de ne pas savoir combien les choses vont coûter, ce qui me dérange, quant à moi. On ne nous a même pas dit si le plan organisationnel pouvait être consulté.

    Que répondez-vous à cela?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Roch Carrier: Nous allons répondre en collaboration, comme nous le faisons à bien des égards.

    Nous pourrons vous répondre avec plus de précision à la fin de juin, mais notre réflexion s'est amorcée il y a un an.

    Comme le discours du Trône de l'automne dernier faisait mention de la nouvelle institution, c'est depuis ce moment-là que nous avons commencé petit à petit à agir comme si nous ne formions plus qu'un, alors que nous sommes encore deux. C'est tout un défi car cela suppose un changement de culture, une transformation.

    Nos employés ont ce projet à coeur. J'ai dit plus tôt que nous avions formé 42 comités d'archivistes et de bibliothécaires qui oeuvraient en concertation pour essayer de définir la façon dont nous travaillerons à l'avenir. Ces comités se penchent sur la préservation, les acquisitions, le contenu... bref, sur tout.

    Pour l'instant, nous n'avons pas encore de structure organisationnelle. Nous n'en sommes pas encore là, car nous devons d'abord définir ce que seront nos activités avant d'avoir un organigramme.

+-

    M. Chuck Strahl: Je voudrais répéter à quel point la situation est difficile pour les législateurs, car cela s'inscrit dans une foule d'activités : vous avez besoin d'installations, d'une organisation, d'une nouvelle structure de commandement, toutes sortes de choses qui accompagnent le cadre législatif et qui permettent de voir comment tout cela va s'inscrire dans le grand projet. J'hésite à adopter un projet de loi sans savoir comment le grand objectif s'inscrit dans vos activités.

    On a l'impression de mettre la charrue avant les boeufs, et cela jette une douche froide sur notre enthousiasme, sans vouloir vous vexer. Le projet de loi pourrait être adopté à la Chambre, ou pourrait au contraire être immobilisé parce que nous ne savons pas comment vous allez faire. Mais j'imagine qu'il finira par être adopté.

    La seule autre question qui me vienne à l'esprit—et je l'ai posée l'autre jour en comité—c'est au sujet de la protection que vous accordez à l'information émanant du gouvernement. Vous avez un rôle important à jouer à cet égard, car vous devez la protéger afin de la préserver.

    Comme on a pu le lire dans les journaux, le Commissaire à l'information, M. Reid, a fait état de certaines préoccupations : il s'inquiète parce que l'information ne vous parvient pas toujours, puisqu'elle est parfois détruite avant d'aboutir chez vous. Il s'inquiète aussi de savoir qu'on pourrait ne pas la préserver ou que certaines personnes puissent décider de leur propre chef ce qu'il est important ou non de garder, plutôt que de laisser ce soin aux archivistes et aux bibliothèques, qui sont les experts en la matière.

    L'un des comités que vous avez mentionnés est-il en train d'expliquer et d'enseigner aux divers ministères comment faire pour préserver comme il se doit l'information à archiver? Attendez-vous qu'il y ait une crise qui soit signalée dans les journaux ou une crise de confiance quelque part pour agir, ou avez-vous un programme qui vous aide à faire changer la mentalité des ministères pour que ceux-ci préservent l'information pour le bénéfice des archivistes?

+-

    M. Ian Wilson: Nous collaborons de façon très active avec le dirigeant principal de l'information, au Conseil du Trésor, dans le cadre d'un programme gouvernemental destiné à aider les ministères et organismes du gouvernement à se conformer aux critères de gestion de l'information.

    En effet, il y a quelques semaines, le Conseil du Trésor a approuvé une nouvelle politique de gestion de l'information gouvernementale qui définit les rôles et les responsabilités des sous-ministres et de leurs adjoints au Conseil du Trésor, à la Bibliothèque nationale et aux Archives publiques, en ce qui touche l'aide aux ministères. C'est en effet considéré comme l'une des priorités les plus hautes de la fonction publique. C'est une question de mentalité et de culture, mais nous sommes très clairs: nous exposons très clairement, pour l'ensemble du gouvernement, quels sont nos critères et nos attentes par rapport aux dossiers d'archivage, et je dois avouer que nous avons beaucoup d'appui de la part des cadres supérieurs de la fonction publique.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Chuck Strahl: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Madame Girard-Bujold.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président.

    Messieurs, c'est avec beaucoup d'intérêt que je vous ai écoutés. Ce que j'ai compris de vos exposés, c'est que présentement, vous faites partie de deux organismes très différents, mais vous avez une collaboration soutenue dans bien des domaines. Je constate même que vous êtes proactifs. Vous dites qu'il faut voir l'avenir et vous mettez déjà cela en pratique dans vos mandats respectifs.

    Qu'est-ce que ce projet de loi vous donnera de plus? Ma collègue, qui s'occupe de ce dossier, dit que présentement les bibliothèques, notamment l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation demeure plutôt tiède à l'idée de fusion de ces deux organismes. Vous avez des mandats distincts, mais vous avez une complémentarité.

    En tant que représentants de l'opposition, nous, les députés du Bloc québécois, nous opposons au principe de ce projet de loi. On pense qu'il devrait être scindé en deux parce que ce qui touche le droit d'auteur, c'est très important. Présentement, vous avez êtes deux entités, et on trouve que c'est bien normal. Vous agissez, vous êtes proactifs, vous avez déjà une vision. Je ne comprends pas du tout pourquoi il vous faut un projet de loi pour continuer d'avancer.

    Pourriez-vous me dire ce que ce projet de loi vous donne de plus?

+-

    M. Roch Carrier: La nouvelle collaboration dont vous parlez est, je pense, très profitable pour les Canadiens. Elle a permis déjà la création d'un certain nombre de «produits», comme le Centre de généalogie, par exemple. Nous avons mis ensemble nos ressources de personnel et de collections, ce qui a permis de créer ce centre. D'une manière plus prosaïque, nous avons produit un dossier sur l'histoire du hockey, qui a été fait grâce à la collaboration de nos deux collections.

    La collaboration qui existe en ce moment, je pense qu'elle est le fait de deux personnalités qui, par hasard, se sont rencontrées. Avant d'occuper nos postes respectifs, nous nous sommes téléphoné et nous nous sommes dit que bien que nous ne nous connaissions pas, nous allions passer quelques années ensemble, alors il nous restait à déterminer si nous allions travailler ensemble ou se chicaner. Je suis assez doué pour la chicane. Je pense que Ian sait aussi ce que c'est que de se chicaner. Alors, dès le début, nous avons pris le parti de travailler ensemble. C'est une affaire de personnalités, et cela pourrait être différent si M. Wilson n'était pas là ou si je n'étais pas là.

    La loi permettra maintenant d'établir que cette collaboration soit un état de fait.

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je constate que le comité consultatif sera nommé par la ministre du Patrimoine, mais je ne sais pas quels sont les critères de nomination de ce comité. Pensez-vous que ce comité devrait être nommé d'une façon indépendante, qu'il ne devrait pas être nommé par la ministre, que cela devrait se faire comme cela se fait présentement au Québec, avec le Comité consultatif de la Bibliothèque nationale du Québec? Pensez-vous que le projet de loi devrait spécifier la formation des gens composant ce comité? On est très vague en ce qui concerne le comité consultatif. Est-ce que vous avez une vision de ce qu'il devrait être, ce qui pourrait rassurer bien des gens qui autrement seraient réticents envers ce projet de loi?

    Pensez-vous que ce comité aura une autonomie de consultation? Vous dites que cette consultation serait encadrée par ce projet de loi. Est-ce que cela va donner plus à cette nouvelle entité ou si on va politiser de plus en plus ce qui existe présentement? Est-ce qu'au contraire, vos entités seront moins politisées?

À  +-(1000)  

+-

    M. Roch Carrier: Personnellement, j'ai été nommé par la ministre, et le mandat qu'elle m'a donné était de faire que la Bibliothèque nationale soit visible pour tous les Canadiens. C'est la seule direction que j'ai reçue et en prenant la responsabilité, j'ai tout de suite accepté ce qu'est la tradition des Archives et la tradition de la Bibliothèque; c'est une certaine objectivité, c'est-à-dire que vous traitez une question avec tous les éléments de son contexte.

    Nous avons, en ce moment, une exposition sur les frontières américaines, par exemple. Nous avons à notre disposition divers aspects dans ce contexte; c'est la façon d'établir nos expositions ou nos activités. Je suis très heureux de voir dans la loi qu'il y aura un comité consultatif. Ce comité va être constitué, j'imagine, d'un certain nombre de professionnels ou de personnes qui donnent leur temps au service de l'institution.

    Je n'ai aucune raison pour le moment d'avoir quelque crainte que ce soit, parce que comme intellectuel, je valorise beaucoup non seulement la liberté d'expression, mais la liberté des points de vue, et je ne vois pas que cela soit mentionné. Je ne perçois pas, dans le contexte des discussions que nous avons, qu'il y ait une volonté en ce moment de faire de ces institutions des institutions de propagande.

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je m'excuse, monsieur, mais j'ai vu par le passé des comités consultatifs qui au lieu de changer les choses, les ont empirées. Je pense que présentement, vous avez deux excellents rôles aux Archives et à la Bibliothèque. Pour moi, un archiviste et un bibliothécaire sont peut-être complémentaires, mais ils ont des rôles très différent.

    Je verrais volontiers mentionné dans le projet de loi que les gens faisant partie de ce comité consultatif soient indépendants de la ministre. Je pense que cela vous permettrait d'avoir une plus grande latitude. Vous dites que depuis que vous occupez ces postes, tous les deux, vous avez une grande latitude, une certaine vision des choses. Il faut mettre des balises pour le futur. Vous savez que si on veut mettre des balises, il ne faut pas qu'il y ait d'entraves dans le présent. Ainsi, on pourra avoir un certain élan vers le futur.

+-

    M. Roch Carrier: Nous centrons beaucoup nos activités sur le client. Vous savez que dans les écoles aujourd'hui, les jeunes étudiants ont assez peu de soucis de ce qu'est le support à l'information. Qu'il soit sur papier ou électronique, peu leur importe, pour eux, c'est de l'information. Ils demandent qu'on leur donne de l'information ou du savoir rapidement.

    En ce moment, beaucoup de murs sont en train de tomber à cause de cette nouvelle civilisation technologique, et on doit servir cette nouvelle clientèle, qui est la clientèle de l'avenir.

[Traduction]

+-

    Le président: Il nous reste à peine 10 minutes. Si les députés ministériels acceptent, je permettrai une question aux libéraux puis une question à Mme Lill, après quoi nous mettrons un terme à cette partie-ci de la séance. Est-ce équitable? C'est parce qu'il reste très peu de temps.

    Y a-t-il des questions du côté des libéraux?

    Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup de votre exposé et d'avoir si éloquemment décrit l'objectif de la nouvelle institution.

    J'ai une question au sujet du droit d'auteur même si vous n'êtes pas nécessairement ceux à qui je devrais m'adresser. Je m'inquiète de la disposition proposée ici de permettre l'échantillonnage sur l'Internet. Je crois savoir que l'on est en train de modifier par la même occasion la Loi sur le droit d'auteur, mais pourriez-vous m'expliquer cet échantillonnage?

    Lorsqu'on parle d'échantillonnage sur l'Internet, je pense toujours au téléchargement. Nous expliquons à nos enfants et à d'autres adultes qu'ils ne devraient pas télécharger des choses à partir de l'Internet car cela constitue une infraction au droit d'auteur, et pourtant nous voulons permettre ici un certain échantillonnage. Vous pourriez peut-être m'expliquer ce que vous entendez par là et pourquoi cela n'équivaut pas à télécharger quelque chose, et comment nous pouvons légitimer cette action en vous autorisant à le faire, mais pas les autres Canadiens.

À  +-(1005)  

+-

    M. Ian Wilson: La question est de savoir si nous devons garder un enregistrement de ce qui a paru sur l'Internet ou pas. Cela fait déjà des années que nous collectionnons des journaux en les réunissant d'office, en les préservant et en les entretenant. Et cela fait des siècles que nous faisons de même pour les publications.

    L'Internet est le nouveau média de communication, et, comme cela se fait dans beaucoup d'autres pays, nous devons trouver une façon d'archiver ce qui se fait aujourd'hui pour que, dans 100 ans, les Canadiens puissent mieux appréhender ce que représentait pour nous cette nouvelle technologie des communications et ce que ses répercussions ont été sur la société et sur ce qui se disait.

    Nous nous limitons évidemment à l'échantillonnage de sites Internet qui sont grand public et sans restriction: nous nous limitons à ceux que le grand public peut utiliser, voir, et avec lequel il peut faire affaires. Nous devrons donc trouver une méthode pour prélever de façon périodique et pour des fins de statistique ce qui se fait sur le Web; il faudra décider quand exactement nous ferons l'échantillonnage et à quelle fréquence.

    La façon dont nous allons préserver à long terme cet échantillonnage pose d'ailleurs des problèmes technologiques intéressants. Nous avons récemment préservé un site Web du millénaire. Je crois que nous voulons aussi préserver le site Web du gouvernement qui change aujourd'hui presque quotidiennement. Mais comment faire pour capter et archiver ce que dit le gouvernement aux Canadiens pour le long terme? Puis, nous devons élargir notre point de vue et capter ce qui est à la disposition du grand public sans restriction sur l'Internet pour des fins de préservation.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Et la musique? Pouvez-vous aussi télécharger de la musique?

    Cela me préoccupe énormément, puisque les créateurs de la SOCAN et BMG Canada nous affirment que leurs affaires vont vraiment mal et qu'il faut absolument interdire le téléchargement à partir de l'Internet. Et je ne parle pas uniquement des adolescents qui téléchargent : ce sont également des adultes qui le font et cela équivaut à du vol.

    Comment affirmer, d'une part, que c'est du vol et que nous voulons absolument protéger les droits de nos créateurs, alors que, en même temps, nous vous permettons de prendre des échantillons, alors que ce n'est même pas défini correctement dans le projet de loi? Il n'y a même pas de définition et tout est laissé à l'interprétation. Vous pourriez télécharger toute la musique du monde et vous justifier en invoquant le bien public.

+-

    M. Ian Wilson: Il faut comprendre que si nous prélevons des échantillons, c'est pour les préserver et certainement pas pour les rediffuser en direct. Nous n'allons certainement pas les rendre accessibles au grand public avant très longtemps, c'est-à-dire avant que la plupart des droits d'auteur aient expiré. Ce que nous prélevons pourrait être disponible dans 50 ou dans 100 ans et pourrait servir à illustrer ce que faisaient à l'époque les Canadiens et ce qu'étaient les moyens de communication au Canada.

    Nous avons déjà conclu des accords avec beaucoup de radiodiffuseurs pour qu'ils prélèvent en échantillon une journée de diffusion. Nous leur demandons de choisir ce qui est pour eux une journée typique de diffusion à la radio ou à la télévision, pour nous donner une idée de ce qu'écoutent et regardent les Canadiens et pour le saisir de façon plus durable, c'est-à-dire pour le préserver et non pas pour le réutiliser, je le répète.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Monsieur Wilson, vous dites avoir conclu des accords avec les radiodiffuseurs. Avez-vous conclu des accords avec la SOCAN et avec d'autres détenteurs de droits?

+-

    M. Ian Wilson: Au sujet de...?

+-

    Mme Sarmite Bulte: L'échantillonnage que vous faites.

+-

    M. Ian Wilson: Non. Le projet de loi permettrait que nous fassions des échantillons pour des fins de préservation sans que nous ayons à nous buter au droit d'auteur, mais pas pour des fins d'accès continu.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Dans ce cas, pourquoi avoir conclu des accords avec les radiodiffuseurs?

+-

    M. Ian Wilson: C'est parce que pour ce qui est des documents radiodiffusés, nous avons besoin de leur coopération pour qu'ils saisissent pour notre bénéfice à nous les enregistrements de 24 heures dans la vie d'une station de télévision ou de radio.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Je vois.

    Dans ce cas, pourquoi n'auriez-vous pas besoin du consentement de la SOCAN et des autres détenteurs de droits pour enregistrer leur musique? Vous êtes en train de me dire que le patrimoine documentaire est multimédia et peut être sur toutes sortes de supports.

+-

    Le président: Madame Bulte, je vous suggère de poser votre question lorsque les représentants du droit d'auteur comparaîtront. Vous avez raison : notre rôle à nous est d'étudier le projet de loi et de voir comment nous pouvons intervenir.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Je comprends que votre objectif à vous, ce soit de préserver, mais je m'inquiète de savoir comment cela se répercutera sur les détenteurs de droits d'auteur, particulièrement si cela s'applique aussi à la musique.

+-

    Le président: Je vois, et merci d'avoir attiré notre attention là-dessus.

    Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'avoir comparu et je vous fais mes excuses pour être arrivée en retard.

    Je suis le projet de loi de très près. Je n'ai qu'une question à poser, mais je crois qu'elle vous tiendra à coeur à tous les deux: puisque l'objectif est de protéger les collections et d'en faire la priorité absolue, comment faire pour protéger tout le matériel à archiver et particulièrement les livres?

    Dans les Questions et réponses que nous avons reçues, on estime les coûts de la transition à 7,5 millions de dollars et on indique qu'il n'y aura aucune compression... pardon, on ne dit pas qu'il n'y aura pas de compression de personnel, mais on dit que les employés ne changeront pas de statut. Il faut quand même être sûr qu'il y aura assez de conservateurs et de gens pour prendre soin de tous les documents précieux qui forment déjà vos collections.

    J'ai parlé récemment du projet de Réseau canadien d'information archivistique, et vous devez savoir que les habitants de la Nouvelle-Écosse craignent des compressions. Il s'agit ici de transmettre le contenu canadien sur l'Internet et des documents de notre pays qui sont diffusés sur l'Internet. Comment faire pour que notre comité soit tenu au courant et sache qu'il n'y a eu aucun glissement, qu'il n'y a pas eu de perte de matériel et que l'on tient compte de vos doléances? J'aimerais savoir si vous avez instauré des mesures de sauvegarde et si nous pouvons vous aider de quelque façon?

À  +-(1010)  

+-

    M. Ian Wilson: Vous avez mentionné une ou deux choses. Sachez, d'abord, que nous avons dit clairement à nos employés que la fusion n'est pas un exercice de réduction du nombre d'employés. D'ailleurs, dans le cadre de notre plan de transition, nous invitons tout notre personnel à participer à la discussion. Comment faire différemment? Comment tenir compte du principe professionnel et s'assurer qu'il est respecté dans le cas des bibliothécaires comme des archivistes? Tous nos employés prennent part à la démarche et savent qu'il y aura des changements, mais que nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait compression de personnel. Cela, nous continuons à le maintenir.

    Pour ce qui est de la préservation, je crois que l'on a annoncé notamment que des fonds seraient réservés pour l'entreposage provisoire qui servirait à résoudre la plus grande partie des problèmes immédiats d'entreposage, c'est-à-dire qui tiendraient compte de ce qui se trouve dans des endroits inappropriés comme des sous-sols ou des entrepôts. Nous nous en occupons déjà, et nous oeuvrons en étroite collaboration avec Travaux publics pour que cela soit pris en main dès maintenant.

    Pour ce qui est de vos autres questions, et du budget à long terme, nous étudions de très près avec nos employés toutes nos activités pour déterminer s'il est possible de déplacer des ressources ou d'économiser dans certains secteurs, ou de changer de secteurs de priorité pour être sûrs de pouvoir préserver adéquatement les collections. C'est cela notre priorité absolue, mais il faut comprendre que tout cela se fait dans une démarche continue et que nous examinons la façon dont les ressources sont distribuées entre la Bibliothèque et les Archives.

+-

    M. Roch Carrier: J'aimerais ajouter une ou deux choses.

    Nous nous sommes efforcés de promouvoir le principe de la préservation, mais dans le contexte, ce n'était pas très motivant de parler de ces vieux documents que nous voulions protéger; parfois, du reste, ils ne sont pas très bien protégés. Il y a eu parfois des problèmes de plomberie. Ce n'était donc pas très motivant, jusqu'aux événements d'Irak, et je pense qu'alors, bien des gens ont fait une prise de conscience : quand je perds une bibliothèque ou une partie de bibliothèque, c'est une perte non seulement pour moi, mais le monde entier perd une partie de l'expérience qui s'y était accumulée.

    Il faut donc avoir une compréhension plus large et il reste encore bien du travail à faire en matière d'éducation; je le dis avec le plus grand respect, car je ne voudrais accuser personne de ne pas comprendre ce qu'est la préservation. C'est une notion difficile, subtile et complexe, mais la nouvelle institution va être et est déjà vouée à la préservation, car c'est l'élément clé. Sans préservation, il n'y a pas d'accès. Il existe déjà des comités des deux organismes qui collaborent pour définir de meilleures modalités de travail pour l'avenir. Nous sommes en contact permanent avec Travaux publics et avec le Conseil du Trésor.

    Je le répète, c'est un défi considérable et de longue durée, mais nous progressons.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrier et monsieur Wilson. J'espère que les Canadiens vous ont entendus ce matin, car je pense qu'ils sont sensibilisés à l'importance de vos deux institutions. Nous vous félicitons de les réunir et nous avons apprécié votre présence. J'espère que nous allons maintenant pouvoir poursuivre nos travaux et les terminer avant l'ajournement de juin. Merci d'être venus nous voir.

    Nous allons maintenant poursuivre la séance à huis clos. La prochaine demi-heure sera consacrée aux travaux futurs; c'est une question importante à régler. Si les témoins suivants veulent bien revenir à onze heures moins le quart, nous veillerons alors à leur consacrer tout le temps nécessaire. Merci.

    La séance est suspendue.

    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]

Á  +-(1100)  

[Français]

    [La séance publique reprend]

    Le président: Nous allons reprendre la réunion du comité au sujet du projet de loi C-36, la Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence .

    Nous avons devant nous un certain nombre de témoins. Nous recevons, à titre personnel, M. Howard Knopf, avocat spécialisé dans le droit d'auteur,

[Traduction]

et la conseillère juridique de Creators Copyright Coalition, Marion Hebb.

[Français]

Du Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright (DAMIC), nous recevons Mme Francine Bertrand-Venne, directrice générale de la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec et M. Michel Beauchemin, coordonnateur.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi le président de Public History Inc., M. Fred Hosking, ainsi que son vice-président, M. Stuart Manson, et la présidente sortante de la Writers' Union of Canada, Mme Janet Lunn.

    Afin que nous ayons le temps de poser des questions, j'aimerais demander aux témoins de se limiter à une très brève intervention, pour que tout le monde puisse prendre la parole. Nous allons entendre un témoin du DAMIC et un témoin de Public History. Nous allons commencer par M. Beauchemin, du DAMIC.

Á  +-(1105)  

[Français]

+-

    M. Michel Beauchemin (coordonnateur, Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright (DAMIC)): Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui.

    Nous sommes deux organismes qui allons faire conjointement cette présentation. Le DAMIC est le Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright, qui représente 11 associations et sociétés québécoises de gestion collective du droit d'auteur. Il y a aussi la CCC, la Creators' Copyright Coalition, qui regroupe 17 associations d'artistes et sociétés de gestion collective du droit d'auteur au Canada anglais.

    On peut dire ce matin qu'on représente environ 140 000 artistes et titulaires du droit d'auteur au Canada.

    Je vous présente donc Mme Bertrand-Venne, qui est membre du DAMIC. Elle est directrice générale de la Société professionnelle des auteurs-compositeurs. Il y a également Mme Marian Hebb, qui représente la CCC au nom du Canada anglais. Je vais témoigner en français, mais Mme Hebb va témoigner en anglais.

    Je tiens à préciser d'abord que si nous comparaissons ce matin, ce n'est pas parce que nous avons un point de vue sur la fusion comme telle des Archives et de la Bibliothèque nationale. Ce n'est pas que nous soyons contre, mais nous n'avons pas pris de position collective sur cette question. Nous sommes conscients quand même qu'au sein du projet de loi, il y a un enjeu fort important pour nous, soit la protection des oeuvres non publiées actuellement dont on veut étendre les droits. C'est un aspect du projet de loi qui nous semble particulièrement intéressant.

    Cela étant dit, je dois ajouter que lorsque nous avons pris connaissance du projet de loi, il y a de cela à peu près deux semaines, nous avons été consternés de constater qu'au sein de ce projet de loi, on apportait des amendements à la Loi sur le droit d'auteur. C'est une loi qui, comme vous le savez, est la principale source de rémunération des 140 000 artistes que nous représentons.

    Pourquoi avons-nous été consternés? C'était qu'en fait le mandat de la nouvelle institution qui était créée était non seulement de constituer et de préserver le patrimoine, mais de faire connaître ce patrimoine aux Canadiens et à quiconque cela intéresse au Canada. Vous comprendrez que lorsqu'on a retrouvé au paragraphe 8(2) et après une possibilité pour la nouvelle entité d'enregistrer ou, en tous cas, de capter des oeuvres protégées par le droit d'auteur sur Internet, nous avons été fortement préoccupés par le fait que le mandat n'était plus seulement relatif à la préservation, mais de faire connaître ce patrimoine. Cela a vraiment été extrêmement important pour nous, surtout quand on parlait de donner le pouvoir aux Archives de capter l'information.

    Comme vous le savez, actuellement, beaucoup d'oeuvres sont mises illégalement en ligne. Donc, en captant des extraits ou des photographies de sites, à un certain moment donné, il pourrait s'avérer que les Archives captent des oeuvres qui ont été mises en ligne illégalement. C'est dans ce contexte que nous avons été amenés à nous intéresser à la question et de savoir si nous sommes pour ou contre ces deux amendements.

    Je dois dire que nous avons mené de nombreuses consultations avec la direction du droit d'auteur du ministère du Patrimoine. Nous avons été partiellement rassurés par ce qu'on nous a dit. On disait qu'effectivement, le but du projet de loi n'était que de conserver les choses et non pas de mettre en ligne ou de diffuser largement ces oeuvres.

    Cela étant dit, comme vous le savez, vous allez être appelés à vous prononcer l'automne prochain--et nous allons sans doute avoir le plaisir de vous revoir--sur le rapport relatif à l'application de la Loi sur le droit d'auteur qui a été préparé en vertu de l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur. Comme vous le savez, cette première ronde ou cette prochaine ronde de révision de la Loi sur le droit d'auteur va impliquer vraiment toute la question de la conservation et de l'utilisation des oeuvres protégées par la Loi sur le droit d'auteur sur Internet. On ne vous cachera pas que dans ce contexte, le fait de voir apparaître à ce moment-ci une nouvelle exception telle qu'elle est formulée dans le projet de loi nous a préoccupés. Nous aurions préféré que le débat sur cette question se fasse l'automne prochain, au moment où l'ensemble de la question sera avancée ou mise à l'étude.

    Notre position serait idéalement de dire que, dans une première étape, il faudrait probablement songer à retirer du projet de loi le paragraphe 8(2). Cela étant dit, on ne veut pas trop interférer dans le processus législatif. Ce matin, ce qu'il est important pour nous de vous faire comprendre, c'est que nous sommes très préoccupés par de nouvelles exceptions. Nous savons, par exemple, que dans le secteur de l'éducation, beaucoup de gens réclament le droit d'utiliser sans frais toute oeuvre mise à la disposition du public sans restriction, conformément aux termes stipulés dans le projet de loi. Nous venons donc avec ces préoccupations.

    Ce matin, nous avons deux alternatives à proposer pour défendre les droits des créateurs ou des titulaires de droits.

Á  +-(1110)  

    Je céderai maintenant la parole à Mme Marian Hebb, qui a préparé un document. Malheureusement, il n'est disponible qu'en anglais. Étant donné le délai que nous avions, nous avons pu le préparer seulement en anglais. Elle va vous le présenter et je traduirai les principaux éléments lorsqu'il en sera question.

[Traduction]

+-

    Mme Marian Hebb (conseillère juridique, Creators Copyright Coalition): Nous avons deux formules de remplacement à proposer, dont une qui nous semble nettement préférable et qui, à notre avis, permettrait d'amender le projet de loi pour régler les problèmes que mon collègue a mentionnés.

    En premier lieu, nous demandons la suppression de tout le paragraphe 8(2) du projet de loi C-36. C'est le paragraphe qui permet à la Bibliothèque et aux Archives du Canada de constituer, à des fins de préservation, des échantillons représentatifs des éléments d'information présentant un intérêt pour le Canada et accessibles au public sans restriction dans Internet ou par tout autre média similaire. Il faut faire disparaître ce paragraphe.

    Il faudrait aussi modifier du même coup l'article 26, qui modifie l'article 30.5 de la Loi sur le droit d'auteur. Nous demandons la suppression de l'alinéa 30.5a) de cette loi. Il s'agit de l'article qui permet à la Bibliothèque et aux Archives de faire une copie d'une oeuvre ou de tout autre sujet lorsqu'elles prélèvent un échantillon représentatif d'un document disponible par l'Internet, comme au paragraphe 8(2).

    Nous voudrions donc que l'on règle la question de la nouvelle exception à la Loi sur le droit d'auteur en même temps que les autres questions concernant les documents numériques dans le cadre du processus de révision du droit d'auteur qui est déjà en cours dans le contexte du débat général sur le numérique. Pour nous, ce serait la meilleure façon de résoudre le problème.

    Nous avons cependant une autre formule de remplacement à proposer, si vous ne retenez pas la première. Il s'agit encore une fois du paragraphe 8(2), qui comporte la formule suivante: à des fins de préservation, constituer des échantillons représentatifs des éléments d'information présentant un intérêt pour le Canada et accessibles au public sans restriction dans Internet ou par tout autre média similaire. Nous voudrions la remplacer par la formule suivante: «des éléments d'information présentant un intérêt pour le Canada et accessibles au public avec le consentement du détenteur du droit d'auteur». On réglerait ainsi en grande partie nos problèmes. La formule «sans restriction» est ambiguë. On ne sait pas exactement ce qu'elle signifie; est-ce qu'elle désigne le cas où le document ne fait l'objet d'aucune mesure technique de protection? Ce qui nous inquiète, c'est que si un document est disponible par Internet, nous aimerions savoir qu'il n'est disponible qu'avec le consentement du détenteur du droit d'auteur, qui est d'accord pour qu'on puisse en prendre des copies.

    Parallèlement à cette proposition, nous voudrions aussi qu'à l'article 26, qui modifie l'article 30.5 de la Loi sur le droit d'auteur afin de créer l'exception permettant à la Bibliothèque nationale et aux Archives nationales d'agir sans enfreindre le droit d'auteur, on ajoute la formule «uniquement à des fins de préservation». On préciserait ainsi qu'aux fins de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, le prélèvement d'un document par Internet ne constitue pas une infraction au droit d'auteur. On pourrait préciser, plus succinctement, qu'il n'y a pas infraction au droit d'auteur à des fins de préservation en vertu de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

    On peut considérer, comme certains l'ont fait, que cette formule est redondante, qu'elle ne fait que répéter ce qui figure déjà au paragraphe 8(2), mais en réalité, il est très important de reprendre ces termes dans la Loi sur le droit d'auteur. On met ainsi l'accent sur cette restriction et on lève les préoccupations des créateurs. Ainsi, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ne pourra pas être modifiée ultérieurement pour autoriser la diffusion de documents prélevés par les archivistes sur des sites Web sans une modification concomitante de la Loi sur le droit d'auteur.

    Tôt ou tard, certains ne manqueront pas de faire pression pour que les documents disponibles à la nouvelle institution à Ottawa soient également mis à la disposition des universitaires et des chercheurs dans d'autres parties du Canada, sans qu'ils aient à se déplacer à Ottawa. Les créateurs s'inquiètent des risques découlant de la diffusion de leurs oeuvres en mode numérique. Il y va de leurs droits économiques et de leurs droits moraux. Dans la plupart des cas, les créateurs souhaitent que leurs documents couverts par un droit d'auteur puissent être reproduits et diffusés, mais ils veulent avoir l'assurance que ces documents n'échappent pas à leur contrôle, que leur nom ne soit pas omis ou mal cité, ou que leurs documents soient modifiés d'une façon inacceptable. Ils ne veulent pas perdre la possibilité de diffuser leurs oeuvres à leur profit.

Á  +-(1115)  

    Si l'objectif de préservation figure dans la nouvelle exception à la Loi sur le droit d'auteur au profit de la Bibliothèque et des Archives du Canada, il sera impossible de se servir des documents d'un créateur à des fins autres que la préservation en modifiant simplement la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. Si on la modifie, il faudrait aussi modifier la Loi sur le droit d'auteur.

[Français]

+-

    M. Michel Beauchemin: J'ai seulement une chose à ajouter, soit pour préciser pourquoi le terme «sans restriction», qui est dans le projet de loi, nous fait tellement peur.

    Comme vous le savez peut-être, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada réclame présentement une exception, soit d'être en mesure d'avoir le droit d'utiliser sans frais toute oeuvre qui serait mise à la disposition du public sur Internet, et ce, sans restriction. Dans leur esprit, quand ils parlent de «sans restriction», la mention «oeuvre protégée par le copyright, interdiction de reproduire» ne serait pas suffisante pour eux. Pour qu'une oeuvre soit réputée «sans restriction», il faudrait qu'elle soit encryptée ou protégée d'une façon vraiment forte pour bloquer l'accès volontairement et intentionnellement à un utilisateur éventuel.

    C'est donc pour cela que quand nous avons retrouvé cette expression dans le projet de loi, elle nous a fait extrêmement peur. Nous savons qu'actuellement, l'acceptation de ce terme implique que dès que c'est sur Internet, bien qu'on indique qu'une oeuvre est protégée par le copyright ou non, les gens se croiraient autorisés de l'utiliser sans autre forme de procès et, bien sûr, gratuitement. C'est pour cela qu'on est extrêmement préoccupés par cela et qu'on a proposé un amendement qui restreint vraiment la portée de cette expression.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Bertrand-Venne.

[Français]

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec, Droit d'auteur / Multimédia-Internet / Copyright (DAMIC)): Je voudrais ajouter que de plus, je suis ici pour représenter le monde musical. Je tiens à vous faire remarquer que cela va au-delà des oeuvres littéraires. Évidemment, cela touche au droit d'auteur dans son ensemble. Les ayants droit de toutes les oeuvres protégées en vertu de la Loi sur le droit d'auteur sont touchés par le projet de loi. Dans l'article 8, on mentionne les spectacles. Il y a beaucoup d'éléments qui touchent plusieurs secteurs. C'est surtout cela que je voulais que vous compreniez. C'est pourquoi nous sommes ici pour accompagner nos collègues qui sont davantage dans le milieu de la littérature. Nous avons tous quand même cette préoccupation relative au droit d'auteur.

    Ce que Michel Beauchemin vient de vous dire à propos de la mention « sans restriction » est tout à fait juste. Vous n'êtes pas sans savoir que dans plusieurs secteurs, il y a des sociétés de gestion collective, mais il y a aussi énormément de créateurs qui gèrent leurs droits d'auteur personnellement et qui ne sont peut-être pas membres de regroupements collectifs. Donc, le suivi de tout cela est tout à fait problématique.

    Si on dit sur un site Internet que je me suis créé que vous n'avez pas le droit de reproduire mes oeuvres, et que des institutions pensent qu'elles ont droit de s'en servir malgré cette prohibition, c'est tout à fait important pour nous de sécuriser nos droits. On ne pourra jamais vous dire assez que nous sommes préoccupés par tout ce qui est accessible par les nouvelles technologies, en espérant être capables de vous présenter le tout avec une cohérence plus grande lors de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. C'est donc pour cela qu'on est ici ce matin, soit pour préserver nos droits de façon importante dans ce projet de loi, tout en ne voulant pas nécessairement nous y opposer comme tel.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

+-

    Le président: À vous, madame Lunn.

+-

    Mme Janet Lunn (ancienne présidente, Writers' Union of Canada): J'aimerais vous remercier de nous donner aujourd'hui la parole sur un sujet de la plus haute importance pour les écrivains canadiens.

    L'héritage que cède un écrivain à sa famille revêt la forme d'un droit d'auteur sur les oeuvres qu'il a créées de son vivant. Bien souvent, l'écrivain ne laisse pratiquement rien d'autre derrière lui. Généralement, les écrivains n'ont pas de grosses propriétés foncières ni d'actions ou d'obligations. C'est notre oeuvre que nous laissons en héritage.

    En écourtant la période de protection des oeuvres non publiées au moment du décès de l'auteur, les modifications apportées en 1997 à la Loi sur le droit d'auteur ont diminué la valeur de l'héritage de tous les auteurs qui sont morts avant la fin de décembre 1949. Aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, avant les modifications de 1997, lors du décès d'un auteur, ses oeuvres non publiées restaient protégées tant qu'elles n'étaient pas publiées, puis pendant 50 ans après leur publication. Les modifications de 1997 ont chamboulé cette règle. Désormais, le droit d'auteur sur les oeuvres non publiées du vivant de leur auteur expire 50 ans après son décès, c'est-à-dire à la même échéance que le droit d'auteur sur les oeuvres publiées.

    Depuis l'entrée en vigueur des modifications, le droit d'auteur sur les oeuvres non publiées des écrivains qui sont décédés entre 1949 et 1998 va être protégé jusqu'en 2048, mais les oeuvres non publiées des auteurs qui sont morts avant 1949 ne sont désormais protégées que jusqu'à la fin de cette année. Autrement dit, les oeuvres non publiées à la fin de 1998, même si elles ont été publiées depuis lors, vont tomber dans le domaine public le 1er janvier 2004. Par conséquent, tandis qu'un auteur décédé le 1er janvier 1949 est protégé jusqu'en 2048, l'auteur qui est décédé un jour plus tôt, soit le 31 décembre 1948, n'est protégé que jusqu'au 1er janvier 2004.

    En 1997, les héritiers d'auteurs décédés avant 1949 n'ont eu que cinq ans pour publier les oeuvres encore non publiées de ces auteurs. Même lorsqu'ils ont pu trouver un éditeur dans les délais requis, le livre publié ne sera protégé que jusqu'à la fin de cette année. Il est très peu vraisemblable que les héritiers de ces auteurs aient trouvé quelqu'un prêt à prendre le risque de publier un livre qui se trouve ainsi pratiquement dépourvu de protection du droit d'auteur.

    Dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis et dans les pays de l'Union européenne, la protection du droit d'auteur se poursuit désormais pendant 70 ans à partir du décès de l'auteur. Du fait des dispositions de la législation canadienne actuelle, les héritiers d'un auteur assujetti à ce régime chercheront vraisemblablement un éditeur étranger, qui leur offrira 70 ans de protection du droit d'auteur. Il serait prudent de leur part de chercher un tel éditeur pour les 20 années de protection supplémentaires dont ils vont bénéficier non seulement dans le pays où l'ouvrage sera publié, mais également dans tous les pays où s'applique une protection de 70 ans. Pour les éditeurs canadiens et pour la culture canadienne de façon générale, la perte de ces oeuvres et de leur valeur potentielle serait dramatique.

    La Writers' Union of Canada considère que le régime imposé aux oeuvres des auteurs qui sont morts plus de 50 ans avant les modifications de 1997 est arbitraire et injuste. C'est pourquoi nous nous sommes joints aux membres des associations de bibliothécaires, d'archivistes et d'historiens pour nous mettre d'accord sur une disposition transitoire plus raisonnable.

    Je suis heureuse de vous signaler que nous sommes effectivement parvenus à un consensus sur cette question et sur l'enregistrement du droit d'auteur protégeant les documents non publiés et archivés. Je m'en réjouis particulièrement à titre personnel, car j'écris des ouvrages d'histoire et des romans historiques pour l'enfance et la jeunesse et pour moi, l'accès aux documents d'archives est très important. Par ailleurs, j'enseigne l'écriture des histoires familiales aux personnes âgées, et je les incite à consulter les archives et à y contribuer. C'est donc un sujet qui me touche personnellement.

    Ma collègue Marian Hebb, qui est conseillère juridique de la Writers' Union of Canada, va vous présenter les consultations que nous avons tenues.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Madame Hebb, brièvement, s'il vous plaît.

+-

    Mme Marian Hebb: Avant de vous parler des consultations, j'aimerais vous signaler que Janet a reçu à deux reprises le Prix du gouverneur général pour la littérature enfantine et qu'elle est membre de l'Ordre du Canada.

    En septembre 1997, plusieurs mois après l'adoption des modifications à la Loi sur le droit d'auteur, le gouvernement a réuni des représentants des archivistes et des auteurs, ainsi que les fonctionnaires qui avaient révisé le droit d'auteur. Il a alors été question de l'article 7. Certains ont exprimé le désir de remédier à l'injustice créée par les révisions. Le 31 décembre 1998, un article révisé est entré en vigueur. C'est alors que s'est amorcé ce compte à rebours de cinq ans dont Janet Lunn a parlé.

    En février 1999, le gouvernement a présenté un document de travail énonçant différentes options afin d'assurer une transition plus harmonieuse du droit d'auteur perpétuel sur les oeuvres non publiées qui existait avant la modification de 1997 au nouveau régime. Les fonctionnaires des ministères de l'Industrie et du Patrimoine ont indiqué que s'il y avait consensus entre les parties intéressées sur une formule qui remplacerait les dispositions applicables à partir de 1997, ils recommanderaient l'adoption de cette formule à leurs ministres respectifs. En plus des formules de remplacement de l'article 7, le document de travail du gouvernement comportait certains éléments concernant la tenue des registres évoqués à l'article 32.2 de la Loi sur le droit d'auteur. Le document de travail de 1999 a été communiqué à la Writers' Union of Canada, aux Archives nationales du Canada, à l'Association historique du Canada et à un archiviste qui avait défendu le point de vue de ses collègues lors de la révision du droit d'auteur.

    À l'automne 2001, Wanda Noel, l'avocate qui conseille les bibliothécaires et qui conseillait ce comité, a été chargée par le gouvernement d'animer notre groupe de consultation. Nous avons été invités à nous réunir pour étudier les options de remplacement de l'article 7. Le groupe se composait d'un archiviste universitaire du Bureau des archivistes du Canada, d'un représentant de l'Association historique du Canada, d'un archiviste des Archives nationales, du directeur de la Writers' Union et de moi-même. Wanda Noel a rédigé un document de travail qui a servi de base aux discussions, et elle a présidé les réunions. La première réunion s'est tenue en janvier 2002.

    Les participants se sont engagés à consulter leurs mandants avant la réunion suivante, qui était prévue pour la fin de février 2002. Lors de cette réunion de février, on s'est mis d'accord sur la modification de l'article 7 et des dispositions de l'article 30.2 concernant la tenue de registres dans la Loi sur le droit d'auteur. Les écrivains ont accepté de renoncer aux exigences de tenue de registres que les archivistes jugeaient excessives, puisqu'il fallait tenir des registres des copies d'oeuvres non publiées des auteurs introuvables, et les tenir à disposition pour inspection publique.

    À l'issue de cette dernière réunion, Wanda Noel et les participants ont rédigé un document final présentant la proposition retenue et la consultation a confirmé que cette proposition finale était avalisée par l'ensemble des groupes représentés. Les articles 21 et 22 du projet de loi C-36 représentent le consensus ainsi atteint, auquel nous avons donné notre accord.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Monsieur Hosking ou monsieur Manson.

+-

    M. Fred Hosking (président, Public History Inc.): Je vous remercie de me donner la parole.

    Je m'appelle Fred Hosking et je suis le président de Public History Inc. Notre société a été créée en 1996 et nous sommes aujourd'hui le plus grand organisme canadien de recherche historique dans le secteur privé. Nous avons 70 employés à plein temps et nous consacrons chaque année plus de 25 000 heures à des recherches aux Archives nationales du Canada et à la Bibliothèque nationale. C'est pourquoi je considère que nous sommes parfaitement habilités à nous adresser à vous aujourd'hui.

    Je ne vais pas parler des questions de droit d'auteur. J'en laisse le soin à mes collègues ici présents. Comme nous passons beaucoup de temps aux Archives nationales, j'aimerais parler... Nous ne sommes pas une entreprise de revendication; nous sommes des chercheurs, et nous passons l'essentiel de notre temps aux Archives nationales à faire des recherches sur divers sujets, qui vont des revendications territoriales des Autochtones au mauvais traitement des personnes âgées dans les établissements d'hébergement, en passant par le contentieux commercial ou la responsabilité en matière de produits de santé. Nous passons notre temps à faire des recherches aux Archives nationales. C'est nous qui trouvons les documents destinés à nos clients. Nous avons affaire à de nombreux clients, notamment au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux, aux Premières nations, à des cabinets d'avocats et à des sociétés privées. C'est nous qui fouillons les dossiers pour fournir les documents pertinents à nos clients. Dans la plupart des cas, les recherches que nous faisons ne sont pas directement axées sur un contentieux, mais elles permettent à notre client d'ouvrir un contentieux par la suite.

    Je voudrais tout d'abord dire que nous sommes favorables au projet de loi C-36. Nous y voyons plusieurs avantages, notamment la mise en commun des ressources stratégiques et la possibilité de collaborer à la réalisation d'objectifs complémentaires. C'est particulièrement vrai dans le cas du développement de l'Internet, de la consultation en direct, et particulièrement de la numérisation des documents historiques. Nous pensons qu'il est temps qu'une institution se fasse le gardien du patrimoine documentaire du Canada, plutôt que d'en confier la responsabilité à deux entités distinctes. Cela étant dit, nous sommes conscients du fait que cette loi n'est qu'un accord-cadre indiquant les modalités d'une fusion qui doit s'étaler sur plusieurs années, et c'est ce qui nous inspire plusieurs préoccupations.

    La première d'entre elles concerne les conditions de l'intégration. Comme il s'agit d'une entente-cadre, plusieurs points nous préoccupent. Compte tenu de l'évolution historique des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale—les deux entités ont élaboré des cultures d'organismes et des méthodologies très différentes et même si elles occupent le même bâtiment, les deux sont restées tout à fait distinctes pendant des années—nous craignons que la période de transition n'occasionne des perturbations pour les chercheurs qui ont recours à cette institution si la fusion n'est pas réalisée de façon prudente et parfaitement orientée. Ce devrait être très coûteux et très long de réparer les erreurs qui risquent de se produire au cours des prochaines années.

    Notre deuxième préoccupation concerne le financement. Comme nous nous servons constamment des Archives nationales depuis 1986, nous avons assisté à une augmentation considérable de la fréquentation de ces archives, non seulement par les chercheurs professionnels, mais également par les généalogistes, par les universitaires, par les étudiants et par les simples citoyens désireux de se renseigner sur l'histoire de leur pays. Bien que les Archives nationales aient déployé des efforts considérables pour améliorer le service à la clientèle dont nous faisons partie, la demande de service dépasse largement la capacité de prestation des archives. On le constate particulièrement dans les domaines de l'accès à l'information et des demandes de protection des renseignements personnels qui transitent par les Archives nationales, de l'accessibilité des documents, du fait de la difficulté de consulter un archiviste, de la difficulté de consulter des documents anciens et de s'y retrouver dans les dossiers des Archives nationales, qui sont tenus dans les centres fédéraux de l'ensemble du pays.

    Indépendamment de la fusion envisagée dans le projet de loi C-36, nous avons déjà constaté une augmentation considérable de la demande à laquelle les Archives nationales et la Bibliothèque nationale doivent répondre.

    Notre société a réalisé un certain nombre d'études à l'interne, et nous estimons que la recherche historique en tant qu'activité économique représente de 75 à 100 millions de dollars chaque année. L'essentiel de ce travail se fait aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale. Compte tenu de l'augmentation de la demande pour ceux qui font des recherches généalogiques, du nombre croissant de recherches en ligne et de l'augmentation du contentieux impliquant le gouvernement fédéral, nous constatons que même sans la fusion, la demande de services aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale va littéralement exploser au cours des années à venir. Nous craignons surtout que l'État n'assure pas le financement nécessaire pour assurer les services à l'avenir, non pas uniquement pour préserver les documents, mais pour les mettre à la disposition de tous les Canadiens.

    Je ne sais pas si vous avez déjà fait des recherches aux Archives de Washington. Nous en faisons assez souvent et nous pouvons dire qu'il s'agit d'une institution de classe mondiale. On a consacré beaucoup d'efforts et de réflexion à élaborer cette institution et les services qu'elle assure sont de première qualité. Nous espérons que grâce à la fusion, à la mise en commun des ressources et des expertises, nous pourrons dépasser les Américains et faire mieux que les Archives de Washington.

Á  +-(1130)  

    Nous avons beaucoup travaillé avec les Archives au cours des dernières années, et nous savons qu'elles ont accompli de grands progrès. Chose certaine, les Archives sont plus sensibles aujourd'hui aux préoccupations et aux problèmes des chercheurs que jamais auparavant, et ce qui nous inquiète le plus, c'est l'explosion de la demande pour ce genre d'information et la croissance sans précédent qui suivra. Qu'il s'agisse de professionnels comme nous-mêmes, de généalogistes, d'universitaires ou d'étudiants, la demande ne fera que croître.

    Nous profitons de l'éventualité de cette fusion pour vous inviter à en assurer le financement pas seulement maintenant, ce qui est le cas, mais aussi à l'avenir pour faire en sorte que les Archives et la Bibliothèque nationale, qui vont former cette nouvelle institution, puissent non seulement répondre à la demande actuelle et future mais que cette institution ait aussi les ressources voulues pour mener à terme les projets qu'ont mentionnés par exemple Ian Wilson et Roch Carrier ce matin, qu'il s'agisse de la mise en ligne des documents de Mackenzie King, qui ont été rendus publics la semaine dernière, qui constituent un outil de recherche précieux, ou des questions qui ont trait à l'information sur le Web, l'information généalogique et l'accessibilité de cette information sur Internet.

    Rappelons encore une fois que la visibilité des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale s'est accrue ces dernières années. On en parle davantage dans les journées maintenant. Elles sont accessibles aux écoles. Leurs programmes de sensibilisation se sont beaucoup améliorés. Et il y aura bien sûr une seule institution au lieu de deux. Cela ne fera qu'accroître leur visibilité.

    De plus en plus de Canadiens s'intéressent à l'histoire. Nous prenons souvent la parole devant des étudiants et des sociétés historiques, et nous constatons nous-mêmes que le désir qu'ont les Canadiens d'en apprendre davantage sur eux-mêmes, d'en apprendre davantage sur leur histoire et leur patrimoine ne fait que croître. En tant que Canadiens, nous trouvons cela très encourageant mais au même moment, il s'agit des personnes qui vont utiliser les Archives nationales et la Bibliothèque nationale. Et si les deux ne forment qu'une seule institution, encore là, on va l'utiliser davantage.

    Nous savons que les Archives nationales n'ont pas en ce moment les crédits qu'il leur faut pour répondre à la demande, et nous ne voudrions pas que cette nouvelle institution soit un jour contrainte à mendier des crédits parce que les autres musées sont évidemment les premiers servis. Nous ne voulons pas voir les Archives nationales être obligées de mendier au secteur privé parce qu'elles n'ont pas les ressources voulues pour acheter du matériel ou parce qu'elles ne peuvent engager du personnel spécialisé, des archivistes.

    Sur une note personnelle, ce que nous voulons vraiment, c'est voir cette nouvelle institution appelée l'« Institut public de la connaissance historique », mais nous reconnaissons la nécessité de séparer les Archives et la Bibliothèque du Canada du secteur public et de s'assurer que cette nouvelle institution dispose du financement voulu de telle sorte que tous les Canadiens aient aisément accès à notre histoire et notre patrimoine.

    Nous reconnaissons que cela va coûter cher, et la question qui doit être posée est de savoir combien il en coûtera pour que les Canadiens aient aisément et rapidement accès à leur histoire et à leur patrimoine.

    Nous tenons à vous féliciter pour ce projet de loi. Nous y voyons un pas dans la bonne direction. Ce qui nous préoccupe le plus, c'est le financement et le fait que cette transition doit être faite avec professionnalisme, avec une vision, avec de la prévoyance, afin que l'on réduise au minimum les problèmes ou les difficultés que pourrait causer à long terme une fusion qui n'est pas bien faite et qui coûterait beaucoup d'argent, essentiellement pour refaire ce qui n'a pas été bien fait au départ.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Hosking.

    Enfin, monsieur Knopf.

+-

    M. Howard Knopf (avocat spécialisé dans le droit d'auteur, À titre individuel): Bonjour, monsieur le président, membres du comité.

    C'est à titre personnel que je m'adresse à vous aujourd'hui, en ma qualité d'avocat spécialiste du droit d'auteur, et je représente aussi le professeur Jack Granatstein, cet éminent historien canadien et ancien administrateur et p.-d.g. du Musée canadien de la guerre. Il a participé à la facture de l'exposé que je m'apprête à vous donner et il est d'accord avec tout ce que je vais dire. Il regrette que les engagements qu'il a pris envers le Collège militaire royal l'empêchent d'être des nôtres aujourd'hui.

    Son opinion est importante, non seulement du fait de ses réalisations, mais aussi du fait de ses nombreux travaux qui font autorité dans l'histoire militaire et politique du Canada qui traitent justement de la période qui serait le plus touchée par ce projet de loi.

    L'honorable ministre du Patrimoine canadien a proposé le projet de loi C-36, où il est surtout question de la fusion des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, mais qui contient aussi des modifications à la Loi sur le droit d'auteur qui font problème et, disons-le franchement, qui sont totalement inutiles si l'on considère la raison d'être générale de ce projet de loi.

    Lucy Maud Montgomery est décédée en 1942. Elle est une véritable icône de la littérature canadienne. Ses héritiers semblent être à l'origine des dispositions sur le droit d'auteur de ce projet de loi qui auraient pour effet d'allonger l'application du droit d'auteur sur certaines de ses oeuvres posthumes. Les droits d'auteur sur ses oeuvres publiées dont profitait sa succession ont expiré bien sûr en 1992, 50 ans après sa mort. Néanmoins, grâce à d'autres mécanismes relatifs à la propriété intellectuelle qui font intervenir la Loi sur les marques de commerce, le récit d'Anne et la maison aux pignons verts continue de rapporter de l'argent, beaucoup d'argent.

    Et maintenant, les héritiers de Montgomery ont convaincu le gouvernement canadien d'allonger la période de respect de son droit d'auteur sur ses oeuvres inédites beaucoup plus longtemps: jusqu'à 96 ans après sa mort.

    Qui sait pourquoi ces oeuvres sont demeurées inédites? On imagine que ce projet de loi permettra à ses héritiers de gagner encore plus d'argent. Pourquoi cela fait-il problème? Tout simplement parce que c'est beaucoup plus que la succession de Montgomery qui est en jeu ici.

    Il en résultera que les Canadiens devront attendre encore entre 14 et 34 ans pour avoir accès à des documents historiques qui composent la succession de diverses personnalités publiques qui voudront en dissimuler le contenu, ou leur imposer un prix tellement élevé que leur accès serait effectivement limité, et ce, en se servant de cet instrument puissant qu'est la Loi sur le droit d'auteur.

    Si notre ministre du Patrimoine veut vraiment que les Canadiens « racontent leurs histoires », comme elle se plaît à le dire, elle s'apprête en fait à nous forcer à attendre beaucoup plus longtemps pour que certains matériaux très importants soient mis au jour et publiés.

    Ce projet de loi aurait pour effet de réécrire la loi qui a été adoptée il y a à peine cinq ans de cela. On allongerait la protection du droit d'auteur, comme je l'ai dit, entre 14 et 34 ans, selon les dates critiques et les stratégies des avocats spécialistes du droit d'auteur et des éditeurs qui en profiteraient.

    À part Montgomery, il y a d'autres exemples de Canadiens célèbres dont l'histoire complète pourrait n'être jamais racontée avant plusieurs décennies—bien longtemps après la mort de bon nombre d'entre nous ici présents—, entre autres, R.B. Bennett, qui est mort en 1947, et qui a été premier ministre du Canada pendant la Crise économique; Sir Robert Borden, qui est décédé en 1937, et qui avait été premier ministre du Canada de 1911 à 1920, pendant la Grande Guerre, qui s'était opposé à Laurier sur la question du traité de réciprocité avec les États-Unis, ce vieux débat canadien; Stephen Leacock, qui est décédé en 1944 et qui n'a plus besoin d'être présenté; Archibald Stansfeld Belaney, également connu sous le nom de Grey Owl, qui est mort en 1938, était écrivain, écologiste et qui aurait bien voulu être Autochtone; et semble-t-il, même les oeuvres de Sir Wilfrid Laurier. S'il subsiste des lettres inédites de Sir Wilfrid Laurier, qui est décédé en 1919, la protection du droit d'auteur, en vertu de ce projet de loi, pourrait être prolongée jusqu'en 2024, si elles sont publiées pour la première fois avant la fin de cette année-ci.

    Ce projet de loi pourrait donner naissance au Canada à un mouvement pour la prolongation du droit d'auteur à l'américaine. On risque d'imiter la prolongation controversée de 20 ans que l'on connaît aux États-Unis, et qui est fondée sur ce raisonnement douteux mis de l'avant par le conglomérat Disney, qui a convaincu le gouvernement américain d'allonger la protection du droit d'auteur—même rétroactivement—pendant 20 ans.

    On a beau croire tant qu'on veut à la théorie de l'incitatif du droit d'auteur, il est évident que Walt Disney et Lucy Maud Montgomery ne vont pas écrire de suite à leurs oeuvres un jour prochain. Mêmes les Américains reconnaissent que le droit d'auteur doit bien avoir une fin un jour. Comme me disent mes clients qui sont détaillants: «Quand c'est fini, c'est fini .

    La Cour suprême des États-Unis a rendu hier un jugement important, le jugement Dastar, qui dit justement cela: lorsque le droit d'auteur prend fin, il prend fin. L'oeuvre entre dans le domaine public.

    Une protection du droit d'auteur qui est excessivement longue ne fait pas que des gagnants. On impose ainsi des coûts onéreux à la société, du fait que l'on n'a pas accès à des renseignements, du fait que les capacités des chercheurs sont limitées, et du fait que l'on retarde ou étouffe l'évolution et la production culturelles. Bach a copié Vivaldi pour l'améliorer, Disney a copié les frères Grimm, Kipling et Victor Hugo. Et maintenant la société Disney ne veut voir personne d'autres imiter cette recette du succès, particulièrement avec ses propres productions.

Á  +-(1140)  

    Sans parler du tout du monde du spectacle et de la culture de masse, l'étude de l'histoire s'en trouverait sérieusement compromise, et l'évolution de l'histoire elle-même. Santayana l'a dit: «Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter». Ce projet de loi aurait pour effet de limiter considérablement la recherche sur des personnalités aussi éminentes que Borden et Bennett, et le professeur Granatstein s'en préoccupe vivement.

    En vertu de la loi américaine, les textes inédits d'un auteur décédé sont protégés jusqu'au 1er janvier 2002, soit 70 ans après la mort de celui-ci ou de celle-ci, et l'on retient la plus tardive des deux dates. Tout texte inédit de John F. Kennedy, par exemple, n'entrerait pas dans le domaine public avant 2033, même si l'on tient compte de la prolongation qu'on accorde aux créatures de Walt Disney.

    Les Américains ont fini par comprendre cela en 1976. Le Canada ne commence qu'à comprendre la situation, et il se montre très indécis.

    Nous croyons avoir trouvé une solution, et du moins c'est ce qu'il semblait—en 1997 avec l'adoption du projet de loi C-32. L'un des quelques aspects conviviaux de cette mesure législative était l'élimination du droit d'auteur perpétuel sur oeuvres posthumes. Pour ceux qui sont décédés avant 1949, il y avait une période de grâce transitoire de cinq ans. C'était ce qui avait été convenu. Mais dans l'ensemble, les autres dispositions de cette loi étaient extrêmement dures envers les universitaires, les archivistes et les bibliothécaires.

    La ministre Copps veut maintenant réécrire la loi de 1997 pour donner à la succession des auteurs décédés quelque chose de plus, et elle offre en retour aux archivistes un allégement du fardeau administratif. Franchement, monsieur le président, ces fardeaux n'auraient jamais dû leur être imposés au départ, et ils étaient incompatibles avec la notion raisonnable du traitement équitable, et l'on aurait dû y remédier avec les modifications à la loi de 1997.

    Il n'y a eu qu'un minimum de consultation sur la mesure législative qu'on propose aujourd'hui et le processus était presque secret. Lorsque le rapport de l'expert-conseil a été publié au début de 2003, même ceux qui étaient au courant n'ont eu que quelques jours pour y réagir. Le rapport manquait de détails et était dépourvu de toute analyse comparative comme l'aurait exigée l'ampleur des problèmes en question.

    Le milieu universitaire du Canada, sans que l'on puisse expliquer pourquoi, semble ou bien n'avoir rien su de ces questions jusqu'à ce jour ou y avoir été indifférent. Nombre d'éminents universitaires du Canada ne connaissent pas le premier mot de ces dispositions, peut-être parce que leurs propres établissements ou associations professionnelles n'ont pas su les en informer.

    Il y a une autre disposition dans le projet de loi qui fait problème et qui...

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Pardon, monsieur Knopf. La sonnerie de 30 minutes qui vient de retentir nous apprend qu'il y aura un vote dans 30 minutes. Je vous prie donc de conclure rapidement pour que les députés aient la chance de vous interroger...

+-

    M. Howard Knopf: Oui, monsieur le président. On m'avait promis 10 minutes, et je m'en tiendrai largement à cela. Je devrais avoir terminé dans deux ou trois minutes.

+-

    Le président: Fort bien.

+-

    M. Howard Knopf: Il y a une autre disposition qui fait problème et qui concerne le fait que le droit d'auteur soit caché dans le projet de loi, et cela a fait l'objet d'une longue discussion ce matin. Il s'agit de la disposition qui soi-disant « permet » au nouvel organisme amalgamé de prendre des clichés des sites Web afin de les conserver à des fins historiques. Est-ce une bonne chose? Mes collègues ici présents n'en croient rien.

    Je ne suis pas d'accord avec ces dispositions pour des raisons cependant tout à fait différentes. Le problème que pose cette soi-disant exception tient au fait qu'elle suppose que toute personne ou entité autre que la nouvelle institution qui télécharge ou conserve quoi que ce soit d'Internet à des fins de recherche ou d'études privées se trouve à porter atteinte au droit d'auteur, ce qui est faux tant sur le plan politique que juridique.

    Il y a une organisation aux États-Unis qui a été fondée par un monsieur très riche du nom de Brewster Kahle. On peut visiter son site Web, le www.archive.org, qui est un mécanisme très perfectionné et puissant d'archivage d'Internet. C'est une organisation dirigée par des personnes fortunées aux États-Unis. Même en vertu de la loi américaine, elle ne semble pas s'être butée à des problèmes relatifs au droit d'auteur. Soyez sûr que si quelqu'un aux États-Unis trouvait à en redire, une poursuite aurait été intentée.

    Je ne crois pas que nous ayons besoin de cette disposition dans la loi non plus. Elle va faire plus de mal que de bien. Pour des raisons entièrement différentes de celles de mes collègues qui m'accompagnent, je suis d'accord avec eux pour dire que cette disposition devrait être retranchée du projet de loi.

    Il faut retrancher également du projet de loi les dispositions relatives à la prolongation du droit d'auteur. Elles devraient être supprimées du projet de loi C-36. Il faudrait leur appliquer la procédure de l'article 92. Si c'est absolument nécessaire, la date d'expiration du 31 décembre 2003 pour ces dispositions transitoires controversées qui viseraient Montgomery et d'autres pourrait être étendue pour une année ou davantage, de telle sorte que l'on pourrait faire appliquer convenablement et dans la transparence les dispositions de l'article 92. Le fait que l'article 92 ne s'applique que tardivement ne motive nullement une hâte précipitée et une nouvelle politique gouvernementale erronée.

    La facture de ce projet de loi pose des questions dérangeantes. Est-ce qu'on voit émerger chez nous un processus législatif à l'américaine où l'on greffe des dispositions furtives et sous-marines à des mesures législatives avec lesquelles il y a peu de rapports ou aucun?

    À peine deux semaines avant le dépôt de ce projet de loi, M. Stockfish du Patrimoine canadien et moi-même étions présents à une table ronde à l'Université Fordham de New York, le 24 avril 2003. Il expliquait à un groupe d'Américains influents l'évolution future du droit d'auteur au Canada. Il n'a fait aucune mention de ce projet de loi, pour autant que je m'en souvienne. La surprise fut totale pour moi et de nombreux autres parce que ce projet de loi a été déposé deux semaines plus tard, soit le 8 mai 2003.

    Monsieur le président, assistons-nous au début d'une ruée « où c'est chacun pour soi » et où l'on révise à la pièce la Loi sur le droit d'auteur, sans la moindre vision globale? Même au moment où je rédigeais ce texte, et à l'heure même où nous parlons, les photographes viennent de réussir eux aussi à faire déposer à l'autre Chambre un projet de loi concernant la prolongation de leurs droits d'auteur, et c'est le projet de loi d'initiative parlementaire du Sénat, le projet de loi S-20, qui profiterait apparemment du soutien de Mme Copps.

    Monsieur le président, on semble vouloir adopter à toute vapeur le projet de loi C-36, qui pourrait prendre effet bientôt. Si c'est le cas, il faudrait en retirer les dispositions sur le droit d'auteur qui sont inutiles et qui font problème, et qui ont été ajoutées avec une discrétion surprenante.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Knopf.

    Monsieur Strahl.

+-

    M. Chuck Strahl: Merci à tous d'avoir comparu. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps pour poser des questions, je n'en poserai qu'une seule. Mais auparavant, je voudrais dire quelque chose brièvement.

    Monsieur Knopf, je comprends ce qui vous préoccupe au sujet des amendements à la Loi sur le droit d'auteur. Je pense pour ma part que la Loi sur le droit d'auteur devrait être rouverte complètement, lorsqu'on songera à l'amender. D'ailleurs, les divers ministres l'ont déjà promis par le passé. Je vous comprends. Je ne suis pas historien moi-même, mais je sais que d'autres historiens ont déjà fait état de la même préoccupation.

    Maintenant, quant à savoir si la loi sera modifiée ou pas, ce n'est pas ce qui m'importe en ce moment : je crois plutôt qu'elle devrait être annexée à ce projet de loi-ci. Par conséquent, sachez que nous proposerons des amendements en ce sens au cours de l'étude du projet de loi. Je ne sais pas ce qu'en pense le reste du comité, et ce n'est pas que je sois contre l'idée de modifier la Loi sur le droit d'auteur, mais je pense que ce n'est pas la bonne façon de s'y prendre.

    Mais je répète que je vous comprends.

    J'ai maintenant une question pour M. Hosking dont j'ai écouté avec plaisir les commentaires sur le projet de loi et sur les archives en général. Il nous a fait comprendre que les archives servaient même à faire de l'argent. On nous en avait parlé jusqu'à maintenant de façon poétique, mais nous venons de découvrir que c'est aussi une source d'argent.

    Les Archives et la Bibliothèque prétendent que même s'il n'y aura pas de mise à pied ni de compression, la prestation des services sera beaucoup plus efficace et que certaines de vos préoccupations disparaîtront devant l'efficience des services et que vous pourrez obtenir un meilleur produit avec un nombre égal d'employés. Mais vous affirmez, pour votre part, que si la fusion de ces deux institutions se fait dans l'erreur et que l'on ne tient pas compte des différences de culture, il pourrait en découler une situation chaotique—c'est l'expression que vous avez employée. Personne ici ne le souhaite. Voilà pourquoi j'avais demandé qu'on nous présente un plan et que j'exigeais qu'il soit détaillé.

    Mises à part les conversations que vous pouvez avoir eues avec les gens sur place lorsque vous faites vos recherches, leur avez-vous soumis quoi que ce soit par écrit pour expliquer ce à quoi ils devaient prendre garde ou ce que vous aviez constaté vous-même? L'avez-vous fait ou espérez-vous simplement que tout se fera pour le mieux? Vous avez dit vous-même qu'il pourrait s'ensuivre une situation chaotique. Personne ici ne le souhaite. Qu'avez-vous fait pour aider les intéressés à se préparer à la transition?

Á  +-(1150)  

+-

    M. Fred Hosking: Nous avons eu l'occasion de rencontrer Ian Wilson en janvier ou février dernier, et nous l'avons rencontré avec le représentant de la Société historique du Canada pour lui faire part de nos idées là-dessus. De plus, jeudi dernier, nous avons eu l'occasion de nous pencher sur la question avec plusieurs de nos attachés de recherche qui ont été invités à discuter des problèmes quotidiens d'ordre opérationnel que nous entrevoyons.

    J'ai déjà expliqué qu'il s'agit là de deux institutions très différentes, que l'on parle de tout ce qu'il y a de plus fondamental, comme les heures d'ouverture, la façon dont le matériel est gardé et organisé, la vision philosophique et la culture à l'interne. C'est ce que nous avons souvent constaté, puisque nous faisons des recherches dans les deux institutions. Il ne suffit donc pas de dire que « nous ne faisons plus qu'un » pour que tout se déroule sans heurts.

    Vous avez dit vous-même que ce projet de loi-ci n'est au fond qu'un accord-cadre et qu'il faut réfléchir énormément à la façon dont tout cela se concrétisera sur place et à la façon dont on va fusionner bibliothécaires et archivistes. Même la façon dont on organise et on manipule les documents est très différent d'une organisation à l'autre. Cela va même de la façon dont on préserve le matériel d'archivage et préserve les livres et autres documents. Du point de vue de celui qui est sur place pour faire ses recherches, je peux vous dire que nous avons des inquiétudes au sujet de l'accès aux documents, de leur obtention, de la copie, etc.

    Nous ne sommes pas nécessairement compétents pour traiter de haute gestion, et on ne nous a pas demandé de nous prononcer sur ce que nous pensons de la gestion aux échelons supérieurs; nous nous sommes concentrés sur le côté opérationnel. Mais on nous a demandé de rencontrer Ian Wilson et nous aurons une réunion au cours de laquelle nous discuterons des préoccupations que nous avons à l'égard des deux institutions, de la façon dont elles fonctionnent actuellement et de la façon dont elles pourraient mieux fonctionner.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci, monsieur le président.

    Imaginez-vous qu'à l'automne 2002--je partage avec vous un petit élément biographique--, j'ai suivi un cours sur le droit d'auteur à l'Université d'Ottawa. Ce n'est pas le cours le plus passionnant que j'aie suivi dans ma vie, mais je n'ai pas complètement détesté cela. Je comprends qu'il y a déjà eu deux révisions de la loi et qu'on en fera une troisième. Vous êtes inquiets de l'éventualité qu'on puisse recueillir du matériel sur Internet pour l'utiliser dans le cadre de la nouvelle institution à naître.

    À votre connaissance, dans la loi telle qu'elle existe, est-ce qu'il y a une définition de ce que veut dire « l'accès au public sans restriction »? Comme législateurs, que pensez-vous qu'on devrait comprendre à cet égard ?

    Deuxièmement, ce que les fonctionnaires ont dit aux parlementaires, c'est qu'il y a des dispositions analogues qui existe dans d'autres pays, comme la Suède, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou la France. On peut sans doute plus facilement se comparer à la France et au Royaume-Uni. Qu'est-ce que vous nous répondez face au fait qu'on ne serait probablement pas dans un cas d'espèce, mais que d'autres juridictions ont fait ce qu'on s'apprête à faire si on adopte la loi selon la proposition qui nous est faite?

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne: Je vous répondrais que la problématique n'est pas tellement face au législateur. Peut-être que « sans restriction » veut dire justement que l'autorisation des titulaires de droit doit être obtenue. La problématique se trouve face aux usagers. Ce qu'on propose ce matin, c'est de sécuriser cette compréhension parce que « sans restriction » doit vouloir dire « avec l'obtention des titulaires de droit ». Vous aurez compris qu'on a évoqué que les lieux d'enseignement considèrent que l'obligation ne leur est pas nécessairement imposée d'obtenir les autorisations. C'est en vertu de ces interprétations que nous sommes plus inquiets. C'est pour cela qu'on veut proposer cet amendement.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Réal Ménard: Présentement, dans la loi telle qu'elle existe, il y a déjà des exonérations pour les établissements d'enseignement au chapitre des photocopies, par exemple. Il y a des sociétés de gestion qui peuvent s'installer dans les établissements scolaires et cueillir directement, par des remises, les droits d'auteur.

    Votre crainte, c'est que ce qui existe déjà au chapitre des droits d'auteur soit en violation par rapport à ce qu'on pourra faire.

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne: C'est-à-dire qu'on veut lier les deux lois. Il peut arriver qu'un usager, sous l'égide de la Loi sur les archives nationales, connaisse peu ou moins la Loi sur le droit d'auteur. C'est dans le but de rendre les deux lois compatibles et cohérentes qu'on propose la modification de la Loi sur le droit d'auteur.

    Il faut comprendre que dans l'actuelle Loi sur le droit d'auteur, nous n'avons pas encore débattu des nouvelles technologies qui nous sont proposées dans l'actuelle loi. C'est important pour nous ce matin de demander la modification à la Loi sur le droit d'auteur. On touche une nouvelle technologie par le fait de rendre un produit accessible au public sous toutes ses formes. C'est là où on est inquiets.

+-

    M. Réal Ménard: C'est vrai qu'il pourrait y avoir une incohérence.

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne: C'est vrai entre les deux lois.

+-

    M. Réal Ménard: Vous avez regardé ce qui s'était fait dans les pays que je vous ai mentionnés?

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne: Nous n'avons pas eu le temps--peut-être Marian l'a eu--parce que le projet de loi nous est arrivé assez rapidement, comme M. Knopf le disait, soit au cours des deux dernières semaines. L'étude n'a pas été aussi exhaustive qu'on l'aurait voulu. Je suis certaine que les responsables au ministère du Patrimoine et les juristes professionnels du ministère pourraient sûrement vous informer de ce qui a été fait ailleurs.

+-

    M. Réal Ménard: Sauf celle sur les droits d'auteur, bien sûr.

+-

    Mme Francine Bertrand-Venne: Absolument.

+-

    Le président: Étant donné que le temps est restreint aujourd'hui, ce que je vous suggère, madame Venne, c'est qu'avant que nous passions à l'étude article par article du projet de loi, si vous avez d'autres recherches à faire, de ne pas hésiter à envoyer la documentation à la greffière du comité. De toute le façon, on va suivre cette piste.

[Traduction]

    Il nous reste encore 15 minutes avant la fin. Je suggère que nous les partagions entre un membre ministériel du comité et Mme Lill.

    Madame Lill, cela vous convient-il?

    Y a-t-il des questions de ce côté-ci? Madame Frulla? Monsieur Shepherd?

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Oui, une petite question.

    Dans l'amendement que vous proposez au projet de loi, vous parlez du consentement des auteurs. D'après ma propre expérience acquise dans le milieu de l'administration, je peux imaginer à quel point cela pourrait être difficile à obtenir. Certains des autres intervenants pourraient peut-être nous dire si ce consentement sera difficile à administrer, puisque chaque fois que vous avez accès à Internet et que vous y trouvez une oeuvre, vous êtes obligés d'obtenir le consentement de l'auteur en question.

    Ne vaut-il pas mieux obtenir avant tout l'assurance de la part de l'institution qu'elle ne redistribuera pas les oeuvres?

+-

    Mme Marian Hebb: Quand nous disons « avec le consentement du titulaire de droit d'auteur », cela n'implique pas nécessairement qu'il soit nécessaire d'obtenir son consentement écrit dans chaque cas, puisque le titulaire de droit d'auteur peut céder sa licence à des sociétés de gestion collective. Il arrive souvent que celui qui publie quelque chose sur Internet en permette la copie. Autrement dit, si vous trouvez une oeuvre sur un site Web, c'est parce que le titulaire du droit d'auteur sait parfaitement bien qu'il est possible de copier son oeuvre. L'expression en question est donc très large; de plus, le consentement peut être obtenu de plusieurs manières et peut ne pas être nécessaire dans certains cas, surtout pour ceux qui visitent un site Web et y voient une oeuvre qui y a été affichée pour être éventuellement téléchargée.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Frulla, puis madame Lill, brièvement.

    Madame Frulla.

+-

    M. Alex Shepherd: Je crois que M. Hosking voulait intervenir.

+-

    Le président: Monsieur Hosking.

+-

    M. Fred Hosking: Beaucoup des dispositions sur le droit d'auteur dont on parle en ce moment ne s'appliquent pas nécessairement à nous. La grande majorité du travail que nous effectuons se fait à partir de dossiers du gouvernement fédéral, et nous utilisons, par exemple, les dossiers du ministère des Affaires indiennes ou ceux du ministère de la Justice, plutôt que des dossiers personnels. Nous n'avons pas recours à Internet pour y trouver de l'information. Pour les documentalistes que nous sommes, 90 p. 100 de ce qui se trouve sur Internet ne nous concerne pas et n'est pas pour la plupart digne de foi. L'Internet nous sert plutôt d'outil permettant de déterminer où nous pouvons trouver de l'information, plutôt que d'outil d'information à proprement parler. Ce que nous trouvons sur le Web est analysé avec beaucoup de méfiance et n'est même pas légitime, pour la plupart, en ce qui nous concerne.

    Vous voyez que nous avons un point de vue différent de celui de nos collègues.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Il nous reste 13 minutes avant le vote, et je suggère que nous arrêtions dans 10 minutes.

    Madame Hebb, vous pouvez répondre brièvement.

+-

    Mme Marian Hebb: J'aimerais réagir à ce que vient de dire M. Knopf au sujet de l'information, car il a soulevé quelques questions.

+-

    Le président: Nous pourrions peut-être entendre les deux questions que veulent poser Mme Frulla et Mme Lill, puis nous vous donnerons le temps de répondre s'il reste quelques minutes.

[Français]

+-

    Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Je reviens rapidement sur ce que M. Shepherd disait et aussi sur ce dont je discutais avec M. Carrier.

    Une institution gouvernementale doit se donner le code d'éthique suprême et ultime, c'est-à-dire de respecter la loi gouvernementale. M. Carrier disait qu'ils font doublement sinon triplement attention actuellement pour reproduire des oeuvres et s'assurer qu'il y a le droit d'auteur, que ce soit en matière de photographie ou autre.

    Pourquoi, dans ce cas-ci, cette nouvelle loi vous inquiète-t-elle à ce point? Est-ce que c'est seulement à cause de la mention « sans restriction », qui n'est pas définie? Est-ce que c'est vraiment cela qui vous inquiète, ou si ce sont des pratiques antérieures qui vous incitent à croire qu'il y a eu un relâchement au niveau du droit d'auteur par rapport aux deux institutions?

+-

    M. Michel Beauchemin: J'ai consulté notre avocat. Je ne le nommerai pas parce que ce n'est pas un avis qu'il m'avait chargé de transmettre avant de venir ici. Il m'a dit que l'endroit où on respecte probablement le moins le droit de reprographie, c'est aux Archives. On fait le plus possible de photocopies de textes protégés ou d'oeuvres souvent protégées, alors que j'aurais pensé naïvement que c'était à la Bibliothèque nationale qu'on le faisait. On me dit que c'est plutôt aux Archives. Notre avocat serait prêt à nous donner un avis comme quoi, selon lui, il y a beaucoup de choses illégales qui se font avec la meilleure foi du monde.

    Ce qui nous préoccupe actuellement, c'est que dans tout le débat sur la révision de la Loi sur le droit d'auteur pour l'adapter aux nouvelles technologies et à la nouvelle économie du savoir qui est mise de l'avant dans la phase qui s'en vient dans la réforme du droit d'auteur, on sent une pression extrêmement forte, autant de la part des usagers privés que des usagers institutionnels, bibliothèques, maisons d'éducation, universités, collèges, pour avoir accès gratuitement à tout ce qui est mis sur Internet et pour refiler aux détenteurs de droits d'auteur la responsabilité de policer Internet et de se défendre si leurs oeuvres sont utilisées.

    C'est dans ce contexte général que lorsque nous avons vu arriver cet amendement, qui nous semble aller dans cette direction, nous avons été, comme je le disais, consternés et désagréablement surpris. On ne dit pas que demain matin les Archives nationales vont faire un vaste commerce à cet égard, mais on sent que cela s'inscrit dans une mouvance.

    C'est dans ce contexte que nous avons mis cette idée de l'avant dans notre première alternative. Pourquoi ne pas attendre à l'automne prochain? On ne parle pas d'une révision dans cinq ans, dans dix ans ou dans vingt ans, on parle de l'automne prochain. Pourquoi ne pas reprendre toute la discussion à ce moment-là et voir ce qui doit être fait et pour qui les exceptions devraient être prévues sur le web? Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Traduction]

+-

    Le président: Nous terminerons avec Mme Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: Il est rare que nous ayons en même temps les tenants de deux points de vue opposés.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la disposition qui permet la prolongation comme celle que l'on accorderait aux créatures de Walt Disney dont vous parliez. Il me semble que ce que vous dites, c'est que cette prolongation de 20 ans est nécessaire pour que nous nous alignions sur ce qui se fait ailleurs dans le monde sur le droit d'auteur. Comment réagissez-vous à ce qu'a dit M. Knopf?

+-

    Mme Marian Hebb: Le problème que nous avions avec l'article 7, c'était le caractère tranchant de la durée en question. Il ne s'agit pas de demander que le Canada opte pour la durée de 70 ans, pas en tout cas en ce qui concerne l'article 7. La durée limitée est problématique, parce que si l'on se reporte aux journaux de Montgomery que mentionnait Howard Knopf, ils n'ont pas encore été publiés parce qu'il existe un problème de diffamation possible ou de préjudice à l'égard de gens qui seraient encore vivants. C'est ce qui explique qu'il ne soit pas toujours possible de publier des oeuvres même si longtemps après le décès de l'auteur. Mais 50 ans après le décès, ce n'est pas si long que cela. Je me rappelle avoir déjà eu une cliente qui était une poétesse plus âgée qui avait déjà eu une liaison avec un homme beaucoup plus jeune qu'elle; elle était très inquiète, car elle pensait qu'en léguant ses manuscrits aux archives, même longtemps après sa mort, l'homme en question et sa famille pourraient être lésés par ces écrits.

    Vers le milieu des années 70, lorsque les États-Unis ont révisé de fond en comble leur loi sur le droit d'auteur, la période de prolongation qui a été accordée aux écrivains non encore publiés était d'environ 25 ans. Autrement dit, les manuscrits ne sont pas entrés dans le domaine public avant le tournant du millénaire.

    Il semble qu'il y ait confusion ici, car le problème ne vient aucunement de l'accès au matériel en question. La plupart des manuscrits sont déjà disponibles dans les bibliothèques et archives et il est possible de les consulter. Le problème, c'est leur publication éventuelle. À notre avis, cette décision devrait rester entre les mains de l'auteur ou de ses héritiers pendant un laps de temps raisonnable. Les quatre années proposées pour tout le matériel non encore publié est à notre avis beaucoup trop court.

    La Writers' Union a déjà proposé officiellement une solution pour corriger la situation. La solution serait d'inclure à la loi canadienne sur le droit d'auteur une disposition particulière permettant à ceux qui ne peuvent mettre la main sur le titulaire du droit d'auteur de demander à la Commission du droit d'auteur la permission de publier ces oeuvres, faute d'avoir obtenu le consentement de l'auteur, celui-ci étant introuvable. La Writers' Union n'est pas seulement détenteur de droits d'auteur, puisqu'il est aussi utilisateur de droits d'auteur, et nous serions ravis que cet article soit modifié pour qu'il puisse s'appliquer aux oeuvres non encore publiées. Je pense que cela tiendrait compte d'une bonne partie de ce qui n'est pas encore publié, comme les lettres, ou les autres manuscrits difficiles à trouver.

    Je suis sûre que ceci intéresse Jack Granatstein puisqu'il n'a pas pu effectivement publier certaines lettres qu'il peut néanmoins lire et utiliser. Mais advenant que l'on modifie la Loi sur le droit d'auteur, si les historiens devaient proposer comme amendement une disposition qui s'appliquerait au matériel non encore publié, nous, de la Writers' Union, serions ravis de l'appuyer.

  -(1205)  

-

    Le président: Nous devons terminer ici, car nous devons aller voter à la Chambre. Je suis désolé de devoir interrompre la séance.

    Merci à tous d'avoir comparu. Nous avons été heureux d'échanger avec vous. Si vous aviez quelque renseignement que ce soit que vous voudriez nous envoyer comme mémoire ou comme documentation supplémentaire, n'hésitez pas à l'envoyer à notre greffière.

    La séance est levée.