C-17 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-17
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)) |
M. Ken Rubin (chercheur en matière d'intérêt public et expert en matière d'accès à l'information, À titre individuel) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Simon Potter (président, Association du Barreau canadien) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
¹ | 1555 |
M. Ken Rubin |
M. James Moore |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
º | 1600 |
M. Simon Potter |
M. Sarkis Assadourian |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
M. Simon Potter |
º | 1605 |
M. Mario Laframboise |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
º | 1610 |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
Le président |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
º | 1615 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Mme Bev Desjarlais |
M. Simon Potter |
Mme Bev Desjarlais |
M. Simon Potter |
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.) |
º | 1620 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Mme Aileen Carroll |
M. Simon Potter |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC) |
º | 1625 |
M. Ken Rubin |
M. Simon Potter |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
º | 1630 |
M. Simon Potter |
Mme Marlene Jennings |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. James Moore |
º | 1635 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.) |
º | 1640 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
M. John O'Reilly |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
º | 1645 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
M. Claude Bachand |
M. Simon Potter |
M. Claude Bachand |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
º | 1650 |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
M. Simon Potter |
M. Steve Mahoney |
º | 1655 |
M. Simon Potter |
M. Ken Rubin |
Mme Bev Desjarlais |
M. Ken Rubin |
» | 1700 |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
M. Simon Potter |
Mme Aileen Carroll |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Mario Laframboise |
M. Simon Potter |
M. Mario Laframboise |
M. Simon Potter |
Le président |
» | 1705 |
M. Ken Rubin |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
M. Simon Potter |
M. Sarkis Assadourian |
M. Simon Potter |
M. Sarkis Assadourian |
M. Simon Potter |
M. Sarkis Assadourian |
M. Simon Potter |
Le président |
M. Rex Barnes |
M. Simon Potter |
M. Rex Barnes |
Le président |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-17 |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Français]
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)): D'abord, permettez-moi de partager avec vous un communiqué que nous avons reçu du Barreau du Québec, qui est dans l'impossibilité d'être avec nous aujourd'hui. Nous allons faire tout ce qui est possible pour remettre la présence de ce groupe à une autre séance dans un avenir rapproché.
[Traduction]
C'est avec plaisir que cet après-midi, j'accueille M. Ken Rubin qui va faire le premier exposé de 10 minutes. Il sera suivi de M. Simon Potter qui représente l'Association du barreau canadien.
M. Rubin, vous pouvez prendre peut-être 30 secondes pour nous parler un peu de vous-même avant de commencer votre exposé.
Une fois que vous aurez tous deux fait vos exposés, nous passerons aux questions, cinq minutes par membre du comité.
Monsieur Rubin.
M. Ken Rubin (chercheur en matière d'intérêt public et expert en matière d'accès à l'information, À titre individuel): Merci, monsieur le président.
Je suis à Ottawa depuis un certain temps mais je suis originaire du Manitoba. Je suis chercheur d'intérêt public depuis plus de 35 ans. On me connaît sans doute à cause du travail que j'ai fait pour aider à mettre en place au Canada la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection de la vie privée dont je suis évidemment critique depuis, parce que le gouvernement n'a pas exactement mis en place le genre de protection de la vie privée exhaustive et ouverte que j'aurais souhaité. Voilà une des raisons qui explique ma présence ici aujourd'hui. Je participe à des groupes de citoyens et à divers autres groupes partout au pays sur de nombreuses questions, la sécurité des aliments, les tarifs téléphoniques, et même des choses qui se déroulent sur la Colline parlementaire.
Le président: Vous pouvez commencer votre exposé.
M. Ken Rubin: Merci beaucoup, monsieur le président.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-17 devrait porter en préambule: «les effets premiers et secondaires du projet de loi C-17 peuvent se révéler dangereux et nuire légèrement à votre vie privée personnelle et votre sécurité environnementale».
Le projet de loi C-17 touche une corde sensible à l'échelle nationale. Il franchit le point de non-retour au niveau des pouvoirs accordés au gouvernement et transfère aussi un trop grand contrôle sur de l'information personnelle et publique importantes aux Américains.
Le projet de loi C-17 comporte trois problèmes graves auxquels il faut remédier: premièrement, il fait fi d'une véritable reddition de comptes; deuxièmement, il a un caractère intrusif; et troisièmement, il reporte la nécessité de faire face aux urgences existantes et aux catastrophes évitables.
Le premier problème est que ce projet de loi fait peu de place à la reddition des comptes au public et à la transparence. On n'y prévoit aucune date limite ni garantie de contrôle parlementaire régulier ou réglementaire. Les pouvoirs ministériels provisoires de prendre des arrêtés d'urgence éliminent l'examen du public et du Parlement. En secret, les ministres peuvent émettre des arrêtés qui sont coûteux, mal définis et non coordonnés.
À titre d'exemple, il suffit de songer à des mesures unilatérales récentes de deux ministres de la Santé qui ont acheté des médicaments en cas d'urgence. Dans le premier cas, le ministre Rock a acheté l'antidote de l'anthrax à grand coût d'abord d'une compagnie génétique et ensuite d'une compagnie pharmaceutique, dans les deux cas le produit ayant une espérance d'entreposage limitée, ce qui n'est pas le cas de M. Rock.
Dans le deuxième cas, sous la ministre McLellan, on s'est porté acquéreur d'une quantité considérable de vaccins contre la variole. Or les travailleurs de la santé de première ligne qui seraient les premiers à être vaccinés se rebiffent à cause des effets secondaires très réels et même mortels.
Malheureusement, ces pouvoirs ministériels provisoires n'ont rien à voir avec les mesures nécessaires pour prévenir une catastrophe comme par exemple le cas de jeunes enfants de notre pays qui s'étouffent en mangeant des produits importés, ou la prise de mesures d'urgence pour venir en aide aux personnes habitant à proximité de sites d'enfouissement de déchets toxiques.
Par ailleurs, trois ministres ou plus peuvent créer des sites de sécurité par décrets du conseil. Déjà, on a créé trois zones d'accès militaire contrôlées avant même l'adoption du projet de loi C-17. Il faut examiner la question de savoir si les ministres doivent posséder ou possèdent le pouvoir d'agir ainsi.
Tous ne sont pas d'accord pour dire que le projet de loi C-17 est un coup de force qui profite exagérément de la crainte des gens, mais on ne saurait nier que de nombreuses démocraties rivales qui vont administrer plus de 20 projets de loi ou lois se verront autoriser à dépenser beaucoup de fonds publics sans grande surveillance. Les responsables des ports et des aéroports par exemple vont toucher des sommes considérables et suivre les instructions du gouvernement en matière de sécurité. Il y a à peine quelques années, le Parlement avait adopté une loi pour que ces administrations deviennent autonomes et plus rentables.
Les coûts non expliqués ne s'arrêtent pas avec le projet de loi C-17. Par exemple, la collecte de données sur les voyageurs aériens à des fins de sécurité et autres, mesures très controversées, va être confiée à différentes bureaucraties, soit aux termes du projet de loi C-17, ou de la Loi sur les douanes, ou du projet de loi C-44, sans qu'on effectue une analyse coûts-bénéfices. C'est une invitation à de folles dépenses et à des catastrophes coûteuses. Je pense que vous avez vu aujourd'hui un rapport sur le registre des armes à feu qui dit que le coût va encore augmenter.
¹ (1535)
Mon deuxième point est que le projet de loi C-17 permet au gouvernement, plus que jamais auparavant, de recueillir activement et d'utiliser—certains diraient de voler—les données personnelles des Canadiens. C'est pourquoi le projet de loi C-17 est associé au profilage racial, à l'espionnage en ligne, et à des systèmes draconiens de cartes d'identité nationales.
Les méthodes de surveillance et de poursuite généralisées proposées dans le projet de loi ne sont qu'un début pour ce qui est de répondre aux exigences excessives de la communauté de la police et du renseignement. Le projet de loi semble tirer son origine du gouvernement des États-Unis, qui veut que le Canada adopte dans la foulée du 11 septembre une mentalité d'assiégé et qu'il aide son voisin dans ses efforts planétaires de surveillance policière.
L'énormité des intrusions proposées par le projet de loi C-17 m'a frappé il y a tout juste plus d'une semaine, quand j'ai appris, en même temps que beaucoup d'autres Canadiens, que la compagnie Co-operators Insurance avait perdu un disque dur d'ordinateur renfermant des données personnelles et confidentielles à notre sujet. Au moins, dans cette affaire, on nous a avisés par lettre, nous invitant à faire preuve de vigilance, et le PDG des Co-operators et des fonctionnaires de la Saskatchewan ont pris la peine d'offrir quelques explications par téléphone et sur les ondes.
Nous avons le droit d'intenter des poursuites et d'exiger des explications sur les pratiques inacceptables en matière de stockage des données et de sécurité. Mais, aux termes du projet de loi C-17, l'État peut s'emparer de nos identités et les utiliser de nombreuses manières sans même nous en aviser et sans qu'on soit au courant des pratiques appliquées, bref sans aucun recours.
La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré récemment que la police doit, au minimum, obtenir des mandats au préalable, avant de se livrer à des recherches aériennes aléatoires par infrarouge, en quête de cultivateurs de marijuana. Mais le projet de loi C-17 renferme des dispositions qui permettraient de faire électroniquement une fouille à nu des Canadiens, peu importe que nous soyons suspects ou non, sans mandat et sans aucune protection aux termes de la Charte.
Des représentants de la police, du SCRS et de la GRC viendront bientôt témoigner devant le comité et affirmeront assurément que le projet de loi C-17, amendé à deux reprises, offre toutes les concessions voulues pour établir un équilibre juste et acceptable entre les droits individuels et la sécurité collective, au nom de la sécurité publique. Le projet de loi C-17 supprime pourtant tout équilibre réel et contribue, de même que d'autres mesures prises de part et d'autre de la frontière, à créer une société fondée sur deux normes différentes en matière de vérification de l'information: une pour ceux qui sont considérés «amis», et une autre pour les gens susceptibles d'être inamicaux, la décision d'appliquer l'une ou l'autre de ces normes, dépendant en grande partie de vos antécédents. C'est déjà ce qui se passe.
Troisièmement, et c'est mon dernier point, le projet de loi C-17 remet à plus tard des questions de sécurité publique urgentes. Par exemple, le législateur se dépêche de modifier la Loi sur l'aéronautique, qui est en chantier depuis déjà un certain temps, pour répondre à certains besoins en matière de sécurité aérienne, alors qu'il remet à plus tard le renforcement de la réglementation en matière de sécurité aérienne qui serait nécessaire pour s'attaquer au problème des exploitants non sécuritaires et des aéronefs vieillissants.
C'est ainsi que l'on établit une double norme en matière de sécurité. D'une part, le C-17 imposerait des contraintes plus rigoureuses en matière de toxines et d'explosifs que les terroristes pourraient acheter ou utiliser. D'autre part, le projet de loi présuppose qu'il n'est nullement nécessaire d'imposer la moindre contrainte supplémentaire relativement aux produits chimiques qui sont vendus pour l'entretien ménager, les pelouses et le jardinage.
Les récentes tragédies, telles que les avalanches et l'explosion de la navette spatiale, font ressortir encore davantage le besoin d'une meilleure prévention et d'une réglementation plus serrée. Le projet de loi C-17 détourne des ressources et l'attention de ces problèmes.
En conclusion, à son troisième essai, le projet de loi C-17 a raté son coup, laissant en lambeaux les droits des Canadiens en matière d'accès et de protection de la vie privée et ne tenant pas compte des besoins en matière de sécurité et de protection. Monsieur le président, le comité des communes qui étudie le projet de loi C-17 doit se pencher sur ces problèmes extraordinairement graves. Cela veut dire qu'il ne faut surtout pas se précipiter pour approuver à l'aveuglette un projet de loi qui constitue une pareille intrusion.
Un trop grand nombre des dispositions du projet de loi, dans son libellé actuel, sont stériles, coûteuses, et doivent absolument être supprimées ou modifiées. Le prix à payer est trop élevé pour les Canadiens en matière de protection de la vie privée, et aussi pour la future souveraineté du Canada en matière d'information.
Merci.
¹ (1540)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rubin.
Nous entendrons maintenant M. Simon Potter, au nom de l'Association du Barreau canadien.
M. Simon Potter (président, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, messieurs les députés, je m'appelle Simon Potter et je suis le président de l'Association du Barreau canadien, qui représente environ 38 000 juristes partout au Canada.
Je tiens à remercier les membres de votre comité pour cette occasion d'examiner la position de l'ABC, qui vous a été remise il y a environ une semaine et dont vous avez plusieurs copies ici, position sur le projet de loi C-17 sur la sécurité publique.
Notre association prend très au sérieux le processus de consultation du gouvernement. L'an dernier, nous avons présenté 65 mémoires à des comités parlementaires et au gouvernement fédéral. Vous comprendrez donc l'inquiétude que nous avons ressentie quand les médias ont rapporté jeudi dernier que le ministre, réagissant au rapport du Commissaire à la protection de la vie privée, a indiqué que le gouvernement ne modifierait pas sa position à l'égard du projet de loi.
J'ai écrit au ministre, M. Collenette, pour confirmer qu'en dépit des rapports médiatiques, les processus démocratiques inhérents au Parlement seraient respectés. Je crois que vous avez également reçu copie de cette lettre.
[Français]
Permettez-moi d'affirmer au départ que même s'il s'agit d'une troisième version du projet de loi, comme vient de le dire M. Rubin, l'Association du Barreau canadien trouve les améliorations insuffisantes. Les incursions du projet de loi C-17 dans la vie privée des Canadiens et Canadiennes dépassent largement ce qui est requis pour contrer le terrorisme.
Selon nous, le projet de loi C-17 et certains documents connexes, d'autres projets de loi et des documents de consultations relatifs au terrorisme, ont des relents orwelliens et menacent de transformer un jour le Canada en un État policier.
[Traduction]
En bref, le projet de loi comporte de sérieuses difficultés que le gouvernement pourrait facilement corriger. Comme vous pouvez l'imaginer, monsieur le président, nous, à l'Association du Barreau canadien, avons fait tout notre possible pour nous rendre utiles au gouvernement et au Parlement dans ce difficile débat sur l'équilibre à établir dans la réaction du Canada à la menace terroriste, l'équilibre entre les besoins de sécurité et l'édifice des droits et libertés individuels que nous avons édifié au fil des décennies.
Nous avons réuni un groupe d'avocats chevronnés, des spécialistes tirés d'un éventail de disciplines juridiques—droit constitutionnel, droit international, immigration, droits de la personne, justice criminelle, organismes charitables, droit des affaires, litiges civils, droits des médias et des communications. C'était un comité d'élite, réuni pour contribuer à la réponse canadienne au terrorisme.
¹ (1545)
[Français]
Selon nous, la sécurité des Canadiens et Canadiennes mérite qu'on y accorde la plus haute importance. Il s'agit d'une priorité légitime du gouvernement qui mérite une attention spéciale, surtout depuis notre éveil brutal à la menace terroriste.
Nous sommes convaincus, cependant, que nous devons protéger les valeurs essentielles de la société canadienne: la liberté, la justice et la primauté du droit. Ce sont là les véritables cibles des terroristes, et il faut protéger ces valeurs.
L'ABC applaudit les efforts des auteurs du projet de loi C-17, qui ont tenté de dépasser les deux premières versions au chapitre de la protection des droits individuels. Toutefois, nous restons profondément troublés, et franchement perplexes, par les menaces d'intrusion dans la vie privée des Canadiens et des Canadiennes qui ne représentent pas des compromis légitimes.
[Traduction]
Je vais mettre l'accent ici sur notre principale préoccupation, soit la vie privée. Nous sommes convaincus que ce projet de loi peut être modifié pour respecter la vie privée tout en conservant la capacité de nous protéger du terrorisme.
Nous sommes également convaincus que si le projet de loi n'est pas modifié, le Parlement aura manqué à son devoir d'assurer la primauté du droit, le respect de nos traditions juridiques et la protection des droits et libertés de la Charte.
Le projet de loi C-17 permettrait à la GRC et au SCRS d'examiner à la loupe les listes de passagers d'avion, de les comparer avec d'autres bases de données à des fins d'identification, d'agir ainsi sur le simple motif d'en retirer des renseignements utiles, et de conserver ces renseignements longtemps après l'envolée.
La Charte des droits et libertés vous oblige à réévaluer cette disposition, et à vous assurer que les avantages justifient la portée d'une telle intrusion dans la vie privée des voyageurs.
M. Rubin, à juste titre, a mentionné l'absence d'une étude avantages-coûts. Même aux termes de la Charte, il faut faire une analyse des coûts et des avantages. Le coût de nos droits et libertés est-il justifié? L'avantage à en tirer, dans la lutte contre le terrorisme, vaut-il le coût imputable à nos libertés? Nous soutenons qu'on ne l'a pas fait.
Le projet de loi C-17 renferme toujours le paragraphe 4.82(11), qui permet à une personne de communiquer à un agent de la paix les renseignements si elle a des motifs de croire qu'ils sont utiles pour l'exécution d'un mandat. Quoique le mot «mandat» ait été mieux défini que dans la version précédente du projet, il englobe toujours des délits moins graves que le terrorisme et même des délits qui n'ont rien à voir avec le terrorisme.
Nous ne croyons pas que l'autorité de comparer des renseignements sur les passagers aux banques de données de la GRC et du SCRS devrait servir à des «expéditions de pêche» dans la lutte contre la criminalité. Il n'est pas suffisant de prétendre limiter cet exercice de recherche et de comparaison aux seuls risques de sécurité dans le domaine des transports. C'est une demi-mesure.
La police a déjà le pouvoir d'obtenir des mandats de perquisition en vertu du Code criminel. Elle peut obtenir ce mandat s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il existe un renseignement dans la liste de passagers qui permettra de retrouver l'auteur du délit.
À l'heure actuelle, les Canadiens peuvent refuser de divulguer des renseignements personnels aux autorités policières, sauf dans certaines situations. Ce droit, monsieur le président, s'évapore si ces renseignements personnels peuvent être obtenus sans leur consentement, simplement parce que les autorités policières croient que ces renseignements peuvent être utiles. Il est naïf de penser que les policiers négligeraient des trésors de renseignements, même s'ils n'avaient rien à voir avec le terrorisme.
Notre conclusion: toute référence aux mandats devrait être supprimée dans le projet de loi .
¹ (1550)
[Français]
Nous appuyons de tout coeur la position du commissaire à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski, qui affirme que les autorités policières ne devraient pas avoir le droit d'utiliser des renseignements personnels pour retrouver des personnes recherchées en vertu de mandats pour des délits n'ayant rien à voir avec le terrorisme.
Notre conclusion est la même que celle du commissaire à la protection de la vie privée. Le projet de loi C-17 devrait omettre toute référence aux mandats à l'article 4.82. Des pouvoirs extraordinaires, qu'on aurait sans doute jugés inacceptables il n'y a pas si longtemps, devraient être utilisés seulement pour combattre le terrorisme et non dans la conduite normale des enquêtes policières.
[Traduction]
Monsieur le président, notre intervention soulève d'autres préoccupations, notamment la destruction de renseignements personnels, qui devrait se faire au plus dans les 24 heures, au lieu des sept jours prévus dans le projet de loi, les échéances des directives d'urgence, les dispositions sur la rage aérienne, qui semblent permettre de très sérieuses accusations pour des délits mineurs ou inexistants, les arrêtés d'urgence, et enfin le nouveau centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, dont on propose la création. Nos recommandations sont étoffées dans notre mémoire. Je ne me propose pas de les lire intégralement, mais je suis prêt à répondre à toute question à ce sujet.
En conclusion, tous les Canadiens ont intérêt à combattre le terrorisme, mais nous avons aussi intérêt à défendre les valeurs et libertés que nous chérissons depuis longtemps. Notre volonté de prévenir des attaques terroristes ne justifie pas des mesures excessives ayant pour effet d'effilocher les libertés qui protègent l'individu contre l'État et qui font partie du tissu social canadien.
L'Association du Barreau canadien est d'avis qu'avant son adoption, le projet de loi C-17 doit être modifié pour refléter un meilleur équilibre entre le renforcement de la sécurité nationale et la protection des valeurs et traditions essentielles des Canadiens et Canadiennes. La recherche d'un juste équilibre n'est pas facile. Nos devoirs et responsabilités le sont rarement. Mais nous devons nous assurer que notre réponse prend pour cible les terroristes, et non les droits et libertés garantis par la Charte.
Monsieur le président, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Potter et monsieur Rubin.
Nous allons commencer par un premier tour de cinq minutes.
Je vais accorder la parole en premier à M. James Moore, qui aura cinq minutes.
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Merci.
Je vous remercie tous les deux d'être venus témoigner aujourd'hui.
M. Potter, je vous remercie en particulier pour votre exposé très complet et pour avoir mis l'accent sur la question qui, à mes yeux, moi qui suis en quelque sorte un défenseur des libertés civiles, constitue le test de Rorschach de ce projet de loi, à savoir: «Cette mesure devrait-elle être adoptée?» C'est un projet de loi tout simplement insupportable.
Il y a un parallèle ou un exemple qui n'a pas été évoqué assez souvent. Il y a eu une affaire, je pense que c'était en Colombie-Britannique, où un membre de la GRC qui avait accès à des renseignements confidentiels les a communiqués à un groupe radical anti-avortement. Cette information a ensuite été utilisée pour harceler des gens qui travaillaient dans une clinique d'avortement.
Compte tenu des dispositions de ce projet de loi et du genre d'information... L'être humain est par nature faillible, et même les gens qui possèdent des pouvoirs sont des êtres humains et donc faillibles, et nous omettons souvent de nous protéger contre cette éventualité. L'une de mes préoccupations à l'égard de ce projet de loi est précisément celle que vous avez évoqué, à savoir qu'il y a tellement d'information et un accès tellement facile à l'information pour un si grand nombre de fonctionnaires. J'exhorte mes collègues libéraux d'en face à réfléchir vraiment à tout cela dans le contexte des exemples que nous avons sous les yeux.
Voici ma seule question: certains avancent des arguments en faveur de la collecte de ces données à des fins de sécurité publique. En fait, la plupart de ces renseignements sont déjà recueillis par Revenu Canada. M. Rubin, vous avez semblé dire que le gouvernement ne devrait pas recueillir ces renseignements du tout. Je vous pose donc la question: croyez-vous que les renseignements qui sont déjà recueillis par Revenu Canada ne devraient plus l'être?
M. Potter, croyez-vous que le gouvernement devrait recueillir ces renseignements, au départ? Ne pas le faire, ce serait nuire sévèrement à la capacité du gouvernement de poursuivre la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Je vous invite donc à nous dire où vous traceriez la ligne de démarcation. Est-ce que le gouvernement devrait recueillir ces renseignements, mais en les encadrant de certaines garanties? Comment concilier les deux?
¹ (1555)
M. Ken Rubin: Je suis d'accord avec vous quand vous insistez sur les aspects du projet de loi qui touchent la vie privée. Mais puisqu'il y a plusieurs organismes dont les activités se chevauchent et qui recueillent ces données en secret, comment allez-vous savoir combien tout cela coûte et ce qu'on fait des renseignements recueillis, etc.? Les Américains, au moins, ont récemment précisé dans la loi fédérale à quelles fins ils entendent utiliser l'information ainsi recueillie. Nous ne l'avons pas fait, ce qui est problématique.
Oui, j'ai des objections et je me demande pourquoi il faut recueillir ces renseignements au départ. Il y a d'autres moyens de cibler des gens, au lieu de recueillir certains renseignements de tous les passagers sans exception, de les conserver pendant sept jours ou six ans, bien au-delà des fins énoncées au départ, c'est certain. Il faut que quelqu'un mette un peu d'ordre dans ce fouillis, parce qu'il ne s'agit pas d'une seule organisation, mais de plusieurs.
C'est pourquoi le projet de loi C-17 semble être une sorte de paratonnerre dans ce domaine. On a toujours agi de la sorte dans le domaine de la vie privée, par exemple en partageant de nombreux renseignements et données personnelles, et il y a des ententes entre les provinces et même des ententes internationales depuis au moins 30 ans. Habituellement, tout cela ne figure pas dans la loi et ne sert pas à des fins multiples, ni au-delà des fins établies au départ. En commençant par les numéros d'assurance sociale et les multiples ententes, des centaines d'ententes, ce problème s'est peu exacerbé et est maintenant polarisé et c'est ce projet de loi qui constitue le test ultime. C'est à cause de la manière extrême dont on a procédé à la demande de certaines organisations, qui ont toujours réclamé une telle mesure et n'ont jamais pu l'obtenir depuis 30 ans. Il semble bien qu'elles aient maintenant réussi à l'obtenir.
M. James Moore: Vous vous êtes également prononcés contre le projet de loi C-44. Si le gouvernement n'avait pas adopté le projet de loi C-44, franchement, les États-Unis nous auraient interdit de prendre l'avion en direction des États-Unis. Il aurait fallu que les Canadiens aillent en voiture jusqu'à Seattle ou Buffalo, de l'autre côté de la frontière, pour prendre un avion vers une autre destination américaine ou internationale, dès lors que l'on voudrait emprunter une autre compagnie qu'Air Canada. Comment conciliez-vous tout cela?
M. Ken Rubin: Je vais aux États-Unis en avion depuis de nombreuses années. J'ai de la famille là-bas. J'estime que les Canadiens, en tant que citoyens d'un pays indépendant, doivent être en mesure d'aller dans ce pays en avion. Je ne pense pas que dès lors qu'un autre pays vous met un fusil sur la tempe, vous devez réagir en disant: très bien, nous allons recueillir des données sur tout le monde.
Je pense que le projet de loi C-44 était une mesure adoptée en panique. On l'a séparé du projet de loi à l'étude parce que les gens savaient qu'ils pourraient régler ce petit problème. Maintenant ils veulent régler tout le reste, et où tout cela va-t-il nous mener? Voilà la question.
Le président: Désolé. Les tours de cinq minutes sont plutôt courts, je le sais. Vous devez être succincts à la fois dans les questions et les réponses.
Je vais être généreux et donner encore deux minutes à M. Potter pour répondre. Pendant les prochains tours, je veux permettre au plus grand nombre possible de députés d'intervenir pendant que vous témoignez. Je vous prie de ne pas perdre cela de vue.
Monsieur Potter.
M. Simon Potter: Merci, monsieur le président.
Il me suffit de deux minutes pour bien vous expliquer la position de l'Association du Barreau canadien.
Monsieur Moore, nous ne disons pas qu'il ne faut jamais recueillir ces renseignements. Nous sommes bien d'accord avec les rédacteurs du projet de loi pour dire qu'ils peuvent être utiles pour contrer une menace terroriste à bord d'un avion.
Nous ne disons pas qu'il ne faut pas recueillir ces renseignements. Nous disons qu'il faut les recueillir, mais ne les garder que 24 heures pour pouvoir les utiliser spécifiquement pour le vol concerné par la menace. Qu'on ne s'en serve pas pour attraper des gens qui font l'objet d'un mandat. Qu'on les utilise uniquement aux fins mentionnées par le ministre lorsqu'il a parlé de la lutte contre le terrorisme.
Le président: Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.
Comme vous le savez, c'est un problème qui touche profondément tous nos concitoyens et les députés. Nous avons entendu de nombreux témoins au cours des dernières semaines.
Monsieur Potter, pourriez-vous nous parler des similitudes ou des différences entre le homeland security bill, le projet de loi britannique sur la sécurité, et le projet de loi C-17?
Pouvez-vous nous préciser si ces projets de loi prévoient aussi que les renseignements soient conservés au dossier pendant sept jours? Est-ce qu'on s'en sert pour réprimer d'autres actes criminels—indépendamment du terrorisme aux États-Unis, comme vous l'avez dit—alors qu'on ne devrait pas le faire?
Pouvez-vous aussi nous donner un exemple des mandats émis dans le cadre du projet de loi C-17 en les comparant aux mandats émis dans le régime américain ou britannique?
º (1600)
M. Simon Potter: Tout d'abord, monsieur Assadourian, je dois vous dire que nous n'avons pas comparé de façon exhaustive le projet de loi canadien au projet de loi britannique ou américain, et pour une bonne raison: nous avons notre Charte et notre Constitution, et ils ont les leurs. Il ne suffit pas de copier ce que fait quelqu'un d'autre pour avoir une loi plus constitutionnelle. Il faut que la loi soit conforme à notre Charte. Cela dit, je me ferais un plaisir de demander à nos bénévoles de faire le genre de comparaison que vous mentionnez.
Pour répondre à la dernière partie de votre question, en l'absence de cette comparaison, la liste qui figure à l'annexe du projet de loi concerne des mandats qui pourraient très bien concerner le proxénétisme, par exemple, ou simplement les troubles à l'ordre public. Si quelqu'un est sous le coup d'un mandat de ce genre, la police serait autorisée en vertu de cette loi à conserver les renseignements pendant sept jours, ou même plus longtemps en vertu du paragraphe 14, si elle estime que c'est raisonnablement nécessaire pour intercepter les individus faisant l'objet de ce mandat.
Nous disons que c'est tout simplement excessif et sans rapport avec les menaces terroristes visant un aéronef précis.
M. Sarkis Assadourian: J'aurais une brève remarque. Si je me trompe, vous me reprendrez.
Les rédacteurs du projet de loi C-17 ont l'air de penser qu'il est conforme à la Charte des droits. Vous n'avez pas l'air de cet avis. J'ai raison?
M. Simon Potter: C'est exact.
Le président: Merci.
Monsieur Rubin, vous avez un commentaire?
M. Ken Rubin: Oui.
Je crois que ce que vous dites, et c'est le problème que pose ce projet de loi à bien des égards, c'est qu'on n'a pas fait de bonnes études comparatives ou de calcul coûts-avantages. À mon avis, il ne faudrait pas se limiter seulement à la Grande-Bretagne et aux États-Unis. J'espère que le comité fera cette recherche.
J'aimerais aussi vérifier un aspect de tous ces projets de loi. Vous avez parlé des mandats, etc. Tous ces projets de loi comportent des dispositions interchangeables sur l'échange d'information.
[Français]
Le président: Monsieur Laframboise.
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Je suis d'accord avec vous que ce projet de loi doit subir des modifications importantes, mais il y a quelque chose d'encore plus dérangeant. Quand on a posé des questions en Chambre au premier ministre sur ce projet de loi et sur les atteintes à nos droits et libertés, il nous a répondu candidement qu'il y avait des tribunaux pour ça et que c'était aux citoyens de soumettre leur preuve aux tribunaux. S'il n'y a pas de modifications à ce projet de loi, comment un citoyen soupçonnant qu'on conserve des renseignements sur lui pourra-t-il le vérifier? Pourra-t-il le vérifier seulement s'il est accusé de quelque chose ou si on le surveille? S'il n'y a pas de modifications, y aura-t-il un moyen de garantir au citoyen qu'il pourra savoir si des renseignements sur sa personne sont conservés?
M. Simon Potter: Monsieur Laframboise, la loi n'offre au citoyen aucun moyen de savoir quels renseignements sont détenus sur lui en vertu de cette loi. De plus, si on acceptait la théorie voulant que ce soit aux tribunaux de décider si c'est constitutionnel ou non, un citoyen devrait payer un avocat pendant cinq ans, six ans, sept ans ou huit ans d'appels successifs pour obtenir un jugement à cet égard, et entre-temps, cette loi aura été en vigueur et la cueillette de renseignements aura continué. C'est pour cela que je dis, pour répondre un peu plus complètement à la question de M. Assadourian, qu'on ne peut pas tout simplement tenir pour acquis que les rédacteurs ont fait leur travail et que la loi est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Il faut que ce comité et le Parlement tout entier fassent un travail pour juger si les violations des libertés et des droits en valent le coup. En fait, c'est exactement ce que nos tribunaux nous disent. Il faut que nos législateurs se penchent sur cette question et gardent à l'esprit la nécessité de protéger les libertés individuelles.
º (1605)
M. Mario Laframboise: Il faut donc modifier le projet de loi avant; sinon, ce sera très complexe et très coûteux pour les citoyens d'arriver à leurs fins.
M. Simon Potter: Et si jamais on trouve que la loi est inconstitutionnelle, elle aura existé pendant une certaine période et une injustice grave aura été commise pendant ce temps.
[Traduction]
M. Ken Rubin: En tout cas, il y a une chose que je mentionne dans mon exposé—dont il est question dans le journal d'aujourd'hui—c'est qu'à propos de la disparition des informations qui étaient stockées sur le disque dur de Cooperators, un recours collectif a été intenté. Donc, il existe un recours légal.
Mais à mon avis, c'est en quelque sorte l'inverse qu'on a ici, car comment en arriver même à la première étape quand le projet de loi C-36 bâillonne déjà les tribunaux en imposant le secret et élimine certains droits, notamment si l'on n'est pas la bonne personne pour soulever le problème. C'est le contraire des lignes directrices de l'OCDE qui prévoient une protection équitable de l'information, la transparence, l'appel, le droit à rectifier vos informations et le droit à des pratiques d'information équitable.
Les tribunaux ne peuvent réagir qu'à ce qu'ils ont. Avec un projet de loi comme celui-ci, les chances des citoyens qui voudront se servir de leur droit d'appel pour obtenir un recours et une protection sont plutôt maigres.
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le président, je voudrais poursuivre sur cette idée d'éliminer la mention des mandats d'un projet de loi. Je tiens à bien comprendre cela, car Clayton Ruby, qui est membre du Barreau je crois, a laissé entendre que, pour pouvoir exécuter un mandat, les agents de la paix devraient obtenir un autre mandat pour accéder à l'avion. Il a donné l'exemple de quelqu'un qui est recherché et qui se cache quelque part et expliqué qu'on ne peut pas simplement enfoncer la porte pour aller le chercher. Il faut obtenir un mandat d'un juge, si je l'ai bien compris.
Si j'ai bien compris les deux témoins, si nous supprimons totalement les mandats et si nous autorisons la GRC et le SCRS uniquement à examiner les informations—je crois que vous avez dit qu'on continuerait à recueillir ces renseignements, monsieur Potter—ces deux organisations ne pourront faire que cela, examiner les informations. Si ces renseignements amènent ces services à penser qu'il existe une menace terroriste ou un problème de sécurité nationale, ils pourront prendre les mesures voulues. Mais s'ils découvrent qu'il y a dans l'avion quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat de recherche pour meurtre ou pour acte délictueux grave, ils n'auront pas le droit d'intervenir et ils devront laisser cette personne tranquille. Est-ce bien cela?
M. Simon Potter: Ce que dit l'Association du Barreau canadien, monsieur Mahoney, c'est qu'il ne faut pas ouvrir la porte à une opération de recueil d'informations à grande échelle sans mandat dans tout le Canada—des informations pratiquement sur tous les Canadiens, puisque nous prenons tous l'avion un jour ou l'autre—en espérant pouvoir coincer quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat.
À la limite, nous comprenons qu'on recueille ces renseignements pour pouvoir être en mesure, en cas d'urgence, d'intervenir sur une menace concernant un vol particulier—autrement dit, il ne s'agit pas de recueillir des renseignements pour savoir si des actes terroristes risquent d'être commis d'ici un an, mais bien de recueillir des informations concernant une menace immédiate... c'est pour cela que nous souhaitons imposer cette limite de 24 heures.
M. Steve Mahoney: Donc, concrètement, si un policier examine ces informations pour savoir s'il existe un problème particulier concernant le vol en question et qu'il découvre par hasard qu'il y a dans cet avion un individu qui est recherché pour une infraction décrite dans le projet de loi, dans les règlements ou qui est passible de plus de cinq ans d'emprisonnement, etc., il doit fermer les yeux.
C'est ce que j'essaie de comprendre. J'essaie de trouver un équilibre ici. Si nous ne voulons pas qu'ils examinent des renseignements concernant n'importe qui, que se passera-t-il si nous supprimons les mandats du projet de loi et qu'un policier s'aperçoit qu'il y a dans un avion un individu qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt? Vous voulez dire que ce policier doit fermer les yeux?
º (1610)
M. Simon Potter: Oui. C'est exactement ce que je suggère. Je propose de supprimer l'alinéa proposé 4.82(11) pour interdire à la personne qui a accès à ces informations privées et confidentielles de les transmettre à un autre agent de la paix qui s'occupe uniquement de rechercher des personnes faisant l'objet d'un mandat.
M. Steve Mahoney: Si je comprends bien, vous dites que les forces de l'ordre ne doivent rien faire si elles découvrent à bord d'un avion quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat, même pour des motifs graves tels que le meurtre ou l'enlèvement. Il faut laisser filer cet individu quand l'avion atterrit.
M. Simon Potter: Monsieur Mahoney, permettez-moi de vous expliquer pourquoi je dis cela, si vous m'y autorisez, monsieur le président.
M. Steve Mahoney: Vous avez eu l'occasion de faire votre exposé et nous l'avons ici, et vous avez très bien...
M. Simon Potter: Je voudrais simplement expliquer ma réponse.
M. Steve Mahoney: ...mais je n'ai que cinq minutes et je veux m'assurer de poser toutes mes questions.
Le président: M. Potter pourrait peut-être compléter sa réponse. Je suis sûr que nous avons le temps.
Étant donné que les représentants du Barreau du Québec n'ont pas pu venir et que ni M. Potter, ni M. Rubin n'ont dit que leur temps était limité, je suis sûr que nous aurons le temps de poser toutes les questions que nous voudrons à nos témoins.
Monsieur Potter.
M. Simon Potter: Si nous autorisons ces services à recueillir des informations pour le cas où elles remettraient par hasard de trouver des gens qui sont recherchés parce qu'ils ont commis un crime grave tel qu'un meurtre, comme vous l'avez dit, monsieur Mahoney, il faudrait aussi en toute logique les autoriser à recueillir des informations dans tous les autobus, par exemple, puisque ce sont des moyens de transport—j'imagine que les terroristes prennent aussi l'autobus quelques fois—ou dans tous les hôtels. Pourquoi pas? C'est un très dangereux précédent à établir, car la réponse logique à votre question serait d'autoriser les agents de l'ordre à arrêter les autobus Greyhound pour vérifier l'identité de tous les passagers.
M. Steve Mahoney: Bon.
Vous dites à la page 6 que ce qui vous inquiète vraiment, c'est la création d'un précédent. Vous donnez l'exemple des hôtels et des billets pour les matches de football, et maintenant vous citez les autobus Greyhound, etc..
Serait-il plus logique, étant donné. que nous parlons d'un projet de loi destiné à lutter contre le terrorisme—et il est certain qu'il arrivera forcément des cas où les forces de l'ordre découvriront d'autres renseignements accessoires—d'inclure dans le projet de loi des restrictions pour éviter qu'on utilise le précédent pour mettre en place d'autres dispositions ultérieures?
Autrement dit, on pourrait limiter la portée du projet de loi, au lieu de supprimer les mandats, car il semble que nos concitoyens auraient une drôle d'opinion de nous s'ils savaient que nous fermons les yeux alors que nous avons des informations sur des criminels recherchés pour avoir commis des crimes graves tels qu'un meurtre ou un enlèvement. Nos concitoyens nous demanderaient comment nous avons pu autoriser une chose pareille.
M. Simon Potter: Eh bien, je suis désolé, mais je ne suis pas de ce point de vue, monsieur Mahoney. Je pense que les Canadiens préféreraient être sûrs que le gouvernement ne cherche pas par tous les moyens à recueillir des informations sur n'importe qui dans l'espoir de tomber par hasard sur quelqu'un qui est recherché.
M. Steve Mahoney: Alors, comment pouvons-nous resserrer ce champ de recherche en éliminant cette mention de «par tous les moyens»?
M. Simon Potter: Il suffit de dire clairement qu'il s'agit de renseignements destinés à contrer une menace terroriste immédiate.
M. Steve Mahoney: Mais on laisse filer le meurtrier. C'est scandaleux.
Le président: Nous y reviendrons.
Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur Potter pour poursuivre sur la lancée de M. Mahoney, si un pays comme le Canada devait essayer d'attraper tous les meurtriers, ne serait-il pas plus logique, plutôt que d'inclure ce genre de disposition dans la Loi sur la sécurité publique, de demander au ministère de la Justice de présenter à la Chambre un projet de loi proposant d'utiliser cette nouvelle méthode pour attraper les assassins et les kidnappeurs? Ne serait-il pas préférable de choisir cette formule plutôt que de passer au crible tous les citoyens innocents du Canada pour essayer de trouver quelqu'un?
Si c'est le but recherché, et c'est l'impression que j'ai en lisant ce projet de loi, cela veut dire qu'on profite d'une recherche précise pour ratisser large.Si c'est vraiment nécessaire, ne serait-il pas logique de le dire dans un projet de loi de distinct?
º (1615)
M. Simon Potter: Tout d'abord, cela faisait partie de la réponse que j'ai déjà formulée, nous pensons que ce projet de loi risque d'être utilisé en réalité pour autre chose que son but apparent, et cela soulève la question du rapport coûts-avantages dont parlait M. Rubin. Et si l'on veut faire les choses honnêtement en autorisant les policiers à recueillir des renseignements au hasard sur toute la population pour essayer de trouver des gens qu'on recherche et si l'on veut le faire par le biais d'une loi qui ne concerne pas le terrorisme, il va falloir expliquer au public pourquoi on ne recueille pas aussi les listes de tous les clients d'un hôtel au cours d'une semaine donnée, de toutes les personnes qui sont dans la pièce à côté, et de toutes les personnes qui ont acheté un billet de train. Voilà pourquoi nous disons que cela nous conduit tout droit à un État policier.
M. Ken Rubin: Je pense que ce projet de loi ne tient pas compte du fait que nos services de police, de sécurité et de renseignement au Canada disposent déjà de lois comme la Loi sur le SCRS et la Loi sur la GRC. Ils ont des banques de données et ils ont le CIPC qui fournit des informations non seulement sur les criminels et les suspects de crimes mais aussi sur les agents du terrorisme organisé. Pourquoi s'en prend-t-on tout d'un coup aux voyageurs aériens dans le projet de loi C-17? Encore une fois, quelle sera l'étape suivante?
Je suis bien d'accord avec vous pour que ces services puissent s'appuyer sur de bonnes techniques d'enquête de base. La police et les services de sécurité disposent déjà de vastes pouvoirs pour suivre et surveiller certains individus. Mais quelle est la logique de cet enchaînement? Effectivement, des avions se sont écrasés sur le World Trade Center, mais quelle sera la prochaine catastrophe? Qu'allons-nous faire à ce moment-là? Où cela va-t-il s'arrêter?
Mme Bev Desjarlais: Les terroristes vont chercher à frapper là où il y aura beaucoup de gens, et l'un des endroits les plus évidents, comme l'a dit quelqu'un, ce sont les lieux des grandes manifestations sportives. On va donc vouloir savoir qui achète des billets pour ces événements sportifs parce que c'est là qu'il va y avoir des foules considérables et qu'un attentat risque de faire le plus de dégâts. Ce serait un sérieux problème.
Je m'interroge, parce qu'on en revient toujours aux mandats. Avez-vous l'un ou l'autre une idée du nombre de personnes qui font actuellement l'objet d'un mandat non exécuté au Canada? Je pourrais obtenir cette information plus tard, mais la question vient de me venir à l'esprit et je vous la pose. Vous en avez une idée?
M. Simon Potter: Je ne sais pas. L'expérience m'a appris à me méfier des devinettes.
Mme Bev Desjarlais: Je vais faire tout mon possible parce que j'aimerais bien savoir combien de cas il existe, sachant qu'il faut prendre en compte les coûts d'une recherche et...
M. Simon Potter: Pour moi, le fait qu'il risque d'y avoir un meurtrier recherché par la police dans un avion quelque part au Canada à un moment dans les dix prochaines années ne justifie pas la collecte d'informations sur tous les voyageurs.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, messieurs les témoins. J'ai été très intéressée par ce que vous avez dit. Je n'ai pas pu assister à l'exposé de M. Rubin mais j'ai lu les épreuves et je comprends son point de vue, ainsi que celui des autres témoins.
Ce qui me préoccupe particulièrement, messieurs Potter et Rubin, c'est l'utilisation du terme «analyse coûts-avantages». Qu'entendez-vous exactement par là? Les coûts qu'on est prêt à assumer? Cette question a déjà été posée, historiquement, à savoir quelles concessions sommes-nous prêts à faire pour assurer notre liberté? Je pense que la question qu'on se pose actuellement est la suivante: quelles concessions sommes-nous prêts à faire pour assurer notre sécurité? Si cela constitue, comme vous le prétendez, une déviation considérable par rapport à notre jurisprudence ainsi que la perte des droits et libertés des Canadiens, alors il faut qu'on examine d'un oeil critique ce projet de loi.
Je voudrais vous poser une question, monsieur Potter, si cela ne vous paraît pas trop injuste, parce qu'on ne vous a pas demandé aujourd'hui de vous prononcer sur le projet de loi S-23 qui constitue, comme vous le savez, un amendement à la Loi sur les douanes. L'annexe de ce document comprend une liste de 32 ou 34 types d'informations qui peuvent être recueillies et conservées pendant six ans. Je pense qu'on retrouve la même liste dans le projet de loi C-17, mais la période pendant laquelle les informations peuvent être détenues est moins longue. Vous en avez déjà parlé. Est-ce que cette période de six ans risque de poser problème?
º (1620)
M. Simon Potter: Le stockage d'un grand nombre de données dans une banque de données pendant six ans, ça me paraît long. Évidemment, plus la banque de données est importante et plus la période de stockage des informations est longue, plus les risques de fuite sont élevés, comme l'a dit M. Moore. Il y a une différence entre les deux situations: dans le cas qui nous intéresse, on autorise explicitement la communication d'informations pour des raisons autres que celles qui ont justifié la cueillette de ces informations.
M. Ken Rubin: Il y a quelques années, les services de sécurité de la GRC détenaient des dossiers sur 800 000 Canadiens. Il a fallu que bien des gens, y compris le commissaire à la vie privée déploient des efforts considérables pour y trouver une justification. Beaucoup de questions ont été soulevées. Ces dossiers présentent-ils toujours un intérêt? On a appris qu'un grand nombre de ces dossiers avaient été détruits, mais pour quelles raisons? C'était très mal organisé. C'est ce genre de choses qui a tendance à se produire lorsqu'on procède à la cueillette d'informations sur une longue période et pour des raisons quelconques.
Il y a un autre aspect que je voudrais clarifier relativement à mon analyse «coûts-avantages». Il ne s'agit pas uniquement du coût pour nos libertés mais aussi du coût en dollars. Le registre des armes à feu a coûté 1,5 milliard de dollars. Combien pensez-vous que le projet de loi sur les douanes, soit le projet de loi C-44, dont nous acquittons le coût à cause des États-Unis, ou le projet de loi C-17 vont coûter? Ce sera bien plus de 1,5 milliard. Combien de systèmes informatiques va-t-on devoir créer et entretenir ces systèmes? Combien cela représente-t-il d'employés? Comprenons-nous véritablement la situation? Quel sera le rôle de la vérificatrice générale? Qu'est-ce qui justifie la création de trois systèmes? Je pense qu'on exagère.
Mme Aileen Carroll: Monsieur Potter, à la page 22 vous citez ce qui est, d'après la note de bas de page numéro 13, une lettre qui a été envoyée le 12 novembre à l'honorable Elinor Caplan. La dernière phrase de cette citation se lit comme suit: «L'intérêt public dans la lutte contre le terrorisme ne devrait pas servir de prétexte pour donner davantage de pouvoirs à la police et aux autres agences de l'État, pour d'autres raisons.» Monsieur Potter, avez-vous reçu une réponse à cette lettre? Pourriez-vous nous en faire part?
M. Simon Potter: Cette lettre provient du commissaire à la vie privée. Je ne sais pas s'il a reçu une réponse. Pour ma part, je n'ai pas reçu de réponse à la lettre que j'ai envoyée il y a quelques jours.
Mme Aileen Carroll: Oui, il s'agit de la lettre du 31 janvier, dont nous avons une copie.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Barnes.
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC): Merci infiniment.
Cela fait quelque temps que nous écoutons les témoignages d'un grand nombre de témoins et le thème principal de ces exposés, c'est la vie privée des Canadiens. Je pense que c'est clair.
Je l'ai déjà dit qu'à mon avis, le Canada est trop souvent en mode réactif par rapport à ce que font les États-Unis. Je suis conscient qu'il faut faire la part des choses, et que ce n'est pas chose facile. La sécurité nationale et le terrorisme entrent en jeu dans cette recherche d'un équilibre.
On a tendance à oublier que les terroristes ne se limitent pas aux avions, ils peuvent aussi utiliser d'autres moyens de transport, comme les trains, les traversiers, les voitures, etc. Je ne pense pas qu'une personne recherchée par la police pour meurtre prendrait l'avion parce qu'elle sait que les risques de se faire coincer sont importants.
Si notre comité ne parvient à trouver cet équilibre et si nous maintenons le statu quo adopté par le gouvernement, alors le comité n'aura pas répondu aux attentes des Canadiens et on aura perdu notre temps. Il y a des suggestions très intéressantes qui ont été faites et je crois que le comité fera de bonnes recommandations.
Y a-t-il des aspects positifs dans ce projet de loi? Jusqu'à maintenant, on a uniquement parlé des aspects négatifs. Y a-t-il des aspects positifs dans ce projet de loi sur lesquels le gouvernement pourrait se fonder pour dire qu'il s'agit d'un document utile, ce que je ne pense pas? Il est vrai que nous devons protéger notre pays contre les terroristes, mais il est également vrai que nous devons protéger la vie privée des Canadiens.
º (1625)
M. Ken Rubin: Il s'agit de la troisième tentative et pourtant le projet de loi n 'est toujours pas très bon. Ceci s'explique en partie parce que on a voulu inclure une foule de choses.
Les modifications à la Loi sur l'aéronautique existent depuis quelques années déjà, mais n'ont jamais été déposées à la Chambre des communes. Le document a maintenant été scindé. Le projet de loi C-44 a été scindé avant, et il s'agit d'une mesure aéronautique, mais on n'a pas donné suite aux autres recommandations, et ainsi de suite. Je crois qu'on y pense maintenant, mais cela fait déjà deux ans et une autre année risque de s'écouler avant que les choses ne bougent. Pourquoi la Loi sur l'aéronautique n'est-elle pas tout simplement modifiée? Modifiée correctement? Comme l'a dit le député du Manitoba, pourquoi ne modifie-t-on pas les lois sur la GRC et le SCRS, s'il le faut? Il existe des dispositions dans beaucoup de ces projets de loi qui permettraient d'aller beaucoup plus loin. Certains des amendements relatifs à la Loi sur l'aéronautique ne me posent aucun problème, mais il y a une bonne façon de redresser la situation.
Pourquoi a-t-on tout embrouillé ainsi, semant ainsi la peur? C'est un ancien président américain qui a dit qu'on n'avait rien à craindre sauf la peur. On sème la peur par le biais de ce projet de loi, alors qu'on pourrait procéder différemment.
M. Simon Potter: La question que vous vous posez monsieur Barnes, c'est celle que les tribunaux vous obligent à vous poser. Il faut que vous vous demandiez si ce genre de chose est nécessaire. Si la réponse est non, on n'y gagne pas grand-chose, et plein de problèmes se posent. Vous avez donc le devoir de recommander que le projet de loi ne soit pas accepté. Par contre, si vous concluez que ce genre d'information est nécessaire pour atteindre un objectif à court terme, soit la lutte contre le terrorisme, alors c'est votre devoir de recommander qu'on y apporte des modifications afin d'en limiter la portée à cet objectif unique. Ainsi vous aurez limiter au minimum l'atteinte aux droits des citoyens.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, messieurs Potter et Rubin.
M. Clayton Ruby, que vous connaissez sûrement, a témoigné la semaine dernière. Je vais essayer de vous rapporter fidèlement ce qu'il nous a dit. D'après lui, l'article 4.81 qui a été proposé, respecte notre Charte, résisterait à toute contestation constitutionnelle et pourrait être justifié. Pour en revenir au sujet dont vous discutiez avec M. Barnes—à savoir si les législateurs, en tant que parlementaires, doivent agir dans ce domaine?—il a dit, qu'étant donné les circonstances, il fallait qu'on agisse. Il a également dit que le paragraphe 4.81, soit la disposition sur les informations, était appropriée. D'après lui, cet article a été suffisamment resserré pour résister à toute contestation judiciaire. Il est constitutionnel.
Par contre, quand on s'est attaqué au paragraphe 4.82, soit la divulgation quasi-illimitée, le témoin a noté de sérieux problèmes, plus particulièrement le manque de mécanisme pour assurer la destruction des informations. La période des sept jours ne lui a pas posé problème, par contre il a fait remarquer le manque de mécanisme, de gouvernance ou de supervision qui confirmerait la destruction des informations.
Au premier niveau, il existait un mécanisme. Mais lorsque les informations étaient transmises au deuxième niveau, à un agent de la paix par exemple, il n'existe aucune disposition relative à la destruction des informations, que ce soit sept jours ou 72 heures. Aucun délai n'est prévu, et il n'existe aucune exigence en matière de destruction des informations pour les documents qui ont été transmis à un niveau supérieur. Voilà ce qui pose problème.
L'autre problème qui a été soulevé, c'est l'utilisation des informations, leur transmission à n'importe quel agent de la paix sous prétexte qu'il y a un mandat qui doit être exécuté.a été émis. Il a dit que ce genre de situation exigeait une approbation judiciaire ou des situations d'urgence.
Je lui ai posé une question très simple. Disons que des policiers demandent à un juge de délivrer un mandat d'arrêt car ils ont des motifs raisonnables qui les poussent à croire que l'individu qu'ils recherchent se déplace en avion, et qu'ils ont un ordre du juge, si en même temps ils avaient accès aux informations recueillies en vertu du paragraphe 4.81, cela permettrait au ministère ou à tout agent du ministère des Transports qui aurait reçu les informations de créer une espèce de banque, parce qu'il existerait alors une ordonnance judiciaire disant que les données recueillies, en raison d'une menace présumée à la sécurité, peuvent être utilisées pour déterminer s'il y aurait dans cet avion une autre personne qui serait recherchée par la police. Vous seriez autorisé à vérifier leurs noms pour procéder à des arrestations. Est-ce qu'une telle disposition vous conviendrait?
º (1630)
M. Simon Potter: Madame Jennings, pour ce qui est de la disposition 4.82 proposée, je suis d'accord avec M. Ruby. Par contre, je ne partage pas son avis sur la disposition 4.81 parce qu'on y mentionne qu'on peut détenir les informations pendant 15 jours.
Pour répondre plus précisément à votre question, si, dans l'état actuel des choses, un policier obtenait un mandat exigeant la divulgation des noms de tous les passagers atterrissant à Montréal et en décollant cette semaine, parce qu'ils me recherchent moi, et qu'ils ne me trouvent pas mais ils vous trouvent vous tous, ont-ils le droit de stocker toutes ces informations sur chacun d'entre vous dans une banque de données? Non, et c'est de cela dont nous traitons.
Mme Marlene Jennings: Pour ce qui est de la disposition 4.81, faisons abstraction de la question des 15 jours, qui selon vous, devrait être écourtée. La question épineuse, c'est la cueillette des données, le fait que si un juge permettait ou exigeait la divulgation des informations recueillies, ce serait conforme à la Constitution, que ce soit dans une semaine, deux mois ou peut-être jamais.
Mais disons que le ministre des Transports estime que la sécurité est menacée—qu'il s'agisse d'un vol particulier ou d'une journée ou semaine pendant laquelle il y a beaucoup d'atterrissages—et qu'une ordonnance a été émise disant qu'il faut recueillir les informations, il est alors possible de faire des recoupements, est-ce que ça vous conviendrait? Parce que vous dites maintenant que ce sont les juges qui vont établir si un policier a des motifs raisonnables de croire que la personne qui est recherchée voyage par avion, soit au Canada, soit en provenance ou en partance du Canada.
M. Simon Potter: Si le paragraphe 4.82 n'existait pas, qu'il y avait uniquement l'article 4.81, et qu'il fallait absolument obtenir un mandat pour avoir accès aux listes, alors je pense que la disposition tiendrait le coup.
M. Ken Rubin: Je ne voudrais pas manquer de respect envers M. Ruby, mais j'aimerais retourner en arrière. On ne peut pas uniquement adopter une approche constitutionnelle, juridique, restreinte... Car tout ceci a des répercussions sur le Canadien moyen. Le Canadien moyen ne va pas penser à ces arguments constitutionnels lorsqu'on l'arrête ou lorsqu'on lui fait faire toutes ces choses. Je pense qu'il y a toute une série de critères qu'il faut prendre en compte dans notre évaluation, notamment l'évaluation des coûts-avantages.
Que le paragraphe 4.81 soit bon ou mauvais, je ne pense pas qu'on devrait aborder cette question sous l'angle du mandat ou de la décision qui va être prise ou non par un juge. Il faudrait plutôt qu'on s'attarde aux répercussions sur notre souveraineté en matière d'information, quels sont les conséquences sur la vie privée de Monsieur Tout-le-monde? Voilà mon point de vue, mais je ne suis pas avocat.
Le président: Monsieur Moore.
M. James Moore: Merci. Je comprends votre point de vue.
Je voudrais revenir à l'intervention de M. Steve Mahoney. Je comprends bien qu'il s'agit d'une question délicate au niveau politique. Je suis convaincu que vous vous en rendez compte. Je me souviens aussi que Rex a dit qu'il ne fallait jamais oublier que certains criminels sont si bêtes qu'ils n'hésitent pas à prendre l'avion.
Pour ce qui est des 30 différents types de données, je comprends les arguments qui ont été formulés sur le rejet de la liste, la cueillette et la divulgation des informations, etc.
L'Association du Barreau a-t-elle effectué une étude des 30 types de données et de dangers en matière de vie privée qui en découlent? Parce que certains types de données posent moins de problèmes que d'autres, par exemple les numéros de cartes de crédit, les méthodes de paiement, etc. La politique canadienne repose sur les compromis, et quand on passera à l'étude article par article, on risque de passer en revue cette liste. Dans cette liste, y a-t-il des types de données qui sont plus problématiques que d'autres? Pourriez-vous nous aider à trouver un compromis, en disant par exemple il faut éliminer ceci, mais que ceci est acceptable, etc.?
º (1635)
M. Simon Potter: Il ne fait aucun doute, monsieur Moore, que la liste qui apparaît à l'article 23 de l'annexe, qui compte 34 éléments, renferme des éléments qui font problème. Nous n'avons pas procédé à une analyse exhaustive qui nous aurait permis de les classer par ordre de difficultés. Par exemple, le nom d'une personne qui voyage un jour ne fait peut-être pas vraiment problème pour la plupart des citoyens.
Mais cette question me permet de compléter la réponse de M. Rubin. Il ne s'agit pas simplement d'un exercice juridique. La Charte n'est pas seulement un document juridique, c'est le document où les Canadiens ont fait connaître le genre de société qu'ils veulent. Et ce que nous voulons, c'est une société où la dignité du citoyen est protégée et où la liberté de circulation du citoyen est protégée à l'égard de l'État.
Le simple fait pour une personne de savoir que chaque fois qu'il prend l'avion, la police obtient toutes ces informations: le nombre de valises, qui l'accompagnait, les numéros de passeport... Et il y en a qui disent que cela comprend aussi ce qu'on mange, quoique je ne l'ai pas vu ici. Mais je peux comprendre que certaines personnes s'inquiètent d'une banque de données énorme qui permettra aux autorités de savoir si untel a commandé un repas kosher ou non. Je peux comprendre que cela inquiète les gens.
Ce que j'essaie de dire, c'est que le classement objectif, froid et juridique de ces éléments n'est pas seulement un exercice juridique. Il s'agit aussi d'imaginer ce que ressentira le citoyen canadien qui estimera que sa dignité est compromise par le regard indiscret de l'État et qui saura que, chaque fois qu'il se déplacera, l'État en aura connaissance.
M. Ken Rubin: Je crois que nous avons eu un gouverneur général qui parlait de 39 marches... Si l'on a 34 éléments, savez-vous combien ça va coûter pour édifier cette base de données? Et qu'est-ce qui arrive s'il vous en manque 10 sur 34? Vous ne pouvez pas les fournir. C'est très complet, mais c'est aussi très peu pratique à certains égards.
Le président: Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie aussi les témoins.
Je ne veux pas chercher querelle parce que nous essayons d'apprendre quelque chose ici. Je ne veux pas faire comme mon collègue Mahoney dans ce coin-là. Il a tendance à s'emporter un peu.
Je pose la question de nouveau, y a-t-il des éléments dans ce projet de loi que vous approuvez?
Je vois bien le cas du passager qui fuit la justice, les pouvoirs que possède aujourd'hui la police avec le CIPC et d'autres outils. J'ai passé deux mandats à la Commission des libérations conditionnelles. Je comprends l'esprit criminel. En règle générale, les criminels ne sont pas très brillants.
Je pourrais aujourd'hui me joindre à une organisation quelconque. Je ne veux pas en nommer une en particulier, mais disons qu'il s'agit de la CAA. Je peux lui communiquer une adresse et un nom qui sont légèrement différents de ceux que j'emploierais normalement. Et la seule organisation qui a mon adresse, à part Hydro Ottawa, est la CAA. Je me retrouve tout à coup inondé de brochures de toutes sortes. Je sais qu'elle a vendu sa liste d'adresses à d'autres agences, compagnies de cartes de crédit, ce genre de chose.
Ce qui me dérange, c'est le fait que les entreprises d'autocars réunissent en ce moment certaines informations. Si vous voyagez par autocar régulièrement, la compagnie sait où vous allez. Elle sait que vous avez payé par carte de crédit. Elle a toute ces informations dans ses dossiers.
Si vous voyagez par train simplement de Cobourg à Ottawa, le steward à bord du train peut vous servir par exemple la même boisson que vous avez commandée la dernière fois parce que la compagnie a gardé un dossier de vos préférences.
J'ignore si toute cette informatisation n'existe pas déjà. Je pense que lorsque les criminels essaient de se dérober à la justice, c'est rarement en prenant l'avion, à moins qu'ils n'aient pris un nom d'emprunt, la carte de crédit de quelqu'un d'autre, ce genre de choses.
Ce qui m'inquiète maintenant—et je ne sais pas comment on peut régler cela—c'est que si je donne mon nom, mon adresse et mon numéro de carte VISA pour faire un paiement, quelqu'un d'autre possède déjà la plupart de ces informations.
º (1640)
M. Simon Potter: Vous avez raison, monsieur O'Reilly. En cette ère numérique, bon nombre de ces informations sont déjà en possession de quelqu'un d'autre. Voilà pourquoi nous avons des exigences provinciales et parfois nationales pour en garantir la protection.
Les renseignements mêmes dont il est question ici...si Air Canada les communique à quelqu'un d'autre, Air Canada commet une infraction. Mais nous avons ici une loi qui non seulement autorise la diffusion de ces renseignements, mais l'exige, et l'autorise explicitement pour des fins qui n'ont rien à voir aux fins de cette loi.
C'est précisément pour la raison que vous venez de donner que nous trouvons cela très alarmant.
M. Ken Rubin: Je vais ajouter une chose pour essayer, pour ainsi dire, d'inverser le cours des choses.
L'un des principaux problèmes, c'est le vol d'identité. Je ne parle pas seulement de Cooperators. Je parle des tiers qui puisent dans les banques de données de l'État. Avec ce projet de loi, vous allez créer un tas d'autres banques de données nationales, et on va les utiliser à plusieurs fins, entre autres pour combattre le terrorisme. N'oubliez pas qu'il y a des gens malins parmi les terroristes.
Il y a d'autres dispositions dans ce projet de loi concernant les ordinateurs militaires et l'accès, le CANAFE et le blanchiment d'argent, ainsi de suite. Certaines de ces dispositions peuvent avoir un effet inverse.
Les gens devraient regarder plus loin que le bout de leur nez lorsqu'ils créent quelque chose. On crée ici un système gargantuesque où toute la population sera englobée, et auquel beaucoup de gens auront accès, pas seulement les autorités.
M. John O'Reilly: Si une personne âgée se rend aux États-Unis par autobus nolisé, elle doit avoir un passeport. L'agent responsable des réservations prend connaissance de votre dossier médical pour s'assurer que la compagnie pourra satisfaire vos moindres besoins. Une fois que votre dossier se met à circuler, comment allez-vous le protéger contre tout abus s'il circule déjà dans le secteur privé?
M. Simon Potter: Eh bien, ce n'est pas nécessairement parce qu'il est dans le secteur privé que quelqu'un d'autre en prendra connaissance. Nous avons des règles qui empêchent d'avoir trop de fuites. Nous devons aussi avoir des règles pour colmater les fuites que provoquerait ce projet de loi.
Vous vouliez savoir s'il y avait des choses qu'il fallait garder. Je répète la position de l'ABC, monsieur O'Reilly, et je dis que nous pouvons comprendre qu'il peut être nécessaire d'avoir ces informations lorsqu'on réagit tout de suite à une menace immédiate qui pèse sur un avion, mais qu'il n'est pas nécessaire de conserver ces informations pendant sept jours, quinze jours, ou plus longtemps. Il n'est pas nécessaire de réunir toutes ces informations pour pourchasser toutes les personnes qui font l'objet d'un mandat d'arrêt.
Donc, nous pouvons comprendre que l'on veuille ces renseignements pour réagir à une menace immédiate, et qu'il faut les avoir à portée de la main tout de suite. Mais la loi doit dire clairement à quelle fin on veut ces renseignements. Et pas pour autre chose.
Le président: Chers collègues, je vais lever la séance vers les 17 heures, donc souvenez-vous en.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.
Jusqu'à maintenant, je trouve que votre position est très près de celle de notre parti. Il y a bien des choses qui nous indisposent dans ce projet de loi. On parle beaucoup de la question des passagers, mais dans le projet de loi, on parle aussi beaucoup des zones militaires contrôlées. On peut établir de telles zones par décret en conseil sans que les gens le sachent. On parle aussi des arrêtés d'urgence dans le projet de loi. Je trouve que le pauvre individu n'a pas grand-chose à dire là-dedans.
Vous avez dit dans votre présentation que le projet de loi pouvait et devait être amendé et que, si le Parlement ne l'amende pas, il n'aura pas fait son travail. Au Parlement, les opinions diffèrent selon les partis, et c'est la majorité qui l'emporte. C'est pour ça que la question des législateurs est très importante pour moi. J'ai toujours dit que les législateurs devaient faire le travail à la place des cours.
Par contre, dans certaines circonstances, on a demandé un avis à la Cour suprême du Canada. Comme mon collègue l'a dit plus tôt, il arrive qu'on se fasse répondre en Chambre que si un individu n'est pas content à la suite de l'adoption de la loi, il n'a qu'à en appeler et à aller devant les cours. Je trouve ça injuste parce qu'ici, à Ottawa, il y a deux édifices plein d'avocats qui travaillent pour le compte du gouvernement. Le pauvre individu, lui, va passer la moitié de sa vie et toute sa fortune, parce qu'il va y avoir des appels, à essayer de contester une loi en vertu de laquelle on l'a attaqué.
Avant qu'on procède à la troisième lecture et qu'on adopte ce projet à la majorité des voix, ne serait-il pas intéressant... Vous dites qu'à votre avis, cette loi, telle qu'elle est rédigée à l'heure actuelle, ne se justifie pas dans une société libre et démocratique et pourrait même contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, si j'ai bien compris vos propos.
Est-ce que le gouvernement ne pourrait pas--comme il l'a déjà fait d'ailleurs à notre insu et contre nous dans le cas du projet de loi C-20--, avant de procéder, compte tenu de l'importance de ce projet de loi et de son impact sur les individus et sur la société, faire un renvoi à la Cour suprême du Canada pour connaître son avis, comme dans le cas de C-20? Après cela, on pourra décider de légiférer ou pas ou de modifier le projet de loi tel que la Cour suprême recommande de le faire. Comme je vous le dis, je ne suis pas habitué de faire ça. D'habitude, je demande le contraire. Je trouve que les législateurs devraient se tenir debout et que ce n'est pas aux cours de décider. Toutefois, on peut demander l'opinion de la cour avant de prendre une décision.
J'aimerais connaître votre avis là-dessus.
º (1645)
M. Simon Potter: Monsieur Bachand, vous vous étonnez vous-même de demander qu'il y ait un autre renvoi fédéral. Moi aussi, je suis étonné par la suggestion. Je pense que la solution est facile. Il est possible d'apporter assez facilement des modifications à ce projet de loi pour s'assurer que les renseignements recueillis vont servir aux fins voulues, point. Il me semble qu'en faisant ces changements-là, on éviterait de causer bien des problèmes à bien des gens.
[Traduction]
M. Ken Rubin: J'ai voulu entre autres parler—et la plupart de vos témoins n'en parleront pas parce qu'ils n'ont pas les mêmes antécédents que moi—des répercussions sur la protection de la vie privée. Elles sont évidentes pour moi. Mais ces répercussions défient l'entendement, surtout au niveau de l'accès à l'information ou de la protection des renseignements personnels. On a glissé dans ce projet de loi toute une série de modifications à un grand nombre de lois. En fait, ces dispositions priment la Loi sur l'accès à l'information. Cette loi est effacée par le tampon de la sécurité, où on dit que c'est tellement important que vous n'avez pas le droit de savoir ce qu'on fera de vos renseignements personnels.
Il y a des années de cela, dans les années 70, je me rappelle avoir fait une étude pour le compte de certains groupes voués à la défense des libertés civiles sur le nombre de dossiers personnels que possédait le gouvernement du Canada. Si j'ai pu découvrir quelque chose à cette époque, c'était parce qu'on inscrivait dans chaque banque de données personnelles le nombre de personnes qu'il y avait. Avec ma calculatrice, je crois que j'avais compté quelque 292 millions de dossiers.
Après avoir fait cette étude, plus personne n'inscrivait le nombre de dossiers qu'il y avait dans chaque banque. Dans la plupart des cas, vous ne pouvez pas savoir combien de dossiers il y a dans une banque. Avec ce projet de loi-ci, vous ne pourrez pas le savoir, en fait, vous ne pourrez presque rien savoir. C'est très inquiétant.
[Français]
M. Claude Bachand: Me reste-t-il du temps?
Le président: Très peu.
M. Claude Bachand: J'aimerais savoir si ma suggestion de renvoyer le projet de loi à la Cour suprême pour donner des conseils aux législateurs avant de procéder a du bon sens.
M. Simon Potter: Le mécanisme de renvoi est là. Ce n'est pas ridicule de demander un renvoi. Je ne prétends pas cela. Je prétends seulement qu'il y a une solution beaucoup plus facile.
M. Claude Bachand: Oui, mais si on n'est pas capable d'en arriver à une solution, si on constate qu'il n'y a pas d'amendements possibles, qu'on ne veut pas d'amendements, ne devrait-on pas, avant de procéder à la troisième lecture, renvoyer le projet de loi à la Cour suprême pour avoir l'avis des juges?
M. Simon Potter: Il me semble qu'en théorie parlementaire, il n'y a pas d'obligation de faire un renvoi.
M. Claude Bachand: Il n'y a pas d'obligation. Ce n'est pas ce que je dis.
M. Simon Potter: Non, il n'y a pas d'obligation de faire un renvoi. Est-ce que ce serait une bonne idée? Peut-être, mais je me dis que dans le monde politique, monsieur Bachand--vous êtes plus expert que moi--, si une majorité veut adopter une loi, même si elle comporte des mesures qui vont trop loin, elle ne voudra pas qu'il y ait un renvoi.
M. Claude Bachand: C'est ça.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Merci, monsieur le président.
Pour ne pas troubler M. O'Reilly, je tâcherai d'être plus calme.
Quelqu'un m'a dit—et je ne vois pas cela dans votre mémoire, monsieur Potter—que vous recommandez que les ordonnances provisoires soient déposées dans un délai de cinq jours de séance par opposition à quinze jours. Est-ce exact? Je ne trouve pas mention de cinq jours, mais celle de quinze jours.
M. Simon Potter: Oui, c'est exact.
º (1650)
M. Steve Mahoney: D'accord.
Je vais simplement vous demander de réfléchir à ceci. Très souvent, le Parlement ne siège pas. En fait, nous nous le faisons tous dire lorsque nous retournons dans nos circonscriptions. Les gens nous disent tout le temps: «Mais qu'est-ce que vous faites ici? Vous devriez être à Ottawa». Et nous répondons: «Mais on est dimanche après-midi», ou c'est l'été, ou autre chose.
Nous siégeons trois semaines sur quatre, ou huit mois par an. Je ne suis ni ici ni dans mon comté cinq jours de séance de suite ou quinze jours de suite. Il me semble que cinq jours de séance, ce pourrait être beaucoup plus long que quinze jours du calendrier civil.
Je soumets cela à votre réflexion.
M. Simon Potter: Mais il s'agit au moins de jours de séance.
M. Steve Mahoney: Mais qu'arrive-t-il si l'ordonnance provisoire est délivrée alors que le Parlement ne siège pas? Tout le problème est là.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Ou si l'ordonnance est délivrée la veille d'un congé parlementaire?
M. Simon Potter: Bonne observation.
M. Steve Mahoney: J'aimerais qu'on parle du contenu du projet de loi, et je vais inviter mes collègues et peut-être aussi les témoins à se pencher sur les paragraphes 4.82(4) et (5). Ces dispositions traitent des renseignements qu'il faut fournir. Le premier mentionne le commissaire. Si l'on recule au paragraphe (1), on voit qu'il s'agit du commissaire de la GRC. Le deuxième traite du directeur. Si vous reculez, vous allez voir qu'il s'agit du directeur du SCRS.
J'aimerais savoir si ces dispositions vous rassurent, ou si vous pouvez m'aider à les comprendre. Voici le texte de ces paragraphes:
Le commissaire, ou toute personne désignée au paragraphe (2) peut, pour les besoins de la sûreté des transports, demander à tout transporteur aérien ou à tout exploitant de systèmes de réservation de services aériens de fournir à une telle personne [...] de temps [...] |
a) les renseignements mentionnés à l'annexe dont il dispose, à l'égard des personnes qui sont ou seront vraisemblablement à bord d'un aéronef, pour le vol précisé par l'auteur de la demande... |
La mention «Pour le vol précisé» renvoie à la GRC, qui doit préciser de quel vol il s'agit, et ce n'est pas l'enquête à l'aveuglette dont on parlait, où l'on ferait des recherches sur tous les avions qui atterrissent partout au pays. Il faut préciser de quel vol il s'agit. Et l'alinéa b) mentionne «toute personne précisée par l'auteur de la demande». L'auteur de la demande devra donc nommer la personne en question pour obtenir ces renseignements. Ensuite on répète essentiellement la même chose pour le directeur du SCRS.
Donc ces deux personnes, ou leurs mandataires, comme le veut le projet de loi, doivent ou bien préciser le vol où, de l'avis de la GRC, la sécurité des transports est menacée, ou alors ce sera le SCRS s'il s'agit d'une enquête portant sur une «menace envers la sécurité du Canada».
Il me semble qu'on est loin ici d'une enquête à l'aveuglette. Le texte de loi est très précis, il faut qu'on mentionne le vol ou le nom de la personne. Est-ce que cela ne vous rassure pas? Il est aussi expressément question de sécurité aérienne ou de sécurité nationale.
M. Simon Potter: Permettez-moi de vous répondre ceci. Ce qui est rassurant, bien sûr, c'est le fait que la disposition n'a pas une portée encore plus générale. Mais elle a une portée encore très, très vaste.
Reprenons exactement ce que vous venez de dire, à savoir que la mention «personne précisée» ne s'applique qu'à l'alinéa b). Et il s'agit d'une information qui entre en possession de la ligne aérienne après le vol, et la règle de 30 jours s'impose dans ce cas-là. Il y a un «ou» dans la version anglaise; c'est l'alinéa a) ou l'alinéa b).
M. Steve Mahoney: C'est un «ou» dans la version anglaise, 30 jours après...
M. Simon Potter: C'est exact. La personne précisée... Il ne s'agit pas nécessairement d'un vol en particulier ou d'une personne en particulier. Il s'agit d'un vol en particulier «ou», dans la version anglaise, d'une personne en particulier. Ce qui veut dire qu'en vertu de l'alinéa a), les informations que vous obtiendrez seront tout...
M. Steve Mahoney: Désolé, mais le mot «ou» dans la version anglaise renvoie expressément aux informations qui sont en possession du transporteur aérien ou de l'exploitant ou qui entrent en leur possession 30 jours plus tard, en ce qui concerne le nom de la personne. Ce n'est pas n'importe quel vol ou n'importe quelle personne.
M. Simon Potter: Pardon, monsieur Mahoney, le «ou» que j'ai devant moi, dans la version anglaise, c'est le «ou» à la fin de l'alinéa a).
M. Steve Mahoney: C'est cela.
M. Simon Potter: Donc ce dont vous parlez, la personne précisée, ne s'applique qu'à l'alinéa b), elle ne s'applique pas à l'alinéa a).
M. Steve Mahoney: Est-ce qu'on peut penser que dans le cas a), les autorités auraient des informations sûres selon lesquelles quelqu'un, dont on ne connaît pas le nom, ou qui a divers alias, ou qui voyage avec de faux documents, se trouve à bord du vol 222 qui arrive de quelque part et qui va atterrir à Pearson à tel ou tel moment, donc on précise le vol parce qu'on est sûr qu'il y a un problème à bord de cet avion? Ou alors, les autorités ont des informations selon lesquelles le problème à bord de ce vol n'est pas nécessairement une personne mais plutôt un colis.
M. Simon Potter: Ce peut être le cas.
M. Steve Mahoney: Donc on ne se limite pas à un vol en particulier ou à une personne en particulier, ce n'est pas l'enquête à l'aveuglette dont vous parliez plus tôt?
º (1655)
M. Simon Potter: Rien ne limite le nombre de vols sur lequel cela pourrait être fait. De plus, en vertu du paragraphe (4) et du paragraphe (5)... Soit dit en passant, le paragraphe (5) a une portée plus large que le paragraphe (4), puisque ce dernier mentionne uniquement la «sécurité des transports», alors que le premier mentionne les «menaces envers la sécurité du Canada».
M. Steve Mahoney: Je suppose que cela relève du SCRS.
M. Simon Potter: Cela dépend de la façon dont c'est interprété. Et il se peut très bien que la demande soit déposée dans un cas comme celui que vous avez évoqué, monsieur Mahoney. Mais le libellé n'exclut pas d'autres circonstances.
M. Ken Rubin: Puisque vous nous l'avez demandé, je dirais que ce qui me chiffonne, c'est la façon vague dont on définit la sécurité des transports. Ce qui m'inquiète aussi, puisqu'on a fait la comparaison avec les arrêtés d'urgence ministériels, c'est que dans le cas qui nous occupe, on a quand même une certaine idée de ce qu'il faut faire et jusqu'où il faut aller, tandis que dans le cas des arrêtés d'urgence ministériels, on ne sait pas vraiment sur quoi ils portent. Où dans la loi trouve-t-on ce à quoi ils doivent servir et à quel genre d'urgence, par exemple?
Le libellé a une portée tellement vaste que... Où peut-on trouver des exemples de ce à quoi songeaient les ministres—et je parle des quatre qui se sont présentés et des deux qui étaient absents, ceux de la santé et des pêches—lorsqu'ils se sont entendus sur une disposition aussi vague et inacceptable? Ici, il est tout de même possible de circonscrire ce à quoi cela s'applique, mais pas dans le cas des autres ordonnances.
Mme Bev Desjarlais: J'essaierai d'être rapide, mais je tiens à poser ma question car je ne voudrais certainement pas que les Canadiens aient un seul instant une fausse idée de la situation. Votre recommandation mentionne des jours de séance en vue d'examiner une ordonnance provisoire. Toutefois, je ne voudrais certes pas que les Canadiens aient l'impression qu'il est impossible de demander l'examen d'une ordonnance provisoire du simple fait que le Parlement ne siège pas. Il faut qu'ils sachent que le Parlement peut être convoqué n'importe quand.
Et si des parlementaires s'avisaient de ne pas revenir à Ottawa dans ces conditions, ils ne mériteraient pas d'occuper leur poste. J'étais moi-même en pleine brousse au moment des événements du 11 septembre, et dans les minutes qui ont suivi l'attentat, j'ai communiqué avec mon bureau avec qui je suis restée branchée régulièrement pour m'assurer que je ne devais pas revenir d'urgence à Ottawa.
Si j'ai pu le faire alors que j'étais dans la brousse de la Saskatchewan, je suis sûre que les parlementaires ontariens peuvent revenir à Ottawa beaucoup plus rapidement que cela et qu'ils le feraient volontiers pour examiner une ordonnance provisoire et pour faire en sorte que les libertés civiles des Canadiens seront protégées. Je pense que nous pouvons dormir sur nos deux oreilles, car cela ne pose aucun problème en ce qui me concerne.
Je voudrais savoir ce que vous pensez de ce dont nous a fait part M. O'Reilly au sujet des renseignements médicaux qui pourraient être divulgués aux entreprises d'autobus nolisés. J'ai toujours cru que lorsque les renseignements sont donnés ils ne servent qu'à une seule fin et qu'il est impossible de les utiliser pour d'autres raisons. Mais si l'on tient compte du fait que leur utilisation pourrait être beaucoup plus vaste, se pourrait-il que l'on puisse éventuellement faire le lien entre ces renseignements médicaux et tous les autres renseignements médicaux des Canadiens que l'on détient? Si la disposition est acceptée, sera-t-il éventuellement possible d'examiner les dossiers des hôpitaux, ceux des cliniques de médecins, ou autres choses du genre?
M. Ken Rubin: Ce qui me chiffonne, c'est que le Parlement s'est déjà donné beaucoup de mal, non seulement lorsqu'il a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels qui s'appliquait aux dossiers du gouvernement de même qu'à l'accès à l'information personnelle, mais aussi lorsqu'il a adopté cette autre mesure législative s'appliquant au secteur privé et portant sur les documents personnels sous forme électronique.
Et voilà que maintenant ce projet de loi-ci vient tout modifier. Comment? En ajoutant une partie qui traite de la cueillette et de l'utilisation de l'information. C'est très important, car cela permet à l'État de s'entendre pour différentes raisons avec des partenaires privés pour transmettre plus d'informations. Aujourd'hui, on parle de l'industrie aérienne, mais demain, ce sera la profession médicale.
Bien sûr, il devrait être possible d'imposer des restrictions, mais à partir du moment où l'on inscrit la clause habilitante, le nombre est encore plus grand. On ne peut pas simuler cela à ce qui se passe avec l'information provenant des banques de données du transport aérien, puisqu'il s'agit ici de l'utiliser à d'autres fins. Ici, on parle de partenaires privés, ce qui permet d'inclure votre industrie et celle de quelqu'un d'autre, etc. Cela représente tout à fait autre chose, et il faut qu'on s'y arrête.
Votre comité à une tâche gargantuesque.
» (1700)
Le président: Quatre membres du comité voudraient toujours poser des questions. Nos témoins ont déjà été très généreux avec leur temps. Je suggère que nous nous en tenions à 15 minutes supplémentaires, et pas plus. Je vais donc limiter les questions à trois minutes, et je vous demande d'être succincts.
Nous avons bien compris ce que nous ont dit les témoins aujourd'hui et ils nous ont fait part de leurs intérêts et de leurs préoccupations. Par conséquent, soyons pointus dans nos questions supplémentaires.
Commençons par Mme Carroll.
Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.
Monsieur Potter, dans votre résumé, vous dites au début que «les Canadiens et Canadiennes peuvent choisir de ne pas donner des renseignements personnels aux personnes qui exécutent la loi, sauf dans certaines situations». À mon avis, c'est une façon très tranchée d'exposer notre identité en tant que citoyens et en tant que nation.
On a ensuite entendu dire que pour contrer les aspects néfastes du projet de loi le citoyen devrait intenter des poursuites. Vous avez répondu, pour votre part, que cela pourrait prendre plusieurs années et coûter très cher. Ce projet de loi-ci n'inverse-t-il pas le fardeau de la preuve en ce sens que le Canadien ne peut plus présupposer qu'il a comme prérogative le choix de ne pas divulguer des renseignements, puisque désormais il est obligé de le faire à moins de réussir à prouver de façon active qu'il a toujours le droit de refuser.
M. Simon Potter: Vous avez raison, c'est ce à quoi cela revient.
Dans le cas des voyageurs, non seulement inverse-t-il le fardeau de la preuve, mais cela en impose les résultats en vertu du projet de loi C-17. Si on suit la même logique, rien n'empêche la police de nous interpeller dans la rue pour obtenir notre carte d'identité et nous demander où nous étions, avec qui nous étions—puisque c'est ce que vise la cueillette d'informations—quand nous avons séjourné pour la dernière fois dans un hôtel, et dans quelle ville. Si on pousse la logique à l'extrême, tout cela est possible, ce qui est en soi anathème dans une société comme la nôtre.
Mme Aileen Carroll: Je veux respecter mes trois minutes. Mais merci, monsieur Potter.
Comment monsieur et madame Tout le monde font-ils pour savoir que le gouvernement a en main ces informations et qu'ils peuvent réagir?
M. Simon Potter: Ils ne le savent pas.
Mme Aileen Carroll: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Laframboise.
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Ma question portera sur les arrêtés d'urgence, entre autres sur ceux prévus à la partie 6 portant sur la Loi sur le ministère de la Santé. Pour chacun des arrêtés d'urgence que les ministères peuvent prendre, en tout cas ceux concernant le ministère de la Santé, le paragraphe 11.1(4) proposé dit:
L'arrêté est soustrait à l'application des articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires... |
Les articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires sont appelés le filtre de la Charte canadienne des droits et libertés, entre autres. Si ces articles avaient été appliqués, c'est le Conseil privé qui aurait vérifié si les arrêtés d'urgence étaient conformes à la Charte des droits et libertés. Quand on dit qu'ils en sont soustraits, cela veut dire que pendant le temps où ils s'appliquent avant d'être rendus publics, ils ne sont pas soumis au respect de la Charte des droits et libertés. Ça, c'est très inquiétant, parce qu'en matière de santé, par exemple, cela voudrait dire que si le ministre de la Santé obligeait une population à se faire vacciner--on parle des enfants dans les écoles, des malades dans les hôpitaux, etc.--, cette dernière pourrait être obligée de subir la vaccination sans qu'on ait l'obligation de s'assurer que c'est conforme à la Charte des droits et libertés.
Je vois que dans votre texte, monsieur Potter, vous n'avez pas abordé le fait qu'on n'applique pas les articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires.
M. Simon Potter: Vous avez raison lorsque vous dites que cette disposition soustrait les arrêtés d'urgence au filtre prévu dans cette autre loi. C'est un filtre qui demande au procureur général d'émettre un avis stipulant qu'il ne semble pas y avoir un problème relativement à la Charte. Mais cela n'enlève pas le besoin que les arrêtés d'urgence soient conformes, par ailleurs. C'est tout simplement que le filtre est enlevé pendant cette période-là.
M. Mario Laframboise: Mais le citoyen qui subirait cela pourrait-il contester? Pourrait-il dire tout de suite qu'il refuse le vaccin parce que selon la Charte canadienne des droits et libertés...?
M. Simon Potter: C'est toujours le problème qui se pose dans de telles situations. Est-ce qu'on viole la loi pour pouvoir la contester en se défendant contre la poursuite qui va suivre, ou est-ce qu'on se plie à la loi et qu'on suit les procédures normales pour obtenir un jugement déclaratoire? C'est le problème qui se pose dans tous les cas.
[Traduction]
Le président: Monsieur Rubin.
» (1705)
M. Ken Rubin: À mon avis—et je pense que la suite des événements confirmera mon impression—les arrêtés d'urgence ministériels sont également dangereux parce qu'ils suppriment les filtres qui existent et qui balisent le travail du commissaire à l'information, du vérificateur général et d'autres encore. Autrement dit, ces derniers ont les mains entièrement libres, qu'ils peuvent dépenser comme bon leur semble et que le Parlement ne leur posera pas nécessairement de questions. Les Canadiens ne sauront jamais exactement ce qu'ils font, car c'est ce que leur permette les pouvoirs qui leur sont conférés.
Prenons le cas du ministre de la Santé: j'explique dans mon mémoire qu'il ne peut même pas agir pour empêcher qu'un enfant de quatre ans s'étouffe en consommant un produit dont on n'a pas encore interdit l'importation. Si l'on veut vraiment utiliser ces pouvoirs de façon constructive, avec l'aval du Parlement et de n'importe qui d'autre, de grâce agissons.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'intéresse de façon générale au projet de loi C-17.
Nous recevons aujourd'hui l'éminent président de l'Association du Barreau canadien, qui est un citoyen distingué, intelligent et renseigné, ce à quoi nous sommes très sensibles.
En dernière analyse, le projet de loi C-17 parviendrait-il à empêcher que les terroristes agissent, et je pense à ceux du 11 septembre ou au passager d'un avion dont la bombe était caché dans le soulier, par exemple? Y a-t-il une chance sur cent qu'on puisse les empêcher d'agir? Le projet de loi C-17 nous aiderait-il ou pas?
M. Simon Potter: Si nous ne préconisons pas le rejet du projet de loi dans sa totalité, c'est que nous pouvons imaginer des situations comme le détournement d'un avion, où les autorités souhaiteront avoir un accès immédiat aux renseignements sur les passagers de cet avion, pour cette période de 24 heures. C'est pourquoi nous sommes d'accord pour que l'information soit conservée pendant 24 heures, tant que la menace existe.
La mesure législative pourrait-elle vraiment aider à arrêter les terroristes avant le détournement? Pour ma part, j'en doute fort, mais je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je peux difficilement l'imaginer.
M. Sarkis Assadourian: Ce qui vous préoccupe donc, c'est la durée de la période de conservation des renseignements, du moment où les renseignements sont reçus jusqu'à la fin de la période de sept jours. Vous seriez d'accord si la période était de 24 heures une fois les renseignements reçus car le vol serait terminé. D'après ce que vous me dites, c'est votre principal sujet d' inquiétude.
M. Simon Potter: Je pars du postulat que la justification de cette disposition, c'est d'obtenir les renseignements sur les passagers de ce vol, pendant la durée du vol, aux fins de résoudre un problème qui se produit durant ce vol.
M. Sarkis Assadourian: En résumé, si j'ai bien compris ce que vous me dites, l'Association du barreau canadien appuiera ce projet de loi sans réserve si la période de sept jours est réduite à un jour, soit 24 heures.
M. Simon Potter: Monsieur Assadourian, malgré tout le respect...
M. Sarkis Assadourian: Je ne suis pas avocat, je vous pose la question.
M. Simon Potter: Notre but n'est pas d'appuyer la mesure législative une fois qu'elle sera adoptée. Nous voulons simplement vous dire ce qui devrait être fait pour améliorer cette mesure, en nous fondant sur notre expérience et nos compétences.
Le président: Merci.
Monsieur Barnes.
M. Rex Barnes: J'ai une petite question à poser, dans la même veine que l'honorable député.
Croyez-vous qu'il vaudrait mieux, en général, que le gouvernement investisse son temps et ses efforts dans des ressources, au lieu de se contenter de mettre en place des bases de données afin de ne pas avoir à engager des gens pour faire le travail convenablement sur le terrain?
M. Simon Potter: Quand nous avons déposé nos instances sur la mesure législative contre le terrorisme, ce que nous préconisions, c'est qu'il fallait d'abord augmenter les ressources, veiller à ce qu'elles soient modernes et bien financées, avant d'avoir recours à des dispositions draconiennes.
M. Rex Barnes: D'accord, merci.
Le président: Au nom du comité, permettez-moi de remercier MM. Potter et Rubin de leurs témoignages. Nous les remercions également de nous avoir accordé généreusement leur temps. Merci à tous nos collègues de leur participation.
Chers collègues, je vous rappelle que notre prochaine réunion aura lieu jeudi prochain, à 9 h, dans la même salle, soit la salle 209 de l'édifice de l'Ouest. Si la réunion a lieu ailleurs, vous en serez informés.
La séance est levée.