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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 0933

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 43e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

Avant toute chose, pour que nos témoins ne soient pas tentés de prendre la porte, je leur souhaite la bienvenue. Nous accueillons avec plaisir le professeur Ed Morgan, M. Eric Vernon et Manuel Prutschi, du Congrès juif canadien, le professeur Mohamed Elmasry, M. Rocco Galati et Adam Amen, du Congrès islamique canadien; M. Peter Noteboom et Mme Jennifer Leddy, du Conseil canadien des Églises; et M. John Asfour et Mme Amina Sherazee, de la Fédération canado-arabe.

Je m'excuse auprès des gens dont je n'aurais pas bien prononcé le nom. Je sais que vous me corrigerez, comme cela est déjà arrivé.

Je tiens à vous remercier de vous être déplacés et de nous consacrer un peu de votre temps ce matin. Notre mode de fonctionnement est très simple. Chaque groupe dispose d'un peu moins de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. Comme quatre groupes sont représentés et que nous ne disposons que de deux heures, je m'efforcerai de faire en sorte que l'on s'en tienne à cela autant que possible, tout en respectant les règles de politesse qui ont cours dans les Maritimes. Les membres du comité auront ensuite la possibilité de poser des questions et d'engager le dialogue.

• 0935

Je donne tout de suite la parole à M. Morgan, du Congrès juif canadien.

M. Ed Morgan (professeur et président, Région de l'Ontario, Congrès juif canadien): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Ed Morgan. Je suis l'ancien conseiller juridique national et actuel président de la branche ontarienne du Congrès juif canadien. Je suis accompagné de deux de mes collègues, MM. Manuel Prutschi, directeur national des Relations communautaires et Eric Vernon, directeur des Affaires gouvernementales.

Étant ici aujourd'hui le porte-parole de la communauté juive du Canada, je commencerai par dire que la communauté juive est extrêmement préoccupée par la crise que nous traversons depuis le 11 septembre dernier. Nous sommes naturellement plus particulièrement préoccupés par le problème du terrorisme international et la perspective que ce terrorisme fasse surface au Canada, que ce soit sous la forme d'actes de violence perpétrés ici ou parce que notre pays servira de base à des gens qui iront commettre des actes de violence ailleurs.

Nous sommes aussi, bien sûr, comme de nombreuses communautés au Canada, préoccupés par la perspective ou la possibilité d'un contrecoup de cette crise internationale ici, au Canada, où cela risque d'inciter à la haine, au racisme et à l'antisémitisme. La communauté juive a malheureusement fait l'expérience des répercussions que peuvent avoir, dans un pays, la violence et les conflits internationaux et qui se manifestent sous la forme de crimes motivés par la haine. Pas plus tard que l'année dernière, quand on a assisté à une flambée de violence au Proche-Orient, il y a eu pas moins de 18 synagogues au Canada qui ont été vandalisées ou endommagées. À Thornhill, en Ontario, il y a tout juste trois semaines, on a peint à la bombe sur une synagogue le slogan «Osama est vivant», et il se trouve que c'était sur cette même synagogue, mais sur un autre mur, que l'on avait écrit, il y a dix ans, le slogan «Saddam est vivant».

Nous avons donc une expérience des crises internationales qui donnent naissance, sur le plan national, à des crimes motivés par la haine. Nous le déplorons. Nous le déplorons quand cela arrive à nos amis qui pratiquent d'autres religions ou appartiennent à d'autres communautés ethniques. Nous le déplorons quand les cibles sont des mosquées, quand les cibles sont des temples hindous et bien sûr, quand les cibles sont des synagogues. Nous jugeons donc approprié que le gouvernement, en plus de formuler ces dispositions antiterroristes, ait pris des mesures pour élargir et compléter la législation actuelle en matière de crimes motivés par la haine.

Rien de cela, je dois le dire, tout aussi odieux que ce soit, n'est comparable aux actes de ceux qui ont percuté des tours de bureaux avec des avions. Nous sommes particulièrement préoccupés, bien sûr, par le problème de fond du terrorisme international. M. Ben Laden lui-même a décrit son organisation; je cite: «Le front islamique mondial pour combattre les Juifs et les croisés». Je trouve que d'une certaine façon, il est facile de se moquer d'une telle rhétorique quasi médiévale. Et nous reconnaissons naturellement que même s'il se sert de l'étiquette «islamique», cela ne cadre pas véritablement avec l'Islam ni avec les croyances de la grande majorité des musulmans. Mais il reste quand même que ce sont ses propos, et nous ne les prenons pas à la légère. C'est que nous sommes le peuple dont il parle et qu'il est très difficile de ne pas prêter attention à cela. Nous trouvons extrêmement difficile de faire autrement que de prendre ce genre de menaces au sérieux.

Nous avons tous lu dans la presse récemment qu'Ahmed Ressam a affirmé aux États-Unis qu'entre autres choses, en plus des attaques qui devaient avoir lieu à Los Angeles, il planifiait avec son groupe une attaque contre des intérêts israéliens ou sionistes à Montréal. Nous savons quelle communauté il envisageait attaquer. D'après ses propos, qui pouvait-il viser, sinon la communauté juive canadienne de cette ville?

En outre, il y a un procès qui se déroule actuellement à Buenos Aires, en Argentine. Comme vous le savez probablement, le centre communautaire israélite de Buenos Aires a été la cible d'un attentat à la bombe. Quatre-vingt personnes ont été tuées. La police argentine accuse le terrorisme international et ses supporters de cette atrocité. Or, l'Argentine est aussi éloignée du Proche-Orient et du conflit qui s'y déroule que le Canada. Nous voulons nous assurer que le Canada reste littéralement loin du terrorisme international.

Nous nous félicitons donc des initiatives législatives du gouvernement qui témoignent de sa volonté de s'attaquer sérieusement à ce problème dans sa dimension canadienne. Nous nous félicitons également de l'ouverture d'esprit démontrée par le gouvernement, qui se dit prêt à entendre les commentaires, favorables ou critiques, sur son initiative. Et bien sûr nous nous félicitons de la possibilité qui nous est offerte de comparaître devant le comité.

• 0940

Je crois que l'on a distribué notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de le passer en revue maintenant, mais je voudrais vous demander de vous reporter au résumé des recommandations que vous trouverez à la toute fin du document, page 9. Pendant les quelques instants qui nous restent, j'aimerais mentionner quelques faits saillants de ce résumé.

Le président: Excusez-moi, monsieur. Je souhaite attirer l'attention du comité sur...

M. Ed Morgan: Vous ne l'avez pas?

Le président: Nous n'avons pas distribué le mémoire. Il n'était pas dans les deux langues officielles et par conséquent, il n'a pas été distribué.

M. Ed Morgan: Nous en avons des exemplaires pour ceux qui sont intéressés. Je voudrais simplement vous rappeler les points saillants du résumé de nos diverses recommandations.

En premier lieu, les organismes responsables de la sécurité dans ce pays, en plus des pouvoirs législatifs qui leur ont été conférés doivent obtenir les ressources humaines et matérielles appropriées. J'ajouterais qu'un partage substantiel du renseignement entre les organismes doit être encouragé.

Je l'ai dit, nous prenons la perspective de l'arrivée au Canada du terrorisme international très sérieusement. Une grande partie du débat—je le constate non seulement en ma capacité de président du Congrès juif canadien, mais également en tant qu'avocat et professeur de droit—porte sur le type de pouvoir qui doit être accordé au gouvernement, et sur le type de pouvoir qui ne devrait pas lui être accordé, qu'il s'agisse du débat entre les organismes chargés de l'application de la loi et les défenseurs des libertés civiles... Tout semble se résumer au problème suivant: prend-on au sérieux le risque de voir la violence internationale se manifester au Canada?

Nous ne percevons pas la chose comme un grand nombre de Canadiens semblent le faire. On nous dit que le SCRS a souvent dans le passé chassé des fantômes, que lorsque les organismes d'application de la loi s'intéressent aux problèmes internationaux, ils ont l'habitude de magnifier les problèmes.

Nous prenons au sérieux ce que nous dit le gouvernement, c'est-à-dire qu'il existe un risque réel que des gens violents viennent au Canada, et par conséquent, nous pensons que ces organismes doivent disposer non seulement du pouvoir législatif, mais également des ressources appropriées.

En ce qui a trait à la définition de «terrorisme», je suggère qu'une phrase soit ajoutée au projet d'article 83.01 afin que l'on ne puisse pas invoquer les dispositions antiterroristes en cas de grèves ou de manifestations au Canada, même quand il s'agit de grèves ou de manifestations illégales ou qui prennent une tournure violente. Naturellement, il continuerait d'être répréhensible d'organiser une grève illégale, une grève violente, une manifestation violente au Canada, mais ce ne serait pas du terrorisme.

Une grève sauvage, qui est illégale en vertu du droit du travail des différentes provinces, ne serait pas couverte par le caveat à la définition du terrorisme que l'on trouve dans le projet de loi, mais selon moi, ce n'est pas non plus du terrorisme. Une phrase doit être ajoutée à cette définition afin de parer à cette éventualité.

De même, une manifestation, qui contrevient aux règlements municipaux, qui se déroule sans que l'on ait obtenu un permis municipal et qui peut même aboutir à une confrontation violente avec la police, est répréhensible, mais ce n'est pas du terrorisme. Et je suis d'avis qu'il faut faire attention de ne pas dépeindre le terrorisme d'une façon trop générale.

Je considère qu'autrement, la définition est, de manière générale, satisfaisante. Elle met fin à ce qui était, à mon avis, la discrétion excessive qui posait problème lorsqu'on tentait de définir le terrorisme selon la Loi sur l'immigration, où il n'y a en fait aucune définition du tout. Nous avons intégré à notre définition du terrorisme 10 conventions internationales différentes et nous y avons apporté notre propre touche, ce que j'applaudis.

J'applaudis également le gouvernement et les législateurs d'avoir évité le piège d'essayer de définir le bon terrorisme et le mauvais terrorisme. Dans notre mémoire, nous soulignons qu'il n'y a pas de bon terrorisme et de mauvais terrorisme; la définition ne devrait pas dépendre de notre optique de la politique internationale. La définition du terrorisme, telle qu'elle est donnée dans le projet de loi, si je comprends bien, n'a rien à voir avec ce qu'on pense des conflits à travers le monde: que Dieu est du côté des catholiques ou des protestants en Irlande du Nord, qui sont les bons ou les méchants dans le conflit au Proche-Orient, qui devrait contrôler le Cachemire, etc. ou si vous pensez que les Tchétchènes sont bien ou mal traités par les Russes. Rien de tout cela n'a d'importance. Le gouvernement a clairement prohibé et criminalisé toute forme de violence motivée par une conviction idéologique, politique ou religieuse, et selon moi, c'est approprié.

Il ne faut pas tomber dans le piège du vieux cliché voulant que celui qui est considéré comme un terroriste par certains est, pour d'autres, un combattant de la liberté. Il faut tout simplement empêcher ce type de violence d'accoster sur les côtes canadiennes.

La seule autre chose que je dirais au sujet de la définition du terrorisme ou au sujet de l'identification des organisations terroristes est que je félicite le gouvernement de s'engager à publier le nom des organisations terroristes. Il faudrait qu'il publie de temps à autre une mise à jour. La transparence est le meilleur remède à un grand nombre de problèmes de défense des libertés civiles que soulève ce projet de loi, selon certains. Je prétends que non seulement les suppressions devraient être publiées, comme cela est mentionné dans le texte législatif, mais qu'il faudrait aussi publier les ajouts subséquents à cette liste du terrorisme.

• 0945

Je me rends compte qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, mais je voudrais brièvement aborder certaines des dispositions relatives aux crimes motivés par la haine.

L'article 430 du Code criminel—la disposition relative aux méfaits à l'égard des biens—est modifié dans le projet de loi C-36. Il devrait, selon nous, être à nouveau modifié afin d'assurer que tous les biens religieux sont couverts. Pas uniquement les sanctuaires, pas uniquement les synagogues ou les églises, mais tous les édifices religieux, les centres religieux, les écoles religieuses, les centres communautaires religieux, les cimetières—qui sont les cibles privilégiées des crimes motivés par la haine ou des profanations—devraient aussi être couverts.

Par ailleurs, les justificatifs pour l'identification des groupes devraient être élargis, par exemple, aux crimes motivés par la haine contre des groupes identifiés en fonction de leur orientation sexuelle ou de leur sexe. Les violences faites aux gais représentent un crime haineux, tout comme les attaques des centres de femmes, ou l'attaque d'un centre communautaire religieux.

Dans notre mémoire, que j'espère pouvoir remettre aux membres du comité qui souhaitent en prendre connaissance, nous formulons plusieurs recommandations qui permettraient de renforcer les dispositions qui s'appliquent à la propagande haineuse diffusée sur l'Internet. Je dirais que l'Internet—à ceux d'entre vous qui ne l'ont pas suffisamment exploré—colporte une quantité étonnante de propagande haineuse et de documentation raciste. Et, la plupart du temps, la communauté juive en est malheureusement la cible.

Quelqu'un a attiré mon attention il y a une quinzaine de jours sur le site Internet d'un mouvement de libération de la Tchétchénie. J'ai appris pour la première fois qu'il existait une conspiration mondiale triangulaire des intérêts juifs à Moscou, Washington et Tel Aviv, qui était seule responsable de l'oppression des Tchétchènes et pratiquement de toutes les formes d'oppression dans le tiers monde.

Je félicite donc le gouvernement de s'intéresser à l'Internet. J'ai un projet d'énoncé qui renforcerait cet article en particulier et que je me ferai un plaisir de communiquer à tous ceux que cela intéresse.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci.

Je donne maintenant la parole au professeur Elmasry.

M. Mohamed Elmasry (professeur et président national, Congrès islamique canadien): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Mohamed Elmasry. Je suis le président national du Congrès islamique canadien. J'ai, à ma droite, M. Rocco Galati, qui est le conseiller juridique du congrès.

Je suis professeur en génie électrique et informatique à l'Université de Waterloo, où mes confrères me considèrent comme l'un des plus grands spécialistes mondiaux dans le domaine de la conception des micro-circuits intégrés. Je suis né en Égypte. Ma femme est originaire de Dartmouth en Nouvelle-Écosse. Deux de mes enfants sont nés dans cette ville, et deux sont nés à Waterloo.

J'ai vécu aux États-Unis, en Suisse, au Koweït et en Égypte, et six membres de ma famille sont citoyens américains. Cette introduction est importante dans la perspective du projet de loi C-36, vous allez comprendre pourquoi tout à l'heure.

Quand j'étais dans la vingtaine et que j'habitais l'Égypte, j'attendais avec impatience le jour où ce pays deviendrait un pays démocratique. Je connais sur le bout des doigts le Bill of Rights américain et la Charte canadienne des droits, et cela est également pertinent au projet de loi C-36.

Permettez-moi de répéter pour la énième fois, monsieur le président, que les musulmans canadiens et le Congrès islamique canadien ont été parmi les premiers à condamner les actes terroristes du 11 septembre, tant du point de vue religieux qu'humanitaire. Nous connaissons bien la terreur car, pour la plupart d'entre nous qui venons de pays en développement, les actes terroristes font en quelque sorte partie de la vie. Mais le 11 septembre est d'autant plus important que l'événement s'est déroulé près de chez nous.

Monsieur le président, vous entendrez des défenseurs de ce projet de loi dire que c'est un bon projet de loi, mais je considère que c'est un mauvais projet de loi. Les musulmans canadiens—les Canado-Arabes, et ceux qui ont une apparence ou un nom similaire à ceux qui sont connus comme des musulmans et des Arabes—représentent le groupe le plus menacé au Canada, et nous ne devrions pas permettre qu'il en soit ainsi.

L'Égypte a passé une loi similaire il y a une vingtaine d'années après l'assassinat du président Sadate. Cette loi est toujours en vigueur 20 ans plus tard, car ceux qui sont en faveur d'un État policier veulent cette législation d'exception, comme on l'avait l'habitude de l'appeler en Égypte. Mais cela n'a pas mis fin aux activités terroristes en Égypte. Un grand nombre de tentatives d'assassinat ont été perpétrées contre le président et les officiels du gouvernement, et tous les deux ou trois ans, l'Égypte est victime d'attentats terroristes.

• 0950

Les musulmans du Canada se retrouvent aujourd'hui dans une position historique qui les situe à l'avant-garde de la défense des libertés civiles des Canadiens, un rôle que nous n'avons pas demandé à jouer et pour lequel nous n'étions pas préparés. C'est toutefois un rôle que nous souhaitons assumer, au nom de tous les Canadiens—le rôle de défenseurs des libertés civiles dans ce pays. C'est étrange, car la plupart d'entre savons d'expérience que lorsque les libertés civiles sont détruites, la société toute entière est détruite.

Je vais laisser à M. Galati le soin de vous parler des aspects juridiques, mais j'aimerais auparavant vous mentionner cinq recommandations précises.

Le Congrès islamique canadien recommande, premièrement, la mise en place d'un processus de révision continu par un comité permanent spécial, qui prévoirait la participation directe d'un comité consultatif représentant les Canadiens les plus susceptibles d'être affectés par le projet de loi C-36—tout particulièrement les musulmans et les Arabes. Ce processus de révision permanent aboutirait à la production d'un rapport annuel. Ce n'est pas trop demander, monsieur le président.

La deuxième recommandation porte sur la mise en place d'une disposition de temporisation s'appliquant à la totalité ou à la quasi-totalité du projet de loi après deux ans. Si les Américains peuvent se permettre d'avoir une disposition de temporisation applicable après quatre ans, nous pouvons sûrement nous permettre d'en avoir une qui s'appliquerait après deux ans.

Troisièmement, le processus de révision et la disposition de temporisation sont toutes deux absolument nécessaires, mais ne suffisent pas. Je le répète, elles sont absolument nécessaires, mais pas suffisantes. Il est indispensable que ce projet de loi soit amendé, et un avis juridique sous la forme d'un rapport de 17 pages a été préparé à cet égard; M. Galati vous en parlera dans une minute. Il faut que ces amendements soit sérieusement envisagés.

La quatrième recommandation est que toute partie du projet de loi qui ne concerne pas directement le terrorisme soit supprimée. Ce n'est ni le moment ni l'endroit qui conviennent pour traiter des organismes de bienfaisance. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour inclure dans ce projet de loi les crimes motivés par la haine. Nous sommes en faveur de nouvelles mesures, mais, je vous en prie, ce n'est ni le moment ni l'endroit.

La dernière recommandation est que même une fois que le projet de loi fera partie du droit canadien, vous, monsieur le président, soumettiez la loi, ou du moins la majeure partie de la loi, à la Cour suprême du Canada pour avis juridique, initiative que vous pourriez mener parallèlement à son examen par le comité. Cela n'occasionnera pas de perte de temps si vous la soumettez dès maintenant afin de recevoir l'avis de la Cour dans un mois ou deux.

Je vous remercie. Je laisse la parole à M. Galati.

M. Rocco Galati (conseiller juridique, Congrès islamique canadien): Bonjour, monsieur le président. Je note que je dispose de quatre minutes.

Au nom de mes clients, je souhaite réaffirmer—et il ne s'agit pas d'une spéculation—que les communautés musulmanes et arabes seront directement affectées par le contenu de ce projet de loi. Il suffit de penser aux quelque 800 détentions illégales actuellement recensées dans les centres correctionnels de notre pays. Avant même d'être adopté, le projet de loi C-36 a déjà été utilisé contre les musulmans et les Arabes, lesquels ne sont autorisés ni à téléphoner à leur avocat, ni à voir leur avocat, ni à téléphoner à leur famille, ni à voir leur famille, et ce, depuis le 11 septembre. Telle est la situation actuelle. Je le constate tous les jours dans les prisons.

Ce projet de loi, à mon humble avis, étend outrageusement les pouvoirs législatifs. On aurait pu, tant qu'à faire, tout aussi bien abolir la constitution. Ce projet de loi est d'une telle envergure qu'il englobe les infractions socio-économiques et politiques. En fait, il les fabrique: les grèves, les arrêts de travail, les boycottages, les manifestations, le droit d'association et de rassemblement et la liberté de parole deviennent répréhensibles.

Le caractère insidieux de ce projet de loi, qui ressort dans l'article 27 ou la définition de ce qui constitue un dessein nuisible à la sécurité ou aux intérêts de l'État, tient au fait qu'un éventail de crimes économiques sont rattachés à la définition du terrorisme, notamment les boycottages motivés par des causes écologiques ou éthiques ou encore toute forme de grève légale à l'encontre des marchés financiers.

On parle autant de l'écrasement des manifestations contre la mondialisation, contre la pauvreté ou contre l'exploitation forestière que de terrorisme. En fait, s'il ne traitait que du terrorisme, ce projet de loi ne ferait pas plus de 10 ou 15 pages.

• 0955

On y invoque des mesures exceptionnelles auxquelles on n'a pas recouru depuis le 21 juin 1941 ou octobre 1970, je parle des procès secrets, des procédures secrètes, de l'abrogation du droit de garder le silence, l'auto-incrimination, de gardes à vue de 72 heures sans accusation. Il y a les investigations qui suppriment tous les droits garantis par la Charte; il y a les confiscations de biens, et le pouvoir d'accusation, de déclarer coupable et de condamner quelqu'un—même sans savoir s'il s'agit d'un facilitateur—grâce à des procès secrets.

Je suis probablement le seul dans cette pièce à avoir effectivement instruit des procès secrets en vertu de la Loi sur l'immigration. Ils sont la substance même des dictatures, des États policiers. Les éléments de preuve ne sont pas révélés. Tout est décidé par le juge. Tout se fait en sous-main; l'accusé ne voit jamais rien.

Il est beaucoup question dans ce texte de ce que mon client considère comme le faux problème de la propagande haineuse. Ce n'est pas l'endroit indiqué pour s'y attaquer. D'autres lois traitent de la propagande haineuse.

Quand j'étais avocat de la Couronne, je faisais constamment l'objet de menaces de mort de la part des criminels que je poursuivais. Maintenant, je reçois des menaces de mort quasi quotidiennement, depuis 1997, depuis que je représente les membres de la communauté musulmane et arabe. Mais nous pouvons nous en charger—à condition de pouvoir coincer les gens qui téléphonent ou qui envoient des lettres.

Ce n'est pas une mesure d'apaisement que l'on met dans une loi qui va régler le problème du terrorisme. Si c'est contre le terrorisme—et mon client, le Congrès, se félicite de la pénalisation du terrorisme et applaudit également la pénalisation du financement du terrorisme—cela doit être fait en toute connaissance de cause. Cela doit être fait dans le cadre d'un procès ouvert et équitable—pas à travers des cours de justice arbitraires, comme l'entend ce projet de loi. Et cela doit être fait... On ne peut pas qualifier quelqu'un de criminel, lui faire perdre ses biens, comme les Italiens et les Japonais pendant la Deuxième Guerre mondiale, simplement parce qu'il s'agit d'un musulman ou d'un Arabe.

C'est pourtant ce que fait ce projet de loi. Il ne fait que répéter les injustices historiques à l'égard des minorités raciales ou religieuses que l'on a pu constater tout au long de l'histoire du Canada. Les communautés musulmanes et arabes seront les principales victimes de cette injustice.

Mes clients trouvent insultant, comme tous les Canadiens devraient trouver insultant, de voir que ce texte législatif traite de questions qui ne se rapportent pas aux actes criminels du terrorisme que nous connaissons et que nous craignons. Toute référence aux manifestations d'un désaccord économique ou relatif aux affaires civiles devrait être supprimée.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre le Conseil canadien des Églises.

M. Peter Noteboom (secrétaire adjoint pour la justice et la paix, Conseil canadien des Églises): Oui, bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.

Je m'appelle Peter Noteboom et je représente le Conseil canadien des Églises. Je suis accompagné par Jennifer Leddy. Je siège à la Commission de la justice et de la paix du Conseil canadien des Églises, et Jennifer Leddy est membre du Groupe de travail sur les relations entre l'Église et l'État.

[Français]

Malheureusement, nous n'avons pas eu la possibilité de traduire le texte en français. Donc, nous n'avons qu'une brève présentation écrite en anglais.

[Traduction]

Je regrette que nous n'ayons pas pu faire traduire le document pour qu'il puisse vous être distribué à tous.

Je voudrais vous faire part des raisons pour lesquelles les Églises s'intéressent aux questions examinées par le comité et de notre point de vue à leur égard. Jennifer vous parlera ensuite des problèmes que soulève la législation.

L'intérêt des Églises pour le projet de loi C-36 vient des dizaines d'années pendant lesquelles nous nous sommes occupés des réfugiés à divers titres: parrainage et collaboration à leur établissement; partenariats outre-mer et au Canada avec les organisations non gouvernementales actives à divers titres dans le secteur de l'aide humanitaire—justice, développement, droits de la personne—y compris dans des zones de conflit étroitement liés au terrorisme; collaboration dans les domaines du culte, de l'éducation et des services; nombreux antécédents dans la collaboration avec le système des Nations unies en matière de droits de l'Homme, modèles de relations spécifiques Église-État, questions relatives à la liberté religieuse; et ainsi de suite. Voilà la perspective dans laquelle nous nous situons.

Les principes ou valeurs que nous défendons lorsque nous abordons ces questions incluent, notamment, un intérêt manifeste pour la sécurité des êtres humains—intérêt qui se fonde sur nos initiatives en faveur des droits de la personne et notre approche relative à ces droits—et un engagement catégorique à l'égard du multilatéralisme et du droit commun, ainsi que du cadre international dans lequel il s'inscrit. Une autre de nos valeurs se rattache aux «personnes au sein de la collectivité»—ce qui signifie non seulement l'individu ou l'État, mais également les responsabilités sociales et les libertés civiles individuelles qui doivent s'équilibrer.

Il y a plusieurs valeurs spécifiquement canadiennes que nous ne voudrions pas que ce projet de loi mette en péril: la politique d'encouragement à l'immigration; la mise en place d'une société multi-ethnique et interconfessionnelle; la protection de l'égalité des droits pour tous les citoyens canadiens, des immigrants ayant obtenu le droit d'établissement et des demandeurs du statut de réfugié; l'engagement en faveur de programmes sociaux destinés à tous les habitants du Canada et la coopération au service de la justice et du développement au-delà de nos frontières; enfin, une tradition de liberté religieuse et de communauté religieuse, parallèlement à un sens des responsabilités sociales des croyants et de leurs communautés vis-à-vis la société et le droit canadiens—un engagement résolu en faveur d'une reddition des comptes publics.

• 1000

C'est dans ce contexte que nous aimerions aborder plusieurs des questions que soulève ce texte législatif.

Mme Jennifer Leddy (Conférence des évêques catholiques du Canada, Conseil canadien des Églises): Bonjour, et merci de nous accueillir aujourd'hui.

Comme beaucoup de groupes qui se sont exprimés sur le projet de loi—aujourd'hui, dans la presse, et dans le cadre d'autres audiences—nous craignons que la portée de la définition de ce qu'il faut entendre par «activité terroriste» soit trop étendue et risque de s'appliquer aux dissidents politiques et aux protestataires qui font depuis longtemps partie du paysage social canadien.

Nous demandons que le texte soit amendé afin d'indiquer clairement que les protestations sociales ne seront pas assimilées à des actes terroristes. Nous pensons aussi que le projet de loi serait beaucoup plus convaincant si les motifs étaient supprimés en tant qu'éléments rattachés à une infraction. Par ailleurs, le projet de paragraphe 83.01(2) nous préoccupe énormément du fait qu'il stipule qu'une activité terroriste est considérée comme facilitée par une personne, qu'elle soit ou non au courant de l'acte qui serait ainsi facilité.

Cet article est susceptible d'être appliqué aux groupes confessionnels qui sont de bonne foi et qui, après diligence raisonnable, accordent des fonds à des correspondants outre-mer, dans le cadre d'une aide humanitaire ou d'une aide au développement, et qui découvrent que les fonds en question risquent d'avoir été involontairement utilisés au profit d'une organisation terroriste. Cet article devrait être amendé et stipuler clairement qu'il est nécessaire qu'il y ait intention criminelle. Cela est très important car le mot «faciliter» paraît très souvent d'un bout à l'autre de la loi.

En ce qui concerne le processus d'inscription d'une entité comme organisation terroriste, Peter l'a déjà dit, les Églises oeuvrent depuis des dizaines d'années dans des pays où les dirigeants utilisent la répression comme moyen de gouvernement, ainsi que dans diverses zones de conflits. Nombre de ces pays, vous le savez, sont tout à fait disposés à étiqueter comme terroristes les minorités impopulaires, les religions non officielles, les groupes de défense des droits de la personne, et ainsi de suite. Nous demandons par conséquent que le Canada ne permette pas qu'une entité figure sur cette liste simplement sur la foi d'éléments de preuve fournis par un gouvernement étranger.

Nous souhaitons aussi porter à votre attention les craintes que nous inspire le projet de paraphe 83.18(3). Les organismes de bienfaisance, y compris les Églises canadiennes, sont souvent encouragés à fournir une aide humanitaire aux gens qui se trouvent dans des zones prétendument contrôlées par des terroristes, car autrement, ces populations mourraient de faim. Un exemple contemporain nous en est fourni par le sud du Soudan. Nous demandons que la législation indique on ne peut plus clairement encore une fois que la fourniture d'une aide humanitaire ne peut pas être considérée une infraction.

J'aimerais maintenant aborder la Partie 6 de la loi, qui prévoit un traitement particulier des organismes de bienfaisance, dont près de la moitié sont d'ailleurs des organismes religieux. Comme vous le savez, et je suis sûr que vous connaissez ce projet de loi à la perfection, le Solliciteur général et le ministre du Revenu national sont habilités à signer des certificats attestant qu'ils estiment, sur la base de renseignements en matière de sécurité ou de criminalité, avoir des motifs raisonnables de croire qu'un demandeur ou un organisme de bienfaisance enregistré a mis, met ou mettra, directement ou indirectement, des ressources à la disposition d'une organisation terroriste.

L'affaire ne s'arrête pas là, car elle est renvoyée devant un juge de la Cour fédérale qui détermine si un certificat est justifié. L'organisme de bienfaisance a naturellement le droit d'être entendu, mais c'est un droit très limité, car le juge peut décider de ne pas l'informer, ni son conseiller, des renseignements en sa possession provenant d'un pays étranger ou d'autres renseignements dont il disposerait si, à son avis, cela peut porter atteinte à la sécurité nationale. Il n'est pas possible de faire appel de cette décision. La conséquence est que l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance est susceptible d'être révoqué, voire assujetti à la taxe de radiation, et les efforts humanitaires internationaux en seront victimes.

Vu le nombre de problèmes soulevés par les définitions ou l'absence de critères d'appréciation du degré de connaissance ou d'intention criminelle qui ont déjà été répertoriés par d'autres groupes, on peut dire qu'il existe une crainte très répandue que les organismes de bienfaisance de bonne foi soient victimes de cette partie du projet de loi. Nous ne pensons pas que ce soit votre intention. Votre intention n'est certainement pas d'entraver les efforts humanitaires authentiques.

Je l'ai déjà dit, notre expérience démontre que certains gouvernements qualifient les Églises qui sont nos partenaires ou les organisations non gouvernementales, de groupes terroristes simplement du fait qu'elles aident les minorités ou les plus démunis du pays. Il suffit de penser à l'Afrique du Sud.

• 1005

Vous savez, nous nous demandons pourquoi il y a dans ce projet de loi un article qui est entièrement consacré aux organismes de bienfaisance, contrairement aux associations personnalisées ou aux sociétés par actions qui font des affaires outre-mer. Nous nous félicitons de la requête formulée par l'Association du Barreau canadien, laquelle souhaite que cet article soit supprimé du fait qu'il porte gravement atteinte à l'équité de la procédure, et du fait qu'il entrave inutilement le fonctionnement légitime des organismes de bienfaisance canadiens. On pourrait autrement amender substantiellement cette partie du projet de loi afin de faire en sorte que les organismes de bienfaisance soient informés de ce qui leur est reproché, et pour qu'ils puissent bénéficier, au pire, d'une défense basée sur la diligence raisonnable.

Compte tenu des pouvoirs extraordinaires conférés par ce projet de loi, de la complexité et du nombre des dispositions, du temps limité accordé pour son étude et sa discussion, de l'incertitude sur la manière dont il sera appliqué, du fait qu'il risque de causer des préjudices irréparables à des innocents ou à des organismes de bonne foi, nous vous demandons de considérer attentivement les recommandations de plusieurs groupes, notamment celles de l'Association du Barreau canadien et du Sénat du Canada, en faveur de l'insertion d'une disposition de temporisation.

Nous formulons 10 recommandations dans notre mémoire. Celui-ci n'est malheureusement disponible qu'en anglais, mais si vous souhaitez en prendre connaissance, nous serons heureux de vous les communiquer.

Merci de nous avoir donné la possibilité d'exprimer notre point de vue.

Le président: Je vous remercie moi aussi.

Nous allons maintenant entendre M. Asfour de la Fédération canado-arabe.

M. John Asfour (président, Fédération canado-arabe): Merci, monsieur le président.

Je vais laisser la parole à notre conseillère juridique, Amina Sherazee, et s'il reste du temps je ferai quelques commentaires en guise de conclusion.

Mme Amina Sherazee (conseillère juridique, Fédération canado-arabe): Bonjour. Je vous remercie de nous donner la possibilité de vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-36.

La Fédération canado-arabe est un organisme-cadre national qui représente les Arabes depuis 35 ans. La fédération a joué un rôle très important au niveau institutionnel et de la défense des Canado-Arabes au Canada. La fédération peut s'enorgueillir d'une vaste expérience et d'une vaste connaissance des lois et des politiques qui s'appliquent aux Canado-Arabes, dans la mesure où elles portent sur le terrorisme et les organisations terroristes. Comme elle agit en faveur d'un groupe minoritaire très visible au Canada, la fédération a été affectée par les divers stéréotypes du terrorisme, et elle est aussi parvenue à faire évoluer les choses dans la lutte contre les stéréotypes.

Dans la foulée des attaques perpétrées contre les États-Unis, il est normal que le Canada, un pays limitrophe, prenne des mesures raisonnables pour se protéger contre les risques d'attaques similaires. Mais ce serait une erreur de présumer que les définitions élargies et les pouvoirs de police étendus prévus dans le projet de loi nous apporteront un plus grand sentiment de sécurité ou qu'ils libéreront le monde du terrorisme.

Nous avons répertorié plusieurs aspects du projet de loi qui font problème au niveau des libertés civiles, à savoir, la définition de «activité terroriste» et son interdépendance avec les infractions liées à l'association avec un groupe terroriste ou à la facilitation d'une activité terroriste; les exigences actuelles relatives à l'enregistrement des organismes de bienfaisance et à la pénalisation de leurs activités et de leurs bienfaiteurs; et la considérable extension des pouvoirs accordés aux forces de l'ordre et aux organismes du renseignement, notamment au niveau des arrestations et des détentions préventives, de l'érosion du droit de garder le silence et de la non-communication des éléments de preuve.

Ces préoccupations sont détaillées dans mon mémoire, et je vous encourage à le lire attentivement. Mon intention n'est pas d'en commenter les divers points aujourd'hui.

Plusieurs dispositions du projet de loi C-36 sont bienvenues, notamment les modifications du Code criminel ou du Code canadien des droits de la personne qui renforcent les lois contre les crimes motivés par la haine et la propagande haineuse. Nous considérons qu'il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre ces types de crimes, mais qu'ils ne relèvent pas d'un texte législatif comme le projet de loi C-36.

Nous sommes toutefois convaincus que toutes les autres dispositions vont beaucoup plus loin que de répondre simplement aux préoccupations relatives à la sécurité nationale et, sous couvert d'enquête sur le terrorisme, suspendent les droits et les protections les plus fondamentaux garantis par la Charte.

Bien que le comité ait sans aucun doute entendu les opinions de nombreuses associations juridiques sur l'érosion des droits civiques fondamentaux, nous sommes venus vous dire aujourd'hui que ce sont les Arabes et les musulmans du Canada qui ont le plus souffert et qui continueront de souffrir de façon disproportionnée de l'érosion de ces garanties.

Même si nous nous félicitons de pouvoir participer à ce type de séance d'information, cette tribune ne peut pas remplacer une véritable audience publique. Un grand nombre des communautés minoritaires qui seront affectées négativement par cette loi n'ont pas eu la possibilité d'étudier le projet de loi, ni de venir vous exposer leur point de vue. Nous conseillons vivement à la Chambre d'entreprendre une analyse approfondie et publique du projet de loi, d'aller au-delà des apparences et de se demander si ce projet de loi rend notre pays plus sécuritaire, ou plus répressif, et pour qui, car l'histoire a démontré que nous avons été les plus vulnérables et les plus marginalisés dans les sociétés qui ont connu des situations semblables.

• 1010

La Fédération canado-arabe fait sienne l'opinion voulant que toute nouvelle mesure proposée par le gouvernement en réponse à la menace terroriste doit satisfaire à un critère de base. Elle doit contribuer avec le plus d'efficacité possible à la lutte contre le terrorisme, mais tout en minimisant les conséquences négatives sur les droits de la personnes et les libertés civiles. Quand on prend la mesure des buts et des objectifs de ce projet de loi—les façons dont il les atteindra ou les conséquences négatives qu'il aura sur nos communautés—nous concluons que le projet de loi dans son ensemble ne satisfait pas au critère de base, qui est de nous apporter plus de sécurité.

Nous espérons que ce qui suit situera notre objection dans son contexte. Nous sommes d'avis que le projet de loi est foncièrement insatisfaisant. Il ne s'appuie pas sur une analyse historique et contextuelle. Il n'est pas fondé sur l'étude des racines et des causes du terrorisme et il ne s'inspire même pas des normes juridiques internationales. Il n'est rien d'autre qu'un simple réflexe vis-à-vis ce qui se passe aux États-Unis. Il tente d'apaiser les craintes des Canadiens, au péril des droits et des libertés de ceux qui souffrent de façon disproportionnée de l'excès de pouvoir qu'il accorde aux responsables du maintien de l'ordre, aux responsables de la collecte du renseignement et à l'État.

Compte tenu de ces lacunes, nous demandons au gouvernement de prendre son temps. Il est inutile de précipiter les choses. Le besoin était urgent aux États-Unis du fait de l'attaque dont ils ont été victimes.

J'aimerais vous faire part d'une chose que j'ai apprise sur l'histoire du Canada et sur ce qui arrive lorsqu'on précipite les choses en matière de législation. En 1919, l'article 98 du Code criminel a été adopté en réaction à la grève générale de Winnipeg, et a entraîné l'incarcération de gens qui étaient considérés comme des membres de ce qui était globalement défini comme une «association illégale». La définition de cette «association illégale» est remarquablement similaire à la définition proposée pour décrire une organisation terroriste dans le projet de loi C-36. On s'est servi de l'article 98 pour poursuivre et emprisonner des gens qui étaient perçus comme des ennemis de l'État, qui se trouvaient être ceux qui contestaient le conformisme politique de l'époque. L'erreur a été commise ici même, au Canada, et il a fallu attendre 17 ans et la défaite du gouvernement pour qu'elle soit corrigée. Tirons la leçon de cette aventure, et ne la répétons pas en adoptant ce projet de loi.

Troisièmement, nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi. C'est notre avis. Et je l'ai déjà fait remarquer. Les événements survenus le 11 septembre aux États-Unis étaient déjà illégaux aux États-Unis comme au Canada. Nous vous posons la question suivante: si le projet de loi C-36 avait été en place avant le 11 septembre, aurait-il empêché les détournements d'avions, et les morts? Il y a des dispositions dans le Code criminel, il y a des dispositions dans la Loi sur l'immigration, il y a des conventions internationales, et nous devons les appliquer. Plutôt que d'une nouvelle loi, nous avons besoin d'étudier le terrorisme, ses causes et ses racines; nous pourrons alors, le cas échéant, légiférer en conséquence. Nous croyons que l'on ne peut pas supprimer le terrorisme en s'attaquant à ses symptômes; nous devons nous attaquer à ses racines.

Quatrièmement, nous sommes d'avis que le projet de loi est mal conçu. Il fait un amalgame entre le terrorisme, les organismes de bienfaisance, les crimes inspirés par la haine et la propagande haineuse, dans une seule et même loi. Tout cela devrait être séparé et réglé séparément. La définition d'activité terroriste pose un problème majeur, problème qui est au coeur du projet de loi. Cette définition est beaucoup trop large, on l'a déjà fait remarquer, et je n'abuserai pas de votre temps en le répétant. On ne fait aucune distinction dans le texte entre les protestations légitimes et les actes de terrorisme. On ne fait aucune différence entre les mouvements de libération, la guérilla, l'insurrection, la révolution et la résistance armée. Toutes choses qui existent depuis toujours.

Quel droit a le Canada de définir ce qui constitue une lutte légitime pour d'autres? Les gens ont le droit de se battre pour la défense des droits de la personne ou le droit à l'autodétermination, lesquels sont garantis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme des Nations unies, ainsi que par une pléthore de conventions internationales.

Nous sommes d'avis que le champ d'application du projet de loi est trop vaste. De nombreux exemples vous en ont déjà été donnés. On pourrait appliquer les dispositions de ce texte à Louis Riel. On pourrait les appliquer à Nelson Mandela ou à Mahatma Gandhi. On pourrait les appliquer aux membres de l'Intifada. À cause de ce projet de loi les communautés arabes et musulmanes réalisent que les réactions sociétales et gouvernementales à leur égard deviennent de plus en plus menaçantes.

Ces communautés sont très conscientes des malheurs qui ont accablé les minorités canadiennes au cours des guerres. Du fait de sa proximité aux événements du 11 septembre et à la guerre en Afghanistan, le projet de loi C-36 est perçu par les Canado-Arabes et les musulmans comme s'inscrivant dans une longue tradition d'actions gouvernementales menées de front, contre des ennemis externes et, parallèlement, contre «l'ennemi» intérieur. Pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands, les Ukrainiens et d'autres immigrants originaires de l'Empire austro-hongrois ont été victimes de préjudices éhontés. Ils étaient catégorisés comme ennemis étrangers. Un grand nombre d'entre eux ont perdu leur emploi. Des groupes d'émeutiers se sont attaqués à leurs biens et à leurs clubs; et plus de 8 000 d'entre eux ont été placés dans des camps d'internement comme prisonniers de guerre. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les gens d'origines japonaise, italienne et allemande ont été victimes de préjudices et de discrimination similaires, et ont également été internés dans des camps.

• 1015

Tout récemment, pendant la guerre du Golfe, le harcèlement à l'égard des Arabes et des musulmans au Canada s'est fortement intensifié. Les activités du SCRS pendant cette période ont été particulièrement troublantes. Bien que son mandat soit de protéger le Canada contre les menaces à sa sécurité, le SCRS a manifestement ciblé les communautés arabes et musulmanes au Canada, provoquant la peur, notamment en interrogeant inutilement un grand nombre de personnes.

Confrontée aux rapports de cas de harcèlement et d'écoutes clandestines, la fédération a publié une brochure intitulée: «Quand le SCRS appelle», brochure qui a été qualifiée de guide canado- arabe des droits civils. Comment se fait-il que les Canado-Arabes doivent avoir leur propre guide des droits civils?

Dans le contexte de bombardements quotidiens en Afghanistan et du risque d'extension de la guerre au Proche-Orient, le projet de loi C-36 est généralement perçu par les Arabes et les musulmans du Canada comme une menace qui mettra encore plus en péril leur sécurité au lieu de les protéger. Ils craignent—et leurs craintes se sont avérées fondées—d'être qualifiés de terroristes au lieu d'être considérés, comme d'autres à une autre époque, comme des étrangers ennemis ou traités en prisonniers de guerre. Ils seront soumis à des arrestations arbitraires, envoyés dans des prisons et des cellules de détention plutôt que dans des camps d'internement. Ils perdront leur emploi et devront assurer leur propre protection et la sécurité de leurs enfants. Ce projet de loi ne mettra pas fin au terrorisme, mais créera et pourchassera un nouvel ennemi, à savoir, les Arabes et les musulmans du Canada.

Si vous adoptez ce projet de loi et appliquez la définition qu'il contient, il aboutira à un détournement et à un déni de justice. Il aboutira à une discrimination généralisée à l'égard des groupes ciblés en fonction de stéréotypes. Il aboutira au harcèlement des communautés qui font l'objet de stéréotypes et à des poursuites abusives.

Enfin, aucun recours n'est prévu pour ceux qui sont harcelés et arrêtés à tort, détenus et accusés. Il n'y a pas de recours possibles, et cela engendrera frustration, ressentiment et colère. Ce projet de loi fomentera l'inégalité, la discrimination, la répression et l'oppression, laquelle, à son tour, attisera la colère des gens.

Pour finir, sur le plan international, il créera une situation où l'on applique deux poids deux mesures, et il rendra les mesures actuelles encore plus évidentes en étiquetant...

Le président: Excusez-moi. Je voudrais protéger les quelques minutes demandées par M. Asfour.

Mme Amina Sherazee: Tout à fait. Je vais conclure...

Le président: Merci.

Mme Amina Sherazee: ...par une dernière remarque.

Compte tenu d'une politique étrangère fluctuante et des contraintes en matière de relations diplomatiques, le projet de loi rendra les critères actuels encore plus évidents en catégorisant certains groupes, dans certains pays, comme des terroristes, sans tenir compte du comportement répressif de ces pays ou de certains groupes dans ces pays.

Pour conclure, je voudrais simplement dire que nous considérons que le gouvernement du Canada ne devrait pas adopter ce projet de loi dans la précipitation. Si le gouvernement donne néanmoins suite à ce projet de législation, nous recommandons que l'on fasse une distinction entre les différents problèmes visés par ce projet de loi. Il faut faire une distinction en ce qui concerne la propagande haineuse, et il est absolument nécessaire de s'attaquer à ce problème. Il faut établir une distinction en ce qui concerne les organismes de bienfaisance, et il faut séparer le terrorisme. Il faut commencer par étudier les différents cas, puis légiférer en conséquence.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci.

Monsieur Asfour, auriez-vous l'obligeance de conclure brièvement?

M. John Asfour: Merci. J'aimerais simplement faire une ou deux remarques, monsieur le président, à titre de militant de la communauté arabe et de membre de cette communauté.

La communauté arabe est globalement musulmane, chrétienne et juive et, je vous l'assure monsieur, elle a très peur. Nous avons entendu parler de gens qui n'osent plus sortir de chez eux par crainte de la répression ou de représailles. J'ai entendu parler de gens qui sont l'objet de discrimination au travail et qui ne peuvent pas se défendre par crainte de perdre leur emploi. Nous avons entendu parler d'innombrables incidents dans les avions d'où les Arabes et les musulmans sont priés de sortir pour être interrogés et harcelés. J'entends dire, monsieur, que le moment est venu de terroriser les musulmans et les Arabes dans ce pays.

Les musulmans et les Arabes ont largement contribué à la culture de ce pays. Ils ont respecté la liberté et les règles de la démocratie de ce pays. Ce projet de loi, monsieur, terrorise et il terrorise les Arabes. Nous étions en faveur de l'abolition du SCRS. Ce projet de loi va maintenant élargir ses pouvoirs de police. Quelle garantie ce projet de loi fournit-il que la police n'abusera pas de ses pouvoirs?

• 1020

Nous avons peur, monsieur, de plusieurs choses. Les Arabes et les musulmans se sentent visés après les événements du 11 septembre, et ce projet de loi les cible encore plus. Nous craignons que les motifs religieux, politiques et idéologiques puissent servir à couvrir n'importe quoi. Nous craignons également que les libertés civiles soient détournées dans le cadre des gardes à vue de 72 heures. Ne laissez personne vous induire en erreur et vous obliger à haïr et à introduire des projets de loi qui cibleront certains groupes.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Toews pendant sept minutes.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui de leurs exposés et de leurs observations.

Je crois que nous tous, autour de cette table, partageons les préoccupations qui ont été exprimées concernant la discrimination à l'égard des divers groupes ethniques de notre pays. Qu'ils soient musulmans, arabes, juifs ou autres, nous ne souhaitons certainement pas qu'il en soit ainsi. Et nous ne voulons pas que la loi aggrave cette situation. Je crois que c'est important.

Je voudrais m'adresser aux avocats qui ont fait un exposé, à cause de leur condamnation plutôt véhémente du projet de loi. Je suis avocat et ancien procureur, et je suis préoccupé par certains aspects du projet de loi. Toutefois, je ne suis pas prêt à le décrire en termes aussi véhéments que ceux que vous avez employés à l'égard du champ d'application de la loi.

J'ai effectivement certaines réserves très précises. Je suis préoccupé par la définition de ce qui constitue une «activité terroriste», qui vise des motifs politiques, religieux ou idéologiques. Je trouve que ce genre de formulation aggrave la discrimination dans notre pays.

Je suis préoccupé par l'absence d'un processus de révision permanent et efficace, confié non pas à un comité tel que le Comité de la justice, mais au Parlement. Le texte législatif devrait être renvoyé au Parlement de manière à ce que sa révision ne soit pas laissée aux soins d'un comité comme celui-ci, mais relève plutôt du Parlement, où tous les députés sont présents. C'est une chose qui me préoccupe.

Je suis aussi préoccupé par les critères en fonction desquels le ministre délivre un certificat autorisant la radiation d'un organisme de bienfaisance. Nous avons entendu hier des représentants d'oeuvres de secours nous dire qu'ils craignaient d'être involontairement entraînés dans ce type d'activité. En fait, on inflige la peine capitale à une oeuvre de bienfaisance lorsqu'on révoque son statut.

Je suis préoccupé, comme le Commissaire à la protection de la vie privée l'a indiqué, par le fait que l'émission des certificats du ministre fait fi du droit d'accès à l'information.

Je pense que ce sont des choses qui doivent être réexaminées et qui peuvent être réglées de manière satisfaisante.

Toutefois, je ne partage pas l'avis que le projet de loi ne satisfait pas à certaines de nos normes constitutionnelles. La diligence raisonnable est imposée par la constitution dans notre droit pénal. Les tribunaux se sont prononcés à cet égard maintes et maintes fois. Je pense donc que les tribunaux interpréteront la loi de cette façon en ce qui a trait à la procédure pénale. Je ne parle pas de la procédure administrative, je parle de la procédure pénale.

Nous avons entendu Mme Sherazee déclarer qu'il existe des conventions internationales et que par conséquent, nous n'avons pas besoin d'une loi nationale. En fait, cette loi, selon le gouvernement, est conforme aux conventions internationales. Adopter des lois nationales est un moyen d'appliquer les conventions internationales.

• 1025

Nous savons que les Américains, les Britanniques et d'autres peuples libres et démocratiques ont des lois similaires. Elles ne sont pas identiques, mais similaires. J'aimerais que les avocats, et d'autres aussi peut-être, me disent en quoi ce texte diffère des autres législations—anglaise, américaine, allemande, italienne? En quoi cette loi est-elle unique et plus destructrice, si je puis utiliser cette expression, des libertés civiles que ne l'est la législation de nos alliés?

M. Rocco Galati: Je peux répondre à cela, monsieur.

Le président: Monsieur Galati.

M. Rocco Galati: La seule législation qui s'en rapproche est la législation anglaise. Entre parenthèses, j'aimerais ajouter que depuis que l'Angleterre a adopté cette législation, cela n'a guère été utile pour régler le problème irlandais ou le terrorisme en Irlande. Cela dit, pour répondre à votre question, à l'exception de l'Angleterre, aucune démocratie occidentale n'invoque les mesures à prendre dans le but d'inscrire dans la loi une définition substantielle du terrorisme. Pour être plus précis...

M. Vic Toews: Je vous demande pardon. Donc, les Américains n'ont pas de définition?

M. Rocco Galati: Ils en ont une. Je dis simplement que c'est très bien de définir le terrorisme, mais que selon nous, la définition est beaucoup trop large. Toutefois, comme vous l'avez dit, nous partageons les mêmes préoccupations, et vous pouvez faire le nécessaire.

Le problème que soulève notre texte au point qu'il détonne par rapport aux autres tient à ceci: comment fait-on condamner un présumé terroriste et comment saisit-on ses biens? En procédant à des gardes à vue de 72 heures, à des investigations et à des procès secrets précédant le procès devant le tribunal. C'est pour cette raison que cette loi est sans équivalent ailleurs dans le monde.

M. Vic Toews: Alors, vous dites que le recours à l'investigation et à la détention préventive a des répercussions sur les droits civils, comme la saisie de biens? Ce sera utilisé à cette fin?

M. Rocco Galati: Non, c'est simplement la manière dont les gens sont arrêtés sans raison, ou sans qu'il y ait un motif raisonnable, et gardés à vue pendant 72 heures. Ils peuvent, en théorie, être relâchés et détenus à nouveau pendant 72 heures de plus et encore 72 heures. Il n'y a rien qui empêche cela. Nous l'avons constaté lors de la crise du FLQ.

Deuxièmement, on rafle les gens pour faire une investigation. Si vous ne répondez pas à une question, c'est une infraction, et vous pouvez vous retrouver en prison, même si on vous demande de dire si vous avez de la marijuana chez vous. Il n'y a rien qui protège, par exemple, contre l'auto-incrimination d'actions non terroristes dans le projet de loi.

Troisièmement, quand vous arrivez au tribunal—et c'est sans précédent—la procédure secrète et arbitraire qui préside à l'émission des certificats d'immigration et dont nous avons eu maints exemples au cours des 12 dernières années, est sans précédent. C'est une procédure médiévale, inquisitoriale. J'y ai été mêlé. En fait, monsieur, j'ai défendu M. Jaballah avec succès en 1999. Le SCRS n'a pas aimé et l'a fait arrêter de nouveau sous les mêmes accusations en 2001. Il est possible d'être réarrêté et réarrêté encore, même après avoir été acquitté. C'est sans équivalent dans le monde entier.

Comme vous le savez, l'Italie a connu un cauchemar terroriste dans les années 70. L'Allemagne a eu son propre cauchemar terroriste dans les années 70 et les années 80.

M. Vic Toews: Êtes-vous en train de dire...

Le président: Monsieur Toews, vous aurez une autre occasion d'intervenir. M. Morgan désire également s'exprimer à ce sujet.

M. Ed Morgan: Merci, monsieur le président.

Je suis aussi avocat, bien que je ne sois pas sûr de me situer dans la même catégorie que les gens qui critiquent le projet de loi avec véhémence. J'aimerais simplement faire quelques remarques.

Je me préparais à dire la même chose que M. Galati à propos de la législation du Royaume-Uni. Cette législation est en fait beaucoup plus extrême en termes de détention préventive et en ce qui concerne la durée pendant laquelle on peut détenir les suspects. Mon interprétation, toutefois, est que notre proposition requiert qu'il existe un motif raisonnable avant que quelqu'un puisse être interpellé et maintenu en détention préventive. Il me semble que la période de 24 heures, avant que la personne puisse être amenée devant un juge, est un compromis équitable, compte tenu de l'urgence de la situation actuelle.

Je dirais aussi que vous avez raison: nous devons mettre en oeuvre des traités afin de pouvoir poursuivre quelqu'un en s'y référant. Si nous avons signé 10 traités différents qui définissent de diverses façons le terrorisme international, c'est un engagement du gouvernement vis-à-vis ses partenaires en vertu de ces traités internationaux, et nous ne pouvons pas simplement poursuivre quelqu'un en vertu d'un traité. C'est un acte constitutionnel élémentaire. Nous devons promulguer le traité pour avoir des dispositions pénales permettant d'intenter des poursuites à l'égard d'une personne à laquelle il s'applique. Nous avons spécifiquement mentionné 10 traités différents dans ce projet de loi à l'endroit où nous avons défini les actes de terrorisme. Cela semble donc tout à fait approprié.

La seule autre chose que je voudrais dire, c'est qu'en ce qui concerne les présumées audiences secrètes, il est vrai que nous en avons fait une certaine expérience dans le contexte de l'immigration. Il y a eu des certificats du SCRS et des éléments de preuve résumés mais non communiqués à l'immigrant en vertu de ces procédures. Je ne prétends pas avoir une connaissance d'initié sur la façon dont elles s'appliquent. Toutefois, je les ai étudiées, et il me semble que nous n'avons pas beaucoup décrété au cours de notre histoire de déportations massives en fonction de ces dispositions.

Je vous félicite, mon ami, d'avoir gagné le procès Jaballah. J'en ai lu des échos. C'était du bon travail.

• 1030

Il y a de nombreux autres cas de succès dans ces affaires. Leur aboutissement ressemble un peu à une loterie. Ces affaires ne donnent pas un chèque en blanc au SCRS et ne l'autorise pas à déporter quelqu'un sans qu'il soit entendu—c'est tout à fait le contraire. Je reconnais que ce sont des dossiers qui doivent être difficiles à défendre et comme je l'ai dit, je salue la compétence de l'avocat de la défense. Mais nous respectons quand même la procédure établie, même si dans le contexte de l'immigration, la Charte des droits est interprétée différemment et a moins de poids que dans le processus pénal.

Le président: Je vous remercie.

Je donne la parole à Mme Venne pour sept minutes.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Messieurs, mesdames, je déplore également que le temps prévu pour l'examen de ce projet de loi soit si court.

Je dirais qu'on est actuellement en processus accéléré. On reçoit des témoins comme vous tous les jours, parfois même jusqu'au soir. C'est certain que je préférerais qu'on prenne le temps d'examiner toutes vos recommandations et toutes celles qui nous sont faites, mais je pense que vous devrez exercer des pressions auprès des députés du gouvernement libéral qui sont devant moi et du président si vous voulez que le rouleau compresseur s'arrête.

Cela étant dit, je sais que vous êtes totalement en désaccord sur ce projet de loi. Seriez-vous le moindrement satisfaits si, dans la définition d'«activité terroriste», à l'article 83.01 proposé, on enlevait le fameux mot «licite» de la disposition 83.01(1)b)(ii)E, où on parle des «activités licites de revendication» et d'une manifestation faite dans le cadre «d'un arrêt de travail licite»? À ce moment-là, ce serait des choses permises. J'aimerais que vous m'en parliez.

Monsieur Galati, j'ai été très surprise de vous entendre dire, au début de votre exposé, qu'il était déjà arrivé ici, au Canada, que des détenus n'aient pas droit à leurs avocats. Je pense que ce sont des accusations très graves et j'aimerais savoir si vous pouvez nous parler de cas précis.

[Traduction]

Le président: La présidence donne la parole en premier à Mme Leddy. S'il vous plaît.

Mme Jennifer Leddy: Pour répondre à votre première question, concernant la suppression du mot «licite», nous avons entendu dire, grâce aux médias, que la ministre de la Justice se montre réceptive à cette idée. Nous pensons que cela devrait largement apaiser nos préoccupations, mais notre préférence serait de suivre la suggestion de l'Association du Barreau canadien qui est de supprimer totalement la division (E). Nous pensons que cela serait encore mieux et clarifiait encore plus les choses.

Le président: Monsieur Galati.

M. Rocco Galati: Dans la même veine, cela ne réglerait pas le problème, car si vous vous contentiez de faire simplement cela... C'est, à mon humble avis—et sans vouloir en offenser les auteurs—un texte législatif reptile, car il fonctionne assez sournoisement.

Il faut tenir compte de l'article 27 du projet de loi qui modifie ce qui est considéré comme nuisible à la sécurité et aux intérêts de l'État et qui renvoie ensuite au projet de division 83.01(1)b)(i)(B), car (B) réfère à des actes commis «en vue d'intimider toute ou partie de la population quant à sa sécurité», —et je souligne—«entre autres sur le plan économique...».

Vous devez ensuite aller à l'amendement de l'article 27 de la Loi sur les secrets officiels, qui définit cela comme un dessin nuisible à la sécurité et aux intérêts, puis vous référez aux alinéas 3(1)d), f), j), k) et l), où l'on dit que vous ne pouvez rien faire de nuisible aux marchés financiers ou aux négociations d'un traité—par exemple, les conférences de Québec ou de l'APEC.

Cette modification de la Loi sur les secrets officiels, ajoutée à la sécurité des intérêts économiques, signifie que la dissension politique ou économique reste un acte de terrorisme en vertu de cette loi. Et je vais vous lire certains alinéas qui le montrent: si vous faites quoi que ce soit qui «nuit à la stabilité de l'économie canadienne, du système financier ou du marché financier du Canada, sans justification valable d'ordre économique ou financier». Par conséquent le cultivateur français qui veut boycotter un McDonald et qui déverse des produits avec une pelle basculante est un terroriste en vertu de cette disposition.

• 1035

Le projet d'alinéa 3(1)l) stipule: «compromet ou menace la capacité du gouvernement fédéral d'entretenir des relations diplomatiques ou de mener des négociations internationales». Par conséquent à Québec, tous les manifestants étaient des terroristes. Et en fait on a demandé il y a quelques semaines au Commissaire de la GRC, M. Zaccardelli, s'il aurait pu recourir au projet de loi C-36 à Québec, et il a déclaré qu'il ne l'aurait probablement pas fait mais qu'effectivement, il aurait pu s'en servir pour arrêter certains des manifestants, en prétextant qu'ils étaient des terroristes.

Par conséquent, supprimer la partie relative aux protestations licites dans (E) ne règle pas le problème. Il faut aller à 83.01(1)b)(i)(B), et il faut—à moins que vous supprimiez les modifications à la Loi sur les secrets officiels, maintenant appelée la Loi sur la sécurité de l'information—supprimer cette référence à la «sécurité économique», car cela a pour conséquence d'assimiler toutes les protestations civiles anti-mondialisation, anti-exploitation forestière, anti-pauvreté ou anti-quoi que ce soit, qui n'ont pas de justification économique ou financière, à un acte de terrorisme. Et c'est la raison pour laquelle j'ai parlé de texte reptile tout à l'heure, car c'est véritablement un texte législatif fuyant.

Il n'est pas clair dans sa définition du terrorisme. Il procède par référence à la sécurité économique et financière, puis lorsqu'on examine la Loi sur les secrets officiels, on se rend compte que quiconque exprime une opinion contraire à celle du gouvernement en place est un terroriste en vertu de ce projet de loi.

Finalement, il y a effectivement, dans des prisons de l'Ontario et de Colombie-Britannique des centaines de gens détenus illégalement depuis le 11 septembre et auxquels on ne permet pas de téléphoner à un avocat; on ne leur permet pas de me téléphoner, et on ne leur permet pas de rencontrer leur famille. C'est prouvé.

Le président: Je donne la parole à M. Elmasry, avant d'entendre M. McKay.

M. Mohamed Elmasry: Oui, merci de votre question.

Nous considérons que la définition du terrorisme dans ce projet de loi est tellement vague qu'elle aura l'effet inverse de ce qui est souhaité. Cette définition entraînera une mobilisation des ressources policières, de la GRC, et du SRCS; elle risque de s'appliquer à tellement de gens que les véritables terroristes resteront libres. Le filet doit être plus grand car la définition est tellement vague que les forces policières se sentiront obligées de traquer un grand nombre de gens sans disposer des ressources nécessaires. Elles seront obligées de disperser leurs efforts. Il s'agit d'une considération très pratique, fondée sur l'exemple d'autres projets de loi qui ont été adoptés, y compris comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, en Égypte.

Le président: Je m'excuse auprès de M. Blaikie qui est le suivant dans l'ordre des interventions. La disposition des sièges m'a induit en erreur.

Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à remercier les témoins de s'être déplacés aujourd'hui et d'exprimer toutes leurs préoccupations au sujet de ce texte législatif—préoccupations que partage le NPD. Je pense qu'il était temps que l'on entende certaines de ces préoccupations concernant les articles du projet de loi qui portent sur les organismes de bienfaisance, etc., car on s'est tellement concentré sur les autres aspects du texte, par exemple, la définition de ce qu'il faut entendre par activité terroriste ou si l'on devrait ou non avoir une disposition de temporisation, etc., qu'un grand nombre de ces autres préoccupations n'ont pas été considérées avec toute l'attention dont elles auraient probablement dû bénéficier.

J'aimerais me hasarder—je ne peux pas résister, monsieur le président—à développer la leçon d'histoire que nous a donnée Mme Sherazee au sujet de la grève générale à Winnipeg, étant député et me rappelant...

Une voix: Étiez-vous député à ce moment-là?

M. Bill Blaikie: Non, mais la personne qui ensuite, est devenue le leader de ce qui devait devenir le NPD avait été accusée de sédition en vertu de l'amendement du Code criminel auquel vous avez fait allusion, pour avoir cité le prophète Isaïe dans le journal des grévistes. Je veux parler de J.S. Woodsworth. La Couronne abandonna par la suite les accusations, mais il y a eu beaucoup d'autres dirigeants de la grève qui ont fait de la prison à cause de ce texte législatif particulier, dont beaucoup, j'ajouterais, monsieur le président, ont été élus à l'assemblée provinciale, alors qu'ils se trouvaient toujours en prison. La population a donc eu la possibilité de corriger le gouvernement. Mais cela peut expliquer, monsieur le président, pourquoi les députés du NPD cultivent cette mémoire institutionnelle et historique et se rappellent de la façon dont une telle législation est utilisée pour supprimer des protestations légitimes de ce genre.

Cela dit, je me demande si M. Galati ou quelqu'un d'autre pourrait nous en dire plus sur quelque chose qui m'intéresse. On a entendu ici aujourd'hui plusieurs affirmations concernant les détentions. Je crois qu'il y avait un article ce matin dans le Globe and Mail où l'on faisait des spéculations sur le nombre de gens qui ont été détenus et où l'on remarquait que les chiffres sont disponibles aux États-Unis. Apparemment, il n'y a pas de chiffres officiels disponibles au Canada, concernant le nombre de gens qui sont détenus depuis le 11 septembre. Je pense que vous avez mentionné un nombre précis. Je me demande si le Congrès islamique canadien ou la Fédération canado-arabe pourrait nous dire quelle est la situation qui prévaut depuis le 11 septembre en termes de détentions—pas en vertu de cette législation, bien sûr, mais en vertu de la loi actuelle. Si le gouvernement ne peut pas nous en informer, vous pouvez peut-être le faire.

• 1040

M. Rocco Galati: Je ne peux parler que de l'Ontario. En Ontario, il y a une directive des Services correctionnels demandant que tout Arabe ou musulman arrêté après le 11 septembre soit placé en isolement. Dans nos établissements pénitentiaires, il y a deux types d'isolement. Il y a l'isolement protecteur et l'isolement disciplinaire. L'isolement protecteur est, bien évidemment, destiné à protéger certains détenus contre une réaction de violence de la part des autres prisonniers. Toutefois, le type d'isolement imposé systématiquement aux musulmans et aux Arabes est l'isolement disciplinaire. Cela signifie qu'ils ne peuvent pas utiliser le téléphone, qu'ils sont «au trou» comme on dit, où il n'y a pas de toilettes ni d'installations sanitaires normales, souvent pendant 18 heures. Ils sont souvent mis nus et abandonnés dans la cellule. On ne leur permet pas de téléphoner à des avocats ni de voir leur famille. Il a fallu que je parle fort pour qu'ils soient simplement autorisés à m'appeler. Je me suis laissé dire par d'autres détenus en isolement qu'ils transmettent des messages en passant devant les cellules. Des gens qui ont débarqué de certains avions le 11 septembre, des gens qui allaient aux États-Unis et qui ont dû être simplement réacheminés, se trouvent dans nos prisons et n'ont pas pu téléphoner à leur famille ni à un avocat. Ils ne connaissent personne au Canada, et ils sont coincés ici.

La réponse aux demandes officielles adressées aux responsables d'Immigration Canada est qu'ils se sont contentés de les arrêter. Ils sont détenus par la province. La réponse aux demandes adressées aux centres correctionnels provinciaux est qu'ils se contentent de les détenir. Ce n'est pas nous qui les avons arrêtés, adressez-vous à Immigration Canada. Je connais des gens des médias qui sont en train d'essayer de faire des demandes en vertu de la législation sur la protection de la vie privée...

M. Bill Blaikie: Pourquoi ont-ils été arrêtés?

M. Rocco Galati: La plupart pour des motifs relatifs à l'immigration. Mais l'important, c'est qu'ils n'ont pas vu d'avocat, qu'ils n'ont pas vu leur famille, qu'ils sont en isolement disciplinaire dans des conditions très dures. Un organisme a estimé ou jugé qu'il y en avait environ 800, mais ce n'est qu'une estimation.

Le président: Monsieur Asfour.

M. John Asfour: Nous n'avons pas de chiffres précis car nous n'obtenons pas...

Monsieur le président, il y a quelque chose qu'il faut comprendre. Quiconque est accusé et quiconque est arrêté pendant deux heures, disons, est arrêté n'est-ce pas? Nous n'obtenons aucun rapport sur ces gens qui sont sortis des avions et sur lesquels on a enquêté pendant deux heures. L'autre aspect mensonger de la chose, c'est que la plupart de ces gens ont peur de se manifester auprès des organismes communautaires et de faire des déclarations, car ils craignent les représailles. Quant à ceux dont a parlé M. Galati, il peut y en avoir 800, peut-être plus, peut-être moins. Nous ne disposons pas de statistiques précises et nous n'avons pas les capacités financières voulues pour nous lancer à leur recherche.

Le président: Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président et mes sincères remerciements à tous les témoins des divers groupes.

C'est à la fois instructif et effrayant d'entendre vos témoignages aujourd'hui sur l'impact que pourrait avoir ce projet de loi. Comme ceux d'entre vous qui sont avocats le savent trop bien, la loi est susceptible d'être interprétée de différentes façons. Elle peut être interprétée pour le bien des gens, mais elle peut également tout aussi bien être utilisée à des fins extrêmement disciplinaires, pour reprendre l'expression de M. Galati.

Il est évident que ce texte législatif a été rédigé dans un certain contexte, un contexte de peur et de répugnance à l'égard de ce qui s'est déroulé aux États-Unis. Pourtant les conséquences à long terme et la façon dont ce projet de loi va affecter notre façon de vivre est ce qui nous pose le plus de problèmes. Il me semble, à la lecture de certains articles du Code criminel, y compris ceux relatifs à la trahison et aux infractions les plus graves qui pourraient être rattachées à des actes terroristes, que nous avons beaucoup de moyens à notre disposition dans le cadre du Code criminel actuel. Une grande partie de ce qui figure dans ce projet de loi représente, à dire franchement, un effort de la part du ministère de la Justice, du gouvernement, pour donner l'impression d'agir d'une façon très déterminée, pour envoyer un message. C'est souvent ce qui se cache derrière les sanctions criminelles, le désir d'envoyer un message.

• 1045

Quand on cherche à voir comment cela se traduit, on se rend compte que certaines des retouches, si l'on peut dire, bien qu'elles aient un impact énorme, se résument à resserrer les définitions, ajouter ou supprimer quelques mots qui rassurent ceux qui risquent d'être le plus affectés. Je pense que vous représentez ceux qui, dans le pays, seraient le plus affectés, comme vous l'avez tous clairement fait remarquer.

Les dispositions de temporisation rassurent, dans une certaine mesure. Mais nous voudrions quand même que les choses soient faites convenablement dès le départ, de manière à ce que dans trois ou cinq ans on ne s'aperçoive pas que des préjudices graves aient été commis—des préjudices qui ne disparaissent pas. Même si une personne est relâchée, comme nous avons pu le constater dans des cas de condamnation erronée au Canada, nous ne pouvons jamais rendre à ces personnes leur réputation ou le temps passé loin de leur famille, s'ils ont été emprisonnés à tort.

Une chose qui n'a pas véritablement été abordée dans vos exposés aujourd'hui, c'est à quel point cela vous rassurerait la mise en place d'un système de surveillance par un comité parlementaire ou des pouvoirs discrétionnaires plus larges pour l'appareil judiciaire, une chose qui me préoccupe énormément.

Monsieur Galati, vous avez fort justement fait remarquer que certains de ces mécanismes, s'ils sont pris... Je connais un grand nombre de policiers—j'ai travaillé avec la police. La grande majorité ne tenterait jamais, à mon avis, d'abuser de ces mécanismes qui sont théoriquement à leur disposition, et pourtant, il suffit de quelques-uns. Quels mécanismes d'intervention judiciaire plus étendus pourrions-nous mettre en place dans le cadre de ce texte législatif? Cela existe ironiquement pour les articles relatifs aux organismes de bienfaisance. Pourtant, quand on parle de la délivrance de certificats par le procureur général, le contrôle judiciaire n'existe pas.

Les représentants parlementaires sont dépouillés de leurs pouvoirs en matière de divulgation de renseignements. Vous savez sans doute mieux que quiconque pendant combien d'années il a fallu lutter pour que les lois relatives à la divulgation des renseignements soient telles qu'elles sont dans notre pays. Avant la Charte, les procès, jusqu'au milieu des années 70 et au début des années 80, étaient semés d'embûches judiciaires. Quelle sorte de contrôle vous rassurerait le plus—un contrôle judiciaire ou un contrôle parlementaire?

Le président: Monsieur Galati.

M. Rocco Galati: Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne le contrôle parlementaire, je voudrais dire clairement que le Parlement a manifestement... Si le terrorisme doit être catégorisé comme un préjudice particulier auquel nous tentons de nous attaquer, il est compréhensible qu'on le définisse substantiellement dans un article séparé du Code criminel et qu'on prévoie des peines plus sévères pour les préjudices qui en résultent. Rien à redire. Donc, cela est défini substantiellement. Tant et aussi longtemps que la définition donnée est tellement vague qu'elle englobe la désobéissance civile, aucun problème. Mais quand on examine les mécanismes, on se rend compte qu'on a le pire des deux mondes. On a une loi permanente, globale, d'application générale en vertu du Code criminel, mais des procédures et des mécanismes qui, de par leur nature, s'appliquent foncièrement en temps de guerre ou dans les situations d'urgence.

Cela n'est pas acceptable. Si l'on veut des procédures d'urgence pour arrêter sans mandat, des investigations, des procès secrets, tout cela doit tomber sous le coup de la Loi sur les mesures d'urgence, dont un comité parlementaire surveille l'application. On peut demander des rapports sur le nombre de gens qui ont été détenus en vertu de cette mesure d'un bout à l'autre du pays. Il est possible de superviser tout cela. Cela doit être continuellement révisé...

M. Peter MacKay: Mais, monsieur Galati, que répondriez-vous à l'argument voulant que nous sommes, probablement, dans une situation d'urgence, gravement menacés et très vulnérables? Comment combattez-vous cela dans le contexte de ce que vous venez tout juste de dire?

Le président: Monsieur Galati et ensuite, monsieur Morgan.

M. Peter MacKay: Je pense qu'il me reste encore un peu de temps, monsieur le président.

Le président: Mais M. Morgan souhaite répondre aussi...

M. Peter MacKay: Mais je peux, je pense, utiliser mon temps de parole comme je l'entends. Merci.

M. Rocco Galati: L'histoire nous apprend que le monde a connu de telles périodes depuis l'époque de Spartacus, mais ce qui est important, c'est de savoir comment réagir dans de telles circonstances. Réagit-on en essayant d'écraser une mouche sur une table de verre avec un marteau pilon ou gardons-nous la tête froide, faisons-nous preuve de courage et réagissons-nous d'une façon réfléchie qui n'inflige pas de nouvelles injustices?

• 1050

En ce qui concerne l'aspect judiciaire, je pense qu'avant qu'aucune de ces mesures ne soient prises, on devrait demander une autorisation préalable d'un juge de la cour supérieure, comme dans le cas des mandats. Ce serait le seul moyen de protection, pour répondre à votre question.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: La parole est à M. Morgan.

M. Ed Morgan: Merci. Je ne veux pas vous priver de votre temps de parole.

M. Peter MacKay: Non, non, je vous en prie. Je n'ai pas peur que vous en preniez un peu. Ce sont les autres partis. Ils auront leur chance en temps voulu. Nous obtenons des réponses ici, contrairement à ce qui se passe pendant la période de questions.

M. Ed Morgan: Je vais commencer par dire que je suis d'accord avec vous pour dire qu'une grande partie de ce texte législatif est en fait, bien qu'il paraisse volumineux, une sorte de replâtrage, de bricolage, et qu'il s'applique à un contexte particulier—qu'il accorde des pouvoirs généraux dont la police et les organismes d'application de la loi disposent déjà. Je pense que vous avez correctement décrit une bonne partie de la législation dans cette optique.

Par conséquent, je ne voudrais pas que ni le comité, ni des critiques du texte législatif détruisent un projet de loi qui me paraît nécessaire pour s'attaquer au très grave problème auquel nous faisons face après les événements du 11 septembre, par le biais d'attaques périphériques qui sont foncièrement des attaques contre des pouvoirs dont les organismes d'application de la loi ont toujours disposé.

Il y a certains nouveaux pouvoirs toutefois, notamment en ce qui a trait aux certificats de sécurité. À moins que cela ne m'ait échappé, j'ai été quelque peu surpris de constater que l'examen par le CSARS a été laissé de côté. Mon interprétation des dossiers d'immigration me laisse à penser que les examens de ces certificats de sécurité nationale effectués par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité se sont avérés très utiles. On n'obtient pas, bien sûr, la totalité des dossiers examinés par le CSARS, mais il est possible de consulter leur site Internet et d'avoir un résumé des affaires. Je dirais que c'est du moitié- moitié—je parle du nombre de fois où le CSARS a rejeté un certificat ministériel. Le CSARS a donc contribué à protéger les libertés civiles dans une situation difficile, et je recommande qu'il soit intégré à ce train de mesures.

Le président: Je vous remercie.

Les autres personnes qui souhaitent s'exprimer voudront bien patienter; elles auront leur tour.

La parole est à M. Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Cela nous éclaire beaucoup.

Monsieur Elmasry, j'ai remarqué que vous-même, M. Galati et Mme Sherazee, avez déclaré que ce projet de loi ne devrait pas porter sur les crimes motivés par la haine. Je me demande si vous, ou d'autres, pourriez parler un peu de cela—s'ils ne sont pas mentionnés ici, où devraient-ils l'être?—et si vous estimez que la législation actuelle sur les crimes motivés par la haine est en fait adéquate.

Ensuite, j'aimerais entendre l'opinion de M. Morgan qui a déclaré, je pense, que l'article sur les crimes motivés par la haine, tel qu'il est énoncé actuellement, n'est même pas assez fort. Peut-être pourrait-on lancer un dialogue à ce propos.

M. Mohamed Elmasry: Permettez-moi de vous répondre. De notre point de vue, il est important d'avoir une législation sur les crimes motivés par la haine. Nous ne pensons pas que ce soit l'endroit ou le moment de le faire à cause de l'urgence des dispositions à prendre pour contrer les activités terroristes, ce que le projet de loi C-36 est censé faire. Étant donné que le temps presse et que, pour des raisons politiques, le débat doit être clos aussi rapidement que possible, nous sommes d'avis que tout ce qui n'est pas directement lié aux activités terroristes dans ce pays devrait être mis de côté, sous le boisseau, en réserve. Quand nous aurons le temps et que nous aurons trouvé l'endroit où en traiter, nous pourrons nous intéresser à cette question.

Avez-vous des commentaires?

Le président: Monsieur Galati.

M. Rocco Galati: Merci, monsieur le président.

L'autre argument que l'on pourrait avancer, monsieur Myers, c'est que si vous voulez vous attaquer de façon plus énergique aux crimes motivés par la haine, en imposant des peines plus lourdes, et ainsi de suite, vous pouvez le faire en modifiant les dispositions qui existent déjà. La situation ironique que je prévois, en tant qu'avocat... Et même si j'ai été également procureur, monsieur MacKay, avant d'être avocat de la défense, je n'ai pas, de la mesure dans laquelle la police devrait ou non agir, la même conception que vous. Ironiquement, lorsque ces dispositions sur les crimes motivés par la haine entreront en vigueur, les membres des communautés ciblées—les musulmans et les Arabes—pourront également être accusés de crimes motivés par la haine en vertu du même projet de loi, s'ils osent annoncer, par exemple, que la politique des États-Unis n'est pas défendable et s'ils font certaines déclarations qu'autrement, ils ont le droit de faire. Ironiquement, cette mesure contre la propagande motivée par la haine sera utilisée pour limiter la liberté d'expression et contre le groupe même qu'elle est censée protéger.

Si vous adoptez une position impopulaire à l'endroit, par exemple, des États-Unis ou des alliés ou encore d'Israël, cela pourrait être considéré comme de la propagande motivée par la haine envers les Américains. Voyez ce qui s'est passé la semaine dernière aux États-Unis lorsque cette jeune fille est allée à l'école portant un t-shirt sur lequel était écrit: «Arrêtez de bombarder l'Afghanistan»; elle a été exclue temporairement de l'école, des accusations criminelles ont été portées contre elle et elle a été reconnue coupable. Cela s'est passé pas plus tard qu'il y a deux semaines ou la semaine dernière, aux États-Unis.

• 1055

Donc, si les Arabes ou les musulmans disent blah blah..., et qu'en disant cela, ils exercent simplement leur liberté d'expression de façon non violente, mais que cela pourrait être considéré comme étant à la limite d'un discours motivé par la haine, nous faisons face également, dans ce cas, à un double problème. Nous devrions traiter cela séparément.

Le président: Merci.

Autre chose, monsieur Morgan?

M. Ed Morgan: Certainement. J'aimerais parler à deux titres.

Premièrement, ayant été l'avocat d'un groupe d'intervenants dans l'affaire Keegstra, je peux comprendre pourquoi la question de la propagande motivée par la haine peut être jugée préoccupante. Selon moi, l'idée que les tribunaux de ce pays, compte tenu de l'existence de la Charte des droits et libertés, permettrait une poursuite contre quelqu'un qui a exprimé une opinion défavorable à propos de la politique étrangère me semble tout à fait farfelue. Les tribunaux ont si clairement signifié que seuls les propos les plus calomnieux, à l'endroit d'un groupe ciblé tout particulièrement à cause de ses origines ethniques, de ses croyances religieuses ou de son orientation sexuelle, pourraient faire l'objet d'une poursuite criminelle que je ne pense pas que nous ayons à nous inquiéter de quoi que ce soit à cet égard. En toute franchise, je crois que c'est une crainte exagérée.

Cependant, je suis également quelqu'un qui a reçu à son bureau, au Congrès juif canadien, trois de ces lettres contenant de la poudre blanche, ainsi, d'ailleurs, que des notes où il était écrit: «Mort aux Juifs». Il me semble approprié, vu le climat dans lequel nous vivons, de renforcer les pouvoirs ayant trait aux crimes motivés par la haine. Je reconnais toutefois que ce n'est lié qu'indirectement au problème du terrorisme international. C'est lié au climat dans lequel nous vivons, mais pas vraiment au problème du terrorisme international, et je ne voudrais pas que l'on fasse ce lien.

Je me permets toutefois de rappeler à tout le monde que le texte qui nous occupe n'est qu'un projet de loi omnibus qui sert à modifier toute une série d'autres lois. Comme nous le savons, ces mesures ont été regroupées pour faciliter le processus législatif qui consiste à modifier le Code criminel, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la preuve au Canada et le texte législatif sur le blanchiment d'argent. Peu importe que toutes ces modifications soient regroupées. C'est juste aux fins du processus que doit suivre le Parlement. Toutes ces mesures ne se retrouveront pas, en réalité, dans un texte distinct car, lorsqu'elles seront adoptées, ce sera à titre de modifications séparées des divers textes législatifs couverts par le projet de loi.

Il me semble donc que, même si le climat appelle une législation plus énergique à l'endroit des crimes motivés par la haine, ce n'est pas véritablement lié aux problèmes que pose le terrorisme international, j'en conviens. C'est un problème grave qui doit être traité séparément, et qu'il l'est, d'ailleurs.

Le président: Merci, monsieur Morgan.

Monsieur Asfour.

M. John Asfour: Monsieur a demandé ce qui pourrait être fait pour vous rassurer et nous rassurer également.

Nous estimons qu'en l'occurrence, ce projet de loi est tout à fait intempestif et, vu le temps que l'on y consacre alors que nous avons déjà des lois et des textes qui ont une portée suffisante pour que des poursuites puissent être engagées en vertu de dispositions actuellement en vigueur, les membres de ma communauté se demandent pourquoi le gouvernement ne s'est pas manifesté et n'a pas dit aux gens: «Écoutez, il n'y a rien à craindre; vous êtes protégés.»

Selon moi et selon les membres de ma communauté, si de telles dispositions avaient alors existé, Pierre Trudeau aurait été enfermé. René Lévesque aurait été enfermé pendant 24 heures pour s'être exprimé. Lucien Bouchard aurait été enfermé pour la même raison. Vous, monsieur, vous auriez aussi été enfermé si vous vous étiez exprimé. Ces dispositions ne sont pas nécessaires.

Nous avons appris à respecter les règles, à respecter nos lois. Nos lois sont suffisantes pour nous protéger. Rien ne justifie que l'on adopte dans l'urgence une loi qui donne à la police de tels pouvoirs et que l'on effraie tous les membres d'une communauté, sans les rassurer de quelque façon que ce soit, ni sans leur dire qu'ils peuvent sortir et aller travailler; qu'ils peuvent sortir et participer à la vie de la collectivité. Se rendre une fois dans une mosquée n'est pas suffisant pour rassurer toute une communauté qui compte plus d'un million de membres.

Le président: Merci.

C'est Mme Leddy qui aura le dernier mot et ensuite, je redonne la parole à M. Toews.

Mme Jennifer Leddy: J'ai deux observations à faire sur certains des points qui ont été soulevés au cours de la discussion.

En ce qui concerne les mesures qui pourraient rassurer, quelqu'un a dit que le CSRS pourrait servir de modèle. Je ne suis pas experte en la matière, mais c'est vrai, je pense, que ce comité tient de bonnes audiences et mène de bonnes enquêtes. Reste à savoir toutefois, et c'est une question importante, ce qu'il advient de ses décisions: sont-elles effectivement suivies d'effet? C'est une question qui a beaucoup d'importance pour les gens impliqués dans la défense des réfugiés.

• 1100

Quant au projet de loi omnibus lui-même, une des difficultés qu'il soulève vient du fait qu'il s'agit d'un texte législatif de 185 pages, dont la rédaction a exigé la participation de 200 avocats. Comment peut-on s'attendre à ce que tout le monde réagisse après mûre réflexion? Ce que je vous dis là, vous le savez déjà, mais c'est ce que nous pensons au sein de la communauté des organisations non gouvernementales.

Le président: Monsieur Toews, vous avez trois minutes.

M. Vic Toews: Merci.

À mon avis, certaines observations concernant ce que le gouvernement devrait faire pour rassurer la population canadienne à propos des mesures qui sont prises sont tout à fait appropriées. À la différence du gouvernement américain, les autorités canadiennes ont décidé de ne pas fournir de comptes rendus réguliers, et je pense que cela entretient un climat de crainte ou aggrave l'inquiétude. Je suis tout à fait d'accord pour dire que le gouvernement pourrait faire davantage et ne pas se contenter d'adopter des lois; à mes yeux, les séances d'information et autres moyens de communication, ainsi que les réunions avec des membres de la collectivité, sont très importants.

Deuxièmement, légiférer n'est jamais suffisant. Pour assurer efficacement la sécurité, il faut que les ressources nécessaires soient en place. Or, nous avons entendu, je pense, de nombreux organismes dire que, même si notre gouvernement reçoit déjà une grande quantité d'informations, nous n'avons tout simplement pas les ressources voulues pour traiter tous ces renseignements. Je conviens donc que, dans une certaine mesure, nous mettons sans doute la charrue avant les boeufs en nous contentant d'adopter une loi, sans pour autant mettre en place des ressources supplémentaires. C'est peut-être une maigre consolation et un argument peu réconfortant pour les défenseurs des libertés civiles qui craignent que ce projet de loi donne au gouvernement davantage de pouvoirs, mais en fait, si les autorités ne mettent pas en place les ressources voulues, la loi elle-même n'a aucun poids.

J'aimerais revenir à un point soulevé plus tôt, sur lequel je n'ai pas entendu les observations de Mme Sherazee. Il s'agissait de savoir en quoi ce texte législatif se distingue de ceux qu'ont adopté nos alliés, notamment les Américains et les Britanniques. Sommes-nous déphasés par rapport à eux? J'aimerais entendre les observations que vous pouvez avoir à faire à ce propos, parce que cela me semble révélateur si, en fait, nous sommes déphasés par rapport aux autres pays libres et démocratiques.

Mme Amina Sherazee: Je trouve votre question judicieuse. Je pense qu'il est important de faire une analyse comparative, mais à mon avis, nous ne devrions pas nous évaluer par rapport à d'autres normes, mais plutôt par rapport aux nôtres. Je ne pense pas que nous recherchions le plus petit dénominateur commun et qu'il s'agisse de voir qui s'approche le plus du strict minimum et de l'essentiel réduit à sa plus simple expression.

M. Vic Toews: Permettez-moi de vous interrompre. Ce qui me préoccupe, c'est que nous sommes en train de nous décharger d'une obligation internationale. Si les Américains ou les Britanniques ont jugé également nécessaire de se décharger de ces obligations internationales, sommes-nous allés plus loin qu'eux? Voilà la raison pour laquelle je pense que c'est important.

Je sais que nous pourrions discuter de cela à n'en plus finir, et j'ai beaucoup de réserves à propos de la législation, mais là n'est pas la question. J'ai besoin d'avoir certaines informations pour être en mesure de faire des observations intelligentes à propos d'amendements à ce projet de loi.

Mme Amina Sherazee: Premièrement, en vertu des normes juridiques internationales, la définition du terrorisme est liée à des actes et non à une quelconque adhésion ou association.

Deuxièmement, je ne pense pas que nous devrions nous intéresser aux mobiles. Vous avez également soulevé cette question, je pense. Selon moi, nous devrions nous intéresser à ce qui constitue la nature de l'infraction et nous focaliser là-dessus.

C'est clair, il faut définir le terrorisme. C'est une définition très importante. Nous ne pouvons pas, parce qu'il nous en faut une en temps opportun, risquer de donner une définition du terrorisme dont la portée serait excessive. Je pense que c'est une chose à laquelle nous devons vraiment réfléchir et que nous devons examiner de façon à éviter cette définition trop large.

Le président: Merci.

Monsieur Elmasry, et ensuite, la parole sera à Peter MacKay.

M. Mohamed Elmasry: Je sais que mon taux de glycémie baisse de plus en plus et que les effets de la caféine que j'ai absorbée ce matin s'estompent, mais permettez-moi de soulever deux ou trois points.

Premièrement, l'islam est une religion canadienne. Elle est pratiquée par plus de 650 000 Canadiens, dont la moitié sont nés dans ce pays. Je vous prierais de ne pas l'oublier.

Deuxièmement, vous devriez accorder à nos arguments plus de poids qu'à ceux avancés par les gens qui sont favorables à ce projet de loi et veulent le faire adopter le plus rapidement possible, parce que nous sommes d'ores et déjà des victimes; ce n'est pas que nous ayons l'impression que nous allons devenir des victimes demain.

• 1105

Voici une lettre qui a été rendue publique par une victime. J'en ai déjà envoyé copie à un député. Je ne pense pas qu'il soit ici. Je vais en faire des copies avant de partir et je vous les laisserai.

Cette lettre a été écrite par un homme qui vit à Toronto et qui, depuis 26 ans, rend des services à ce pays à titre de dirigeant d'une entreprise florissante qui commerce avec l'Amérique du Sud, l'Europe et les États-Unis. La semaine dernière, il a voulu voyager sur American Airlines. Tout d'abord, étant donné son nom musulman, on a fait venir les services d'immigration américains et la GRC. Voici le genre de questions qu'on lui a posées.

    On m'a alors posé des questions comme: Où êtes-vous né? De quel organisme êtes-vous membre? Quelle mosquée fréquentez-vous? Qui dirige cette mosquée? Qui sont les gens qui siègent au comité organisateur de cette mosquée? Que dit-on au sein de votre communauté à propos des événements du 11 septembre? Qu'est-ce que votre chef religieux dit à sa congrégation? Avez-vous un casier judiciaire?

Et ainsi de suite. Après avoir fouillé ses bagages, ils ont fait une photocopie de son agenda où se trouvaient les numéros de téléphone et les noms de ses contacts professionnels.

Je vous laisse tirer vos propres conclusions, monsieur.

M. Vic Toews: Merci.

M. Mohamed Elmasry: Il a raté son avion, et les forces de l'ordre l'ont assuré que s'il revenait à l'aéroport, il subirait le même sort. On ne lui a présenté aucune excuse. C'était avant le projet de loi C-36.

Vous avez donc entre vos mains l'avenir des Canadiens musulmans de ce pays. Vous avez entre vos mains les libertés civiles de tous les Canadiens de ce pays. Votre comité n'est pas un de ceux qui se réunit ordinairement pour tenir audience après audience.

C'est parfois ennuyeux. Tout au long de ma carrière, j'ai fait partie de comités. Celui-ci est spécial, et vous devez adopter une attitude spéciale et nous donner plus de poids qu'à n'importe qui d'autre à cause de ce que je viens de dire.

C'est donc très important, et ce que vous allez décider à propos du projet de loi C-36 va affecter ce pays pendant des années.

Le président: Monsieur McKay, vous avez trois minutes.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci à tous de nous avoir présenté ces exposés.

Juste pour appuyer ce que vient de dire M. Elmasry, il s'agit probablement du texte législatif le plus important que nous verrons jamais à titre de législateurs, en tout cas, durant la présente législature.

J'aimerais également parler, si vous le permettez, des conséquences non délibérées. Mais vu le peu de temps dont je dispose, j'aimerais poser ma question aux représentants des organismes de bienfaisance qui sont ici. Nous avons entendu des témoignages à propos du manque d'équité de la procédure, des restrictions qui s'impliquent à la divulgation de l'information, du droit de la preuve, de l'impossibilité de faire appel ou de présenter une défense basée sur la diligence raisonnable, etc.

Je me demandais si vous pouviez nous donner des exemples relatifs à la divulgation d'informations qui démontreraient que les organismes de bienfaisance seraient dans l'impossibilité, en vertu du projet de loi, de demander quelles informations de source étrangère ont été obtenues et ont provoqué leur radiation.

Vous avez mentionné, je pense, spécialement les informations de sources étrangères, ce qui vous préoccupe tout particulièrement. Je pense que c'est par ce que cette information peut très bien être manipulée et servir, disons, à monter un coup contre l'organisme de bienfaisance concerné. Si vous pouvez nous donner un exemple, cela éclairerait cet argument, en quelque sorte.

Deuxièmement, il y a la question de la défense basée sur la diligence raisonnable. Il est très difficile, sinon impossible, pour un organisme de bienfaisance canadien d'assurer que les fonds qu'il verse à une entité étrangère ne seront pas utilisés à des fins malfaisantes et qu'ils ne se retrouveront pas éventuellement entre les mains d'une organisation terroriste. Cela met en cause la question de la diligence raisonnable. Pouvez-vous, là aussi, donner un exemple de la façon dont cela pourrait se traduire?

Troisièmement, il y a la question des valeurs mobilières, notamment en Ontario, puisque vous avez souligné que les organismes de bienfaisance sont autorisés à faire le commerce des valeurs mobilières. Vous faites des transactions internationales. Quelles directives donnez-vous aux gens qui travaillent pour vous en ce qui concerne les transactions suspectes? Selon vous, est-ce que le texte législatif s'applique à vos transactions? Si oui, comment allez-vous signaler les transactions suspectes et comment allez- vous alerter les autres organismes de bienfaisance qui font partie de votre groupe?

• 1110

Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)): À qui posez-vous cette question, monsieur McKay?

M. John McKay: Aux représentants des organismes de bienfaisance, M. Noteboom et Mme Leddy.

Mme Jennifer Leddy: Je vais commencer en parlant de la diligence raisonnable.

Cela entre dans le cadre du dialogue qui s'est engagé ici aujourd'hui. D'ores et déjà, l'ACDI et l'ADRC exigent que les organismes de bienfaisance canadiens qui sont présents sur la scène internationale signent des ententes, et cela fait partie de nos responsabilités à titre d'organisme de bienfaisance. Tout le monde autour de cette table fait probablement partie d'un organisme de bienfaisance enregistré, tenu d'avoir signé des ententes avec ses agents dans d'autres pays. C'est une des dispositions importantes qui assurent notre transparence, notre responsabilisation et notre responsabilité. Ces mesures existent d'ores et déjà, et nous estimons que toute disposition supplémentaire en vertu de cette loi n'est probablement pas nécessaire, étant donné les obligations qui nous incombent déjà.

M. John McKay: Pensez-vous que cela puisse être un moyen de défense?

Mme Jennifer Leddy: Eh bien, la Partie 6 est tellement inadéquate à l'heure actuelle, qu'il est difficile de savoir ce qui pourrait être utilisé comme moyen de défense. La Partie 6 s'applique pratiquement à tout, semble-t-il. Je le répète, il est difficile de tout prévoir exactement et de garantir que la Partie 6 s'appliquera.

M. Rocco Galati: Si vous me permettez d'intervenir brièvement, le mémoire que nous avons déposé en mai dernier, contenait une analyse approfondie du projet de loi C-16; c'est l'annexe A de notre mémoire sur le projet de loi C-36. Dans le projet de loi C-16, le critère, c'était la distinction entre lien direct et indirect. La défense basée sur la diligence raisonnable ne tient pas, c'est clair. Le projet de loi C-16 s'appliquerait au président des États-Unis en fonctions à l'heure actuelle à cause des liens de la famille avec Ben Laden. Nous savons que l'on peut établir des degrés de séparation, mais il n'y a là aucune mention de ces degrés de séparation. C'est soit un lien direct, soit un lien indirect, et cela vise toute partie ou toute ressource de l'organisme de bienfaisance concerné. Il n'y a aucune réserve. La défense basée sur la diligence raisonnable n'est pas intégrée dans ce texte législatif. Je pense que les auteurs de ce document l'ont admis au cours des audiences sur le projet de loi C-16 qui ont eu lieu cette année, en mai et en juillet.

Le président: Merci.

La parole est à M. Blaikie pour trois minutes.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, je pense que beaucoup des témoins qui sont ici ce matin, notamment M. Elmasry, ont souligné l'importance des questions que nous examinons ici aujourd'hui sous la forme du projet de loi C-36. Il me semble que les remarques que ce monsieur et d'autres ont faites mettent en lumière l'importance d'une disposition de temporisation en ce qui concerne les aspects les plus controversés de la loi, au cas où elle ne serait pas modifiée, même si j'espère qui nous allons y apporter des amendements substantiels.

Personne ne suggère que des dispositions de temporisation s'appliquent à la définition des activités terroristes établie par les Nations unies, ni à la nécessité d'observer les conventions des Nations unies, mais je pense que nous devrions envisager une disposition de temporisation en ce qui concerne les mesures que propose le gouvernement canadien et qui vont plus loin que ce qu'exigent les conventions des Nations unies. Au lieu de prendre pour modèle les conventions des Nations unies pour définir ce que nous devons faire, pour une raison ou une autre—peut-être est-ce un vestige de notre mentalité de colonisés, comme l'a suggéré quelqu'un plus tôt—nous avons décidé que c'est à la législation britannique que nous devrions nous conformer.

Je me demande si certains des témoins qui sont ici aujourd'hui veulent faire des commentaires à ce propos, vu leurs réserves à l'égard de la législation, et nous dire si, et dans quelle mesure, ils pensent que l'on devrait ajouter des dispositions de temporisation. Je sais qu'on en a parlé auparavant, mais peut-être est-il opportun de rappeler les arguments qui ont été avancés.

Le président: La parole est d'abord à M. Noteboom, qui sera suivi de M. Elmasry et de M. Morgan.

• 1115

M. Peter Noteboom: Je vais juste faire deux ou trois observations et vous donner un exemple concret.

Les Églises travaillent régulièrement en collaboration avec divers groupes en Colombie, par exemple. Ce sont les Églises mennonites locales ou encore des groupes locaux qui oeuvrent en faveur de la paix et de la justice. Ils n'appuient probablement pas le Plan Colombie et pourraient donc facilement être assimilés à des organisations terroristes d'une manière ou d'une autre. En revanche, ils n'appuient pas non plus les FARC, ni les organisations paramilitaires. Voilà un exemple concret de partenariats, de relations de travail que nous entretenons et qui pourraient être menacés.

Je vais juste mentionner brièvement un autre type de réaction éventuelle à certaines des préoccupations qui ont été exprimées. Cela touche l'importance de la religion dans les conflits, à l'échelle internationale, mondiale, dans le contexte du terrorisme, etc. Il semble qu'en l'occurrence, cela ait mis la religion un peu plus sur le devant de la scène, et il semble qu'on le reconnaisse dans le milieu des relations internationales. Mais cela ne paraît pas être le cas du ministère des Affaires étrangères, ni de certains des comités législatifs.

Une de nos recommandations, qui ne porte pas spécifiquement sur la loi qui nous occupe, mais qui est de nature plus générale, est de mettre en place un comité consultatif oecuménique qui pourrait conseiller le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère ou de votre comité, et l'aider à approfondir certaines de ces questions, notamment celles qui concernent la religion.

Le président: Monsieur Elmasry.

M. Mohamed Elmasry: Je tiens à souligner que nous avons trois choses à faire. Premièrement—si je peux m'exprimer ainsi—, arranger ce projet de loi. Deuxièmement, charger le comité de faire un examen régulier de ce texte et lui donner la possibilité de veiller à son application et de consulter les groupes qui paraissent être ciblés, c'est-à-dire des gens comme les Arabes et les musulmans. Je pense que cela aurait un impact positif sur le pays et sur la population.

En ce qui concerne la disposition de temporisation, nous sommes en faveur d'un délai de deux ans. Si les Américains peuvent fixer un délai de quatre ans, je pense qu'il est judicieux, chez nous, de nous en tenir à deux. Quant aux aspects juridiques, voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Galati?

M. Rocco Galati: Je tiens juste à répéter que la détention préventive et la procédure judiciaire qu'implique ce projet de loi sont des mesures sans précédent. Les Américains n'ont pas pris de telles mesures. Ce qu'ont fait les Britanniques est plus approchant, mais ils ne sont pas allés jusque là. En Europe, on n'a pas pris de telles dispositions et d'ailleurs, on ne l'a jamais fait. Lorsque le président italien, Aldo Moro, a été kidnappé et assassiné pendant l'une des pires périodes d'activité terroriste des Brigades rouges, aucune disposition approchante n'a été prise. C'est absolument sans précédent. Cela tient de l'inquisition. Cela ne respecte rien, ni la Grande Charte, ni la Charte des droits et libertés. C'est le processus qui est en cause.

Le président: Monsieur Morgan et ensuite, monsieur Owen.

M. Ed Morgan: Je vais prendre quelques instants pour parler de la disposition de temporisation. Dans le projet de loi, on parle d'un examen du Parlement dans trois ans. Nous recommandons que cet examen soit obligatoire et que le gouvernement, en promulguant la loi, s'engage à la faire examiner par le Parlement dans trois ans.

Cet examen implique que dans trois ans, le gouvernement doit, soit confirmer l'existence des mêmes circonstances que celles qui ont été à l'origine de la législation, et ainsi confirmer que la législation reste en vigueur, soit abroger la loi. Si l'on introduit une disposition de temporisation, cela veut dire que dans trois ans, le gouvernement doit déterminer si les circonstances qui ont été à l'origine de cette législation existent toujours, et selon sa décision à cet égard, doit, soit confirmer l'abrogation de la loi, soit la promulguer à nouveau. La différence entre ces deux démarches, dans le cadre de notre système parlementaire, est tellement minime que cela ne vaut pas la peine d'en débattre.

Je pense que nous sommes tous un peu obsédés par cette disposition de temporisation à cause du système américain. Nous n'avons pas ici le régime présidentiel qui existe aux États-Unis. Dans le cadre du régime de gouvernement britannique adopté par notre pays, le gouvernement en place établit le menu législatif et, contrairement à ce qui se passe au Congrès, aux États-Unis, la discipline de parti détermine le vote des députés; dans ce contexte, une disposition de temporisation n'est pas si importante que cela. Aux États-Unis, où le régime de gouvernement implique la séparation des pouvoirs entre l'Administration et le Congrès et où aucune discipline de parti ne détermine le vote des membres du Congrès, une disposition de temporisation prise aujourd'hui oblige le Congrès à agir dans trois ou quatre ans.

Au Canada, la différence entre un examen du Parlement et une disposition de temporisation est assez minime. Ce n'est pas qu'il n'y ait absolument aucune différence, c'est juste qu'elle est assez minime. Je pense que passer beaucoup de temps à discuter de cela, c'est en fait se détourner de la question principale.

Le président: La parole est à M. Owen, pour trois minutes.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci.

Je vous remercie tous d'avoir accepté de comparaître et de nous faire profiter de vos divers avis d'experts dans le domaine de la religion, de la culture et du droit. C'est très important pour nous.

En réaction à certaines de vos observations, je vais commencer par vous rappeler à tous que ce texte législatif doit être conforme à notre Charte qui, dans ce pays est notre boussole, sur le plan moral et légal, et qui a été rédigée à cette fin. Si le projet de loi n'est pas conforme à nos responsabilités en vertu de la Charte, y compris l'article 1, il doit être amendé ou il sera éventuellement corrigé. C'est là une obligation que tout gouvernement de ce pays est tenu de remplir.

• 1120

En ce qui concerne la haine, c'est une question qui, dans notre société, lorsque nous sommes poussés à bout, a une immense importance. À ce que je sache, aucun député, quel que soit le parti auquel il appartienne, qui s'est exprimé sur cette question à la Chambre ou à l'extérieur, au cours du mois qui vient de s'écouler, n'a omis d'ajouter à ses observations sur la nécessité d'assurer notre sécurité, qu'il fallait également veiller à ce qu'aucun segment de notre société, qu'il s'agisse d'un groupe culturel, religieux ou autre, ne soit la cible d'actes malveillants à cause de ces événements. C'est quelque chose que nous devons répéter souvent et mettre en pratique, et nous espérons que cela sera reflété dans ce texte législatif car, en stipulant dans la loi des mécanismes supplémentaires à cette fin, nous pourrons contribuer un peu à traduire nos préoccupations à cet égard.

Deuxièmement, il y a la question du risque. Le risque auquel nous avons été exposés à cause des événements du 11 septembre dépasse ce que toute société libre et démocratique a pu envisager auparavant. Nous n'avons tout simplement jamais encore envisagé les conséquences énormes d'un acte terroriste résultant d'une exaltation pervertie—qu'elle soit idéologique, politique ou religieuse—qui pousse les gens à causer de grands préjudices sans aucune considération pour l'humanité ou leur propre vie. Dans ce contexte, nous devons considérer la nécessité d'une législation élaborée rapidement, mais soigneusement.

Cela nous amène à la loi elle-même. Même si nous avons entendu des arguments très forts pour et contre ce texte législatif, notamment de la part d'avocats, il va y avoir une loi. Le plus utile, en l'occurrence, comme cela a été le cas aujourd'hui, c'est d'obtenir des informations et des conseils sur la façon d'améliorer ce qui définit cette loi, pour que ses objectifs puissent être réalisés. On nous a dit ce qui peut être fait à propos des mécanismes de contrôle et des divers moyens auxquels nous pouvons avoir recours, notamment ceux dont nous sommes pratiquement les seuls à pouvoir disposer étant donné notre régime de gouvernement, et les observations qui ont été faites à ce sujet ont toutes été très utiles.

N'oublions pas, en ce qui concerne ces mécanismes, que dans notre société, les investigations ne sont pas très différentes des enquêtes publiques. De fait, ces investigations sont publiques. Monsieur Galati, contrairement à ce que vous affirmez, la preuve qui est recueillie est non seulement exclue de toute action en justice qui peut être engagée par la suite au motif de terrorisme, elle est exclue également de toute poursuite criminelle qui pourrait être intentée par la suite; c'est stipulé très clairement. Ces investigations ne sont rien par rapport aux enquêtes menées par la Chambre des mises en accusation, qui fait partie du système constitutionnel et juridique en place de longue date aux États-Unis.

En ce qui concerne les arrestations préventives, rappelez-vous du risque que nous courrons. Nous sommes confrontés à des réseaux qui agissent dans l'ombre, qui sont de nature internationale et qui sont déterminés à accomplir des actes lourds de conséquences extrêmes. Nous parlons de détenir quelqu'un pendant 24 heures, avant de le faire comparaître devant un juge, qui agit en vertu d'un certificat émis par un procureur général convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de geler toute activité du prévenu jusqu'à plus ample informé. Lorsque nous considérons les conséquences de ce que certaines personnes appartenant à ces réseaux sont prêtes à faire, à mon avis, ce n'est pas là une mesure extraordinaire. C'est certainement une mesure beaucoup moins intrusive que l'ancienne Loi sur les mesures de guerre, la Loi sur les services d'urgence ou ce qui existe à l'heure actuelle au Royaume-Uni. Par comparaison avec ces deux pays, nous nous en tirons assez bien.

Les autres procédures supplémentaires qui sont stipulées dans cette loi—

Le président: Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Pour conclure, je demande simplement des commentaires à ce sujet. Comme on l'a mentionné, en ce qui concerne les mesures supplémentaires qui existent déjà dans notre législation, à propos, par exemple, de l'écoute électronique, des extensions et des produits de la criminalité, des dispositions existent déjà dans nos lois relatives au crime organisé.

En ce qui concerne les organismes de bienfaisance, rappelez-vous qu'ils jouissent d'un privilège administratif. Ce n'est pas un droit. Ils ont un privilège de plus que les organismes à but non lucratif pour pouvoir bénéficier d'une exemption fiscale. L'argent est ce qui fait vivre le terrorisme, et s'il existe dans la loi des échappatoires, il faut les éliminer.

Le président: Monsieur Owen, je vous rappelle que les interventions ne doivent pas durer plus de trois minutes. Il va falloir que je passe à M. Asfour. Il y a d'autres témoins qui attendent.

Monsieur Asfour.

M. Stephen Owen: Merci. J'apprécierais tout commentaire.

M. John Asfour: Je le répète, ce qui nous fait peur, c'est cette histoire de garde à vue de 24 heures. Sombre jour pour le Canada celui où l'on inclura cette mesure dans un tel projet de loi. Si on le considère comme un projet de loi d'urgence, élaboré en réaction à des événements qui ont eu lieu ailleurs, je pense qu'une disposition de temporisation est très appropriée. Et ce qui l'est encore plus, c'est un examen effectué par ce comité ou un autre comité parlementaire, tous les six mois peut-être, ainsi que l'établissement d'une liste des personnes qui auront été arrêtées. Et les dossiers d'arrestation pourraient vous être présentés, pour que vous puissiez voir si la police et les autorités ont violé les dispositions en vigueur.

• 1125

Des mesures comme celles-ci—j'ai le grand regret de le dire—sont prises par des régimes comme ceux qui existent en Syrie et en Libye et dans d'autres dictatures de par le monde. Les Arabes et les musulmans ont assez souffert de telles mesures, et ils viennent dans ce pays en pensant y trouver un havre de paix. Nous ne devrions pas les prendre encore pour cible.

Le président: Merci.

Voulez-vous faire un rappel du Règlement?

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais faire appel au Règlement. Est-il possible de demander aux gens de fermer leurs téléphones cellulaires?

[Traduction]

Le président: Je pense que nous avons autorisé M. Asfour à se servir de son appareil. Personne d'autre n'a vraiment de raison d'avoir un tel instrument. J'hésite à demander aux gens de les fermer, parce que notre propre pendule fait tellement de bruit, mais au moins, pouvez-vous avoir recours au vibrateur, par exemple.

Monsieur Prutschi.

M. Manuel Prutschi (directeur national, Relations communautaires, Congrès juif canadien): Merci, monsieur le président.

Pour résumer et pour revenir à ce que disait M. Owen, nous sommes d'accord avec bien des points qu'il a soulevés.

Nous sommes tout à fait convaincus, au Congrès juif canadien, que nous devons faire en sorte qu'aucune communauté, ni aucun de ses membres, ne soient victimisés de quelque façon que ce soit par ce projet de loi ou son application. Nous tenons également à vous dire, à vous les membres du comité, que la sécurité de tous les Canadiens est entre vos mains. Et par Canadiens, nous entendons tous les Canadiens, quelles que soient leur religion, leur origine ethnique, leur couleur, etc.

Notre communauté, la communauté juive, est à bien des égards doublement victimisée. D'une part, chaque fois que des conflits politiques qui ont lieu à l'étranger ont un écho chez nous, notre communauté est victime d'attaques visant les personnes et les biens collectifs, tout comme d'autres communautés ici, en tous cas, plus particulièrement pendant cette dernière crise. Nous sommes donc convaincus qu'il est extrêmement important d'adopter les modifications contenues dans ce projet de loi qui portent sur la propagande et les crimes haineux, et nous croyons en fait qu'elles devraient être élargies. Comme nous l'avons dit, cela ne doit pas porter uniquement sur les lieux de culte, mais également sur tous les biens religieux. Cela devrait comprendre les cimetières et ne pas se limiter aux biens religieux, mais englober toutes sortes de biens collectifs, etc.

Le deuxième point important, c'est que notre communauté est malheureusement, à travers le monde, la cible favorite du terrorisme. C'est la seule communauté du monde qui est précisément l'objet de la vindicte des terroristes. Nous vous disons donc très simplement, que lorsqu'on étudie ce projet de loi et ses effets, il ne faut pas oublier que c'est le terrorisme, et non les mesures prises pour le combattre, qui menace le plus les droits de la personne et des valeurs que nous chérissons, comme la liberté et la démocratie. C'est pourquoi nous appuyons le projet de loi et nous demandons au gouvernement et au Parlement de l'adopter rapidement.

Le président: Monsieur Elmasry.

M. Mohamed Elmasry: Nous avons deux observations à faire. Je vais commencer, puis je passerai la parole à M. Galati.

Pour répondre à la question de M. Owen concernant les dispositions sur la haine, les musulmans canadiens sont aujourd'hui l'objet de crimes motivés par la haine et constituent le groupe le plus visé du pays à cet égard, plus que les Juifs et les Noirs. Les statistiques le démontrent.

• 1130

Nous disons donc que ces dispositions de la loi sont nécessaires, mais n'agissons pas dans l'urgence. Efforçons-nous plutôt de faire les choses comme il faut et attendons. Reprenons-les dans quelques mois pour être sûrs de ne pas piétiner des libertés civiles et autres considérations liées à cette partie de la loi.

Le président: Madame Sherazee.

M. Mohamed Elmasry: M. Galati a une autre observation à faire.

Le président: Il est sur la liste.

M. Mohamed Elmasry: D'accord. Excusez-moi.

Mme Amina Sherazee: Pour répondre aux observations de M. Owen, je pense que ce groupe est généralement d'accord pour dire que les crimes et la propagande motivés par la haine sont extrêmement importants. Cet aspect des choses doit être élargi et traité plus en profondeur.

Nous avons une autre préoccupation. Nous vous demandons d'envisager une tâche très difficile, essayer d'élaborer une législation sur les médias, car ils ciblent de plus en plus la communauté arabe. J'ai quelques exemples ici à titre d'illustration.

Des photos ont été prises pour donner une image grotesque des Arabes comme victimes de propagande haineuse. J'ai des exemples ici, si vous êtes intéressés: on nous traite de sauvages, on dit que nous sommes des gens qui ont besoin d'être colonisés. J'ai de nombreux exemples de la façon dont les médias perpétuent en fait la propagande haineuse. C'est pourquoi nous vous demandons de réfléchir à cela également.

Brièvement, en ce qui concerne les motifs d'arrestation, le soupçon est un motif subjectif qui peut découler de présomptions, de stéréotypes et de renseignements. Dans un climat d'angoisse et de peur, dans un climat de guerre, où une communauté est désignée comme l'ennemi, nous craignons que ce soupçon ne se porte sur les Arabes et les musulmans.

Enfin, j'aurais un mot à ajouter au sujet de la Charte. Il est vrai que les gens peuvent avoir recours aux tribunaux si une loi est censée avoir violé la Charte. Il s'agit d'un processus extrêmement coûteux, très long et qui ne donne de résultats visibles qu'après que des vies aient été ruinées et de nombreuses ressources financières épuisées. Je pense qu'il est très important que vous vous rendiez compte que vous devez essayer de produire un projet de loi qui ne pourra pas être contesté en vertu de la Charte.

Mme Jennifer Leddy: J'aimerais répondre également à ce qu'a dit M. Owen au sujet des organismes de bienfaisance qui jouissent d'un certain privilège administratif.

Les organismes à but non lucratif jouissent également de certains avantages qui peuvent être considérés comme des privilèges, bien que je conteste le terme de privilège, lorsqu'il s'agit d'une exonération d'impôt. Les entreprises bénéficient de nombreuses déductions fiscales et de nombreux avantages du régime fiscal, et elles ne sont pas ciblées ni désignées dans ce projet de loi. Les organismes de bienfaisance doivent être responsables et imputables. Nous essayons de faire de notre mieux pour que nos fonds soient utilisés à bon escient et pour le bien. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un privilège, mais plutôt d'un devoir.

Le danger que nous voyons dans ce projet de loi, et je ne pense pas que ce soit délibéré, c'est que des organismes de bienfaisance de bonne foi pourraient être tenus responsables d'actes terroristes par fait d'autrui. Nous avons déjà suffisamment de problèmes avec la responsabilité par fait d'autrui dans d'autres actions civiles. C'est pourquoi nous vous demandons d'examiner très attentivement cet article. L'Association du Barreau canadien, qui l'a étudiée en profondeur, s'en inquiète beaucoup.

Cela m'inquiète beaucoup, car le résultat, c'est que l'organisme de bienfaisance est radié. Ce qui signifie la disparition de cet organisme, car il n'obtiendra plus de dons. Et plus encore, cela met un terme à son travail et à l'aide apportée aux plus marginalisés, aux plus opprimés et à ceux qui ont le plus de besoins, y compris les réfugiés en Afghanistan.

Donc, merci de votre observation, mais nous sommes très préoccupés par cette question.

Le président: Et la dernière réponse est pour M. Galati.

M. Rocco Galati: Monsieur Owen, si c'était des parlementaires qui étaient chargés d'appliquer cette loi, je ne serais pas ici aujourd'hui.

Vous avez une opinion naïve des organismes d'application de la loi et de ce qu'ils feront avec celle-ci lorsqu'elle sera adoptée.

Tout au long de mon adolescence, j'ai été battu par les agents de police de Toronto, qui croyaient que la mafia sévissait dans la rue College, à Toronto, et ce, en vertu des lois sur le vagabondage et de celles qui avaient été adoptées pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison qui explique ma position.

Vous dites que nous luttons contre un ennemi occulte. Je suis d'accord. Le terrorisme est grave. Mais il prendra un visage humain dans ce pays, et ce sera celui des Arabes et des musulmans.

• 1135

Mon ami ici dit que cette menace terroriste ne sera jamais pire que ce que notre gouvernement imposera à sa population. L'histoire nous enseigne que c'est faux. Aucun mouvement d'opposition, aucun groupe terroriste n'a jamais commis de génocides ni abusé des droits de la personne comme des gouvernements organisés l'ont fait. Ce pays ne fait pas exception.

Ce groupe—les musulmans et les Arabes—sera victimisé, comme l'ont été auparavant les Italiens, les Japonais, les Doukhobors, les Autochtones, les Canadiens français, les Ukrainiens et ainsi de suite.

Vous n'avez pas besoin de confier aux forces de police des pouvoirs et des moyens draconiens, comme nous n'en avons pas vu depuis l'Inquisition de l'Église chrétienne. Elles les ont. C'est le pouvoir qu'elles détiennent.

Le président: J'aimerais remercier tous nos témoins. Nous avons pris plus de temps que prévu. Il va être 11 h 30. Nous avons un nouveau groupe de témoins, et chacun aura la possibilité d'intervenir. Je remercie beaucoup les témoins de leur présence.

Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre au prochain groupe de témoins de venir s'asseoir.

• 1136




• 1143

Le président: La 43e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, consacrée à l'étude du projet de loi C-36, reprend.

Le nouveau groupe de témoins comprend Salam Elmenyawi, du Muslim Council of Montreal, ainsi que Anne Lowthian et Palbinder Schergill, de la World Sikh Organization.

Avant de commencer, j'espère qu'il n'y a personne ici du Regroupement des organismes musulmans de Montréal.

Veuillez commencer.

M. Salam Elmenyawi (porte-parole, Muslim Council of Montreal): Bonjour. Au nom du Muslim Council of Montreal, j'aimerais tout d'abord remercier l'honorable président et les honorables membres du comité de nous donner l'occasion de leur faire part de nos préoccupations.

• 1145

Deuxièmement, j'aimerais réitérer notre condamnation des horribles attaques du 11 septembre sur des civils et de toutes les attaques semblables contre des civils dans le monde.

Je suis ici aujourd'hui pour transmettre le message des musulmans du Québec, message auquel adhèrent de nombreux autres Canadiens, profondément inquiets des effets du projet de loi C-36 sur les libertés fondamentales. Vous avez déjà entendu bon nombre d'entre eux et vous en entendrez d'autres après moi qui sont versés dans le domaine du droit. Mais ma position est un peu plus difficile et compliquée du fait du bref préavis que j'ai reçu et de mon manque de connaissances juridiques. Les Canadiens auraient certainement besoin de plus de temps pour réfléchir à ce projet de loi et en débattre.

La meilleure façon de décrire ma position est sans doute de raconter l'histoire de la congrégation qui a perdu son imam, c'est- à-dire son chef religieux, et qui cherche quelqu'un pour diriger les prières, faire le sermon et diriger la prière hebdomadaire. Ils désignent la personne qui a la barbe la plus longue, qui ne connaît peut-être pas tous les faits et toutes les questions, mais qui, sur leur insistance, se lève et leur demande: «Savez-vous de quoi je vais parler?» Ils répondent oui, et lui, il dit alors: «Dans ce cas, je n'ai aucune raison de vous parler.»

Une semaine plus tard, la même chose se répète, mais cette fois, ils ont décidé que lorsqu'il leur posera la question, ils répondront non. Donc, il dit: «Savez-vous de quoi je vais parler?» Ils répondent non et lui, il dit: «Dans ce cas, vous ne méritez pas que je vous parle.» La troisième semaine, la même chose se répète, mais cette fois, ils ont décidé que la moitié d'entre eux dira oui et l'autre moitié, non. Donc, lorsqu'il demande: «Savez-vous de quoi je vais parler?», la moitié dit oui et l'autre moitié dit non. Et lui, il dit: «Eh bien, laissons ceux qui savent parler à ceux qui ne savent pas.»

Ceci dit, je dirais que nous sommes presque tous d'accord sur le fait que ce projet de loi enfreint les droits des Canadiens, les libertés et la justice fondamentale. Je me fais l'écho de ceux qui critiquent le projet de loi, qui cause, à juste titre, une très grande souffrance et beaucoup d'angoisse chez de nombreux Canadiens, et plus particulièrement dans la communauté musulmane.

Les experts conviennent que le projet de loi est loin d'être parfait. Voici un bref résumé de certains des problèmes.

Premièrement, le relâchement de la règle de droit et de la justice fondamentale, notamment le pouvoir arbitraire que détient un agent du gouvernement sur une personne ou les biens d'une personne, les renseignements secrets, les renseignements fournis par l'étranger et l'absence de mécanismes de contrôle.

Deuxièmement, la violation de la Charte des droits et libertés, notamment la liberté d'expression, la liberté d'association, le droit de pas être privé de la vie, de la liberté et de la sécurité de sa personne, sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale, le droit à la protection contre les fouilles et les saisies abusives, le droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires, le droit au silence, le droit à un procès équitable et le droit à une protection égale de la loi. Ce sont des principes fondamentaux de notre système juridique, qui ne peuvent être restreints que si cela est justifié dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Troisièmement, la définition de l'activité terroriste est trop vaste et trop globale. Le projet de loi doit être plus précis afin d'éviter de cibler de façon disproportionnée les musulmans ou les dissensions politiques légitimes.

Quatrièmement, le manque d'uniformité dans l'application de la loi, plus particulièrement en ce qui concerne les crimes haineux. Tous les médias, y compris la presse écrite et les organismes de radiodiffusion, devraient être visés.

Cinquièmement, il faudrait complètement modifier les procédures relatives à l'établissement de la liste des entités terroristes, en ajoutant des mécanismes de protection pour éviter des erreurs, qui, en raison de la gravité des accusations, pourraient entraîner la perte de l'entité.

Sixièmement, en raison des peines graves prévues, il est essentiel de prouver l'intention criminelle, plus précisément dans le cas des accusations de facilitation et de celles touchant les organismes de bienfaisance.

Septièmement, il faut supprimer la disposition sur les peines cumulatives.

Huitièmement, les arrestations sans mandat d'arrêt doivent être limitées aux cas où l'acte terroriste va être commis de façon imminente.

Neuvièmement, il faut réintroduire le droit au silence ou bien ajouter des mesures de protection et des garanties pour empêcher l'utilisation de preuves contre la personne en accordant une immunité totale.

• 1150

Dixièmement, malheureusement pour les organismes de bienfaisance, un certain nombre des dispositions du projet de loi C-16 semblent réapparaître, comme les preuves secrètes, la culpabilité par association, la justice rétroactive, le manque d'uniformité et l'absence de possibilités d'appel, tout ce qui gênera les activités des organismes de bienfaisance canadiens, en particulier les organismes musulmans. Dans ces conditions spéciales, un organisme reconnu coupable perdrait son statut d'organisme de bienfaisance, ce qui pourrait non seulement paralyser un organisme honnête, mais également le stigmatiser ainsi que ses membres et la communauté qu'il représente, en le désignant comme un organisme terroriste ou favorable au terrorisme. Ce serait lui causer un préjudice irréparable et l'obliger à se défendre contre ces accusations, ce qui serait très coûteux et le conduirait à sa perte.

Onzièmement, on doit continuer d'interdire la divulgation de renseignements sur les organismes de bienfaisance et les personnes accusés, comme il est proposé dans le projet de loi.

Il est très important de remédier à ces graves imperfections du projet de loi et à d'autres imperfections, comme l'ont recommandé les experts. Un mémoire conjoint sera présenté par la Muslim Lawyers Association, au sujet de certaines de ces recommandations. En attendant, et même après avoir réglé ces problèmes, il faudra adopter une disposition de temporisation pour cette loi qui enfreint les libertés. Il est très important d'adopter une telle disposition pour limiter la possibilité d'abus et d'application abusive du projet de loi.

En réfléchissant à tout cela, je ne pouvais m'empêcher de penser à une histoire bien triste qui s'est produite il y a 29 ans. À mon arrivée au Canada, j'ai rencontré Dawood Yahoda, un Juif égyptien, qui était arrivé au Canada en même temps que moi. Yahoda, qui avait le sens de l'humour, m'a raconté qu'il avait été accusé d'être membre de l'organisation des Frères musulmans en Égypte et qu'on l'avait emprisonné avec de nombreux autres membres de cette organisation. Sa meilleure défense était de répéter qu'il était juif, mais personne ne l'écoutait. Finalement, l'ordre de libération des Frères musulmans est arrivé. Lorsque tout le monde a été relâché sauf Yahoda, il s'est plaint. On lui a dit: «Nous avons l'ordre de libérer les Frères musulmans, mais comme vous dites que vous êtes juif, nous n'avons pas l'ordre de vous libérer.» Cela ne l'a donc pas aidé, ni d'une façon ni de l'autre.

Cela m'a fait de la peine. Mais j'étais aussi soulagé d'être loin de tels régimes. Je pensais qu'un jour, tout cela finirait grâce à la démocratie. Mais maintenant, avec le projet de loi C-36, nous donnons aux tyrans et aux despotes de tous poils toute latitude, grâce aux renseignements secrets que peuvent fournir des gouvernements étrangers, de faire faire leur sale travail par les Canadiens. Nous sommes prêts à accepter des renseignements provenant d'États qui n'hésitent pas à forger nos passeports canadiens et qui utiliseront le projet de loi dans leur propre intérêt politique. C'est inacceptable.

De plus, l'histoire et l'expérience de lois semblables au sud de la frontière nous disent que les musulmans seront ciblés de façon disproportionnée par l'application de ce projet de loi, du fait que les médias ne cessent de propager des stéréotypes et de calomnier les musulmans et l'islam. Et du fait que l'aumône est un article de foi et l'un des cinq piliers de l'islam, les musulmans sont tenus de contribuer à des oeuvres de charité, non seulement parce qu'ils le souhaitent, mais également parce leur religion l'exige.

Il ne faut pas oublier que même si les musulmans représentent 27 p. 100 de la population mondiale, 80 p. 100 des réfugiés dans le monde sont des musulmans qui s'attendent à ce que ceux qui ont plus de moyens au Canada, qui bénéficient d'une vie confortable, les aident à sortir de la misère et de la pauvreté. Cela rendrait les musulmans encore plus vulnérables que n'importe lequel des effets draconiens de cette loi.

Si nous voulons nous joindre aux efforts internationaux pour vaincre le terrorisme, nous devons nous attaquer à ses racines et faire porter nos efforts dans cette direction. Il n'existe pas de système de justice parfait dans le monde, mais le système canadien est l'un des meilleurs. Mais même dans ce système, avec les mécanismes de surveillance dont nous disposons, nous commettons encore des erreurs, nous emprisonnons et nous ruinons la vie de personnes innocentes. Il serait totalement injuste que les Canadiens adoptent ce projet de loi, car lorsqu'il n'y a pas de justice pour certains, il n'y a de justice pour personne. Ou comme l'a dit Martin Luther King, «Une injustice commise quelque part menace la justice partout». Il est préférable que dix coupables soient en liberté que de voir un innocent souffrir. Ici, nous punissons beaucoup de gens sous prétexte que, peut-être, un jour, nous attraperons un coupable.

On dit que l'accusé est innocent jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable, mais ici, non seulement l'accusé est-il coupable jusqu'à ce qu'il ait été reconnu innocent, mais il va avoir besoin de bien plus qu'un avocat pour se défendre contre les sorcières qui vont lui faire la chasse et réfuter les preuves secrètes produites par un État étranger. L'accusé aura besoin de ressources illimitées, dont il ne disposera peut-être pas, mais même s'il les avait, elles ne serviraient probablement à rien. Cela n'est pas justifiable.

Si vous ne modifiez pas ce projet de loi pour qu'il soit conforme à la Charte des droits et libertés, à la justice fondamentale et à l'application régulière de la loi, vous allez dire à la communauté musulmane et à bien d'autres Canadiens de différentes origines culturelles que l'on peut se passer d'eux, que vous êtes prêts à les sacrifier à la première occasion et que la démocratie n'est pas nécessairement pour tout le monde.

Nous devons trouver un juste équilibre entre la sécurité collective et les libertés individuelles, mais le fait de sacrifier nos libertés pour notre sécurité nous fera perdre les deux.

• 1155

Honorable président et honorables membres du comité, si nous ne soutenons pas la justice, la justice ne nous soutiendra pas. La justice doit non seulement être rendue, mais elle doit être perçue, de façon manifeste et sans équivoque, comme étant rendue. En terminant, je demande humblement la bénédiction de Dieu. Puisse-t-Il protéger chacun d'entre vous. Puisse-t-Il vous guider vers une voie honorable qui soit juste et équitable.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Lowthian.

Mme Anne Lowthian (directrice exécutive, World Sikh Organization): Merci, monsieur le président, et bonjour.

La World Sikh Organization existe depuis 1984, à l'échelle nationale et internationale. Nous avons contribué à divers programmes, par exemple, pour éduquer les différents paliers de gouvernement au sujet de la foi sikhe, faire admettre le port des turbans à la GRC et ainsi de suite. Et chaque fois, la communauté sikhe a dû justifier ses croyances, ses perceptions et son existence même au Canada—et nous l'avons fait devant des tribunaux. Dans bon nombre de ces cas, nous avons bénéficié de conseils juridiques. Dans ce cas-ci, pour notre présentation, comme nous l'avons fait pour le projet de loi C-16 et bien d'autres, je vous présente notre conseillère juridique, Palbinder Schergill.

Mme Palbinder Schergill (conseillère juridique, World Sikh Organization): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je tiens d'abord à vous remercier de donner à la World Sikh Organization la possibilité d'être présente à ces audiences.

Je sais que nous sommes pressés, c'est pourquoi je vais attirer votre attention sur les principales questions qui préoccupent la World Sikh Organization au sujet du projet de loi. Je tiens à dire cependant que de nombreuses autres questions que je ne vais pas aborder nous préoccupent tout autant, mais compte tenu de la portée du projet de loi et du temps limité qui nous est imparti, je n'en aborderai que quelques-unes.

J'ai préparé un bref mémoire. Je crois comprendre que l'on ne peut pas le distribuer car il n'a pas encore été traduit. Mais nous en avons des exemplaires ici, et je demanderais instamment aux membres du comité de les prendre à la fin de l'audience.

La World Sikh Organization fait valoir que le projet de loi suscite de graves préoccupations dans quatre domaines essentiels. Le premier a trait à la définition de termes comme «activité terroriste», «groupe terroriste» et «facilitation», qui nous semble trop large, trop vague et ne précise pas l'intention nécessaire, de sorte que l'on criminalise ainsi des activités politiques, des personnes et des groupes par ailleurs légitimes.

Deuxièmement, bon nombre des dispositions du projet de loi, comme les procédures relatives à l'arrestation à titre préventif, la liste des groupes terroristes et les infractions de facilitation, vont à l'encontre de certains articles de la Charte, notamment les articles 2, 7 et 11. J'y reviendrai plus tard.

Troisièmement, le projet de loi limite considérablement l'efficacité de lois fédérales comme la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur la protection des renseignements personnels, en permettant au procureur général du Canada, unilatéralement et sans examen, de soustraire des documents entiers ou des ministères à l'examen public et de divulguer des renseignements privés sur des Canadiens à des gouvernements étrangers.

Quatrièmement, l'absence d'une disposition de temporisation permet au gouvernement d'utiliser les pouvoirs extraordinaires accordés par le projet de loi, même dans des cas où l'état d'urgence n'existe plus.

Dans le contexte de ces réserves, je vais présenter les recommandations que nous formulons. Je suppose que le comité aura ensuite des questions concernant chacune d'elles.

Premièrement, en ce qui concerne la définition de l'activité terroriste, nous recommandons de modifier la définition contenue dans la clause 4, à l'article 83.01 qui est proposé, en modifiant les divisions 83.01(1)b)(i)(A) et 83.01(1)b)(ii)(E). En vertu de la division (i)(A), l'activité terroriste est définie comme une activité ayant une cause de nature politique, religieuse ou idéologique.

Nous pensons que cela doit être supprimé, car le terrorisme c'est le terrorisme, point. Il n'y a absolument aucune raison pour laquelle un terroriste devrait être jugé plus menaçant parce qu'il a des croyances—qu'elles soient politiques, religieuses ou idéologiques—plutôt que parce qu'il veut simplement commettre un crime et terroriser la population. Poser une bombe pour faire valoir une idéologie politique ou une croyance religieuse, n'est pas plus glorieux que poser une bombe pour des raisons économiques ou n'importe quelle raison criminelle.

• 1200

Nous croyons qu'en définissant l'activité terroriste en l'associant uniquement à un point de vue politique et religieux, non seulement nous exonérons les personnes qui commettraient des actes criminels pour d'autres raisons de toute culpabilité criminelle en vertu de ce projet de loi, mais nous criminalisons également des actes commis par des personnes qui ont simplement des convictions qui, normalement ne seraient pas jugées criminelles. Les personnes qui organisent des manifestations illégales, comme des activistes pro-avortement ou des activistes anti-avortement, qui ont des croyances religieuses et qui peuvent en fait menacer la sécurité publique, qui peuvent bloquer l'accès à une clinique d'avortement, pourraient être considérées comme des terroristes en vertu d'un projet de loi comme celui-ci.

Par conséquent, nous affirmons respectueusement que dans notre pays, le terrorisme ne peut être défini en fonction d'une idéologie religieuse ou politique. En fait, je pense que M. Toews a soulevé cette question, j'ai lu ses propos cités dans le Globe and Mail. Je crois que M. Toew craignait que nous n'embarquions dans une chasse aux sorcières religieuse, ce qui, selon moi, se produira, si nous conservons cette définition de l'activité terroriste.

La deuxième recommandation concernant l'activité terroriste consiste à retirer la division 83.01(1)b)(ii)(E), qui porte sur un acte qui perturbe gravement ou paralyse des services, des installations ou systèmes essentiels. Là encore, nous croyons que cette partie doit être retirée, car elle englobe des activités qui sont licites, des activités qui doivent avoir lieu, selon nous, dans un pays libre et démocratique, des manifestations politiques, auxquelles chacun a le droit de participer. Mais ces activités, du fait même que nous sommes préoccupés, à juste titre, par le problème du terrorisme international... Et je m'arrête ici pour dire que le terrorisme international est une menace à laquelle nous devons nous attaquer en tant que pays, et le fait que nous tentons de le faire est positif. Mais je pense que ces tentatives, traduites dans le projet de loi tel qu'il a été conçu et rédigé, vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour s'attaquer à ce très grave problème.

Si le comité croit que cette division (ii)(E) ne devrait pas être supprimée, qu'en fait la mention d'une perturbation grave d'un service essentiel doit être maintenue, nous recommandons de définir, d'une façon ou d'une autre, ce que signifie «revendication licite». Nous pouvons peut-être ajouter des mots comme «revendication par ailleurs licite», afin que quelque chose qui serait licite si ce projet de loi n'existait pas, ne soit pas maintenant jugé illicite en raison de l'existence même du projet de loi.

La troisième recommandation concerne la définition de «facilitation». Dans la clause 4, au paragraphe proposé 83.01(2), on dit que trois choses doivent être faites... On y énumère trois choses qui n'ont pas besoin d'exister pour qu'une personne soit quand même considérée comme facilitant une infraction.

Je m'arrête ici pour dire que la définition même de facilitation, une pierre angulaire de ce projet de loi, pose des problèmes à bien des égards.

Premièrement, rien ne précise ce qui doit être fait pour faciliter une activité terroriste. Ce n'est pas dans le projet de loi. Rien ne dit précisément qu'une personne A doit faire X, Y, Z et que si la personne A fait Z, Y, Z, elle a facilité une activité terroriste.

Deuxièmement, on énonce seulement dans cette définition les éléments qui ne sont pas nécessaires pour que l'on considère quand même qu'il s'agit de facilitation—c'est-à-dire que dans cette définition, il y a facilitation que la personne concernée sache ou non qu'une activité terroriste est facilitée, qu'une activité terroriste ait été prévue ou planifiée ou non, ou qu'une activité terroriste ait été mise à exécution ou non. On nous dit ce qui ne doit pas se passer, mais on ne nous dit pas ce qui doit se passer.

Troisièmement, cette définition de la facilitation ne comporte rien à propos de l'intention. Par conséquent, nous croyons qu'au minimum, cette définition doit être modifiée en supprimant l'alinéa c), «qu'une activité terroriste soit effectivement mise à exécution».

• 1205

Avec ce changement, soit une personne facilite sciemment et a l'intention de faciliter une activité terroriste—auquel cas peu importe que l'activité ait été mise à exécution ou non, puisque l'intention même rend le comportement criminel—soit, si elle ne sait pas que l'activité terroriste va être mise à exécution, au minimum, l'activité terroriste doit avoir été mise à exécution pour qu'elle soit censée l'avoir facilitée.

La recommandation suivante concerne la question de la connaissance. Nous croyons qu'il faut incorporer à ce projet de loi une clause interprétative exigeant que la Couronne prouve l'intention criminelle avant qu'un accusé puisse être reconnu coupable d'une infraction terroriste, au sens du projet de loi.

Ensuite, nous recommandons de retirer toute la section sur l'arrestation à titre préventif. Je sais que cette recommandation est très draconienne. Je pourrai en expliquer les raisons au comité, peut-être en répondant aux questions, si vous avez le temps.

De plus, nous croyons qu'il faudrait créer un organisme civil, composé d'ONG et d'autres personnes intéressées et averties, chargé de surveiller la mise en oeuvre et l'application du projet de loi.

Enfin, nous croyons que la disposition de temporisation devrait s'appliquer dans les trois ans après que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Mais bien entendu, les principales dispositions, les articles 10, 12 et 88, qui portent sur les crimes motivés par la haine, ne seraient pas visés. Ne seraient pas visées non plus les obligations internationales conformes aux instruments internationaux que nous essayons de mettre en oeuvre avec ce projet de loi.

Telles sont les recommandations que propose la World Sikh Organization.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

D'abord, M. Toews, pendant sept minutes.

M. Vic Toews: Merci.

Je vous remercie de vos exposés et je comprends très bien les préoccupations que vous avez exprimées. J'ai mentionné à d'autres occasions qu'en incluant les causes religieuses, politiques ou idéologiques dans la définition d'activité terroriste, nous menons les tribunaux canadiens, et en fait la législation canadienne, sur une voie qu'ils ont toujours refusé de suivre. En ces temps d'inquiétude accrue et de renforcement de la sécurité, nous ajoutons un élément très explosif—c'est-à-dire cerner des croyances religieuses, politiques ou idéologiques. Je pense que c'est très destructeur.

Nos alliés américains, qui ont une législation antiterroriste rigoureuse, n'ont pas jugé nécessaire de suivre cette voie. Peut- être est-ce dû à la séparation très nette entre l'Église et l'État dans ce pays, alors que nous nous situons quelque part entre le système britannique et le système américain. Comme je l'ai dit auparavant, cette phrase est peut-être un vestige de l'époque coloniale et devrait être supprimée. Je ne pense pas qu'elle ait sa place dans notre législation.

Monsieur Elmenyawi... excusez-moi si j'ai mal prononcé votre nom. Je ne m'offusque pas quand les gens ne prononcent pas le mien convenablement. C'est ma faute si je ne l'épelle pas comme il faut.

J'ai noté vos préoccupations au sujet des pouvoirs. Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Si nous sommes d'accord—et nous pouvons ne pas l'être, mais si nous le sommes—pour dire que cette loi est nécessaire, alors, c'est clair, il manque un mécanisme de surveillance dans cette loi. Je pense que nous devons, à titre de parlementaires, examiner les pouvoirs qui ont été accordés pour nous assurer qu'ils sont placés dans un contexte législatif approprié.

Par exemple, la police craint que la disposition de temporisation ne perturbe les enquêtes en cours et sa capacité à dénicher de réelles activités terroristes. Quoi qu'il en soit, les membres de l'opposition qui sont ici ont des réserves à l'égard de l'examen proposé dans le texte, car nous savons qu'il est inefficace. C'est une démarche pour la forme. Nous savons que les dispositions du Code criminel qui auraient dû être examinées il y a sept ans ne l'ont toujours pas été. Je pense donc que vos préoccupations au sujet de l'inefficacité d'un tel examen sont tout à fait justifiées.

• 1210

Si le gouvernement n'accepte pas l'idée d'une disposition de temporisation, et peut-être pour de très bonnes raisons, je pense qu'il faudrait alors envisager de renvoyer la loi au Parlement—pas simplement au comité, mais au Parlement—pour tenir un débat complet et ouvert sur la question.

Si nous ne pouvons avoir de disposition de temporisation, pensez-vous qu'il existe un autre type d'examen législatif efficace qui pourrait également répondre à vos préoccupations, étant donné que le projet de loi risque fort d'être adopté? J'essaie de trouver certaines protections.

Le président: Monsieur Elmenyawi.

M. Salam Elmenyawi: Notre discussion le démontre, je pense, nous sommes tous d'accord, d'une façon ou d'une autre, pour dire que ce projet de loi va à l'encontre des droits et des libertés civils reconnus comme fondamentaux au Canada. Par conséquent, je pense qu'il incombe au Parlement de ne pas adopter ce projet de loi, de ne pas permettre une application abusive de la loi dans cinq ou dix ans. Je pense qu'il incombe au Parlement de ne pas léguer ce genre d'héritage, de s'assurer que la première législature du XXIe siècle n'adopte pas un texte qui perpétue des applications abusives ou erronées de la loi. Le Parlement devrait dire: «Nous nous attendons à ce que le problème du terrorisme soit réglé bientôt et donc, dans trois ans—à supposer que nous ayons tort—nous laissons à la prochaine législature la responsabilité de promulguer une nouvelle loi.»

Oui, il faudra des solutions à ce moment-là, mais aujourd'hui, votre responsabilité, si vous n'allez pas être là dans trois ans, est de faire en sorte que ceux qui le seront ne prennent pas prétexte de votre action pour exercer ces abus à l'avenir.

Je pense que nous sommes tous d'accord pour trouver une solution, mais ne laissez pas la solution que vous trouverez être mal utilisée par d'autres. Nous avons vu des gens arriver au pouvoir et dire «Dans un an, nous allons avoir la démocratie», puis «Encore un an, et nous le ferons», puis un an, deux ans et vingt ans plus tard, la démocratie n'existe toujours pas dans notre pays d'origine. Par conséquent, si nous disons la même chose ici—«Un an seulement, puis nous verrons», je crains que dans trente ans d'ici, nous en soyons au même point.

Vous ne devriez donc pas lier cette législature à cet héritage. Si quelqu'un veut le faire, laissons-lui cette responsabilité.

Mme Palbinder Schergill: Merci.

Je suis sûre que je suis parmi ceux qui ont mal prononcé votre nom. J'en suis désolée.

Le Congrès juif canadien a mentionné qu'il n'y a pas de réelle distinction entre la disposition de temporisation et un examen. Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'il y a une énorme différence. L'examen permet au gouvernement d'exercer un contrôle politique sur ce qu'il va faire et quand. Il n'y a pas de garantie. Il n'y a pas d'assurance que l'examen se produira. Il n'y a pas d'assurance que l'examen sera approfondi. Rien ne garantit en fait que l'examen sera effectué en tenant compte des objections et des préoccupations soulevées à propos du projet de loi.

La disposition de temporisation est essentielle, je pense, dans le cadre d'un projet de loi comme celui-ci, où l'on traite de pouvoirs qui dépassent de loin ce à quoi nous sommes habitués au Canada. Nous pouvons avoir des discussions philosophiques sur ce que nous pouvons faire, faute d'une disposition de temporisation, ou sur la question de savoir s'il existe un processus d'examen qui soit suffisant, mais selon moi, aucun examen n'est suffisant. Je pense que nous ne pouvons pas envisager autre chose.

Soit nous sommes en guerre, auquel cas si, comme M. Owen l'a dit, ce projet de loi ne va pas aussi loin que la Loi sur les mesures de guerre, c'est tant mieux; soit nous ne sommes pas en guerre. Soit les Canadiens vivent leur vie et peuvent se livrer à toute activité qui est conforme à la Charte des droits et libertés, soit, en raison de circonstances extraordinaires, ils ne le peuvent pas. Il peut y avoir toutes sortes de circonstances extraordinaires.

• 1215

Cette menace est très réelle. C'est une menace palpable. Mais la communauté internationale a connu bien d'autres menaces et en connaîtra encore. Si nous réagissons de façon instinctive en disant que nous allons tout simplement adopter une loi et allons-y gaiement, mais surtout ne vous inquiétez pas, ça ne va pas aussi loin que la Loi sur les mesures de guerre, je ne trouve pas cela très rassurant.

Rien de moins qu'une disposition de temporisation ne satisfera les Canadiens. À défaut, il faut au moins qu'un organisme civil participe à l'examen. Pourquoi? Parce que les organismes civils, comme le comité l'a peut-être remarqué ces dernières semaines... De nombreux particuliers et organisations non gouvernementales ont pu apporter une contribution considérable au débat et au dialogue. Je pense qu'un organisme civil indépendant devrait examiner régulièrement le projet de loi pour qu'il soit mis en oeuvre comme il convient et pour surveiller d'éventuelles violations de la Charte.

Deuxièmement, s'il doit y avoir un examen gouvernemental, il doit être mandaté. Il ne suffit pas dire qu'un examen aura lieu dans trois ans. Il faut établir un mécanisme de surveillance pour s'assurer qu'il aura lieu, qu'un comité composé non seulement de membres du gouvernement, mais également de membres de l'opposition, s'en chargera et que ce comité comprendra non seulement des membres de la Chambre, mais également du Sénat, afin d'avoir tout l'éventail des opinions.

Le président: Merci.

Monsieur Bellehumeur, pendant sept minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Je vais commencer par un commentaire.

Merci beaucoup d'être venus nous expliquer votre vision des choses. Comme vous, je suis d'avis qu'il y a une nette différence entre la révision qui est prévue à l'article 145 du projet de loi et une clause crépusculaire. Il est clair que lorsqu'il y a une clause de révision, on tient pour acquis que la loi sera permanente. On ne met pas en cause la loi; on veut l'améliorer. Ce caractère de permanence est inacceptable. Quand il y a une clause crépusculaire, c'est temporaire. Dans un cas exceptionnel, on fait une loi exceptionnelle, mais cette loi ne devient pas et ne doit pas devenir la norme. Là-dessus, je suis totalement d'accord avec vous.

Il y a des choses semblables, mais qui ne sont pas nécessairement identiques. Je veux comprendre.

Dans un premier temps, je pense qu'on s'entend sur une clause crépusculaire. On doit prévoir que dans deux ans, trois ans, quatre ans ou cinq ans, cette loi mourra d'elle-même et ne sera plus appliquée au Canada. D'autre part, pendant la période de son application, il faut que ce soit vivable. Il faut que certains droits individuels et collectifs soient protégés et il faut trouver un certain équilibre si on est capable de le faire.

Pour ma part, je vois très bien une clause crépusculaire pour l'ensemble ou pour une partie du projet de loi, ainsi qu'une révision annuelle. Je suis convaincu qu'il faut avoir une révision annuelle dans le cadre de laquelle on aurait un rapport. Est-ce que ce serait un rapport émanant du ministère de la Justice ou d'un autre ministère? Est-ce que ce serait un rapport émanant d'un organisme civil, comme vous le proposez? En effet, vous proposez qu'un organisme civil fasse un rapport à la Chambre des communes, rapport faisant état du nombre d'arrestations sans mandat, du nombre de personnes sur la liste des terroristes et du montant d'argent saisi. On donnerait des détails de l'application de la loi.

Que ce soit le ministère de la Justice ou un organisme qui fasse cela, je trouve que cela ne serait pas suffisant parce que les parlementaires n'auraient aucun contrôle sur ce qu'il y a dans le rapport. Je m'explique. On sait ce qui se passe au niveau du Service canadien du renseignement de sécurité, par exemple. On a souvent des rapports du directeur, mais ce sont des rapports qu'on lit et pour lesquels on n'a pas beaucoup de suivi à faire. On n'a pas beaucoup de poigne pour interroger certaines personnes et aller au fond des choses.

Que diriez-vous si un organisme civil déposait un rapport quelconque à la Chambre des communes, qu'on prévoyait dans la loi que ce rapport doit être transmis au Comité de la justice et des droits de la personne, dont les membres auraient la possibilité de faire venir, au besoin, le directeur de l'organisme civil, le ministre de la Défense, la ministre de la Justice, le solliciteur général, des fonctionnaires et des policiers, si le rapport indique qu'il y a eu des abus, pour les questionner, que le comité avait trois mois pour faire son étude et qu'à la suite de cette étude, il devait déposer un rapport à la Chambre des communes?

• 1220

Est-ce que la conjugaison de cela et de la clause crépusculaire pourrait vous rassurer? Est-ce que je suis complètement dans le champ ou si je vous rejoins? Dites-le. Quelle est votre position par rapport à ça?

[Traduction]

M. Salam Elmenyawi: Vous avez tout à fait raison, mais encore une fois, je suis sûr—pas seulement moi, d'ailleurs, d'autres partagent cette opinion—que toute la discussion sur la disposition de temporisation ne change rien au fait que le projet de loi n'est pas acceptable tel quel, même avec une clause de temporisation. Vous voyez bien que toutes les recommandations que nous présentons n'ont rien à voir avec la disposition de temporisation. Nous disons que l'on enfreint la déclaration des droits du Canada, ce qui doit être vérifié presque tous les ans, de sorte qu'il faudra effectuer cet examen. Dans une société libre et démocratique, il faut des raisons pour prendre ces mesures, il faut justifier les raisons pour lesquelles une loi continue d'enfreindre les droits et les libertés civiles des Canadiens et donc, dans trois ans, il faut que cela s'arrête. Espérons que d'ici là, la loi aura fait son oeuvre. Cela doit être parallèle aux modifications ou aux changements recommandés.

Le président: Nous allons écouter Mme Schergill.

Mme Palbinder Schergill: Je suis d'accord avec vous, monsieur Bellehumeur. Si nous avons un examen annuel, nous aurons au moins une surveillance continue. Outre la disposition de temporisation, cela permettra peut-être de rassurer le gouvernement à propos des enquêtes de police en cours qui pourraient être perturbées et de ce qui arrivera à ces enquêtes dans trois ans si la loi cesse d'être appliquée.

Franchement, si le travail est fait correctement et conformément au projet de loi et si une surveillance est exercée régulièrement, le gouvernement devrait pouvoir, en trois ans, prendre toutes les mesures nécessaires pour que ce projet de loi soit de nouveau adopté.

Il n'y a absolument aucune raison de faire peur au public en disant que dans trois ans, nous allons avoir toutes ces enquêtes en cours et que nous ne saurons pas quoi faire. Je pense que nous n'avons aucune raison de craindre que tous ces criminels éventuels soient abandonnés dans la nature dans trois ans, car il faut bien voir que toutes les mesures qui auraient dû être prises avant que ce projet de loi ne soit proposé, seront à la disposition du gouvernement dans trois ans.

J'ose avancer que les deux mesures ne s'excluent pas mutuellement. Je suis tout à fait d'accord avec M. Elmenyawi pour dire que même si nous incorporons une disposition de temporisation, cela n'empêche pas que ce projet de loi pose encore de graves problèmes. Une fois que nous y aurons apporté tous les amendements que nous jugeons absolument nécessaires, il reste qu'à notre avis, une disposition de temporisation doit aussi y être intégrée.

Mme Anne Lowthian: N'oublions pas non plus que pour les Canadiens, l'essentiel est de participer au processus, en particulier au processus d'élaboration de lois comme celle-ci, mais également aux examens.

Si les examens annuels sont ouverts et que tout le monde y participe, que l'on prend tout le temps nécessaire pour analyser et étudier l'information que tous les intéressés peuvent fournir, on aura alors au moins une protection contre une loi qui est perçue comme contenant de nombreuses failles.

Le président: Merci.

Monsieur Blaikie, sept minutes.

M. Bill Blaikie: Monsieur le président, pour faire suite à ce qui semble être un débat sur les mérites de la disposition de temporisation, je suis d'accord avec ce qu'a dit Mme Schergill, à savoir que l'ajout de cette disposition ne veut pas dire que la loi ne sera pas promulguée à nouveau. Elle pourrait l'être en fait, si le gouvernement estime qu'elle doit l'être. Le gouvernement serait cependant obligé d'agir plutôt que de laisser la loi en l'état pour toujours par suite de son inaction. Par conséquent, je pense que le scénario qui a été décrit par quelques témoins, c'est-à-dire que tout prendrait fin dans trois ans, n'est pas nécessairement réaliste et que l'on ne devrait pas présenter la situation de cette façon.

• 1225

C'est drôle que vous ayez mentionné que M. Owen a dit—je ne me rappelle pas quand—que ce projet de loi ne va pas aussi loin que la Loi sur les mesures de guerre. Car, en fait, d'une certaine façon, il va plus loin que la Loi sur les mesures de guerre, puisque, à moins d'une disposition de temporisation, contrairement à la Loi sur les mesures de guerre, ce projet de loi une fois adopté restera en vigueur pour toujours.

En 1970, la mesure était temporaire. Elle a dû être promulguée à nouveau au printemps et prolongée pendant six mois de plus jusqu'au printemps 1971. Cela n'a même pas duré trois ans, simplement six mois. Ce projet de loi risque d'être bien pire que la Loi sur les mesures de guerre, si bon nombre des dispositions dangereuses que nous y voyons se concrétisent et sont incorporées dans le droit normal et ordinaire du pays. Cela pourrait être bien pire que la Loi sur les mesures de guerre. Je pense que c'est quelque chose dont nous devons également tenir compte.

Je pense plus particulièrement à la World Sikh Organization. Une des craintes qui ont été exprimées ici est que des organismes canadiens, qu'il s'agisse d'organismes de bienfaisance ou autres, pourraient être poursuivis diversement en vertu de ce texte, sur la foi de renseignements fournis par d'autres gouvernements.

Je fais référence à la WSO car je me souviens qu'en 1984, 1985 ou 1986, à cette époque, le gouvernement conservateur du jour disait aux députés: «Ne rencontrez pas ces gens-là, n'allez pas à leurs réunions, n'assistez pas à leurs manifestations, car ce sont...» Je ne sais s'ils utilisaient l'expression organisation terroriste à l'époque, mais c'était quelque chose de tout à fait inacceptable. Et tout cela était fondé sur des renseignements que le gouvernement canadien obtenait à l'époque du gouvernement indien.

Par conséquent, il me semble que vous avez une expérience directe de ce qui pourrait se produire, si le gouvernement canadien acceptait, sans discuter, des renseignements qui caractérisent d'une certaine manière des organismes canadiens et qui sont fournis par un gouvernement ou un pays dans lequel il existe des conflits ou des dissensions légitimes, en particulier vu les dispositions de ce projet de loi, selon lesquelles beaucoup de choses peuvent avoir lieu à huis clos. Toutes sortes de renseignements peuvent circuler en privé sans qu'elles en soient divulguées. C'est donc un problème.

Mme Palbinder Schergill: Oui et en fait, je pense que vous avez absolument raison de dire que c'est un problème très réel que la World Sikh Organization a effectivement connu. Nous pouvons certainement utiliser cet exemple pour extrapoler et montrer ce que d'autres organisations au Canada et d'autres Canadiens respectueux de la loi risquent de connaître.

Premièrement, la WSO n'est pas un organisme de bienfaisance. Elle n'a jamais demandé ni reçu ce statut. Elle n'est donc pas visée par la disposition sur les organismes de bienfaisance.

Dans ce projet de loi, en particulier en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels et tout ce qui est envisagé lorsqu'un certificat ministériel ou d'interdiction est délivré par le procureur général, ce certificat peut être délivré pour diverses raisons, mais également s'il existe un risque pour les relations internationales. Le fait même que le gouvernement a estimé nécessaire de dire qu'un risque pour les relations internationales sera suffisant pour délivrer un certificat d'interdiction signifie, selon moi, que le gouvernement veut protéger ses relations avec d'autres pays, démocratiques ou non, dont les intérêts pourraient très bien être contraires à ceux d'organisations respectueuses de la loi de ce pays.

En ce qui concerne la World Sikh Organization, tout le monde sait que le gouvernement indien n'a jamais apprécié le travail de notre organisation. Il s'agit d'un groupe de pression politique qui travaille très fort depuis 15 à 16 ans pour s'établir au Canada et au niveau international. Nous avons fait des présentations à Genève et dans le monde entier sur la question des droits de la personne dans ce pays.

Même après que la WSO ait commencé à faire ces présentations en 1983-1984, après sa création, il a fallu de nombreuses années pour que la communauté internationale reconnaisse que ce que disaient des organisations comme Amnistie internationale et la WSO était vrai, qu'il y avait dans ce pays de terribles violations des droits de la personne. Le gouvernement indien avait tout intérêt à faire en sorte que des organisations comme la WSO voient leur réputation entachée, soient calomniées et noircies.

• 1230

Sans procéder aux vérifications nécessaires qu'il aurait dû faire absolument, le gouvernement canadien, en tout cas sous les conservateurs, s'est fié presqu'exclusivement aux insinuations et aux fausses informations que lui fournissait le gouvernement indien à l'époque.

Je vais vous donner un exemple très simple, qui ne porte pas sur la World Sikh Organization, mais la communauté sikh en général. Je faisais mes études à l'Université de la Colombie-Britannique et j'étais membre de l'association étudiante appelée la Sikh Students' Association, un groupe social comme toutes les autres organisations de ce genre sur les campus universitaires. Cela remonte à 1984-1985, au point culminant des événements de cette époque.

Une de nos tâches, à l'époque, consistait à participer à la création d'une chaire d'études sikhes à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous acceptions des dons pour la création de cette chaire. Le gouvernement fédéral s'était engagé à un financement de contrepartie de 50 p. 100 des sommes recueillies de façon privée, afin de créer cette chaire.

À l'époque, Joe Clark a envoyé une lettre au président de l'Université de la Colombie-Britannique, pour dire que le gouvernement indien exerçait des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il crée une chaire d'études hindoues plutôt qu'une chaire d'études sikhes. Le gouvernement indien se demandait pourquoi on devrait créer une chaire d'études sikhes à l'Université de la Colombie-Britannique, alors que la principale religion de l'Inde est l'hindouisme et non le sikhisme, alors qu'à l'époque 75 p. 100 des immigrants venant de l'Inde étaient d'origine sikhe.

Cela a causé, à juste titre, un immense tollé. La lettre a été remise aux médias de l'université et on s'est évidemment inquiété qu'un gouvernement étranger puisse influencer ainsi une organisation universitaire indépendante.

À cette époque, nous avions également créé un fonds de bourses d'études, et les seules personnes qui avaient accès à l'information sur les donateurs étaient moi-même, notre trésorier et le service des finances de l'université.

Nous avons reçu une plainte d'un homme qui s'était rendu au consulat de l'Inde six mois après avoir donné 500 $ à l'association des étudiants sikhs pour la création du fonds de bourses d'études: on lui avait refusé un visa pour l'Inde du fait même qu'il avait fait ce don à l'association pour l'établissement du fonds.

D'où venait cette information? Comment le consulat de l'Inde l'a-t-il obtenue et pourquoi l'a-t-on utilisée pour refuser à cet homme quelque chose qui aurait dû lui être accordée d'emblée? Ce sont-là des questions fondamentales.

Tout cela s'est passé il y a environ 15 ans, à une époque où nous n'avions pas ce genre de projet de loi, où nous n'avions pas le type de pouvoirs que le gouvernement va légitimer à l'aide ce projet de loi. Si nous adoptons ce projet de loi aujourd'hui, je pense que les excès, de la part du gouvernement, de la police en particulier, bien que la police ait...

Personne n'accuse la police de ne pas vouloir maintenir l'ordre et la sécurité publics, mais la seule fonction des forces policières est de protéger le public à n'importe quel prix. Celle du gouvernement est de s'assurer que cela n'est pas fait à un prix que les Canadiens ne veulent payer. C'est là le juste milieu que doit trouver le gouvernement, et je dois dire que, selon moi, ce projet de loi ne le reflète pas.

Le président: Merci.

Monsieur Elmenyawi.

M. Salam Elmenyawi: En fait, cette question des relations internationales, en particulier des renseignements secrets et en provenance de l'étranger, est très inquiétante pour les musulmans en général, mais également pour beaucoup d'autres Canadiens, j'en suis sûr.

Il n'y pas que des gouvernements démocratiques et transparents dans le monde. Il y a toutes sortes de gouvernements différents. Par exemple ici, dans nos tribunaux, si un témoin ment, tout son témoignage est rejeté. Nous n'en acceptons pas une partie seulement. Mais par contre, nous sommes prêts à accepter les renseignements fournis par un pays qui peut avoir forgé des passeports canadiens et les avoir utilisés dans son propre intérêt. C'est de la contrefaçon, ce qui n'est pas acceptable en vertu de la loi, mais nous acceptons les renseignements de ce pays.

• 1235

Un certain nombre de problèmes géopolitiques et socio- politiques dans le monde d'aujourd'hui, en particulier dans le monde arabe, risquent de susciter des préjugés contre les musulmans et les Arabes si, pour faire cesser l'activisme, le gouvernement les cible et tente de manipuler des renseignements selon lesquels ils viennent ici et utilisent le droit canadien pour museler la controverse.

Le président: Merci.

Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Merci à tous les membres du groupe. Vous nous avez fourni de l'information qui prête à réfléchir, en particulier Mme Schergill. Ce que vous nous avez dit sur les événements qui se sont produits en vertu de nos lois actuelles est particulièrement pertinent dans le contexte de ce projet de loi.

Nous n'avons pas à remonter aussi loin. Il n'y a qu'à penser au Sommet de l'APEC en Colombie-Britannique, votre province d'origine également. Tout cela nous laisse à penser que des abus sont possibles. La question de la protection des sentiments d'un dignitaire étranger par rapport à la protection du droit légitime de protester dont jouissent les étudiants fait également très peur par rapport à des valeurs que nous chérissons.

D'autre part, toutes les discussions et les intrigues politiques à propos de la disposition de temporisation ont été influencées en grande partie par les messages contradictoires du Premier ministre sur ce que contiendra ou non ce projet de loi. Cette question de savoir si le gouvernement va accepter des amendements est omniprésente dans nos réflexions.

La question de l'accès à un avocat me préoccupe beaucoup. Nous avons entendu un certain nombre de témoins, beaucoup d'intervenants parler de la complexité de la législation et du fait qu'elle ne peut être contestée en invoquant la Charte. Je pense qu'en fait, de nombreux Canadiens, en particulier les Néo-Canadiens, ne connaissent pas vraiment leurs droits. S'ils ne peuvent pas obtenir les services d'un avocat et si par son intermédiaire, ils ne peuvent pas avoir accès à l'information que le gouvernement peut détenir à leur sujet, afin de pouvoir tout au moins la contester ou présenter une autre version des faits, les libertés fondamentales reconnues dans notre pays sont ébranlées.

Pourriez-vous donner votre opinion sur cette question de l'accès à l'information et de sa divulgation, car avec les pouvoirs accordés par ce projet de loi, le procureur général peut en fait délivrer un certificat interdisant, pour des raisons de sécurité nationale ou pour protéger la sécurité d'autrui, que l'on communique des informations sur les raisons d'une détention ou sur des décisions qui ont été prises. Et de plus, pourriez-vous nous parler de ces bavards d'avocats qui, eux, ont tout au moins la capacité d'utiliser des mécanismes juridiques pour essayer d'obtenir cette information et présenter des arguments au nom de leur client.

M. Salam Elmenyawi: J'aimerais répondre.

Aux États-Unis, on a adopté il y a dix ans la Secret Evidence Act qui permet de ne communiquer aucun renseignement. Seul le juge peut les voir. Et 13 personnes—toutes des Arabes, comme vous pouvez en douter—ont été détenues en vertu de cette loi. La plupart des juges saisis de toutes ces affaires ont demandé leur libération, mais malgré cela, on a utilisé d'autres articles de la loi pour les détenir de plus en plus longtemps. Cela s'est produit jusqu'à ce que le dernier, le numéro 13, soit libéré, juste avant que le président Bush n'entre en fonctions. On a abrogé la loi et on a donc cessé d'appliquer la Secret Evidence Act aux États-Unis. C'est très grave. Cette loi empêchait également de recourir à un avocat.

Je peux vous donner un exemple très précis. Malgré tout cela, quelqu'un a été pris entre deux feux aux États-Unis. Le 11 septembre, il était sur un vol d'Air Egypt. Il se trouvait tout simplement là. Son vol est arrivé à New York à 8 h 15 et devait repartir à 9 h 15. Tous les vols ont été annulés à 9 heures. Il a dû quitter l'avion. C'était un Palestinien. Il n'avait pas de passeport. Il n'avait que des documents des Nations unies. Il a donc été détenu. Il n'a toujours pas été libéré. Après 50 jours, aucun charge n'a été portée contre lui, mais il n'a pas d'avocat.

Tout cela s'est produit en vertu des lois qui existent aux États-Unis. Même la nouvelle loi prévoit une détention de sept jours aux États-Unis uniquement pour les immigrants, pas pour les non-citoyens. Il ne se rendait même pas aux États-Unis. On était censé le déporter, mais il n'aurait même pas dû être détenu. En fait, il venait au Canada. C'est un immigrant reçu au Canada et il vit et travaille ici depuis deux ans. C'est un homme qui est marié et qui a trois enfants. Jusqu'à présent, nous avons eu du mal à même savoir quelles étaient les accusations portées contre lui. Il n'y en a absolument pas. C'est très décourageant d'essayer de croire à la justice dans ces conditions.

• 1240

Le président: Madame Lowthian.

Mme Lowthian: Merci, monsieur le président.

Je pense que vous avez soulevé un point très important. Il s'agit de l'analyse sans discussion des renseignements présentés. Nous avons vu ce problème dans des cas touchant l'immigration et les réfugiés. Nous l'avons vu aussi dans des pays où les normes ne sont pas les mêmes qu'au Canada.

Beaucoup de communautés internationales sont très satisfaites de l'adoption de cette loi, car elle permet à ces autres pays de manipuler le système canadien—le système de gouvernement et le système judiciaire du Canada—en fournissant des renseignements que l'on ne peut pas vérifier ni réfuter car cette option n'existe pas. C'est inacceptable par rapport aux normes canadiennes.

On voit bien que les audiences à huis clos, lorsque les renseignements ne sont pas communiqués pour des raisons de sécurité nationale, auront de graves conséquences sur de nombreuses personnes. Le fait d'accorder ces privilèges à des gouvernements étrangers, à l'appareil judiciaire, est extrêmement lourd de conséquences pour les gens à qui on ne donne pas le droit fondamental de se défendre.

Encore une fois, ce genre de loi permet à un gouvernement étranger d'exercer une influence indue et de déroger à certains droits aux dépens des citoyens canadiens.

Le président: Monsieur MacKay, vous pouvez poser une très brève question si vous voulez.

M. Peter MacKay: Sur ce même sujet, seriez-vous rassuré par ce qui a été proposé par bon nombre des membres du comité, à savoir que nous ayons non seulement une plus grande discrétion judiciaire, mais également un contrôle judiciaire? Ce contrôle judiciaire est prévu dans les dispositions du projet de loi sur les organismes de bienfaisance, ironiquement, mais non en ce qui concerne certains des droits civiques plus fondamentaux touchant l'arrestation préventive, les investigations et la délivrance de certificats. Là, pas de contrôle judiciaire, et l'on ne parle pas non plus du Commissaire à l'information ni du Commissaire à la protection de la vie privée qui sont, au Parlement, les défenseurs traditionnels des intérêts particuliers.

Ne seriez-vous pas au moins rassuré si un agent du Parlement ou—je pense que c'est Mme Schergill qui l'a proposé—un organisme de surveillance, auquel participeraient les parties intéressées et les citoyens, en général, non seulement serait chargé d'examiner les cas qui se présenteraient, mais aurait également des pouvoirs d'intervention, comme un ombudsman? Ou ce pourrait être quelqu'un qui, dans les cas d'abus ou de preuves d'abus, ferait enquête et interviendrait pour s'assurer que la règle de droit est respectée, même dans ces circonstances exceptionnelles.

Le président: Madame Schergill.

Mme Palbinder Schergill: Monsieur MacKay, je pense que ce genre d'examen et ce genre d'ombudsman sont certainement nécessaires en plus d'un contrôle judiciaire, compte tenu de la situation.

Je dois dire que je ne suis pas rassurée par les dispositions recommandées concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information, car je pense que ce projet de loi déroge totalement à l'essence même de ces lois. Il leur enlève toute pertinence.

Le texte dit en fait que le gouvernement peut refuser de divulguer des informations pour protéger les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationale. En fait, la Loi sur l'accès à l'information le permet déjà. Elle contient des dispositions qui protègent l'information relative à toutes ces choses-là. Dans ce cas, pourquoi a-t-on besoin de le préciser dans ce projet de loi?

En réalité, je crois que la raison essentielle, c'est que ce texte permet d'autres choses, de façon tacite, notamment la violation du droit à la vie privée. Il permet au gouvernement, même si ce n'est pas explicite, de remettre cette information à d'autres pays, de leur fournir des renseignements sur des Canadiens, alors même que des Canadiens qui vivent ici, dans ce pays, ne peuvent pas y avoir accès.

Autrement dit, des pays tiers, des tierces parties, ont plus le droits que les gens qui vivent dans ce pays, en vertu de ce projet de loi, d'avoir des renseignements sur qui je suis, d'où je viens et j'en passe. Or, je pense que les gens d'ici ont beaucoup plus intérêt à savoir qui je suis et d'où je viens.

• 1245

J'affirme respectueusement que rien de moins que la suppression de toutes les modifications permettant la délivrance d'un certificat d'interdiction serait acceptable en vertu de la Charte des droits et libertés.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Nous aurons l'occasion, monsieur Elmenyawi, d'y revenir plus tard.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Merci, monsieur le président.

Merci pour vos exposés. J'aurais deux questions. La première porte sur la définition.

Laissez-moi me mettre à la place du gouvernement un instant, ce qui n'est pas habituel pour moi. Si je comprends bien la position du gouvernement en ce qui concerne l'inclusion de «cause de nature politique, religieuse ou idéologique» dans la définition, c'est pour distinguer ce type de criminalité de la criminalité ordinaire. Le gouvernement est prêt à s'imposer un fardeau de la preuve plus lourd en ayant à prouver un mobile. Le gouvernement veut montrer aux Canadiens que ce n'est pas un niveau ordinaire de criminalité; qu'il s'agit d'un niveau de criminalité que nous n'avons jamais vu auparavant et qu'il exige donc une réaction extraordinaire.

J'aimerais d'abord que vous me disiez, premièrement, si j'ai raison et, deuxièmement, s'il existe une autre façon d'établir ce genre de distinction entre les deux types de criminalité.

La deuxième question porte sur les contestations en vertu de la Charte, une question à propos de laquelle on se renvoie la balle constamment ici. Vous avez dit que les articles 2, 7 et 11 sont en jeu, et ce sont effectivement les articles les plus importants de la Charte. Le gouvernement estime qu'en vertu de l'article 1, il ne peut être restreint que par une règle de droit, dans des limites qui sont raisonnables et qui peuvent être justifiées dans une société libre et démocratique. Ce sera le fondement de cet argument.

Il est probable—ce n'est pas probable, c'est certain—que la loi sera contestée. Il est pratiquement certain qu'elle sera contestée au sujet des arrestations préventives, des investigations, des listes ou autres choses de ce genre. Dans tous ces articles, la preuve est prescrite d'une manière ou d'une autre, mais le gouvernement se présentera devant le tribunal en disant qu'il existe une limite justifiable.

Le fait que le gouvernement prétende qu'en réalité, la chose est justifiable parce qu'il dit qu'elle l'est vous inquiète-t-il, ou cela devrait-il inquiéter le comité? Votre principale préoccupation est-elle que la Couronne, qui représente le gouvernement dans ce cas, pourra en fait circonscrire l'audience avant que vous ne puissiez intervenir en raison de l'interaction entre ces divers articles?

Le président: Monsieur Elmenyawi.

M. Salam Elmenyawi: Je pense que vous avez soulevé un point qui a trait à la définition elle-même. Je ne suis pas vraiment d'accord, car nos lois traitent déjà de toutes ces questions. Pour faire une distinction—c'est déjà le cas en ce qui concerne les lois sur le crime organisé, on a fait une distinction pour avoir les pouvoirs nécessaires pour lutter contre le crime organisé.

Mais pour ce qui est des mouvements religieux, je ne vois pas comment cela aurait pu empêcher l'attaque du 11 septembre. Personne ne l'a revendiquée. Personne n'a prétendu que cette attaque a été perpétrée pour des raisons religieuses. Jusqu'à présent, nous attendons de savoir. Je ne sais pas comment cet article pourrait protéger les Canadiens contre une attaque comme celle du 11 septembre.

Aucune religion ne peut obliger quelqu'un à faire ce genre de chose, mais il peut y avoir des raisons politiques, des causes politiques, peut-être, la politique ou autre chose; c'est pourquoi tout cela doit être repensé. Cette définition doit être mûrement réfléchie. Il y a de nombreux problèmes.

• 1250

J'ai ici une liste. Par exemple, le Parti des travailleurs du Kurdistan est actif en Turquie. Ce groupe est banni par les États-Unis et est considéré comme un groupe terroriste, mais le KDP ou PDQ, une organisation kurde active en Irak, est appuyé par les États-Unis. Ces groupes font exactement la même chose pour appuyer exactement la même cause, exactement dans le même objectif, mais l'un est appuyé par les États-Unis et l'autre pas. L'un est un groupe terroriste et l'autre pas. Le terme lui-même pose de graves problèmes.

Comment allons-nous appliquer cette loi? Qui va décider qui sera accusé et qui ne le sera pas? Cet aspect-là soulève donc de très graves questions.

J'aimerais ajouter quelque chose. Si cet ombudsman examine certains de ces points—et bien entendu, toute autre mesure axée sur l'application régulière de la loi et la vérification sera toujours appréciée—il reste que l'accusé ne pourra pas confronter son accusateur. Il ne pourra pas vérifier les preuves. La personne qui peut le mieux réfuter les preuves est l'accusé lui-même. Il doit avoir le droit de présenter ses propres preuves. Le juge à lui seul ne peut pas savoir si les renseignements qu'il a devant lui sont exacts ou non.

L'autre point...

Le président: Monsieur Elmenyawi, j'aimerais passer à Mme Schergill. Il nous reste quatre noms sur la liste et moins de 10 minutes.

M. Salam Elmenyawi: Pas de problème.

Mme Palbinder Schergill: Monsieur MacKay, je vais d'abord répondre à la première question que vous avez posée, à propos du fardeau de la preuve, s'il est plus ou moins lourd, si le fardeau de la preuve est plus lourd en ce qui concerne le gouvernement.

Il est certain qu'en plus d'avoir à prouver qu'un crime a été commis, le gouvernement va devoir établir qu'il y a à la base une idéologie ou un mobile politique ou religieux. La question ne devrait pas être de savoir si le fardeau est plus ou moins lourd, car en fait, dans certains cas, la fardeau de la preuve sera plus lourd et dans d'autres, moins.

En ce concerne les crimes commis au nom d'une idéologie politique et religieuse, lorsqu'un service essentiel est perturbé à cause d'une idéologie politique ou religieuse—et peu importe que cette perturbation ne soit pas délibérée—l'élément mental, je veux dire le fardeau de la preuve, est beaucoup moins lourd, car tout ce que le gouvernement a à faire pour établir qu'un acte terroriste a été commis, c'est prouver que son auteur agissait au nom d'une idéologie. C'est presque comme l'argument voulant que A suive B, puisque, s'il y a une idéologie à la base, tout ce qui en résulte est désormais considéré comme une activité terroriste ou criminelle. En fait, je pense que le fardeau de la preuve devient beaucoup moins lourd.

La raison pour laquelle nous ne pouvons pas analyser la question du fardeau de la preuve est la suivante. Présumons que nous avons une preuve péremptoire que les événements du 11 septembre étaient motivés par une idéologie politique et religieuse, ce que l'on présume à l'heure actuelle, et que c'est la raison pour laquelle une guerre est en cours. Faisons disparaître ces mobiles politiques et religieux et disons que tous les événements du 11 septembre ont cependant eu lieu. Les tours jumelles n'existent plus, elles se sont écroulées, il y a eu tous ces morts et toute cette dévastation.

Juste parce que les auteurs de cet acte n'ont aucun mobile religieux, idéologique ou politique, cela rend-il leur crime moins odieux? Absolument pas. Peut-être ne serons-nous jamais en mesure de connaître leur mobile. Peut-être ne découvrirons-nous jamais pourquoi ils ont fait cela. Selon le droit canadien, nous ne sommes pas obligés d'établir le mobile d'un acte.

Le président: Merci, madame Schergill.

Je passe la parole à M. Cadman.

M. Chuck Cadman: Je suis heureux de vous revoir, madame Schergill.

Ce matin, nous avons entendu les représentants de la communauté musulmane nous dire qu'ils craignaient d'être les victimes d'un contrecoup, je pense, à juste titre. Je me demande quel est le sentiment à ce propos au sein de la communauté sikhe.

Chez moi, à Surrey, des gens de cette communauté sont venus me parler de leurs préoccupations à propos des terroristes qui opèrent au Canada, notamment après le meurtre de M. Tara Singh Hayer. On m'a présenté une pétition signée par 12 000 personnes appartenant principalement à la communauté indo-canadienne.

J'aimerais savoir quel est, en général, le sentiment au sein de la communauté sikhe à propos de ce texte législatif et si on le juge acceptable.

Mme Anne Lowthian: J'aimerais répondre à cela.

Premièrement, la WSO entend parler de nombreux crimes motivés par la haine commis à travers le monde contre des sikhs, tout simplement à cause de leur apparence. Les gens font peu d'efforts pour comprendre les différentes cultures, et c'est un des grands problèmes qui se posent—peu importe qu'il s'agisse des Arabes ou des musulmans, des chrétiens, des sikhs ou des hindous. Tout le monde est jugé en fonction de stéréotypes et en fonction de l'apparence extérieure.

• 1255

Deuxièmement, en ce qui concerne les activités terroristes au Canada, les gens ne vont pas changer d'attitude.

Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question. Est- ce que la communauté sikhe vous présente des pétitions parce qu'elle craint d'être persécutée?

M. Chuck Cadman: Non. Ce qui les préoccupe, ce sont les activités terroristes et le fait que certaines personnes soient autorisées à entrer au Canada et à demeurer au sein de leur collectivité.

Mme Anne Lowthian: Ce que nous disent en général les membres de notre communauté, c'est tout d'abord, qu'ils sont stéréotypés et qu'on les soupçonne d'être des terroristes.

M. Chuck Cadman: Oui. À ce que je sache, c'est aussi ce qui les préoccupe.

Mme Anne Lowthian: Peut-être que Palbinder pourrait vous répondre plus précisément en ce qui concerne la situation en Colombie-Britannique.

Mme Palbinder Schergill: Merci, monsieur Cadman. Nous sommes loin de Surrey-Centre.

Oui, il est vrai que la communauté sikhe est préoccupée. Elle victime d'activités terroristes depuis de nombreuses années, témoin la catastrophe d'Air India. De nombreux sikhs sont morts lorsque cet avion s'est écrasé. Le dossier n'est toujours pas fermé. Il y a toujours des procès qui n'ont pas eu lieu, etc.

C'est clair, la communauté est préoccupée. Elle est préoccupée, elle souhaite que l'on mette un terme à ces activités et elle voit la nécessité d'agir en ce sens. Mais en fait, ce n'est pas ce projet de loi qui le permettra. La véritable question dont le comité débat aujourd'hui, c'est de savoir si ce projet de loi répond à ces préoccupations de façon appropriée.

Aucune communauté ne veut se sentir en sécurité à n'importe quel prix, parce que cette sécurité a effectivement un prix. Si nous devons abandonner ou laisser tomber les valeurs qui nous sont chères en tant que Canadiens, si nous devons laisser tomber ce qui nous rend uniques au sein de la communauté internationale, alors, cette sécurité n'a aucun sens, parce que nous ne serons plus ce que nous sommes.

Le président: Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Je vous remercie tous de vos témoignages et de vos jugements perspicaces à propos de certains risques auxquels, selon vous, nous pourrions nous exposer à cause de ce texte législatif. Vous nous avez incité à réfléchir à beaucoup de choses, par exemple, la définition, et c'est très utile. Merci. Nous avons entendu de nombreuses observations à propos des nouveaux mécanismes, comme on semble les appeler, et à propos de la durée de ces dispositions et des mécanismes de contrôle qui s'y appliquent.

Voici comment je vois les choses. Dans la foulée de la question de M. Cadman, je dirais que les différentes communautés culturelles et religieuses et, plus particulièrement, les communautés d'immigrants récents craignent vraiment que la violence qu'ils ont connue dans leur pays d'origine les suive, les hante et, dans certains cas tragiques, entraîne leur mort dans ce pays.

Quelque chose comme l'arrestation préventive où, comme vous l'avez dit, je pense, il n'y a pas de contrôle judiciaire, et où vous êtes traduit devant un juge dans un délai de 24 heures, une mesure qui doit être certifiée dans la plupart des cas par le procureur général, sauf dans les cas d'extrême urgence... Je pense que cette mesure s'applique à des situations qui, grâce au renseignement et aux enquêtes, commencent à se préciser mais où il manque encore quelques pièces du puzzle. Des gens ont été identifiés; ils font partie d'un réseau. Nous savons qu'une catastrophe majeure est en préparation et qu'un acte doit être perpétré contre un groupe culturel ou ethnique. Prenez le cas de l'écrasement de l'avion d'Air India, c'est sans doute la pire catastrophe dans toute l'histoire de l'aviation.

Disons qu'il existe des doutes raisonnables, certifiés par un procureur général et qu'en conséquence, les responsables sont autorisés, ce qui est inhabituel dans notre société mais pas sans précédent, notamment vu les conséquences possibles, à traduire devant un juge dans un délai de 24 heures la personne qui est soupçonnée, de façon à avoir assez de temps pour faire tomber en place toutes les pièces du puzzle et stopper la catastrophe. Pensez-vous que c'est aller trop loin et que c'est donner trop d'importance à la sécurité dans une société démocratique où les libertés doivent être respectées?

Le président: Je vais demander à Mme Schergill de répondre et ensuite, je vais donner la parole à M. Cotler.

Madame Schergill.

Mme Palbinder Schergill: Monsieur Owen, en toute franchise, je pense que c'est aller trop loin car ce n'est pas conforme à la Charte. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que la disposition sur l'arrestation préventive criminalise essentiellement un acte qui n'a pas encore été commis.

• 1300

Il existe déjà dans le Code criminel, au paragraphe 24(1), une disposition qui s'applique à l'arrestation et à la mise en accusation d'une personne qui tente de commettre une infraction, tant et aussi longtemps que l'acte de cette personne constitue une véritable tentative et non simplement une préparation.

En vertu de cette législation-ci, il ne s'agit pas d'une tentative du tout. Premièrement, il s'agit d'une situation où l'on soupçonne une tentative. Deuxièmement, ce qui est en jeu, ce ne sont pas simplement les répercussions que peuvent avoir 24 heures de détention. En effet, on parle d'amener devant le juge la personne en question et, si le juge estime qu'il y a des éléments probants à l'appui de ces simples soupçons initiaux et qu'il pense qu'imposer des conditions est souhaitable—pas nécessaire, souhaitable—la personne en question doit prendre certains engagements et les tenir pendant une période qui peut aller jusqu'à 12 mois. Et en plus...

M. Stephen Owen: Quelque chose comme l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.

Mme Palbinder Schergill: Non, pas nécessairement.

M. Stephen Owen: C'est très semblable.

Mme Palbinder Schergill: En plus, si cette personne refuse, si elle est innocente et sait pertinemment qu'elle n'est pas sur le point de commettre un acte terroriste, elle risque une peine d'emprisonnement de 12 mois. Il ne s'agit donc pas uniquement d'une détention de 24 heures. Il y a là des conséquences probables très réelles et très concrètes, parce que le critère sur lequel on s'appuie est réduit au minimum. Il s'agit d'un simple doute et donc, ce qui se passe en réalité...

M. Stephen Owen: Un doute raisonnable, je pense.

Mme Palbinder Schergill: Un doute raisonnable. Ce critère, celui du doute raisonnable est en fait moins exigeant que celui qui était utilisé à l'origine pour arrêter les gens. En effet, pour arrêter quelqu'un, il fallait qu'il y ait une croyance raisonnable. Un agent de police arrête quelqu'un sur la foi de la croyance raisonnable qu'un acte terroriste va être commis, non pas de façon imminente, mais juste qu'il va être commis. Ici encore, rien ne dit qu'il ne s'agit pas d'une infraction qui doit être commise dans deux ans ou six mois. Rien n'exige que l'infraction en question soit imminente.

À mon avis, il faudrait remplacer le «doute» par la croyance raisonnable. Mais en outre, il faudrait qu'il existe plus que des conditions souhaitables pour que le juge puisse imposer un tel engagement. Il faut que cela soit nécessaire, parce que si vous ne pouvez pas prouver que c'est nécessaire pour empêcher la perpétration de l'infraction qui est envisagée, alors, dans ce cas, la personne visée ne devrait pas être obligée de prendre un engagement. Et il ne s'agit pas simplement d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public.

M. Stephen Owen: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Cotler, trois minutes.

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je vais reprendre exactement là où vous vous êtes arrêtés tous les deux.

Je tiens à vous dire, monsieur Elmenyawi et madame Schergill, combien j'apprécie que vous nous fassiez part de vos préoccupations qui reflètent, de façon générale, votre souci des libertés civiles et, en particulier, les inquiétudes des communautés que vous représentez.

J'ajoute que je partage vos réserves à propos de la définition du terrorisme et que je pense notamment que l'on ne devrait pas inclure dans l'infraction des éléments qui ont trait au mobile. La question que je me pose est la suivante: ces éléments devraient-ils être inclus dans le sens où ils ne devraient pas être un moyen de défense exonératoire? À cet égard, c'est tout simplement renverser la situation.

Je conviens également que dans l'article portant sur la facilitation d'une activité terroriste, ce qui concerne l'élément mental, comme vous dites, doit être clarifié.

J'aimerais mettre un point final à la discussion sur l'arrestation préventive, parce que vous avez peut-être d'autres points à soulever. Je pense que M. Owen a rappelé certaines des garanties qui se rapportent à l'arrestation préventive, une mesure qui requiert en premier lieu une autorisation ministérielle, qui est assortie d'un contrôle judiciaire et qui ne peut être prise qu'à l'égard d'une certaine personne qui est soupçonnée, pour des motifs raisonnables, de préparer un acte terroriste.

Je veux dire que même si l'on tient compte du fait que l'arrestation préventive, en soi, pose problème... J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Owen à propos du principe contextuel. En effet, ne devrions-nous pas examiner la question de l'arrestation préventive non seulement en soi—parce qu'en soi, c'est une notion qui pose problème—mais également dans le contexte de ce que l'on cherche à prévenir, et nous demander dans ce contexte, pour évaluer les différentes approches, si l'on ne devrait pas pêcher par excès de prudence et appliquer le principe de la prévention, plutôt que de favoriser une approche axée sur les libertés civiles?

Le président: Monsieur Elmenyawi.

M. Salam Elmenyawi: Mais la prudence reflétée dans le projet de loi affecte des familles, affecte des gens et affecte leur avenir, et vous leur imposez quelque chose de très sévère, de très grave qui peut les marquer pour le reste de leur vie, les stigmatiser et stigmatiser même la communauté à laquelle ils appartiennent et l'endroit où ils prient. S'ils sont musulmans et qu'ils fréquentent une certaine mosquée, les médias vont les pourchasser. Ces dernières semaines, j'ai pu voir comment les médias pourchassent des gens partout, juste à cause de leur nom. Au moment de l'affaire Ressam, nous avons même pu voir la photo d'un homme, qui était tout à fait innocent, reproduite par tous les médias et à la une des journaux sous l'étiquette terroriste. Tout le monde sait que le seul problème de cet homme, c'est son nom, qui a porté à confusion.

• 1305

La norme de preuve doit être plus stricte pour quelque chose d'aussi grave. L'information doit être claire, et il doit exister une menace imminente contre la société pour que l'on puisse détenir quelqu'un contre sa volonté; il ne faut pas mettre la barre plus bas en ces temps difficiles.

Selon nous, voici comment les gens voient les choses: si la table a quatre pieds et que la vache a quatre pattes, alors, la table est la fille de la vache. C'est le genre de logique qui prévaut la plupart du temps. C'est à cause de cela que des gens ont été arrêtés et traduits devant les tribunaux, 800 ou 1 000 aux États-Unis, et je ne vois pas pourquoi cela serait différent au Canada.

Donc, monsieur Cotler, je pense que les libertés civiles sont très importantes. Vous le savez. C'est une question très importante. Vous vous faites le champion des droits humains. Confrontés à ce genre de question, il faut que nous trouvions le juste milieu et que nous ne nous contentions pas de dire qu'au nom de la prévention, nous allons accepter tout renseignement qui nous est fourni, d'autant que nous savons que le renseignement a toujours été une chose fragile et déconnectée de bien des façons. Vous entendez une phrase en arabe, Tawakilt ala Allah, ce qui veut dire: «J'ai confiance en Dieu». Or, il a dit cela et il s'est suicidé; il était le pilote d'un avion. Donc, si quelqu'un qui n'appartient pas à la communauté musulmane et qui ne comprend ni notre culture ni nos antécédents traduit cela, il se pourrait que cela soit interprété comme une raison valable de porter préjudice à autrui. Vu notre standard de vie ici, aujourd'hui, c'est inacceptable.

Le président: Madame Schergill.

Mme Palbinder Schergill: Oui, merci.

Il y a en ce moment, d'après ce que j'ai pu lire dans les journaux il y a deux ou trois jours, environ 1 000 personnes, principalement des musulmans, qui sont détenues aux États-Unis sans que des accusations aient été portées. Ces gens-là sont détenus. Ils n'ont pas été libérés. Aucune accusation n'a été portée. On pourrait penser que peut-être, si ces gens-là n'avaient pas été musulmans et si les auteurs présumés des actes qui ont été commis le 11 septembre n'avaient pas été musulmans, ces gens-là n'auraient pas été détenus ou alors, cela aurait fait un tel scandale parmi la population qu'ils auraient été libérés. Je pense que nous nous dirigeons dans la même voie.

L'article 7 a été analysé en profondeur par la Cour suprême du Canada. Plus tôt cette année, elle a rendu une décision dans laquelle elle précisait que, sauf dans des circonstances extraordinaires, une violation de l'article 7 ne peut pas être justifiée par l'article 1. L'article 1 est celui qui porte sur la société libre et démocratique, la SLD comme l'a appelée plus tôt M. MacKay. Sauf dans des circonstances extraordinaires—est-ce que les événements du 11 septembre ont été la cause de circonstances si extraordinaires que les tribunaux sanctionneront la violation de l'article 7? Je ne pense pas. Pourquoi? Parce que les exceptions vont trop loin.

Si le gouvernement insiste pour conserver cette disposition sur l'arrestation préventive, au minimum, il faut que les conditions imposées à la personne qui est arrêtée aient un caractère «nécessaire», pour que, dans le cas où le juge impose des conditions, ce ne sont pas des conditions «souhaitables» pour prévenir la perpétration d'une infraction, ce qui signifie n'importe quelle infraction, et pas nécessairement celle qui a motivé la comparution du prévenu. Il faut qu'il y ait une «nécessité», que les conditions soient nécessaires pour prévenir une infraction qui est imminente.

Ces réserves qui permettent d'assurer, au moins, un certain contrôle sur ce qui se passe n'existent pas dans ce texte. En vertu de l'article sur l'arrestation préventive, toute personne qui professe ne serait-ce qu'une ombre d'idéologie politique pourra être arrêtée, et ce sera la même chose si des informations ont été recueillies à propos d'une personne qui est censée commettre une infraction à un certain moment, à l'avenir.

Concrètement, les agents de police doivent protéger la population. Ils vont craindre que, s'ils n'arrêtent pas telle ou telle personne, elle commette un crime. Nous devons nous assurer qu'il y a des garanties pour que d'autres types de crimes ne soient pas commis—par des gens qui ont été détenus de façon déraisonnable et indue pendant de longues périodes de temps, notamment parce qu'ils ont refusé de prendre des engagements. Voilà ce qui me préoccupe.

Le président: Merci.

Monsieur Maloney, vous avez trois minutes.

M. John Maloney (Erie-Lincoln, Lib.): J'aimerais remercier le groupe des experts qui nous ont présenté des exposés très clairs aujourd'hui.

Madame Schergill, dans votre présentation, vous avez posé la question: sommes-nous en guerre ou non? Vous avez dit que même s'il existe une réelle menace, la communauté internationale a déjà fait face à des menaces de temps à autre. Donc, en me fondant sur vos observations—et j'y lis peut-être quelque chose qui dépasse votre pensée—je présume que ce qui est en question, c'est l'ampleur de cette menace, et que vous ne pensez pas nécessairement que celle à laquelle nous faisons face est la plus sérieuse qui soit.

Si vous pensiez le contraire, si vous aviez le sentiment que cette menace est très grave, ces circonstances extraordinaires n'exigeraient-elles pas la réaction qui est formulée dans la loi, sous réserve des restrictions, des limitations et des mesures de contrôle qui sont intégrées dans ce texte?

• 1310

Mme Palbinder Schergill: Merci, monsieur Mahoney.

La raison pour laquelle j'ai fait cette observation, c'est que j'ai entendu M. Owen dire plus tôt que nous devrions trouver rassurant le fait que la privation de certains droits qu'entraîne ce projet de loi n'est rien à côté de ce qu'il y avait dans la Loi sur les mesures de guerre, ce qui implique en quelque sorte que nous ne sommes pas dans des circonstances aussi graves que si l'on avait invoqué la Loi sur les mesures de guerre et que, parce que nous sommes au-dessous de cette norme, nous ne devrions pas être préoccupés.

Essentiellement, ce que j'ai dit, c'est que soit nous sommes dans une situation que nous considérons comme une véritable crise, soit non. Je crois certainement que nous faisons face à une crise. Je n'ai aucun doute là-dessus. La véritable question qui se pose, c'est de savoir si nous réagissons d'une manière qui est conforme à l'ampleur de cette crise. Je pense que non. Selon moi, ce projet de loi reflète une réaction qui dépasse de loin l'ampleur de la crise à laquelle nous faisons face, notamment du fait que ce projet de loi n'est pas une loi sur des mesures de guerre, qui n'est censée être en vigueur que pendant six mois. Il s'agit d'une mesure législative qui est censée être en vigueur indéfiniment ou, au minimum, cinq ans ou plus.

Je ne doute absolument pas que la menace dont nous faisons l'objet, en tant que Canadiens, est très réelle. Ce sentiment est peut-être plus fort maintenant parmi les Canadiens que lorsque l'avion d'Air India s'est écrasé. Mais lorsque cette catastrophe a eu lieu, la communauté sikhe s'est sentie aussi menacée que les Canadiens le sont aujourd'hui et ce, depuis plusieurs semaines. C'est juste que maintenant, la chose a pris une dimension plus mondiale. Le phénomène s'est étendu parce que nous nous voyons menacés, nous-mêmes, notre continent, nos voisins. Le sentiment de crainte est très réel.

La World Sikh Organization ne nie pas cela, ne minimise pas cela et est persuadée que l'on doit faire quelque chose. C'est la raison pour laquelle nous sommes assis à la table. Autrement, nous dirions simplement que ce projet de loi ne devrait pas être adopté et nous quitterions la table. Selon nous, ce texte législatif soulève des problèmes. Certaines garanties doivent y être intégrées pour assurer que nous n'en faisons pas plus que ce qui est nécessaire et, même dans ce cas, pour veiller à ce que cette loi disparaisse lorsque le danger imminent semble s'être estompé. Il faudrait alors que cette loi soit promulguée à nouveau si l'on craignait qu'une nouvelle crise se produise.

Le président: Merci.

Je tiens à remercier les membres du panel. Par votre présence ici aujourd'hui, vous nous avez grandement aidés à poursuivre nos délibérations sur ce texte législatif, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner et de nous avoir fait bénéficier de vos connaissances. Merci.

La séance est levée.

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