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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 23 avril 2002




½ 1905
V         Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         Mme Fiona Wood (attachée supérieure de recherche et conférencière, Centre for Higher Education and Management Policy, School of Professional Development and Leadership, University of New England, Australie)

½ 1910

½ 1915

½ 1920

½ 1925

½ 1930

½ 1935
V         Le président
V         M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne)
V         Mme Fiona Wood

½ 1940
V         M. James Rajotte
V         Mme Fiona Wood
V         M. James Rajotte
V         Mme Fiona Wood

½ 1945
V         Le président
V         M. Joseph Volpe (Eglinton--Lawrence, Lib.)
V         Mme Fiona Wood

½ 1950
V         M. Joseph Volpe

½ 1955
V         Mme Fiona Wood
V         M. Joseph Volpe
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ)
V         Mme Fiona Wood

¾ 2000
V         M. Stéphane Bergeron
V         Mme Fiona Wood
V         M. Stéphane Bergeron
V         Mme Fiona Wood
V         M. Stéphane Bergeron

¾ 2005
V         Mme Fiona Wood
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         Mme Fiona Wood
V         M. Larry Bagnell
V         Mme Fiona Wood
V         Le président
V         Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD)
V         Mme Fiona Wood

¾ 2010
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Fiona Wood

¾ 2015
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Fiona Wood
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Fiona Wood
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne)
V         Mme Fiona Wood
V         M. Brian Fitzpatrick
V         Mme Fiona Wood

¾ 2020
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne)
V         Mme Fiona Wood
V         Le président
V         Mme Lalita Acharya (attachée de recherche du comité)
V         Mme Fiona Wood

¾ 2025
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 079 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 avril 2002

[Enregistrement électronique]

½  +(1905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Aujourd'hui, grâce à un circuit vidéo, nous accueillons Mme Fiona Wood de l'Australie. Bonsoir. Je m'appelle Walt Lastewka, je suis président du Comité de l'industrie, des sciences et de la technologie ici au Canada. Je tiens à vous remercier vivement de nous consacrer du temps ce matin pour témoigner devant notre comité.

    Quelques-uns de nos députés sont déjà arrivés mais nous en attendons d'autres, car nous venons d'aller voter à la Chambre. Quoi qu'il en soit, nous tenions à commencer. M. Serge Marcil est le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie et M. Fitzpatrick fait partie de l'opposition. Au sein de ce comité, nous travaillons tous en collaboration très étroite.

    Madame Wood, je crois savoir que vous allez faire un bref exposé, après quoi nous allons passer aux questions. Je vous cède donc la parole.

+-

    Mme Fiona Wood (attachée supérieure de recherche et conférencière, Centre for Higher Education and Management Policy, School of Professional Development and Leadership, University of New England, Australie): Merci beaucoup. Je vous suis très reconnaissante de l'invitation qui m'a été faite de participer à votre réunion. Les questions dont votre comité est saisi sont d'une très grande importance pour bon nombre de pays, y compris l'Australie. Je vous offre tous mes voeux de succès.

    J'ai pensé vous fournir quelques renseignements généraux sur le travail que j'ai effectué sur le rendement en recherche, les organismes subventionnaires et l'évaluation par les pairs. Je me penche à la fois sur l'enseignement supérieur et sur les politiques relatives aux sciences. Étant donné que dans les pays du Commonwealth, environ 40 p. 100 du soutien accordé aux sciences et à l'innovation est attribué à la recherche en enseignement supérieur, mon expérience m'a été utile. J'aimerais vous donner un bref aperçu des projets auxquels j'ai participé au cours de la dernière décennie.

    Lorsque j'ai commencé à la fin des années 80, j'ai étudié les secteurs qui influaient sur le rendement de la recherche effectuée par les universitaires. Vous l'ignorez peut-être, mais en 1988, le gouvernement australien a profondément modifié ses politiques en matière d'enseignement supérieur. Nous sommes passés d'un système binaire à un système national unifié. En outre, on a apporté des changements au fonctionnement des organismes qui finançaient la recherche comme l'Australian Research Council qui avait pris le relais de l'organisme précédent, l'Australian Research Grants Scheme. Les enjeux liés au rendement de la recherche se ressentent de la grande complexité de ce domaine. Bien entendu, les universitaires sont très préoccupés par toute mesure d'évaluation de la recherche; ils veulent que les mesures utilisées, quelles qu'elles soient, tiennent compte de la nature de leur travail et soient valides et fiables.

    J'ai ensuite participé à une étude des candidats éliminés du principal programme de subventions de l'Australian Research Council. Je cherchais à savoir si les renseignements que ces candidats rejetés avaient reçus au sujet de leurs demandes de bourses et subventions leur avaient été utiles, et particulièrement aux fins d'une nouvelle candidature. À l'époque, un tel projet semblait assez clair. Malheureusement, ses résultats ont suscité beaucoup de controverses. Ainsi, certains des candidats ont estimé qu'il y avait une très faible congruence entre les évaluateurs choisis pour évaluer leurs propositions et la nature même de leurs propositions. À leur avis, certains des évaluateurs choisis connaissaient assez peu le domaine des candidats. Certains d'entre eux ont aussi fait valoir que les remarques qu'on leur avait faites n'avaient pas été constructives. À la suite de ce projet, je me suis même dit que je devrais peut-être me munir d'un gilet pare-balles. L'étude d'une question comme l'évaluation par les pairs soulève beaucoup de passion, et comme cela a une incidence sur la répartition des fonds, les gens réagissent souvent assez vivement aux propos qui contesteraient leur compétence à évaluer la recherche de leurs semblables.

    À la même époque, j'ai commencé à étudier la commercialisation de la recherche universitaire en Australie ainsi que les enjeux et les problèmes qui y étaient liés. Je me suis ensuite penchée sur le rôle des fonds de démarrage à l'appui des sciences et de la technologie. Les fonds de démarrage accordés pour la recherche sont très appréciés, mais on ne tient pas toujours compte de l'orientation de l'organisme qui les attribue par rapport à la recherche envisagée. Ainsi par exemple, une somme de 6 000 $ à 10 000 $ peut largement favoriser une collaboration entre des scientifiques australiens et étrangers, en permettant la visite de laboratoires, la participation à des conférences et le reste.

½  +-(1910)  

    En 1993, en collaboration avec un collègue, j'ai organisé un colloque international sur la gestion et le financement des subventions de recherche. De nombreux représentants de grands organismes subventionnaires de pays comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada et les États-Unis ont estimé que leurs organismes nationaux connaissaient divers problèmes, particulièrement en ce qui a trait à l'évaluation par les pairs. Ils ont évoqué la surcharge de travail ou la perception de surcharge de travail des évaluateurs, le choix des évaluateurs compte tenu de leurs antécédents, la façon dont les renseignements relatifs aux membres des jurys étaient compilés par les organismes subventionnaires, les doutes au sujet du suivi du processus et des liens entre les aspects ex post et ex ante de la recherche. Comme c'est le cas dans d'autres organismes, au Canada, au cours des années 80 et 90, on s'est probablement concentré sur l'aspect ex ante. Cependant, le fait que les gouvernements accordent de plus en plus d'importance aux résultats obtenus grâce à leurs subventions a fait qu'on a accordé plus d'attention à l'aspect ex post du financement. De nos jours, cela demeure encore l'un des principaux enjeux du financement de la recherche scientifique. Quelles mesures devraient-on utiliser à cet égard? À quoi ressemble l'évaluation par les pairs dans le monde contemporain? Quelle est l'incidence des mesures bibliométriques sur le processus de prise de décision?

    Au milieu des années 90, j'ai aussi entrepris un projet de recherche de troisième cycle, où j'ai étudié les enjeux et les problèmes liés au financement public de la recherche fondamentale dans les universités. Cela m'a amenée à étudier le programme des grandes subventions de l'Australian Research Council, et c'était probablement la première fois qu'une personne de l'extérieur observait le processus et dans une certaine mesure évaluait les résultats d'un cycle complet d'octroi de subventions.

    En 1996, un projet d'envergure a été lancé pour le compte de l'Australian Research Council, car ce dernier est très soucieux d'assurer la qualité de son processus d'évaluation par les pairs. L'étude a permis d'identifier les points forts et les points faibles de l'évaluation par les pairs dans une perspective internationale. On a examiné la façon dont l'Australian Research Council administrait son programme de grandes subventions, ce qui a permis de cerner les problèmes du processus et d'envisager des solutions de rechange.

    J'ai établi le profil d'un cycle complet de demandes de subventions, en me penchant aussi sur les jurys d'évaluation qui y participaient. Par rapport aux évaluateurs eux-mêmes, j'ai essayé de voir combien on en retenait dans le cas d'une subvention précise, quel était le taux de réponse, dans quel établissement ils travaillaient, et la mesure dans laquelle les programmes de grandes subventions tenaient à leur avis dans le processus de prise de décision. On a observé des variations selon les disciplines en question et les établissements, les taux de réponse et la mesure dans laquelle des évaluateurs internationaux avaient été choisis. Cette dernière question demeure d'ailleurs très pertinente dans tous les organismes subventionnaires: dans quelle mesure est-ce qu'on tient compte de l'avis d'évaluateurs de l'étranger? D'après les observations que nous avons obtenues, il existe des différences dans les évaluations effectuées par des membres de jury étrangers. Les évaluateurs japonais ont tendance à être plus libéraux, ceux du Royaume-Uni sont beaucoup plus critiques, par conséquent, comment faut-il pondérer chaque remarque et chaque note des évaluateurs étrangers?

    En 1997, en collaboration avec le professeur Richard Brook, alors directeur du Engineering and Physical Sciences Research Council du Royaume-Uni et du professeur Arie Rip, professeur de sciences et de technologie à l'Université de Twente, j'ai étudié l'avenir du système d'évaluation par les pairs, lors d'un colloque organisé par l'Organisation néerlandaise de la recherche scientifique à l'intention de son directeur général adjoint en fin de mandat. J'évoquerai d'ailleurs certains points de ce colloque dans quelques instants.

½  +-(1915)  

    Enfin, il y a deux autres projets qui sont pertinents aux travaux de votre comité. Le premier est une étude que j'ai effectuée pour le compte de l'Académie des sciences d'Australie sur les réseaux internationaux et la compétitivité de l'Australie dans le domaine des sciences et de la technologie. Ce projet visait à jauger le soutien donné aux chercheurs en début de carrière pour les aider à acquérir de l'expérience internationale. Il peut s'agir de la participation à une conférence, ou bien cette expérience internationale peut consister à travailler dans un laboratoire de recherche privé en Europe ou en Amérique du Nord. Nous nous soucions particulièrement de ce soutien, parce qu'une étude bibliométrique qui a été effectuée en même temps a montré qu'il y a eu une baisse du nombre de citations de travaux scientifiques australiens, et l'une des explications invoquées pour expliquer cette situation était l'insuffisance du soutien pour permettre à nos jeunes scientifiques d'acquérir de l'expérience à l'étranger.

    Un deuxième projet consiste en une publication réalisée par l'Association médicale britannique et intituléePeer Review in Health Sciences. Dans un chapitre de cet ouvrage, le professeur Simon Wesley et moi-même nous sommes penchés sur les pratiques des organismes subventionnaires en matière d'évaluation par les pairs.

    Mes travaux les plus récents portent sur la gestion de la recherche institutionnelle. Cela s'inscrit dans le cadre d'un projet de l'OCDE. Nous avons également examiné les relations entre le fédéral et les États dans le domaine des études supérieures.

    Je vais maintenant donner un bref aperçu des questions relatives à l'évaluation par les pairs, en m'inspirant de mes travaux dans ce domaine.

    L'un des grands problèmes de l'évaluation par les pairs, c'est la définition. Je suis certaine que votre comité s'est débattu avec cette question. Il s'agit essentiellement d'un jugement porté par des scientifiques ou d'autres professionnels identifiés comme ayant les compétences voulues pour juger les travaux d'autres scientifiques dans le cadre d'un concours pour l'obtention de maigres ressources, mais en fait, l'expression est trompeuse. Quand on dit que l'évaluation est faite par des pairs, cela ne veut pas dire des égaux; ce sont plutôt les gens qui sont au premier plan dans le domaine en question. Cela pose donc souvent un problème dans les discussions sur l'évaluation par les pairs, parce que l'on ne reconnaît pas que la définition est de nature générale et que le processus lui-même de l'évaluation par les pairs est générique. Chaque organisme subventionnaire peut utiliser tout un éventail de procédures différentes en la matière . Si l'on compare les divers processus d'évaluation par les pairs d'un système à l'autre, la comparaison est très risquée si l'on ne tient pas compte du contexte historique de chaque organisme subventionnaire, des approches adoptées par les gouvernements en matière de financement et de politiques scientifiques, et aussi si l'on n'a pas une idée claire de la procédure exacte qui a été utilisée pour faire cette évaluation.

    Il n'en demeure pas moins que l'évaluation par les pairs est encore considérée comme un élément central dans le domaine scientifique. Elle est considérée comme un mécanisme de réglementation qui permet d'obtenir le meilleur contrôle de la qualité et de garantir que les deniers publics sont utilisés à bon escient dans le domaine de la recherche. Elle est également invoquée pour justifier de l'autonomie dans le domaine scientifique. Mais, bien sûr, l'histoire des organismes subventionnaires de la recherche et du recours à l'évaluation par les pairs est encore assez récente.

    Dans le passé, les gens qui prêtaient leur concours pour effectuer cette évaluation par les pairs n'étaient généralement pas payés, et il est donc intéressant de constater qu'un certain nombre de conseils subventionnaires inclinent beaucoup plus à payer les chercheurs pour les analyses qu'ils rédigent dans ce contexte. L'organisme EPSRC du Royaume-Unis en est un bon exemple. Ce souci découle essentiellement d'une perception que les chercheurs ainsi consultés sont surchargés de travail. Comme les meilleurs d'entre eux sont très sollicités et que leur temps est compté, il faut un encouragement quelconque pour s'assurer que les analyses qu'on leur commande ont une certaine valeur. L'EPSRC verse aussi aux institutions membres, depuis l'année dernière, si je ne me trompe, un paiement calculé d'après le nombre d'examens reçus par les membres du personnel. On a versé quelque 750 000 livres sterling l'année dernière pour payer les chercheurs ainsi consultés. C'est donc un changement très important dans la perception que l'on avait traditionnellement des scientifiques qui font ainsi l'analyse des projets de leurs pairs. L'avantage est que cela permet de savoir sur quoi porte l'effort scientifique relativement aux propositions de subventions à un moment donné.

½  +-(1920)  

    Évidemment, l'un des problèmes de l'évaluation par les pairs, c'est que les pairs en question peuvent être à la fois candidats et évaluateurs. C'est un grand problème en termes de conflit d'intérêts et pour ce qui est d'identifier les meilleurs évaluateurs possible d'une proposition donnée. Les organismes subventionnaires doivent en tenir compte.

    L'évaluation par les pairs est seulement un moyen pour arriver à une fin. Je pense que dans la littérature professionnelle, on a mis énormément l'accent sur l'évaluation par les pairs en tant que telle, au lieu de voir cela comme un mécanisme que les organismes subventionnaires peuvent utiliser pour déterminer la répartition des fonds.

    Un certain nombre de caractéristiques ont été identifiées comme étant souhaitables pour l'évaluation par les pairs. Chubin, aux États-Unis, a dit que ces caractéristiques sont l'efficacité, l'efficience, la responsabilité, la souplesse, une procédure rationnelle et équitable, et des mesures valides et fiables. Mais, bien sûr, en réalité, les compromis sont inévitables entre ces diverses caractéristiques souhaitables.

    Pour ce qui est de la communauté des chercheurs, nous avons un certain nombre de préoccupations majeures quant au rôle des organismes qui subventionnent la recherche pour ce qui est d'interpréter la politique gouvernementale, la destination des fonds publics, et le caractère satisfaisant du processus d'évaluation par les pairs lui-même, et la façon dont il est interprété. Ces préoccupations découlent notamment de l'ampleur de l'entreprise de recherche elle-même, et aussi de l'érosion de l'infrastructure universitaire. En Australie, c'est une préoccupation constante. La capacité de faire de la recherche est constamment supérieure aux fonds disponibles, et pour faire encore une fois un parallèle avec le Royaume-Uni, le EPSRC ne souhaite pas avoir un taux de succès supérieur à 50 p. 100 ou au tiers pour les demandes de subventions. Les Britanniques ne veulent pas qu'il y ait beaucoup plus de demandes de fonds qu'il n'y a de fonds à distribuer, et ils ne veulent pas non plus que des demandes soient envoyées prématurément à l'organisation. Par conséquent, des pressions s'exercent sur les institutions elles-mêmes qui doivent se doter de gestionnaires professionnels de la recherche, lesquels se trouvent essentiellement à faire une sorte d'évaluation préalable des propositions pour s'assurer qu'elles sont d'un calibre suffisamment élevé pour répondre aux attentes de l'organisme subventionnaire. Quant aux universités elles-mêmes, elles s'engagent à prévoir des fonds suffisants pour doter ces postes de gestionnaires supérieurs.

    Le coût élevé et la complexité de la recherche n'ont rien de nouveau. D'autres points de friction sont l'internationalisation croissante de la recherche et du développement, l'accès universel aux études supérieures, les exigences de solutions interdisciplinaires à des problèmes complexes, la difficulté de mettre fin à des travaux de recherche dans des domaines qui sont épuisés, et le vieillissement de la communauté des chercheurs, ainsi que des contraintes légales et administratives de plus en plus grandes. Nous ressentons aussi l'impact des progrès des technologies de l'information et des communications sur la production du savoir et la capacité institutionnelle de l'appuyer.

    Nous avons des problèmes comme l'exode des cerveaux, l'importation de travailleurs intellectuels et aussi le brassage des cerveaux. Un certain nombre de pays ont des préoccupations relatives à l'exode des cerveaux, mais les éléments d'information sur lesquels on se fonde sont souvent insatisfaisants et ne permettent pas d'appuyer les allégations voulant que certains pays perdent leurs plus brillants cerveaux. En Australie, il y a une perception que nous avons un exode des cerveaux, mais je crois que le débat reste ouvert, compte tenu des éléments d'information sur lesquels les organismes subventionnaires peuvent se fonder pour appuyer de telles allégations.

    Il est évident que dans beaucoup de pays, c'est tout un défi de comprendre en quoi consistent exactement les réseaux nationaux d'innovation et la façon dont ils fonctionnent, et avoir le niveau de compréhension que possèdent les scientifiques quant aux éléments qui sont en cause dans le réseau national d'innovation, constitue clairement un problème de communication pour les organismes subventionnaires et pour les universités.

    La littérature sur l'évaluation par les pairs est vaste et éparpillée. Depuis longtemps, en fait depuis la création des organismes subventionnaires, les observateurs pèsent le pour et le contre, les forces et les faiblesses de l'évaluation par les pairs. Certains se fondent sur des observations anecdotiques, d'autres sur des études qui ont été effectuées à différentes époques et dans des circonstances différentes. Il y a peu d'études systématiques établissant un lien entre le résultat obtenu par les décisions subventionnaires et les politiques de financement. La majorité des études publiées n'ont pas été faites par les gens qui ont participé de première main aux travaux des conseils subventionnaires. Elles sont plutôt réalisées par des gens qui, comme moi-même, sont des chercheurs indépendants. Ron Kostoff, du Bureau de recherche navale des États-Unis, a attiré l'attention dans le passé sur ce problème particulier. Quand on examine la littérature sur l'évaluation par les pairs, le danger est d'appliquer unilatéralement les conclusions sur les points forts et les faiblesses.

½  +-(1925)  

    Quant aux problèmes de l'évaluation par les pairs comme telle, ils se situent dans les domaines suivants: prédire les résultats d'une proposition; définir l'excellence; choisir les pairs et contrôler et évaluer leur rendement; le fonctionnement des comités mis sur pied et leur composition; les perceptions en ce qui a trait aux acheteurs, qui peuvent être des acheteurs personnels, des acheteurs éclairés, des acheteurs institutionnels; la capacité de l'évaluation par les pairs d'être utile pour l'établissement des priorités. Le coût de l'évaluation par les pairs pour les organismes subventionnaires nationaux a souvent été considérable. J'ai remarqué que, dans le cadre de l'examen quinquennal mené au Royaume-Uni sur les organismes subventionnaires, on a fait un effort déterminé pour réaliser des gains d'efficience en partageant ces activités entre les organismes subventionnaires. Si l'on introduit l'exigence non seulement d'un contrôle du processus subventionnaire, mais aussi une évaluation, cela crée clairement des coûts supplémentaires pour l'acquisition des données et la dotation en personnel dont on aura besoin pour le processus de contrôle et d'évaluation.

    Au fil des années, depuis que je travaille dans ce domaine et que j'ai affaire à des organismes subventionnaires et au processus d'évaluation par les pairs, les problèmes de transparence ont certainement été abordés par les organismes subventionnaires. Internet a beaucoup aidé à cet égard, mais il y a un danger de diffuser sur Internet des renseignements sur le fonctionnement des conseils subventionnaires, si les renseignements en question ne sont pas à jour. Cette transparence pourrait en fait avoir une incidence négative sur la compréhension des activités du conseil par les chercheurs.

    Un autre problème est l'anonymat des examinateurs. Il y a un débat continu sur la question de savoir s'il faut fournir des renseignements permettant d'identifier la personne. Dans des pays comme l'Australie, où la communauté scientifique est restreinte, l'anonymat est peut-être encore important, mais quand on a un grand bassin de chercheurs scientifiques, je ne vois personnellement aucun inconvénient à publier la liste de toutes les personnes consultées pour l'évaluation dans le cadre d'un cycle subventionnaire particulier.

    Il y a constamment des problèmes relativement à la procédure de notation. Dans quelle mesure le score reflète-t-il vraiment la qualité d'une proposition donnée? Au fil des années, différents organismes subventionnaires ont fait des expériences, mettant à l'essai toute une gamme de procédures de notation pour faire en sorte que celles-ci reflètent mieux la qualité de la proposition.

    Les conflits d'intérêts continuent d'être une source de préoccupation. Des cas d'inconduite de scientifiques ont été documentés au fil des années, mais je pense qu'il est très difficile d'établir l'ampleur du phénomène.

    L'information sur la rétroaction aux candidats varie entre les conseils. Certains conseils subventionnaires permettent un processus d'appel, qui s'applique essentiellement à l'aspect scientifique et aussi à la procédure. Le Conseil de recherche de l'Australie permet seulement les appels mettant en cause l'aspect administratif.

    La décision en matière de coûts des propositions non financées n'est pas établie d'avance.

    Bien sûr, il y a des écarts entre les diverses évaluations et l'opinion des évaluateurs. Cette question a toujours posé un problème au fil des décennies.

    En réponse à des critiques formulées à l'endroit de l'évaluation par les pairs, on demande un contrôle plus serré et un réexamen du processus, les gens s'attendant à ce qu'on mette à l'essai différentes manières de procéder. Et, bien sûr, le lien entre les aspects ex post et ex ante est beaucoup plus étroit. Il y a une plus grande transparence, et l'on consulte aussi des non-pairs, en plus des pairs. Une meilleure information sur l'évaluateur doit être compilée par les organismes subventionnaires, qui doivent aussi faire davantage appel aux médias électroniques, ce que l'on constate par exemple dans le cas de beaucoup d'organismes subventionnaires qui permettent la présentation électronique des propositions. Il y a aussi l'adoption de critères plus vastes pour l'évaluation des propositions, la mise de côté d'une proportion des subventions pour des groupes particuliers, par exemple pour les chercheurs en début de carrière, et aussi le fait de permettre, par exemple, aux candidats de transmettre une réplique à l'évaluation avant la décision finale. Le triage a été utilisé sous diverses formes. Nous avons en Australie ce que l'on appelle le «culling» ou écrémage, ce qui donne probablement l'impression d'une critique sévère du processus, c'est-à-dire se débarrasser dès le début d'un certain pourcentage de candidats qui ne sont pas jugés compétitifs. Au Royaume-Uni, je pense que cette pratique s'appelle «sifting» ou tamisage. Le paiement des évaluateurs est une autre question dont j'ai parlé tout à l'heure. L'évaluation du rendement des évaluateurs est une préoccupation constante de la plupart des organismes subventionnaires.

½  +-(1930)  

    Pour ce qui est des solutions de rechange à l'examen parlementaire, on nous a présenté dans le passé diverses suggestions: l'adoption d'une formule pour le financement, le fait d'avoir un gestionnaire de programme solide, l'adoption de subventions globales, la bibliométrie. La bibliométrie en elle-même est à mon avis insatisfaisante comme solution de rechange, bien que certains organismes subventionnaires semblent l'utiliser pour renforcer le processus. Le fait de subventionner le chercheur lui-même plutôt que son projet de recherche est une autre option. Un tribunal scientifique, proposé par exemple par Ron Kostoff aux États-Unis, est une autre option.

    À la présentation devant le NWO dont j'ai parlé tout à l'heure, je considérais qu'une question importante à poser était de savoir s'il y avait un modèle des meilleures pratiques pour les organismes qui financent la recherche. Il est clair que la loi GPRA aux États-Unis est davantage axée sur l'attente que les organismes vont s'orienter vers les meilleures pratiques possibles dans le cadre de leurs activités et de leurs concepts, de sorte que l'analyse comparative commencera à faire partie intégrante du discours des organismes subventionnaires. Ayant récemment examiné certains documents publiés par divers organismes subventionnaires dans le monde, je trouve intéressant qu'au cours des cinq dernières années, on ait fait des observations portant expressément sur l'analyse comparative pour le fonctionnement des conseils subventionnaires.

    En terminant, je voudrais faire quelques observations sur nos organismes subventionnaires en Australie. Nous avons le Conseil de recherche d'Australie et le Conseil national de recherche en santé et en médecine, les deux principaux organismes qui financent les travaux de recherche en éducation supérieure. Ils ont fait l'objet d'un certain nombre d'examens et de changements dans leurs activités, surtout en vue d'établir un lien plus étroit avec le réseau national de l'innovation. Ils ont fait l'expérience de diverses manières d'utiliser l'évaluation par les pairs et de configurer les organismes subventionnaires eux-mêmes en termes de comités, du recours aux évaluateurs, des entrevues, etc.

    Le Conseil de recherche d'Australie fonctionne maintenant comme un organisme statutaire indépendant et séparé de l'ancien ministère de l'Éducation, de la formation et des jeunes, lequel assumait auparavant la responsabilité du soutien administratif du conseil. Aujourd'hui, le conseil assume entièrement la responsabilité de tout le processus. Il possède un conseil d'administration, un président du conseil à temps partiel et un président-directeur général à temps plein. Des arrangements semblables sont en place pour le Conseil national de recherche en santé et en médecine.

    Le Conseil de recherche de l'Australie s'est orienté vers la nomination de directeurs exécutifs chargés de superviser chacun des groupes de disciplines. Ces derniers sont appuyés par des comités consultatifs d'experts et des lecteurs spécialisés dans chaque discipline. Ces lecteurs sont payés un montant nominal selon le nombre de demandes qu'ils évaluent et classent. Le conseil détermine la composition des comités consultatifs d'experts, et l'on accorde une attention beaucoup plus grande à l'évaluation du rendement des lecteurs. Il y a aussi un sous-comité de la qualité au conseil d'administration du Conseil de recherche.

½  +-(1935)  

    Ces derniers temps, l'aide va plutôt aux projets plus vastes, à plus long terme, qui favorisent la recherche en équipe, la concentration des ressources dans les universités, dans le but de calculer le véritable coût des travaux et d'améliorer la transparence et la responsabilité. Il y a maintenant au Conseil de recherche de l'Australie un certain nombre de programmes, dont un appelé discovery and linkage. Le conseil a aussi payé des bourses de prestige destinées à ramener en Australie ou à amener de l'étranger des chercheurs qui feront des travaux en Australie. La rémunération est d'environ 225 000 $ par année et l'établissement offre un ensemble de mesures de soutien financier et non financier.

    Comme vous le savez sans doute, le gouvernement australien a ordonné à son conseil de recherche d'affecter le tiers de son budget annuel de 2003 à quatre secteurs prioritaires. Les milieux scientifiques australiens ont réagi de façon mitigée et ont dénoncé le manque de consultations, ce qui reste à voir.

    En Australie, un collègue et moi-même avons fait une étude des grandes subventions versées aux universités; 69 p. 100 d'entre elles sont allées à ce que l'on appelle les huit. Ce sont des universités axées sur la recherche. On se pose des questions sur le rôle des petites universités et des universités régionales et sur l'aide qu'elles peuvent s'attendre de recevoir d'organismes comme le Conseil de recherche australien.

    J'ai eu dernièrement entre les mains un rapport d'évaluation de ce dernier. On y comparaît le coût de l'administration des divers régimes de recherche. À ce moment-là, ses coûts représentaient 1,96 p. 100 des 350 millions de dollars de fonds à verser. Pour le National Endowment for the Humanities des États-Unis, le chiffre était de 12,3 p. 100 de 136 millions de dollars. Pour le CRM canadien, le chiffre était de 3,8 p. 100 de ses 342,4 millions de dollars et pour votre Conseil de recherches en sciences humaines, il était de 8,1 p. 100. Dans le cas de l'organisation pour la recherche scientifique des Pays-Bas, il était de 3 p. 100. Une des questions qui va préoccuper les grands organismes subventionnaires du monde sera de maintenir à un pourcentage raisonnable, peu importe ce que ce sera, les fonds consacrés à l'administration grâce au recours à des bases de données électroniques, en s'assurant que la surveillance et l'évaluation sont réalisées de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. Cela soulève des inquiétudes au sujet des sommes que l'on affecte à l'administration proprement dite et à l'évaluation des méthodes du conseil subventionnaire.

    Je vais arrêter ici mon exposé. J'espère avoir abordé suffisamment de points pour que vous en trouviez qui vous intéressent.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Wood. Nous vous en sommes reconnaissants.

    D'autres députés viennent de se joindre à nous après le vote et nous allons donc passer aux questions. Monsieur Rajotte, acceptez-vous de commencer? M. Rajotte est un député de l'opposition.

+-

    M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame Wood, de comparaître devant nous aujourd'hui. Nous apprécions beaucoup cet échange de bons procédés entre nos deux pays, dans ce domaine très important.

    Tout d'abord, je voudrais parler des conflits d'intérêts. Vous avez dit que c'est toujours un sujet de préoccupation et vous avez signalé à juste titre que les chercheurs sont successivement candidats et évaluateurs. Comment en Australie arrivez-vous à réduire les risques de conflit d'intérêts?

+-

    Mme Fiona Wood: Les organismes subventionnaires australiens, comme beaucoup d'autres, ont des règles concernant les conflits d'intérêts depuis plusieurs années. Ce n'est donc pas nouveau. En ce qui concerne le Conseil de recherche australien et le NHMRC, je n'ai pas de renseignements à jour, sauf à dire qu'il existe des règles applicables à ceux qui se trouvent en situation de conflit du fait, par exemple, qu'ils appartiennent au même établissement que le candidat ou son rival dans le même domaine de recherche, surtout si le travail a d'éventuelles applications commerciales. Il peut y avoir des liens personnels, comme des liens familiaux, ou encore quelqu'un peut être un ancien étudiant de l'évaluateur. Cette information est censée être divulguée dès le début.

    Il y a deux choses ici, cependant. Lorsqu'une évaluation extérieure est demandée par les scientifiques, il faut indiquer s'il y a conflit d'intérêts. Moi-même, j'ai vu des cas où des gens avaient renvoyé leur évaluation en disant être un rival du candidat et qu'il ne leur paraissait pas indiqué de faire une évaluation. C'est la difficulté que l'on rencontre quand on a un petit bassin de chercheurs. Si vous avez un concurrent, à qui vous adressez-vous pour l'évaluation? J'estime quant à moi qu'il faut aller à l'étranger; l'évaluation se fait alors par courrier.

    Lorsque l'évaluation est effectuée par un comité de chercheurs, les organismes subventionnaires australiens font très attention au risque de conflit d'intérêts. Lorsque l'on discute de la demande d'un candidat appartenant au même établissement que l'un des membres du comité, celui-ci doit se retirer de la discussion. Il y a aussi le cas où le membre d'un comité lui-même demande des fonds, ce qui présente un autre risque de conflit. Comme je l'ai dit, les organismes subventionnaires adaptent les procédures en conséquence.

    Au Royaume-Uni, vous connaissez sans doute l'existence de la commission d'enquête Nolan sur les détenteurs de charges publiques qui a été créée il y a quelques années. La commission a recommandé sept principes à l'intention des détenteurs d'une charge publique, les organismes subventionnaires en tiennent compte dans leur travail et dans ce qu'ils attendent des évaluateurs.

    C'est une réponse un peu éclatée, mais j'espère que cela vous sera utile.

½  +-(1940)  

+-

    M. James Rajotte: Vous avez aussi parlé de pairs et de non-pairs. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

+-

    Mme Fiona Wood: Je ne sais pas si vous connaissez le fonctionnement de la Fondation néerlandaise de la technologie, qui fait partie de l'Organisation pour la recherche scientifique des Pays-Bas. Il y a quelques années, elle a fait des essais avec des pairs, c'est-à-dire des gens des milieux universitaires, et des non-pairs, essentiellement des gens du secteur privé qui finissent par se servir de tel ou tel travail de recherche; ces derniers donnent donc un son de cloche tout à fait différent pendant l'évaluation des universitaires ou de membres d'instituts publics de recherche. La STW, la Fondation néerlandaise pour la technologie, est convaincue que c'est une excellente façon d'obtenir des avis représentatifs lors de l'évaluation.

+-

    M. James Rajotte: Un des reproches que l'on fait au Canada, c'est que les candidats ne reçoivent pas suffisamment d'explications sur les raisons pour lesquelles leur projet a été rejeté. On dénonce également le fait que le mécanisme d'appel est insuffisant. Quelles explications donne le Conseil de recherche australien avec ses décisions et comment peut-on en appeler ou savoir comment elle a été prise pour pouvoir ensuite améliorer le processus grâce aux explications?

+-

    Mme Fiona Wood: Vous avez soulevé un certain nombre de questions très complexes et très importantes, je pense, sur lesquelles des organismes comme le Conseil de recherche australien se penchent toujours. L'une des grandes questions consiste à déterminer dans quelle mesure un candidat a le droit de s'attendre à une rétroaction concernant sa demande, particulièrement lorsqu'elle est rejetée. En fait, dans ce cas-ci, on parle uniquement des demandes qui ont été rejetées, c'est-à-dire la majeure partie des demandes présentées à un organisme de financement. C'est à l'organisme de financement de décider. Le type d'information qui est fourni varie certainement: Il peut s'agir de cases qui sont cochées pour indiquer une déficience au niveau de la méthodologie, le fait que le candidat n'était pas assez connu au sein de la communauté internationale, que la proposition n'était pas assez bien préparée, ou toute autre raison.

    De façon générale, le candidat reçoit les observations de l'évaluateur et a ensuite la possibilité de répliquer. La quantité d'information fournie au candidat semblait être juste et raisonnable. Le problème, naturellement, c'est lorsqu'on n'obtient que deux évaluations et qu'elles sont tout à fait opposées. Une dit que c'est ce qu'on a inventé de mieux depuis le pain tranché tandis que l'autre dit que ce n'est pas une bonne idée et que la proposition risque de ne pas donner de résultats. Comme il a en fait reçu les observations de l'évaluateur, le candidat ne sait pas exactement de quoi a tenu compte le comité. Il a cependant la possibilité de répliquer, et cela est considéré comme étant un aspect très valable du processus d'examen par les pairs au Conseil de recherche australien.

    Vous avez par ailleurs mentionné la possibilité d'appel. Aux États-Unis, certainement dans les années 90, on accordait beaucoup d'attention au mécanisme d'appel. On s'est demandé si le processus était devenu sur-bureaucratisé. Au Conseil de recherche australien, comme je l'ai déjà dit, il s'agit de l'aspect administratif, non pas d'un jugement scientifique. Par exemple, si pour une question de procédure une proposition n'était pas envoyée au moment importun aux évaluateurs, il est alors possible de porter la décision en appel, mais il n'est pas possible de porter en appel une décision concernant le bien-fondé de la proposition. Pour un certain nombre d'universitaires australiens, il s'agit là d'un problème en ce qui concerne le processus.

½  +-(1945)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Rajotte.

    Monsieur Volpe.

+-

    M. Joseph Volpe (Eglinton--Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président. Madame Wood, merci de vous adresser à nous de si loin.

    L'un des problèmes que nous avons ici, c'est que les conseils de recherche, les organismes subventionnaires, etc., fonctionnent essentiellement pour les chercheurs qui veulent maintenir la recherche à l'écart des objectifs spécifiques de la société et du commerce. Par exemple—j'espère que je ne fais pas erreur ici—d'aucuns croient que la recherche doit répondre à un objectif particulier, que les sommes dépensées pour maintenir la recherche à l'échelle nationale doivent donner des résultats. Le fait est que bon nombre des résultats de recherche se traduisent souvent par des produits pharmaceutiques, etc., et des pays comme l'Australie et le Canada accusent un retard important par rapport à plusieurs autres pays au niveau de l'innovation à cet égard. Il s'agit donc de savoir si on a un système d'évaluation par les pairs pour régler le problème de la bureaucratie ou pour examiner le bien-fondé de la recherche. Si c'est pour examiner le bien-fondé et la direction de la recherche, ne devrait-on pas avoir un modèle de partenariat, avec des fondations, etc., et l'industrie qui dirigeraient la recherche, ou est-ce que les gouvernements fonctionnent comme les entreprises et disent qu'ils veulent des résultats de rendement particuliers, des réalisations, sinon oublions ce projet de recherche?

    Tenez-vous ce dialogue, et dans l'affirmative, laquelle des deux possibilités préférez-vous?

+-

    Mme Fiona Wood: Vous posez une question à laquelle il est difficile de répondre, monsieur. Ce sont certainement des questions importantes, non seulement en Australie mais ailleurs. Si je peux m'y prendre autrement pour répondre à votre question, je dirais qu'il est intéressant de constater, lorsqu'on consulte les pages d'accueil des organismes de financement de la recherche, qu'ils ont presque tous un plan stratégique à l'heure actuelle, une approche qui est très semblable à celle du secteur privé. Reste à savoir si c'est quelque chose qui plaît aux universitaires en particulier.

    On s'attend certainement à ce que les fonds qui sont accordés pour la recherche scientifique, particulièrement aux institutions publiques, produisent un certain rendement. On reconnaît qu'il n'est pas souvent possible de mesurer directement les résultats des recherches en science fondamentale et en science stratégique, car elles ont des résultats à plus long terme pour l'industrie, particulièrement les questions sociales. Depuis quelques années en Australie, les organismes de financement offrent différents programmes de financement pour la recherche fondamentale et la recherche stratégique et pour les projets de recherche où on s'attend à ce qu'il y ait un lien avec l'industrie. Les partenariats sont très importants en Australie entre le gouvernement, les établissements d'enseignement supérieur et l'industrie. Reste à savoir si les universitaires peuvent répondre à ces attentes. Nous avons des centres de recherche coopérative en Australie qui visent en grande partie à maximiser les activités scientifiques du secteur public et du secteur privé, et ils réussissent assez bien à le faire.

    Pour ce qui est des modèles privilégiés, si on veut garder son autonomie et décider quel type de recherche on veut faire au cours d'une certaine période, on ne veut pas que les politiques de l'organisme de financement dictent au départ la façon dont on doit s'y prendre pour faire la recherche si ce n'est pas ainsi qu'on a l'intention de le faire. J'imagine, du moins certainement en Australie, qu'on est davantage conscient de l'importance des liens entre les secteurs public et privé. Ce qui est le plus préoccupant, c'est que certains domaines se prêtent davantage à ces liens que d'autres. Certains craignent de ne pouvoir participer à l'effort de recherche car ils ne peuvent démontrer un lien direct avec l'industrie.

    Est-ce que cela répond à votre question?

½  +-(1950)  

+-

    M. Joseph Volpe: J'ai l'impression, madame Wood, que vous êtes peut-être bien meilleure politicienne que bien des gens qui sont ici autour de cette table. Vous avez réussi à ce qu'on appelle ici au Canada patiner. Pour ceux qui n'ont pas de patinoire, on peut peut-être parler de danser. Quoi qu'il en soit, vous avez admirablement bien réussi à me renvoyer la balle, et je vous en félicite.

    Si je peux continuer dans la même veine et poser des questions qui visent à provoquer des réactions, il y a bien des gens qui estiment—ça fait partie du débat—qu'un scientifique n'est que le «cerveau» de tous les actifs d'un pays, tout comme l'est un professeur de poésie anglaise, de littérature ou de philosophie. Pourtant, ces derniers ne sont pas considérés comme étant utilitaires. Ils n'ont pas de fonction stratégique si ce n'est que de donner un certain caractère à la structure des valeurs et au système social d'un pays. Ce qu'ils font n'a aucune pertinence matérielle directe. Il n'y a pas de possibilité de transfert commercial. Dans un environnement où les ressources diminuent, la question de responsabilité est toujours présente, et le rendement et l'utilitarisme sont des éléments qui font tout à fait partie d'un système subventionnaire. Pourtant, chaque fois que j'ai participé à un débat sur l'évaluation par les pairs, la question principale consiste toujours à déterminer si nous devrions faire de la recherche scientifique fondamentale, ce qui est un euphémisme qui signifie faire de la recherche pour faire de la recherche. Cela nous permet de garder nos cerveaux ici, mais nous ne savons pas ce que nous allons en faire.

    Est-ce là une mauvaise interprétation du concept?

½  +-(1955)  

+-

    Mme Fiona Wood: Je ne crois pas. Je parle de désenchantement. Il y a des gens dans le secteur des humanités et des sciences sociales qui trouvent qu'ils ont beaucoup de mal à démontrer leur utilité et qui pensent que si les politique des conseils de financement sont trop étroitement liées à la production de denrées, ils n'auront plus le rôle qu'ils avaient auparavant dans le domaine de la recherche. Or certains corps d'élite comme les universitaires ont un rôle important à jouer pour informer le gouvernement et la collectivité sur des disciplines qui n'ont pas de valeur utilitaire immédiate dans la civilisation environnante. Leur efficacité en tant que groupes de pression varie, c'est le cas en Australie, mais les questions que vous soulevez sont bien réelles. Les pays qui écartent par le biais de leurs politiques de financement des personnes qui faisaient traditionnellement partie de l'activité scientifique fondamentale prennent probablement un grand risque.

    Si je peux ajouter un mot au sujet des pressions qu'exercent ces groupes d'élite, je dirais qu'ils peuvent influer considérablement sur l'attitude des gouvernements face aux politiques de financement et aux organes nationaux de financement. Je crois qu'il est aussi important que les organismes nationaux de financement aillent regarder ce qui se passe ailleurs, et c'est ce que fait manifestement le Canada. Il faut se demander s'il existe ailleurs des modèles de pratiques exemplaires dans le cadre d'organismes de financement qui appuient par exemple les sciences humaines, et voir si ces éléments apportent une contribution valable et vitale à la recherche d'ensemble au niveau national. Il reste à savoir dans quelle mesure ces groupes d'élite sont vraiment actifs et porteurs d'information et dans quelle mesure aussi les gouvernements sont ouverts à leurs arguments.

+-

    M. Joseph Volpe: Merci, madame Wood.

+-

    Le président: Merci, monsieur Volpe.

    Monsieur Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.

    Vous me permettrez de prendre le relais de M. Volpe sur la question de la recherche stratégique, dans la mesure où la question de M. Volpe était peut-être un peu tendancieuse, lorsqu'il évoquait la valeur de la recherche fondamentale, qu'il décrivait comme étant la recherche pour le plaisir de faire de la recherche.

    Votre gouvernement aurait pris, en janvier 2002, la décision de faire en sorte que le tiers du budget de subventions soit dirigé vers la recherche dans les secteurs cibles, donc la recherche dite stratégique. Est-ce à dire que, de plus en plus, on essaie de faire en sorte que la recherche ait une application concrète en Australie? Bien sûr, les deux tiers du budget vont à la recherche dite fondamentale, mais est-ce que l'on tend de plus en plus à réorienter les budgets de recherche vers la recherche dite stratégique?

[Traduction]

+-

    Mme Fiona Wood: C'est une bonne question. Vos remarques concernent le Conseil de recherche australien, et les fonds affectés à des secteurs prioritaires vont représenter environ un tiers du financement pour l'année prochaine. Le Conseil a abondamment consulté les communautés pertinentes d'Australie l'an dernier sur ce qu'elles considéraient comme les secteurs prioritaires pertinents et a présenté 12 secteurs prioritaires classés A et B. Le gouvernement a répondu, comme vous le dites, par une directive visant à financer quatre de ces secteurs, et cela a inquiété certains secteurs de la collectivité, alors que d'autres s'en réjouissaient. Je crois que l'Académie des sciences technologiques et du génie n'a pas eu d'objections à cette directive du gouvernement, mais que d'autres ont dénoncé l'intervention active du gouvernement dans l'élaboration des priorités.

    La détermination de priorités est au programme de nos conseils de financement, tant le NHMRC, le conseil médical, que le Conseil de recherche, depuis des années, et ils abordent la question sous des angles différents. C'est évidemment une question très controversée, mais l'argument pour, dans le cas de l'Australie, c'est que nous avons une très faible population. Nous avons un territoire très étendu, mais étant donné notre chiffre de population et l'éparpillement de notre savoir-faire, nous n'avons pas les moyens de tout couvrir et il est donc absolument indispensable à un moment donné de fixer des priorités. La participation des universitaires notamment à ce processus est évidemment l'une des meilleures conditions d'obtention d'un résultat qui donne satisfaction aussi bien à ceux qui font la recherche qu'au gouvernement.

¾  +-(2000)  

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Je dirais que le Canada et l'Australie partagent probablement cette particularité d'avoir un immense territoire avec une population relativement petite. C'est donc dire que votre expérience sera certainement pour nous source d'inspiration.

    Cela dit, j'ai le goût de vous poser la question personnellement. Diriez-vous que quand on affecte un tiers des budgets à une recherche plus stratégique, plus ciblée, c'est une proportion qui est acceptable ou convenable, ou si c'est une proportion qui est en deçà de ce qu'on devrait investir en termes de recherche stratégique?

[Traduction]

+-

    Mme Fiona Wood: C'est une question qui est à l'ordre du jour du gouvernement et des chercheurs depuis des décennies. J'ai bien peur de ne pouvoir vous donner une réponse satisfaisante. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il faut surveiller de près la façon dont on prend ces décisions, voir qui participe à ce processus et bien savoir quels sont les mécanismes utilisés pour contrôler les investissements, les individus, les infrastructures, les liens internationaux, ce genre de choses. Je ne peux pas vous dire que c'est une proportion excessive ou insuffisante. Tout ce que je pourrais vous dire, c'est qu'un tiers, c'était un pourcentage assez important pour des recherches ciblées, stratégiques et déterminées en fonction de priorités.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Je vais devoir être d'accord avec M. Volpe lorsqu'il dit que vous avez certainement d'excellentes qualités pour devenir politicienne en Australie.

    Cela étant dit et puisque vous semblez ne pas vouloir répondre davantage à des questions de ce genre...

[Traduction]

+-

    Mme Fiona Wood: Si je répondais à votre question, je serais probablement l'une des premières à proposer publiquement un pourcentage ou un montant d'argent bien précis. Et ce serait vraiment stupide de ma part. C'est un problème que l'on constate dans de nombreux pays. Je crois que ce qui serait bon, ce serait qu'une tribune internationale ou un atelier se penche sur ces problèmes bien précis et voie comment les gouvernements recueillent leurs informations pour prendre ce genre de décisions et comment les organismes de financement, les chercheurs, les corps d'élite contribuent à ce processus. Je crois que c'est là que vous pourriez trouver votre réponse. Naturellement, le résultat dépend beaucoup des traditions nationales, de l'histoire du pays et en particulier du gouvernement au pouvoir. Mais les comparaisons internationales sont très utiles de ce point de vue.

    C'est à peu près tout ce que je suis prête à dire sur ce sujet.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Si M. le président me le permet, je vais poser une dernière courte question.

    L'Australie et le Canada sont des nations qui doivent leur composition démographique en grande partie à l'immigration. Le gouvernement fédéral canadien a émis récemment un nouveau plan stratégique sur l'innovation dans lequel il y avait une suggestion concernant l'idée de modifier éventuellement les politiques et les formalités d'immigration pour retenir les étudiants étrangers qui auraient acquis un certain nombre de connaissances sur le territoire, afin qu'ils puissent s'intégrer plus facilement à la société canadienne et qu'on puisse les retenir afin de bénéficier de leur savoir. Pensez-vous qu'il est pertinent, pour un pays comme l'Australie, de modifier ses lois en matière d'immigration pour essayer de retenir les étudiants étrangers afin qu'ils contribuent à la recherche scientifique dans la société australienne?

¾  +-(2005)  

[Traduction]

+-

    Mme Fiona Wood: En principe, je serais très favorable à une telle démarche. D'autres personnes vous diront en revanche qu'il est bon que les étudiants étrangers, surtout s'ils sont financés par leur pays, rapportent dans leur pays le fruit de leurs études. En particulier dans le cas des pays du tiers monde, je crois qu'il est important que ces étudiants rentrent chez eux pour mettre leurs connaissances au service de leur pays. D'une manière générale, nous envisageons une internationalisation de la recherche et du développement. Nous suivons de très près les programmes-cadres de l'Union européenne qui encouragent la mobilité des universitaires, et notamment des chercheurs en début de carrière, et les échanges entre secteur public et secteur privé et entre pays. Je crois qu'il est important de bien comprendre que l'assouplissement des réglementations sur l'immigration entraîne des retombées positives aussi bien au niveau des individus qu'au niveau des pays.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Bergeron.

    Monsieur Bagnell.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

    Je n'ai qu'une question à poser. Je viens de la région la moins peuplée du Canada. C'est une région très reculée. Nos établissements universitaires sont très limités et nous n'avons pas beaucoup de gens de haut calibre. Je me demande si les établissements analogues en Australie se plaignent aussi de ne pas avoir suffisamment de fonds, d'être sous-financés et de ne pas être traités comme ils le devraient?

+-

    Mme Fiona Wood: C'est une bonne question. C'est quelque chose qui dérange effectivement beaucoup de petites universités régionales et d'universités qui ont résulté de la coupure du système, les collèges d'éducation postsecondaire. Ces établissements ont moins de prestige auprès des grands organismes de financement de la recherche que les autres établissements plus reconnus. Dans mon université, une petite université régionale, nous avons constaté un recul du nombre d'acceptation des demandes de subvention auprès du Conseil de recherche australien depuis un certain nombre d'années, recul qui s'explique par la politique de concentration et de sélectivité du Conseil, une politique axée sur le financement d'établissements qui présentent déjà une certaine masse critique en matière de rendement et de niveau d'infrastructure de recherche.

    Personnellement, je crois qu'il est essentiel qu'un pays entretienne la diversité des contributions. Et je crois qu'il est important de se pencher sérieusement sur la question du financement des universités régionales par rapport aux petites universités.

+-

    M. Larry Bagnell: À votre connaissance, existe-t-il dans le monde ou en Australie des mécanismes pour répondre à ce problème?

+-

    Mme Fiona Wood: Pas tant des mécanismes, mais il est certain que les gens sont conscients de ces problèmes. Je crois que le seul mécanisme possible, ce serait de fixer des créneaux de financement. Ou au moins, compte tenu de la contribution souhaitée, il faudrait déterminer soit que seuls les établissements qui ont une masse critique peuvent présenter une demande, soit que, dans un système diversifié d'enseignement supérieur et de recherche, les petits établissements ont aussi un rôle à jouer et qu'il est important qu'ils puissent être soutenus par le biais des organismes de financement.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Bagnell.

    Madame Desjarlais.

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

    En ce qui concerne les petits établissements régionaux, considérez-vous qu'il s'agit davantage d'une question politique que d'une question qui relève des milieux universitaires?

+-

    Mme Fiona Wood: En Australie, il s'agit à la fois d'un problème politique et universitaire. Dans notre pays, le financement des universités provient du gouvernement fédéral, depuis 1974. La responsabilité à l'égard des universités, prévue par la loi, appartient à chaque État. Il s'agit d'un mélange. Un gouvernement peut se servir du financement pour indiquer aux universités le rendement particulier qu'il attend d'elles. Mais les universités mêmes fonctionnent selon la loi en vigueur dans l'État. Les États tiennent à s'assurer que les établissements envers lesquels ils ont une responsabilité législative disposent d'un soutien. Dans les États qui ont des universités régionales, bien entendu les députés tiennent à suivre la façon dont les fonds sont répartis.

    Dans les milieux universitaires en Australie, il existe une stratification de facto que l'on appelle le groupe des huit établissements. J'en ai déjà parlé. Il s'agit d'établissements très solides, axés sur la recherche qui ont de très longs antécédents. Puis il existe une autre catégorie d'établissements, c'est-à-dire les universités qui datent d'avant 1988 et ne font pas partie du groupe des huit universités, soit l'université des établissements technologiques et les universités régionales. Je dirais que les politiques de concentration et de sélectivité privilégient nettement le groupe des huit établissements. Donc, ils pourraient être tout à fait satisfaits de politiques qui leur permettraient de continuer à recevoir une plus grande part du financement prévu. De toute évidence, les universités régionales et les universités qui résultent de l'ancienne coupure du système, qui étaient dans le secteur de l'IAO, auraient un point de vue tout à fait différent sur l'affectation des fonds.

    Il s'agit donc d'un système diversifié de recherche et d'études supérieures qui s'inscrit dans un système massif d'études supérieures. Les déclarations politiques sur la concentration et la sélectivité sont en fait très axées sur ceux qui performent et ceux dont le rendement est considéré satisfaisant.

¾  +-(2010)  

+-

    Mme Bev Desjarlais: Vous avez parlé de cette difficulté permanente de déterminer la proportion qui devrait être consacrée aux frais administratifs. Avez-vous une idée de ce qu'ils devraient être? Pourriez-vous nous indiquer quelle est approximativement la proportion des coûts administratifs à l'heure actuelle?

+-

    Mme Fiona Wood: J'ai mentionné plus tôt qu'il existe un profil qui a été préparé dans le cadre de l'examen du Conseil de recherche australien il y a plusieurs années et qui compare les frais administratifs des organismes du Canada, de l'Australie et d'ailleurs. La signification de ce pourcentage dépend de votre budget de base, de l'existence d'une norme, de ce qui est raisonnable. Je ne peux pas répondre à cette question. Il ne fait toutefois aucun doute que la question de la proportion réelle des fonds qui est consacrée à ces frais préoccupe un certain nombre d'organismes de financement.

    J'ai aussi parlé plus tôt du Conseil de recherche du Royaume-Uni. L'examen quinquennal s'est donné comme priorité de partager les pratiques exemplaires concernant l'aspect administratif des processus. Un aspect consiste à déterminer si on fait appel aux mêmes types d'évaluation par des pairs d'un organisme de financement à l'autre. Sur le plan administratif, cela serait logique; si on commençait à uniformiser entre autres les rapports d'évaluation, les formulaires de demande, cela permettrait de réaliser des économies. Donc, il semble que le gouvernement encourage fortement le partage de l'information dans un domaine évident où les organismes de financement peuvent tirer profit de leur expérience mutuelle en matière d'efficacité.

    Les chiffres remontent à 1998. Au Conseil de recherche australien, un peu moins de 2 p. 100 des fonds étaient consacrés à l'administration. Ce chiffre, chez la National Science Foundation, était d'un peu moins de 4 p. 100. C'est la National Endowment of the Humanities aux États-Unis qui affiche le pourcentage le plus important, soit un peu plus de 12 p. 100. En ce qui concerne le Conseil de recherches médicales au Canada, le chiffre était de 3,8 p. 100 et pour votre Conseil de recherches en sciences humaines, cette proportion était de 8,1 p. 100. Comme je l'ai déjà indiqué, ces chiffres remontent à 1998.

    Quant à savoir si ces pourcentages représentent la proportion voulue, je crois que la plupart des organismes de financement considéreraient que l'argent économisé au niveau des frais administratifs est de toute évidence de l'argent qui peut servir à appuyer la recherche même. Mais il s'agit d'une question d'équilibre. Il faut s'assurer d'avoir des gens extrêmement compétents qui assurent votre soutien administratif. Il faut s'assurer de mettre sur pied les systèmes appropriés, surtout dans le cas des systèmes d'information de gestion qui se trouvent en fait à ajouter de la valeur au processus plutôt que de simplement l'appuyer. Il y a aussi ceux qui s'occupent du contrôle et de l'évaluation. Une question se pose à cet égard. Est-ce que l'on confie ce travail à des consultants ou se fait-il à l'interne en tant que service faisant partie de vos activités de soutien administratif? Je crois qu'il s'agit d'un aspect où les comparaisons avec les organismes de financement à l'échelle internationale seront à mon avis très utiles.

¾  +-(2015)  

+-

    Mme Bev Desjarlais: En Australie, est-ce que le Parlement ou le gouvernement surveille la situation financière des organismes indépendants?

+-

    Mme Fiona Wood: Pourriez-vous préciser davantage ce que vous entendez par organismes indépendants?

+-

    Mme Bev Desjarlais: Suite à l'adoption de la Research Council Act en Australie, le financement du conseil de recherche continue-t-il de faire l'objet d'une surveillance gouvernementale?

+-

    Mme Fiona Wood: Le Conseil de recherche australien et le NHMRC relèvent d'un organisme créé par une loi. Il existe plusieurs formes de reddition de comptes, entre autres par le biais de leurs plans stratégiques. Il y a aussi les rapports qu'ils sont tenus de déposer annuellement auprès du Parlement. Mais pour ce qui est de leur orientation propre, il ne s'agit pas d'une surveillance au niveau de la micro-gestion. Ces organismes sont bien entendu tenus de rendre des comptes étant donné qu'ils utilisent des fonds publics. C'est pourquoi il existe un certain nombre de mécanismes de reddition des comptes, à part les rapports annuels et les réponses à leurs plans stratégiques.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Fitzpatrick.

+-

    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je vous remercie, madame Wood.

    Comme l'Australie, le Canada est un grand pays. Nous n'avons pas une forte population, nous ne sommes que 30 millions dont la majorité se trouve concentrée très près de la frontière américaine. Il me semble, compte tenu de la taille de notre pays, de nos ressources et ainsi de suite, que nous devons peut-être envisager une approche stratégique pour tous ces secteurs de la recherche. Je crois que la question est assez particulière. Êtes-vous au courant d'un modèle stratégique particulier que pourrait envisager le Canada si nous nous orientons dans cette voie, ou s'il s'agit de l'orientation que nous avons adoptée?

+-

    Mme Fiona Wood: C'est une question difficile. Je pense qu'il est encore trop tôt pour dire si les conseils de recherche restructurés, en Australie, seront un bon modèle pour ce qui est de la planification stratégique et de l'établissement des priorités pour le financement de la recherche, compte tenu des choses que je viens de dire. Je crois que l'une des choses qui influencent le plus le fonctionnement de nos organismes subventionnaires, c'est la nécessité d'avoir des économies axées sur les connaissances qui sont compétitives sur le plan international, bien plus que les problèmes associés à une petite population disséminée sur un grand territoire. Cette question de la petite population sur un grand territoire peut être résolue si on crée des liens efficaces entre nos bases de données scientifiques et une économie saine, axée sur les connaissances. Alors malheureusement, pour cette question, je n'ai pas vraiment de réponse.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: J'aurai peut-être la même réponse, pour cette question-ci. Il me semble que d'un point de vue national, dans l'intérêt de votre pays, si votre recherche ne produit pas d'avantages réels pour la société, ce n'est pas qu'elle soit sans valeur, mais elle n'est pas... Je crois que la société veut de bons résultats pour ce genre de démarches, afin de renforcer le pays, etc. Avez-vous des modèles de commercialisation qui vous semblent intéressants, pour trouver des utilités réelles à vos recherches, pour que votre pays tire profit le plus possible des percées en matière de recherche et de développement?

+-

    Mme Fiona Wood: Le gouvernement australien dispose de divers mécanismes de financement pour prendre cela en considération. Les centres de recherche coopérative sont certainement une solution attrayantes, à cause de la nécessité explicite d'associer le rendement des recherches du secteur public et celui du secteur privé à des activités avantageuses pour la collectivité australienne. En outre, la formation en recherche est un élément important de leurs activités. Nous n'en avons pas encore parlé en détail, aujourd'hui. Le genre de formation en recherche qui est offerte à nos diplômés du doctorat et à nos chercheurs en début de carrière, dans le cadre de ces divers modèles de financement, est un sujet important. Ma propre recherche porte maintenant sur la gestion de la recherche institutionnelle et on se rend compte de plus en plus qu'il faut des étudiants en recherche qui comprennent l'aspect commercialisation de la recherche et les diverses questions connexes, ainsi que l'intégration à une équipe composée de commanditaires du secteur privé et du secteur public.

    Comme je le disais, les centres de recherche coopérative sont certainement une solution à envisager. Les sociétés de recherche et de développement qui ont été créées en vertu de la loi, probablement au milieu des années 80, semblent avoir des politiques et des stratégies très efficaces pour obtenir un rendement pour leurs actionnaires. Je vous recommande donc fortement de bien examiner les activités de ces divers organismes ruraux de recherche et de développement.

    Je crois que toute cette question n'a pas cessé d'évoluer. Il est probablement encore trop tôt pour dire si l'un des modèles donne les résultats souhaités par le gouvernement, que ce soit pour les produits eux-mêmes ou pour le renforcement de l'économie du savoir.

¾  +-(2020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.

    Madame Gallant.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne): Merci.

    Madame Wood, pourriez-vous nous dire quels critères servent à déterminer quels professeurs, quels projets de recherche des universités australiennes seront subventionnés? Est-ce le nombre d'articles publiés, la durée? Dans le milieu universitaire, comment décidez-vous qui aura quoi?

+-

    Mme Fiona Wood: Il est très difficile de fournir de l'information en réponse à cette question. Divers critères sont utilisés par divers établissements, selon leur position au sein du système unifié national. Comme il y a 36 ou 37 établissements, il faut des critères communs, tout en tenant compte des différences, particulièrement en fonction des disciplines. Si l'on considère les critères importants pour l'affectation de fonds, notamment les récompenses gouvernementales pour le rendement, il ne s'agit pas simplement d'examiner les résultats de recherche exprimés par les articles scientifiques, mais aussi la quantité d'argent obtenu dans le cadre de concours de subvention et d'ententes avec le secteur privé. En outre, le gouvernement insiste beaucoup sur la formation en recherche, donc sur le nombre d'étudiants au doctorat et d'étudiants diplômés. Mais si vous voulez examiner les critères, il faut considérer les divers établissements, en plus des critères normaux évidents.

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    Le président: Je vais demander à notre attachée de recherche de poser quelques questions et de profiter de la situation. Allez-y.

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    Mme Lalita Acharya (attachée de recherche du comité): Madame Wood, vous avez proposé des solutions, outre l'évaluation par les pairs, la formule de financement, la formule de l'assiette au beurre, la bibiométrie, le financement à la performance, etc. Je me demande si ces solutions sont supérieures à l'évaluation par les pairs, ou si elles pourraient compléter cette évaluation.

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    Mme Fiona Wood: Je ne sais pas si le comité connaît bien les travaux de M. Kostoff, du U.S. Office of Naval Research. Il croit fermement que l'évaluation par les pairs, de la façon dont on l'utilise actuellement, doit être d'excellente qualité. Par exemple, il est en faveur de l'approche quasi judiciaire où les promoteurs d'un projet de recherche le défendent, où l'on discute longuement des propositions et où l'on tient compte de l'information bibliométrique.

    Il n'y a pas vraiment d'autres solutions pour les organismes subventionnaires quand il s'agit d'obtenir des données scientifiques avant de prendre leurs décisions. Il s'agit par exemple de décider si la bibliométrie a un rôle à jouer dans les décisions des organismes subventionnaires. Je pense que cette question n'est toujours pas réglée. Kostoff et d'autres tiennent beaucoup à cette information, dans le processus, mais cette solution comporte des inconvénients dont on a déjà bien parlé dans des articles professionnels. En outre, quand on commence à se servir de ce genre de renseignements de manière explicite, dans le processus, il faut consacrer des fonds à l'obtention de ces renseignements, à leur vérification, à l'uniformisation de la façon dont les divers comités d'évaluation s'en servent, à la consignation des problèmes éventuels, et de la façon dont on les règle. C'est probablement trop complexe pour bon nombre d'organismes subventionnaires, pour l'instant.

    On a bien sûr aussi songé aux loteries, mais ce n'était bien sûr que pour exprimer un mécontentement au sujet des résultats du processus d'attribution des subventions. Bien entendu, ce n'est pas une solution légitime, si l'on tient à ce que des organismes subventionnaires se chargent des efforts de financement à l'échelle nationale.

    Essentiellement, il y a diverses façons de procéder à l'évaluation par les pairs, et à l'obtention de leurs conseils, au sein des organismes subventionnaires. J'ai déjà parlé de l'importance de la contribution des pairs étrangers au processus d'évaluation et en Australie, on y a recouru à des degrés divers, avec le temps. Je pense que le problème, c'est que les évaluateurs de divers pays ne procèdent pas tous de la même façon, mais ce problème se règle de lui-même par l'internationalisation de la recherche et du développement. C'était peut-être plus grave il y a une quinzaine d'années.

    On pourrait dire qu'il s'agit d'améliorer l'évaluation par les pairs, mais il s'agit peut-être d'avoir une vision plus large et de songer aux mécanismes employés et à la façon dont sont mis sur pied les suivis et les analyses de rendement, au sein des organismes subventionnaires. C'est là qu'il faut réfléchir au budget consacré au soutien administratif, ainsi qu'à la question importante du lien entre les évaluations ex ante et ex post.

¾  -(2025)  

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    Le président: Merci.

    Merci beaucoup, madame Wood. J'apprécie énormément votre témoignage et au nom de tout le comité, je tiens à vous remercier de nous avoir consacré du temps et de nous avoir renseignés sur ce qui se passe en Australie, ce qui nous aidera pour la suite de notre étude. Merci beaucoup. Bonne journée. J'espère qu'un jour vous pourrez venir visiter le Canada, ou que nous visiterons l'Australie, pour parler un peu plus de science et de technologie. Merci beaucoup.

    Avant de terminer, j'aimerais que nous réglions un autre point à l'ordre du jour. Comme vous le savez, notre vice-président a accepté un autre poste et il nous faut élire un vice-président pour l'opposition, afin de renforcer le comité exécutif qui compte trois membres.

    Avez-vous des candidats à proposer?

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    Mme Cheryl Gallant: Je propose James Rajotte à la vice-présidence.

    Le président: M. Marcil appuie cette motion.

    (La motion est adoptée)

    Le président: Félicitations, James. Je suis ravi de vous compter dans l'équipe.

    M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.

    Le président: Merci beaucoup d'être venus ce soir. C'était bien mieux que de se lever à 4 h du matin. La séance est levée.