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HAFF Rapport du Comité

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APPENDIX III

OPINION DISSIDENTE

NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

 

Rapport minoritaire du NPD concernant l’enquête
sur l’affaire Eggleton

 

Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a reçu le mandat de mener enquête sur la question de privilège soulevée le 31 janvier 2002 concernant une accusation portée contre le ministre de la Défense nationale qui aurait induit la Chambre en erreur.  Au cours d’une période de deux semaines, le Comité a entendu les témoignages du ministre ainsi que de divers témoins, dont des membres du personnel supérieur de son ministère. 

Le Comité avait la responsabilité de décider le plus rapidement possible si le ministre de la Défense nationale avait bel et bien induit la Chambre en erreur.   Le Comité avait les mains liées au cours de l’enquête car la majorité libérale au sein du Comité a empêché que des témoins additionnels qui ne figuraient pas sur la liste préliminaire puissent comparaître.  La majorité libérale a refusé de permettre au ministre de revenir devant le Comité pour expliquer les témoignages contradictoires présentés par lui et son personnel supérieur.  La majorité libérale voulait ainsi protéger le ministre en ayant recours à des manigances partisane.  Devant le Comité, le ministre a déclaré:

(Le 25 janvier) … dans le but de me préparer à participer à la réunion du cabinet qui allait avoir lieu le mardi suivant (le 29 janvier), j’en suis venu à la conclusion qu’il était nécessaire de discuter à nouveau avec mes fonctionnaires pour mieux comprendre la mission au sujet de laquelle j’avais reçu une séance d’information le lundi précédent, mais je voulais aussi parler de la question des prisonniers et de la politique du gouvernement à cet égard.  J’ai donc commencé à tenir une série de réunions et à avoir des conversations par téléphone avec une série d’intervenants comme le Chef d’état-major de la Défense, le sous-chef d’état-major de la Défense, le sous-ministre de la Défense et le Juge avocat général qui est le premier conseiller juridique du ministère et la personne la mieux informée sur cette question au ministère.

 

Ce témoignage du ministre devant le Comité a été contredit par des déclarations  faites par des membres de son personnel lors de leur comparution le 21 février 2002.

 

Vic Toews.  :  J’ai bien compris, et vous M. Maddison, vous avez présenté au ministre le 21 janvier toute l’information disponible sur la capture de prisonniers.

Le vice-amiral Maddison:  M. le président, lorsque j’ai présenté ma séance d’information au ministre le 21 janvier 2002, j’ai déclaré qu’une mission avait eu lieu; que la mission avait été couronnée de succès; qu’elle avait été menée de façon professionnelle, qu’elle avait respecté les règles d’engagement et les consignes transmises à nos forces spéciales; que nous avions capturé des personnes soupçonnées d’être des terroristes qui avaient été transportées et remises aux autorités américaines pour qu’elles soient incarcérées.  Cela était conforme aux consignes que nos militaires avaient reçues.

 

Lors du témoignage du vice-amiral Maddison, le sous-chef d’état-major de la Défense, le Comité a appris que le ministre avait été pleinement informé des opérations menées par l’unité FOI2 à trois occasions; soit le 21 janvier, le 25 janvier et enfin lors du 29 janvier 2002. Le sous-chef d’état-major de la Défense a clairement déclaré qu’il a transmis toute l’information sur les missions de l’unité FOI2 lors de la première séance de breffage.1 

Il y a eu une autre déclaration contradictoire de la part du Chef d’état-major de la Défense qui était en vacance lorsque le ministre a affirmé qu’il avait communiqué avec lui pour obtenir plus d’information.

Le général Raymond Henault :  M, le président, je peux confirmer que je n’ai pas parlé au ministre entre le 21 et le 29 janvier lorsque je l’ai rencontré dans l’après-midi avec le sous-chef d’état-major de la Défense.  Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi il aurait dit cela parce que je peux confirmer que je n’ai pas parlé avec lui.

La décision de la majorité libérale de ne pas permettre au ministre de revenir comparaître une autre fois a empêché ce dernier d’expliquer pourquoi son témoignage contredit les déclarations faites par le sous-chef d’état-major de la Défense et le Chef d’état-major et de mener enquête sur d’autres anomalies dans le témoignage de témoins qui ont comparu devant le Comité.

Il n’est pas possible de rendre une décision sur la question de privilège sans savoir précisément à quelles dates l’unité FOI2 a mené ses missions.  Il est aussi important de savoir qu’il n’y avait pas unanimité au sein du caucus libéral au sujet de la politique relative au traitement des prisonniers capturés qui étaient remis au gouvernement américain.   La question des interventions de l’unité FOI2 a été soulevée le 17 janvier 2002 lorsque le dossier du traitement des prisonniers capturés en Afghanistan a été discuté par le Comité mixte de la Défense nationale, des Affaires étrangères et du Commerce international.  Lorsque le ministre a comparu, il a entendu tous les membres du Comité, y compris des membres d’allégeance libérale, expliquer qu’ils étaient préoccupés par le traitement des prisonniers et qu’ils se demandaient si les Américains allaient respecter les règles de la Convention de Genève relatives à la capture des prisonniers.  De plus, nous avons appris dans une lettre ouverte parue le 22 janvier 2002 dans le Globe and Mail que le député libéral d’arrière-ban, John Godfrey, avait des préoccupations au sujet du traitement des prisonniers et se demandait si les directives de l’article 4 de la Convention de Genève de 1950 allaient être respectées.  Il était alors évident aux yeux du ministre que cela allait être une question politique délicate qui suscitait des divergences d’opinions au sein de son parti. 

Peu de temps après qu’il eut comparu devant le Comité mixte, le ministre s’est rendu au Mexique dans le cadre d’un voyage ministériel.  C’est le 21 janvier 2002 alors qu’il était au Mexique qu’il a été informé par le sous-chef d’état-major de la Défense et le vice-amiral Greg Maddison de la capture de prisonniers par l’unité FOI2.2  Comme le personnel supérieur du ministre l’a expliqué au Comité des affaires de la Chambre et de la procédure, cela a été un événement majeur.  Le sous-ministre de la Défense et le vice-amiral Maddison ont présenté un long rapport exhaustif au ministre sur cet événement important. 

Le 22 janvier 2002, une photo de l’unité FOI2 en action a paru dans le Globe and Mail.  À ce moment-là, nous ne savions pas qu’il s’agissait de militaires canadiens.  Le ministre a été informé de ce fait par le vice-amiral Maddison le 25 janvier 2002.3  La photo dans le Globe and Mail constituait un développement important au sujet des décisions prises par les militaires canadiens et à l’égard de la politique étrangère du Canada.  La photo montrait noir sur blanc la décision canadienne de coopérer avec le gouvernement américain sans que les Américains n’offrent aucune garantie au sujet du traitement qui serait réservé aux prisonniers.4  Le ministre a caché de l’information sur l’identité des militaires apparaissant sur la photo jusqu’au 29 janvier 2002 lors d’un « scrum » avec les médias et non à la Chambre des communes.5  Le ministre a montré un manque de respect flagrant à l’égard du Parlement en ne transmettant pas le plus rapidement cette information aux parlementaires de la Chambre des communes.

M. Joseph Maingot, un témoin qui a comparu devant le Comité le 26 février et un expert reconnu en procédure parlementaire, a défini la notion de mépris.  Il a déclaré au sujet de la décision du président :

« Le président a craint qu’il y a eu des déclarations contradictoires, mais il y a bel et bien eu des déclarations contradictoires à l’égard d’une question très importante concernant la politique publique.

C’est juste parce qu’il appartient aux députés de déterminer ce qui est à leur avis un outrage au Parlement. Selon tout ce que vous avez entendu, un outrage ou manque de respect peut être que vous avez l’impression que la personne a intentionnellement induit la Chambre en erreur ou encore qu’il y a eu des déclarations contradictoires qui ont eu une incidence sur l’intégrité ou la dignité de la Chambre. »

Selon ce raisonnement, le ministre de la Défense a fait preuve de mépris parce que non seulement il a induit la Chambre en erreur mais il a aussi porté atteinte à la dignité de la Chambre en ne corrigeant pas ces déclarations comme il aurait pu le faire et le plus rapidement possible.  Le ministre a attendu jusqu’au moment où une question lui a été posée directement sur le sujet avant de corriger ses déclarations contradictoires.6   Bien que le ministre ait fait une déclaration à la Chambre la journée suivante, soit le 31 janvier 2002, il n’a pas présenté d’excuses à la Chambre pour avoir fait des déclarations contradictoires.7  Nous sommes loin d’une gaffe comme le membre libéral du Comité, M. Parrish, l’a expliqué au Comité le 14 mars 2002. 

Après la comparution du vice-amiral Maddison devant le Comité le 21 février 2002, le ministre s’est défendu en affirmant qu’il n’est pas faible d’esprit et qu’il n’a pas eu besoin de trois séances de breffage avant de comprendre la situation.  Il a déclaré aux médias qu’il avait compris l’importance de la situation la première fois.  Le ministre a admis que le sous-chef d’état-major de la Défense lui avait bel et bien donné une séance de breffage le 21 janvier 2002.  Et pourtant, il s’est contredit devant le Comité en affirmant qu’il avait besoin d’information additionnelle sur l’intervention du FOI2 avant qu’il ne puisse en parler au Premier ministre et au cabinet.  Cela prouve aussi que le ministre savait ce qui se passait en Afghanistan quand il était à la Chambre des communes la semaine du 28 au 31 janvier et il n’a pas transmis cette information aux députés fédéraux lorsque des questions directes lui ont été posées à la Chambre des communes.  Il incombe au Comité de veiller à ce que les parlementaires aient un comportement et attitude digne de la Chambre et respectent les règles de la Chambre des communes.   Encore une fois, le fait que le ministre n’a pris aucune mesure pour corriger la situation le plus rapidement possible à la Chambre constitue un comportement inacceptable pour un député fédéral et un ministre.

Les Forces armées canadiennes doivent savoir qu’ils sont dirigées par des leaders responsables ce qui suppose un ministre de la Défense nationale responsable.  En trompant la Chambre des communes sur les opérations de l’unité FOI2, le ministre a banalisé les préoccupations et les intérêts des forces armées canadiennes qui défendent les intérêts de notre pays lors de missions guerrières et de maintien de la paix.  Les hommes et les femmes qui composent nos forces méritent un leader en qui ils peuvent avoir confiance; un leader qui saura transmettre toute l’information vitale au sujet de leurs activités et missions.  Le ministre a induit la Chambre en erreur, a fait preuve de mépris et a manqué de respect à l’égard de la Chambre en ne rectifiant pas immédiatement la situation en Chambre comme d’autres ministres l’ont fait par le passé lorsqu’ils ont induit en erreur la Chambre.8   Il appartient au Comité de veiller au respect de la dignité de la Chambre et des règles et traditions qui y sont suivies.  Tout au long de l’histoire du Parlement, les députés fédéraux ont montré leur respect et révérence à cette institution en corrigeant et rectifiant des déclarations faites à la Chambre.  Il appartient au Comité d’assurer le respect de cette tradition parlementaire et de ne laisser personne porter atteinte à nos valeurs collectives.

Les combats en Afghanistan s’intensifient depuis quelques semaines.  Les Forces armées canadiennes doivent pouvoir compter sur un ministre qui fera preuve de leadership et sera en mesure de prendre des décisions difficiles concernant les actions de nos troupes.  À la lumière des renseignements disponibles, le Nouveau Parti démocratique recommande dans les termes les plus clairs que le Comité présente un rapport à la Chambre des communes demandant qu’il soit reconnu que le ministre de la Défense a fait preuve de mépris et de manque de respect à l’égard du Parlement.

 



1 Hansard, 30 janvier 2002, Période des questions

2 Renseignements provenant du Comité, 46, le 19 février 2002, témoin : ministre de la Défense nationale, l’honorable Art Eggleton.

3 Renseignements provenant du Comité, 47, le 21 février 2002, témoin : sous-chef d’état-major de la Défense, vice-amiral Greg Maddison

4 Renseignements provenant du Comité, 52, le 25 février 2002, témoin : Jim Wright, sous-ministre adjoint des Affaires étrangères.  Ce n’est pas avant le 7 février 2002 que le Président des États-Unis ait émis une déclaration à l’effet que son pays respecterait la Convention de Genève.  Le gouvernement canadien l’a accepté.

5 Renseignements provenant du Comité, 47, le 21 février 2002, sous-chef d’état-major de la Défense, vice-amiral Greg Maddison

6 Renseignements provenant du Comité, 46, le 19 février 2002, témoin : ministre de la Défense nationale, l’honorable Art Eggleton

7 Hansard, le 31 janvier 2002

8 Hansard, le 7 février 2001, Herb Gray s’est levé en Chambre et a corrigé une déclaration qu’il avait faite plus tôt durant la Période des questions au sujet de documents envoyés aux autorités russes concernant un diplomate russe accusé de conduite en état d’ébriété et d’homicide involontaire.