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FAIT Rapport du Comité

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Opinion dissidente
CPAECI Sous-comité des droits de la personne et du développement international
Rapport sur la Colombie

Svend J. Robinson, député

Bien que je reconnaisse et apprécie le dévouement et le travail acharné de mes collègues du Sous-comité lors de la tenue de vastes audiences et du déplacement en Colombie afin d’être à même de constater la gravité de la situation dans ce pays, je crois que le rapport définitif du Sous-comité pourrait être amélioré à plusieurs égards importants. Dans certains cas, j’ai une opinion dissidente des conclusions auxquelles arrivent mes collègues, tandis que dans d’autres, j’estime que les conclusions du rapport ne reflètent pas fidèlement les témoignages que le Sous-comité a entendus. À l’instar de mes collègues, je veux remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous, à Ottawa et en Colombie. Leur témoignage, et plus particulièrement celui des témoins colombiens, était frappant et bouleversant. Il ne fait aucun doute que la crise qui sévit en Colombie est de loin la pire de l’hémisphère et, comme l’a fait remarquer Jan Egeland, le problème se manifeste à plusieurs niveaux. Je tiens à souligner la fierté que nous inspire, à moi et aux autres membres du Sous-comité, la grande contribution de notre respecté ambassadeur, Guill Ryschinski, pour protéger les droits de la personne et favoriser le processus de paix. De plus, je veux rendre hommage aux organisations non gouvernementales canadiennes et aux personnes qui œuvrent depuis longtemps en faveur de la paix et de la justice en Colombie.

Tous les membres du Sous-comité se sont entendus pour dire que la solution militaire au conflit n’est « pas viable » et qu’il faut arriver à une solution négociée. Il est essentiel que non seulement les guérilleros armés et l’État participent aux pourparlers visant la paix fondée sur la justice économique et sociale, mais également une vaste représentation de la société civile, plus particulièrement les femmes et les Autochtones. De plus, comme le fait remarquer le Sous-comité, la société colombienne a une longue histoire d’inégalités et l’écart entre les riches et les pauvres y est considérable; l’obtention d’une paix juste et générale doit impliquer une importante redistribution des richesses et des pouvoirs et une réforme agraire. À cet égard, il faut tenir compte plus particulièrement des Autochtones et des Afro-colombiens qui sont les plus touchés par la pauvreté. Les « réformes » économiques néolibérales comme l’adaptation structurelle, la privatisation et la déréglementation ont eu une lourde incidence sur les Colombiens en aggravant la pauvreté et en concentrant les richesses de la nation entre les mains d’un nombre de plus en plus petit de personnes — situation qui ne fait qu’alimenter le conflit armé et miner les efforts de paix. Le rapport louange la démocratie colombienne, mais j’en ferais ressortir la fragilité, comme en témoignent tristement l’expérience sanglante de l’Union patriotique (plus de 3 000 morts) et les déclarations récentes du chef paramilitaire Salvatore Mancuso selon lesquelles de nombreux nouveaux membres élus du gouvernement appuient les AUC. De plus, le fait que le gouvernement n’ait pas encore débattu du Plan Colombia et que les Commissions des droits de la personne soient largement inactives démontre encore davantage la faiblesse de cette démocratie

Voici les aspects clés du rapport majoritaire qui à mon avis doivent être modifiés ou étoffés :

  • Le rapport donne beaucoup trop de mérite au gouvernement de la Colombie pour ses présumées réalisations visant à protéger les droits de la personne. Bien qu’il faille souligner les efforts qui méritent d’être reconnus, les témoignages des nombreux témoins et les conclusions du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme fournissent la preuve irréfutable que le principal problème en matière de droits de la personne n’est pas l’absence de lois ou d’institutions, mais bien l’incapacité constante du gouvernement colombien à les utiliser et donc l’absence subséquente de décisions, de gestes et de résultats concrets.

  • Le rapport ne condamne pas suffisamment l’incapacité du gouvernement de la Colombie à lutter activement contre les groupes paramilitaires et réduit nettement l’importance des liens (bien documentés) entre les forces de l’État et le groupe AUC (Autodéfenses unies de Colombie). Alors que le rapport mentionne que la situation s’améliore, les Nations Unies notent au contraire qu’elle se détériore. Elles soulignent le contraste frappant entre les propos durs tenus par le gouvernement colombien à l’égard des groupes paramilitaires et les gestes qu’il pose et son incapacité à établir l’ampleur des liens qui existent entre les fonctionnaires et ces groupes, qualifiant de « faible et incohérent » l’engagement du gouvernement en matière de lutte contre ces groupes. Des officiers militaires clés accusés de collaborer avec le groupe AUC demeurent en poste et les forces de sécurité continuent de promouvoir des soldats et des policiers dont la conduite fait l’objet d’une enquête pour violation des droits de la personne et participation à des activités paramilitaires. Ainsi, l’État envoie un message contradictoire à la société civile pour ce qui est de la façon dont il s’acquitte de ses obligations internationales. L’impunité règne en maître.

  • Certains témoins se sont dits préoccupés par le rôle des entreprises canadiennes en Colombie, notamment l’Institut Nord-Sud, les Églises canadiennes et les syndicalistes canadiens et colombiens. De plus, le rôle de la SEE dans le financement du projet de barrage hydroélectrique Urra a été vertement critiqué. Le rapport passe rapidement sur cette question plutôt que d’insister de façon beaucoup plus énergique pour que le Canada agisse comme chef de file en matière de surveillance et de promotion de la responsabilité sociale des entreprises. En outre, le rapport devrait faire preuve de beaucoup plus de clarté en ce qui concerne le témoignage accablant de Kimy Pernia à propos du rôle de la SEE et condamner la faiblesse de l’enquête sur la disparition de M. Pernia.

  • Le Canada devrait vivement critiquer la composante militaire du Plan Colombia, comme l’ont réclamé de nombreux témoins et comme l’ont fait le Parlement européen et d’autres autorités législatives. Sur ce point, la position du rapport est inacceptable. De plus, le Canada devrait exiger la suspension immédiate de l’épandage aérien, à tout le moins jusqu’à ce qu’une enquête indépendante ait pu démontrer que cette activité ne produit pas d’effets néfastes pour la santé.

  • Le rapport devrait demander que le Fonds canadien soit porté à 1 million de dollars.

Voilà à mon avis les aspects du rapport qui doivent être étoffés.