Passer au contenu
Début du contenu

ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 30 mai 2001

• 1537

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): Je présente toutes mes excuses aux témoins. Ce n'est qu'à 15 heures que j'ai appris que le président ne pourrait être parmi nous. Il est actuellement à la Chambre, et j'étais moi-même occupée ailleurs. Je m'excuse donc de vous avoir fait attendre.

Normalement, les témoins disposent de 10 minutes chacun pour présenter leur exposé, après quoi nous passons aux questions des députés.

Nous allons suivre l'ordre du jour. Dans un premier temps, nous allons donc entendre M. McGuinness du Conseil canadien des pêches.

Je vous remercie.

M. Patrick McGuinness (vice-président, Conseil canadien des pêches): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

Le Conseil canadien des pêches est une fédération d'associations provinciales de pêcheurs de la région de l'Atlantique et de l'Ontario, qui compte aussi des membres à participation directe en Colombie-Britannique et au Nunavut. En plus, un certain nombre de flottilles dans la région de l'Atlantique qui sont membres de notre association—essentiellement, les flottilles de pêche hauturière de la flottille de pêche au poisson de fond, la flottille de pêche à la crevette et la flottille de pêche au pétoncle.

Je vais présenter un bref aperçu de nos commentaires pour ensuite souligner les dispositions précises à propos desquelles nous recommandons des modifications. Notre message principal est le suivant: le Conseil canadien des pêches appuie le projet de loi C-5 et, dans un deuxième temps, conseille au comité de n'y apporter aucun changement d'orientation substantiel.

Le projet de loi, qu'on a mis cinq ans à élaborer, traduit un délicat équilibre d'intérêts. Au cours de ces cinq années, le Conseil canadien des pêches a remarqué une évolution considérable de la perception et de l'approche relativement aux espèces en péril. Nous souhaitons que le comité tienne compte de cette évolution et ne laisse pas se répéter le débat acrimonieux qui a entouré le précédent projet de loi sur les espèces en péril, nommément le projet de loi C-65.

À notre avis, le projet de loi actuel repose sur deux progrès importants. Il reconnaît que le Canada est une fédération et que la collaboration des divers paliers de gouvernement est un élément clé de la protection de la faune, ce qui nécessite la création d'un cadre officiel propice à l'émergence d'un dialogue. Par conséquent, nous appuyons entièrement la conclusion d'un Accord national et le rôle de leadership du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, formé des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la faune.

Le projet de loi reconnaît aussi que les Canadiens des régions rurales et côtières, de même que les industries fondées sur l'exploitation des ressources, doivent prendre part à la recherche de la solution. Ce projet de loi vise à créer un rapport de partenariat, et non d'opposition, entre ces intervenants. Nous sommes donc favorables au projet actuel.

• 1540

En ce qui concerne les commentaires particuliers, je vais me contenter de passer en revue les divers éléments. Au paragraphe 2(1), «Définitions», la définition du terme «habitat» est relativement exhaustive puisqu'elle inclut la migration des espèces et les autres secteurs dont les espèces aquatiques dépendent de façon directe ou indirecte. Elle reconnaît la nature migratoire de la plupart des espèces aquatiques tant sur le plan géographique que sur le plan vertical, c'est-à-dire selon les colonnes d'eau.

J'ai attiré votre attention sur cette définition parce que certains groupes qui comparaîtront devant vous laisseront entendre que l'inscription d'une espèce dans la catégorie des espèces en voie de disparition ou menacées déclenche automatiquement l'application d'interdictions relatives à l'habitat, ce qui, relativement aux espèces aquatiques, n'est pas réalisable. Essentiellement, la définition d'«aquatique» renvoie à l'océan tout entier.

Comme le prévoit le projet de loi, si on doit adopter des mesures précises concernant l'habitat, celles-ci doivent être déterminées par le plan d'action, particulièrement pour les pêches.

L'autre définition du paragraphe 2(1) sur laquelle j'attire votre attention est celle du terme «résidence». Ce mot, lorsqu'on l'applique à des habitations précises, par exemple une tanière, un nid ou je ne sais trop quoi, convient relativement bien aux espèces terrestres, mais vous comprendrez qu'il ne s'applique pas aux poissons ni à la plupart des espèces aquatiques. Je comprends qu'il est très difficile de trouver une formulation qui convienne aux espèces terrestres et aquatiques. Dans certains domaines, la terminologie se rapporte donc aux espèces terrestres. Seulement, le fait d'agir uniquement à l'égard des espèces terrestres a de formidables répercussions sur le secteur aquatique.

Au paragraphe 2(4), qui a trait aux questions directement liées aux espèces aquatiques, nous recommandons que le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de l'Environnement, et avec l'accord du ministre des Pêches et des Océans, définisse les règlements. En d'autres termes, nous avons un ministre des Pêches et des Océans qui devrait assumer l'entière responsabilité de ce mandat, du point de vue de la conservation des ressources halieutiques, y compris les questions relatives aux espèces en voie de disparition.

Si cet aspect relève de sa compétence et que des règlements doivent être pris par le ministre de l'Environnement, on devrait mon seulement consulter le ministre des Pêches et des Océans, mais aussi obtenir son aval. Si, en d'autres termes, on veut que le projet de loi soit efficace, le ministre des Pêches et des Océans et son ministère doivent appuyer sans réserve toute initiative du gouvernement dans le domaine des pêches.

Nous recommandons donc que l'expression «après consultation du...» soit remplacée par «avec l'accord du ministre des Pêches et Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques».

Notre commentaire suivant porte sur l'alinéa 15(1)e), qui a trait aux fonctions du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). En fait, nous recommandons sa suppression. Essentiellement, les fonctions et la mission du COSEPAC sont très bien définies dans les alinéas a) à d). À notre avis, ce comité n'exerce aucune fonction de conseil ou de service autre que celles qui sont mentionnées aux alinéas 15(1)a) à 15(1)d). Vous constaterez, je crois, que même le président du COSEPAC est d'accord.

Essentiellement, l'alinéa 15(1)e) a pour effet de retirer le COSEPAC du domaine des sciences. Il devrait s'agir d'une organisation à vocation purement scientifique. Le fait de lui conférer le pouvoir de fournir des conseils et d'exercer d'autres fonctions dénote une intention quelque peu politique. Aux yeux des observateurs, la mesure aura pour effet d'affaiblir le mandat de l'organisation et sa vocation scientifique.

• 1545

Notre commentaire suivant porte sur le paragraphe 15(2), où il est question de «la meilleure information accessible, notamment les données scientifiques ainsi que les connaissances des collectivités et les connaissances traditionnelles des peuples autochtones». Nous aimerions voir ajouter «les connaissances sectorielles».

Dans le domaine des pêches, nous constatons que la réduction des budgets affectés aux activités scientifiques du ministère des Pêches et des Océans fait en sorte que l'industrie doit jouer un rôle plus grand dans l'élaboration d'informations scientifiques portant sur les espèces marines. Les connaissances sectorielles jouent un rôle très important aux fins de transmission de données.

À ce titre, l'une de nos principales recommandations est qu'il est important que le Sous-comité des espèces marines du COSEPAC élabore un mécanisme par lequel les connaissances, les données et les enquêtes sectorielles puissent être invoquées à l'occasion des délibérations afin que les décisions finales reposent réellement sur de meilleures connaissances et informations accessibles.

Notre commentaire suivant porte sur la composition du COSEPAC de même que sur les critères d'admission au comité, soit les paragraphes 16(1) et 16(2). À notre avis, ces dispositions représentent d'importantes améliorations par rapport aux accords actuels selon lesquels trois organismes environnementaux non gouvernementaux ont le privilège de nommer des membres au COSEPAC. Il est essentiel que tous les mandants, qu'il s'agisse des industries fondées sur les ressources, des collectivités côtières ou autres, soient assurées que le COSEPAC constitue une tribune scientifique impartiale.

Nous ne disons pas qu'il faudrait éviter de nommer des personnes issues de groupes environnementaux. Ce que nous disons, c'est que les nominations devraient être effectuées par le Ministre, à la suite de la consultation des ministres fédéraux et provinciaux. Quant aux personnes issues des organismes environnementaux, elles devraient posséder les compétences scientifiques requises et non se contenter d'exercer des pressions en faveur d'un point de vue donné.

J'en viens maintenant à la liste des espèces en péril, soit au paragraphe 27(1). Afin que le Conseil canadien des pêches puisse maintenir son appui, il est essentiel que la décision finale quant à l'inscription d'une espèce revienne au gouverneur en conseil et ne constitue pas simplement une décision scientifique fondée sur le profil de la population de l'espèce.

En effet, cette inscription donne lieu à des mesures réglementaires qui peuvent avoir des conséquences économiques et sociales importantes pour l'industrie et les collectivités de même que des sanctions juridiques, des amendes et des incidences sur les finances et l'effectif des gouvernements. À la lumière de ces conséquences éventuelles, il est évident que les décisions finales doivent incomber aux gouvernements et non à une poignée d'experts scientifiques.

Notre commentaire suivant porte sur l'alinéa 27(2)b). Une fois de plus, on lit «consulte tout ministre compétent». À notre avis, la disposition devrait plutôt se lire ainsi: «consulte tout ministre compétent et obtient l'accord du ministre des Pêches et des Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques».

À l'article 28.3, Demandes d'évaluation: menace imminente, nous voudrions de la même façon que la disposition se lise comme suit: «avec l'accord du ministre des Pêches et des Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques».

Notre commentaire suivant porte sur la disposition 40, Rétablissement des espèces en voie de disparition, menacées et disparues du pays. En ce qui concerne le caractère réalisable du rétablissement, nous sommes d'avis que l'article est déficient. Actuellement, il prévoit que, aux fins de l'élaboration du programme de rétablissement, le ministre compétent vérifie si le rétablissement est «réalisable au point de vue technique et biologique». Il y a un certain nombre d'années, dans la réforme réglementaire, le gouvernement s'est engagé à ce que toute nouvelle proposition de réglementation soit soumise à une analyse en trois volets: évaluation de la rentabilité, rapport sur les incidences éventuelles sur les groupes d'utilisateurs et détermination des solutions de rechange à la réglementation.

• 1550

Ce que nous disons à propos de l'article 40, c'est que le fait de sous-entendre que le programme de rétablissement n'est soumis qu'à une évaluation technique et biologique est trompeur. Il est trompeur dans la mesure où la réglementation, si elle s'inscrit dans un plan d'action ou une autre mesure, devra subir un examen réglementaire, ce qui suppose l'analyse en trois volets à laquelle j'ai fait allusion.

Nous vous recommandons donc d'ajouter une formule tenant compte des exigences de l'évaluation de la rentabilité, du rapport sur les incidences éventuelles sur les groupes d'utilisateurs et de la recherche de solutions de rechange à la réglementation.

Nous en venons maintenant aux plans d'action définis au paragraphe 49(2). Une fois de plus, nous disons que les plans d'action relatifs aux espèces aquatiques et marines doivent recevoir l'accord du ministre des Pêches et des Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques parce que, en réalité, les règlements éventuels seront pris en application de la Loi sur les pêches.

Nous en venons maintenant au paragraphe 74(1), Accords et permis. Ce que nous disons, c'est que le pouvoir de délivrer les permis... la rétention du paragraphe 74(1) est absolument essentielle au maintien de l'appui...

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous nous rendriez un grand service en résumant. Je vous remercie beaucoup.

M. Patrick McGuinness: D'accord.

En ce qui concerne les dispositions absolument essentielles à notre appui, je vous mentionne le paragraphe 74(1), l'alinéa 74(2)c), l'article 75, l'article 77, l'alinéa 83(1)b), le paragraphe 83(4), l'alinéa 83(5)g), l'article 100 et, essentiellement l'article 135, soit la prorogation. En ce sens, une des principales préoccupations du Conseil canadien des pêches au sujet du projet de loi porte sur l'imposition d'obligations onéreuses tant sur le plan des finances que de l'effectif au secteur des sciences de Pêches et Océans Canada, ressources dont le Ministère ne dispose pas. Les ressources actuelles suffisent à peine à répondre aux exigences de la pêche commerciale, et nous sommes d'avis que la prorogation revêt dans ce cas une très grande importance.

En résumé, le projet de loi actuel a mis beaucoup de temps à venir. Nous avons déjà fait l'étude de trois projets de loi. Le Conseil canadien des pêches appuie le projet de loi actuel, et nous tenons à préciser que ce projet contient actuellement certains éléments essentiels dont notre appui dépend. Nous attendons avec impatience de collaborer avec Environnement Canada, Pêches et Océans Canada, les groupes environnementaux et les collectivités pour assurer l'efficacité du projet de loi.

Je vous remercie beaucoup.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup, monsieur McGuinness.

Nous allons maintenant entendre M. Rideout, président de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture.

Monsieur Rideout, la parole est à vous.

M. David Rideout (président, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de se prononcer sur le projet de loi C-5, Loi sur les espèces en péril.

Le projet de loi représente un élément essentiel à la préservation de la diversité biologique dans le contexte d'un programme national de durabilité.

D'abord, je souligne à l'intention des membres du comité que l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture est une association industrielle nationale sans but lucratif dont le siège social se trouve à Ottawa. Elle représente les intérêts des aquiculteurs, des fabricants d'aliments pour les poissons et des fournisseurs canadiens de même que des associations provinciales de pisciculteurs et de conchyliculteurs.

Parmi nos membres, citons l'Association des conchyliculteurs professionnels du Nouveau-Brunswick, de l'Association des salmoniculteurs du Nouveau-Brunswick, l'Aquaculture Alliance de l'Île-du-Prince-Édouard, l'Aquaculture Association de la Nouvelle-Écosse, l'Aquaculture Industry Association de Terre-Neuve, l'Association aquicole du Canada, la Shellfish Growers Association de la Colombie-Britannique, la Salmon Farmers Association de la Colombie-Britannique, l'Ontario Aquaculture Association et le Syndicat professionnel de l'Association des aquaculteurs du Québec.

Le secteur aquicole canadien est une industrie dynamique et emballante dont la production a une valeur à la ferme de plus de 600 millions de dollars, ce qui représente 25 p. 100 de la valeur du poisson débarqué au Canada. L'industrie emploie plus de 14 000 personnes, notamment des professionnels comme des vétérinaires, des techniciens en alimentation des poissons, des plongeurs, des chercheurs, des exploitants de navires et des spécialistes de l'élevage du poisson. Notre industrie, regroupée principalement dans le Canada littoral et rural, apporte une contribution nette majeure à l'économie canadienne. Au cours des dernières années, notre progression de marché a oscillé entre 10 et 20 p. 100 par année.

• 1555

L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture est une association d'associations administrée suivant une dynamique ascendante. Nous nous efforçons de conclure des partenariats avec des décideurs et de collaborer avec tous les intervenants au règlement des problèmes. À titre d'exemple, nous avons élaboré, en collaboration avec nos partenaires internationaux, des principes de coopération entre l'industrie salmonicole de l'Atlantique Nord et l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord. La création d'un groupe de liaison qui a récemment mis au point des lignes directrices internationales relatives à des codes de confinement a été le point culminant de cette démarche.

De la même façon, nous avons élaboré des principes de coopération entre l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture et la Fédération du saumon Atlantique. La Fédération a témoigné devant le comité le 16 mai 2001, et l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture appuie bon nombre de recommandations formulées par la Fédération à cette occasion. Il existe certains secteurs qui méritent une étude plus poussée. À cet égard, nous nous intéressons à la portée du projet de loi dans son ensemble, non au seul cas du saumon.

Nous sommes d'accord avec l'idée de stocks géographiquement distincts, mais nous avons le sentiment que le principe entraînera des difficultés en l'absence d'une définition claire et concise de ce que l'expression signifie exactement. Elle peut avoir un sens pour un scientifique qui siège au COSEPAC et signifier tout autre chose pour un décideur d'un organisme de réglementation. Les fausses interprétations peuvent se traduire par des approches à la pièce.

En outre, les programmes poussés mis en valeur ont déjà fait subir aux stocks de poissons sauvages un traitement assimilable à du rabibochage. Certains programmes de mise en valeur se sont révélés efficaces, mais on peut soutenir que l'approche n'a pas donné les résultats escomptés, et en réalité, ont même contribué à l'affaiblissement des stocks de poissons sauvages.

Dans certaines des approches que le Canada a adoptées par le passé, on n'a pas tenu compte du cadre de gestion des risques préconisé par l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture. Nous espérons que ce cadre sera utilisé dans le nouveau code sur l'introduction et le transfert élaboré par le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'aquaculture.

Nous croyons que la structure redditionnelle proposée par le projet de loi doit faire d'objet d'une déclaration d'appui sans ambiguïté. Si les données associées à l'inscription d'espèces doivent relever d'un organisme indépendant comme le COSEPAC, nous demeurons fermement convaincus qu'on doit rendre compte au public des décisions finales. À cet égard, il convient de confier au gouverneur en conseil la responsabilité des décisions.

Nous sommes d'accord avec la Fédération du saumon Atlantique pour dire que le COSEPAC est l'organisme indépendant compétent pour recommander l'inscription d'espèces. Cependant, nous sommes fermement d'avis que, lorsque le COSEPAC envisage de recommander l'inscription d'une espèce, on songe à faire appel à d'autres scientifiques possédant une expertise relative à l'espèce en question. Plus la procédure relative au COSEPAC est ouverte et transparente, et plus le public aura la possibilité de comprendre le sens de la recommandation.

Une fois le plan d'action pour le recouvrement jugé nécessaire, il sera également important d'associer des scientifiques et des intervenants compétents aux discussions.

On devra définir quelques termes pour supprimer toute ambiguïté dans l'application du projet de loi, notamment «tuer», «nuire», «harceler», «capturer» et «prendre» au paragraphe 32(1), «posséder» et «collectionner» au paragraphe 32(2), «mesures efficientes» à l'article 38 et, enfin, «réalisable au point de vue technique et biologique» à l'article 40.

Nous croyons que le rétablissement des espèces en danger exige une approche holistique reconnaissant l'existence des technologies et stimulant la recherche nécessaire à l'élaboration de la technologie. Dans le cadre du projet de loi, on devra investir des fonds suffisants pour permettre la mise en application efficace des plans d'action pour le rétablissement.

Dans le milieu aquatique, nous, de l'industrie aquicole, sommes convaincus d'avoir amélioré les technologies efficaces susceptibles de favoriser le rétablissement d'espèces de poissons aussi bien que d'espèces de crustacés et de coquillages. À titre d'exemple, l'industrie laisse des fonds génétiques dans des fermes aquicoles pour favoriser le rétablissement du saumon dans le golfe du Maine.

L'industrie a beaucoup appris de la médecine préventive et de l'utilisation de techniques comme la vaccination. Nous sommes conscients de l'importance de la biosécurité ainsi que du confinement et du traitement de toute l'eau contaminée par le sang dans nos salmonicultures, par exemple. Cependant, nous n'observons pas le même genre de préoccupations à propos d'autres éléments qui se rapportent à notre milieu aquatique, en particulier l'absence d'exigences strictes applicables aux eaux de ballast, la tendance à l'utilisation de poisson vivant comme aliment, et une industrie des aquariums non réglementée et l'autorisation du recours aux appâts vivants dans la pêche récréative sont autant d'enjeux sur lesquels nous devrons nous pencher pour veiller à l'adoption de mesures de prévention capables de protéger non seulement les espèces en voie de disparition, mais aussi les stocks aujourd'hui considérés comme en bonne santé.

En outre, notre industrie travaille d'arrache-pied pour donner naissance à un programme exhaustif de santé des animaux aquatiques, de façon que le milieu aquatique bénéficie de la protection dont jouissent les animaux terrestres, comme en témoignent les mesures prises pour lutter contre la rage chez les ratons laveurs, l'encéphalopathie bovine spongiforme et la fièvre aphteuse.

• 1600

Je m'en voudrais de ne pas souligner l'inquiétude que suscite l'exemption des prises accessoires de l'application du projet de loi—je fais ici référence au guide de la Loi sur les espèces en péril. L'élimination non réglementée des prises accessoires est l'une des inconnues susceptibles de contribuer à l'appauvrissement des stocks de saumon de l'Atlantique de l'intérieur de la baie de Fundy, entre autres. L'exemption de cet important élément du régime général de gestion des ressources halieutiques est séduisante en raison des difficultés associées à la supervision et au contrôle des prises accessoires. À notre avis, ce n'est pas une excuse. Un plan de redressement significatif et adéquatement financé sera sans effet si ce sont les prises accessoires qui en font les frais.

La semaine dernière, j'ai eu le privilège de participer, avec le ministre Martin, aux discussions de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie portant sur les indicateurs économiques de la durabilité de l'environnement. Il s'agit d'une initiative importante soutenue par l'industrie aquicole. Nous savons que l'environnement où nous exerçons nos activités est inextricablement lié au rendement de l'industrie aquicole.

J'aimerais conclure sur un point convaincant soulevé par le ministre Martin dans son allocution:

    Il reste qu'un aspect essentiel de la gestion judicieuse de nos ressources pour les générations à venir consiste à comprendre de quelle manière les fonctions écologiques contribuent à l'activité économique. En fait, l'expérience a montré qu'à défaut de tenir compte comme il se doit de l'utilisation du capital naturel, nous épuisons nos réserves et menaçons la durabilité de la croissance future.

Dans l'industrie aquicole, les exploitants élèvent leurs animaux dans un environnement aquatique, et nous sommes conscients des effets qu'un environnement malsain peut avoir sur eux. Le défaut d'accorder à cette question toute l'attention voulue se traduit par une activité économique réduite dans le Canada littoral et rural. Nous sommes parfaitement conscients de l'importance que revêt la protection de l'environnement pour les générations futures, et c'est pourquoi l'adoption d'une Loi sur les espèces en péril efficace, dotée de structures redditionnelles adéquates, fera beaucoup pour nous assurer un avenir plus durable.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup, M. Rideout.

Louise White et Mark Butler de l'Ecology Action Centre.

Madame White, est-ce vous ou M. Butler qui allez parler?

M. Mark Butler (coordonnateur marin, Ecology Action Centre): C'est moi. Je vous remercie. En fait, c'est Louise qui va présenter un exposé. Louise est une bénévole. De concert avec d'autres bénévoles, elle s'est intéressée aux répercussions du projet de loi sur les plantes, les animaux et les écosystèmes marins, les organismes comme le nôtre et les personnes qui tirent leur subsistance de l'eau.

L'Ecology Action Centre fête cette année ses trente ans d'existence. Nous comptons environ 600 membres dans l'ensemble de la Nouvelle-Écosse. Ce sont des comités qui effectuent une bonne part des travaux du centre, et le comité chargé des questions marines a pour but de promouvoir la conservation marine et la durabilité des modes de subsistance liés à l'océan. Bon nombre de nos membres ont des antécédents scientifiques ou une certaine expérience dans des industries marines. Parmi les projets que nous exécutons, citons le rétablissement d'un marais salé. Nous avons également organisé le premier colloque international sur le corail de haute mer. Récemment, nous avons organisé un atelier international sur les espèces envahissantes, sujet qui, je le constate, a déjà été abordé à quelques reprises.

Avant de céder la parole à Louise, je vous soumets un voeu général. Nous espérons que le projet de loi ne va pas nous obliger, des représentants d'autres industries et moi, à passer les cinq prochaines années en réunion ni exercer une ponction dans l'argent des contribuables et qu'il aura un effet sur la tortue luth, la baleine noire, le pluvier siffleur et d'autres espèces en péril.

Je laisse maintenant la parole à Louise.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie, M. Butler.

Madame White.

Mme Louise White (bénévole, Ecology Action Centre): Le principal objectif que nous poursuivons ici consiste à convaincre les membres du comité de formuler des recommandations qui renforceront la capacité du projet de loi C-5, Loi sur les espèces en péril, de protéger les espèces marines en péril. Des articles plus généraux du projet de loi suscitent en nous de graves préoccupations, mais vous trouverez les détails à ce sujet dans notre mémoire. Je vous d'abord vous situer brièvement notre approche en contexte.

La conservation et les espèces marines présentent des problèmes uniques différents qui s'appliquent aux espèces terrestres. Le phénomène s'explique par les différences fondamentales qu'on observe dans les types d'habitat et le fonctionnement des écosystèmes marins. Du strict point de vue du nombre d'espèces, rien, probablement, ne surpasse les insectes terrestres. Cependant, l'habitat marin abrite un plus grand nombre d'espèces différentes et d'espèces uniques propres à un habitat donné que l'habitat terrestre ou l'habitat aquatique en eau douce. Malheureusement, nous savons très peu de choses de cette biodiversité. De la même façon, nous savons relativement peu de choses de la biologie et du cycle de vie de la plupart des espèces marines ou même du fonctionnement des écosystèmes marins. Cette méconnaissance fait en sorte que la conservation et la préservation des espèces marines suscitent beaucoup plus d'incertitude que celles de la plupart des espèces terrestres.

• 1605

Nous doutons également de la capacité du MPO de conserver et de protéger les espèces marines. Même si la gestion des océans et des pêches relève de la compétence du MPO, la conservation fait partie de son approche jusqu'à l'adoption de la Loi sur les océans. Par conséquent, le ministère ne peut tirer parti d'aucune mémoire organisationnelle aux fins de la conservation marine. Jusqu'à tout récemment, le MPO ciblait principalement ses recherches sur les espèces commerciales et a adopté une approche de la gestion fondée sur les espèces uniques.

Même si bon nombre de nos recommandations ont été formulées aux fins de la protection des espèces marines, bon nombre d'espèces terrestres et d'espèces aquatiques qui vivent en eau douce en tireront aussi des avantages.

L'article 2 porte sur les définitions. La définition de «résidence» est essentielle dans la mesure où la protection des résidences est l'une des deux principales interdictions qui figurent dans le projet de loi. Même s'il est possible que certaines espèces marines relativement sédentaires aient une résidence, la plupart des espèces marines nageuses sont peu susceptibles d'avoir une résidence au sens de la définition du projet de loi. Il s'ensuit que l'article 33 du projet de loi ne s'appliquera pas à de nombreuses espèces marines. Nous recommandons que la définition de «résidence» soit modifiée de manière à comprendre les frayères, les aires d'élevage et les aires de croissance, à condition qu'on les définisse comme des aires distinctes dans l'espace et le temps.

La principale interdiction qui frappe l'endommagement ou la destruction des résidences des espèces en péril vise à protéger les structures ou les aires matérielles utilisées pour la reproduction et l'hibernation. Cependant, les aires de reproduction des espèces aquatiques relèvent de la définition de l'habitat. Par conséquent, l'habitat utilisé par les espèces marines aux fins de la reproduction n'est pas visé par l'interdiction. En fait, on doit plutôt s'en remettre aux incertitudes d'un plan de redressement. Je veux dire par là que l'habitat ne peut être protégé qu'une fois qu'on l'a défini comme essentiel dans un plan de rétablissement. La définition d'habitat devrait s'appliquer indifféremment aux espèces terrestres, marines et aquatiques vivant en eau douce. Nous recommandons que la définition d'«habitat» soit modifiée de manière à exclure les frayères, les aires d'élevage ou les aires de croissance pour les espèces aquatiques, à condition—et à condition seulement—qu'elles soient incluses dans la définition des résidences. De même, l'habitat migratoire devrait faire partie de la définition de l'habitat de toutes les espèces.

Dans la définition d'organisme sédentaire, on retrouve une allusion malheureuse au stade où il peut être pêché. Cette définition semble reposer sur les espèces ayant un potentiel commercial. Le mot «pêché» n'a pas de sens pour une espèce qui n'est pas exploitée commercialement. Nous recommandons que l'expression «au stade où il peut être pêché» qui figure dans le paragraphe 4(2) soit supprimée ou encore que les mots «où il peut être pêché» soient remplacés par un mot ayant plus de sens sur le plan biologique, par exemple sur les «adultes». De cette façon, tous les organismes sédentaires pourraient être protégés par la Loi sur les espèces en péril.

Même si nous saluons l'inclusion de l'approche axée sur plusieurs espèces ou l'écosystème dans l'élaboration du programme de rétablissement des espèces en péril, les cas dans lesquels on envisagera de telles approches ne sont pas définis clairement. En réponse à une demande d'éclaircissements sur ce que serait une approche fondée sur plusieurs espèces ou l'écosystème, le ministre Anderson a fourni une réponse, citée dans notre mémoire, relativement différente de celle qu'a présentée un scientifique du COSEPAC. Pour éviter la confusion, nous recommandons que l'approche fondée sur plusieurs espèces ou l'écosystème mentionné au paragraphe 41(3) soit définie. Pour assurer une certaine uniformité dans la façon dont l'approche est utilisée et le moment où elle l'est, on devrait retenir une définition à caractère scientifique. Par exemple, on pourrait y avoir recours sur une recommandation du COSEPAC.

Selon le projet de loi, la protection de l'habitat sera discrétionnaire, même pour les questions relevant de la compétence fédérale. La plupart des espèces marines habitent des eaux qui relèvent entièrement de la compétence fédérale. Nous recommandons que la protection de l'habitat essentiel soit visée par les interdictions générales qui figurent aux articles 32 et 33 du projet de loi, ou encore que les paragraphes 58(1) et (2) soient modifiés de manière à rendre obligatoire la protection de l'habitat, au moins dans les secteurs qui relèvent de la compétence fédérale.

Les espèces marines les plus susceptibles de bénéficier de la protection de l'habitat sont les invertébrés marins qu'on retrouve au fond de l'océan. Ces organismes, malheureusement, vivent loin des humains et tendent à être méconnus. À titre d'exemple, citons les lits de corail de haute mer qu'on retrouve dans les eaux canadiennes. Les espèces de corail créent des forêts sous-marines, qui constituent probablement un habitat important pour le poisson, un peu comme c'est le cas pour le corail dans les régions subtropicales du monde. Jusqu'à tout récemment, les scientifiques canadiens savaient peu de choses des espèces de corail nordiques. L'année dernière, cependant, l'Ecology Action Centre a organisé le premier colloque international consacré à ce groupe d'animaux.

• 1610

Nous avons également documenté des interviews menées auprès de pêcheurs canadiens, lesquelles laissent croire que les pêcheurs à la drague considèrent le corail comme une nuisance. Certains pêcheurs évitent les régions où le corail abonde, tandis que d'autres suppriment délibérément de grandes quantités de coraux pour réduire les risques que leurs filets s'y accrochent à l'avenir. Par ailleurs, certains pêcheurs à la palangre considèrent le corail de haute mer comme un important habitat pour les espèces de poissons de fond qu'ils recherchent.

Si la protection de l'habitat assuré par la Loi sur les espèces en péril ou la protection des zones maritimes assurée par la Loi sur les océans pourra profiter aux invertébrés marins sédentaires, d'autres mesures seraient, pour bon nombre d'espèces marines, plus importantes pour l'élimination des menaces à la survie que la protection de l'habitat.

Parmi les plus grandes menaces, mentionnons celles qui sont imputables à l'industrie de la pêche. La gestion actuelle des pêches continue de mettre principalement l'accent sur une approche fondée sur des espèces uniques, et on ne déploie aucun effort pour réduire au minimum l'impact de la pêche sur les espèces non ciblées. En vertu de la plupart des techniques de pêche, par exemple, on se retrouve avec des espèces non désirées, et ces prises accessoires blessées ou mortes sont rejetées. D'autres méthodes, par exemple la pêche à la drague, détruisent les habitats des fonds marins—la gravité des perturbations est fonction du type de fond.

Nous demandons instamment que le plan d'action mentionné au paragraphe 49(1) soit modifié de manière à inclure des menaces à la survie des espèces définies dans le programme de rétablissement. À l'heure actuelle, le plan d'action ne porte que sur la protection de l'habitat essentiel.

Les tortues de mer constituent un excellent exemple des menaces imputables à l'industrie de la pêche. Deux espèces de tortues de mer sont relativement communes dans les océans du Canada, la tortue luth, qui est la plus grosse des tortues marines, et la caouane, qui est plus petite. Seule la tortue luth figure dans la liste dressée par le COSEPAC, tandis que l'US Fish and Wildlife Service considère toutes les tortues de mer comme en voie de disparition. La rencontre d'engins de pêche et l'ingestion de matière plastique et d'autres débris marins semblent constituer les principales causes de blessures ou de mortalité chez les tortues du Canada.

Selon des données provenant du Programme des observateurs du MPO, ce sont les palangriers qui pêchent le thon et l'espadon en surface qui capturent le plus de tortues. On estime à plus de 2 500 le nombre total de tortues ainsi capturées. Même si très peu d'entre elles sont mortes au moment où elles sont remontées à bord des bateaux, on ignore leur taux de survie après leur remise en liberté, et le taux de mortalité atteint dans certains cas 20 ou 30 p. 100.

Nous aimerions que des mesures soient prises pour réduire le nombre de tortues capturées. On pourrait notamment modifier les pratiques de pêche, c'est-à-dire modifier la profondeur à laquelle les engins sont placés, par exemple, opter pour d'autres engins, par exemple des harpons et définir des zones interdites de façon saisonnière aux environs des routes migratoires et des aires d'alimentation. Nous sommes favorables aux mesures qui éliminent les prises accessoires ou en réduisent considérablement le nombre, sans empêcher les pêcheurs d'exercer leur métier.

Le plus souvent, la dégradation des habitats—polluants, espèces envahissantes, changement de climat et modification physique, par exemple la sédimentation—s'observe à l'extérieur des habitats protégés, de sorte que la protection des habitats exige un certain contrôle sur la prévention d'activités à l'extérieur des frontières définies. Dans le projet de loi, on trouve de telles dispositions pour la protection sur le territoire domanial, mais pas pour les régions marines relevant de la compétence fédérale.

Selon le paragraphe 59(3), on peut prendre des règlements pour protéger l'habitat essentiel et interdire les activités susceptibles de lui nuire. Seulement, la mesure ne s'applique qu'aux terres domaniales. Nous souhaitons que le paragraphe 59(1) soit modifié de façon que le paragraphe 59(3) s'applique également à la protection de l'habitat essentiel dans la zone économique exclusive du Canada et sur le plateau continental.

En ce qui concerne les exceptions aux interdictions, l'octroi de permis aux fins d'activités susceptibles d'avoir un effet sur les espèces en péril, lorsqu'il s'agit d'une activité «qui ne touche l'espèce que de façon incidente», nous préoccupe au plus haut point. Je fais ici référence à l'alinéa 74(2)c). À nos yeux, il n'est pas acceptable de considérer les prises accessoires comme une activité «incidente» de la pêche. On dispose actuellement de méthodes et de techniques qui permettent de réduire au minimum le nombre de prises accessoires. En imposant des restrictions à ce genre de prises, on ferait la promotion de méthodes et de pratiques moins destructrices et moins sources de gaspillage.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous nous obligeriez en concluant en environ une minute. Je vous remercie.

• 1615

Mme Louise White: Nous recommandons que le mot «incidente» soit défini comme il se doit.

Une autre préoccupation a trait au paragraphe 83(1), qui prévoit que les interdictions et les exigences de la loi ne s'appliquent pas aux personnes qui s'adonnent à des activités considérées comme nécessaires à la santé et à la sécurité publiques ou à la sécurité nationale. Nous sommes en désaccord avec le bien-fondé de cette exemption générale. À titre d'exemple, les essais d'explosifs sous-marins menés par le ministère de la Défense nationale peuvent avoir un impact négatif sur les baleines, d'autres mammifères marins et les poissons vivants dans un large périmètre. On pourrait réduire les impacts négatifs en choisissant un moment donné où ils ne sont pas présents.

Nous recommandons que les exceptions générales définies au paragraphe 83(1) soient modifiées de manière à ne s'appliquer à tout le moins qu'aux mesures d'urgence. Les activités courantes prévues devraient toujours faire l'objet d'une évaluation visant à déterminer les moyens d'atténuer leur impact sur les espèces en péril.

Nous croyons également que la Loi sur les espèces en péril doit favoriser les initiatives prises dans le dossier de la biodiversité. On ignore tout de la taxonomie de nombreuses espèces marines, ou leur biologie est méconnue. Ces espèces ont peu de chances de faire l'objet d'une évaluation en vertu de la procédure d'inscription et, par conséquent, sont peu susceptibles d'être protégées par la Loi sur les espèces en péril.

Permettez-moi de citer un exemple rapide: je prépare actuellement une liste d'espèces de poissons marins...

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Excusez-moi, madame White, mais votre temps est écoulé.

Mme Louise White: Puis-je finir ma phrase?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, s'il vous plaît.

Mme Louise White: Je prépare actuellement une liste d'espèces de poissons marins pour la plate-forme Scotian. Jusqu'ici, plus de 500 espèces figurent sur la liste, et pourtant le MPO ne surveille que 200 espèces de poissons.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Elizabeth May, du Sierra Club du Canada.

Mme Elizabeth May (Groupe de travail sur les espèces en péril): Je vous remercie, madame la présidente.

Je me trouve aujourd'hui au milieu de représentants des industries de l'aquiculture et des pêches et de nos amis de l'Ecology Action Centre. Je précise d'entrée de jeu que mon mémoire est mi-chair mi-poisson. J'entends m'attacher à certaines questions en suspens. Comme vous vous le rappelez peut-être, le Groupe de travail sur les espèces en péril a comparu devant le comité le 29 mars.

Je reprends deux préoccupations précises soulevées par le Groupe de travail sur les espèces en péril. Je ne me donne pas la peine de présenter de nouveau le groupe—je crois que vous êtes tous au courant de notre projet de collaboration entre l'industrie et les environnementalistes auxquels le Sierra Club a participé. Je précise d'emblée que nous ne renonçons pas aux autres secteurs de préoccupations que nous avons soulevés. L'amélioration de la protection de l'habitat, les programmes d'éducation et d'intendance publique et certains des points relatifs aux indemnités auxquelles nous sommes favorables continuent de nous préoccuper.

Nous appuyons également l'Ecology Action Centre, et nous avons déjà fait ressortir dans notre mémoire la nécessité de resserrer les dispositions relatives aux exemptions. Il est possible que certains d'entre vous ne connaissent pas bien l'Ecology Action Centre. Permettez-moi donc de préciser que le travail effectué par le centre dans ce domaine a été remarquable. En particulier, les travaux qu'il a consacrés aux coraux de la Colombie-Britannique sont de classe mondiale. Il a attiré l'attention sur cet important écosystème, que très peu de gens connaissaient.

Les deux principaux points dont je vais parler cet après-midi sont relativement critiques. Je vais mettre l'accent sur eux de façon étroite, et je vais tenter de ne pas couvrir trop de terrain trop rapidement.

Le projet de loi suscite en nous des réactions depuis la toute première version que nous avons vue en décembre 1999. Un certain nombre de constitutionnalistes ont attiré notre attention sur le fait que la structure du projet de loi posait des problèmes. D'entrée de jeu, je précise très clairement que le gouvernement fédéral possède tous les pouvoirs dont il a besoin pour faire le travail que la Loi sur les espèces en péril est destinée à accomplir. Je ne conteste pas un instant le fait que le gouvernement fédéral est investi du pouvoir constitutionnel dont il a besoin.

La difficulté qu'on a relevée pour nous—et vous trouverez dans le mémoire écrit le nom des constitutionnalistes que nous avons consultés—tient au fait que le projet de loi a trait à l'utilisation des pouvoirs rattachés au droit pénal pour protéger les espèces en péril. Nous pensons que le problème pourrait être corrigé assez simplement, de façon non seulement à renforcer la constitutionnalité du projet de loi, mais aussi à renforcer son impact sur la conservation, qui occupe une place prépondérante dans notre esprit. Permettez-moi d'abord d'expliquer rapidement à quoi tiennent les préoccupations et comment nous pouvons régler les problèmes.

L'article portant sur les interdictions est probablement l'assise même de tout le projet de loi. Il s'agit d'un très bon article. Comme vous vous en souvenez peut-être, c'est à l'époque du dépôt du projet de loi C-65 que le gouvernement s'est attaqué pour la première fois à l'élaboration de dispositions législatives sur les espèces en péril. La Cour suprême du Canada avait entendu les arguments dans l'affaire Hydro-Québec portant sur la constitutionnalité de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) et, sans avoir pris de décision concernant leur bien-fondé, faisait planer une ombre sur la compétence du gouvernement fédéral dans le domaine des dispositions législatives liées à l'environnement.

• 1620

À l'automne 1997, un arrêt très clair de la Cour suprême réglait les problèmes constitutionnels. Comme vous vous en souvenez, on y précisait que le gouvernement fédéral exerçait, en vertu du droit pénal, le pouvoir de réglementer les produits chimiques toxiques, au même titre que la LCPE. C'était là une très bonne nouvelle pour la Loi sur les espèces en péril—et l'arrêt aurait dû rassurer les avocats du ministère de la Justice—parce que, dès lors, le gouvernement fédéral disposait clairement du pouvoir de légiférer dans l'ensemble du Canada pour protéger les espèces en péril.

Dans mon mémoire, je fournis certains renseignements historiques au sujet du projet de loi C-65. Non convaincu, le ministère de la Justice a mis l'accent sur l'élément le plus restreint possible de la compétence fédérale, c'est-à-dire la question de savoir à qui appartiennent les terres. On a ainsi regroupé quelques éléments relatifs à la possession du territoire domanial: les espèces de poisson, les oiseaux migrateurs et les espèces qui franchissent des frontières internationales. On n'était toutefois pas disposé à aller plus loin.

La bonne nouvelle était donc que, au moment de la rédaction de la Loi sur les espèces en péril, on disposait d'une marge de manoeuvre claire pour établir une approche efficace de la protection des espèces en péril. La Cour suprême a également fourni des orientations claires: Pour utiliser les pouvoirs liés au droit criminel pour agir dans le domaine environnemental, on devait veiller à ce que les dispositions prennent la forme d'une interdiction générale plutôt que d'une réglementation.

Dans notre mémoire, nous expliquons la différence. Une interdiction se formule comme ceci: «Tu ne feras point ceci ou cela.» Un règlement, en revanche, s'énonce comme suit: «Tu ne feras point ceci ou cela, sauf le mardi et le jeudi après 18 heures, la fin de semaine et les jours de congé.» Dès qu'on se mêle d'étoffer une interdiction, on se retrouve avec ce qui s'assimile davantage à une réglementation.

À notre avis, le paragraphe 32(1) constitue un exemple parfait d'interdiction:

    Il est interdit de tuer un individu d'une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre.

De la même façon, l'article 33 constitue une interdiction claire—aucun problème constitutionnel ne se pose. Malheureusement, on aboutit alors au paragraphe 34(1) et à l'article 35 qui, craignons-nous, portent atteinte à la constitutionnalité des articles 32 et 33. S'éloignant de l'établissement d'une interdiction absolue de tuer, de nuire, etc., applicable à une espèce en péril où que ce soit au Canada, le projet de loi semble laisser entendre que seules certaines portions du territoire domanial, outre les territoires, les espèces aquatiques et les espèces d'oiseau migrateur, peuvent bénéficier de la protection fédérale. Les interdictions sont soudain ramenées à des dimensions nettement inférieures à celles du projet de loi C-65, les espèces transfrontalières étant exclues.

L'article 34 affaiblit encore l'interdiction définie à l'article 32 en introduisant des mécanismes hautement discrétionnaires dans ce qu'on appelle le filet de sécurité représenté aux paragraphes (2) à (4). Le gouvernement fédéral ayant renoncé à l'exercice de ses pouvoirs normaux, l'article 34 a pour but la réaffirmation sélective des pouvoirs fédéraux dans des domaines qui, laisse entendre le projet de loi, relèvent de la compétence exclusive des provinces—ce qui, soit dit en passant, n'est pas mon opinion.

J'insiste une fois de plus: aucun texte de loi fédéral n'a jamais été structuré de cette manière. Vous pouvez faire des recherches du côté de la santé, de la police, de la sécurité ou du transport: jamais on n'a imposé une interdiction fondée sur l'exercice de pouvoir lié au droit pénal pour ensuite se retirer et enfin réaffirmer ses prérogatives de façon sélective.

Il est clair qu'un certain nombre de constitutionnalistes ne sont pas d'accord. De toute évidence, les avocats du ministère de la Justice sont convaincus de la constitutionnalité du projet de loi. L'article 32 est libellé de façon très large, et ils ont peut-être le sentiment que la portée de l'article est suffisamment solide pour protéger le reste de la structure complexe et alambiquée, qui est à la fois nouvelle et sans précédent. Eh bien, d'autres constitutionnalistes ne sont pas d'accord avec le ministère de la Justice, mais je pense qu'il incombe au comité de faire enquête à ce sujet.

Comment expliquer la présence du paragraphe 34(1) et de l'article 35? C'est là une question critique. Pourquoi reculer après avoir établi clairement à l'article 32 qu'il était interdit de tuer?

Nous n'avons pas été en mesure de répondre à cette question. Au-delà de l'effet constitutionnel, le résultat sur le plan de la conservation est absurde. Une fois le projet de loi adopté, on pourra délibérément et sciemment tuer des individus de la plupart des espèces en péril au Canada sans contrevenir à la loi.

Le fondement de tout le projet de loi tient à la portée des interdictions, qu'entrave terriblement cette étrange formulation. Faites la comparaison avec d'autres formes d'exercice des pouvoirs liés au droit pénal. Le Code criminel s'applique dans l'ensemble du Canada, sans disposition ayant pour effet d'en limiter l'application au seul territoire domanial. Je vais utiliser l'article 402 comme exemple: «commet une infraction quiconque volontairement cause à un animal ou à un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité». Aucune administration ne s'est jamais plainte de son application. Il s'agit simplement de l'exercice normal des pouvoirs liés au droit pénal.

• 1625

Nous sommes conscients du fait que, dans la hiérarchie des protections juridiques accordées aux espèces, c'est la protection de l'habitat qui présente les défis constitutionnels les plus grands. Les interventions du gouvernement fédéral se justifient peut-être par le principe de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. Personnellement, j'aimerais qu'il en soit ainsi, même si certains de mes autres collègues du Groupe de travail sur les espèces en péril risquent de ne pas être d'accord avec moi. Cependant, l'affirmation du pouvoir de protéger l'habitat constituerait une mesure audacieuse et douteuse sur le plan constitutionnel. Le Groupe de travail a donc mis l'accent sur l'élargissement des protections relatives à la protection obligatoire de l'habitat dans le territoire domanial et dans les territoires de compétence fédérale.

Le moment venu d'interdire le fait de tuer, une telle prudence est inutile. Il n'y a aucune explication logique à l'étrange retrait opéré aux articles 34 et 35. Il n'est pas nécessaire—j'insiste sur ce point—de renforcer le filet de sécurité. Sur le plan constitutionnel, il serait beaucoup plus sensé de faire appel aux accords d'équivalence, approche qui a désormais résisté à l'examen de la Cour suprême du Canada. À l'intérieur d'une compétence donnée, le gouvernement fédéral devrait déléguer la responsabilité des espèces aux provinces ou aux territoires selon le principe de l'équivalence puis réaffirmer ses pouvoirs au cas où le gouvernement provincial ou territorial ne respecterait pas les engagements qui lui échoient aux termes de l'accord.

Comment pouvons-nous protéger les espèces du Canada, où qu'elles se trouvent? Honnêtement, j'espère et je crois que de telles modifications sont possibles, et je vous prie instamment de trouver le moyen de vous y intéresser. Je crois que le ministre serait d'accord pour dire qu'il s'agit d'un aspect important. Heureusement, je crois qu'on peut résoudre très simplement le cauchemar constitutionnaliste et conservationniste né de la bizarre application du projet de loi C-5. En veillant à ce que les interdictions s'appliquent dans l'ensemble du Canada, on renforcera la constitutionnalité des dispositions, tout en améliorant considérablement la protection des espèces. L'intention de la loi n'est en rien perdue. Les administrations provinciales et territoriales ne se montrent pas politiquement hostiles à l'élargissement des interdictions comme elles le sont à d'autres aspects de la loi. Bon nombre de gestionnaires provinciaux de la faune ont au départ déclaré au Groupe de travail sur les espèces en péril qu'ils s'attendaient, après l'avènement de la LCPE, à ce que le projet de loi interdise le fait de tuer un individu appartenant aux espèces visées. Ils y étaient préparés. L'impact sur une province ou un territoire est mineur.

Naturellement, nous savons également que non pas le fait de tuer, mais bien plutôt la perte d'habitat, est le principal facteur qui explique que des espèces soient en péril. Si l'habitat est le principal enjeu, pourquoi, nous demandera-t-on peut-être, interdire le fait de tuer de façon directe et intentionnelle si le problème n'est pas là? Le défaut d'interdire le fait de tuer de façon directe et intentionnelle des individus d'une espèce en péril ou la destruction de leur résidence où que ce soit au Canada fera en sorte que la majorité des espèces ne bénéficiera pas de la protection de la loi.

Dans un avenir hypothétique, imaginons qu'un promoteur immobilier souhaite aménager un centre commercial et que, pour ce faire, il devra drainer un marais du sud de la Colombie-Britannique. Postulons qu'il n'y a pas de loi pour protéger les espèces présentes dans l'écosystème. Si on dispose tout au moins d'une interdiction législative contre le fait de tuer des individus de l'espèce en question, ou la destruction de leur résidence, on pourra s'adresser aux tribunaux et invoquer la violation de la loi. On pourra ainsi obtenir une injonction. Si les interdictions s'appliquent dans l'ensemble du Canada, les espèces visées par la loi bénéficient au moins d'une certaine forme de protection.

Sur la foi de cette seule modification, la Loi sur les espèces en péril se rapprocherait nettement plus du statut de loi nationale visant à protéger les espèces en péril, où qu'elles se trouvent. Sans une telle modification, vos travaux, tout comme ceux du ministère et de bon nombre d'autres intervenants, risquent d'avoir été inutiles, à supposer que la Cour suprême du Canada en vienne à la conclusion que la structure bizarre de la loi porte atteinte à sa constitutionnalité. Il s'agit d'un point central critique. Je ne crois pas qu'il ait été soulevé dans le témoignage de Dale Gibson, sinon de façon incidente. Voilà pourquoi j'insiste tant aujourd'hui.

Le dernier point que je vais soulever est très précis. Il s'agit d'un tout petit point de détail, et je crois que les fonctionnaires du ministère et les personnes qui travaillent dans ce qu'on appelle le système sont convaincues de la nécessité de cette modification. Je tiens cependant à m'assurer que les membres du comité en sont aussi conscients. Cet aspect a été soulevé dans le mémoire que le Groupe de travail sur les espèces en péril a déjà déposé, mais nous avons été sensibilisés aux conséquences plus marquées du croisement de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEA). L'article 137 modifie la définition de «effets environnementaux» qui figure dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nous croyons que l'intention du législateur était simplement d'inclure les espèces en péril. Malheureusement, la disposition a pour effet de nuire au bon fonctionnement de la LCEA et de placer les espèces en péril dans une situation très malheureuse du point de vue de l'évaluation environnementale.

• 1630

Si on examine l'article 137 et qu'on le situe à l'endroit concerné dans la LCEA, on constate que les espèces en péril sont considérées comme faisant partie des effets environnementaux, mais seulement si les effets environnementaux en question sont indirects. De façon générale, les effets environnementaux ont trait aux effets majeurs subis par toute partie de l'environnement. Dans la disposition en question, «effets environnementaux» se définit comme suit: «Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement». La jurisprudence en voie de s'établir autour du libellé de la définition d'effets environnementaux dans la LCEA est telle que les catégories d'éléments visés par la modification, par exemple les conditions socio-économiques, le patrimoine physique et culturel, les découvertes archéologiques et les espèces sauvages inscrites, sont considérés uniquement du point de vue des effets indirects que le projet est susceptible d'avoir sur eux. On peut donc tuer des individus indirectement sans qu'une évaluation environnementale soit déclenchée.

Je pense qu'il s'agit d'une erreur de rédaction, et le Groupe de travail sur les espèces en péril recommande que l'article 137 soit pour le moment supprimé et que, au moment de la modification de la LCEA, peut-être à temps pour un sous-comité du Comité consultatif de la réglementation de l'Agence canadienne de l'évaluation environnementale, on aura peut-être l'occasion de faire ce qu'il faut pour que la Loi sur les espèces en péril soit parfaitement intégrée à la LCEA.

Sur ces mots, je vous remercie beaucoup.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup, madame May.

Il semble bien que notre témoin du Conseil canadien des pêcheurs professionnels n'ait pu être parmi nous. Nous allons donc entendre le dernier témoin de la séance, soit M. Montevecchi, de l'université Memorial. Je crois que nous avons déjà eu des discussions au sujet de certains de vos travaux, monsieur Montevecchi. Votre nom vous a donc précédé. Je vous remercie. La parole est à vous.

M. William A. Montevecchi (professeur, programme de biopsychologie, université Memorial de Terre-Neuve): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, et je remercie les membres du comité de l'occasion qui m'est donnée d'être ici.

Eugene, je crois que je vais me contenter de présenter une des diapositives. Je vais garder un des diagrammes que j'aimerais faire circuler. Je l'avais mis avec les autres, mais je préfère attendre. Je vous remercie beaucoup. Toutes mes excuses.

Je suis professeur d'université. Outre les questions environnementales, j'aimerais m'attacher à l'enjeu que représente l'indépendance scientifique tout autant que l'importance qu'elle revêt dans le contexte de la Loi sur les espèces en péril aussi bien que pour les Canadiens en général.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Excusez-moi, monsieur Montevecchi On a fait appel au Règlement. Je vous présente mes excuses.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Mes excuses aux témoins. Madame la présidente, le langage corporel de mes collègues m'apprend que certains d'entre eux sont sur le point de partir. Hier, un avis de motion a été déposé pour aujourd'hui. Une fois de plus, je m'excuse auprès des témoins de les avoir interrompus. Cela n'a rien à voir avec leurs propos. Comme nous risquons de perdre le quorum dans quelques minutes, je me demandais si nous pourrions nous occuper maintenant de la motion d'hier.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Montevecchi, à titre de dernier témoin, vous avez dû attendre. Je vais vous demander maintenant de patienter quelques minutes de plus parce qu'un des membres du comité devra bientôt partir. Nous vous entendrons ensuite.

M. Gar Knutson: Je propose qu'on enjoigne à Environnement Canada de déposer devant le comité l'opinion juridique préparée par Justice Canada concernant la constitutionnalité des dispositions législatives fédérales relatives aux espèces en péril, laquelle selon des fonctionnaires d'Environnement Canada, a servi de point de départ au projet de loi C-5, Loi sur les espèces en péril, et à son prédécesseur, le projet de loi C-33, et que l'opinion juridique en question soit déposée au plus tard le 15 juin 2001.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Carroll appuie la motion.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente. Je n'étais pas là hier, au moment où la motion a été déposée. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais obtenir des éclaircissements.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien sûr.

Mme Karen Redman: Si je comprends bien, le comité était intéressé et même désireux d'accueillir des représentants du ministère de la Justice à titre de témoins. Je me demande pourquoi on nous demande de voter sur une motion visant le dépôt de l'opinion juridique, alors que nous pourrions accueillir des personnes en chair et en os avec nous pourrions dialoguer.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson: Comme le sait la secrétaire parlementaire, nous avons demandé à Environnement Canada de renoncer à ce qu'on appelle conventionnellement le secret professionnel de l'avocat. À moins que le Ministère ne renonce au secret professionnel, ce qui n'a pas été le cas, malgré une demande adressée à Mme Brown du ministère il y a déjà quelques mois, je crains fort que Justice Canada se contentera, si nous entrons dans les détails, de se placer dans le rôle de l'avocat et refusera de parler aussi ouvertement que nous le souhaitons.

• 1635

À mes yeux, le fait que des représentants du Ministère témoignent n'est pas aussi significatif que le fait qu'Environnement Canada n'a pas encore donné suite à notre demande... M. Herron a demandé la tenue d'une discussion ouverte et franche à ce sujet.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Y a-t-il d'autres commentaires?

(Motion adoptée)

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): La parole est à vous, monsieur Montevecchi.

M. William Montevecchi: Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les membres du comité de l'occasion qui m'est offerte.

Je suis professeur d'université. Outre la Loi sur les espèces en péril, j'entends m'intéresser à l'indépendance scientifique en général et à l'importance qu'elle revêt pour la loi aussi bien que pour les Canadiens en général. J'ai retenu six enjeux, mais je pense que je vais passer rapidement sur les trois premiers. Les six enjeux en question sont la reddition de comptes, l'indépendance scientifique et l'expertise du COSEPAC, l'inscription scientifique des espèces, la protection de l'habitat obligatoire, et non discrétionnaire, le processus d'extinction des populations et les approches fondées sur plusieurs aspects de l'écosystème.

Les trois premiers éléments ont donc principalement trait au rôle de l'indépendance scientifique, à sa libre expression. Le 24 avril, M. Geoffrey Scudder a comparu devant le comité et présenté de l'information. Il a déposé une lettre du directeur régional pour l'Atlantique du Service canadien de la faune, laquelle a eu pour effet la dissolution de trois équipes de rétablissement de l'est du Canada, laquelle s'est effectuée sans consultation auprès de personnes autres que des fonctionnaires du gouvernement fédéral. La lettre a eu pour effet la dissolution immédiate des équipes. On y fait également allusion à la nomination des présidents des comités, qui proviendront du Service canadien de la faune.

Sur la foi de l'exposé de M. Scudder et à la suite d'une motion présentée par le comité, le ministre Anderson a répondu le lendemain que la mesure était inappropriée et qu'il allait s'en occuper. Je tiens à remercier le comité de son intervention, mais aussi à souligner la gravité de ce genre de questions et les motifs d'inquiétude qu'elles doivent faire germer en eux. Le Ministère a remercié le comité d'avoir porté la question à son attention. J'aimerais déposer une lettre que je lui ai fait parvenir—j'ignore si elle s'est rendue jusqu'ici—environ trois semaines auparavant et dans laquelle je portais moi-même la question à son attention. J'aimerais donc déposer le document.

La réponse que j'ai obtenue du ministre Anderson le 4 mai et une autre réponse que j'ai obtenue ultérieurement, ce qui, je crois, a beaucoup fait pour contribuer à régler le problème immédiat, de la part du directeur régional d'Environnement Canada dans la région de l'Atlantique, M. Bangay, ont été utiles. L'équipe de rétablissement a été reconstituée.

Toutefois, dans le projet de loi en général, nous devons étudier la question à la lumière du programme de rétablissement défini aux articles 37 à 56. Le ministre a invoqué un problème technique et le non-respect de la procédure établie pour expliquer ce qui s'était passé. À moins que le texte de loi ne définisse une procédure, je crains fort que le problème se répète. En fait, il se pose continuellement.

Je soulève un dernier point au sujet de cette question particulière. À mes yeux, il est très révélateur que c'est M. Geoffrey Scudder de la Colombie-Britannique qui a apporté cette question à l'attention du comité, et non un fonctionnaire du gouvernement fédéral qui, s'il avait souhaité le faire, en aurait probablement été empêché. Je crois que c'est vraiment très révélateur. Ce que je veux dire, c'est qu'on doit s'en remettre à Geoffrey Scudder, ou à moi, à un professeur d'université ou à une ONG.

Quoi qu'il en soit, je crois que cette situation explique très bien pourquoi nous avons besoin d'une participation indépendante. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'en l'absence d'une telle participation, vous n'auriez tout simplement pas été mis au courant. Vous n'auriez rien su. Et vous devez savoir. C'est le mécanisme qui assure la protection des espèces au Canada.

En ce qui concerne la représentation scientifique et indépendante au sein du COSEPAC, on vous a déjà dit, et je le confirme, que 50 p. 100 ou plus des membres du COSEPAC devraient être des scientifiques ne travaillant pas pour le compte du gouvernement et l'expertise scientifique devrait être validée par une organisation indépendante comme la Société royale du Canada. Le principe serait inscrit à l'article 16 du projet de loi.

• 1640

Ce genre de position ou d'affirmation est tout à fait compatible avec le Cadre applicable aux avis en matière de sciences et de technologie d'Industrie Canada. Comment agir de la sorte dans le contexte de mesures prises par le gouvernement fédéral? Une telle démarche est également conforme à la publication de la Société royale du Canada sur les aliments génétiquement modifiés et l'importance de la participation scientifique indépendante.

Personnellement, je ne saurais trop insister sur cette question parce que j'ai la conviction que la participation indépendante est l'une des caractéristiques fondamentales de notre démocratie, pas nécessairement sur le strict plan scientifique. Je pense qu'il s'agit d'un élément critique, et je suis convaincu que cette menace plane sur nous en tout temps.

Pour avoir déjà été ici, je suis au courant—et vous l'êtes encore mieux que moi—des problèmes que les scientifiques de Santé Canada et du MPO ont eus pour faire des déclarations indépendantes lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec la position du ministre ou du Ministère.

Je vais maintenant vous montrer un diagramme, ne serait-ce que pour établir un contraste avec les deux premiers témoignages d'aujourd'hui. À la lumière de l'ordinogramme que vous avez sous les yeux, je veux établir une analogie qui montre pourquoi l'inscription scientifique est si importante, même si je suis convaincu que je vais invalider une partie de l'argumentation au passage.

Posons un problème de santé—et je crois qu'on peut considérer la santé des espèces comme un problème lié à la santé de l'environnement. Si nous devions envisager la question sous l'angle de l'eau, par exemple, comment nous y prendrions-nous pour déterminer que nous sommes confrontés à un problème, et qui serait chargé des décisions et du règlement? Si nous utilisions un tel modèle, sorte de modèle médical en vertu duquel on tient compte des symptômes, du pronostic, des plans de traitement, de l'évaluation, de la révision du plan de traitement pour en venir à un nouveau diagnostic et ainsi boucler la boucle, afin, espère-t-on, de rétablir la situation, je pense qu'il apparaît très clairement—à mes yeux tout au moins, et j'espère que vous serez d'accord—que nous désignons les espèces en péril sur la foi des divers symptômes dont nous constatons la présence dans l'environnement. Ces symptômes, qu'il s'agisse du déclin des populations historiques ou de la perte d'habitats, sont essentiellement des évaluations scientifiques, et non, c'est certain, des évaluations politiques. Le diagnostic, qui, dans le contexte de la Loi sur les espèces en péril, a simplement trait au statut et à l'inscription des espèces, constitue une fois de plus un exercice purement scientifique.

Si nous posions le problème dans le contexte de l'eau, la conclusion selon laquelle l'eau est polluée, qui l'a polluée et les différents types de polluants présents ne constituerait pas une décision politique. Il faut que la décision soit prise par des professionnels de la santé. En ce qui concerne les dispositions législatives sur les espèces en péril, je pense que la décision doit revenir aux professionnels de la biologie et de l'écologie.

De la même façon, la prédiction et les pronostics relatifs à un éventuel rétablissement sont des évaluations scientifiques. La concentration que vous observez au milieu du diagramme représente véritablement l'élément le plus important et probablement l'aspect le plus difficile. J'estime pour ma part qu'il s'agit de l'aspect le plus difficile. Il s'agit du volet politique et du volet axé sur le traitement. C'est là que des décisions doivent être prises—des décisions sociales, des décisions économiques, des décisions vraiment difficiles, des compromis vraiment douloureux, auxquels participeront les scientifiques, sans pour autant en assumer la responsabilité. Je pense qu'il s'agit là véritablement du volet politique du processus. La réalisation nous ramène à la science et, une fois de plus, les plans de traitement, aux décideurs politiques.

Je tiens à souligner—et vous êtes probablement au courant à la suite de l'exposé de Stewart Elgie, qu'on a effectué des inscriptions politiques dans les quelques administrations provinciales qui ont adopté des dispositions législatives sur les espèces en péril, lesquelles ont essentiellement échoué. En Nouvelle-Écosse, on fait appel à l'inscription scientifique obligatoire fondée sur des critères scientifiques lorsque les dispositions obligatoires entrent en jeu. Nous espérons donc que les dispositions législatives générales seront au moins aussi rigoureuses que les dispositions provinciales.

Je pourrais aborder certaines autres questions environnementales, mais je pense que je vais en rester là pour le moment. Ce sont là les principaux points que je souhaitais soulever en rapport avec l'indépendance scientifique. Je vous remercie beaucoup.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup, monsieur Montevecchi. Votre témoignage nous aura été des plus utiles.

• 1645

Sur la liste, j'ai le nom de M. Forseth et de M. Comartin—quant à vous, monsieur Caccia, souhaitez-vous récupérer votre fauteuil de président? Vous préférez vous amuser sur les lignes de touche. Très bien.

M. Charles Caccia (Davenport, Lib.): En raison de la règle des cinq minutes, je m'impose une forte autodiscipline.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Peut-être allons-nous limiter la présidence à trois minutes.

En fait, je crois que nous allons donner au président des minutes additionnelles parce qu'il n'a jamais l'occasion de prendre la parole.

M. Forseth, la parole est à vous.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Je vous remercie beaucoup.

Le Conseil des pêches a formulé une observation intéressante, dans laquelle il était question d'un certain nombre d'articles du projet de loi qui exigent l'accord et non la simple consultation du ministre des Pêches et des Océans. J'aimerais qu'on me donne plus de détails à ce sujet.

Votre position doit bien s'appuyer sur un certain contexte, sur une certaine expérience et peut-être même sur certains scénarios que vous pourriez décrire pour mieux expliquer pourquoi cette question vous apparaît comme particulièrement importante.

M. Patrick McGuinness: Je vous remercie beaucoup.

Ce que nous voulons dire, c'est simplement qu'il y un ministre des Pêches et des Océans, que, aux termes de la définition de la loi, on a affaire à un territoire domanial, et que c'est le ministre qui est en fait responsable de la conservation des ressources, y compris les espèces en péril, et ainsi de suite.

Nous disions donc simplement, à propos de ces questions, que le ministère des Pêches, le ministre des Pêches, reste en communication constante avec l'industrie et avec les localités côtières, et nous estimons que cela sera plus efficace et plus efficient si nous—en tant qu'industrie—et les localités côtières dans la région de l'Atlantique, en Colombie-Britannique et près des eaux intérieures du pays pouvons poursuivre ce genre de dialogue avec le ministre et continuons à nous concentrer sur les espèces en voie de disparition.

Nous déployons déjà beaucoup d'efforts pour sauver des espèces en voie de disparition, dans le contexte des plans de rétablissement de la baleine noire. Lorsque les États-Unis ont désigné le marsouin des ports comme étant une espèce en voie de disparition, nous nous sommes réunis avec les localités côtières du Nouveau-Brunswick et les groupes écologistes pour dresser un plan d'action, un programme de rétablissement. C'était avant l'avènement du projet de loi C-65 et c'était une formule qui, de fait, fonctionnait très bien.

Tout ce dont nous nous préoccupons, dans une certaine mesure, c'est qu'il y ait dédoublement et un certain manque d'efficacité, et nous croyons que, pour avoir des plans d'action et des plans de rétablissement efficaces et que la mise en oeuvre des plans d'action et pour des plans de rétablissement en question, prévus dans la loi, soit confiée au ministre des Pêches et Océans—si les gens ne conviennent pas au départ de la liste, alors il y aura des conflits à l'intérieur des administrations et des conflits entre l'industrie et les localités à propos de la liste. Je crois donc que cela permettrait beaucoup mieux de faire le travail en question.

Merci.

M. Paul Forseth: Eh bien, voilà une belle réponse. Vous mettez peut-être la pédale douce. Le pouvoir brut est certainement une des choses dont j'ai déjà entendu parler. Qui finit par décider?

On entend parler de rivalités, de membres de sous-groupes de travail à l'intérieur de divers ministères et d'un ministère à l'autre qui refusent de s'adresser la parole. Ces gens proviennent de diverses disciplines et, en fait, ils se détestent mutuellement et se souhaitent du mal les uns aux autres. Ils font toutes sortes de choses pour nuire à l'autre, pour une question d'argent que l'on n'a pas obtenu et ainsi de suite. Je me demande donc si vous pouvez nous dire, d'après votre expérience, s'il faut un projet de loi et une loi qui fonctionne, qu'il faut des ministères qui ont l'expertise nécessaire, avec leurs traditions et diverses allégeances, pour vraiment travailler ensemble. Le passé laisse voir que les obstacles en question n'ont pas été aplanis; ils sont toujours là.

M. Patrick McGuinness: Une des autres questions qui préoccupe, c'est que le COSEPAC demeure un groupe qui n'est pas sur la scène depuis longtemps, et nous ne croyons pas parfaitement et entièrement à sa capacité d'évaluer adéquatement les espèces en péril en ce qui concerne les espèces aquatiques.

• 1650

Avec l'entrée en vigueur du projet de loi—et pour tenir compte du fait que le projet de loi doit faire l'objet d'un examen, en application de l'article 129, dans cinq ans, et en songeant au fait que le projet de loi est tout à fait nouveau et qu'il aura une incidence éventuelle sur les localités côtières, sans oublier l'incertitude entourant le fonctionnement du COSEPAC, particulièrement en ce qui concerne les espèces aquatiques—nous croyons que le processus doit bénéficier d'un mécanisme de contrepoids. Le mécanisme de contrepoids en question, ce serait que toute liste devrait être établie avec le concours du ministère des Pêches et Océans.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'encourage les autres témoins à réagir.

Madame May.

Mme Elizabeth May: Merci, madame la présidente.

Nous comprenons bien ce que M. Forseth veut dire. Sans aucun doute, nous sommes témoins de cas d'interférence. Cela me désole de le dire, mais le personnel du ministère des Pêches et Océans n'a pas été serviable dans le dossier des espèces en péril. Je crois que la responsabilité de la décision de continuer de reporter l'évaluation des stocks de morue du Nord, dans le contexte du COSEPAC, peut être attribuée directement au MPO, qui fait obstacle à ce processus scientifique depuis plusieurs années. Si la morue du Nord avait été inscrite sur une liste des espèces vulnérables ou menacées, nous aurions tiré des conclusions différentes et fait en sorte de protéger ce qui constitue une ressource économique aussi bien qu'une importante ressource biologique.

Notre recommandation—du Groupe de travail sur les espèces en péril—à propos de cette question—que le ministre du Patrimoine, le ministre des Pêches et le ministre de l'Environnement soient chargés d'appliquer ensemble la loi—visait donc à simplifier les choses et à en améliorer le fonctionnement: c'est le ministre de l'Environnement qui serait le seul responsable de la question en application de la loi—ce qui, je le sais bien, n'est pas ce que M. McGuinness a laissé entendre, mais je voulais simplement soulever la question à nouveau. Notre préférence, c'est que cette loi soit la responsabilité entière d'un seul ministre, pour qu'elle puisse être appliquée rapidement et de manière raisonnée.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

Monsieur Montevecchi.

M. William Montevecchi: Je veux dire que je suis d'accord avec M. Forseth. Ce sont des questions qui m'inquiètent moi aussi. Je crois que nous nous trouverons devant un véritable paradoxe.

Nous entendons si souvent dire que la compétence canadienne sur la zone terrestre ne représente que 4 ou 5 p. 100 de l'ensemble. De fait, comme vous le savez, le champ d'application sur la zone maritime équivaut à 100 p. 100, pour l'essentiel. Il est frappant de constater—c'est un paradoxe—que nous avons une protection qui est moins grande dans les zones maritimes que sur les zones terrestres, même si nous avons compétence absolue en la matière. Cela est tout à fait révélateur. Je crois que nous avons beaucoup de chemin à parcourir, et je crois qu'il vous faut continuer de poser ces questions, à coup sûr.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Butler.

M. Mark Butler: Je peux seulement parler de l'expérience que nous avons pour ce qui touche l'une des espèces en voie de disparition, la tortue luth. Pendant plusieurs années, nous avons essayé d'obtenir des données sur les prises accessoires des pêcheurs en surface à la palangre. La seule façon dont nous avons pu y arriver, en dernière analyse, c'est en présentant une demande en application de la Loi sur l'accès à l'information. Nous ne pouvions même pas obtenir les données du MPO en vue d'évaluer la situation.

Un groupe comme la direction de la gestion des pêches exerce un pouvoir considérable au sein du MPO. Ce groupe est très puissant, et nous sommes très peu portés à croire, comme Louise a pu le faire valoir dans son exposé, que le MPO sait vraiment ce que suppose la conservation des espèces en voie de disparition.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame White ou monsieur Rideout, avez-vous des observations à formuler?

M. David Rideout: Non.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): D'accord, merci beaucoup.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur Montevecchi, pouvez-vous nous faire une mise à jour? Les trois comités se sont-ils réunis pour étudier leurs plans de rétablissement?

M. William Montevecchi: Je crois savoir qu'ils l'ont fait.

Dans notre cas à nous, pour ce qui touche le harlequin plongeur, je fais remarquer que le ministre m'a adressé une lettre, après que le rang de l'espèce a été révisé à la baisse deux fois: techniquement, nous n'avions plus besoin d'une équipe de rétablissement. Je ne sais pas si le moment était bien choisi, mais, en fait, je suis reconnaissant d'avoir reçu la lettre de M. Bangay, qui est directeur d'Environnement Canada pour la région de l'Atlantique.

Je crois qu'ils ont certainement fait beaucoup pour corriger la situation. Mais pour vraiment corriger la situation, cela ne devrait pas se produire, et les responsabilités dans les champs d'action dont il est question devraient être claires. Il y a tellement de zones grises en dehors de la loi. Cela me rassure donc beaucoup de faire inclure dans la loi le plus grand nombre de précisions possible.

Il est difficile de savoir qui est responsable. Il est difficile de savoir si ce type était même autorisé à faire ce qu'il a fait. Je crois qu'il ne l'était pas, mais il est difficile de retracer la responsabilité. Encore une fois, je suis reconnaissant des efforts déployés par votre comité; s'il ne l'avait pas fait, je suis certain que rien ne se serait passé.

M. Joe Comartin: Ai-je encore du temps?

• 1655

Mme May, à propos des articles 34 et 35, je dois dire que je ne comprends pas parfaitement. Proposez-vous que nous supprimions les articles 34 et 35? Pouvez-vous—pour aller un peu plus vite, peut-être—nous donner une proposition précise pour savoir quoi en faire?

Mme Elizabeth May: Il existe plusieurs façons d'améliorer le projet de loi et d'améliorer sa validité sur le plan constitutionnel. Certes, le paragraphe 34(1) devrait être supprimé. Il y est dit que nous ne croyons pas vraiment à ce que nous avons dit à propos des interdictions nationales touchant la mise à mort d'espèces en voie de disparition, d'espèces disparues, des espèces menacées ou des espèces en péril.

Le filet de sécurité établi en conséquence pourrait prendre quelques formes différentes. On pourrait laisser les choses telles quelles tout en reformulant un peu. Cela concorderait avec le fait que vous avez interdit que l'on tue ces espèces, partout au pays. Laissez en place l'option selon laquelle le ministre de l'Environnement peut s'adresser au gouverneur en conseil pour faire adopter des règles précises concernant la protection de l'habitat et d'autres secteurs. Sur le plan constitutionnel, cela serait préférable à la solution que nous avons en place en ce moment. Par le simple fait de s'assurer que les interdictions s'appliquent à l'échelle nationale, nous écartons l'un des raisonnements qui seraient utilisés contre nous devant la Cour suprême du Canada. Si nous disons que nous ne protégeons pas vraiment les espèces dans tout le Canada, ce n'est pas une véritable interdiction.

Option plus sûre, du point de vue constitutionnel: reprendre ce que nous avons déjà fait dans le passé, c'est-à-dire recourir à des accords d'équivalence. Cela concorde parfaitement avec le reste du projet de loi et le recours prévu au conseil des ministres. C'est une approche rigoureuse qui, aussi, dépend de la coopération des parties. Chacun des accords conclus avec chacune des provinces fait l'objet d'une négociation et d'une entente volontaire. Tout le monde sait très bien ce qui se passe. Ce serait plus sûr, sur le plan constitutionnel.

Si vous vouliez toucher le moins possible au projet de loi, je vous dirais d'éliminer les paragraphes 34(1) et 35(1). Trouvez des façons de faire concorder l'intervention subséquente du gouverneur en conseil auprès du ministre et l'application de tous les pouvoirs discrétionnaires avec les interdictions absolues.

M. Joe Comartin: J'ai une dernière chose à dire, monsieur Butler. Peter Stoffer me dit de vous dire bonjour.

C'est tout, madame la présidente. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Comartin.

La parole va maintenant à notre honorable président, M. Caccia.

Je m'excuse. Quelqu'un veut formuler une autre observation. Je m'excuse. Monsieur McGuinness.

M. Patrick McGuinness: Je voulais traiter des suggestions d'Elizabeth concernant les articles 33 et 35. Ses suggestions ne posent pas de difficultés à l'industrie de la pêche, puisque nous sommes en territoire fédéral... ce qu'elle propose ne nous pose aucunement problème.

Je crois qu'il faut mettre cela en contexte. Le projet de loi C-33 se distingue nettement du projet de loi C-65. Il y a une raison à cela, et la raison est liée à ce que j'ai dit au début. Ce que le projet de loi C-33 a de merveilleux, c'est qu'il essaie de faire naître des partenariats—partenariats avec les provinces, l'industrie et les ONG.

Le passage entre le projet de loi C-65 et le projet de loi que nous étudions aujourd'hui laisse voir une évolution importante. C'était l'accord national. L'accord national réunissait les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, qui travailleraient de concert pour mettre en place un système efficace pour protéger les espèces en péril au Canada. Chacune des instances a entrepris d'étudier la situation et de cerner les lacunes de sa législation particulière. De ce fait, votre ministre de l'Environnement a étudié le tableau fédéral et constaté qu'il y avait une lacune. Le projet de loi C-33 vient combler les lacunes. La lacune, c'est que vous avez une responsabilité—pour ce qui est de déposer les textes de loi en question—là où vous avez compétence, tout comme l'Alberta et la Colombie-Britannique, dans le cadre de l'accord national... il y aura des obligations qui vont avec les dispositions du type «tu ne tueras point».

Cela me paraît un peu trompeur d'affirmer qu'il existe, en raison de ces conditions, une lacune par définition. Par définition, la lacune doit être comblée dans le cadre de l'accord national.

Comme je l'ai dit au début de mon exposé, ne réanimons pas le débat acrimonieux qui a porté sur le projet de loi C-65. Reconnaissons le fait que nous formons une fédération. Les Canadiens qui habitent dans une localité côtière et les industries du secteur primaire font partie de la solution. Nous ne faisons pas partie du problème. Essayer de faire adopter ces mesures fédérales draconiennes, pour ainsi dire, ne fera que causer un effet de ressac en ce qui concerne nombre des parties qui doivent vraiment faire partie du système. Nous voulons un système au Canada. Nous ne voulons simplement pas de loi fédérale.

• 1700

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame May.

Mme Elizabeth May: Je vous remercie de me permettre de répondre à la question, madame la présidente.

Tout d'abord, je crois que l'accord national est préalable au dépôt du projet de loi C-65. C'était à l'été 1996. Le projet de loi C-65 a été déposé, tout le monde s'en souvient, le jour de l'Halloween, à l'automne 1996.

Je n'ai pas affirmé que le libellé des articles 32, 33, 34 et 35 présentaient une lacune. Cela m'inquiète au plus haut point qu'on nous laisse une loi qui sera vulnérable sur le plan constitutionnel.

Nous savons qu'il y a au moins une province qui a affirmé qu'elle contestera la loi. Toute la documentation accompagnant la LEP expliquait le chef de pouvoir qui servait en droit criminel. Si vous utilisez un chef de pouvoir en droit criminel, vous ne pouvez l'appliquer d'une manière discrétionnaire qui évoque la réglementation. C'est le principal raisonnement que je voulais faire valoir.

Pour ce qui est des interdictions applicables dans l'ensemble du Canada, ce n'est guère draconien. Je n'en ai pas parlé. Vous me donnez l'occasion d'en parler maintenant.

Nous étions prêts à aller jusqu'à dire, particulièrement en réponse aux préoccupations des propriétaires fonciers et des groupes d'utilisateurs des ressources, que nous pourrions en faire une infraction exigeant l'intention criminelle, si c'est ce qu'il faut pour s'assurer que les espèces en péril sont protégées contre la chasse directe dans tout le Canada. Pour ce qui est de la discrétion de la poursuite, personnellement, je ne vois pas que quiconque soit jamais poursuivi pour avoir tué un animal par accident de toute manière.

Je sais que les propriétaires fonciers sont nombreux à s'estimer vaincus au départ s'ils doivent engager un avocat, aller en cour et faire valoir une défense fondée sur la diligence raisonnable. Ils ne veulent pas avoir à rencontrer des avocats. Je ne saurais leur reprocher, étant moi-même avocat.

Si on ne peut envisager qu'il s'agit de l'application tout à fait appropriée d'un principe de droit pénal pour interdire la mise à mort directe de quelque espèce que ce soit, où que ce soit au Canada, alors faisons-en une infraction exigeant l'intention criminelle. Le nombre de fois où cela va vraiment chambouler le champ de compétence ou la vie personnelle de quelqu'un sera vraisemblablement très peu élevé. Cela jette les fondements de tout ce qui se trouve ailleurs dans la loi. Cela affirme avec conviction que nous savons que le droit criminel fédéral nous permet d'interdire la mise à mort directe de ces espèces. C'est le fondement sur lequel tout le reste vient s'appuyer en ce qui concerne le rétablissement des espèces et ainsi de suite. O

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, madame May. Je crois que M. Gibson, au moment de comparaître devant nous, avait fait valoir bon nombre des raisonnements que vous avez exprimés aujourd'hui.

Monsieur Caccia, je vous en prie.

M. Charles Caccia: Merci, madame la présidente.

J'aimerais traiter du mémoire présenté par le Conseil canadien des pêches, mais j'aimerais d'abord poser une toute petite question à M. McGuinness avant d'analyser quelques-unes des affirmations qui se trouvent dans le rapport. Plus particulièrement, à la page 5, n'y trouve-t-on pas une erreur? M. McGuinness parle-t-il, sous la rubrique «prorogation», du paragraphe 130(5) plutôt que du paragraphe 129(5)?

M. Patrick McGuinness: Vous avez tout à fait raison, il y a une erreur. On devrait y lire plutôt «Paragraphe 130(5) en ce qui concerne les prorogations.»

M. Charles Caccia: Merci.

Madame la présidente, ce n'est pas la seule erreur que renferme ce mémoire. Ce mémoire est épouvantable, si vous voulez mon avis.

Le Conseil des pêches—au moment où le moratoire a dû être décrété en 1992—avait été témoin de la dévastation du secteur de la pêche à la morue sans pour autant adopter des mesures qui vaillent.

Le Conseil des pêches a le culot de venir ici nous dire que le projet de loi C-65 avait un ton acrimonieux. Madame la présidente, l'ancien projet de loi, s'il diffère d'une manière quelconque de celui que nous avons devant les yeux, avait plus de mordant. Il n'était certainement pas acrimonieux. Il avançait avec une plus grande conviction l'intérêt public et la présence fédérale. C'est ce qu'il faisait. Le voir qui vient ici pour nous faire la morale à propos du ton du projet de loi C-65, ça me fait bouillir.

M. McGuinness croit que nous devrions compter sur la participation et la coopération des provinces. Madame la présidente, c'est une bien belle idée, et nous croyons tous cela en théorie. Le fait est que, concrètement, le bilan des provinces est très mauvais, sauf peut-être pour la Nouvelle-Écosse.

• 1705

Nous avons étudié la liste politiquement acceptée du COSEPAC, une province à la suite de l'autre, et nous avons constaté que, dans certains cas, le pourcentage de la liste approuvé politiquement n'est pas plus élevé que 20 p. 100 de ce que propose le monde scientifique.

M. McGuinness aurait-il quelque chose à dire là-dessus? Que va-t-il nous dire dans son exposé—que nous devrions compter sur les provinces, même lorsqu'elles ne tiennent pas leurs promesses? Souhaite-t-il perpétuer le rôle du conseil, qui, à bien des égards, est responsable de la dévastation de nos pêches? Nous ne savons pas quelle espèce va s'ajouter maintenant à la liste des espèces menacées, après la morue, mais nous pouvons le deviner, en regardant les pratiques que le Conseil des pêches souhaite protéger.

Je ne m'attends pas à une réponse tout de suite. Je n'ai pas fini.

Des voix: Oh, oh!

M. Patrick McGuinness: J'essayais de vous arrêter.

M. Charles Caccia: Monsieur McGuinness, vous acceptez bien le terme «résidence» parce qu'il ne s'applique pas à la plupart des espèces aquatiques. Eh bien, j'ai des nouvelles pour vous: j'espère qu'il va s'appliquer aux lieux de frai—sinon, c'est un échec lamentable de notre part, ne croyez-vous pas?

Ensuite, M. McGuinness nous parle de la réglementation. Il estime, madame la présidente, que le ministre de l'Environnement devrait aller de l'avant avec le concours du ministre des Pêches et Océans, ce qui servirait à affaiblir encore le projet de loi. Je trouve déjà que le projet de loi est faible, puisque, sous sa forme actuelle, le pauvre ministre de l'Environnement ne peut agir qu'après consultation du ministre du Patrimoine, comme l'énonce le paragraphe 2(4), ce qui est beaucoup.

Nous savons que le ministre des Pêches et Océans fait l'objet de pressions de la part de l'industrie. Ah, mais non, cela ne suffit pas aux yeux de M. McGuinness. Il tient à ce que le ministre de l'Environnement ne puisse agir qu'avec le concours de l'autre. Eh bien, monsieur McGuinness, ce n'est certainement pas de cet oeil que certains d'entre nous, ici, voyons la chose; ne nous quittez donc pas en ayant l'impression que vous avez réussi un beau coup là-dessus.

Ensuite, M. McGuinness poursuit: bien sûr, à la lumière de l'enviable bilan que nous connaissons dans le domaine des pêches, à la page 3, qu'il ne croit pas au verdict des spécialistes des espèces. Ah, mais non, c'est trop dangereux. Il croit aux politiciens. De toute évidence, il n'est pas au courant du bilan des provinces auquel je faisais allusion il y a un instant. Croirait-il toujours à la compétence des politiciens si ceux-ci devaient établir la liste scientifique? Pourrait-il nous donner des raisons pour lesquelles, à partir de ses constatations, nous devrions faire confiance aux politiciens?

Enfin, madame la présidente, je crois qu'avec le rapport dont il est question, l'infraction se maintient. On nous dit: ah, mais non, vous ne pouvez imposer une peine de plus de un jour, voyez-vous, car cela est trop lourd, une journée de pêche. Eh bien, dites-nous encore pourquoi un jour, c'est trop lourd, pour qui enfreint la loi sciemment et volontairement.

Et puis, il y a cette petite perle sur la question, pour laquelle nous avons eu une correction. C'est non pas le paragraphe 129(5), comme on le voit dans le mémoire, mais plutôt le paragraphe 130(5). En ce qui concerne la recherche et d'autres choses, on nous parle des obligations lourdes, du point de vue de la main-d'oeuvre et des finances, qui seraient imposées en ce qui concerne les ressources scientifiques du ministère des Pêches et des Océans.

Eh bien, il faudra peut-être accroître ces ressources, monsieur McGuinness. C'est à cela que servent les budgets. C'est à cela que servent les excédents. Sinon, voulez-vous que ce gouvernement cesse de gouverner?

À vous de répondre. Je serais très intéressé de savoir ce que vous avez à dire.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pour être juste, monsieur McGuinness, nous allons vous accorder quelques minutes supplémentaires pour que vous puissiez répondre, car j'ai permis au président de poser toutes les questions qu'il voulait poser. Je vous en prie.

M. Patrick McGuinness: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je voulais dire que le ton... je n'ai pas dit que le ton du projet de loi C-65 était acrimonieux. Ce que j'ai dit, c'est...

M. Charles Caccia: Vous utilisez le qualificatif «acrimonieux» au deuxième paragraphe. C'est écrit noir sur blanc.

• 1710

M. Patrick McGuinness: Je faisais allusion au débat entourant le projet de loi précédent. C'est-à-dire que le projet de loi lui-même, en raison des éléments qui s'y trouvaient, a créé un débat très acrimonieux dans tout le Canada. Voilà ce que je disais.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur McGuinness, je crois que le ministère des Pêches et Océans a bien fait sa part pour susciter ce débat acrimonieux. Je vous prie de continuer.

M. Patrick McGuinness: Pour ce qui est de la question de savoir si je vais appuyer les provinces et ainsi de suite, tout ce que je voudrais vous rappeler... Le problème, à regarder le projet de loi C-5, c'est qu'il ne représente que la moitié du tableau d'ensemble. L'essentiel du tableau se trouve dans l'accord national, et ce qui est dit dans l'accord national, c'est que les ministres des provinces et des territoires doivent s'entendre sur ce qu'ils ont l'intention de faire pour régler la question des espèces en voie de disparition par l'entremise de ce mécanisme. Tout ce que je dis, c'est que le projet de loi C-5 joue un rôle, sans aucun doute, mais que c'est un rôle précis qui consiste à combler les lacunes en ce qui concerne le champ d'intervention du gouvernement fédéral.

Le défi que le Canada doit donc relever, monsieur Caccia, c'est d'adopter ce projet de loi fédéral, s'engager dans l'accord national, rencontrer les divers ministres provinciaux et territoriaux et les encourager—avec tous les moyens de persuasion qu'il peut mettre en oeuvre—de se donner un système canadien efficace de ce genre.

Le Conseil canadien des pêches est une fédération, et permettez-moi de vous dire que si nous dirigions tout depuis Ottawa, il n'y aurait qu'un bureau et qu'une personne, à Ottawa. Par contre, nous formons une fédération, et nous devons travailler de concert avec nos associations provinciales. Nous devons travailler de concert avec les grandes sociétés, et il y a un élément magique à cela. L'élément magique, c'est d'essayer de relever la barre en ayant l'appui de tous. Voilà donc mon observation à ce sujet.

Pour ce qui est de la résidence, j'imagine que ce qu'il faut dire, pour ce qui est de ce que nous y verrions, c'est que sans nul doute, les lieux de frai sont désignés dans la loi en ce qui concerne l'habitat.

Pour ce qui est de la question que vous soulevez à propos des infractions continues, nous reconnaissons le fait que les peines devraient être très sévères. Tout ce que nous disons, pour ce qui est de la zone aquatique et maritime, c'est que nous avons l'impression que c'est assez distinct et différent de, disons, la zone terrestre, où il peut y avoir, si vous voulez, une espèce en voie de disparition que vous avez désignée, et qui est peut-être un faucon qui voyage habituellement seul au sein d'une population très peu élevée—ce genre de question.

Par contre, dans les pêches, citons le cas d'un pêcheur qui se trouve dans une zone de pêche. Disons qu'il pêche pendant une journée ou deux, ou trois. Il revient au port et constate que, dans ses prises, il y a, si vous voulez, une espèce en voie de disparition qu'il n'a pas le droit d'avoir. Tout ce que je veux faire valoir en évoquant cette situation—qui est, peut-être, si vous voulez, un acte isolé et habituellement accidentel—nous souhaitons étudier le libellé de la disposition en matière d'infraction continue, pour établir que si la personne agit sciemment, c'est certainement punissable, mais que dans les circonstances que je viens d'évoquer, il n'y ait pas de peine lourde de prévue.

Pour ce qui est du paragraphe 129(5), pour ce qui est de notre demande de prorogation...

M. Charles Caccia: Non, ce n'est pas le paragraphe 129(5). Vous vous êtes corrigé déjà.

M. Patrick McGuinness: C'est le paragraphe 130(5). Je m'excuse.

M. Charles Caccia: Cela illustre bien le bilan de votre conseil.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Caccia, je vous en prie. Laissez parler le témoin.

M. Patrick McGuinness: Pour ce qui est du paragraphe 130(5), vous avez raison. Le problème est là. Le problème a trait aux ressources financières qu'il faut pour réaliser des recherches biologiques. Nous, dans l'industrie de la pêche, nous avons assumé une part nettement plus grande de cela durant les cinq dernières années. De fait, les ressources voulues pour mener à bien les aspects scientifiques des pêches et pour que les scientifiques agissent en autonomie ne sont pas là en ce moment. Ce qui nous inquiète, simplement, c'est que le ministère des Pêches et des Océans doit composer avec un fardeau législatif encore plus grand, de sorte qu'il pourrait y avoir des situations où ils auraient peut-être à demander une prorogation, comme le prévoit l'article 135.

• 1715

Il n'y a aucun doute là-dessus, monsieur Caccia. Si, de fait, le gouvernement du Canada souhaitait étoffer les ressources financières du secteur scientifique du MPO, nous y serions favorables.

La vice-présidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

M. Charles Caccia: Pouvez-vous m'inscrire au deuxième tour?

La vice-présidente (Mme Kraft Sloan): Je vais certainement vous inscrire au deuxième tour.

Nous allons entendre M. Reid, Mme Redman, Mme Carroll et M. Knutson. M. Reed est au téléphone, de sorte que votre nom est renvoyé plus bas sur la liste.

Madame Redman, et vous n'aurez que cinq minutes.

Mme Karen Redman: Merci, madame la présidente. Comme le temps que vous m'accordez n'est peut-être pas aussi élastique, je vous demanderais de m'inscrire au deuxième tour aussi, car j'ai trois questions à poser.

M. McGuinness, je vous félicite. Devant un comité où les échanges intéressants et les idées fortes ne font jamais défaut, vous avez réussi à susciter un débat animé aujourd'hui.

Selon le projet de loi C-5, le COSEPAC doit exercer ses fonctions en disposant des meilleurs enseignements possibles, ce qui englobe des connaissances scientifiques, des connaissances communautaires et des connaissances autochtones traditionnelles.

Dans votre exposé, vous parlez de «connaissances sectorielles». Je me demandais si vous pourriez nous définir le terme et nous donner un exemple précis de la manière dont cela pourrait être utile au processus selon vous.

M. Patrick McGuinness: Nous parlons de «connaissances sectorielles»—ce qui se passe en ce moment, c'est doublement vrai dans le cas de la gestion des pêches—... les analyses scientifiques du MPO sont solides, mais le MPO ne maîtrise pas parfaitement la science des ressources halieutiques.

Bon, nous avons conçu un processus où les scientifiques des pêches se réunissent avec les membres de l'industrie des pêches et les localités en vue d'évaluer l'état de stock particulier.

Tout ce que nous disons, c'est que le COSEPAC va établir un sous-comité qui se penchera sur la question des pêches en mer. Il nous paraît important, tandis que le comité étudie la question de la dynamique des populations au sein d'un secteur de pêche en particulier, qu'il cherche une façon d'obtenir l'avis de l'industrie, c'est-à-dire que nous fournirions des connaissances sectorielles. Souvent, il s'agit de simples données: de temps à autre, il peut y avoir des spécimens des espèces en question prises accessoirement. Nous tenons des dossiers à ce sujet, que nous sommes prêts à mettre à contribution.

Tout ce que nous disons, c'est que vous avez tout à fait raison: le COSEPAC et le sous-comité devraient étudier toutes les données qui puissent se trouver. Mais n'oubliez pas que les industries d'exploitation de ressources disposent également de données, et qu'elles sont dévouées à la tâche que constitue le développement durable.

Mme Karen Redman: Merci beaucoup.

Monsieur Montevecchi, une équipe de rétablissement doit se composer de nombreux membres, qu'il s'agisse d'universitaires ou de fonctionnaires, voire, comme on l'a déjà mentionné, d'Autochtones et d'intervenants. Mais l'équipe n'appartient à quiconque. Selon le projet de loi C-5, en dernière analyse, c'est le gouvernement fédéral qui, du point de vue du public, a la responsabilité de s'assurer qu'il y a bel et bien rétablissement des espèces menacées et en voie de disparition.

Si l'équipe ne s'acquitte pas de l'exigence fédérale à cet égard, que devrait faire le gouvernement fédéral?

M. William Montevecchi: Il devrait peut-être se relever et aller trouver une autre équipe.

Une suggestion qui est faite en ce moment, c'est ce que l'on appelle le plan d'opération. Il y a une ébauche de guide des opérations à l'intention des équipes chargées du redressement des espèces. Une suggestion—et c'en est peut-être une bonne—consistait à faire codiriger les équipes en question par un employé fédéral ou un scientifique du gouvernement. Il aurait pour responsabilité de rendre des comptes au Ministère. Il y aurait également un président qui ne serait pas un employé fédéral. Voilà une façon possible d'essayer au moins d'instaurer un certain équilibre. Mais je suis tout de même inquiet. Je ne suis pas sûr, pour répondre à votre question, mais je crois que nous devons accepter...

Quelqu'un a suggéré de faire confirmer les nominations par l'entremise de la Société Royale, s'il s'agissait d'intervenants indépendants. Si quelqu'un ne fait pas son travail, alors c'est qu'il ne fait simplement pas son travail, alors il faut le licencier. Mais je crois que nous ne voudrions pas forcément pousser ça jusqu'au point de dire qu'il nous faudrait toujours—comme a pu nous le dire le directeur régional pour la région de l'Atlantique du Service canadien de la faune—que tous ces présidents devraient être des membres du personnel du Service canadien de la faune. Je crois que l'on peut faire rendre des comptes d'autres façons.

Mme Karen Redman: Merci. Si mon temps n'est pas tout écoulé, je vais passer à ma troisième question.

Le président suppléant (M. Gar Knutson): Je vous en prie.

Mme Karen Redman: Merci.

• 1720

Mme May, vous avez parlé des infractions établies dans la loi. Le Groupe de travail sur les espèces en péril a proposé que l'on modifie la loi pour que cela soit non plus des infractions de responsabilité stricte, mais plutôt des infractions exigeant l'intention criminelle. La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur les pêches, par exemple, prévoient des infractions de responsabilité stricte dans le cas des activités qui auraient pour effet de blesser directement ou de tuer une espèce. Je me demande si vous pouvez commenter la chose, car, à mon avis, il serait difficile de justifier que les poursuites en cas de blessures à une espèce en voie de disparition seraient plus difficiles à intenter que les poursuites en cas de blessure infligées à une espèce courante.

Mme Elizabeth May: Oui. C'est une excellente question; permettez-moi d'expliquer notre façon de penser. Cela tient en partie à des raisons historiques. La Loi sur les pêches et la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ont été adoptées à une époque où il n'y avait pas beaucoup d'anxiété publique à l'avance.

Nous essayons de favoriser un esprit de coopération en ce qui concerne la loi. Les très rares articles qui ont un quelconque mordant ont été exagérés, selon moi, grâce à Internet, particulièrement dans les provinces des Prairies. Il semble y avoir bon nombre de bonnes gens qui croient les balivernes avancées à propos de ce que produirait ce projet de loi—que les gens viendraient les exproprier, que les gens viendraient les poursuivre, que les gens seraient là sur le pas de la porte pour les observer pendant qu'ils, par accident, reculent avec leur voiture sur une espèce, pour les traîner en cour.

Pour faire baisser ce niveau d'anxiété... pour être franche, pour ce qui est du nombre de poursuites que cela donnerait, compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la poursuite, il n'y aurait vraisemblablement pas de poursuites intentées dans les cas où, clairement, la cause est sans justification du point de vue de la responsabilité stricte et d'une défense fondée sur la diligence raisonnable. Si c'était un accident—quelqu'un faisait preuve d'une diligence raisonnable—il n'y aurait probablement pas de poursuite.

Pour équilibrer les choses, en regardant la nécessité d'avoir des interdictions qui s'appliquent dans l'ensemble du pays de la manière la moins dérangeante possible pour les provinces, les territoires, les propriétaires fonciers privés et les utilisateurs de ressources, tout en assoyant le projet de loi sur une assise constitutionnelle solide et en s'assurant qu'il interdit de tuer une espèce visée partout au Canada, l'infraction exigeant l'intention criminelle est un petit pas fait dans le bonne direction, pour qui souhaite un projet de loi acceptable aux yeux de tous et mettre fin aux balivernes qui sont véhiculées. Mais je comprends ce que vous dites, et vous avez tout à fait raison.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Avec tout le tohu-bohu cet après-midi, je ne sais pas si j'ai bien interprété ce que tout le monde a dit. Le débat se poursuit à propos de savoir si le ministre devait être responsable au bout du compte, car le ministre est responsable devant le public en ce qui concerne la liste du COSEPAC, et du pouvoir discrétionnaire et de caractère obligatoire de cela. Ce thème est revenu avec chacun des témoins.

Ai-je bien interprété cela: vous croyez tous que cela devrait être discrétionnaire? Non? Ai-je tort?

Mme Elizabeth May: Monsieur Reed, Je dirais simplement, rapidement, au nom du Groupe de travail sur les espèces en péril, bien que je n'aie pas traité de tous les points soulevés dans notre mémoire initial, que nous avons toujours maintenu que nous préférons l'inscription scientifique, de sorte qu'il y aurait une ingérence politique minimale dans le processus. L'exemple que j'ai évoqué plus tôt était à l'intérieur d'un système qui n'était pas censé être vulnérable au processus politique, car le système du COSEPAC, avant d'être créé par l'adoption d'une loi, souffrait d'une immense ingérence politique de la part du ministère des Pêches et Océans. Ce ne sera donc jamais parfait. Le système est déjà vulnérable à l'influence politique, mais nous croyons que la préservation de l'inscription scientifique est la meilleure façon de procéder.

Bon, Je sais que vous voulez entendre parler les autres témoins.

M. William Montevecchi: Je suis d'accord. C'est ce que je voulais faire ressortir à l'aide du diagramme. De fait, c'est une évaluation qui est une sorte de diagnostic, et le diagnostic appartient toujours au professionnel, ce n'est pas forcément une opinion politique. Cela ne veut pas dire que nous ne prêtons pas foi à la politique, mais l'élément important—l'élément politique—c'est le plan de traitement et l'option retenue pour composer avec la chose. Mais le diagnostic est une décision professionnelle. Quelles que soient les affirmations de quiconque à propos des dimensions sociales et économiques de la pêche à la morue, le nombre de morues qui se trouvent dans l'eau est, en fait, une question à laquelle nous pouvons répondre. Nous n'allons probablement jamais être en mesure d'y répondre. Mais s'il y a bien quelqu'un qui serait en mesure d'y répondre, et c'est là que nous devrions nous tourner, ce sont les scientifiques. Nous devrions nous tourner vers les pêcheurs aussi. Mais c'est une question à laquelle il est possible d'obtenir une réponse. Ce diagnostic doit toujours être professionnel.

M. Julian Reed: J'en conviens. Vous prenez le diagnostic, mais, au bout du compte, la décision ne devrait-elle pas appartenir à une personne qui est responsable devant le public...

M. William Montevecchi: Non, parce que...

M. Julian Reed: ... comme le ministre en conseil? C'était ma question.

M. William Montevecchi: Oui.

Le président suppléant (M. Gar Knutson): Et, visiblement, vous n'êtes pas d'accord.

M. William Montevecchi: Eh bien, je ne crois pas, parce que, voyez-vous, le diagnostic est toujours le même. Ce qui est variable, c'est le plan de traitement. Le diagnostic serait le diagnostic. Cela ne veut pas dire que les scientifiques ne font pas d'erreur.

• 1725

M. Julian Reed: Je vais vous dire pourquoi nous avons soulevé la question. Les témoins nous ont relaté deux anecdotes. Il y en avait une qui portait sur le caribou de montagne. Le caribou de montagne figurait apparemment sur la liste des espèces en voie de disparition, et sa population décline assez rapidement. Une grande zone d'habitat a été réservée pour le protéger, mais même si nous en avons importé un grand nombre pour donner un coup de pouce, la population décline toujours. Apparemment, il y a maintenant moins de 25 spécimens.

Le fait est que le caribou est en déclin non pas en raison de l'intervention des êtres humains, mais plutôt en raison des prédateurs. Il y a eu quelque chose qui nous a fait rire et a bien nourri notre cynisme la semaine dernière; c'est un article paru dans un de nos journaux nationaux—je ne l'ai pas encore retrouvé, mais je le ferai—qui laissait entendre que l'on pourrait agir à l'encontre des loups. On tuerait la moitié des loups, puis on en stériliserait d'autres et ainsi de suite, pour que la prédation cesse. Bon, voilà ce qui me semble une interférence flagrante dans le cycle naturel des choses.

L'autre raisonnement que je fais valoir en faveur du pouvoir discrétionnaire a trait au fait que le COSEPAC reconnaît des frontières politiques que les espèces, elles, ne voient pas. Par conséquent, dans les cas où une espèce serait considérée comme en péril au Canada parce qu'on y retrouve que quelques spécimens, il peut y en avoir bon nombre de l'autre côté de la frontière. Je vous implore donc d'inscrire cela au compte rendu: à propos de ce débat sur le pouvoir discrétionnaire et le caractère obligatoire, il y a un autre revers à la médaille. C'est pourquoi je favorise le pouvoir discrétionnaire, étant donné tous les éléments de preuve qui ont été présentés.

M. William Montevecchi: Sauf tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que l'un quelconque de ces raisonnements nous fait opter forcément pour une liste discrétionnaire. Je suis d'accord avec vous sur ces points. Vous avez cité à titre d'exemple le caribou. Sur notre planète, le fait pour une espèce d'être abondante n'a pas vraiment grand-chose à voir avec ses probabilités de disparaître. Nombre des espèces qui sont extraordinairement courantes sur Terre—et nous connaissons l'exemple de la morue, nous en avons beaucoup parlé—sont souvent plus vulnérables. Il y a sur Terre des espèces rares qui ne seront probablement jamais menacées de disparaître. Elles affichent une résistance extraordinaire.

Je crois que c'est le cas du caribou. C'est une espèce abondante. Les questions difficiles que vous avez posées à propos des options possibles—tuer les loups ou ne pas tuer les loups, voilà des questions difficiles. Encore une fois, je ne crois pas que cela nous force à conclure qu'il faut une liste discrétionnaire. Je ne crois pas qu'on en soit là. Si une espèce est en péril, c'est tous les facteurs dont nous avons connaissance qui font qu'elle est en péril. Or, quelle est la meilleure façon de composer avec cela? Quelles sont les données que nous n'avons pas? Toutes ces questions sont pertinentes, mais pas nécessairement pour savoir si, oui ou non, l'espèce est en péril.

M. Julian Reed: Dans un tel cas, imposez-vous une intervention de cette nature au nom de quelque espoir idéaliste en vertu duquel vous allez sauver tel ou tel groupe que le COSEPAC a inscrit sur la liste des espèces en péril? Cela me semble aller à contre-courant de l'évolution naturelle des choses.

M. William Montevecchi: Oui, je comprends ce que vous dites. Parfois, nous créons des problèmes. Pour ma part, je ne suis pas un fervent partisan de la gestion à l'excès. Dans la mesure du possible, nous devons laisser les choses suivre leur cours, mais parfois, si nous avons créé des problèmes, nous devons intervenir. Parfois, ce que nous avons sous les yeux n'est que le symptôme.

Je ne crois pas qu'il faille effectuer une microgestion de l'environnement, et je ne crois pas que nous en soyons capables. Ce qui importe en ce qui a trait à la Loi sur les espèces en péril, ce ne sont pas nécessairement les espèces prises séparément. Si nous mettons l'accent sur les espèces en péril, il importe d'assurer une véritable protection des systèmes et des processus naturels plus larges. Je pense que c'est ce que nous tentons de faire pour sauver les espèces. Je suis donc d'accord avec vous pour dire que la microgestion n'est peut-être pas une solution appropriée.

• 1730

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pour revenir sur ce que M. Montevecchi a déclaré, nous devons nous rappeler que, lorsque nous décidons, sur la foi de motifs scientifiques, que l'eau est polluée, que des espèces sont en péril, nous prenons des décisions différentes au sujet des interventions qui s'imposent, ce qui atténue une part des préoccupations que vous avez soulevées, M. Reed.

M. Rideout souhaite intervenir.

M. Julian Reed: J'aimerais bien qu'on m'en fasse la démonstration.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il s'agit d'un processus distinct. Vous parlez du plan de récupération, et il y a aussi le processus d'inscription, qui est en soi distinct.

M. Julian Reed: Je ne suis toujours pas convaincu.

M. David Rideout: Je tiens à revenir sur le point que j'ai soulevé plus tôt dans mon exposé. Nous croyons à la nécessité d'un cadre redditionnel solide et de bonne qualité. Abstraction faite de ce que certaines personnes ont dit au sujet de certains politiciens, j'ai le sentiment que les décisions politiques prises seront les bonnes. Pourquoi? Parce que rien ne sera tout noir ni tout blanc. Quand de telles questions seront à l'étude, qu'on disposera de données scientifiques et qu'on aura sous la main d'autres éléments relatifs à la prise de décisions du point de vue de l'approche globale de la gestion des risques, j'espère qu'on mettra au point une démarche tenant compte de mesures d'atténuation et de recommandation, et non seulement de réponses tranchées, du type oui ou non.

La réalité, c'est que, dans la conjoncture que vous décrivez, je pense que, à supposer que quelque chose puisse être fait, les politiciens pourraient convenir d'agir. S'ils décidaient de ne rien faire et que les Canadiens n'étaient pas d'accord avec la décision, les électeurs, au moment du scrutin, pourraient les obliger à rendre des comptes. À mes yeux, c'est là un des aspects très importants de notre démocratie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): M. Rideout, les espèces sont-elles ou non en voie de disparition?

M. David Rideout: Telle est la question, du moins il me semble. Dans un premier temps, vous vous procurerez les meilleurs conseils scientifiques possibles, lesquels vous donneront une idée de la situation de l'espèce concernée. Ensuite, il y aura d'autres questions à régler concernant le mode de gestion des risques.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Absolument. Et c'est là qu'intervient la rupture évoquée par M. Montevecchi. L'inscription est un processus scientifique dans la mesure où, du point de vue de la science biologique, une espèce est en péril ou ne l'est pas. C'est alors que des décisions relatives aux mesures à prendre deviennent plus politiques, plus économiques, plus sociales, etc.

M. David Rideout: L'inscription entraîne un certain nombre d'activités législatives. On devra alors envisager ces activités sous l'angle de toute la question de la gestion des risques et de la question de savoir s'il existe ou non des mesures d'atténuation préliminaires. Il est possible qu'il n'y en ait pas. On peut imaginer qu'on décidera dans tous les cas de recourir à l'inscription. Sans cadre redditionnel, c'est l'approche globale qui est affaiblie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie.

Madame May.

Mme Elizabeth May: C'est le genre de choses qu'on n'aime peut-être pas voir dans un texte de loi, mais on devrait en tirer un certain réconfort.

Je suis tout à fait d'accord avec le point soulevé par M. Montevecchi. La question de savoir si une espèce est en péril ou non n'a rien de scientifique. C'est une question de réalité ou de fait. La situation sera différente pour toutes les espèces, et les mesures que vous prendrez seront propres à chacune. Pour ce qui est de la chevêche des terriers, il s'agit de se débarrasser du carbofurane. Pour d'autres espèces, il faudra peut-être limiter les activités de prédation. Pour d'autres espèces encore—c'est le cas le plus fréquent—il faut protéger l'habitat.

M. Julian Reed: Je suis en total désaccord avec vous.

Mme Elizabeth May: Permettez-moi de vous donner des motifs d'être plus en désaccord avec moi. L'article 40 confère au système politique l'échappatoire dont il a besoin. Si l'intervention n'est pas réalisable au point de vue technique et biologique, que l'intervention n'est pas envisageable, qu'on a affaire à un des rares cas où l'espèce disparaît pour d'autres raisons et qu'il est impossible de prévenir sa disparition, le mécanisme d'élaboration du plan de rétablissement prend fin. Si l'espèce ne peut être rétablie, un ministre sûr de son fait pourra décider que les démarches s'arrêtent là. Il existe donc des mécanismes politiques qui vous permettront de régler de tels cas qui, je l'espère, seront très rares, les cas très difficiles où une espèce va disparaître à jamais.

La décision relative à l'inscription devrait elle-même être aussi à l'abri que possible des ingérences politiques.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.

Après avoir dû quitter la réunion du comité à deux reprises en raison d'autres engagements, j'espère simplement que mes questions ne seront pas redondantes.

Je veux adresser ma première question à Mme White. D'abord et avant tout, j'ai lu votre mémoire, et il est très bon.

Mme Louise White: Je vous remercie.

Mme Aileen Carroll: C'est probablement parce que je suis d'accord avec ce qu'il renferme. Dans ces cas, notre perception d'une chose est toujours influencée.

• 1735

Je crois que vous avez tout à fait raison, mais c'est difficile, et je ne crois pas que de nombreuses personnes aient insisté sur ce point. J'aimerais donc vous renvoyer au bas de la page 3 et au début de la page 4. Vous parlez d'une approche multispécifique et écosystémique, et vous dites que «la gestion actuelle des pêches a principalement recours à l'approche ne visant qu'une seule espèce à la fois», et qu'on ne se penche pas sur la question des prises fortuites. Et vous avez raison. On n'entend jamais ce terme ici. Je suis heureuse que vous attiriez notre attention sur cette question. Et que dire de plus sur le chalutage, qui anéantit tous ces écosystèmes? Je crois que vous signalez ce dilemme au bon comité. Je ne suis pas certaine que la LEP soit notre outil idéal, et je veux que vous nous aidiez avec ça.

Vous dites ce qui suit à la page 4:

    D'autres méthodes, comme le chalutage, détruisent les habitats du fond marin avec une gravité variable selon le type de milieu. Une approche écosystémique ou multispécifique de protection des espèces en péril pourrait contribuer à pousser les gestionnaires des pêches à adopter une approche semblable en matière de gestion des pêches.

Je crois que c'est dynamique. Peut-être parce que je suis un peu plus âgée que vous, il y a longtemps que nous attendons que cette question soit soulevée, et je suis préoccupée par le peu d'initiatives que nous avons eues à cet égard.

Donc, vous recommandez que, même si la loi mentionne une approche multispécifique ou écosystémique, une telle approche soit définie. Aidez-moi sur cette question. Que feriez-vous? Comment pourriez-vous aider les membres du présent comité qui aurait peut-être à faire appel à de meilleures définitions afin de soumettre d'éventuelles modifications—ou plutôt devrais-je dire des modifications probables? Comment pourrions-nous arriver à non seulement améliorer la LEP, mais aussi à suggérer l'adoption d'une approche écosystémique ou multispécifique à l'égard des pêches?

Mme Louise White: Vous voulez savoir comment je définirais une approche multispécifique?

Mme Aileen Carroll: Oui, pourriez-vous nous en expliquer l'essentiel?

Mme Louise White: Une approche écosystémique consisterait à sauver un type spécifique d'habitat accueillant un certain nombre d'espèces en voie de disparition, et une approche multispécifique consisterait à se pencher sur le cas de plusieurs espèces qui cohabitent ou qui pourraient faire l'objet de mesures de protection similaires. En général, une approche écosystémique serait davantage axée sur l'habitat.

Sur la côte Ouest, on trouve des monts sous-marins qui accueillent une foule d'invertébrés inusités qu'on ne retrouve pas ailleurs, de sorte qu'une approche écosystémique serait indiquée là. Au lieu d'examiner individuellement chaque espèce qu'on retrouve sur ce mont, on pourrait décider d'adopter une approche écosystémique et de protéger ces monts sous-marins. Pour ce qui est de la Côte Est, je dirais que l'approche s'appliquerait aux endroits où l'on trouve des coraux en eau profonde. On en retrouve le long des bordures de la plate-forme continentale ainsi que dans les chenaux profonds, de sorte qu'on pourrait protéger... parce qu'on y trouve une certaine quantité de coraux. Nous ne disposons pas d'informations suffisantes pour les inscrire sur la liste des espèces en péril, mais cela se produira peut-être un jour.

Mme Aileen Carroll: «La protection de l'habitat exige une certaine restriction ou prévention visant les activités qui se déroulent à l'extérieur de l'habitat protégé.» Vous avez recommandé cela, comme l'ont fait d'autres groupes, et j'appuie énergiquement cette idée. Nous devons établir la protection obligatoire des habitats et des habitats essentiels. Vos demandes sont-elles irréalisables? Si notre comité se bat pour protéger les habitats essentiels, chose que nous ne faisons pas encore—et la plupart de nos invités fournissent d'excellentes raisons de le faire—et étendre son mandat afin de se pencher sur les aires de distribution géographique et les incidences transfrontalières, lesquelles, comme d'autres personnes et vous-même l'avez mentionné, relèvent de notre compétence, et c'est à ce point-ci que je me perds un peu.

Mme Louise White: Cela peut sembler irréalisable, mais une espèce à risque donnée peut n'être touchée que par un seul de ces facteurs, à l'égard duquel nous pouvons peut-être faire quelque chose. Supposons que des usines, situées en amont d'une rivière, rejettent des effluents chimiques qui ont des répercussions sur cette espèce en aval. La LEP reconnaît ces dangers dans le programme de rétablissement...

Mme Aileen Carroll: Vous avez déjà mentionné cela.

• 1740

Mme Louise White: ... mais on ne les retrouve pas dans le plan d'action. Je crois qu'il faudrait au moins en tenir compte dans le plan d'action et déterminer ce qui est biologiquement ou techniquement faisable dans le cadre du plan d'action. Le plan d'action se contente de dire que nous devons protéger cet habitat, et les gens se disent qu'il suffit de clôturer l'habitat pour le protéger. Ce que je dis, c'est qu'il faut envisager d'autres aspects, comme le changement climatique, à l'égard desquels vous ne pouvez probablement rien faire.

Mme Aileen Carroll: Oh oui, eh bien, c'est ce que nous allons faire.

Mme Louise White: Il y a d'autres choses, comme les contaminants. Dans la baie de Fundy, les digues anti-marée constituent un gros problème. Ils tentent de déterminer s'ils doivent les éliminer ou les maintenir, elles créent des sédiments partout, bouleversent les vasières dont dépendent les chevaliers et autres oiseaux vivant sur la grève, et leurs populations battent de l'aile. Je tente seulement de montrer qu'il faut parfois avoir la possibilité d'influencer la gestion d'autres aspects.

Mme Aileen Carroll: C'est bien, merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame May, très brièvement.

Mme Elizabeth May: Dans le contexte des ressources halieutiques, comme nous l'avons déjà mentionné dans les mémoires précédents, nous croyons fermement que des équipes de rétablissement qui travaillent ensemble devraient être en mesure de cerner des approches multispécifiques qui tiennent largement à la sélectivité des engins de pêche. Lorsqu'on pense aux crevettiers qui pêchent au large de Terre-Neuve, par exemple, on pense surtout à la grille Nordmore. Elle contribue effectivement à réduire le volume de prises fortuites et à protéger d'autres espèces, bien que pas parfaitement, mais elle a réalisé de grands progrès. On peut aussi penser aux filets dotés de dispositifs sonar émettant un signal à haute fréquence afin d'éloigner les baleines.

Si le règlement de la LEP prévoyait l'adoption de mesures de précaution pour les espèces en péril, il s'agirait non pas d'interdire l'accès à une zone, mais bien de modifier nos comportements, de façon à ce qu'on puisse poursuivre les activités économiques sans décimer par négligence des espèces qu'on ne cherchait pas à capturer.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

M. McGuinness, et ensuite M. Knutson.

M. Patrick McGuinness: D'après Mme Carroll, le ministère des Pêches et des Océans et l'industrie de la pêche sont déterminés à adopter une approche écosystémique et multispécifique, et, comme l'a signalé Elizabeth May, nous avons déjà des exemples de telles approches. Je peux vous affirmer, par exemple, qu'au large de Terre-Neuve, notre stock de limande à queue jaune est revenu à son niveau d'antan. Si nous adoptions ne serait-ce qu'une approche modérée à l'égard d'une seule espèce, au moyen de F 0.1, le quota serait de 20 000 tonnes métriques, mais le quota actuel est de 15 000 tonnes métriques, et cela tient uniquement au fait qu'en entreprenant une pêche sélective pour la limande à queue jaune, nous aurions un niveau élevé de prises fortuites de plies canadiennes, dont le stock est fortement décimé. Alors, il n'y a vraiment pas de message dans le projet de loi C-33 en ce qui concerne la gestion des pêches.

Elizabeth a tout à fait raison, et c'est pourquoi nous devrions établir des équipes de rétablissement efficaces et adopter des plans d'action qui misent sur l'approche multispécifique et l'approche écosystémique. Il est certain que si nous travaillons en partenariat, nous convenons qu'il s'agit d'un bon projet de loi, nous pouvons amener l'industrie des pêches et les petites collectivités à se demander ce qu'elles peuvent faire pour modifier leurs engins? Le projet de loi mentionne un fonds d'intendance qui prévoit spécifiquement—pas dans les dispositions du projet de loi, mais bien dans la documentation—qu'on pourrait consentir des fonds pour favoriser l'obtention d'engins sélectifs si, de fait, nos activités de pêche risquent d'aggraver la situation d'espèces figurant sur la liste. Nous avons donc des occasions de travailler tous ensemble.

J'aimerais aussi commenter le point soulevé par M. Reed en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire. Pour l'instant, le problème tient au fait que le COSEPAC n'a pas nécessairement fait ses preuves. Il est déjà en place, il est, dans une certaine mesure, politisé, car trois des membres du COSEPAC n'ont été nommés ni par le gouvernement du Canada, ni par les citoyens du Canada, mais bien par les groupes environnementaux. Ce sont sûrement de très bonnes gens, mais on a l'impression que ces personnes ne sont pas nécessairement favorables à l'industrie primaire ou aux collectivités côtières.

Par conséquent, nous faisons valoir qu'il serait plus approprié d'examiner cette question lorsque le COSEPAC sera solide, lorsqu'il aura montré que les personnes qui y ont été affectées possèdent des compétences significatives en recherche, lorsqu'il affichera un quelconque rendement—peut-être à l'occasion de l'examen quinquennal prévu par le projet de loi—si le pouvoir discrétionnaire d'inscription des espèces devait être attribué au COSEPAC... Son expérience serait manifeste.

• 1745

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): D'abord, je...

Mme Aileen Carroll: J'ai toujours la parole.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Non, juste un instant.

Notre temps est écoulé. Je vous reviens dans un instant, madame Carroll. Je voulais signaler que vous êtes probablement la première personne à dénigrer le COSEPAC de telle façon, car nous avons entendu des choses très positives sur le COSEPAC au cours de l'ensemble de ce processus.

M. Knutson a la parole.

M. Patrick McGuinness: Je ne dénigre pas le COSEPAC. Je dis seulement que la situation actuelle soulève des questions...

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Les paroles que j'entends sont très dénigrantes.

M. Knutson.

M. Gar Knutson: J'ai l'impression que le COSEPAC ne doit pas être l'ami de quiconque; il doit se contenter de faire son boulot. Il sera peut-être tout à fait inamical avec tout le monde. On lui demande seulement de faire son travail. On ne qualifierait pas le tribunal d'inamical. Nous voulons seulement qu'il fasse son travail. De toute façon, ce n'est pas le point que je souhaite soulever.

Madame May, je suis heureux de vous voir en bonne santé. Je suis certain que d'autres vous ont fait le même commentaire.

Si je comprends bien votre raisonnement, vous affirmez que le gouvernement fédéral a le pouvoir d'empêcher qu'on tue intentionnellement un animal ou une plante, une espèce ou un autre organisme en voie de disparition, et qu'il devrait le faire. Il a aussi le pouvoir de protéger la résidence de toute espèce, et il devrait le faire.

Mme Elizabeth May: Oui.

M. Gar Knutson: Mais, il n'a pas le pouvoir de... Des scientifiques nous ont dit que la notion de «résidence» est illusoire. Du point de vue biologique, elle n'a aucun sens. Si le gouvernement fédéral a le pouvoir d'empêcher directement qu'on tue intentionnellement, ne serait-il pas, par extension, habilité à protéger la destruction directe ou intentionnelle de l'habitat essentiel?

Mme Elizabeth May: Oui, il l'est. Laissez-moi revenir en arrière et expliquer notre analyse constitutionnelle, car nous avons parlé à beaucoup de gens.

Tout d'abord, le gouvernement fédéral a le droit d'interdire non seulement l'acte de tuer intentionnellement, mais l'acte de tuer sous toutes ses formes, y compris les infractions de responsabilité stricte. Ce n'est pas une question constitutionnelle. J'avancerais qu'il s'agit peut-être d'un aspect pratique ou politique, chose que vous êtes libre d'accepter ou de rejeter.

Sur la question du recours aux pouvoirs conférés par le droit criminel, on envisage le chef de pouvoir, et on façonne l'exercice du pouvoir afin qu'il soit en harmonie avec le chef de pouvoir du droit constitutionnel. Donc, en droit criminel, on utilise l'interdiction, dont l'effet est englobant. Par exemple, la Loi sur les pêches interdit de verser dans un plan d'eau contenant des poissons une substance délétère pour les poissons. C'est direct, c'est clair, c'est une interdiction, et cela fonctionne. La difficulté tient encore à l'application, mais c'est là une autre discussion.

La difficulté, lorsqu'on s'appuie sur le pouvoir en matière de droit criminel pour protéger l'habitat essentiel, tient au fait qu'il faut trouver un moyen de définir cette notion de façon à ce que l'interdiction fonctionne clairement, ce qui devient plus compliqué lorsqu'on décrit un territoire étendu. C'est faisable. Il n'y a aucun doute quant au fait que le gouvernement fédéral peut exercer ce pouvoir s'il le veut bien. Compte tenu de la forme de la loi et de la façon dont le pouvoir est exercé, il serait peut-être plus facile de recourir à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. De plus, cela serait constitutionnel et pourrait s'étendre à toute description de l'habitat essentiel, et cela élimine le besoin de formuler des interdictions, car il s'agit d'un chef de pouvoir différent, et qui peut être exercé.

M. Gar Knutson: Pardonnez-moi, mais votre recommandation ne vise qu'à protéger la résidence.

Mme Elizabeth May: Nous recommandons que la protection des habitats essentiels se trouvant sur des territoires relevant de la compétence fédérale soit obligatoire.

M. Gar Knutson: Je tiens seulement à souligner que cette recommandation concerne...

Mme Elizabeth May: Nous recommandons d'interdire l'acte de tuer des espèces ou de détruire leur résidence.

M. Gar Knutson: Partout?

Mme Elizabeth May: Partout.

M. Gar Knutson: Mais pas les habitats essentiels de partout?

Mme Elizabeth May: Pas par l'interdiction. Ce n'est pas notre recommandation commune pour l'instant. Mon opinion, fondée sur ma formation en droit et sur l'avis des avocats que nous avons consultés, fait que le gouvernement fédéral pourrait certainement le faire.

M. Gar Knutson: Sur ce point, à la deuxième page de votre mémoire, vous signalez que le ministère de la Justice était plus prudent. Avez-vous accès à son opinion?

Mme Elizabeth May: Non, mais nous étions très actifs à l'époque. Nous avions les mémoires déposés par Dale Gibson et par l'ex-juge en chef Laforest à Environnement Canada. Environnement Canada nous a dit que le ministère de la Justice ne lui avait pas donné son opinion sur cette question. C'était, donc, un dialogue continu; nous demandions à voir l'avis, et, bien sûr, on ne pouvait le voir. J'ai appris à connaître, au fil des ans, les avis du ministère de la Justice, et ils sont généralement très prudents.

• 1750

Donc, je crois que le projet de loi C-65 constitue l'entrave initiale à la portée de l'influence du gouvernement fédéral, et cette entrave afflige toujours le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, en fondant la question sur la notion de propriété, ce qui ne correspond pas aux voies qu'utilise généralement un gouvernement fédéral voulant légiférer dans un secteur d'importance nationale. Nous cherchons encore à déterminer qui est propriétaire du territoire, et cela n'a pas de sens. De toute façon, cette question a été invalidée par la décision dans l'affaire Hydro-Québec, selon laquelle les avis juridiques que nous avons mis de l'avant à l'époque du projet de loi C-65 étaient, de fait, soutenus par la Cour suprême du Canada.

M. Gar Knutson: Juste pour revenir à ce que disait M. McGuinness, une question m'échappe toujours: je ne sais pas si le projet de loi a été rédigé d'une certaine façon dans un esprit de coopération, de bonne volonté et d'accord. Avons-nous pris une décision politique et décidé de le rédiger de façon à éviter un conflit avec les provinces? L'avons-nous rédigé d'une certaine façon pour éviter une contestation devant les tribunaux? Ou l'a-t-on formulé d'une certaine façon parce que le ministère de la Justice a insisté fortement sur le fait que si on le rédigeait d'une certaine façon, le projet de loi ne tiendrait pas devant les tribunaux? Je ne sais pas s'il s'agit d'une décision politique ou d'une décision fondée sur l'interprétation de la loi. J'arriverai peut-être à le découvrir un jour.

Mme Elizabeth May: C'est un projet de loi très étrange. Je ne crois pas que le professeur MacKay m'en voudrait si je vous signalais qu'il a été nommé recteur de l'université Mount Allison. Il est un expert du droit constitutionnel. J'ai étudié le droit constitutionnel avec lui il y a plusieurs années, et j'ai eu l'opinion de Louis-Paul Cullen et de Dale Gibson. J'ai fait appel au professeur MacKay. Je lui ai dit: «Écoutez, je dois savoir si je me suis fourvoyée. Est-ce que quelque chose m'échappe? Comment le ministère de la Justice aurait-il pu dire au gouvernement d'aller de l'avant et de déposer un projet de loi qui est, selon moi, tout à fait inconstitutionnel?» Alors, je le lui ai remis afin qu'il en prenne connaissance, et deux semaines plus tard, nous nous sommes rencontrés, et je lui ai demandé son avis. Il a dit que le projet de loi était bizarre, qu'il n'avait jamais rien vu de tel.

Je crois que la motion adoptée plus tôt aujourd'hui pourrait être extrêmement utile. Peut-être pourriez-vous obtenir l'avis juridique du ministère de la Justice, et établir un groupe de discussion, constitué d'un représentant du ministère de la Justice, du professeur MacKay et de quelques autres personnes que j'ai mentionnées dans mon mémoire, et tenir une discussion. Parce que c'est si inutile.

C'est ça qui est ahurissant. On place le projet de loi en terrain constitutionnel sans fournir de justification stratégique sensée. De plus, on court le risque d'entraver considérablement le droit environnemental dans d'autres secteurs, car si ce projet de loi est annulé, les tribunaux, à l'avenir, diront que le gouvernement fédéral n'était pas habilité à prendre des mesures pour protéger les espèces en péril.

M. Gar Knutson: J'aimerais revenir à l'autre point que j'ai soulevé. Pourriez-vous m'expliquer encore pourquoi nous protégeons la résidence partout, mais pas l'habitat essentiel partout?

Mme Elizabeth May: N'oubliez pas que je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de représentante du Groupe de travail sur les espèces en péril.

M. Gar Knutson: Puis-je vous rappeler que nous avons eu la même discussion avec un autre témoin, qui affirmait qu'il ne répondrait qu'aux questions s'inscrivant dans un cadre de référence spécifique. Lorsque vous vous présentez devant un comité, vous êtes devant le Parlement, et je ne suis pas certain qu'un...

Mme Elizabeth May: Alors, laissez-moi enlever ce chapeau et remettre mon chapeau du Sierra Club.

M. Gar Knutson: Laissez tomber tous vos chapeaux.

Mme Elizabeth May: Tous les chapeaux?

M. Gar Knutson: Laissez tomber tous vos chapeaux.

Des voix: Oh, oh!

Mme Elizabeth May: Aucun chapeau? Je suis en train de manger, mais je suis sans chapeau. Je fais la grève du chapeau.

M. Gar Knutson: Les parlementaires n'ont que faire des chapeaux.

Mme Elizabeth May: D'accord. Je comprends cela, monsieur Knutson, car je crois honnêtement pouvoir m'appuyer sur un solide consensus de nombreuses personnes avec lesquelles j'ai travaillé et auxquelles je fais confiance, et je ne souhaite pas attribuer au GTEP une position qu'il n'a pas adoptée lui-même.

Je suis d'avis, tout comme le Sierra Club, que la protection de l'habitat essentiel est cruciale à la survie des espèces, à leur rétablissement, et qu'il serait très souhaitable de rendre la loi plus forte, plus efficace, au moyen d'une interdiction ou d'une autre mesure.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci.

Charles Caccia, cinq minutes.

M. Charles Caccia: Merci, monsieur le président.

J'aimerais souligner une autre incongruité du mémoire du Conseil des pêches, à savoir l'affirmation, au premier paragraphe, qui se lit comme suit: «ce projet de loi... représente un délicat équilibre entre tous les intérêts en jeu.» J'ai l'impression, monsieur le président, que le Conseil des pêches ne comprend pas toute l'importance du développement durable s'il s'attache à la notion d'équilibre.

Premièrement, il serait intéressant de savoir quels intérêts le Conseil des pêches veut équilibrer ou souhaite faire équilibrer par le projet de loi.

Deuxièmement, l'approche de développement durable consiste non pas à équilibrer l'économie et l'environnement, mais bien à les intégrer, car la notion d'équilibre suppose une séparation des deux aspects.

• 1755

À la lumière de ce mémoire, j'ai l'impression que le conseil des pêches croit que les retombées économiques des pêches ne sont pas liées à l'environnement. Autrement, on ne prétendrait pas vouloir les équilibrer. Manifestement, si on veut établir un équilibre délicat entre les divers intérêts, il est évident que l'environnement repose d'un côté, et l'économie, de l'autre.

Monsieur le président, avec tout le respect que je dois au représentant du Conseil des pêches, j'estime qu'on ne peut assurer la viabilité à long terme des pêches en tentant d'établir un équilibre entre les considérations économiques et les considérations environnementales. Lorsqu'on tente de faire cela, on s'aventure sur le même terrain glissant qui a mené au moratoire sur la morue, car nous avons tenté d'établir un équilibre entre les deux aspects jusqu'à ce que l'espèce soit décimée.

Par conséquent, j'ai l'impression que le Conseil des pêches accuse un retard de trente ans sur le plan conceptuel. C'est une très grave conclusion que je dois tirer, et cela m'attriste un peu. J'aurais espéré que le Conseil des pêches se retrouve plutôt à l'avant-plan, à défendre l'environnement, à dire: «Écoutez, nous ne voulons pas établir l'équilibre entre l'économie et l'environnement, nous voulons défendre d'abord l'environnement afin de protéger nos pêches à long terme, et c'est pourquoi nous ne pouvons jouer les funambules.»

Le deuxième point que j'aimerais soulever est le suivant: monsieur McGuinness a qualifié l'accord national d'élément central. Eh bien, pour quiconque a lu l'accord national... je suppose que vous faites référence à l'accord de Charlottetown, conclu il y a plusieurs années?

M. Patrick McGuinness: Non, je fais référence à l'accord national des ministres de l'environnement.

Mme Elizabeth May: C'est l'accord de Charlottetown.

M. Patrick McGuinness: Oh, d'accord, Charlottetown.

M. Charles Caccia: Il s'agit donc de l'accord de Charlottetown. Si vous l'avez lu, monsieur le président, vous savez qu'il s'agit d'un document dilué et superficiel, rédigé en fonction du plus petit dénominateur commun. Il n'accomplit rien. Si nous rédigions un projet de loi fondé sur cet accord, nous perdrions notre temps.

Il s'agit du type d'accord conclu en fin de journée par un groupe de ministres fatigués qui devaient repartir chez eux et montrer qu'ils avaient obtenu des résultats. Le fond du document est très difficile à cerner. Il s'agit d'un superbe exercice de relations publiques, sans contenu.

Alors, monsieur McGuinness, je suis désolé, je suis incapable d'appuyer votre affirmation selon laquelle l'accord national est le document clé qui nous orientera dans la préparation du projet de loi qui nous intéresse, ou par la suite. Ce serait un désastre total. Je vous demande instamment de le lire attentivement avant de vous coucher.

Merci.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Vous pouvez répondre. Monsieur Caccia a eu la bonté de dresser des hommes de paille que vous pouvez maintenant renverser. Voici votre chance.

M. Patrick McGuinness: Premièrement, monsieur Caccia, le premier paragraphe de notre mémoire précise que le Conseil des pêches du Canada appuie le projet de loi C-5. Nous appuyons ce qui a été proposé. Toutefois, si vous trouvez des représentants du secteur primaire disposés à se présenter devant le comité pour manifester un ferme soutien à l'égard de ce projet de loi, j'aimerais bien les rencontrer. Nous sommes, de fait, une industrie fondée sur le développement durable.

M. Charles Caccia: Alors, vous ne connaissez pas la définition du développement durable. C'est votre problème.

M. Patrick McGuinness: Au bout du compte, les membres du Conseil des pêches du Canada sont issus de divers milieux, mais il est essentiellement constitué de moyennes entreprises de pêche, principalement des entreprises familiales. Elles ont appartenu à des grands-pères, à leurs fils et maintenant, à leurs petits-fils, et elles sont gérées par ces personnes. Personne n'est plus déterminé à protéger les ressources du Canada que les personnes qui en vivent et en dépendent. Et nous parlons de développement durable. Comme vous le dites, il y a...

M. Charles Caccia: Vous ne parlez pas de développement durable. On ne retrouve dans votre mémoire aucune référence au développement durable.

M. Patrick McGuinness: Eh bien, juste pour répondre à votre question, notre vision du développement durable est tout simplement de prévoir le plus possible pour les générations futures.

À présent, en ce qui concerne l'équilibre, tout ce que nous mentionnons, c'est que ce projet de loi évolue depuis cinq ans. Vous vous rappellerez, monsieur Caccia, que les discussions sur le projet de loi C-65 ont débouché sur une grande dissension. Tout ce que nous disons, c'est que nous appuyons ce projet de loi, notamment parce que nous croyons qu'il pourrait s'appliquer au Canada.

• 1800

L'équilibre suppose notamment la prise en compte harmonieuse de ces divers intérêts, des intérêts des provinces, des territoires, des ONG, des industries du secteur primaire, des Canadiens des régions rurales, de ceux qui habitent les côtes et aussi de ceux qui habitent en région urbaine. Malheureusement, c'est le monde dans lequel nous vivons, et si nous ne sommes pas prêts à présenter des textes de loi qui répondent aux aspirations légitimes décrites dans ces visions, alors nous reviendrons, comme je l'indiquais dans ce rapport, au débat acrimonieux que nous avons eu au sujet du projet de loi C-65.

Tout ce que nous voulons laisser entendre ici, c'est que vous avez un gagnant, et je pense que les représentants d'industrie du secteur primaire comme le Conseil canadien des pêches donneront leur appui. Je pense que les Canadiens des régions côtières et rurales peuvent être convaincus qu'il répond aux intérêts du Canada, qu'il les considère comme une partie de la solution et non pas une partie du problème. Il s'agit simplement d'équilibrer ces intérêts et de reconnaître qu'ils dénotent des aspirations légitimes.

C'est ce que nous disons: ne tentons pas d'apporter des changements majeurs à ce projet de loi. Nous avons quelque chose qui fonctionne, alors mettons-le de l'avant.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Madame May, vous avez un commentaire à faire.

Mme Elizabeth May: Oui, un commentaire rapide, monsieur le président.

En ce qui concerne les organisations du secteur primaire, je tiens à souligner une nouvelle fois que ni l'Association des produits forestiers du Canada, anciennement connue sous le nom de l'Association canadienne des pâtes et papiers, ni l'Association minière du Canada, qui sont membres du Groupe de travail sur les espèces menacées, au nom duquel je parlais aujourd'hui, ne sont satisfaits de la façon dont le projet de loi est actuellement structuré pour protéger les espèces et être efficace partout au Canada.

Donc, le Conseil des pêches peut être satisfait, mais d'autres groupes du secteur primaire et associations industrielles ne le sont pas.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Karen Redman, cinq minutes.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur les chapeaux que Mme May porte ou ne porte pas. Les propositions du Sierra Club diffèrent-elles d'une façon ou d'une autre de celles qui ont été formulées par le Groupe de travail sur les espèces menacées?

Mme Elizabeth May: Je viens parler ici aujourd'hui au nom du Groupe de travail sur les espèces menacées. La seule fois où j'ai quelque peu délaissé ce sujet, c'est lorsque que M. Knutson m'a exhortée à laisser tomber les chapeaux. Mais tout ce que j'ai dit, je l'ai dit au nom du Groupe de travail sur les espèces menacées.

Mme Karen Redman: Je vais répéter ma question: les recommandations du Sierra Club diffèrent-elles de celles qui ont été formulées par le Groupe de travail sur les espèces menacées?

Mme Elizabeth May: Non.

Mme Karen Redman: Elles sont donc tout à fait analogues?

Mme Elizabeth May: Elles sont pareilles. Depuis 1988, tout ce que le Sierra Club a fait publiquement à propos de ce projet de loi l'a été de concert avec nos collègues de l'industrie et d'autres groupes environnementaux, dont la Fédération canadienne de la nature—Laura Telford est ici aujourd'hui—et la Fédération canadienne de la faune. Le partenariat a fonctionné de façon remarquable.

Mme Karen Redman: D'accord.

Certains peuvent alléguer que les propositions du Sierra Club présument que rien ne s'est vraiment fait à l'échelle provinciale. Nous avons déjà entendu parler de l'accord de 1996 à partir duquel le projet de loi à l'étude a été établi. Ou bien ils écartent du revers de la main toute mesure déjà prise, quoique certains témoins nous aient dit que certaines provinces avaient, à la lumière de cet accord et du fait que la Loi sur les espèces en péril allait être présentée, déjà pris quelques mesures.

Le message que le comité a reçu plus tôt de la part du Groupe de travail sur les espèces menacées était que la coopération fédérale-provinciale était essentielle à la conservation des espèces menacées. Êtes-vous d'accord pour dire que le type de collaboration prôné par le groupe de travail est essentiel à la protection des espèces et des habitats?

Mme Elizabeth May: Avec tout le respect que je vous dois, madame Redman, je ne suis pas d'accord avec votre prémisse. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans notre exposé d'aujourd'hui ou dans ce que nous avons déjà fait qui minimise ce que les provinces font. En fait, nous avons souligné la nécessité d'une collaboration fédérale-provinciale et craignons que certains aspects de la façon dont le projet de loi C-5 est structuré la compromettent, particulièrement l'incertitude que suscite la possibilité d'avoir des interdictions qui s'appliquent de façon alternative. Elles ne sont pas claires, pas prévisibles. Il nous faut les appliquer partout au pays, de la façon que j'ai décrite aujourd'hui en détail, mais ce principe fait partie des arguments du Groupe de travail sur les espèces menacées depuis notre première comparution à ce sujet à propos du projet de loi C-33.

Mme Karen Redman: On pourrait donc dire que le Groupe de travail sur les espèces menacées considère que les provinces font partie intégrante de la solution, qu'elles sont crédibles?

Mme Elizabeth May: Tout à fait. Mais il faut établir à l'échelle nationale un cadre qui garantit... Notre principe fondateur, d'après un document que nous avons remis aux ministres de la faune lorsqu'ils se sont réunis à Victoria à l'automne 1998... Nous leur avons présenté une opinion consensuelle fondée sur la prémisse selon laquelle aucune espèce au Canada ne devrait être si négligée qu'elle en devienne éteinte parce qu'elle ne jouit d'aucune protection juridique. Nous n'en sommes pas là avec ce projet de loi, mais ce pourrait être le cas.

• 1805

Mme Karen Redman: Vous êtes tout à fait persuadée que les provinces vont embarquer dans le bateau et établir le genre de protection et d'intendance axé sur la coopération que prône le projet de loi? Vous croyez vraiment que les provinces et les territoires vont faire ça?

Mme Elizabeth May: Non, passé si on n'établit pas une approche nationale qui fait en sorte qu'aucune espèce ne puisse... nous savons à l'heure actuelle que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont déclaré ne pas avoir besoin de loi sur les espèces menacées. Nous avons pu voir que la Nouvelle-Écosse s'est rangée de notre côté depuis que le projet de loi C-65 a été présenté pour la première fois en présentant elle-même un très bon projet de loi. Nous avons travaillé avec les gestionnaires provinciaux de la faune de partout au pays. Certains de nos partenaires au Groupe de travail sur les espèces menacées ont déjà noué de solides relations de travail. Nous avons beaucoup travaillé avec eux. Nous croyons que Terre-Neuve va présenter un bon projet de loi, parce que nous avons parlé à la personne qui y travaille. À Terre-Neuve, on aime bien l'approche préconisée par le Groupe de travail sur les espèces menacées. On a eu avec eux des rencontres très productives, où on a bien travaillé.

Cependant, non, il n'y a pas de raison de nous attendre, en manifestant une foi aveugle, qu'il se produise quelque chose s'il n'y a pas une structure fédérale clairement établie, qui puisse réunir tout le monde. Je pense qu'il nous faut cultiver l'harmonie fédérale-provinciale, oui, tout à fait. Il nous faut cultiver la collaboration fédérale-provinciale. Mais il doit y avoir un énoncé clair selon lequel le gouvernement fédéral a le pouvoir de protéger les espèces où qu'elles soient au pays. Si cette structure est établie, nous pourrons absolument travailler tout le monde ensemble. Les plans de redressement font appel aux provinces, comme l'énonce le projet de loi C-5, et je pense que cela convient tout à fait.

Mme Karen Redman: Expliquez-moi alors pourquoi vous avez tant de foi et d'optimisme en ce qui concerne Terre-Neuve, même si cette mesure législative n'est pas en place—ou peut-être la vision qu'a le Groupe de travail sur les espèces menacées. Pourquoi êtes-vous si convaincu que Terre-Neuve a présenté quelque chose qui est conforme à ce que vous envisagez?

Mme Elizabeth May: Parce qu'ils n'ont pas déclaré publiquement qu'ils n'ont pas l'intention de le faire et parce qu'ils y travaillent.

Dans l'intervalle, il est important que le projet de loi C-5, s'il est adopté, garantisse que les espèces y sont protégées, pour que la martre de Terre-Neuve jouisse d'une certaine protection au moins jusqu'à ce que Terre-Neuve ait un bon projet de loi. C'est le genre de filet de sécurité nationale qui fonctionnerait—un filet qui ne soit pas discrétionnaire. Les interdictions s'appliquent partout au pays, et aucune espèce n'est laissée de côté.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci beaucoup.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: Monsieur le président, j'aimerais fonctionner comme suit: Je poserai une question à Mme May et la laisserai y réfléchir, puis j'en poserai une autre à Mme White, en lui demandant de répondre la première à sa question, pour ensuite revenir à Mme May.

Mme Elizabeth May: C'est donc dire que c'est moi qui ai la question difficile, Joe?

M. Joe Comartin: Je veux juste m'assurer que Mme White donne sa réponse. C'est ce que je vais faire. Désolé.

Mme Elizabeth May: Non, ça va. Un bon point pour vous.

M. Joe Comartin: En ce qui concerne la question de l'intention criminelle par rapport à la responsabilité absolue, je veux simplement vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous, parce qu'il me semble que ce que vous dites, c'est que si nous nous contentons de l'intention criminelle, ce que nous faisons en réalité, c'est de—exploiter c'est un terme trop fort—nous attacher à un faux problème. C'est une inquiétude qui a été exprimée par des gens du comité, particulièrement ceux de l'Ouest, à propos de conséquences de ce projet de loi, et cette inquiétude procède parfois, selon moi, de la paranoïa.

Le véritable abus auquel s'attache ce projet de loi, selon moi, dans les articles 32, 33 et 97 concerne le fait qu'il y a des gens—et je pense en particulier aux grandes organisations—se serviraient de leur pouvoir pour combattre cela. C'est déjà arrivé avec d'autres personnes. Les groupes environnementaux ont dit: regardez, c'est un libellé plutôt habituel dans d'autres lois et notamment dans d'autres lois environnementales—autrement dit, nous adoptons la voie de la responsabilité absolue.

Si nous faisons cela, c'est que c'est la réaction la plus efficace pour traiter avec les personnes qui seraient tentées de jouer sur les mots. C'est pourquoi je vous invite à vous demander si votre position sur l'intention criminelle a sa raison d'être.

Je vais maintenant passer à Mme White.

Madame White, j'aimerais simplement en savoir un peu plus au sujet du corail des profondeurs. Je pense avoir entendu parler de son existence. Savons-nous s'il est menacé? Savons-nous s'il l'est, ou savons-nous simplement qu'il connaît des problèmes de temps à autre? Pouvez-vous nous donner des informations à ce sujet?

Mme Louise White: Bien sûr.

On l'enlève encore par dragage. À vrai dire, Mark m'a corrigée. Il m'a dit de le souligner. Ils ne pensent pas que les pêcheurs nettoient encore des zones complètes, mais ils en prélèvent encore par dragage.

Certains de ces coraux sont à peu près de cette hauteur et ils ont à peu près 2 000 ans...

M. Joe Comartin: Je suis désolé, est-ce à partir de la table ou du...?

• 1810

Mme Louise White: Désolé, de la table jusqu'à cette hauteur. Ils ont environ 2 000 ans. Lorsqu'ils sont prélevés par dragage, ils se cassent simplement, et sont détruits et dispersés. Le rétablissement de ce type d'habitat va prendre des centaines, voire des milliers d'années. Dans d'autres secteurs, le corail est très important pour l'habitat du poisson et des choses comme ça. Dans l'océan, le poisson trouve peu de place où se cacher, surtout le jeune poisson, et le corail semble être important pour les jeunes poissons.

M. Joe Comartin: Savons-nous si en fait c'est substantiellement...? Celui qui est situé au large de l'Australie vit de graves problèmes. Nous savons cela. En va-t-il de même pour le corail de...?

Mme Louise White: Non, parce que ça coûterait très cher d'aller sur place pour le constater.

Ils ne font que commencer à établir un relevé de l'endroit, mais ça coûte incroyablement cher parce que les coraux sont situés en eau très profonde. Mais à la conférence dont je vous parlais, il y avait des gens de la Norvège, de la Grande-Bretagne et de la Finlande, qui faisaient un travail très intéressant parce que leurs coraux sont en quelque sorte plus près de la rive et pas aussi profonds, mais que l'eau y est toujours froide.

C'est donc dire que nous n'avons pas l'information et qu'elle coûte cher à obtenir. Cela fait partie du problème. C'est pourquoi une approche de prévention est préférable parce qu'il faudrait débloquer au moins deux ou trois millions de dollars pour le savoir.

Mme Elizabeth May: Je ne pense pas m'être trompée, avec tout le respect que je vous dois, et je vais vous expliquer pourquoi.

La différence entre l'intention criminelle et la responsabilité stricte n'a, dans la plupart des cas, pas beaucoup d'importance en ce qui concerne la façon dont les personnes y réagissent, parce que la loi et la loi. Dans ce cas, la réaction des gens à cette loi a beaucoup d'importance, parce que les utilisateurs de la ressource et les gens qui habitent sur la terre vont avoir une importance absolue si on veut que la loi fonctionne comme il se doit.

L'une des pires choses concernant le funeste dénouement du projet de loi C-65—pour confirmer un commentaire fait plus tôt—était largement attribuable aux machinations des membres du personnel du MPO qui ont versé dans le non-sens absolu dans leur prévision de ce que le projet de loi C-65 allait faire. Mais nous avons maintenant une population sur terre, et l'on peut se tromper en cédant sur un point fondé sur la paranoïa, mais je pense que ce point n'a pas tellement d'importance. Les gens sont très préoccupés, partout au pays, et ils craignent d'être traînés en cour tout le temps.

Rien ne saurait être plus faux quand on regarde la façon dont la loi est actuellement rédigée, mais c'est ce qu'ils croient. S'ils le croient, comment pourraient-ils, ceux qui vivent sur terre, consentir à devenir des partenaires, collaborer à la protection et au rétablissement des espèces? C'est si important que nous n'avons aucun élément... Je sais que le comité a entendu auparavant les discussions sur «tue, enterre et tais-toi». Cela leur montre bien qu'ils sont entendus.

En même temps, j'aimerais dire qu'une réflexion comportant une intention criminelle pour la destruction intentionnelle d'une espèce menacée, de son lieu de résidence ou de son habitat essentiel va être beaucoup plus susceptible de s'appliquer à une entité organisationnelle qu'à un propriétaire terrien.

Par exemple, si vous planifiez une activité qui va détruire un habitat et que, par conséquent, vous tuez une espèce, on pourra beaucoup plus facilement prendre les mesures nécessaires... l'auteur est plus susceptible d'être une grande entreprise qu'une personne qui explore les recoins éloignés de son terrain.

M. Joe Comartin: Mais vous êtes d'accord pour dire que si nous prenons cette voie, les chances d'obtenir des condamnations et d'imposer des amendes substantielles sont nettement moins élevées quand on parle d'intention criminelle que quand on parle de responsabilité stricte?

Mme Elizabeth May: Je ne le pense pas. Je pense que les chances de poursuivre pour des infractions de responsabilité stricte sont... Je pense que la GRC jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour les poursuites qui est tel qu'il n'irait pas intenter des poursuites s'il n'y avait pas intention criminelle dès le départ. Même s'il est vrai que de prouver une intention coupable est un critère plus strict en droit, il n'y a pas de doute, dans le genre de cas où, d'après moi, il nous faut le plus pouvoir intenter des poursuites pour des infractions, qu'il n'y aura pas de problème parce qu'il y a un plan. Il y a un plan d'exploitation forestière. Il y a un plan de développement. Il y a des mesures qui sont substantiellement axées sur la destruction de l'habitat, qui sont établies de telle sorte qu'il ne serait pas difficile de prouver l'intention coupable.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci.

Une rapide...

M. Patrick McGuinness: En ce qui concerne votre question à Mme White, le corail est une question importante, mais je pense qu'il s'agit d'une question plus importante à régler sous le régime de la Loi sur les océans.

Et quant à la question de savoir s'il devrait y avoir une zone de protection maritime, je pense que ce serait très difficile, en ce qui concerne le COSEPAC et les espèces menacées. Il y a actuellement des discussions au sujet des coraux et de la façon de les protéger. Pouvez-vous recourir à la Loi sur les pêches, dans la mesure où il s'agit d'une zone où la pêche est interdite, ou s'agit-il d'une zone de protection maritime?

Et, comme vous l'avez déjà dit, en Australie, on a réglé la question en établissant des zones de protection maritime. On ne l'y a pas réglée en s'attachant aux espèces menacées.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Madame White un très bref commentaire, je vous en prie.

• 1815

Mme Louise White: Oui, mon commentaire sera très bref.

À vrai dire, si le MPO respectait ses pouvoirs législatifs, on n'aurait pas besoin de zones de protection maritime ou de loi sur les espèces en péril pour protéger les coraux. Les gestionnaires des pêcheries décideraient de ne pas permettre le dragage dans ces secteurs, et la question serait réglée.

Merci.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): D'accord.

Monsieur Caccia.

M. Charles Caccia: Oui. Compte tenu de l'heure tardive, je ne parlerai qu'une minute.

Monsieur le président, je donnerais un «F» au mémoire du Conseil des pêches en raison de ses imprécisions, de ses hypothèses fautives et de la faiblesse de sa conception. Par conséquent, je me demande si M. McGuinness consentirait à retourner devant son conseil et lui demander de le modifier, de récrire le mémoire et de permettre ainsi au conseil de recouvrer sa crédibilité aux yeux du comité.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

M. Charles Caccia: Peut-être M, McGuinness aimerait-il répondre à ma question.

M. Patrick McGuinness: Nous vous présenterons un mémoire modifié, dans la mesure où le paragraphe 129(5) cédera la place au paragraphe 130(5), qui aurait dû être cité.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): D'accord.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'apprécie l'indulgence dont vous faites preuve.

J'aurais une dernière question à poser à Mme May. Le Groupe de travail sur les espèces menacées a suggéré que le préambule du projet de loi C-5 soit modifié pour inclure l'énoncé suivant:

    Les buts de cette Loi seront respectés autant que faire se peut tout en prenant en considération les intérêts sociaux et économiques du Canada.

Pourriez-vous me dire ce que cela signifie, selon vous?

Mme Elizabeth May: Les utilisateurs des ressources et les propriétaires terriens ont déploré le fait qu'ils ne soient pas mentionnés dans le préambule. Et même si le libellé beaucoup plus strict dans la partie réservée à l'application dans le projet de loi aborde des considérations socio-économiques, ils ont fait part de leurs préoccupations. Je pense que cela rend le préambule plus conforme au schème global du projet de loi.

Mme Karen Redman: Selon vous, cela n'a pas vraiment d'importance et, en pratique, cela ne changerait pas l'essence du projet de loi?

Mme Elizabeth May: Le libellé du préambule ne sert que pour l'interprétation législative, tandis que l'intention de la loi n'est pas claire et qu'un tribunal va pouvoir obtenir une orientation quelque part. C'est donc plus symbolique que réel.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci.

S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons mettre un terme à la réunion. Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Évidemment, le comité a pour objectif de recevoir des informations de toutes sortes de sources, et le comité n'a pas lui-même pris sa décision. Nous allons débattre de tout ça plus tard.

J'encourage les témoins à suivre les procédures du comité et à ne pas simplement laisser leur mémoire à la porte et s'attendre à ce qu'on y donne suite. Ils doivent suivre la question dont est saisi le comité et recourir aux autres façons de faire connaître leurs opinions.

Merci beaucoup. La séance est levée.

Haut de la page