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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS, NORTHERN DEVELOPMENT AND NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES, DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 novembre 2001

• 1103

[Traduction]

Le président (M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Notre tâche consiste aujourd'hui à examiner le projet de loi C-37, Loi facilitant la mise en oeuvre des dispositions des règlements de revendications des Premières nations en Alberta et en Saskatchewan qui ont trait à la création de réserves ou à l'adjonction de terres à des réserves existantes, et apportant des modifications corrélatives à la Loi sur la mise en oeuvre des mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba et à la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan.

Nous recevons aujourd'hui, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Michel Youssef, directeur, Direction des projets spéciaux de mise en oeuvre; Terry Henderson, directeur, Direction des projets spéciaux de mise en oeuvre; Ralph Keesickquayash, conseiller juridique; Jim Sisson, directeur, Revendications et gouvernement indien, région de l'Alberta et Evelyn Shalapata, directrice, Droits fonciers issus des traités. Merci à tous d'être parmi nous.

• 1105

Nous allons commencer par un court exposé qui sera suivi des questions des membres du comité.

M. Terry Henderson (directeur général, Direction des projets spéciaux de mise en oeuvre, Revendications et gouvernement indien, Affaires indiennes et du Nord Canada): Merci, monsieur le président.

Aux fins du compte rendu, je m'appelle Terry Henderson et je suis directeur général de la mise en oeuvre, Revendications et gouvernement indien, pour le ministère. C'est une correction que j'apporte à ce que vous avez dit.

Je suis accompagné d'un certain nombre de collègues que vous avez déjà présentés.

Je suis heureux d'être ici pour vous parler du projet de loi C-37, la mesure législative proposée sur la mise en oeuvre des mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan). Certains d'entre vous connaissent les dispositions de ce projet de loi pour avoir vu des propositions semblables quand le comité s'est penché sur la partie 2 de la Loi sur la mise en oeuvre des mesures concernant le règlement des revendications Manitoba, en mars 1999. J'ai également eu le plaisir de me présenter devant vous pour celle-ci.

Monsieur le président et membres du comité, j'estime que le projet de loi que nous étudions constitue de bonnes nouvelles, car il profitera à la fois aux Premières nations et aux Canadiens intéressés par le développement des terres de réserve proposées en Alberta et en Saskatchewan. Les Premières nations auront la possibilité de mettre en place des développements économiques sur les terres de réserve proposées même lorsque ces terres seront en train d'être ajoutées aux réserves. Pour leur part, les tierces parties qui détiennent déjà des droits à l'égard de ces terres ou qui désirent s'allier avec des Premières nations dans des entreprises pourront le faire avec une plus grande certitude commerciale. Enfin, le Canada sera mieux en mesure d'honorer ses obligations concernant l'élargissement des réserves découlant des revendications.

Certes, ce projet de loi n'est pas une panacée à la complexification du processus d'ajouts aux réserves, mais il n'en reste pas moins qu'il est un instrument utile pour les parties engagées dans les développements des terres de réserve proposées. Plus précisément, le projet de loi facilite et accélère l'exécution des engagements en matière d'élargissement des réserves par suite des accords de règlement de revendications en Alberta et en Saskatchewan. Il offre divers moyens de régler la question des droits actuels ou proposés des tierces parties à l'égard des terres sélectionnées même avant que la Première nation achète les terres en question.

Autrement dit, les Premières nations seront en mesure de négocier avec les tierces parties qui détiennent des droits et de conclure des ententes avec elles en même temps qu'elles négocient l'acquisition des terres avec le titulaire du titre de propriété. Vous comprendrez sûrement l'avantage de régler les divers points d'une transaction avant d'investir de l'argent pour acheter des terres.

Comme il sera maintenant possible de régler la question des droits des tierces parties pendant le processus de transformation de terres en réserve, il devient possible d'aménager ces terres pendant cette même période. Ainsi, les Premières nations pourront choisir des terres économiquement viables, peut-être des terres déjà en train d'être aménagées, au lieu de sélectionner des terres uniquement parce que moins de tierces parties y ont des droits.

Un autre aspect de ce projet de loi qui permet de gagner du temps, mais qui n'a rien à voir avec les droits des tierces parties, tient au fait que ce projet de loi confère au ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, plutôt qu'au gouverneur en conseil, le pouvoir d'octroyer le statut de réserve aux terres sélectionnées dans le cadre des accords de règlement de revendications. Cette mesure simplifiera davantage le processus de création de réserves.

Pour mettre les conséquences possibles de ce projet de loi en contexte, les 24 accords réglant des revendications en Alberta et en Saskatchewan se traduisent par un engagement de transformer 2 millions d'acres de terre en réserve, pour ne parler des engagements présentement en souffrance. Sur ces 2 millions d'acres, une superficie considérable a été sélectionnée et fait maintenant l'objet d'une évaluation en vertu de la politique du ministère concernant les ajouts aux réserves. La plupart des terres sélectionnées, sinon toutes, sont grevées par les droits de tierces parties ou font l'objet de nouveaux projets de développement. Ces engagements, en plus des 1,5 millions d'acres visés par 14 accords de règlement de revendications au Manitoba dont il est question dans la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba, représentent 97 p. 100 de la superficie de terres que le Canada s'est engagé à transformer en réserves dans le cadre de règlement de revendications à l'échelle nationale. C'est exactement ce volume de terres qui a poussé le gouvernement a recommandé l'adoption de lois pour les Prairies.

Il est également important de noter que l'application de la loi sera déclenchée par l'adhésion facultative des Premières nations individuelles. Les Premières nations auront le choix, aux fins de leurs accords de règlement de revendications, soit d'adhérer aux dispositions du projet de loi C-37, soit de rester avec le processus actuel.

• 1110

Par exemple, si la Première nation conclut plus d'un accord de règlement de revendications, elle pourrait opter pour la loi C-37 dans le cadre d'un de ces accords et, pour des raisons bien à elle, pour les mécanismes actuels dans le cas de l'autre.

J'aimerais également faire remarquer que le projet de loi C-37 ne met pas en vigueur les accords de règlement de revendications, il ne fait que faciliter leur mise en oeuvre. Ces accords, à la fois les accords actuels et ceux à venir, entrent en vigueur dès leur date d'exécution respective.

Enfin, je dois souligner que le projet de loi C-37 ne ressemble pas à tous points de vue à la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba, car il comprend aussi des modifications à d'autres lois, y compris cette dernière loi. Ces modifications n'ont d'autre but que de préciser le libellé des lois en question, notamment de les rendre plus claires et d'améliorer leur application et d'en assurer l'uniformité parfaite avec le projet de loi C-37 si jamais il devenait loi.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant ce comité au sujet de ce projet de loi important. Mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons passer directement aux questions des membres. Comme nous ne sommes pas nombreux, nous procéderons par ronde de cinq minutes, c'est-à-dire cinq minutes pour la question et la réponse. Si vous me voyez poser ce geste et allumer cette lumière, c'est que vous avez dépassé le temps qui vous était imparti. J'invite tout le monde à terminer le plus rapidement possible par la suite sinon je vais m'acquitter de la tâche pour laquelle on me paie.

Nous allons commencer par M. Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC/RD): Merci, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins.

J'ai une ou deux questions concernant l'élaboration du projet de loi C-37. Il est tout à fait évident que les consultations ne manquent pas avec les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan ainsi qu'avec les Premières nations en cause. Je ne sais pas très bien quels autres groupes y participent peut-être et ce qu'on appelle les tierces parties, y compris non seulement les propriétaires de terres et les agriculteurs, bien sûr, mais aussi les organisations municipales et les municipalités. Pourriez-vous éclairer ma lanterne à cet égard?

M. Terry Henderson: D'accord. Cela me ferait plaisir.

Je peux peut-être demander à mon collègue M. Youssef de vous répondre.

M. Michel Youssef (directeur, Direction des projets spéciaux de mise en oeuvre, Affaires indiennes et du Nord Canada): Monsieur Keddy, je peux vous dire que surtout en Alberta, lorsque ces dispositions ont émergé des règlements de revendications des Premières nations en Alberta et en Saskatchewan, il s'agissait des terres à l'égard desquelles des tierces parties détenaient des droits. On s'était engagé dans le cadre de ces règlements à recommander une mesure législative de cette nature et les tierces parties savaient que ces mécanismes allaient régler leurs problèmes.

En ce qui a trait à l'élargissement des consultations à des tierces parties en tant qu'organismes, cela ne s'est pas nécessairement produit, mais elles sont au courant du fait que ces mécanismes visent à leur donner une certitude en ce qui a trait aux entreprises, ce qu'elles cherchaient.

M. Gerald Keddy: Si je pose la question c'est parce que j'estime important d'avoir des consultations avec les tierces parties si vous les faites participer à ce processus. Nous avons ici un processus, comme vous l'avez expliqué, qui permet à des tierces parties de détenir des droits à l'égard de terres qui deviendront des réserves. C'est un emboîtage intéressant des préoccupations. Je crois que c'est important et que cela permet beaucoup plus de souplesse dans le projet de loi. Comprenez-moi bien; je suis en faveur de la mesure législative. Mais ce que je mets en doute c'est la façon dont vous vous y prenez pour faire intervenir cette dynamique dans la mesure législative sans vraiment faire intervenir les droits des tierces parties à l'avance.

M. Michel Youssef: Je peux vous dire, et je crois que nos collègues dans les régions m'aideraient ici, que pendant les années de mise en oeuvre des règlements de revendications, où les droits des tierces parties posaient un problème, tout le monde s'est rendu compte que les parties, les Premières nations et les tierces parties ont pu s'entendre sur les conditions qu'elles voulaient mettre en place mais n'avaient pas la capacité juridique de le faire. Elles connaissaient toutes, pendant ces années, les solutions qu'il fallait apporter; elles comptaient donc sur cette mesure législative.

Pour ce qui est du projet de loi lui-même, les tierces parties n'ont pas été consultées, mais elles étaient toutes au courant des modalités d'application de mécanismes, de leur objectif général, et elles étaient d'accord.

Je pourrais peut-être demander à Evelyn Shalapata et Jim Sisson, des régions...

Mme Evelyn Shalapata (directrice, Droits fonciers issus des traités, Affaires indiennes et du Nord Canada): Merci.

En Saskatchewan, les municipalités ont été consultées en bonne et due forme quand les accords ont été conclus...

M. Gerald Keddy: D'accord.

Mme Evelyn Shalapata: ...et les villes aussi.

• 1115

En plus des activités dans les réserves, nous procédons à des enquêtes et autre chose du genre dans la province, nous écrivons aux chefs régionaux et aux municipalités visées par les projets de création de réserves. Nous consultons tous les intéressés.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Jim Sisson (directeur, Revendications et gouvernement indien, région de l'Alberta, Affaires indiennes et du Nord Canada): J'ajouterais que la consultation, en Alerta, se fait au cas par cas, et que la question des droits des tierces parties est réglée à ce moment-là.

Ce projet de loi nous donne des moyens additionnels, plus efficaces, d'engager la discussion avec les tierces parties.

M. Gerald Keddy: En quoi consistent-ils?

M. Jim Sisson: En Alberta, par exemple, quand il est question d'intérêts pétroliers et gaziers souterrains, il faut procéder à un transfert quand des terres provinciales sont visées par une entente. Il faut émettre un décret en conseil quand les terres sont transférées au gouvernement fédéral. À l'heure actuelle, il n'existe aucun mécanisme qui permet de transférer ces intérêts directement d'une partie à l'autre. Il y a donc un vide, le tiers n'ayant pas de document juridique qui protège ses intérêts. Cette situation a pour effet de compliquer les choses.

Jusqu'à maintenant, nous avons eu recours, pour combler ce vide, à la Loi sur les immeubles fédéraux. Or, le projet de loi nous permettra désormais de procéder de façon directe, c'est-à-dire de transférer le titre de propriété et de transformer les terres provinciales en terres de réserve.

Le président: Est-ce qu'un membre du parti ministériel souhaite poser une question?

Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Certains d'entre nous ne sommes peut-être pas aussi bien renseignés que nous devrions l'être. Vous allez devoir faire preuve de patience à notre égard.

J'essaie de comprendre si les terres désignées ou mises de côté à titre de réserve correspondent à des étendues de terrain bien précises, ou a-t-on simplement décidé de désigner des terres de manière générale et de régler les détails plus tard? Comment procède-t-on?

M. Terry Henderson: Je peux vous répondre de façon générale et demander à mes collègues de vous fournir, au besoin, plus de précisions.

Habituellement, quand un accord vise des terres, on procède à la sélection et au transfert de terres provinciales, ou on verse des fonds à la Première nation pour qu'elle puisse faire l'acquisition de terres dans le cadre de transactions de gré à gré. Ces terres, une fois achetées, seront ajoutées aux terres de réserve conformément à la Loi sur les Indiens.

Or, la Première nation doit prendre en compte les intérêts de tierces parties à l'égard de ces terres. Normalement, elle serait obligée de racheter les intérêts qu'un tiers possède à l'égard de celles-ci. Toutefois, si elle ne désire pas le faire et si le tiers ne veut pas, lui, se départir de ses intérêts—et il n'est pas tenu de le faire—alors la Première nation disposera d'un mécanisme, d'un outil, qui lui permettra de garantir à la tierce partie que ses intérêts commerciaux seront protégés une fois que les terres seront transformées en réserve.

M. John Godfrey: Je comprends.

Et les droits miniers? Vous avez dit que, depuis 1905, les droits en Alberta et en Saskatchewan appartiennent à la province. Quand il y a transfert de terres aux Premières nations, est-ce que les droits miniers sont transférés eux aussi ou est-ce qu'ils demeurent la propriété de la province?

M. Terry Henderson: Monsieur Youssef.

M. Michel Youssef: Encore une fois, les droits miniers sont visés par la transaction de gré à gré. Autrement dit, si la Première nation est en mesure d'acquérir, soit d'un détenteur d'un titre minier privé, soit d'une province, les droits miniers et les droits de surface, ceux-ci font alors partie de la transaction. Si seuls les droits de surface sont visés, alors les droits miniers demeurent la propriété de la province.

Essentiellement, la plupart des terres qui sont ajoutées aux réserves englobent les droits miniers. Mes deux collègues régionaux peuvent le confirmer ou me corriger.

M. Jim Sisson: Ce qu'il dit est exact.

M. John Godfrey: Il existait déjà, avant le dépôt de ce projet de loi, un processus en vertu duquel des transactions étaient conclues, des terres étaient ajoutées aux réserves. Au cours des 20 dernières années, combien d'acres de terres a-t-on ajouté aux réserves, en Alberta ou en Saskatchewan, en vertu de l'ancien processus?

• 1120

M. Michel Youssef: Je peux vous répondre de façon générale et demander ensuite à mes collègues de vous donner des précisions. La Saskatchewan a adopté, il y a environ huit ans, l'entente cadre sur les droits fonciers issus de traités, une entente qui, à l'origine, visait à mettre de côté environ 1,5 million d'acres.

En raison des modalités de l'entente, à l'origine, la plupart des terres visées faisaient partie de ce que nous appelons le déficit territorial, des terres qui se vendaient, à l'acre, à un certain prix. Les terres sélectionnées étaient surtout rurales parce que moins de tierces parties y avaient des droits. Elles couvraient aussi une superficie plus vaste. Au cours des cinq premières années de l'entente cadre, un peu moins de 300 000 acres de terres, à peu près 275 000 acres, ont été mises de côté. On est en train d'élaborer une formule d'équité qui ne prévoit aucune limite de prix. Les terres sélectionnées ont une superficie plus petite, ce qui a pour effet de multiplier les formalités.

En Alberta, comme l'a mentionné M. Sisson, les terres sont désignées au moment de la conclusion d'une entente avec la province, surtout lorsqu'elles sont visées par des droits fonciers issus de traités. L'entente entre en oeuvre immédiatement, la question des intérêts ayant déjà été réglée. Ils auraient pu accélérer le processus si ces mécanismes avaient déjà été mis en place. Toutefois, ils ont eu recours, pour y arriver, à la Loi sur les immeubles fédéraux, même si cette mesure est loin d'être satisfaisante et qu'elle ne fournit pas les garanties que prévoit ce projet de loi.

Mme Shalapata ou M. Sisson pourraient peut-être vous donner des chiffres plus précis.

Mme Evelyn Shalapata: À partir de 1992, plus de 434 000 acres de terre ont été mises de côté à titre de terres de réserve en Saskatchewan.

M. John Godfrey: Et quelle était la superficie visée?

Mme Evelyn Shalapata: Environ deux millions d'acres.

M. Jim Sisson: En Alberta, environ 188 000 acres de terres visées par les règlements sont détenues en fief simple. Des mesures de mise en oeuvre sont déjà prévues. Quelques ententes ont été signées récemment, sauf qu'il reste encore certains détails à régler. Il reste donc entre 30 000 et 40 000 acres à transformer en terres de réserve.

Ce projet de loi a ceci d'avantageux qu'il nous donne de meilleurs outils pour régler la question et accélérer le processus.

Le président: Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Ma question est d'ordre général. Nous parlons beaucoup de revendications particulières et de revendications globales. J'aimerais d'abord savoir ce qu'est une revendication particulière et ensuite ce qui la distingue de la revendication globale. Quand vous parlez des terres qui sont achetées, est-ce que vous faites allusion aux traités ou encore aux ententes que vous êtes en train de négocier, ententes qui vous permettent en bout de ligne de déterminer la superficie qui sera achetée?

Merci.

M. Terry Henderson: Je vais essayer, madame, de répondre à cette question. Le mot «revendication» désigne, à la fois, comme vous l'avez mentionné, la revendication territoriale globale et la revendication particulière, qui englobe les droits fonciers issus de traités. Malheureusement, on utilise le même terme alors qu'ils s'agit de deux choses bien différentes.

L'entente sur la revendication territoriale globale vise à clarifier l'utilisation et le titre de propriété des terres et des ressources dans les cas où ces questions n'ont pas déjà été réglées par traité. Il s'agit en quelque sorte d'un traité moderne.

La revendication particulière vise plutôt à régler les atteintes aux droits, les erreurs administratives commises dans le passé. Elle représente en fait un grief qui est déposé par une Première nation. Donc, le gouvernement du Canada, au lieu de passer par les tribunaux, cherche à régler ces griefs par le biais du processus de règlement des revendications particulières. Nous réglons parfois une revendication particulière au moyen d'un chèque et d'une renonciation générale et totale. Dans certains cas, nous remettons un chèque, sauf que nous autorisons également la Première nation à sélectionner ou à acheter des terres dans le cadre d'une transaction de gré à gré. Ces terres recevront ensuite le statut de réserve.

• 1125

Est-ce que cela vous aide ou voulez-vous plus de précisions?

Mme Nancy Karetak-Lindell: Ce que vous dites, c'est qu'une revendication particulière donne lieu à un accord exécutoire et définitif qui ne prévoit pas l'expansion des réserves. Est-ce qu'une bande peut acheter d'autres terres au fur et à mesure que sa situation financière s'améliore, ou est-ce que le règlement de la revendication particulière limite, dans chaque cas, la superficie des terres qui peuvent être achetées?

En ce qui a trait à la transaction de gré à gré, la bande peut-elle acheter autant de terres qu'elle veut si sa situation financière le lui permet? Ou est-ce que le règlement limite la superficie des terres qu'elle peut posséder?

M. Terry Henderson: Je pourrais essayer de répondre à la question, mais mon collègue de la Saskatchewan est mieux placé que moi pour le faire. Je vais donc lui céder la parole.

Mme Evelyn Shalapata: La plupart des accords limitent la superficie des terres qui peuvent être achetées ou transformées en réserves.

L'accord-cadre de la Saskatchewan limite le nombre d'acres qui peuvent être achetées pour combler ce qu'on appelle le déficit territorial. La Couronne ou le gouvernement Canada a l'obligation de donner les terres de réserve qui avaient été promises en vertu des traités.

Elles peuvent toutefois acheter d'autres terres en vertu de la formule d'équité, qui est définie dans l'accord-cadre. La plupart des accords sont définis en ces termes. Autrement, elles doivent se soumettre au processus d'ajout aux réserves et démontrer que le gouvernement du Canada à l'obligation de mettre de côté des terres à titre de réserve.

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): J'aimerais céder ma place à Dave, si c'est possible.

M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): D'accord.

Je sais que cela pose depuis toujours un problème majeur en Saskatchewan. L'Alberta n'a pas encore eu à faire face à cette situation, mais ce n'est peut-être qu'une question de temps. Ce processus... vous avez mentionné, entre autres, le chiffre de 1,5 million d'acres. Or, de grandes superficies de terres ont été soustraites de l'assiette fiscale des municipalités rurales en Saskatchewan, ce qui a eu pour effet de créer des problèmes de budgétisation.

Est-ce que ce projet de loi aborde la question? Je sais que l'Alberta, jusqu'à maintenant, a procédé au transfert de terres domaniales pour régler les revendications relatives aux droits fonciers issus de traités. Toutefois, les transactions de gré à gré qui visent les réserves qui sont entourées de terres appartenant à la municipalité ou à des intérêts privés pourraient causer le même genre de problème en Alberta. Est-ce que le projet de loi aborde la question?

M. Terry Henderson: Le projet de loi n'aborde pas la question des pertes fiscales, ou de la compensation des pertes de recettes fiscales, ou autre chose de ce genre—mon collègue pourrait vous en dire plus à ce sujet—mais nous avons, en Saskatchewan, conclu une entente avec le gouvernement de la province il y a deux ou trois ans de cela. La Saskatchewan dédommage maintenant les municipalités qui subissent des pertes de recettes fiscales.

Mme Evelyn Shalapata: L'entente cadre prévoit de manière précise le remboursement des pertes de recettes fiscales subies par les municipalités rurales. En ce qui a trait aux municipalités urbaines, une entente a été négociée entre les deux parties pour la prestation de services et autre chose du genre. Pour le remboursement, on multiple l'assiette fiscale de l'année précédente par 22. Le gouvernement du Canada dispose, à cet égard, d'un fond d'indemnisation.

M. David Chatters: Est-ce qu'il s'agit d'un montant forfaitaire?

Mme Evelyn Shalapata: Oui.

M. David Chatters: Quelle est la position de l'Alberta à ce sujet? Que prévoit-elle faire?

M. Jim Sisson: L'Alberta n'a pas encore eu à faire face à ce problème.

• 1130

Dans les cas où le problème risquait de se poser—et ce qui nous intéresse, c'est l'achat de terres dans le cadre de transactions de gré à gré—nous avons convenu que la Première nation devait, en vertu du droit fiscal, conclure un accord avec la municipalité pour ce qui est de la prestation de services. Il faut que les parties s'entendent avant que l'accord ne puisse être mis en oeuvre.

M. David Chatters: C'est tout pour l'instant.

Le président: Y a-t-il quelqu'un qui n'a pas encore eu l'occasion de poser des questions?

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

J'aimerais parler des intérêts des tierces parties. Je ne crois comprendre qu'il n'est pas question d'expropriation dans le projet de loi, compte tenu du fait qu'on peut conclure des transactions de gré à gré. Toutefois, cette mesure n'est pas totalement exclue, n'est-ce pas?

M. Michel Youssef: C'est exact. Toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné, les accords eux-mêmes vont préciser s'il s'agit de terres domaniales ou de transactions de gré à gré. Ces terres sont donc protégées contre toute forme d'expropriation.

Dans le cas des tierces parties, cela vaut pour toutes les terres qui sont achetées. De plus, la politique relative aux ajouts aux réserves et les règlements des revendications exigent la conclusion d'une entente avec les tierces parties. Il est déjà arrivé qu'on suspende le processus de sélection des terres en attendant qu'on règle ce problème. Souvent, le problème tenait au fait que les parties n'arrivaient pas à mettre en place une convention les liant.

Donc, l'expropriation des terres n'est pas autorisée. Les règlements prônent les transactions de gré à gré, tandis que la politique et les ententes exigent que la question des intérêts soit réglée.

M. Gerald Keddy: D'accord. Si les terres mises de côté à titre de réserve ne peuvent être expropriées, je présume qu'il n'y a rien dans cette entente qui empêche les Premières nations de détenir des terres à l'extérieur des réserves. Elles pourraient acheter des terres qui appartiennent à des intérêts privés—des terres qui seraient imposables et qui seraient assujetties à tous les règlements municipaux. Il n'y a rien qui interdit ce genre de transaction.

La contiguïté est un autre problème. Je crois comprendre qu'il n'est pas nécessaire que les terres de réserve soient contiguës. Ce principe n'a pas à être appliqué.

M. Michel Youssef: Encore une fois, compte tenu de la superficie des terres en question, surtout dans le cas des DFIT, il serait peu réaliste de s'attendre à ce que les terres soient contiguës. De plus, compte tenu des obligations que nous devons remplir en vertu des traités qui visent une région particulière... le droit de choisir des terres économiquement viables, les critères de sélection qui sont appliqués leur permet de choisir les terres qui les intéressent.

M. Gerald Keddy: Il y a deux principes ici qui sont en jeu. Celui des terres visées par traité qui n'ont pas été allouées, les terres auxquelles les Premières nations avaient droit et qui n'ont jamais été allouées, et le principe des nouvelles terres qui ont été acquises et qui ont reçu le statut de réserve.

M. Michel Youssef: Oui.

Par exemple, les revendications particulières, comme l'a mentionné M. Henderson, visent souvent à régler un grief bien précis. Les procédures relatives à la cession d'une ancienne réserve n'ont peut-être pas été bien suivies. Les accords dans ces cas-ci pourraient prévoir que, comme il est question de remplacer des terres de réserve dans une région particulière, elles devraient chercher à acquérir des terres à l'intérieur de cette même région.

Les accords délimitent parfois la région géographique où des terres peuvent être sélectionnées, en fonction de la nature de la revendication. Je ne sais pas si ces renseignements vous aident.

M. Gerald Keddy: Je voulais tout simplement avoir des précisions là-dessus.

M. Michel Youssef: D'accord.

M. Gerald Keddy: Merci.

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Merci, monsieur le président.

Lors de la dernière lecture du projet de loi, le ministre a déclaré que le C-37 favoriserait la création de partenariats entre les Premières nations et le secteur privé en Alberta et en Saskatchewan. Premièrement, étant donné qu'il existe déjà une loi similaire au Manitoba—et je paraphrase ici—j'aimerais savoir si cette mesure a contribué à créer de nouveaux partenariats économiques dans cette province.

• 1135

Deuxièmement, en quoi consistent ces partenariats? S'agit-il de partenariats à long terme ou de partenariats qui, une fois le contrat expiré, ne seront pas renouvelés?

Je trouve ce commentaire intéressant. En fait, je cherche à savoir si ce projet de loi est vraiment utile sur le plan économique, comme l'a dit le ministre, ou s'il s'agit plutôt d'un outil accessoire auquel il n'y a pas lieu d'accorder tellement d'importance.

M. Terry Henderson: Votre question est fort pertinente, quoiqu'il est difficile d'y répondre pour l'instant.

La Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba est entrée en vigueur en octobre 2000. Ses dispositions n'ont pas encore été appliquées. Nous avons consulté nos collègues du Manitoba. Certaines Premières nations vont sans doute y avoir recours très bientôt, dans les mois à venir, mais jusqu'à maintenant, aucune d'entre elle n'a senti le besoin d'appliquer les dispositions de la loi.

M. Michel Youssef: Je pourrais peut-être ajouter un commentaire. Si j'ai bien compris—et nos collègues de la région du Manitoba ne sont pas ici pour le confirmer—les terres sélectionnées au Manitoba couvrent une superficie assez vaste. Environ 400 000 acres ont été sélectionnées en vertu de l'entente cadre du Manitoba. Ils sont en train d'évaluer ces choix à la lumière des modalités de l'entente et de la politique relative aux ajouts aux réserves. Ils n'ont pas que la question des intérêts des tiers à régler. Par ailleurs, il n'a pas été nécessaire, jusqu'ici, de procéder à la désignation préalable des terres de réserve ou de délivrer un permis en vertu du projet de loi. Mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'on ne le fasse.

D'après les données empiriques que nous avons recueillies, les Premières nations au Manitoba peuvent maintenant sélectionner les terres qu'elles veulent, peu importe les intérêts qui existent à l'égard de ces terres, et pressentir les industries dans le but de négocier les modalités qui feront partie du processus de désignation préalable des terres de réserve. Elles négocient donc en même temps qu'elles transforment les terres en réserves.

Je ne peux pas vous donner d'exemples concrets, mais d'après ce que disent nos collègues régionaux, la plupart des terres visées font l'objet de projets de développement. Ils n'ont donc pas à s'inquiéter des modalités des accords, puisque quand viendra le moment de les mettre en place, ils disposeront des outils nécessaires pour le faire.

Je ne sais pas si cela vous aide.

M. Maurice Vellacott: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Le président: Oui.

M. Maurice Vellacott: On a peut-être déjà répondu à la question. Je m'excuse, je suis arrivé en retard. Je me suis trompé de salle.

Est-ce que les municipalités, les autres parties—nous en avons parlé un peu l'autre jour—ont participé au processus de consultation? Dans quelle mesure ont-elles été consultées? Je suppose qu'elles ont participé au processus, qu'elles ont assisté aux réunions, ainsi de suite. Pouvez-vous nous donner une idée des préoccupations qu'elles ont formulées? Est-ce que le projet de loi en tient compte?

M. Michel Youssef: J'ai mentionné plus tôt qu'au cours des années où on a mis en oeuvre les accords dans les deux régions, notamment en Saskatchewan, compte tenu des volumes figurant dans l'accord-cadre de 1992, les municipalités et quiconque avait une sûreté sur des terres ont participé aux discussions à cet égard. Ils connaissaient donc bien le genre de mesures nécessaires, qui figurent dans ce projet de loi, et dans ce sens ils préconisent des mesures pour mieux satisfaire les intérêts de tous. Mais ils n'ont pas en fait vu le projet de loi en cours de rédaction.

S'agissant des municipalités, je tiens à préciser que les municipalités, comme toute tierce partie, pourraient avoir un intérêt foncier. Par exemple, il leur faudrait acquitter les arriérés de taxes qui n'ont pas été payés avant de pouvoir acquérir le titre de propriété.

Il faut également tenir compte de considérations comme la perte future de taxes, la perte des taxes municipales, la réduction de l'assiette fiscale, ou les ententes d'harmonisation. Ces questions sont traitées dans la Politique relative aux ajouts aux réserves et dans les règlements de revendications. Il n'en est pas question dans ce projet de loi, mais elles font certainement partie du processus qui s'applique séparément.

Je ne fais que le mentionner parce que ces questions concernant les municipalités n'auraient pas fait partie de ces consultations. Mais les mesures de remplacement des accords en auraient fait partie. Les municipalités ont certes été mises au courant de la nécessité de disposer de ces outils pendant bien des années.

M. Terry Henderson: Puis-je intervenir? Aucune tierce partie n'est tenue à quoi que ce soit par suite de ce projet de loi. Celui-ci ne fait que fournir un outil qui permettra aux Premières nations de satisfaire les intérêts des tierces parties, et il n'y a pas de garantie.

Nous avons ici un projet de loi qui est pratiquement un outil qui s'avérera un facilitateur. Il supprimera certains obstacles qui existent à l'heure actuelle dans le processus de création des réserves, à l'égard des tierces parties et d'autres choses. Il permettra aux Premières nations de progresser sur le plan économique. Mais rien ne garantit que des avantages socio-économiques découleront directement du projet de loi.

• 1140

M. Maurice Vellacott: Je tiens à poser une question pour qu'elle soit consignée au compte rendu. Je sais que nous l'avons posée lors de sessions d'information précédentes. En ce qui concerne la raison pour laquelle le projet de loi C-37 a été déposé, plutôt qu'on modifie la Loi sur les Indiens, pourriez-vous encore une fois nous en parler?

M. Michel Youssef: La Loi sur les Indiens, bien entendu, a une portée nationale. Ce projet de loi, comme le projet de loi du Manitoba, a une portée régionale et axée sur les revendications. Il aurait été très compliqué d'appliquer ce genre de mesures, qui sont essentiellement des mesures parallèles dans la Loi sur les Indiens, quand nous essayions de nous occuper des consultations en Alberta et en Saskatchewan.

Le projet de loi a permis d'établir clairement que nous traitions de questions régionales, qui exigeaient le consensus en Alberta et en Saskatchewan. Si nous avions procédé via la Loi sur les Indiens, cette distinction et la portée n'auraient pas été si claires. Cela aurait compliqué la rédaction du projet de loi.

M. Maurice Vellacott: Auriez-vous rencontré davantage d'opposition? Je crois que je ne comprends pas entièrement votre réponse. Dites-vous que si ces mesures s'étaient appliquées dans tout le pays, étant donné que la portée est davantage régionale, il aurait pu ne pas s'appliquer à d'autres endroits, ou il aurait pu y avoir des nuances, des choses différentes, dans d'autres provinces, qui n'y auraient pas figuré?

M. Terry Henderson: C'est difficile de dire ce qui se serait produit dans tout le pays. Cela aurait certainement compliqué la rédaction du projet de loi parce qu'il aurait fallu consulter davantage de partenaires.

De toute évidence, c'est par nécessité que nous avons recommandé un projet de loi pour une région, pour les Prairies. J'ai indiqué dans mes remarques préliminaires qu'environ 97 p. 100 des ajouts aux réserves se produisent dans les trois provinces des Prairies. Nous avons déjà réglé le cas du Manitoba, par le biais du projet de loi sur le Manitoba qui a été adopté en octobre dernier.

Nous bénéficions d'un appui. Au sujet des consultations que nous avons tenues, nous n'avons pas consulté directement les tierces parties; nous l'avons reconnu. Mais nous avons certes consulté les Premières nations touchées par ce projet de loi, les provinces, de même que les autres groupes—des intervenants directs—qui se sont dit favorables au projet de loi. Essentiellement, c'est la raison pour laquelle nous avons procédé ainsi.

M. Maurice Vellacott: Très rapidement, qu'arrive-t-il aux bandes qui ont des traités qui couvrent les frontières, comme le Traité 8 entre la Colombie-Britannique et l'Alberta? Je ne sais pas si cette question a déjà été posée.

M. Michel Youssef: Certains accords de règlement des revendications relatives aux droits fonciers issus de traités comportent des dispositions sur la faculté de sélectionner des terres dans d'autres provinces. Par exemple, dans l'accord-cadre en Saskatchewan, la Première nation d'Onion Lake peut sélectionner des terres en Alberta.

Aux termes du projet de loi C-14, la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba comporte également des dispositions pour la sélection de terres de gré à gré dans les provinces voisines de la Saskatchewan et de l'Ontario, avec le consentement des gouvernements provinciaux. Cela dépend donc des conditions des règlements.

Le président: Nous allons en rester là. Il nous reste environ huit minutes, si bien que je vais donner la parole à Mme Karetak-Lindell, qui sera suivie de M. Finlay, avant que nos invités nous disent le mot de la fin.

Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci. Je n'ai qu'une très courte question.

J'ai sous les yeux un document intitulé «Droits fonciers issus de traités—Premières nations» pour la Saskatchewan. On y mentionne des acres de manque à gagner, des acres d'équité et des acres d'honneur. J'ai compris ce que vous avez dit au sujet du manque à gagner, mais vous pourriez peut-être m'expliquer plus en détail les définitions d'équité et d'honneur des acres qui tombent dans ces deux catégories.

Merci.

M. Terry Henderson: Je vais une fois de plus demander à ma collègue de la Saskatchewan de vous parler de l'Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, et de son contenu.

Mme Evelyn Shalapata: L'accord-cadre était un accord négocié. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais je peux vous les envoyer plus tard. Le manque à gagner correspond à la superficie de terre à laquelle ils auraient eu droit. Les acres d'équité sont un nombre additionnel d'acres qu'ils peuvent transformer en réserve en raison d'une perte d'usage de cette terre. C'est la façon dont cela a été calculé. C'est fondé sur le nombre d'habitants et de choses comme cela—le nombre d'années pendant lesquelles ils n'ont pas eu droit à cette terre.

• 1145

Les acres d'honneur étaient une formule basée sur la Saskatchewan. La province de la Saskatchewan et les Premières nations en sont arrivées à cette formule en 1987, et c'est alors que les acres d'honneur sont entrées en jeu. Dans l'accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités, si les acres d'honneur étaient plus élevées que les acres d'équité, alors on a utilisé les acres d'honneur.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je ne comprends pas votre dernière phrase. Pourriez-vous m'expliquer davantage?

Mme Evelyn Shalapata: La formule des acres d'équité était fondée sur la formule des acres d'honneur, sauf qu'ils ont utilisé un scénario différent selon le type de population. Quand la formule des acres d'honneur donnait un montant supérieur d'acres, c'est celle-ci qui était utilisée dans l'accord-cadre.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Henderson, je regarde la page 6 de votre exposé. Vous avez expliqué qu'en Alberta et en Saskatchewan, il y a un engagement de transformer deux millions d'acres de terres en réserves, pour ne parler que des engagements présentement en souffrance. C'est-à-dire que dans le cadre des accords existants, il reste encore deux millions d'acres à définir, à céder.

Vous dites ensuite que la plupart des terres sélectionnées sont grevées par les droits de tierces parties. Vous ajoutez aussi:

    Ces engagements, en plus des 1,5 million d'acres visées par 14 accords de règlement de revendications au Manitoba dont il est question dans la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba, représentent 97 p. 100 de la superficie de terres que le Canada s'est engagé à transformer en réserves dans le cadre de règlements de revendications à l'échelle nationale.

J'imagine que cela fait référence aux engagements d'élargissement qui ont été approuvés, et la plupart des autres—corrigez-moi si je fais erreur—se trouveraient en Ontario, au Québec et dans les Maritimes. Assurément, en ce qui concerne la Colombie-Britannique, il ne reste pas que 3 p. 100.

Je sais que nous ne sommes pas au même stade en Colombie-Britannique, mais pourriez-vous seulement nous préciser pourquoi il y a une telle grande différence, à mes yeux? Je sais que nous avons en Colombie-Britannique une commission d'étude des traités et qu'il y a beaucoup de discussions aux tables, et qu'il sera question de terres. Pourquoi est-ce si différent? Est-ce parce que la terre est détenue par Sa Majesté du chef du Canada et non par le Canada? Ce n'est pas vraiment des terres domaniales?

M. Terry Henderson: En Colombie-Britannique, il s'agit en grande partie d'un processus différent. Mme Karetak-Lindell a demandé une précision sur la distinction entre une revendication territoriale globale et une revendication particulière. La Commission d'examen des traités étudie en Colombie-Britannique des revendications territoriales globales parce qu'il n'y a pratiquement pas de traités historiques, sauf pour une partie du Traité 8, qui couvre une partie de la Colombie-Britannique dans la pointe nord-est.

Comme il n'y a pas de traités historiques en Colombie-Britannique, conformément aux jugements passés de la Cour suprême, c'est le droit ancestral qui existe. Il n'a pas été éteint. Nous n'avons pas besoin de négocier la clarté, ni l'usage et la propriété de ces terres. Cela ne veut pas dire que ce ne sont pas des revendications particulières. Ce projet de loi porte sur la réalisation d'engagements relatifs à l'expansion des réserves aux termes de revendications particulières et d'accords sur les droits fonciers issus de traités, qui sont des formes de revendications particulières.

Il existe quelques revendications particulières en Colombie-Britannique, mais la question des droits fonciers issus de traités existe principalement dans les Prairies au Manitoba et en Saskatchewan et, dans une certaine mesure, en Alberta. Il y en a un peu en Ontario, etc., mais c'est limité.

Vous comprenez mieux, monsieur?

M. Michel Youssef: J'ajouterai que vous avez tout à fait raison, monsieur Finlay, quand vous dites que les chiffres portent sur des revendications réglées. Je suppose que ce qui explique ce pourcentage de 97 p. 100, c'est que les accords de règlement des revendications relatives aux droits fonciers issus de traités dans les Prairies ont gonflé ce chiffre. Il y a eu des accords de règlement de revendications particulières en Ontario, au Québec et dans le reste du pays, mais quand vous ajoutez ces chiffres, ces engagements, aux engagements au titre des droits fonciers issus de traités et des revendications particulières dans les Prairies, vous en arrivez à un engagement réglé, dont 97 p. 100 se trouvent dans les Prairies.

Ces volumes ont suscité le consensus, si je peux m'exprimer ainsi, dans les Prairies selon lequel tous étaient très au courant des problèmes. Les volumes ont mené à une compréhension et à un consensus.

• 1150

M. John Finlay: Reste à savoir si en Colombie-Britannique, cela se produira dans la même mesure.

M. Michel Youssef: Encore une fois, nous ne savons pas ce qui résultera du processus de traité en Colombie-Britannique, si on réservera des terres ou si on utilisera le modèle du territoire Nisga'a, qui ne constitue pas des terres de réserves. Nous ne savons pas si le processus de traité là-bas nécessitera ce type de mesures, mais il y aura des revendications particulières qui comporteront des dispositions sur l'expansion des réserves.

M. John Finlay: Il y a des traités sur l'île de Vancouver, n'est-ce pas?

Le président: Restons-en au sujet de notre projet de loi.

M. John Finlay: Merci.

Le président: Monsieur Chatters, vous pouvez poser une courte question.

M. David Chatters: Une chose n'est pas très claire pour moi dans cette discussion. Il est clair que nous parlons d'un droit foncier issu de traité, de terres qui sont transformées en réserves. Ce projet de loi prévoit-il aussi le cas où une bande dispose, par le biais d'autres sources—des revenus tirés de la ressource, ou Dieu sait quoi—d'assez d'argent pour conclure, comme n'importe quel autre Canadien, un accord de gré à gré pour acheter des terres? Ce projet de loi leur permet-il de transformer ces terres en terres de traité bien qu'elles ne fassent pas partie d'un droit foncier issu de traité?

M. Terry Henderson: En bref, non. Si l'engagement ou le désir de transformer des terres n'est pas conforme à un engagement aux termes d'une revendication particulière ou d'un accord de règlement d'une revendication relative à un droit foncier issu de traité, alors, ce projet de loi ne s'appliquera pas.

M. David Chatters: Il n'existe donc pas actuellement un mécanisme permettant de le faire, de transformer une terre achetée par le biais d'une transaction de gré à gré en terre cédée en vertu d'un traité? C'est bien cela?

M. Terry Henderson: Il existe des mécanismes, mais ils sont beaucoup plus fastidieux et ils n'accorderaient pas la capacité de satisfaire les intérêts des tierces parties de la façon dont ce projet de loi nous permet de le faire. Je pourrais peut-être demander à... si vous voulez plus de précisions là-dessus.

M. Michel Youssef: Encore une fois, ces mécanismes se superposent à la Politique relative aux ajouts aux réserves pour faciliter le respect des intérêts des tierces parties et la création de réserves par le ministre. Ce qui sous-tend la politique et le processus d'ajouts aux réserves, c'est que lorsqu'une Première nation présente une revendication, elle n'obtient pas ces pouvoirs superposés; elle peut recourir à la Politique relative aux ajouts aux réserves aux termes de laquelle, si le Canada n'est pas tenu légalement de transformer la terre, il existe d'autres justifications.

Comme vous le dites, les Premières nations peuvent, si elles le désirent, utiliser leurs propres fonds pour acheter des terres. Elles doivent alors satisfaire toutes les autres conditions—évaluations environnementales, arpentage, ententes avec les tierces parties. Si toutes ces conditions sont remplies et qu'au bout du compte on s'entend sur le fait que toutes les questions relevant de la politique sont respectées, alors une bande indienne peut aller de l'avant. Il existe donc des processus. Mais si ces terres sont grevées par des sûretés de tierce partie, la Première nation devrait, comme M. Sisson l'a indiqué plus tôt, recourir à des instruments comme la Loi sur les immeubles fédéraux ou elle pourrait peut-être racheter l'intérêt avec l'accord de la tierce partie et l'annuler pour que le titre soit libre. Voilà les choses qu'elle aurait à faire.

M. David Chatters: Merci.

Le président: Vous avez une minute pour nous dire le mot de la fin, si vous le voulez.

M. Terry Henderson: Je vais laisser faire, monsieur le président.

Le président: Nous vous en savons gré parce que le personnel technique a besoin de cinq minutes pour revenir aux caméras et tout préparer pour notre prochaine séance. Je vous remercie beaucoup d'avoir été des nôtres. Si nous avons besoin de vous convoquer à nouveau, nous le ferons, mais il semble que tout ait été plutôt simple.

Merci beaucoup.

M. Terry Henderson: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes et nous reprendrons dans cinq minutes pile.

• 1154




• 1203

Le président: Nous reprenons nos travaux.

C'est pour nous tous une réunion très spéciale. Avant d'en arriver aux formalités, j'aimerais signaler que j'ai invité à s'asseoir avec nous à notre table, la sénatrice Ione Christensen, qui vient du Yukon et qui est une ancienne commissaire du Yukon. Nous sommes heureux de sa présence à titre d'observateur. Malheureusement, nous n'allons pas lui permettre de participer, mais je sais qu'elle aura l'occasion de le faire au Sénat.

Compte tenu du grand honneur que l'on nous fait aujourd'hui, j'ai demandé à notre collègue Larry Bagnell, député du Yukon, de présenter officiellement notre invitée très spéciale.

Monsieur Bagnell.

[Français]

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

J'aimerais vous présenter la première ministre du Yukon, Mme Pat Duncan. Elle a vécu au Yukon toute sa vie et fait partie intégrante de cette communauté et de cette société. Elle a été élue en 1996, a été chef de l'opposition et est maintenant première ministre du gouvernement. Je sais que la sénatrice Christensen et moi-même avons apprécié le fait qu'elle vienne à Ottawa à diverses reprises pour nous aider dans notre lutte pour des causes intéressant le Yukon depuis qu'elle a été élue.

Bienvenue à Ottawa, madame Duncan.

• 1205

Le président: Merci, Larry, et bienvenue à vous, madame Duncan.

La première ministre est accompagnée de Kirk Cameron, sous-ministre, Conseil exécutif; de Bill Byers, sous-ministre de la Justice; de Bernie Funston, expert-conseils, et de Pamela Muir, conseillère juridique, ministère de la Justice.

J'aimerais maintenant inviter mes collègues à faire un tour de table. J'aimerais que vous vous présentiez vous-mêmes à nos invités très spéciaux et aux gens qui nous regardent sur la chaîne CPAC.

M. Maurice Vellacott: Je m'appelle Maurice Vellacott, porte-parole de l'Alliance canadienne. J'ai eu le privilège de rencontrer la première ministre hier.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Je m'appelle Reed Elley, principal porte-parole pour les affaires indiennes pour l'Alliance canadienne et député de Nanaimo—Cowichan. Je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Je m'appelle Richard Marceau et je suis député de Charlesbourg—Jacques-Cartier, du Bloc québécois.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Je m'appelle Gerald Keddy, député de South Shore pour le Parti progressiste-conservateur, et je suis porte-parole de la Coalition PC/RD pour les affaires indiennes et du Nord et les ressources naturelles.

[Français]

M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Gérard Binet et je suis député de Frontenac—Mégantic. Je suis du Parti libéral. Il me fait plaisir de vous resaluer. Lors de votre dernière visite, j'avais eu l'honneur de vous rencontrer. Il me fait vraiment plaisir de vous revoir.

[Traduction]

M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Je m'appelle Ben Serré, secrétaire parlementaire de M. Goodale et député de Timiskaming—Cochrane. J'adore le Yukon.

Des voix: Bravo!

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je suis Nancy Karetak-Lindell, député du Nunavut. Je suis ravie de vous voir ici à ce comité.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à l'exposé de 10 à 15 minutes. Je suis un président très courageux, mais je n'ai pas le courage d'interrompre une première ministre quand elle parle; donc, si vous prenez plus de temps, je ne vais pas vous arrêter. La parole est à vous.

Mme Pat Duncan (première ministre du Yukon): Vous êtes très gentil, monsieur le président. Merci beaucoup.

[Français]

Bonjour et merci.

[Traduction]

C'est avec un grand plaisir et une immense fierté que je prends la parole devant vous aujourd'hui afin de vous faire part de l'intérêt du gouvernement du Yukon à la promulgation du projet de loi C-39 par le Parlement.

C'est un moment historique pour tous les Yukonais et toutes les Yukonnaises. La nouvelle Loi sur le Yukon reconnaît l'évolution du processus de gestion publique dans le territoire au cours du siècle dernier. Elle affirme notre place au sein de la Confédération. Je propose de présenter un bref exposé des forces et des faiblesses du projet de loi du point de vue du gouvernement du Yukon, en prévoyant suffisamment de temps pour les questions sur tous les aspects qui pourraient vous intéresser en particulier.

Le projet de loi C-39 ne modifie en rien le statut constitutionnel du Yukon. Nous continuerons à être un territoire. Le nouveau mandat de cinq ans des représentants élus est conforme à la charte, une simple modification à la limite actuelle de quatre ans. Grâce à ce nouveau délai, les Yukonnais et les Yukonnaises pourront entretenir avec leurs représentants élus des rapports semblables à ceux que connaissent les résidents des provinces.

Le gouvernement du Yukon reconnaît que le projet de loi C-39 ne peut plaire à tous à la fois. Nous croyons que les compromis auxquels nous sommes arrivés sont équitables et qu'en définitive, c'est au Parlement, y compris au Sénat, qu'il revient de décider de ce qui convient le mieux pour les Canadiens et les Canadiennes. Le projet de loi C-39 constitue la prochaine étape logique dans l'évolution politique du Yukon.

Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais rendre hommage au premier ministre et au ministre Robert Nault, de même bien entendu qu'à notre député au fédéral, M. Bagnell, et à notre sénatrice Christensen, pour leur leadership et les efforts qu'ils ont déployés pour faire en sorte que ce projet de loi soit étudié par votre comité.

Le gouvernement du Canada a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Yukon et les Premières nations à la préparation de ce texte de loi. Nous sommes reconnaissants d'avoir eu la possibilité de participer au processus et, malgré quelques contrariétés éprouvées de part et d'autre, le texte définitif ne s'en trouve qu'amélioré grâce à cette collaboration.

Notre soutien envers le projet de loi C-39 repose principalement sur le fait qu'il nous permettra de procéder au transfert des responsabilités, plus précisément au transfert des responsabilités relatives à la gestion des ressources, qui passeront du gouvernement du Canada au gouvernement du Yukon. Le projet de loi C-39 habilite le Yukon à prendre en main l'administration et la gestion des terres publiques, des ressources qui s'y trouvent tant en surface qu'en profondeur, telles les ressources forestières et minérales, et des droits relatifs à la gestion des eaux. En principe, c'est le commissaire qui détient ce pouvoir, sous réserve du consentement du Conseil exécutif et en conformité avec les lois du Yukon. Cependant, si le comité n'y voit pas d'objection, à partir de maintenant, je dirai tout simplement «le Yukon» par souci de simplification.

Le Programme des affaires du Nord du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien—ou «PAN»—est actuellement responsable de la gestion des terres et des ressources du Yukon. Après le transfert des responsabilités, les programmes et les services offerts par le PAN seront désormais offerts par le gouvernement du Yukon, et ils garderont en essence la même forme pendant la période suivant immédiatement le transfert.

• 1210

Un pouvoir accru s'accompagne inévitablement de responsabilités accrues. La gent politique du Yukon sera désormais responsable des décisions prises. Ce changement constitue un grand pas en avant et est accueilli avec joie tant par les législateurs du Yukon que par les personnes qui traitent avec le gouvernement du Yukon. Les jours où les décisions étaient prises dans la lointaine capitale d'Ottawa, sont révolus. Le gouvernement du Yukon se chargera aussi de l'administration et de la gestion de la plupart des terres publiques, en harmonie avec le principe de décentralisation administrative en matière de ressources locales.

Il reste toutefois quelques exceptions, telles que les terres des Premières nations visées par le règlement de catégorie A, les droits de surface des terres visées par le règlement de catégorie B et les terres visées par le règlement détenues en fief simple, les réserves indiennes, ainsi que les parcs nationaux et les zones de conservation. Le projet de loi exclut aussi un nombre de sites précis réservés à l'usage d'autres ministères ou organismes fédéraux et dont une liste détaillée se trouve dans l'Accord de transfert.

La prise en charge locale permettra d'effectuer une gestion mieux adaptée, ce qui, selon nos attentes, favorisera par la suite notre expansion économique et sociale. L'administration et la gestion sont la clé grâce à laquelle le Yukon aura le droit d'usage des terres et des ressources et le droit d'en percevoir les fruits. La gestion de la mise en valeur du territoire relèvera de la compétence du gouvernement du Yukon. La gent politique locale sera responsable envers ses électeurs et ses électrices.

La deuxième raison déterminante de l'appui de notre gouvernement au projet de loi C-39 est que ce dernier met en évidence notre système actuel de gouvernement responsable. La nouvelle loi correspondra mieux à la réalité. Jusqu'à présent, le gouvernement du Yukon avait le privilège de gérer les affaires territoriales, mais sans pouvoir se référer à un cadre juridique pour étayer la situation. Le projet de loi C-39 modernise les textes de loi actuels en vue de refléter la langue, les institutions et les pratiques courantes, telles que le fait de renommer le «Conseil» territorial et de le maintenir en vertu de la Loi sous le nouveau nom d'«Assemblée législative».

Il semble que des modifications de cette envergure sont apportées environ tous les 50 ans. La loi de 1898 avait été entièrement remaniée en 1952, et voici que, 50 ans plus tard, nous modifions la loi de nouveau.

J'aimerais ici partager avec vous une anecdote amusante. En 1970, à l'occasion du centenaire de la création des Territoires du Nord-Ouest, le ministre de l'époque, l'honorable Jean Chrétien, avait chargé le commissaire de constituer un comité exécutif au Yukon, le précurseur du Conseil des ministres actuel.

Deux des membres élus au «Conseil» territorial siégeaient à ce comité, qui a entériné la décision d'augmenter la durée du mandat des membres élus de trois à quatre ans. Il semble opportun aujourd'hui de mentionner que la vision que le ministre avait à l'époque d'un gouvernement responsable évoluant à partir de ces modifications, en apparence minimes mais néanmoins importantes, se concrétisera pendant les semaines à venir avec l'adoption du projet de loi C-39.

Les intérêts des Premières nations sont protégés par la nouvelle Loi sur le Yukon et l'Accord de transfert au Yukon d'attributions relevant du Programme des affaires du Nord. Cet accord contient de nombreuses dispositions non dérogatoires conformes à sa nature d'entente contractuelle. Il demeure entendu que le projet de loi C-39 confirme les protections constitutionnelles actuelles, en conformité avec les autres lois fédérales.

Le gouvernement territorial a participé à la révision de la Loi sur le Yukon en tenant une série de consultations publiques. Bien que le projet de loi C-39 rende bien compte de la plupart des propositions avancées, quelques questions soulevées par la Commission spéciale de la Loi sur le Yukon en 1999, restent encore en suspens. Par exemple, certaines personnes ont quelques difficultés à accepter de conserver le titre dévolu à Sa Majesté la Reine au droit du Canada. À titre de gouvernement, ce n'est pas notre avis. Nous reconnaissons que l'administration et la gestion des ressources, combinées à la jouissance de ces ressources et le droit d'en percevoir les fruits, confèrent au Yukon tous les avantages inhérents au droit de propriété, sans qu'il n'y ait besoin de résoudre la question même de propriété.

Il importe de se souvenir que lorsque des portions de Territoires du Nord-Ouest ont été retranchées en 1905 pour créer l'Alberta et la Saskatchewan, ni l'une ni l'autre des deux provinces, malgré leur nouveau statut, n'avaient reçu le droit de gestion de leurs ressources naturelles. Le fait d'avoir le pouvoir d'administrer et de gérer nos ressources, sans porter le titre de province, est un meilleur choix pour le Yukon à l'étape actuelle de notre évolution politique. En outre, le gouvernement du Yukon ne tient pas pour l'instant à susciter une querelle juridique et constitutionnelle à ce sujet.

Quelques personnes ont soulevé la question des limites extra-côtières, qui restent inchangées dans la nouvelle Loi sur le Yukon. Je tiens à souligner que le gouvernement territorial n'a jamais eu l'intention de traiter de la question des limites extra-côtières dans le cadre du transfert des responsabilités. Le gouvernement du Yukon vise plutôt à défendre ses intérêts en matière d'économie et de zones de compétences à ce sujet par des moyens autres que la Loi sur le Yukon.

• 1215

L'Accord Canada-Yukon sur le pétrole et le gaz de 1993 prévoit la constitution d'un comité provisoire sur les zones extracôtières, dont le travail en cours permet de rendre ce comité fonctionnel.

Outre les points soulevés dans le cadre du processus de cette commission spéciale, un certain nombre de compromis ont été faits afin de tenir compte des préoccupations des Premières nations au cours de l'élaboration du projet de loi C-39. La majorité des Premières nations du Yukon appuient l'Accord de transfert d'attributions. Elles sont conscientes des avantages sociaux et économiques que procurera à l'ensemble des Yukonnais la gestion de leurs ressources à l'échelle locale.

Par contre, certaines Premières nations s'opposent au projet de loi C-39 en invoquant l'insuffisance des garanties offertes aux Premières nations qui n'ont pas encore conclu d'entente sur leurs revendications territoriales. La Loi constitutionnelle est l'ultime source de protection des droits des Autochtones. La disposition de non-atteinte de ces droits enchâssée dans le projet de loi C-39 réaffirme cette protection, à l'instar de récentes mesures législatives adoptées par le gouvernement fédéral. Certains soutiennent qu'il existe peut-être des droits ou des intérêts autochtones qui ne jouissent pas de la protection offerte par la Loi constitutionnelle. Il faudra sans doute trancher cette question un jour, mais non pas à l'étape de la révision de la Loi sur le Yukon. Il reviendra sans doute aux tribunaux de le faire.

D'autres encore ont voulu souscrire à la portée de l'Accord de transfert les terres ancestrales des Premières nations qui n'ont pas conclu d'entente sur leurs revendications territoriales. Cette position n'a pas été retenue par le gouvernement fédéral ni celui du Yukon pour diverses raisons, une des principales étant que cela n'est guère réalisable en pratique. Il faut souligner que l'Accord de transfert contient de nombreuses dispositions de non-atteinte. Aussi semble-t-il peu logique de vouloir faire obstacle au transfert des responsabilités sous prétexte qu'en dépit des mesures de protection prévues, il pourrait porter atteinte aux droits des Autochtones.

Par ailleurs, les Kaska ont laissé savoir aux négociateurs qu'à défaut de voir enchâssées dans l'Accord des dispositions prévoyant la mise de côté d'une quantité de terres adéquate pour satisfaire les revendications transfrontalières de leurs membres vivant en Colombie-Britannique, ils considéreraient que leurs intérêts ne sont pas suffisamment protégés. Cette question relève davantage des négociations sur les revendications territoriales que de celles portant sur le transfert des responsabilités.

Je soulignerais d'ailleurs que les négociations sur les revendications territoriales ont récemment repris suivant l'abandon par les Kaska du procès intenté il y a plusieurs années contre le gouvernement du Canada. Je dois également signaler aux députés que les Kaska sont répartis en cinq Premières nations, deux desquelles sont établies au Yukon.

Les auteurs du projet de loi C-39 ont trouvé un compromis digne de mention en ce qui concerne la disposition établissant que le commissaire exerce ses attributions conformément aux instructions du ministre fédéral. Le projet de loi C-39 reproduit essentiellement l'article de la Loi sur le Yukon actuelle à cet égard, mais ajoute une clause prévoyant l'abrogation de la disposition dix ans après la date de son entrée en vigueur.

Le gouvernement du Yukon reconnaît l'attachement émotif des Premières nations envers cette disposition qui leur donne l'assurance que le gouvernement continuera de respecter les engagements pris à leur endroit. L'échéance établie pour son abrogation, soit 10 ans, tient compte du fait que, 20 ans après la signature de l'Accord-cadre définitif, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les revendications territoriales qui en découlent soient toutes conclues et leur mise en oeuvre déjà bien amorcée.

Le gouvernement du Yukon préférerait que ce pouvoir soit aboli dès maintenant, car son maintien nie le principe même du gouvernement responsable; cependant, l'inclusion d'une clause prévoyant son abrogation dans 10 ans nous semble un compromis raisonnable entre les intérêts du gouvernement du Yukon et ceux des Premières nations du Yukon.

On doit féliciter le gouvernement du Canada d'avoir tenu à ce que le projet de loi dont vous êtes saisis contienne une telle mesure.

Le gouvernement du Yukon reconnaît que le projet de loi C-39, cumulé au transfert des responsabilités, va soulever de nouveaux défis et l'obliger à prendre des décisions très difficiles. Nous sommes convaincus que la population du Yukon saura relever ses nouveaux défis avec honneur.

Notre gouvernement est conscient que le transfert des responsabilités exercera des pressions supplémentaires sur la gent politique du Yukon, mais en réalité, on pourrait soutenir que les pressions sont tout aussi grandes à l'heure actuelle du fait que, bien que la gestion de nos ressources échappe à notre champ de compétences, il nous faut néanmoins trouver des solutions aux problèmes qui émergent dans ce secteur. Suivant le transfert des responsabilités, le gouvernement du Yukon aura la latitude nécessaire pour prendre les mesures qui s'imposent dans ce domaine plus tôt que de simplement renvoyer les questions à Ottawa.

Un autre défi de taille qui nous attend concerne la gestion des risques. Le gouvernement du Yukon n'a pas l'envergure du Affaires indiennes et du Nord Canada ni sa capacité financière pour faire face aux catastrophes. L'Accord de transfert d'attributions prévoit le partage des risques en matière de lutte contre les incendies. Il prévoit également la possibilité de revoir certaines dispositions clés, en ce qui a trait notamment à la dépollution de sites, au calcul du solde fiscal et au partage des risques en matière de lutte contre les incendies.

Le gouvernement du Yukon peut également, en vertu de l'entente de financement préétabli, demander une aide du gouvernement fédéral en sus des montants accordés par le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile dans des circonstances extraordinaires auxquelles nos moyens financiers ne nous permettent pas de répondre.

Il convient de signaler que l'Accord de transfert d'attributions autorise le gouvernement du Yukon à conserver jusqu'à 3 millions de dollars par année des revenus provenant de la gestion des terres et des ressources naturelles visées par l'Accord, sans incidence sur les contributions financières qu'il reçoit du gouvernement du Canada. Tout excédent de revenus provenant des ressources sera déduit de la subvention annuelle à raison de un dollar pour un dollar.

• 1220

Les ressources humaines sont un autre volet du transfert des responsabilités qui présentent un défi majeur. Le gouvernement du Yukon souhaite vivement que la majorité des personnes actuellement à l'emploi du Programme des Affaires du Nord acceptent ses offres d'emploi. Nous avons besoin de personnel qui connaît le système en place pour assurer une transition sans heurts.

Nous comptons relever ce défi en travaillant de concert avec le bureau régional du Yukon tout au long du processus de transition. Beaucoup de travail a déjà été effectué à cet égard, notamment la préparation d'une stratégie mixte de dotation en personnel et l'établissement d'un cadre de travail pour la mise en oeuvre des dispositions de l'entente sur l'emploi prise par le Canada et le Yukon dans le contexte du transfert d'attributions.

Le projet de loi C-39 représente une occasion que nous ne saurions manquer. Il concrétise une bonne partie des espoirs et des aspirations des Yukonnais relativement à l'avenir du Yukon et à celui du Canada.

L'adoption d'une nouvelle Loi sur le Yukon, avec tout ce que cela implique, est d'une importance capitale pour la population du Yukon, et certainement une des priorités majeures de notre gouvernement. Le projet de loi C-39 fera office de constitution pour le Yukon contemporain, car il prévoit l'établissement des institutions de base nécessaires à l'exercice de l'autorité publique, édicte les pouvoirs conférés à ces institutions et définit les processus à suivre pour l'exercice de ces pouvoirs.

À cet égard, l'ajout d'une disposition obligeant le gouvernement du Canada à consulter le gouvernement du Yukon concernant toute modification ultérieure à la Loi sur le Yukon nous paraît significatif. Nous avons un passé houleux marqué par les nombreux changements apportés de façon unilatérale à la Loi au fil des ans, dont l'amendement de 1918 qui abolissait le Conseil constitué de membres élus. En effet, il était souvent de mise par la passé, aussi bien en matière de politique que de jurisprudence, de considérer le Yukon comme une simple agence du gouvernement fédéral.

L'évolution que nous avons connue au plan politique au cours des 20 dernières années rend impossible le maintien d'une telle position qui serait reçue comme une insulte. D'ailleurs, les décisions rendues récemment au pays, notamment celle mettant en cause la Fédération franco-ténoise, confirme que les tribunaux partagent notre point de vue.

Une fois réalisé le transfert des responsabilités relatives à la gestion des ressources, la plupart des responsabilités normalement dévolues aux provinces et qui, au Yukon, étaient auparavant exercées par le gouvernement fédéral seront désormais assumées par le gouvernement du Yukon. Cet élargissement de notre champ de compétences nous confère véritablement le statut de gouvernement responsable à part entière.

Le projet de loi C-39 confirme la place du Yukon dans le Canada moderne. Le transfert de responsabilités est un catalyseur de changements positifs pour le gouvernement du Yukon, et pas seulement dans le secteur des ressources. Le gouvernement du Yukon a amorcé également un processus de renouvellement, en grande partie en anticipation du transfert des responsabilités.

Je ne saurais conclure sans souligner que le fait que la nouvelle Loi sur le Yukon pose les assises de rapports renouvelés entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon, des rapports fondés sur le respect mutuel et la coopération.

Par ailleurs, en obtenant le pouvoir d'administrer et de gérer nos terres et nos ressources, nous obtenons le pouvoir parallèle de revoir les lois en la matière afin de leur donner une perspective d'ensemble uniforme qui reflète les valeurs et les priorités du Yukon.

En outre, grâce à ce pouvoir de gestion sur les ressources qui alimentent notre économie, nous avons bon espoir qu'au fil des années il nous sera possible de dépendre de moins en moins des contributions que nous verse le gouvernement fédéral en vertu de l'entente de financement préétabli. Le gouvernement fédéral conservera toujours des intérêts dans le Nord.

La politique fédérale a reconnu que ce rôle continu est un état de fait qui se justifie par l'importance géostratégique de la région, par la présence autochtone en son sein, par le caractère unique de son environnement et par le rôle essentiel que pourrait jouer un jour le Nord au plan de la sécurité énergétique nationale. En tant que territoire, un territoire fier de son appartenance à la Confédération, le Yukon respecte ce lien et lui fait bon accueil.

Je tiens à remercier encore une fois tous les membres du comité de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.

Monsieur le président, je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame la première ministre.

Il convient d'ailleurs très bien que ce moment historique, à savoir qu'une première ministre témoigne devant notre comité, se fasse dans cette salle. C'est celle où le parti au pouvoir tient ses caucus. Donc, sur le plan historique, quel que soit le parti qui forme le gouvernement, c'est ici que toutes les grandes décisions sont plus ou moins prises.

Nous allons passer aux questions. Nous allouerons de quatre à cinq minutes par question, ce qui inclut la réponse. Encore une fois, je n'interviendrai pas lorsque la première ministre parlera. Mais lorsque le temps sera écoulé, j'allumerai ma lumière afin de vous l'indiquer. Nous aimerions que vous vous en teniez à de brèves questions, à de brèves réponses, afin de nous permettre de pouvoir en poser le plus grand nombre.

Je donne la parole à M. Vellacott.

• 1225

M. Maurice Vellacott: Merci, monsieur le président.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire partie des grandes décisions. L'occasion ne m'en est pas donnée souvent, mais j'en suis reconnaissant aujourd'hui.

J'ai une question au sujet des réserves et des désaveux, à savoir si le gouvernement fédéral, par le passé, est intervenu et a pris d'importantes décisions qui n'ont pas plu aux Yukonnais, en particulier en vertu des articles 24 et 25 du projet de loi, qui l'autorisent à ordonner au commissaire de refuser ou de donner la sanction à un projet de loi, à désavouer une loi de la législature du Yukon dans l'année suivant son adoption. Savez-vous si le gouverneur en conseil a déjà désavoué une loi du Yukon et, le cas échéant, dans quelle situation?

Mme Pat Duncan: Monsieur, on n'y a jamais eu recours à ma connaissance.

M. Maurice Vellacott: Très bien. Cela vous inquiète-t-il? Comment vous sentez-vous vis-à-vis de la partie traitant du désaveu? Est-ce un problème pour vous?

Mme Pat Duncan: Pas plus qu'une autre administration provinciale s'en préoccupe. Non, cela ne m'inquiète pas.

M. Maurice Vellacott: Ma question suivante vise à savoir si suite à la promulgation du projet de loi C-39, vous vous rendez compte que les pouvoirs de l'assemblée législative sont parallèles ou équivalent à ceux des provinces en vertu de la Loi constitutionnelle. Pouvez-vous résumer pour nous les différences entre ces pouvoirs et ceux des provinces?

Mme Pat Duncan: En quelques mots, je dirais que pour des questions telles que notre passé dans des assemblées législatives provinciales, notre assemblée législative traiterait des mêmes questions et les adopterait. Les lois fédérales peuvent avoir préséance sur une mesure législative du Yukon, mais nous traitons passablement des mêmes lois que n'importe quelle province. Par exemple, nous suivons la Loi canadienne sur la santé.

M. Maurice Vellacott: Y a-t-il des domaines que vous aimeriez avoir comme pouvoirs, tôt ou tard?

Mme Pat Duncan: Non. Le seul type de point concernant le transfert de responsabilités dont nous aimerions discuter dans un certain avenir pourrait être la question du modèle des procureurs de la Couronne et d'un modèle de directeur des procureurs de la Couronne, comme c'est le cas en Nouvelle-Écosse. Mais c'est assez loin dans l'avenir, et en ce moment nous avons l'administration de la justice.

M. Maurice Vellacott: J'y reviendrai.

[Français]

Le président: Monsieur Marceau, vous avez la parole.

M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.

Madame la première ministre, encore une fois, il me fait plaisir de vous accueillir ici aujourd'hui.

Lors de votre présentation, vous avez parlé de consultations publiques. J'aimerais savoir quelles consultations publiques ont été tenues et combien de personnes ont participé à ces consultations publiques, car il s'agit d'un projet de loi auquel vous accordez une grande importance.

Mme Pat Duncan: Merci.

[Traduction]

Je regrette de ne pouvoir répondre dans votre langue.

En ce qui concerne les consultations publiques, j'aimerais souligner qu'en 1999 il y a eu une commission spéciale sur la Loi sur le Yukon qui a traité d'une version antérieure du projet de loi C-39 dont vous êtes saisis. La réponse la plus détaillée que nous pourrions donner à votre question, pour ce qui est du nombre de personnes qui ont participé et tout le reste, serait de vous remettre le rapport.

Il y a eu des assemblées publiques. Il y a eu une émission-téléphone à l'intention des Yukonnais, et tout le reste. La population du Yukon a vivement participé à ce débat, comme vous pouvez le constater. Les Yukonnais voulaient savoir dans quelle mesure cela les touchait individuellement et ce qu'elle signifiait pour ce qui est de choses comme les permis d'utilisation du sol, les permis concernant le bois de chauffage, et les ententes relatives à la récolte du bois.

• 1230

Les Yukonnais ont déjà vu les répercussions d'un certain transfert de responsabilités, par exemple, avec le transfert du pétrole et du gaz de 1998. Au cours des trois années pendant lesquelles le Yukon a exercé le contrôle sur ces ressources, nous avons réussi à collaborer avec les administrations des Premières nations et notre gouvernement à la mise sur pied d'une industrie pétrolière et gazière au point qu'elle a fait l'objet d'un investissement de 25 millions de dollars du secteur privé dans le territoire. Voilà quelque chose de concret que les gens voient et accueillent avec plaisir, et c'est ce que le transfert de responsabilités prévu dans le projet de loi C-39 représente pour eux. Il y a eu un forum de type constitutionnel et des discussions, et les Yukonnais ont eu la possibilité d'y contribuer...

[Français]

M. Richard Marceau: Qui avait organisé ce forum? Était-ce le gouvernement du Yukon, le gouvernement fédéral ou si cela avait été organisé conjointement par les deux gouvernements?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Cela avait été organisé par le gouvernement du Yukon qui a précédé notre administration.

M. Richard Marceau: Très bien.

Mme Pat Duncan: J'ajouterais que ceci a été l'oeuvre du gouvernement précédent, alors que j'étais chef de l'opposition et que j'étais ici dans un rôle de soutien au gouvernement précédent. Et notre gouvernement l'a poursuivi.

[Français]

M. Richard Marceau: De quand date cet enjeu? Combien cela fait-il de temps que les gouvernements du Yukon, pas seulement le vôtre mais aussi ceux de vos prédécesseurs, demandent cette dévolution?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Il en est question depuis un certain temps déjà avec les ministres fédéraux. C'est M. Ostashek qui a entrepris les démarches en 1992 environ pour ce qui est du transfert formel de responsabilités. Mais en ce qui concerne l'évolution d'un gouvernement responsable, vous pouvez remonter à la lettre de Jake Epp de 1979. Cela fait déjà donc un certain temps que les Yukonnais ressentent la nécessité que l'on reconnaisse notre gouvernement local responsable.

[Français]

M. Richard Marceau: Tous les partis représentés à l'Assemblée législative du Yukon appuient-ils ce projet de loi?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Oui, l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique, appuie ce projet de loi. Le Parti libéral, notre parti ministériel, appuie le projet de loi. Il y a un seul membre du Parti du Yukon qui a posé plusieurs questions concernant la limite territoriale au large et des questions touchant la Couronne au droit d'une province et d'autres aspects constitutionnels. Il n'y a pas eu de mise aux voix où chacun pouvait se prononcer officiellement. Les députés ont posé des questions à l'assemblée législative, mais de savoir si ces questions sont d'une nature politique ou ne représentent pas un appui...

[Français]

M. Richard Marceau: Je crois comprendre qu'il n'est pas question que le Yukon change de statut constitutionnel. Il demeurerait un territoire fédéral. Cela veut-il dire qu'il demeurerait soumis à la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral et que les Franco-Yukonnais auraient accès aux services en langue française auxquels ils ont droit comme si c'était une administration fédérale?

Mme Pat Duncan: C'est vrai.

[Traduction]

Nous sommes toujours reconnus comme un territoire, et pour ce qui est des langues officielles, oui, on respecte cette loi. On me donne la référence exacte dans la loi.

Monsieur Marceau, la réponse est que nous ne sommes pas liés par la loi fédérale, mais nous avons une convention de services que nous avons négociée et nous collaborons avec

[Français]

l'AFY, l'Association franco-yukonnaise

[Traduction]

et c'est prévu également dans la Loi sur le Yukon.

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à la première ministre du Yukon.

Mme Pat Duncan: Merci.

M. Gerald Keddy: Je suis heureux et c'est un honneur de vous rencontrer ainsi que vos collègues ici même. Il se passe des choses très intéressantes partout dans le nord du Canada suite au transfert de pouvoirs fédéraux aux personnes qui vivent en fait dans le Nord, et je tiens à dire officiellement qu'il s'agit d'un processus qui a reçu l'appui tant à la Chambre qu'en dehors de la Chambre du Parti progressiste conservateur et maintenant des membres de la Coalition PC/RD.

• 1235

J'ai quelques questions au sujet de points précis du projet de loi, sachant que ce n'est principalement qu'une question administrative qui permettra d'intégrer de nombreux autres projets de loi qui existent déjà, dont plusieurs que nous avons appuyés en tant que parti et dont j'ai fait la critique.

Cependant, connaissant les rouages de notre comité—votre deuxième tour est un peu plus bref que le premier—j'aimerais obtenir quelques précisions sur une autre question qui traite directement du Yukon. Il s'agit de la discussion à venir sur un projet de pipeline venant soit de l'Alaska en passant par le Delta du Mackenzie et suivant le fleuve Mackenzie, soit longeant la route de l'Alaska.

Je pense qu'il est important pour nous qui sommes les membres d'un comité chargé des affaires autochtones et du développement du Nord—et pour ceux d'entre nous qui font également partie du Comité des ressources naturelles—d'avoir l'occasion que la première ministre du Yukon nous fasse part de son opinion sur la question. Je pense qu'il serait important de savoir ce que vous en pensez.

Mme Pat Duncan: Merci beaucoup. Je serai brève, c'est certain.

Il y a plusieurs points, mais tout d'abord, «deux pipelines» est ce que je dis depuis que je suis entrée en fonction en mai 2000. En réalité, les Canadiens n'ont pas choisi entre Hibernia et l'île de Sable et Terra Nova, et on ne devrait pas non plus demander aux habitants du Nord de choisir. Le gaz de l'Alaska est prêt à être commercialisé. Il est transportable par pipeline et devrait être transporté conformément aux dispositions du traité conclu par le Canada dans les années 70. Il devrait être transporté en passant par le Yukon et en longeant un corridor existant—la route de l'Alaska.

Il s'agit d'un investissement du secteur privé, complètement au Yukon. Un point qu'il faut souligner, c'est que des compagnies qui s'intéressaient à ce projet et qui l'avaient pour la première fois proposé dans les années 70 se sont regroupées et prévoient présenter une proposition aux producteurs d'ici la fin de l'année. Elles prévoient transporter le gaz dès 2008.

Cela n'empêche pas la possibilité d'un pipeline dans la vallée du Mackenzie. Nous l'avons toujours appuyé et nous croyons que le pipeline dans la vallée du Mackenzie pourrait et devrait être construit. Il y a encore des travaux d'exploration à réaliser et une infrastructure à mettre en place à l'appui de ce pipeline.

L'autre point qui est souvent soulevé dans le débat et que j'aimerais présenter aux membres du comité est que le pipeline de la route de l'Alaska est beaucoup plus qu'un projet de construction au Yukon. Le Yukon a 13 billions de pieds cubes de gaz—et nos bassins sédimentaires sont pour la plupart inexplorés; c'est une donnée estimative du gaz. Nous croyons que le gaz devrait être mis en marché. De plus, les Yukonnais devraient avoir accès au gaz naturel, et c'est ce que permet la construction du pipeline longeant la route de l'Alaska. Pour l'instant, nous sommes un exportateur net.

Je devrais également ajouter, en ce qui concerne la Loi sur le Yukon et l'accord de transfert d'attributions, que cette mesure législative respecte toujours l'Administration du pipe-line du Nord comme l'organisme de réglementation de la construction du pipeline de la route de l'Alaska, tel que le prévoit le traité.

M. Gerald Keddy: Merci beaucoup.

Le président: Questions supplémentaires?

M. Gerald Keddy: J'ajouterai qu'il y a aussi un point intéressant—et vous pouvez prendre à titre d'exemple l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les ressources pétrolières offshore—que nous allons commencer à partager les revenus. C'est un peu différent lorsque vous vous contentez de simplement transporter du gaz provenant d'une autre compétence, mais il y a toujours la possibilité d'installations pour les liquides extraits du gaz naturel, pour le fractionnement. Ce sont là tous des avantages qui reviendraient au Yukon, en tant que transporteur.

Mme Pat Duncan: J'en prends bonne note. Merci.

Le président: Merci.

Pour les fins du compte rendu, est-ce quelqu'un pourrait me dire ce que représente l'acronyme anglais TCF?

Mme Pat Duncan: Cela veut dire «trillion cubic feet».

Le président: Merci.

Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.

Lorsque j'ai demandé d'inscrire mon nom sur la liste des questionneurs il y a dix minutes, j'avais six questions que m'avaient fait parvenir des Yukonnais et le membre du Parti du Yukon. La première portait sur la limite territoriale au large, la deuxième sur le titre des terres, la troisième sur des préoccupations des Premières nations, et la quatrième sur les pouvoirs de dix ans du commissaire. Vous avez répondu à toutes ces questions dans vos propos liminaires. Ma question suivante portait sur les consultations, et mon collègue du Bloc vous l'a posée.

• 1240

Ma dernière question visait à savoir s'il y avait une référence dans le projet de loi à la collectivité francophone et aux municipalités. Mon collègue du Bloc vous a également posé cette question. Si vous avez d'autres observations relativement à ces questions...

Des voix: Oh, oh!

M. Larry Bagnell: On a posé toutes mes questions.

Le président: Malgré le fait que cinq formations politiques sont représentées dans notre comité et que nous accomplissons le travail de deux comités—parce que nous avons aussi le Comité des ressources naturelles—comme vous pouvez le constater, nos députés sont très compatibles.

Avez-vous des observations sur l'une ou l'autre de ces questions?

Mme Pat Duncan: Si vous me permettez de développer un tout petit peu, je ne suis pas convaincu d'avoir donné une réponse tout à fait complète à M. Marceau.

Pour ce qui est des langues officielles, la nouvelle Loi sur le Yukon conserve les dispositions de l'actuelle loi en ce qui a trait aux langues officielles et met à jour les dispositions relatives à la justice et à la responsabilité comptable. Je sais que cette question a fait l'objet de vives discussions à la Chambre des communes.

La nouvelle loi renferme des dispositions qui permettent au gouvernement du Yukon à l'avenir de créer son propre bureau du vérificateur général qui s'acquitterait des tâches qui relèvent actuellement du vérificateur général du Canada. Nous sommes très reconnaissants au Bureau du vérificateur général, qui se charge à l'heure actuelle de notre travail dans le domaine des finances, et nous collaborons très bien avec cet organisme, mais il s'agit d'un aspect qui n'a pas encore été abordé. La nouvelle loi le prévoit pour l'avenir, bien qu'il s'agisse d'une disposition que nous ne prévoyons pas pour l'instant utiliser—à savoir nommer un vérificateur général.

Je tenais à préciser que les dispositions linguistiques ont été très bien respectées. Nous avons une très forte communauté francophone au Yukon et nous travaillons en étroite collaboration avec elle.

Le président: Merci.

Pour le deuxième tour, ce sera quatre minutes.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley: Merci beaucoup, monsieur le président. Une fois de plus, je tiens à souhaiter la bienvenue à la première ministre Duncan.

Je suis convaincu qu'il doit s'agir d'une journée très agréable pour vous. Vous avez tous travaillé très fort pour présenter cette mesure législative à la Chambre. Il est certain que nous, du comité, voulons faire tout ce qu'il est possible de faire pour accélérer ce processus et intégrer au maximum le Yukon dans la Confédération. Je suppose que viendra peut-être le jour où certains d'entre nous parleront de statut de province—et de tout ce que cela sous-entend. Donc, bienvenue; je suis heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui.

Cependant, j'aimerais pouvoir partager votre enthousiasme au sujet de cette mesure législative qui signifie que le gouvernement fédéral ne prendra plus désormais les décisions à votre place. Je suis convaincu que c'est un idéal magnifique, mais la réalité est que cela ne se produira pas. Le gouvernement fédéral continuera d'avoir une énorme incidence au Yukon, comme il le fait dans toutes nos provinces, pour ce qui est de la prise de décisions.

Plus particulièrement en ce qui nous concerne dans l'Ouest canadien—le Nord et l'Ouest se ressemblent passablement à cet effet, je pense; c'est là que se retrouvent en ce moment la plupart de nos économies fondées sur les ressources—nous avons des inquiétudes permanentes au sujet de la participation fédérale dans les ressources naturelles. Nous ne pouvons pas oublier dans l'Ouest canadien le désastre du programme énergétique national, et ses répercussions, et que c'était l'oeuvre d'un gouvernement libéral.

Nous continuons de vouloir affirmer nos droits et notre volonté de nous assurer que la base de ressources va amener la prospérité économique aux gens de la région, mais aussi, évidemment, que cela peut être partagé avec le reste du Canada.

Madame la première ministre, avez-vous l'impression que la façon dont le projet de loi est rédigé vous, au Yukon, allez vraiment pouvoir retirer les avantages à l'échelle locale pour votre base de ressources naturelles? Comment voyez-vous l'avenir pour ce qui est de la participation du gouvernement fédéral?

M. Pat Duncan: Tout à fait, j'estime que nous pourrons en retirer les avantages. La raison pour laquelle je dis cela, c'est qu'on nous a déjà transféré, comme je l'ai mentionné plus tôt, le pétrole et le gaz. Nous avons vu de façon concrète l'avantage de cela pour les Yukonnais.

Avant que cette responsabilité soit transférée, il n'y avait pas au Yukon une industrie pétrolière et gazière. En l'espace de trois ans, nous avons eu trois ventes de terres, et il s'agit d'un investissement du secteur privé de 25 millions de dollars au territoire. Pour ce qui est des forêts—c'est un très bon exemple—il y a des discussions en ce moment sur des conventions de récolte du bois et la coupe de bois à chauffage.

• 1245

Il y a réorientation de toutes les questions de gestion des ressources. Les Yukonnais—et je suis du nombre—font des démarches auprès du ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada. Au Yukon, en ce moment, les forêts constituent une question importante. Cette loi et l'accord de transfert d'attributions nous transfèrent la gestion et la responsabilité des ressources.

Pour ce qui est du partage des recettes tirées du pétrole et du gaz, nous avons très clairement établi un rapport. Nous avons établi le mécanisme de partage des recettes tirées des ressources avec les administrations des Premières nations ainsi qu'avec le gouvernement du Yukon et celui du Canada.

Pour ce qui est des avantages financiers globaux de toutes les recettes tirées de l'exploitation des ressources, il nous faudrait, monsieur, avoir une très longue discussion sur l'entente de financement préétabli. C'est différent d'un programme de péréquation.

L'entente de financement préétabli du gouvernement territorial avec les trois territoires est en place depuis 1985. Elle est renégociée aux trois ans. Elle tient compte de plusieurs facteurs, dont des aspects comme la population, la capacité de tirer des recettes des ressources, et le montant que les provinces consacrent à l'infrastructure. Il s'agit d'une formule très complexe et les négociations avec le ministère des Finances prennent du temps. Globalement, la formule a été conçue, lorsqu'elle a été mise en place, pour que les territoires visent l'autonomie financière, sans qu'il y ait de pénalités dans les périodes difficiles.

M. Reed Elley: C'est la deuxième question que j'allais poser, au sujet des arrangements financiers avec le gouvernement, actuellement, pour les versements au Yukon. Est-ce que vous dites que ce genre particulier d'arrangement n'a pas encore exactement été déterminé, mais qu'il est encore en voie de l'être?

Mme Pat Duncan: Non, je dis que tout a été fait.

M. Reed Elley: Et tout vous paraît satisfaisant?

Mme Pat Duncan: Oui, absolument.

M. Reed Elley: Est-ce que la somme que vous verse le gouvernement fédéral baissera à cause des redevances accrues pour le gaz naturel et d'autres ressources? Quel est l'arrangement prévu?

Mme Pat Duncan: Non. Nos ressources et notre capacité de générer notre propre financement sont tenues en compte de manière à réduire notre dépendance sur les fonds fédéraux. C'est ce que je dis.

M. Reed Elley: Oui.

Mme Pat Duncan: C'est une excellente formule. Elle est très complexe. Il y a un avantage, peut-être, pour les deux parties dans cette discussion, parce que je suis aussi la ministre des Finances. C'est la coutume, dans les Territoires, que le premier ministre soit aussi le ministre des Finances. Je connais très bien la formule. Elle est excellente pour les Territoires.

M. Reed Elley: Je vous remercie.

Le président: Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci beaucoup.

Comme je viens, moi aussi, du Nord, je suis très heureuse de voir une autre loi qui reconnaît que les gens du Nord sont capables de prendre les décisions qui les concernent. Je suis heureuse de faire partie du comité qui, je l'espère, fera accepter cette loi.

J'ai eu le plaisir d'assister, l'année dernière, aux Jeux d'hiver de l'Arctique à Whitehorse. J'ai été très étonnée de constater que la majorité de la population du territoire se trouve dans une ville. C'est un fait qui m'a paru très intéressant.

Je sais que vous avez donné beaucoup d'information sur les avantages techniques de cette loi. Comme je viens, moi-même, du Nord, je m'intéresse beaucoup à ce qu'elle peut représenter pour les habitants du Yukon et des petites communautés en dehors de Whitehorse, et à ce que cette entente pourra leur apporter. À la lecture de la Loi sur le nouveau territoire, j'ai constaté que les avantages techniques de la loi sont très différents des avantages pour la population.

Je serais très intéressée à connaître vos impressions personnelles sur loi, et sur ce qu'elle représente pour la population du Nord et du Yukon.

Mme Pat Duncan: Peut-être le meilleur moyen de répondre à cette question est de parler de trois communautés particulières.

La communauté de Old Crow est la seule qui ne soit pas accessible par une route, comme vous le savez. Le chef des Vuntut Gwitchin, à Old Crow, appuie le transfert des responsabilités, pour les discussions que nous avons pu avoir sur la lutte contre les incendies de forêt grâce à l'Accord de transfert d'attributions. Cela signifie qu'en tant que représentant d'une communauté autonome, il traitera directement avec le gouvernement du Yukon en ce qui concerne la lutte contre les incendies de forêt et la manière dont elle est gérée dans le territoire. C'est ce que signifie cette entente, sur place, pour ce chef en particulier.

• 1250

À Watson Lake, une petite communauté qui a beaucoup souffert sur le plan économique ces derniers temps, ils ont depuis plusieurs années, maintenant, de la difficulté à réaliser le potentiel de l'industrie forestière. Cette difficulté vient en partie du fait que le gestionnaire des ressources forestières se trouve à 3 000 milles de là. Cela a causé un vrai problème. Pour les gens de Watson Lake, la loi fera qu'ils pourront avoir des discussions à l'échelle locale.

Pour les gens de Dawson, qui se préoccupent beaucoup de l'exploitation des placers, certaines discussions, parfois, sur les règlements fédéraux, etc., leur posent de grandes difficultés. C'est un secteur minier très réglementé, avec des règles, par exemple, sur l'entreposage et la manipulation des réservoirs à combustible. Il y a des règlements qui sont formulés à Ottawa mais qui ne sont pas applicables sur place.

Le genre de choses qui sont en train de se développer au siège du gouvernement, à Whitehorse, et la collaboration avec les communautés font une différence énorme pour les gens qui sont là-bas. Ils traitent avec les représentants qu'ils ont élus quand ils les rencontrent à l'aréna, à la piscine municipale et chez Tim Hortons. Cela fait une différence.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Marceau, c'est à vous.

M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous poser deux questions. Premièrement, selon ce projet de loi, le gouvernement du Yukon acquerrait de nouvelles responsabilités, de nouveaux pouvoirs qui sont présentement exercés par Ottawa. Vous avez fait mention rapidement du transfert de fonctionnaires d'un niveau de gouvernement à un autre.

Le nombre de fonctionnaires transférés est-il suffisant pour vous permettre de bien gérer l'ensemble des responsabilités qui vous sont maintenant dévolues à la suite de cet accord?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Ça a été un chapitre difficile à négocier, dans l'Accord de transfert d'attributions, parce qu'il y avait beaucoup de préoccupations relativement aux ressources humaines. Les discussions sur des sujets comme le transfert des congés de maladie, des congés annuels et de la rente de retraite ont pris beaucoup de temps. Cependant, ces négociations ont eu de bons résultats.

Les employés du gouvernement fédéral des programmes du Nord recevront une offre d'emploi du gouvernement du Yukon. Ce sera, alors, à eux de décider s'ils veulent être les employés du gouvernement du Yukon pour administrer les mêmes programmes et travailler avec nous. Nous avons entrepris le renouvellement à ce point-ci de notre mandat en partie pour que les employés se sentent vraiment à l'aise, puissent voir leurs noms sur les bureaux, là où sont gérés les programmes, et qu'ils voient les débouchés au sein de notre gouvernement aussi. Nous espérons vraiment que plusieurs d'entre eux viendront.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Je voudrais vous poser une autre question. La version anglaise de votre texte compte sept pages. On y trouve environ une page au complet consacrée aux premières nations. On y semble répondre à certaines affirmations faites par quelques représentants des premières nations qui sont contre la dévolution. On peut lire quelque part:

[Traduction]

«Certaines Premières nations s'opposent au projet de loi C-39.»

[Français]

Par la suite, vous expliquez pourquoi ils ont tort.

J'aimerais en savoir plus sur votre processus de consultation. J'espère que vous allez m'envoyer de la documentation sur ce processus avant que le projet de loi ne soit adopté. Le processus de consultation pour les premières nations a-t-il été différent? Je ne connais pas l'importance de la population autochtone qui vit au Yukon, mais j'aimerais la connaître. Quel en est le pourcentage qui s'oppose à la dévolution?

• 1255

[Traduction]

Mme Pat Duncan: La Loi sur le Yukon et l'Accord de transfert d'attributions ont été négociées non seulement avec les représentants du gouvernement du Yukon, mais aussi avec les représentants du Conseil des Premières nations du Yukon et avec les Kwanlin Dun, une Première nation du Yukon, et les Kaska.

Vous remarquerez dans mon document que les Kaska, dont je parle, englobent cinq Premières nations, dont deux sont situées au Yukon, alors c'est une organisation transfrontalière.

L'Accord cadre définitif comprend le Conseil des Premières nations du Yukon, et c'est ce dont il s'agit ici. Les Kaska et les Kwanlin Dun sont désignés séparément, à part de cette organisation.

Le CPNY, le Conseil des Premières nations du Yukon, a exprimé son appui. Sur l'ensemble de la population du Yukon, nous estimons qu'environ un tiers des habitants sont des membres des Premières nations. Sur ces Premières nations, la majorité, qui est représentée par le Conseil des Premières nations du Yukon, a exprimé son accord.

Je parle spécifiquement des Kaska dans ma présentation parce qu'ils forment une nation transfrontalière. Ils ont exprimé en public certains sentiments, auxquels j'ai répondu. C'est pourquoi je parle spécifiquement d'eux.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

Le président: Monsieur Binet, vous avez la parole.

M. Gérard Binet: Madame le premier ministre, j'aimerais vous poser une question et faire quelques commentaires.

Ma question est la suivante. Quelle est la population du Yukon?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: C'est 30 000 personnes.

[Français]

M. Gérard Binet: Trente mille personnes.

Quel est le pourcentage de cette population qui est autochtone?

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Environ 25 p. 100.

[Français]

M. Gérard Binet: Je vous pose ces questions parce que j'ai oeuvré en politique municipale avant d'être député. Depuis que je suis à Ottawa, je suis assis à côté de M. Bagnell. Il n'est pas facile de trouver des politiciens d'envergure chez les gens qui représentent une population de 30 000 personnes. J'ai été maire auparavant.

Je tiens à vous dire que je suis agréablement surpris de votre prestation et aussi par votre député. M. Bagnell vous représente très bien. Il a des amis non seulement du côté du pouvoir, mais aussi à la grandeur de la Chambre des communes. Le Yukon a un bel avenir devant lui parce que, d'après moi, il est bien représenté politiquement. Je vous remercie de votre petite lettre. Je l'ai trouvée très belle. Je ne sais pas si c'est bien de l'or qu'on trouve sur la feuille, mais c'est très bien. Merci beaucoup.

[Traduction]

Mme Pat Duncan: Je vous remercie.

Si je peux rendre hommage aux politiciens du Yukon qui m'ont précédé, nous nous distinguons des autres par le fait que nous avons eu un sous-ministre, Erik Nielsen, qui a été député; il y a aussi eu Martha Black; Audrey McLaughlin, leader du Parti néo- démocrate; et, bien sûr, nos dirigeants territoriaux sont bien connus aussi. Ce sont tous des députés bien connus du Parlement.

Nous partageons votre avis, au Yukon, sur notre député actuel et notre sénateur, et nous apprécions leur travail.

Il y a une petite chose, c'est bien que nous soyons peu nombreux, nous avons de grandes surfaces à couvrir. Peut-être que c'est ce qui fait des politiciens très forts.

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Je vous remercie, monsieur le président.

Je voulais revenir un peu sur votre commentaire sur l'industrie forestière au Yukon. J'ai eu le privilège de pouvoir aller au Yukon et d'observer une petite exploitation de scierie. Je me souviens qu'à ce moment-là—je ne me rappelle pas exactement du nombre de mètres cube qu'ils sciaient—mais c'était un très petit pourcentage du bois qui avait été affecté par le scolyte.

Je pense qu'il est important que les autres membres, ici, comprennent que le scolyte était en train de tuer les arbres du Yukon. Ils n'auraient pas été sauvés, à cause du temps qu'il faut pour obtenir des permis de coupe du ministère. Ce n'est pas nécessairement une critique du ministère, bien que ce puisse l'être dans une petite mesure.

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Mais il y a une occasion d'expansion de l'industrie. J'aimerais que vous puissiez dire au comité quelle place on pourrait laisser à l'expansion de cette industrie tout en maintenant une industrie forestière durable.

Mme Pat Duncan: Cela prendrait plus de temps que nous en avons, et il faudrait aussi un long exposé sur l'industrie forestière du Yukon.

Je pense que l'élément clé de votre commentaire est qu'il faut qu'il y ait possibilité de réagir plus rapidement, et de façon qu'il y ait plus d'imputabilité à l'échelle locale. Je ne veux manquer de respect à aucun ministre des Affaires indiennes et du Nord. C'est simplement, comme un commissaire l'a dit, qu'on ne peut diriger un attelage de chevaux avec des rennes qui mesurent 3 000 milles de long. Ottawa, parfois, est trop loin pour le genre de réaction qui est nécessaire.

M. Gerald Keddy: J'aime bien l'analogie.

L'autre question, et vous en avez parlé brièvement dans votre présentation, concerne la situation des ressources humaines. Nous avons un bassin d'individus, dont beaucoup vivent dans le Nord maintenant mais travaillent pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et de nombreux autres employés qui, si on veut, constituent cette rallonge vers le sud. Je me demande, avec le processus et le changement—plus d'imputabilité et de responsabilité—qui viendront avec cette loi, combien de ces personnes seront en mesure d'être employées directement par le gouvernement au Yukon et qu'est-ce qui arrivera aux autres?

Mme Pat Duncan: Comme je le disais plus tôt dans une réponse à une question de M. Marceau, la situation, telle que nous l'avons négociée dans l'Accord de transfert d'attributions, est que ceux qui travaillent déjà à la prestation des programmes des Affaires indiennes et du Nord recevront une offre d'emploi. Il s'agit, selon nos estimations, d'environ 240 personnes qui recevront une offre d'emploi. Ils peuvent choisir de l'accepter ou non. Cependant, il est certain que l'aspect des ressources humaines, de la collaboration avec ces personnes et de leur carrière a été très bien négocié, et les besoins de chacun ont été respectés.

M. Gerald Keddy: C'est excellent.

Est-ce qu'il me reste du temps?

Le président: Il vous reste une demi-minute—il vous restait 30 secondes, mais vous venez de les écouler.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Je pense que ce serait fantastique, puisque nous avons le premier ministre et ses collaborateurs ici, de proposer qu'il y ait un accord unanime pour que nous envoyons ceci à la Chambre sans modification, aussitôt que nous le pourrons. Nous en avons parlé, très brièvement—Richard Marceau, du Bloc, Gerald Keddy de la Coalition PC/RD, et les membres du parti Libéral, Larry et les autres, de l'autre côté—et nous avons pensé que ce serait un acte de conciliation, une manifestation, en quelque sorte, de l'esprit de notre comité et de notre façon de travailler.

J'aimerais donc proposer que nous consentions unanimement à renvoyer ce texte à la Chambre sans modification, sans qu'il y ait besoin de faire un examen article par article.

Le président: J'accepte votre proposition et je demande le consentement unanime. Nous ferons un examen article par article rapide lorsque vous aurez donné votre accord.

Est-ce que tout le monde est d'accord avec la demande?

Des voix: D'accord.

Le président: L'adoption du préambule est reportée. L'adoption des articles 1 et 2 est reportée.

(Les articles 3 à 14 sont adoptés)

(Les articles 1 et 2 sont adoptés)

Le président: Le préambule est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté sans modification?

Des voix: D'accord.

Le président: Puis-je présenter le projet de loi sans modification à la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président: Pourrons-nous aller boire un pot?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je vous remercie.

Madame le premier ministre, c'est la qualité de notre témoin qui nous a permis de faire ceci, aujourd'hui. Nous vous remercions beaucoup.

Mme Pat Duncan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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