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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 23 février 2000

• 1812

[Traduction]

Le président (l'honorable Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Ce soir, nous allons entendre des témoins à propos du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

D'abord et avant tout, c'est avec plaisir que je renoue avec mes bons amis du Comité de la justice. Les choses sont claires en toute clarté...

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Et elles sont justes en toute justice?

Le président: ... et elles sont justes en toute justice.

Ce soir, des représentants du ministère du Procureur général de l'Ontario se prononcent sur les dispositions législatives proposées. De façon plus précise, nous accueillons John Muise, sergent détective, Bureau pour victimes de violence, et Scott Newark, conseiller spécial, Bureau pour victimes de violence. Nous avons aussi parmi nous d'autres personnes que je vais demander à nos témoins officiels de bien vouloir présenter.

J'invite M. Newark et M. Muise à présenter les autres témoins.

Je vous remercie.

M. Scott Newark (conseiller spécial, Bureau pour victimes de violence, ministère du Procureur général de l'Ontario): D'entrée de jeu, j'aimerais avoir quelques orientations. Je m'attendais à ce qu'il y ait d'autres témoins, et on nous a demandé de limiter nos remarques préliminaires à dix minutes, de façon à permettre une période de questions plus longue. Comme nous ne sommes que quatre et que nous avons jusqu'à 20 h, je me demandais simplement si nous pourrions prendre 20 minutes pour présenter notre exposé ou si vous préférez que nous nous en tenions à dix minutes pour donner aux membres du comité l'occasion de poser plus de questions.

Le président: Bien sûr, je suis à la merci des membres du comité, mais je pense que nous pourrions fendre la poire en deux, ce qui vous donnerait 15 minutes.

M. Scott Newark: Je vous remercie beaucoup.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'invoque le Règlement. J'essaie ici d'être prudent. Je tiens pour acquis que M. Wamback va prendre la parole. Ce que je sais de sa situation, je l'ai appris dans les journaux, mais je crois également comprendre que le tout est assujetti à une procédure judiciaire.

Une voix: En cours.

M. John McKay: Je veux qu'on me rassure. Tous les propos tenus ici sont enregistrés, consignés par écrit et, on peut le supposer, accessibles à toutes les parties. Comme il s'agit d'une affaire pénale instruite par un tribunal, tous les propos tenus ici pourront être utilisés à de multiples fins.

• 1815

J'aimerais particulièrement que M. Newark nous donne l'assurance que cette question a été étudiée en profondeur avec M. Wamback. En effet, je ne voudrais porter préjudice au procès que sa famille et lui ont intenté en rapport avec cette affaire. Pouvez-vous nous donner certaines garanties à ce sujet, monsieur Newark?

M. Scott Newark: Oui. Vous vous imaginez bien que la question a été étudiée et débattue de façon précise. Soit dit en toute franchise, vous allez entendre certaines observations qui n'ont pas rapport aux détails de l'instruction, dans le contexte des dispositions législatives actuelles et des dispositions législatives proposées, à savoir le projet de loi C-3.

M. John McKay: Le seul autre point que je tiens à soulever, monsieur Newark, est le suivant: ayant témoigné devant le comité à un certain nombre d'occasions, vous savez que les questions tendent à porter sur un large éventail de domaines. Je me demande si vous pourriez, une fois de plus, nous donner l'assurance que, à supposer que nous nous ingérions dans des questions délicates sur le plan juridique, l'un des conseillers juridiques ou vous-même, monsieur Newark, allez nous rappeler à l'ordre, ou quelque chose de cette nature.

M. Scott Newark: Vous aurez peut-être remarqué que, dès le début de la séance, j'ai demandé qu'on modifie la disposition de la salle précisément pour cette raison.

M. John McKay: D'accord. Ce détail m'avait échappé.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur McKay. Au cas où il n'y aurait pas d'autres questions de cette nature, je tiens simplement à renchérir sur la mise en garde que vient tout juste de faire un membre du comité. Je suis certain que vous êtes conscient de ce...

M. Scott Newark: Oui.

Le président: ... de sorte que c'est dans cet esprit que nous allons débuter.

M. Scott Newark: Je vous remercie beaucoup. Dès le départ, je tiens à établir clairement que le présent exposé ne traduit pas la position du gouvernement de l'Ontario. Notre bureau a pour mandat précis de venir en aide aux victimes de crimes. Dans ce contexte, vous allez en particulier entendre parler d'une pétition qui comporte un certain nombre de points. Essentiellement, nous avons soutenu et épaulé deux ou trois résidents de l'Ontario qui ont été victimes de crime et qui, dans ce contexte, ont des observations à formuler au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants et du projet de loi C-3.

Pour être tout à fait franc, je tiens enfin à indiquer clairement, en grande partie parce que c'est là le sens de certains propos tenus par les témoins qui m'ont précédé, que la complexité et l'ampleur du projet de loi m'ont surpris. C'est ce qui explique que notre mémoire n'a pas encore été traduit. Avec votre permission, j'aimerais attendre que la traduction soit terminée avant de soumettre le mémoire au comité. Je pense que c'est la bonne façon de procéder. Nous allons y faire allusion à quelques reprises, au même titre que nous allons faire allusion à certaines statistiques, mais elles proviennent de Juristat, et nous allons vous donner les références.

Après cette mise au point, j'aimerais vous présenter Joe Wamback, qui prendra la parole en premier. Il sera suivi par Theresa McCuaig, que certains d'entre vous, je crois, connaissez déjà. Nous entendrons après le sergent détective John Muise, membre du Service de police de Toronto, actuellement détaché à mon bureau. Si le temps le permet, je me réserverai le mot de la fin, histoire simplement de lancer la discussion. Sinon, je suis certain que je trouverai l'occasion de dire ce que je voulais dans les réponses. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup. M. Newark nous a fait part de son intention de se garder le mot de la fin. J'invite donc M. Wamback et tous les autres intervenants à ne pas m'obliger à leur couper la parole.

M. Joseph Wamback (témoignage à titre personnel): Je vous remercie beaucoup.

D'entrée de jeu, je précise que les membres de ma famille sont de simples Canadiens ordinaires qui, bien malgré eux, ont été mis en contact avec le système de justice pénale du pays. Très rapidement, nous avons été mis au fait des lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants existante. Très rapidement aussi, nous avons été mis au courant—non sans le concours des connaissances approfondies de M. Newark—des lacunes du projet de loi C-3 ou des lacunes que le grand public et moi-même percevons.

Après l'agression dont mon fils a été victime, j'ai dû décider ce que j'allais faire. Après avoir discuté avec quelques personnes, j'en suis venu à la conclusion qu'il fallait faire circuler une pétition partout au pays. À l'origine, j'avais l'intention de faire circuler la pétition au niveau local pour tenter de sensibiliser les élus qui me représentent à mon opinion de même qu'à celle de ma famille et de mes amis. Le projet a fait boule de neige et a débouché sur la pétition que j'ai ici. Je serai heureux de la faire circuler, uniquement à titre d'information. On y trouve aujourd'hui 706 000 signatures.

Nous avions l'intention de les apporter aujourd'hui, mais elles continuent d'affluer à un rythme littéralement exponentiel. Lundi de la semaine dernière, nous avons fait parvenir 874 signatures électroniques à la ministre de la Justice dans un délai de 30 minutes. Nous recevons environ 300 signatures l'heure, 24 heures sur 24.

• 1820

Traditionnellement, les Canadiens sont très compatissants et indulgents, et nous le demeurons encore aujourd'hui. Nous n'avons nullement l'intention—et je n'ai nullement l'intention—de modifier cette compassion lorsqu'elle a trait à des délits mineurs, à des infractions contre les biens ou à des choses de cette nature. Cependant, je sais que nous avons l'appui d'un grand nombre de Canadiens, qui sont extrêmement déçus par le manque de responsabilisation dont s'assortit le système de justice actuel relativement aux crimes extrêmement violents et répugnants.

L'un des aspects très inefficients des dispositions législatives, me semble-t-il, c'est l'absence de dispositions pour les membres de gangs qui appartiennent au crime organisé. Or, au moment où nous nous parlons, le nombre de crimes imputables à des gangs augmente de façon exponentielle aux quatre coins du pays. Le nombre d'attaques en bande qui se produisent à Toronto et dans les banlieues dortoirs environnantes, comme celle où mon fils a été agressé, est effarant. Tout cela est extrêmement effrayant.

L'un des résultats, c'est que des enfants sont gravement blessés et que le système de santé du pays doit prendre à sa charge un fardeau indu.

Ce que nous voulons, c'est que la loi confère des droits additionnels aux victimes. Nous voulons que l'on mette en place dans le système d'écoles publiques un programme national de détection et d'intervention précoces, assorti de mesures de réadaptation visant les jeunes qui ont des comportements violents, afin d'éviter la formation de criminels éventuels.

Au cours des six derniers mois, j'ai discuté avec de nombreux enseignants qui m'ont dit qu'ils n'auraient aucun mal à mettre dix noms dans une enveloppe. Dans dix ans, je pourrais ouvrir cette enveloppe, et il y a de très bonnes chances pour que les personnes dont le nom figure dans l'enveloppe soient derrière les barreaux ou aux prises avec la loi.

J'aimerais que, quel que soit leur âge, les prédateurs qui infligent délibérément des douleurs et des souffrances à un Canadien innocent soient traduits en justice en tant qu'adulte, aux termes des dispositions du Code criminel existant. À mon avis, les contrevenants violents ne devraient pas être assujettis à deux codes criminels distincts. À mes yeux et à ceux de mes concitoyens du Canada, j'en suis sûr, rien au monde n'est plus précieux que les vies humaines, particulièrement celles de nos fils et de nos filles.

J'aimerais qu'on impose des services de counselling à tous les détenus qui ont commis des crimes violents, afin d'éliminer les récidives, de favoriser la réadaptation avant la réintégration dans la société et d'identifier les contrevenants dangereux. Nous aimerions que la question du cautionnement soit abordée dans les dispositions législatives proposées, de façon que les mesures qui s'y rattachent soient appliquées de façon uniforme partout au pays par un organisme judiciaire qui tiendrait compte de la gravité de l'infraction.

À la suite de crimes violents et de crimes commis à l'aide d'une arme, on doit imposer des peines consécutives. Je voudrais aussi qu'on identifie publiquement tous les criminels violents, quel que soit leur âge.

Nous avons devant nous et vous avez devant vous, messieurs, une occasion sans précédent ici d'apporter une modification au projet de loi, perçu comme l'un des plus répressifs à avoir jamais été envisagé par le présent gouvernement.

Nous avons ainsi affaire à des statistiques et à des perceptions relatives à la criminalité. La réalité, pour vous, c'est le centre Bloorview MacMillan, centre de neuro-réadaptation établi à Toronto. Il vient tout juste de célébrer son 100e anniversaire. Au cours de ses 100 années d'existence, cette institution a peut-être traité tout au plus une ou deux blessures à la tête graves ou lésions neurologiques imputables à la violence faite aux jeunes. Aujourd'hui, l'hôpital accueille quatre jeunes hommes atteints d'altérations neurologiques graves par suite d'attaques en bande, de crimes commis par des gangs—des enfants qui s'en prennent à d'autres. Or, les enfants n'assassinent pas d'autres enfants.

• 1825

Nous aimerions que vous vous attaquiez très sérieusement aux questions que j'ai soulevées, lesquelles sont le fruit d'un cri du coeur et de l'âme poussé par les citoyens des quatre coins du pays. Du Québec, nous avons reçu des centaines, sinon des milliers, de lettres dans lesquelles on implore le gouvernement de la province d'agir exactement de la même façon. Ces lettres émanent de membres du clergé, d'agents de police, de travailleurs de la santé, de travailleurs des services correctionnels et d'enseignants, qui sont terrorisés à l'idée d'entrer en classe parce qu'ils ne sont pas au courant de l'activité criminelle en cours à l'école ni des antécédents criminels ou de la nature violente de l'un ou l'autre des élèves inscrits dans une classe donnée. Nombreux sont les enseignants qui ont très peur.

Nous devons exiger la reddition de comptes et restaurer la crédibilité du système de justice pour les jeunes. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Je crois que c'est au tour de Mme McCuaig.

Mme Theresa McCuaig (témoignage à titre personnel): Bonsoir à tous. Good evening. Je tiens à vous remercie de bien vouloir m'entendre une fois de plus à propos de cette question difficile et complexe. J'espère sincèrement que mes vues vous seront utiles.

À la lumière du travail que j'effectue devant les tribunaux auprès de victimes de crimes commis par des jeunes, de ce que m'ont dit des parents de jeunes contrevenants et de l'expérience personnelle que j'ai du système de justice pour les jeunes, j'aimerais vous faire partager certaines de mes connaissances et de mes opinions à propos de la criminalité chez les jeunes.

Lorsqu'une peine est imposée à un adulte, le Code criminel définit des principes qui orientent le tribunal, le moment venu de procéder à la détermination de la peine. Parmi ces grands principes, citons la dénonciation du crime et du comportement illicite, les moyens de dissuasion, le retrait du contrevenant de la société, au besoin, et l'aide à la réadaptation du contrevenant. De même, des dispositions prévoient la réparation du tort fait à la victime et la responsabilisation du contrevenant.

Jusqu'ici, ces principes cruciaux ne se sont pas appliqués aux jeunes contrevenants. On a mis l'accent sur la réadaptation plutôt que sur les éléments dissuasifs et la dénonciation des crimes. Tenant cette situation pour acquise, certains jeunes affirment ouvertement pouvoir commettre tous les crimes qui leur semblent bons jusqu'à leur 18e anniversaire. La loi ne leur fait pas peur. On ne les a pas obligés à assumer la responsabilité de leur crime. À l'heure actuelle, on ne fait pas grand chose pour les dissuader. Comment pouvons-nous espérer que les jeunes assument la responsabilité des infractions qu'ils commettent?

Le moment venu de déterminer la sentence d'un jeune violent, nos lois obligent les juges à tenir d'abord et avant tout compte de la réadaptation de l'intéressé. Voilà ce qui dégoûte les Canadiens. Il n'y a ni responsabilisation, ni dénonciation ni élément dissuasif. On doit appliquer aux jeunes criminels les principes de détermination de la peine qui s'appliquent aux adultes; sinon, rien n'aura vraiment changé.

La nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents contient des dispositions qui prévoient l'imposition d'une peine pour adulte aux jeunes qui ont déjà fait l'objet de plusieurs déclarations de culpabilité pour crimes violents. Plusieurs déclarations de criminalité pour crimes violents. Imaginez-vous. Nous devons, je suppose, attendre que les jeunes violents commettent quelques viols ou agressions violentes, ou encore qu'ils enlèvent ou tuent quelqu'un, avant d'exiger une peine pour adulte. On ne les oblige pas à réparer le tort qu'ils ont causé. À combien de victimes les jeunes ont-ils droit avant qu'on ne les oblige à assumer la responsabilité de leurs crimes?

• 1830

Pourquoi estime-t-on qu'un jeune qui, à de nombreuses reprises, se rend coupable d'introduction par effraction, de vol avec violation de domicile, de dommage aux biens et de vandalisme ne commet que des délits mineurs? Un vol de banque n'est-il pas considéré comme un crime violent? Encore et toujours, les jeunes qui commettent des crimes non violents sont tout simplement condamnés à une période de probation. Or, la probation contribue rarement à résoudre le problème. Parce qu'on les laisse aller, ces jeunes sont souvent inculpés d'infractions plus graves.

J'ai vu des mères pleurer de désespoir en entendant des agents de police leur dire que rien ne pouvait être fait tant et aussi longtemps que leur enfant délinquant n'avait pas enfreint la loi. Lorsque leur enfant commet une infraction et est simplement placé en probation, les mères voient leur crainte et leur angoisse s'aggraver. En effet, c'est à elles qu'incombe la responsabilité de l'ordonnance de probation et du jeune contrevenant.

On a créé un programme d'intervention pour venir en aide à la mère et à l'enfant. Souvent, j'ai l'impression que les jeunes se rebellent à cause de l'incapacité des enfants et des parents de communiquer. Un programme d'intervention pourrait jouer un rôle bénéfique en rapprochant les parents des enfants.

À l'heure actuelle, les jeunes qui ont de longs antécédents à titre d'auteurs de crimes graves sont admis au projet Volte-face. C'est dommage, et j'ai l'impression que nous travaillons à reculons. Il est impératif qu'on admette un jeune qui commence à récidiver dans le programme de traitement qu'est le projet Volte- face. On y propose aux jeunes de nombreux outils susceptibles de les aider à éviter de commettre des crimes violents. Plus vite on traite les jeunes, et mieux nous nous porterons: c'est une question de gros bon sens. À mon avis, le projet Volte-face est moins coûteux que les établissements pour adolescents dont nous disposons aujourd'hui et constitue une nette amélioration par rapport à eux.

Je félicite les personnes qui ont créé des programmes de déjudiciarisation destinés aux jeunes qui commettent des délits mineurs. Ces derniers ont ainsi l'occasion d'assumer la responsabilité de leurs crimes et de réparer les torts qu'ils ont causés. À mon avis, il est beaucoup plus efficace de confier à un tel programme un jeune qui en est à sa première infraction que de simplement le placer en probation.

Voici une anecdote qui va vous plaire. L'hiver dernier, on a refusé à une mère désespérée qui voulait confier son fils récidiviste à un camp de type militaire le droit de s'adresser au juge. En désespoir de cause, elle s'est plantée devant le tribunal avec, à la main, une grosse pancarte suppliant le juge de confier son fils à un camp de type militaire. Jusqu'où une mère doit-elle aller? On n'a pas donné suite à son plaidoyer. Aujourd'hui, le jeune en question est un adulte, et il continue de commettre des infractions. Dommage qu'on n'ait pas écouté cette femme.

En raison des contraintes de temps, je vais sauter par-dessus un certain nombre de choses. Je vais plutôt m'en tenir à deux ou trois enjeux qui me tiennent très à coeur.

De nombreux crimes commis par des jeunes violents ne sont jamais signalés. Les statistiques actuelles sur la criminalité chez les jeunes sont totalement erronées. Malheureusement, les professionnels qui se fondent sur ces statistiques erronées pour vous faire des recommandations finissent par vous proposer de mauvaises solutions. Je vous explique. Faites-moi confiance. Je sais de quoi je parle. Je ne suis pas née de la dernière pluie. Je me rends dans les tribunaux, je vois les jeunes en question, je les entends témoigner, je prends des notes, je parcours les rues, je discute avec eux et je suis au courant de ce qui se passe. Je vis dans la réalité.

On assiste à une recrudescence des attaques en bande et des crimes commis par des bandes de jeunes. Nombreux sont ceux qui refusent d'y croire. En faisant abstraction du problème, on ne fait que l'aggraver. Les actes criminels commis dans le cadre des activités de gangs et d'attaques en bande sont des crimes prémédités et calculés qui exigent impérativement l'imposition d'une peine pour adultes rigoureuse.

Les jeunes d'aujourd'hui ont appris que le fait de fonctionner en bande est plus rentable et confère plus de pouvoir à chacun des membres. Ce pouvoir, c'est la peur et la domination d'autrui. Grâce à ce pouvoir, ils s'approprient les rues de nos villes et nos centres commerciaux, qu'ils revendiquent comme leurs. Parfois, des jeunes sont tués dans le cadre de guerres territoriales. Ils sont jeunes et ont l'air d'étudiants, de sorte qu'ils parviennent à se fondre dans la foule. Cette dernière les protège des membres de bandes rivales et de la police. Ils arrivent ainsi à se protéger les uns des autres et misent sur de nombreuses sentinelles.

• 1835

Les membres des bandes proviennent de foyers de tous genres. Les candidats ne se recrutent pas chez les nécessiteux; en fait, on a plutôt affaire à des jeunes avides. Des adultes fournissent les drogues, supervisent les activités et prélèvent leur quote-part. Dans les bandes, certaines jeunes filles n'ont que 14 ans. Habituellement, la bande les utilise comme esclaves sexuelles, elles gagnent beaucoup d'argent en se déshabillant dans les bars et en se prostituant. Souvent, les filles sont battues par les proxénètes de la bande, mais, par crainte de représailles, elles ne portent pas plainte à la police.

Les jeunes trafiquants de drogues se plaisent à se dévaliser les uns les autres. On organise une vente bidon. À son arrivée, le trafiquant est dépouillé de sa drogue et de son argent. C'est un jeu mortel. Pris sur le fait, ces jeunes sont cruellement battus. Même lorsqu'ils sont hospitalisés, les jeunes en question refusent de révéler l'identité de ceux qui les ont battus et de coopérer avec la police. La loi du silence s'impose: les délateurs risquent d'être exécutés. Ces agressions ne sont pas signalées.

Les jeunes trafiquants de drogues se considèrent comme des entrepreneurs raffinés. Ils ont des téléphones cellulaires et des téléavertisseurs pour prendre leurs appels. Pour se protéger, ils ont désormais des fusils paralysants, aussi appelés zapper. On le pointe vers quelqu'un, et la personne reçoit une décharge électrique de 3 000 volts. Elle est instantanément paralysée, et on peut la dévaliser et la battre. Les jeunes d'aujourd'hui ont de tels armes en leur possession.

D'autres ont des chiens, et vous devriez, je crois, porter une attention particulière à ce problème, qui est très grave, comme j'en ai été témoin. Les trafiquants de drogues ont des pit-bulls et des rottweilers. Ils ont des chiens pour se protéger, lesquels sont dressés pour attaquer. Ce mois-ci, deux policiers ont été attaqués par ces chiens dans le cadre de deux incidents distincts. Trop jeunes pour posséder une voiture, certains membres de bandes ont leurs chauffeurs de taxi personnels qui leur font crédit et ferment les yeux sur leurs crimes. Ces chauffeurs de taxi ont droit à de généreux pourboires.

Le président: Madame McCuaig, nous n'avons toujours pas entendu M. Newark.

M. Scott Newark: J'ai discuté avec le sergent détective Muise, et je pense qu'il est lui aussi disposé à intervenir au moment opportun pendant la période de questions. Nous ne voulons pas empiéter sur le temps dévolu à la période de questions. À mon avis, nous pourrions passer tout de suite aux questions.

Le président: Vous avez très habilement tenu 21 minutes.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais poser une question au sergent détective Muise. Certains témoins que nous avons entendus ont dit craindre l'assouplissement des dispositions sur les dépositions qui sont prévues dans le projet de loi C-3 en vertu desquelles le juge peut maintenant décider d'admettre en preuve des choses qui autrement... Comme je sais que vous avez l'expérience du travail auprès des jeunes et des bandes, j'aimerais que vous nous disiez un mot de l'expérience que vous avez de l'enregistrement des dépositions.

Le sergent détective John Muise (Bureau pour victimes de violence, ministère du Procureur général de l'Ontario): Monsieur Cadman, mesdames et messieurs les membres du comité, je précise d'abord que je suis policier depuis 24 ans et que j'ai aujourd'hui le grade de sergent détective. J'ai passé 21 ans sur le terrain; depuis un an, je travaille au Bureau pour victimes de violence. C'est en 1989 que j'ai commencé à m'intéresser à la criminalité chez les jeunes—j'ai été l'un des cofondateurs de la première unité de crimes de rue, service hybride cumulant des activités d'éducation et d'exécution de la loi. Nous nous occupions d'un grand nombre de crimes commis par les gangs ou encore d'attaques en bandes, et les dépositions jouaient un rôle important dans l'établissement d'une preuve. Je peux vous donner l'assurance que le pays compte probablement très peu d'agents de police qui prennent des dépositions. Pour faire admettre des dépositions par le tribunal, nous avions en fait créé ce que j'appellerais un document de purification de sept pages pour avoir l'assurance de poser toutes les questions appropriées.

S'il y a parmi les personnes ici présentes quelqu'un qui a été avocat de la défense—je vois que M. Mancini hoche la tête. Nous avions mis au point ce document de sept pages pour faire admettre les dépositions. C'était presque grotesque. Vous pouvez vous imaginer, monsieur Cadman, que pour d'autres unités, où on travaille à la chaîne et où les cas affluent... Franchement, la majorité des agents de police ne prennent pas de dépositions auprès des jeunes contrevenants, sauf dans les cas les plus graves.

• 1840

Ce qui finit par arriver, lorsqu'on cherche la vérité, à aller au fond des choses, à résoudre des crimes, à venir en aide aux jeunes et à obliger les contrevenants à rendre des comptes—parce que c'est ce que nous voulons tous, nous voulons les obliger à rendre des comptes. La prise de dépositions telle que définie dans la Loi sur les jeunes contrevenants—et je ne vais pas mâcher mes mots—a été un échec. On nous a obligés à recourir à des méthodes extraordinaires. En réponse à votre question, je dirai que nous devrions définir une procédure simple, comme celle qui régit le système pour adultes, en vertu de laquelle on doit prouver que la déposition a été prise par une personne en position d'autorité, sans promesses, ni incitatifs, ni menaces. C'est une procédure très simple, et la norme est très élevée.

J'ai été appelé à la barre des témoins dans des affaires concernant des jeunes contrevenants et des adultes. Dans des procédures pour adultes, j'ai littéralement consacré des heures, voire des jours, au voir-dire, afin de faire admettre une déposition. Chacun sait que le processus est complexe.

À mon avis, les garanties dont s'assortit la prise de dépositions chez les adultes pourrait s'appliquer parfaitement au cas de tout jeune contrevenant. C'est au juge qu'il incombe de décider si la déposition est admissible. L'aspect pratique de la question, c'est que les agents de police ne prennent pas de dépositions auprès des jeunes contrevenants. C'est la réalité.

M. Chuck Cadman: Dans un autre ordre d'idées, j'ai conversé avec vous plus tôt aujourd'hui, et vous aviez certains doutes à propos des statistiques qu'on nous présente. Je me demandais si vous pourriez y faire allusion.

Le sergent détective John Muise: Oui. Je sais qu'on a l'impression que la criminalité chez les jeunes est à la baisse, et bon nombre de personnes le clament sur tous les toits. Selon elles, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je pense qu'il est important—et j'ai tiré cette leçon de ceux-là même qui font de telles affirmations, à savoir les criminologues. Ce qu'ils disent toujours, c'est qu'on doit étudier les statistiques à long terme. Si, en effet, on se contente de prélever un point sur le radar ou encore de données annuelles, on n'aura pas en main des statistiques révélatrices.

Permettez-moi de vous citer une statistique qui, à mon avis, illustre parfaitement la situation à laquelle nous sommes confrontés dans les rues. N'allez pas vous imaginer que je veux laisser entendre que dix enfants sont chaque jour assassinés dans les rues du pays. Ce que je dis, c'est que chaque jour, au moment où nous nous parlons, et je ne parle que des crimes signalés—Theresa a fait allusion au problème des crimes non signalés. En ce qui concerne les jeunes contrevenants, j'irais jusqu'à dire que le ratio entre les crimes non signalés et les crimes signalés est de 5, 10 ou 20 pour 1. En ce qui concerne les infractions comme les vols qualifiés, les attaques en bandes, les extorsions, les agressions graves, les détournements de voitures, les vols avec violation de domicile—tout le nouveau vocabulaire auquel je n'ai pas été initié lorsque j'ai fait mes débuts—si vous utilisez les chiffres de Statistique Canada, les chiffres de Juristat... J'ai ici une note que j'ai griffonnée. J'ai inclus des données pour 1986 et 1987 parce que, me semble-t-il, il importe de rendre compte du plus grand nombre d'années possible et d'établir la tendance de façon tout à fait claire. De 1986 à 1998, le nombre de crimes violents perpétrés par de jeunes contrevenants a augmenté d'environ 120 p. 100. Le taux pour 100 000 habitants est essentiellement passé de 408 à 903.

On ne parle pas ici de 55 à 110 cas, mais bien plutôt de 9 275 à 22 145, ce qui est tout à fait conséquent. On me dit souvent: «Sergent détective Muise, la plupart de ces infractions, ou une forte proportion d'entre eux, sont des agressions.» Je réponds: «Que voulez-vous dire?» Régulièrement, des enfants sont battus par d'autres jeunes. Pour chacun de ces cas rapportés sur une feuille de papier, il y en a, je le répète, 10, 15 ou 20 qui ne sont pas signalés. Parmi ces crimes, il y en a qui sont commis par une jeune contrevenant au dépens d'un autre jeune.

M. Scott Newark: Ces données, nous les tirons des rapports Juristat sur la criminalité chez les jeunes pour 1995-1996 et 1997-1998. Je vais vous les laisser, et vous pourrez les parcourir. On y retrouve une excellente ventilation des données par type d'infraction, par opposition aux simples infractions génériques.

• 1845

Une autre statistique à mes yeux tout aussi convaincante—soit dit en passant, elle fait partie du document, du mémoire, que je n'ai pas en main—révèle que, l'année dernière, il y a eu augmentation de toutes les catégories de crimes commis par des jeunes. Les augmentations ne sont pas énormes, mais le mouvement à la hausse se poursuit.

Permettez-moi de vous faire une réflexion qui, à mon avis, débouche sur la question plus vaste de la différence qu'on fait toujours, heureusement, entre la vaste majorité des jeunes aux prises avec la loi, dont les crimes sont traités comme des infractions relativement mineures, et ceux pour qui de l'avis de tous, vous l'aurez compris, on devrait faire une distinction, c'est-à-dire ceux qui commettent des crimes graves et violents. Nous pourrions aussi y ajouter les récidivistes.

Dans le rapport Juristat de 1995-1996, on décrit au moyen de l'expression «récidiviste chronique», ceux qui sont passés par le système à de multiples reprises et qui, dans le cas qui nous occupe, ont déjà fait l'objet de trois déclarations de culpabilité. Il s'agit donc d'une personne qui commet une nouvelle infraction après avoir fait l'objet d'une déclaration de culpabilité à trois reprises. Une fois de plus, je suis sûr que tous ceux qui ont travaillé au sein du système de justice pénale savent qu'on a affaire à un nombre de contrevenants déclarés coupables disproportionnellement faible par rapport au nombre disproportionnellement élevé d'infractions commises. C'est là la réalité de notre système de justice.

La question qui se pose est donc essentiellement la suivante: comment composer avec les membres de ce groupe sans nécessairement abdiquer tous les principes qu'on veut avoir, mais qu'on n'a pas forcément, ni les mettre au rancart? Par ailleurs, on devrait se garder d'administrer le même remède à tous les membres de ce petit groupe.

J'ai examiné les chiffres de façon générale—il ne s'agit donc pas d'un portrait exact sur le plan scientifique, même si, à mon avis, il est probable qu'il soit raisonnablement précis—pour l'année visée dans Juristat, on a eu affaire à un nombre total de 111 027 infractions. Si, comme je l'ai indiqué, on postule que 10 p. 100 de ces 111 027 infractions ont été commises par des récidivistes chroniques—c'est-à-dire des personnes qui, au moment de perpétrer l'infraction, avaient déjà été trouvées coupables à trois reprises.

J'ai donc examiné les tableaux qui figurent à la fin, où on énumère les différents types d'infraction. J'ai exclus toutes les introductions par effraction et toutes les agressions mineures. Je me suis contenté des crimes les plus violents, par exemple les vols à main armée et les agressions sexuelles.

Si on applique ce pourcentage approximatif au total, on aboutit à environ 1 100 récidivistes chroniques, c'est-à-dire des personnes qui ont à leur actif au moins trois déclarations de culpabilité et qui ont été inculpées pour les infractions les plus graves. N'oubliez pas que ce nombre ne comprend pas les personnes qui ont commis un premier homicide ou un premier vol à main armée. Il faut s'en tenir à la catégorie.

On a donc affaire à environ 1 100 personnes. Certains diront qu'on retrouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants, tout comme dans le projet de loi, une disposition qui porte sur de telles personnes. Il s'agit d'un mode de renvoi à la juridiction normalement compétente à un tribunal pour adultes. Parmi ces 1 100, savez-vous combien ont effectivement été transférés aux termes des dispositions existantes? Eh bien, il y en a eu 74. Avec tout le respect que je vous dois, c'est ça le problème. Si je puis...

Le président: Nous allons avoir amplement l'occasion...

M. Scott Newark: Ce que les Canadiens attendent de la réforme des dispositions législatives, ce n'est pas la tenue d'un plus grand nombre d'audiences sur le renvoi à la juridiction normalement compétente. À mon avis, c'est là que le texte de loi échoue.

Le président: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Sur ce point, si je puis me permettre—, les nouvelles dispositions législatives, avec les présomptions qu'on y retrouve et l'inversion de la charge de la preuve...? Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est à la Couronne qu'incombait de prouver que le jeune en question devait être transféré à un tribunal pour adultes. Il y avait toute une série d'étapes à franchir.

Ma question est la suivante: pourquoi les nouvelles dispositions législatives, en vertu desquelles la charge de la preuve incombe au jeune contrevenant et où il y a présomption que les jeunes contrevenants devraient être transférés à un tribunal pour adultes, ne répondent-elles pas à vos objections?

M. Scott Newark: Je suis certain que vous avez lu les articles en question aussi bien que moi. Je dois vous dire que dix ans se sont écoulés—je pense que Phil Rosen était ici la première fois que j'ai été invité à témoigner—dans tous les textes de loi que j'ai examinés—lesquels, pour être tout à fait franc, étaient souvent très litigieux, y compris le projet de loi C-68, où, de façon générale, on retrouve des dispositions avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord, mais il y a certaines choses...

Je dirais que le projet de loi comporte certaines lacunes fondamentales, y compris en ce qui a trait au mécanisme de renvoi à la juridiction normalement compétente. À la lecture du projet de loi et de toutes les dispositions à l'origine de la situation—tout est aussi complexe et difficile sur le plan de la procédure. À certains égards, en fait, les dispositions sont encore pires que celles qu'on retrouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants existante.

Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si le projet de loi actuel est préférable au dernier?

M. Peter Mancini: Oui.

M. Scott Newark: J'en doute beaucoup.

M. Peter Mancini: C'est ce que j'allais dire. De votre point de vue, le projet de loi n'est-il pas préférable à la loi?

M. Scott Newark: Non.

M. Peter Mancini: Il ne l'est pas. Très bien.

• 1850

Sergent détective Muise, j'aimerais poser une question rapide à propos des dispositions touchant les dépositions. Je suis au courant des formulaires complexes qu'on devait utiliser par le passé pour obtenir la déposition de jeunes contrevenants, mais vous allez être d'accord avec moi pour dire qu'une jeune fille de 13 ans qui cumule sept années de scolarité, en est à sa première infraction, se retrouve pour la première fois dans un poste de police et est pour la première fois confrontée à un agent de police n'appartient pas à la même catégorie qu'un homme de 40 ans qui a fait de la prison et qui connaît les rouages du système judiciaire. Au moment d'établir si la personne comprend ou non la déposition volontaire et risque ou non d'être intimidée ou de se sentir intimidée par des personnes en autorité, on doit à coup sûr établir une distinction. Il y a une différence entre ces deux personnes, et on doit en tenir compte au moment de prendre leur déposition.

Le sergent détective John Muise: Absolument. Il y a probablement un élément d'intimidation chaque fois qu'un policier prend la déposition d'une personne placée sous garde. En affirmant le contraire, on ne ferait pas preuve de toute l'honnêteté voulue. Tout ce que je dis, c'est qu'on devrait laisser à un juge le soin de prendre une décision à ce sujet.

Ce que je veux dire, c'est que nous n'avons pas besoin de cette disposition artificielle qui, d'un point de vue pratique, entraîne la disparition de la prise de dépositions. Si nous avons pour but de rechercher la vérité et que le droit est conçu de telle manière à rendre les choses si compliquées que certains juges ont même affirmé que, à la lumière des renonciations par lesquelles ont doit passer, ils ne sont pas trop certains de vous croire, mais, lorsqu'ils voient votre témoignage sur vidéocassette, ils le croient, tout devient extraordinaire et tout devient bizarre. C'est ce que font les juges du pays pour gagner leur vie, et, sur ce plan, je pense qu'il convient de laisser aux juges le soin de trancher.

M. Peter Mancini: Les obstacles plus rigoureux ou, si vous préférez, les protections plus rigoureuses—c'est peut-être un meilleur mot—dont bénéficie l'accusé, et non la personne reconnue coupable...

Le sergent détective John Muise: Je comprends.

M. Peter Mancini: Dans l'histoire des jeunes contrevenants au pays, on note des personnes qui ont purgé dix et vingt années d'emprisonnement pour des crimes qu'elles n'ont pas commis, simplement parce qu'elles ont fait une déposition ou que des amis ont fait une déposition sous la contrainte. Les dépositions en question n'auraient jamais dû être admises en cour, et l'âge des intéressés est l'un des facteurs qu'on aurait dû prendre en considération.

Le sergent détective John Muise: En réponse à votre question, monsieur Mancini, je m'empresse de préciser que les erreurs judiciaires existent bel et bien. Parmi les personnes ici présentes, moi le premier, personne ne veut que des erreurs judiciaires soient commises ni que des innocents soient emprisonnés. Tout ce que je dis, c'est qu'il s'agit de questions qu'un juge est à même de trancher.

J'irais même un peu plus loin. Nous vivons à l'ère de la technologie, et les juges d'aujourd'hui demandent notamment—et, à mon avis, ils ont raison et sont fondés de le faire—aux agents de police si leur station est équipée de vidéocaméras ou d'appareils du genre. Ces appareils coûtent 3 000 $, de sorte que les juges arrivent mal à comprendre pourquoi ce ne serait pas le cas.

Parce que nous avons commis certaines erreurs terribles, nous renonçons à faire appel à des informateurs incarcérés. Nous nous éloignons de ce que j'appellerais les preuves bâclées. Nous nous orientons vers les preuves de meilleure qualité, bien réelles, présentées sur un support vidéo, lui aussi bien réel. À mon avis, ces mesures permettent à un juge de mieux déterminer de ce qui constitue ou non une déposition volontaire.

J'irais même un peu plus loin. Si la procédure est bizarre et qu'elle traîne en longueur, nous ne saurons jamais à quoi nous en tenir parce que les policiers ne vont pas l'utiliser. D'un point de vue pratique, c'est impossible. Ce que je dis, c'est que les garanties inhérentes au voir-dire dans le cadre d'une procédure judiciaire sont beaucoup plus adéquates.

Personnellement, j'ai, dans des tribunaux pour adultes, assisté à de longues procédures de voir-dire. À mon avis, on pourrait appliquer les mêmes principes que vous avez évoqués aux jeunes et à d'autres encore. On pourrait aussi exiger dans la loi que l'âge de la personne soit pris en considération.

M. Peter Mancini: J'ai une autre question à poser.

Le président: Vous avez le temps de poser une brève question qui appelle une brève réponse. Nous aimerions qu'il y ait un peu plus d'échanges.

M. Peter Mancini: Le président m'informe que j'ai encore droit à une question, je vais la poser à qui bon me semble.

Monsieur Wamback, j'ai une brève question à vous poser.

• 1855

Vous avez fait certains commentaires que je prendrais très au sérieux. Dans l'un d'entre eux, vous avez dit qu'on devrait infliger des peines concurrentes. Il y a une constante dans votre exposé—et j'apprécie cela—selon laquelle nous devrions avoir des peines plus dures, surtout dans le cas des personnes qui ont commis des crimes avec violence. Nombre des témoins qui ont comparu devant notre comité ont abordé le principe de la justice réparatrice, affirmant qu'il s'agit d'une occasion pour les victimes d'un crime de soulager leur douleur, pas nécessairement par l'incarcération du contrevenant, mais bien par un dialogue avec lui.

J'ai eu l'occasion d'entendre monseigneur Tutu parler à Toronto de la Commission de la vérité et de la réconciliation qui, en Afrique du Sud, s'adresse aux personnes qui ont été victimes d'exactions. Ces personnes rencontrent les auteurs du massacre dont leur conjoint ou leur partenaire a été victime et y trouvent la guérison. Cette loi contient certaines dispositions s'apparentant à la justice réparatrice. Les appuyez-vous?

M. Joseph Wamback: Vous faites une analogie avec l'Afrique du Sud, où les choses sont différentes, où la situation est différente. D'après ce que je comprends, il s'agit dans bien des cas de guerres tribales. Mon problème, c'est quand je regarde dans les yeux mon fils de seize ans qui, il y a huit mois à peine, avait un handicap de sept au golf. Il y a huit mois, tout ce qu'il voulait faire, c'est d'être avec ses amis, de profiter de la vie, d'avoir enfin seize ans pour pouvoir obtenir son permis de conduire, de finir ses classes pour enfin aller à l'université. Aujourd'hui, mon fils est placé dans une situation où il pourrait ne plus jamais marcher. Il a des déficits cognitifs qui pourraient l'empêcher d'aller à l'université. Ses soins de longue durée, que je devrai payer de ma poche parce qu'aucun organisme social du gouvernement ne va payer à ma place, devraient coûter entre 100 000 $ et 4 millions de dollars.

Pour répondre à votre question, non.

Le président: Merci.

Nous cédons maintenant la parole à M. Peter MacKay, député de Pictou—Antigonish—Guysborough.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier les témoins de leur exposé, et particulièrement Mme McCuaig et M. Wamback. Je sais que nos délibérations vous touchent particulièrement, et votre présence ici aujourd'hui nous inspire du respect et de la gratitude.

En ce qui concerne un thème général qui semble émerger ici, celui de la confiance du public, j'aimerais savoir ce que vous tous en pensez. Nous avons entendu le sergent détective Muise citer des statistiques, tout comme M. Newark. Nous avons entendu le point de vue des victimes et celui des familles. Ce projet de loi contient certains éléments techniques que nous pourrions essayer d'améliorer, et on pourrait y apporter des changements et des amendements. Cependant, je serais très intéressé de savoir ce que vous pensez des peines qui découleront de ce nouveau texte législatif, particulièrement dans le cas des crimes avec violence, des renvois à la juridiction normalement compétente, et même de l'intervention d'un système qui permet maintenant une libération sous conditions et une mise en liberté rapides. Il s'agit d'un système où l'on parle maintenant d'instaurer d'autres délais, manifestement en raison d'une nouvelle étape de l'enquête préliminaire dans le cas des jeunes contrevenants, des mesures extrajudiciaires et des avertissements de la police. Il s'agit d'un système qui aura inévitablement pour effet de provoquer d'innombrables contraintes et contestations judiciaires. C'est un programme qui vise à donner du travail aux avocats. Des juges nous ont dit qu'ils n'arrivent pas à comprendre le sens de nombreuses clauses et de nombreux renvois de cette nouvelle loi. De par sa seule complexité, la loi va faire en sorte que le système va littéralement crouler sous les litiges.

Que pensez-vous de cet élément relatif à la confiance du public, sachant qu'il n'était pas dans l'ancien système? Tout le monde a exhorté le gouvernement à remplacer la Loi sur les jeunes contrevenants par quelque chose de neuf. Risquons-nous de nous mettre le public à dos si nous arrivons avec quelque chose de pire?

• 1900

M. Scott Newark: Lorsque j'ai commencé à lire le projet de loi, j'ai évidemment commencé par le début, c'est-à-dire l'article qui contient les définitions. Lorsque j'ai voulu savoir la définition de «infraction sans violence» contenue à l'article 2 du projet de loi, j'ai dû la lire à quelques reprises, parce que dans sa définition d'une infraction sans violence, le projet de loi inclut peut-être—et je dirais probablement—des voies de fait simples. On entend par une infraction sans violence «toute infraction qui ne cause pas de lésions corporelles ou risque peu d'en causer». Et vous savez tous qu'une lésion corporelle est un concept juridique.

Si vous voulez obtenir une mesure législative qui va rétablir la confiance du public, ce n'est pas en définissant un crime violent—et à plus forte raison dans le cas d'un crime violent—en excluant les voies de fait et, peut-être, l'agression sexuelle et le vol qualifié, qu'on va rebâtir la confiance du public. En fait, ce serait selon moi plutôt le contraire; quand les gens vont découvrir ce que contient la loi qui est censée remplacer la Loi sur les jeunes contrevenants, qui a été, à juste titre ou non, discréditée, la confiance du public va en prendre un coup.

Je pourrais probablement vous donner sept ou huit autres exemples de cas où l'on vous renvoie d'un article à un autre pour que vous puissiez en saisir la signification véritable. Et je peux vous dire que je n'ai pas fait l'analyse raisonnablement approfondie du projet de loi comme je le fais d'habitude, parce qu'il y a tout simplement trop de renvois.

Je vais vous donner un autre exemple d'une chose qui me consterne, parce qu'il s'agit d'un recul par rapport à la LJC. Je pense à la partie de l'exposé des gens du Manitoba selon qui il serait préférable, si nous devons définir certaines des infractions visées par la loi, de revenir à des annexes où il y aurait une liste des infractions visées, comme nous l'avons toujours fait.

Vous savez sans doute que, dans la loi qui nous occupe, le tribunal doit déterminer ce qui constitue, par exemple, un crime grave comportant de la violence. Qu'allons-nous faire? Demander à la victime d'un viol la nature des blessures qu'elle a subies? Allons-nous demander aux victimes de nous dire avec force détail en quoi les blessures corporelles qu'elles ont subies sont graves? Nous allons vraiment faire cela?

Je vous dirai une chose: si l'intention de ce projet de loi était bel et bien—je présume que c'est le cas—de rétablir une certaine confiance de la part du public envers un système de justice distinct pour les jeunes, alors c'est un échec. Je le répète, je ne peux penser qu'à un exemple, dans les dix ans qui se sont écoulés depuis que j'ai comparu devant votre comité pour la première fois, où je vous ai réellement suggéré, comme l'on fait d'autres personnes, de refaire complètement vos devoirs. Le projet de loi a, sur le fond et en pratique, tant de choses qui clochent sur le plan de l'application et est si susceptible de détruire la confiance du public que je vous recommande fortement d'envisager sérieusement de le refaire à neuf.

Le président: Merci.

Vous avez une minute, Peter.

M. Peter MacKay: Merci.

C'est comme la ministre de la justice: vous lui posez une question et elle épuise le temps qui reste.

M. Scott Newark: Désolé.

M. Peter MacKay: J'aimerais adresser ma question au sergent détective Muise.

Si on revient à l'élément de la complexité, vous avez parlé du problème des dépositions. Vous avez parlé des problèmes qu'éprouve un agent de police à faire admettre certains éléments de preuve. Je sais que vous êtes affecté à la lutte contre le crime organisé chez les jeunes. Que pensez-vous de la perception, fondée ou non, selon laquelle l'association à un gang de rue est en réalité considérée par un tribunal comme un facteur atténuant plutôt qu'un facteur aggravant?

Le sergent détective John Muise: Eh bien, c'est le cas. C'est exactement le problème auquel nous faisons face et qui continuera de se poser à nous. En fait, lorsque nous amenons de jeunes contrevenants devant un tribunal et qu'ils font partie d'un groupe ou ont participé aux activités d'un gang—les jeunes contrevenants qui font des agressions font tous partie d'un gang... en fait, on ne voit plus ça de nos jours, les combats singuliers—et je ne vais pas dire que c'était mieux, vous savez—à coups de pied et à coups de poing, deux garçons ont scié—M. Mancini hoche la tête; peut- être qu'il a vu une ou deux choses de ce genre lorsqu'il était jeune—et quelqu'un est intervenu pour les séparer. C'est pour ça qu'ils intervenaient, pour les séparer.

Ils se mettent en groupe ou en gang contre une personne, et lorsqu'ils arrivent devant le tribunal, c'est exactement ce qui se passe. L'avocat de la défense arrive et dit: «Mon client surveillait» ou «Mon client passait par là» ou «Il a tenté de donner un coup de pied mais a manqué son coup». Et, évidemment, vous avez une victime qui a subi des coups de pied et des coups de poing de la part de douze personnes qu'elle ne peut identifier. Dans la plupart des cas, ces délinquants sont blanchis par le tribunal. J'ai participé à des cas de ce genre.

M. Peter MacKay: Connaissez-vous le terme «curbing»?

• 1905

Le sergent détective John Muise: On désigne ainsi le cas où un groupe de jeunes en jette un autre par terre, appuie sa tête contre le bord du trottoir et lui frappe la tête à coup de botte. Ces choses se produisent régulièrement.

La plupart du temps, l'incident n'est pas déclaré, parce que, comme vous pouvez l'imaginer, les jeunes victimes ont une peur mortelle de leurs agresseurs ou pensent que le système ne pourra rien faire pour les aider; alors, ils demandent à leur groupe ou à leur gang...

Ce que j'essaie de dire ici, c'est que face à la criminalité des groupes ou des gangs, la loi ne fonctionne pas; c'était le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants, et ce sera la même chose pour la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents. Comme Scott le disait, je suis d'accord avec vous, il vous faut inclure une composante pour régler ce problème, parce que c'est ainsi qu'est la criminalité juvénile de nos jours. C'est affaire de gang ou de jeunes. Voilà le problème qui se pose à nous, et c'est la forme que prennent la plupart de ces cambriolages, attaques en bande et extorsion.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: Merci beaucoup, Peter, et tandis que M. Mancini essaie de se rappeler sa jeunesse...

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous avons une autre période de sept minutes, mais, Scott, la prochaine fera quatre minutes, et vous ne pourrez y participer si nous ne pouvons resserrer un peu le temps requis pour ces questions et réponses de façon à avoir un certain dialogue, et un peu moins de monologues.

Bon. Karen Kraft Sloan s'est jointe à notre comité aujourd'hui. Je vais donc lui donner la parole en premier, et elle sera suivie de M. MacKay, après quoi, probablement, M. Saada pourra parler de nouveau.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis députée de la circonscription de York-Nord, et j'aimerais souhaiter la bienvenue ce soir à un de mes commettants, M. Wamback.

Je ne pense pas que quiconque puisse vraiment comprendre ce que votre famille et vous avez vécu s'il n'est pas déjà passé par la même situation. Je ne peux imaginer à quel point cela a pu être difficile pour vous, mais je sais que la localité de Newmarket et les localités environnantes vous sont vraiment venues en aide, comme d'autres localités de partout au Canada.

Je pense que c'est un signe de saine démocratie quand vous avez l'occasion de venir vous adresser à des parlementaires au sujet de préoccupations et de problèmes très importants et d'obtenir une réaction fabuleuse à une pétition.

La question que je veux vous poser concerne l'une de vos recommandations. Elle m'intrigue, et je pense qu'elle est très importante. C'est celle où vous dites qu'un programme national devrait être créé dans le réseau des écoles publiques pour qu'on puisse identifier rapidement les jeunes qui s'adonnent à la violence et qui sont susceptibles de devenir des criminels afin d'intervenir et de les réhabiliter. Je me demande simplement si vous pensez que la loi va vous permettre de le faire; si elle n'aborde pas la question, ne serait-ce que de façon minime, avez- vous des suggestions sur la façon dont on pourrait inclure cela dans le projet de loi?

M. Joseph Wamback: Je ne sais pas si on peut inclure cela dans le projet de loi. Pour répondre à votre question, je ne pense pas que le projet de loi C-3 s'y attache. À vrai dire, je ne pense pas que le projet de loi C-3 s'attache adéquatement à l'idée d'un counselling obligatoire pour les criminels violents qui sont incarcérés. On y parle d'une période minimum; on ne parle pas des résultats qui doivent être obtenus.

Ce que je suggère au comité et au gouvernement de notre pays, c'est qu'ils travaillent de concert avec les provinces et les commissions scolaires pour créer un système national de façon à ce que nous puissions instituer un programme de ce genre pour favoriser l'avenir de notre pays.

Mme Karen Kraft Sloan: Voudriez-vous qu'une chose comme celle- là soit enchâssée dans la loi? Pensez-vous qu'il est important qu'elle soit mentionnée dans la loi plutôt que d'être une simple politique? Les politiques et les lignes directrices peuvent changer. C'est un peu plus difficile de changer les lois.

M. Joseph Wamback: Je le répète, selon moi, la question n'est pas de savoir si cela doit être enchâssé dans la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, si c'est le nom qu'on doit lui donner. En temps que parent, que citoyen de notre pays, il n'est pas important de savoir à quel endroit se trouve la disposition et où on peut la trouver. Ce qui est important, c'est qu'elle soit appliquée et qu'elle devienne une loi pour pouvoir être appliquée d'un océan à l'autre.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien, je vous remercie.

Pour l'autre question, je reviendrai à votre déclaration selon laquelle il faudrait imposer un counselling à tous les délinquants violents qui sont incarcérés. Voulez-vous dire tous les délinquants violents, peu importe leur âge, même des adultes?

• 1910

M. Joseph Wamback: Je parle surtout de la loi sur les jeunes contrevenants.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord. Je suis désolée. J'avais simplement lu «tous les délinquants violents».

M. Joseph Wamback: Eh bien oui; je le répète, j'avais commencé par dire que nous parlons de la violence des jeunes d'aujourd'hui, de la violence chez les jeunes, et non pas de crimes contre les biens...

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien. Je comprends.

M. Joseph Wamback: ... et non pas de criminels de 40 ans. Peut-être un autre jour. Je ne sais pas. Mais pour l'instant, lorsque je vois de jeunes délinquants violents de 16 ou de 17 ans qui sont incarcérés et qui n'ont pas la possibilité d'obtenir un counselling, cela me fait peur. Et lorsque je vois dans la nouvelle loi, dans le projet de loi, que le counselling pourrait être offert durant une période limitée, cela me fait peur aussi.

Mme Karen Kraft Sloan: Si ces délinquants violents sont jugés devant un tribunal pour adultes et incarcérés dans un pénitencier pour adultes, ils seraient alors obligés de recevoir un counselling.

M. Joseph Wamback: Oui. C'est ce que je voudrais voir.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord. Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan, et merci monsieur Wamback.

M. Scott Newark: J'aimerais simplement ajouter que l'on pourrait rendre le counselling obligatoire dans l'une ou l'autre disposition de ce projet de loi, du Code criminel ou de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions. On pourrait l'inclure de façon générique dans les ordonnances de probation ou de libération conditionnelle. Mais ce serait beaucoup plus précis si c'était inclus dans la loi, de sorte que ce ne serait pas simplement une politique qui pourrait être changée.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay.

M. John McKay: Merci, monsieur le président.

Merci à vous tous, d'être venus témoigner ce soir. Ce projet de loi est rempli de problèmes, et vous en avez signalé quelques- uns.

J'aimerais adresser ma question à M. Newark.

Monsieur Newark, plus tôt dans votre témoignage, vous vous êtes attardé longuement au statistiques. Je sais que l'une d'entre elles révèle que nous incarcérons les jeunes à peu près deux fois plus qu'aux États-Unis; selon certains, quatre fois plus. Pour les adultes, les chiffres sont exactement l'inverse; notre taux d'incarcération est bien inférieur à celui des États-Unis. Pourtant, il est de notoriété publique que les Canadiens estiment que la criminalité juvénile est en hausse, comme l'a souligné Mme McCuaig, et nous avons des statistiques qui montrent exactement l'inverse.

Ce que je ne comprends pas dans votre témoignage, c'est que l'établissement de la peine est entièrement la prérogative des juges. Que ce soit en vertu de la LJC ou du projet de loi à l'étude, la détermination de la peine, dans le cas des adultes comme dans celui des jeunes, sera encore la prérogative de ces juges. Ainsi, je ne comprends pas pourquoi vous critiquez le projet de loi, puisqu'on voit bien que notre système de justice pour les adolescents est très dur et qu'il incarcère les jeunes à un rythme assez rapide, merci.

Aidez-moi à comprendre votre analyse. Vous dites 74 cas et plus sur 1 100. Si nous inversions le système pour que la détermination de la peine chez les adultes se fasse après le procès... À l'heure actuelle, nous avons une situation surréaliste où l'on établit tout d'abord la peine pour ensuite déterminer si vous êtes coupable. Selon moi, nous avons adéquatement corrigé la situation. Alors, qu'est-ce qui va se passer au lendemain de l'adoption de ce projet de loi? Le nombre sera-t-il le même?

M. Scott Newark: Je reviendrai, si vous le voulez bien, à la partie de votre question où vous avez affirmé que c'était la LJC ou la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents qui permet cela. Selon moi, il y en a un autre: le Code criminel.

Je suis sûr que vous savez comme moi que le système de justice de notre pays ne prévoit généralement pas de peine automatique. Nous avons de très larges pouvoirs discrétionnaires.

Parfois, les gens l'oublient. Ils peuvent penser que si une personne est transférée au tribunal pour adultes, cela voudra automatiquement dire que nous l'enfermerons dans un pénitencier fédéral. On peut obtenir une probation pour un homicide involontaire coupable.

Je vous dirai qu'il ne faut pas mélanger les deux concepts suivants: le caractère artificiel d'un système de justice distinct pour les adolescents, qui comprend le retard qu'entraîne l'obligation d'en franchir toutes les étapes, et une détermination appropriée de la peine. Ce n'est certainement pas la même chose.

• 1915

Cela me ramène à l'argument que je voudrais faire valoir, c'est-à-dire qu'un petit groupe de personnes est responsable de la plus grande part des infractions. Ce qui, selon moi, mine la confiance du public, c'est le caractère artificiel de tout le processus. Il est si long et il y a tellement d'étapes à franchir. Pourquoi ne pas simplement reconnaître comme il se doit qu'un certain nombre de principes doivent s'appliquer à toute personne traduite devant les tribunaux pour une affaire criminelle?

Je pense franchement que c'est là le génie de notre système. C'est ce délinquant, cette infraction. Nous pouvons facilement prendre en considération, comme nous le faisons pour la détermination de la peine dans le système de justice pénale, l'âge d'une personne, son manque de maturité et toutes les choses qui peuvent être faites. Mais il faut le reconnaître pour ce genre d'infractions, comme les types les plus graves d'infractions, même s'ils sont le fait d'adolescents de 16 et de 17 ans. Pour ce genre d'infraction, la prépondérance est accordée à des principes qui ne sont pas dans la loi, qu'il s'agisse de la Loi sur les jeunes contrevenants ou de la Loi concernant le système de justice pour les adolescents, qui sont des concepts normaux pour le système de justice pénale des adultes et qui expliquent pourquoi nous prenons une mesure particulière pour la détermination de la peine.

Vous pouvez examiner sous toutes leurs coutures la LJC ou la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, mais vous n'y trouverez pas les termes «dissuasion» ou «dénonciation». Avec tout le respect que je vous dois, tant que vous ne le ferez pas, ce groupe formé des pires délinquants qui soient vous posera toujours des problèmes de crédibilité auprès du public.

M. John McKay: Quelle différence y a-t-il entre la prévention...

Le président: John, c'est votre dernière question.

M. John McKay: Quelle différence y a-t-il entre «dissuasion» et «prévention du crime par la prévention des causes sous-jacentes à la criminalité»?

M. Scott Newark: Une grande différence.

M. John McKay: J'aurais pensé qu'il s'agit tout simplement d'une expression synonyme de «dissuasion».

M. Scott Newark: Ce n'est pas le cas.

M. John McKay: Ce n'est pas le cas?

M. Scott Newark: Absolument pas.

M. John McKay: D'accord, nous savons ça.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Cadman.

M. Chuck Cadman: Ma question s'adresse à M. Muise.

Dans votre vie d'agent de police, vous avez eu affaire, j'en suis sûr, aux mesures extrajudiciaires, comme nous les appelons maintenant, et à la «mise en garde», comme vous l'appelez probablement. Selon votre expérience, sont-elles efficaces? Et qu'en est-il de la communication entre les agents de police sur une certaine période concernant une personne qui peut avoir été l'objet d'une mise en garde et qui est arrêtée à nouveau un mois plus tard, et à plusieurs reprises par la suite? Vous parlez-vous entre policiers?

Le sergent détective John Muise: C'est une bonne question. J'y répondrai en deux parties.

Tout d'abord, en ce qui concerne la «mise en garde», nous ne la pratiquons pas systématiquement. Notre façon de faire est imprécise. Si un agent décide de ne pas établir ce que nous appelons «une carte de contact», nous n'en saurons rien, et si un agent arrive par la suite sur la scène d'un crime et a affaire au même adolescent, nous pourrions ne rien avoir au dossier. Ou s'ils ne vérifient pas... ce n'est pas systématique.

Quant aux mesures extrajudiciaires, je dirais que les policiers possèdent déjà, du moins la plupart du temps, une intuition très précise du moment où ils doivent adopter un comportement discrétionnaire.

Je vais vous en donner un exemple classique. Si un jeune de 13 ans qui n'a jamais été arrêté par la police vole pour cinq dollars de marchandise à l'étalage, c'est rare qu'il sera arrêté et accusé d'une infraction. Il ne sera pas accusé au criminel, il sera libéré de façon discrétionnaire.

Je ne veux pas devenir trop verbeux, mais je trouve tout d'abord cet article plutôt insultant. Je sais déjà comment avertir des jeunes, la grande majorité des agents de police le savent aussi. De plus—et Scott pourra vous en parler davantage—je comprends qu'il y a une mesure de garantie qui y est intégrée, mais je me préoccupe un peu de ce qui va se passer devant les tribunaux, sachant que ce genre de choses acquièrent une importance propre et que les juges commencent à dire «Eh bien, monsieur l'agent, avez- vous fait ceci? Avez-vous fait cela?».

Je me préoccupe aussi de la nature des infractions qui vont finir par être intégrées... On s'attend à ce que ces infractions soient l'objet de mesures extrajudiciaires, comme les voies de fait auxquelles une dizaine de jeunes ont participé. Cela se produira, je vous l'assure. C'est ainsi que le système fonctionne.

M. Scott Newark: Selon moi, ce qui est un peu problématique, c'est qu'on tente de définir dans la loi des mesures qui sont habituellement assimilées à un pouvoir discrétionnaire. Si vous franchissez les étapes, je ne vois pas comment ou, franchement, pourquoi dans de nombreux cas, la police devrait même garder une trace de tout cela. La loi impose une décision, celle de ne rien faire. C'est un peu comme si on voyait une agression dans une ruelle et qu'on passait son chemin sans rien faire.

Que se passe-t-il ensuite? Il y a un avertissement, puis une mise en garde intégrée à un programme, puis un programme de mise en garde par la Couronne, et ensuite une sélection provinciale. En quelque sorte, ça se poursuit sans cesse, et on ne parle là que des mesures extrajudiciaires. Les sanctions extrajudiciaires, qui sont différentes—vous n'avez toujours pas à vous présenter devant le tribunal—sont aussi des choses qui ne vous obligent pas à vous présenter.

La seule chose que je constate à ce propos, c'est que la partie du système de justice pour les adolescents qui, de l'avis de la plupart des gens, faisait un travail raisonnable, s'attachait à des choses plutôt mineures. Le projet de loi semble vouloir l'écarter.

• 1920

Le sergent détective John Muise: Si rien ne cloche, n'y touchez pas.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—Laprairie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos témoignages.

Je suis sûr que vous comprenez que nos actes, en temps que députés qui sommes assis autour de cette table et qui devons penser à ces choses, renforcent souvent notre humilité.

J'aimerais poser une question à vous quatre. Ce n'est pas une question nouvelle. Mes collègues m'ont entendu la poser plusieurs fois. Elle concerne la publication. J'ai demandé à plusieurs reprises et à plusieurs témoins en quoi la publication des noms contribuerait à la sécurité publique. La seule réponse que j'ai pu obtenir jusqu'ici concerne l'obligation de voir si la publication de l'identité d'un jeune contrevenant répond aux intérêts du public. Ce n'est pas ce que je voulais savoir.

Quand on publie le nom d'un jeune, ça signifie que ses parents sont aussi connus. Cela a des répercussions pour la famille et la localité dans laquelle elle vit. Si mon fils a commis une infraction qui cause un énorme problème à un autre parent, je vais moi aussi ressentir de la douleur et de la culpabilité. En quoi est-ce que la publication de mon nom dans les journaux va contribuer à résoudre le problème, puisque mes collègues au travail seront au courant, que les gens de ma localité le seront aussi, et que l'équipe de hockey dont je suis entraîneur sera également au courant? En quoi est-ce une solution? En quoi est-ce utile?

M. Joseph Wamback: Il y a une chose que j'aimerais dire: c'est magnifique que vous puissiez faire preuve de compassion et ressentir de la culpabilité et un malaise si votre fils commet un acte qui blesse physiquement un autre être humain. Mais tout le monde n'est pas comme vous. J'aimerais bien que nous vivions dans un monde comme ça. Mais il n'est pas comme ça.

M. Jacques Saada: Mais vous faites bel et bien une généralisation parce que vous voudriez que cette mesure s'applique de façon générale?

M. Joseph Wamback: Oui.

M. Jacques Saada: Alors, vous mettriez des gens comme moi et d'autres gens dans le même sac. En quoi est-ce que cela contribue à régler le problème?

M. Joseph Wamback: Selon moi, c'est une forme de dissuasion. En plus, cela rend la cellule familiale responsable. Si on a inculqué a un enfant les bonnes valeurs lorsqu'il a grandi, il est fort probable que cet enfant ne causera pas de problème. Mais si ses parents ne lui ont pas inculqué des bonnes valeurs, alors il risque de commettre des délits. Les parents sont tout aussi responsables, du moins à mon avis.

M. Scott Newark: Vous avez demandé des détails. Je peux penser à trois détails. Vous avez utilisé l'expression «le nom du jeune».

Il y a peut-être une différence que je voudrais établir. À l'origine la non-publication visait à ce que, si un jeune était pris à faire des graffitis sur des clôtures ou même à commettre un vol avec effraction, des pères comme moi—qui auraient probablement tendance à dire: «Je ne veux pas que tu joues avec ce garçon»—ne stigmatisent pas leur adolescent s'il tente de reprendre la maîtrise de sa vie et de régler son problème. C'est logique. Cependant, il y a selon moi une différence entre ça, qui explique pourquoi il est légitime de ne pas publier le nom, et la situation où quelqu'un, par exemple, commet des vols qualifiés, des voies de fait graves ou des infractions à caractère sexuel.

Je le répète, cela revient à la notion selon laquelle différents intérêts sont en jeu. Je suis très d'accord avec M. Wamback: si l'on sait que l'anonymat sera préservé, cela a pour effet d'annuler toute dissuasion dont pourrait faire l'objet le contrevenant proprement dit.

Enfin, je tiens à signaler—et, encore une fois, je suis d'accord avec lui—que tout le monde n'est pas porté à agir de la même façon. Sachant le problème que cela pourrait entraîner dans certaines familles, les gens seront peut-être portés à mieux surveiller leurs enfants et à mettre un terme à tout cela.

M. Jacques Saada: Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord. Si un adolescent a commis un crime suffisamment grave pour qu'on publie son nom, comment pouvez-vous présumer que c'est parce que les parents n'ont pas bien fait leur travail?

M. Scott Newark: Ce n'est pas ce que je dis.

M. Jacques Saada: Comment pouvez-vous isoler ce cas de celui d'un jeune qui est tout simplement si influençable qu'il s'est laissé entraîner par ses pairs dans ce problème? Comment pouvez- vous généraliser à ce point et penser un seul instant que la publication de son nom sera une bonne chose pour sa famille?

M. Scott Newark: Le critère auquel je pense n'est pas subjectif. Il faudrait que la personne ait commis un acte que vous, députés, jugeriez suffisamment grave. Ce serait là la différence. Compte tenu de cela, oui, monsieur, je n'aurais aucune hésitation à juger que ces facteurs mériteraient d'être publiés, compte tenu des faits. Ce n'est pas subjectif.

• 1925

Le sergent détective John Muise: Monsieur Saada, il y a des années que je me débats avec cette question, et j'ai défendu ceci et cela, mais je vous dirai que, peu importe s'il s'agit de la Loi sur les jeunes contrevenants ou du projet de loi C-3, tout cela revient à une chose, qui s'appelle la crédibilité. Il y a une chose que je ne cesse d'entendre de la part des adultes, des jeunes contrevenants, des victimes et d'autres jeunes, et c'est qu'on peut s'en tirer les mains blanches même si on commet les pires délits. Autre chose, cela revient à se cacher derrière la loi. Ce n'est pas différent de se cacher derrière un insigne de police ou derrière un uniforme, et c'est là qu'est le problème. Je le répète, il n'est pas question ici des jeunes qui volent à l'étalage ou qui font des graffitis. Ce que nous voulons, c'est établir une liste d'infractions qui, si elles étaient commises par des jeunes, les mèneraient devant le tribunal pour adultes, et établir certaines frontières. Pour vos amis ici du Comité de la justice et du gouvernement, ce sera une chose qui restaurera la crédibilité du système de justice pour adolescents. Je peux vous le garantir.

Le président: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président.

Il y a tant de questions que je voudrais poser.

Monsieur le détective, je vais revenir, si vous le voulez bien, à ce que vous avez dit au sujet de la police, qui exerce de toutes façons son pouvoir discrétionnaire, parce que mon expérience diffère sensiblement de la vôtre. Selon moi, c'était vrai lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants est entrée en vigueur. Mais durant les dernières années de ma pratique, lorsque j'avais affaire à de jeunes contrevenants, j'ai eu affaire à des cas qui n'auraient jamais dû se retrouver devant les tribunaux. Il y était question d'allégations comme un prétendu vol d'argent dans une case, et plutôt que ce soit l'école qui s'en occupe, cela se traduisait par une journée et demie en cour; dans un autre cas, un jeune a été accusé d'avoir pris un hamburger à la cafétéria et de ne pas l'avoir payé, et l'affaire s'est terminée au tribunal; ou, dans un autre cas encore, il était question d'un vol à l'étalage de cinq dollars, parce que Shoppers Drug Mart et Pharmasave disait que leur politique était de poursuivre quelque soit l'ampleur du vol.

Je vous comprends quand vous dites que certains policiers peuvent être insultés par ça et qu'ils disent, vous savez, nous le faisons de toutes façons. Mais cela nous permet effectivement de faire en sorte que ces affaires ne se retrouvent pas devant les tribunaux. Une personne du Manitoba nous a dit que les tribunaux dans cette province sont engorgés. Cela ne permettrait-il pas de dégager les tribunaux de ce genre de question pour les laisser s'occuper des crimes graves et des autres choses qui les intéressent—sans vouloir diminuer l'importance du vol, parce qu'un premier vol mène à un deuxième, puis à un troisième—d'une façon différente? Ne serait-ce pas une meilleure voie à suivre?

Le sergent détective John Muise: Monsieur Mancini, je suis de votre avis, et vous avez soulevé une question très légitime. Pour être franc, la grande majorité des vols et des méfaits ainsi que certaines voies de fait et certains actes isolés ne devraient pas être portés à l'attention des tribunaux, même si la blessure causée a une quelconque importance.

Mais ce qui me préoccupe, c'est le nivellement par le bas. Durant des années, j'ai éprouvé des problèmes à faire en sorte que les jeunes se manifestent. En fait, au bout du compte, nous réduisons les recours au système de justice pénale lorsque nous faisons flèche de tout bois. Prenez le cas où quatre ou cinq jeunes sont impliqués. Nous tentons de faire en sorte qu'ils se manifestent. Il peut ne pas y avoir de blessure. Nous finissons par accuser deux des cinq jeunes, et nous obtenons une ordonnance de cautionnement qui met un terme à tout cela.

Lorsque la police s'en mêle et qu'elle a besoin de déposer des accusations, la chose à retenir, c'est que la probabilité que cette chose devienne hors de contrôle disparaît tout simplement. C'est cela qui me préoccupe. Nous avons une agression prétendument mineure, cinq adolescents, dont deux sont responsables, et nous pourrons peut-être régler l'affaire grâce à une sanction extrajudiciaire. Ce qui va se produire, c'est que le jeune qui est la victime amènera son groupe ou son gang à le venger ou, parce que l'affaire n'a pas été réglée comme il le faut, les contrevenants vont dire: «Attends voir, cette fois-ci nous ne te manquerons pas. T'as fait une grosse gaffe.»

Je crains donc qu'il n'y ait inévitablement un nivellement par le bas. Ceux qui exercent un pouvoir discrétionnaire le font-ils toujours à la perfection? Non. Je dis donc: faites-le autrement. Cet article du projet de loi C-3 est dangereux. C'est ce qui va arriver. Il y a des jeunes qui finiront par faire des choses horribles parce que nous n'aurons pas réglé ça comme il se doit.

M. Peter Mancini: Pour être juste envers la police, je dirais qu'il lui faut un certain encadrement en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire. Je ne crois pas que ce soit que la police ne veuille pas utiliser le pouvoir discrétionnaire. Je crois que tout le monde a eu peur et a dit: «C'est une affaire de jeunes et je ne sais pas comment m'en tirer»—qu'il s'agisse du directeur de l'école, de l'enseignant ou du policier. Remettez donc ça entre les mains du tribunal pour que quelqu'un d'autre s'en occupe.

• 1930

Le sergent détective John Muise: Eh bien, j'affirmerais que cela met en jeu la formation et non pas la loi fédérale applicable, dans les faits, ce que certaines de ces choses finiront par... On dit que c'est non violent, mais les voies de fait sont incluses, comme le disait Scott. Ces choses seront incluses. C'est dangereux. Je dirais que c'est une question de formation. Je suis d'accord. Je ne crois pas que cela ait sa place dans notre législation fédérale sur les jeunes contrevenants.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais simplement revenir à l'histoire de la dissuasion. Le comité a entendu beaucoup de choses. Hier soir, un groupe de juges nous rappelaient qu'au siècle dernier, c'était la pendaison pour les voleurs à la tire et que pendant que les gens assistaient à la pendaison, les voleurs à la tire dans la foule faisaient leur oeuvre. Je ne suis donc pas tout à fait sûre d'être d'accord avec vous quant à la dissuasion.

J'ai été médecin de famille. Un grand nombre de mes jeunes clients se sont retrouvés en difficulté. D'après mon expérience, les jeunes ont simplement besoin que quelqu'un croie en eux et les écoute. Je ne suis pas sûre qu'au beau milieu des activités qu'ils ont avec d'autres jeunes, la dissuasion ne leur effleure même l'esprit. J'ai un peu de difficulté avec cela.

De fait, les enfants des foyers où la discipline est la plus stricte, ceux qui ont fait tout ce que leurs parents leur ont dit de faire, sont ceux qui ont fini par faire tout ce que les autres jeunes leur ont dit de faire. C'est parce qu'ils n'avaient pas intériorisé la distinction entre le bien et le mal. Ils ont besoin d'apprendre une façon différente de prendre des décisions eux- mêmes, car le fait de faire simplement ce que maman et papa leur ont dit de faire—une fois venue l'étape de la rébellion—les a laissés sans aptitudes utiles.

Dans le domaine de la médecine fondée sur l'expérience clinique, d'où vient l'idée que les mesures de dissuasion sont efficaces chez les jeunes? N'est-ce pas la raison pour laquelle il y a un régime distinct pour les jeunes, en raison de l'impulsivité et du fait que nous croyons pouvoir les remettre sur le droit chemin?

Je me préoccupe aussi de ce dont Mme McCuaig parlait, la raison pour laquelle ce jeune n'a pas été envoyé dans un camp militaire. Nous avons de bonnes raisons de croire que les camps de type militaire ne fonctionnent pas. Essentiellement, ils ne fonctionnent pas, et on est en train de les abandonner. Nous avons besoin de solutions communautaires pour ce qui touche le suivi fait auprès de ces jeunes.

Essentiellement, nous entendons dire au comité que ce sont les ressources qui posent des difficultés pour ce qui touche les mesures extrajudiciaires... Je suis un peu troublée par cela; je ne sais pas très bien si une punition ferait que ce jeune contrevenant serait plus heureux de la société ou encore si nous ne sommes tout simplement pas parvenus à bien expliquer à la société qu'il faut en fait faire les choses qui sont éprouvées, plutôt que de simplement faire sentir que...

Je crois que n'importe lequel d'entre nous, s'il était dans la situation de M. Wamback, irait mettre le grappin sur le gars. C'est évidemment une réaction humaine tout à fait normale. Je voudrais simplement savoir que nous choisirions, en tant que groupe, de faire quelque chose de plus bienveillant pour ce qui est de comprendre le cheminement de ce garçon.

M. Scott Newark: Je ne crois pas que quiconque—et je nous inclus certainement là-dedans—ait dit qu'il ne faut pas appliquer, ou même privilégier la réhabilitation légitime décrite dans ce projet de loi ou dans la Loi sur les jeunes contrevenants précédente. La difficulté dans ce que nous suggérons, c'est que c'est une application universelle qui ne fait pas comme il se doit la distinction entre les gens qui... Ce n'est pas leur première fois. Ils ont un casier judiciaire long comme le bras. Avec le respect que je vous dois, on croit qu'ils n'ont rien compris quand ils en sont à leur 15e arrestation pour introduction par effraction.

Les données empiriques que je vais évoquer concernent deux choses. Dans un cas, ce n'est pas empirique en fait; c'est comme anecdotique. Ayant été procureur de la Couronne pendant 12 ans, je sais que tout le monde ne parle pas le même langage, si vous me comprenez. Heureusement, la plupart des gens qui se retrouvent devant un tribunal pénal, surtout un tribunal pour adolescents, selon mon expérience, sont plus susceptibles de modifier leur conduite et commencent à comprendre que c'est une bonne idée de le faire. Mais ce n'est pas toujours vrai.

Mme Carolyn Bennett: D'accord, mais en quoi le tribunal pour adultes aide-t-il ces jeunes?

M. Scott Newark: Je vous dirais que c'est en raison de la certitude de la chose, du fait qu'elle ne soit pas artificielle. J'entends par là les sanctions accrues pour quiconque, par exemple, en est à sa 15e introduction par effraction ou à son 10e vol de voiture ou qui a commis une infraction grave et violente. Si on se concentre sur ce groupe pour insister davantage sur les principes de la détermination de la peine—dans le cas qui nous occupe, les mesures de dissuasion—, la sécurité publique s'en trouvera améliorée.

Mme Carolyn Bennett: Le public est donc en sécurité, mais pour combien de temps? Tant et aussi longtemps que le jeune est enfermé.

M. Scott Newark: Permettez-moi de vous parler d'une étude empirique que je connais.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais avoir aussi, pour l'aspect thérapeutique...

Le président: Dernière question, Carolyn.

• 1935

Mme Carolyn Bennett: Nous avons accueilli le témoignage de l'Institut Philippe-Pinel, au Québec. Les gens y traitent là les cas problèmes et croient qu'une approche fondée sur des soins thérapeutiques intensifs sert mieux l'intérêt public en dernière analyse.

M. Scott Newark: La meilleure protection pour le public, c'est si le contrevenant décide d'abandonner la conduite répréhensible.

Mme Carolyn Bennett: Oui.

M. Scott Newark: Il n'y a absolument aucun doute là-dessus. La difficulté avec cela, c'est que ce n'est pas une vérité universelle qui puisse s'appliquer à tous—ce n'est pas tout le monde qui est également réhabilitable. Je présume que vous allez probablement être d'accord avec cela.

Mme Carolyn Bennett: Oui.

M. Scott Newark: La seule étude empirique que je vous proposerais peut-être de consulter ne porte pas en fait sur les jeunes; elle porte sur les adultes. C'est le taux de récidive...

Mme Carolyn Bennett: Non...

M. Scott Newark: Laissez-moi simplement finir. Elle porte sur les taux de récidive chez les gens qui ont été détenus et qui ont purgé leur peine intégrale. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, le taux correspond à moins que la moitié de celui des gens qui ont obtenu une libération conditionnelle anticipée.

Dans ma vision des choses, cela me dit que ce groupe particulier, le pire groupe de contrevenants, comprend...

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Newark, vous nous citez des statistiques concernant les adultes pour une chose qui précisément...

M. Scott Newark: Vous avez demandé des renseignements empiriques.

Mme Carolyn Bennett: Non. Je voulais connaître la situation des jeunes.

Le président: Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Scott Newark: Peut-être que le comité voudrait y jeter un coup d'oeil.

Le président: C'est une explication très savante des chiffres auxquels M. Newark fait allusion. Je crois qu'il sait à quoi ressemblerait notre explication des chiffres en question. Nous n'avons pas le temps d'aborder cela ici. Comme Carolyn l'a mentionné, cela porte sur les adultes. Je ne voudrais pas que les gens aient l'impression que c'est forcément un fait établi, que la signification de ces statistiques...

M. Scott Newark: Non, non. Je donne une interprétation. L'autre interprétation, c'est que ce ne sont pas les bons qui sont détenus.

Le président: Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Laissez-moi le dire, il est assez difficile de bien comprendre le sens de tous ces chiffres de nos jours.

Nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à la question de la responsabilité des parents. Il y a encore la question des renvois à la juridiction normalement compétente, dont quelques témoins nous ont parlé. Je suis hanté par cette image de jumeaux birmans à la tête de quelque 1 200 soldats. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre l'a vue. Il y en avait un qui fumait comme une cheminée, et les deux se croyaient invincibles et avaient tué on ne sait pas combien de gens. L'image d'un jeune capable d'une telle violence m'a vraiment frappé.

Nous discutons d'une proportion très faible de jeunes qui s'adonnent à des actes criminels. Chez les jeunes de dix ou onze ans qui tournent mal et posent une menace grave, que ce soit par la violence du geste ou la répétition des actes, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un mécanisme déclencheur pour qu'ils soient mis dans un système, particulièrement un système qui est censé être bien réglé à l'entrée? Vous savez: les mesures préventives, les mesures de rechange, la justice réparatrice, une mesure qui est censée être plus bienveillante et les garder à l'écart des systèmes traditionnels, qui ne les met pas en prison. Est-ce que nous ne devrions pas avoir une façon de procéder qui permet aux jeunes de dix ou de onze ans de se prévaloir d'un tel système plus tôt?

Mme Theresa McCuaig: J'ai discuté de cette question justement avec une travailleuse des services à l'enfance il n'y a pas très longtemps. Je lui ai demandé ce qui arrive, disons, à un garçon de dix ans qui commet un acte criminel. Elle m'a dit que c'était une bonne question. Très souvent, les jeunes de 8, 9 ou 10 ans qui sont perturbés mettent le feu. Parfois, les incendies causent des morts ou détruisent des meubles. Les petits animaux en souffrent et ainsi de suite. Ils sont très malades.

Je lui ai demandé ce qui arrive à ce moment-là. Elle a dit que les parents remettaient l'enfant entre les mains de la police et que la police remettait l'enfant entre les mains des services à l'enfance. Je lui ai demandé ce qui arrive à ce moment-là. Elle a dit: «Cela ne veut pas dire que nous allons prendre l'affaire en main. Cela ne veut pas dire qu'il deviendra l'un de nos clients.» J'ai dit: «Ah, c'est sidérant. Qu'est-ce qui arrive s'il ne devient pas l'un de vos clients?» Elle a dit: «Eh bien, je ne sais pas.»

M. Peter MacKay: Que fait la police?

Le sergent détective John Muise: Monsieur MacKay, d'un point de vue pratique, voici ce qui arrive si un jeune de onze ans qui a votre taille—et il y en a—poignarde quelqu'un dans le ventre.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Des voix: Oh, oh!

M. Peter MacKay: Un gouvernement très respectueux. Veuillez continuer.

Le sergent détective John Muise: Ça ne me dérange pas. J'ai assisté à la période de questions aujourd'hui; je comprends.

M. Peter MacKay: Oui, vous avez assisté à la période de questions.

Le sergent détective John Muise: Il poignarde donc quelqu'un dans le ventre. La police est bel et bien appelée à intervenir, car—Dieu du ciel—c'est une affaire vraiment grave. Nous l'appréhendons, car c'est un enfant qui a besoin de protection en application de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille ou à la loi équivalente au Nunavut ou en Colombie-Britannique. Je crois qu'elles sont toutes assez semblables.

Certes, en Ontario, nous l'emmenons dans un lieu sûr, à moins qu'il n'ait une quelconque maladie grave. Le voilà qui arrive en ce lieu sûr, et il est de la même taille que vous, car il mange ses céréales de blé entier, et comme il a onze ans, il peut sortir par la porte arrière, et tout est joué. Nous n'avons pas servi ainsi la collectivité, car il pose clairement une menace pour la sécurité publique. Nous n'avons pas bien servi le jeune non plus. Quelque chose de terrible va arriver.

• 1940

Je ne veux pas lyncher les jeunes de dix ou onze ans qui ont commis un vol à l'étalage. Je ne veux pas les pendre sur la place publique. Mais je crois certainement qu'il devrait y avoir un mécanisme pour régler les affaires des jeunes de dix ou onze ans qui commettent des crimes graves comportant de la violence. Je suis policier et non pas avocat, mais il me semble que, si nous parlons de criminalité, voilà qui entre dans le champ d'action du projet de loi fédéral.

M. Peter MacKay: S'il y a ce genre de renvoi à la juridiction normalement compétente dans le système, équivalent du renvoi à la juridiction normalement compétente du tribunal pour adolescents au tribunal pour adultes, n'est-ce pas un peu comme—et je n'insiste pas trop sur l'analogie—la preuve par l'ADN? C'est aussi une question d'exonération. C'est aussi le fait de donner à un jeune de dix ou onze ans des droits qu'il n'aurait peut-être pas dans un système de services à l'enfance.

Mme Theresa McCuaig: D'accord.

M. Peter MacKay: C'est variable d'une région du pays à l'autre. S'il y avait la possibilité de renvoyer un jeune dans un système, cela fonctionnerait aussi à son avantage et lui permettrait d'obtenir de l'aide plus rapidement.

Le sergent détective John Muise: Ils devraient avoir des droits. S'il est question d'un problème de santé mentale, alors il faut le régler. Il existe des dispositions dans la législation provinciale sur la santé mentale. Si ce n'est pas un problème de santé mentale et que le jeune a commis un acte criminel grave, il devrait avoir des droits. C'est un citoyen canadien.

M. Scott Newark: Ce qui me préoccupe avec cette loi, c'est que l'an prochain, nous allons faire la même chose avec les jeunes de neuf ans.

Évidemment, les intentions sont bonnes et tout le reste, et dans la mesure où le système de justice pénale pourrait donner lieu à une intervention qui serait utile d'une manière ou d'une autre, alors c'est très bien. Mais je crois qu'il faut être prudent avant de criminaliser une conduite, même si l'acte à l'origine est lui- même criminel. En fait, nous mettons peut-être le doigt sur une lacune de la législation existante en matière de services à l'enfance, plutôt que de les faire entrer là-dedans.

Comme je le dis, ce qui me préoccupe, c'est que l'an prochain, nous allons tomber sur le cas de jeunes de neuf ans qui font des choses comme celles-là aussi—et cela arrivera. Je crois que l'idée est importante, mais je ne suis pas sûr que la solution soit la bonne.

Le président: Merci beaucoup.

Je dois m'excuser et demander à M. Grose de venir occuper le fauteuil à ma place. Si cela ne dérange pas les membres, il y a une question qui me trouble, et j'aimerais que le groupe réponde rapidement à cela.

Il a beaucoup été question de la confiance du public, terme qui est dans une certaine mesure un euphémisme: quelle que soit la situation réelle... Scott, à quelques reprises, s'est en fait abstenu de porter un jugement sur la mesure dans laquelle la confiance du public repose sur une analyse rigoureuse ou trop critique de l'ancienne loi et ainsi de suite.

La question est donc: si nous sommes forcés en tant que comité de choisir entre la voie indiquée, celle qui nous paraît légitime compte tenu d'une somme considérable de renseignements, mais que nous devons aussi reconnaître que dans tout cela, la perception du public est très différente de ce que nous assimilons à la voie indiquée, à quel moment serait-il répréhensible pour nous de choisir une voie que nous savons erronée, mais dont nous savons aussi qu'elle est considérée comme étant la bonne aux yeux du grand public, dans l'intérêt de la confiance du public à l'égard du système de justice pour les jeunes?

C'est une question d'une importance critique: chaque fois que les gens viennent ici, ils en parlent. Nous débattons de statistiques et parfois nous lançons nous-mêmes le débat, de sorte que nous ne sommes pas vraiment sûrs des statistiques, mais en réalité, nous savons ce que pensent les gens. Nous situons le débat dans ce contexte, plutôt que dans le contexte empirique qui devrait régir les orientations de l'État.

Qu'est-ce que nous devrions faire? Choisir par conviction la voie qui nous paraît indiquée, même si cela suppose un défi énorme sur le plan des relations publiques ou de l'éducation, à savoir qu'il faut convaincre le grand public que cela fonctionne—ou faut- il se ranger du côté du sentiment public très dominant, selon lequel le système doit être plus sévère pour qu'il soit plus sévère?

M. Scott Newark: Au risque de révéler quelque chose, on dirait presque une question que l'on entendrait à une assemblée du Parti réformiste à propos du rôle exact du député.

Permettez-moi d'être absolument...

Le président: C'est la première fois qu'on m'accuse d'être réformiste, mais, enfin, continuez.

M. Scott Newark: La question a été débattue. En fait, c'est une question philosophique importante dans une démocratie. Nous avons consacré le dernier segment d'une carrière, je suppose, à essayer d'une façon ou d'une autre de convaincre les députés de certaines vues. Je n'hésite pas du tout à dire: faites ce qui vous semble indiqué.

Le président: Merci.

Monsieur Wamback.

M. Joseph Wamback: Je dois réitérer ce que M. Newark a dit. Nous devons tous choisir la voie qui nous paraît indiquée en notre âme et conscience. Est-ce bon pour nous ou bon pour le pays? C'est la question que vous devez vous poser, il me semble.

• 1945

Le sergent détective John Muise: Donner de la crédibilité à la loi et—j'irais encore plus loin—agir selon sa conscience en ce qui concerne les criminels très violents entrent en ligne de compte—et si vous redonnez de la crédibilité au système de justice pour les jeunes, vous aurez agi correctement.

Mme Theresa McCuaig: Si un enfant meurt aux mains d'un jeune contrevenant qui reçoit une peine d'emprisonnement de deux ans parce que, ah bon, il est prouvé que c'est comme cela qu'il faut agir pour le corriger et le redresser, comment justifier cela auprès du public? Celui-ci n'accepte pas cela.

Le président: Merci, et voici Ivan.

M. Scott Newark: Soit dit en passant, nous vous avons dit de le faire correctement.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je m'excuse d'être en retard. À propos de la réponse de M. Wamback: il distingue ce qui est bon pour le comité et ce qui est bon pour le pays, réponse qui m'a intrigué. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus long là-dessus.

M. Joseph Wamback: Je crois que les 706 000 personnes qui ont communiqué avec moi et ont signé ma pétition me disent quelque chose. Ils me disent que le système existant ne leur inspire aucune confiance.

Ils me disent aussi—et c'est ce que je crois moi-même personnellement—que nous devons, en tant que société, reconnaître que le fait d'enlever la vie à un être humain est un acte répugnant, dégoûtant. Nous devons reconnaître que c'est une infraction qui est punissable par incarcération.

Il ne faut pas prendre cela à la légère. Au plus profond de mon âme, je crois qu'il n'y a rien de plus précieux que la vie humaine, qu'elle soit celle d'un enfant, d'un adulte ou d'une personne âgée, dans notre pays, et nous ne pourrons prendre à la légère l'élimination d'une vie. Nous devons établir, y compris en droit, que quiconque cherche délibérément à mutiler ou à assassiner un autre être humain subira des conséquences graves et sera aux prises avec une situation très sérieuse.

M. Paul DeVillers: Mais selon l'hypothèse du président, toutes ces circonstances avaient été prises en considération et l'alternative consistait à savoir, dans le contexte, s'il fallait se régler sur sa propre conscience ou sur l'opinion publique.

M. Joseph Wamback: J'ai interprété cela comme étant le fait d'agir correctement devant la perspective d'adopter ce projet de loi sous sa forme actuelle. Je m'excuse si j'ai mal compris la question.

M. Paul DeVillers: Oui, c'est pourquoi j'avais...

M. Scott Newark: Puis-je souligner un aspect des choses, si nous élargissons le débat? Sérieusement, je prierais chacun d'entre vous de se demander si cela convient que le projet de loi que vous êtes appelés à étudier définit une «infraction violente» comme excluant les voies de fait simples. J'avancerais que cela ne convient pas.

Ce n'est pas tant que ce soit un débat général où je succomberais à cette perception d'une demande à l'égard de quelque chose d'autre. Si vous me le permettez, je dirais que c'est dans la façon de concilier sa conscience propre—ce serait l'approche d'Edmund Burke, libéral bien connu—et les obligations du député, et les responsabilités publiques. Il me semble que c'est la façon d'y arriver, mais il faut se pencher sur les particularités du texte, et c'est un projet de loi long, compliqué et complexe. Mais il me semble que c'est la façon de concilier les choses.

Le sergent détective John Muise: Comment se fait-il qu'un jeune ayant 18 ans et un mois soit assujetti aux principes de la détermination de la peine, y compris les mesures générales et particulières de dissuasion et la dénonciation de la part de la société, mais que le jeune ayant 17 ans et 11 mois y échappe?

Je crois que c'est simplement une question de séparer les meurtriers des enfants qui s'amusent à faire des graffitis. C'est simplement cela. C'est fondamentalement ce que nous demandons, avec quelques autres choses. Cela rétablira la crédibilité, et je vous dirais que ce serait une façon d'agir correctement.

M. Paul DeVillers: Oui, mais cette sorte de délimitation s'applique à tout. M. Saada vient de parler de l'âge qu'il faut avoir pour voter, de l'âge de la majorité. Notre société fonctionne selon des lignes tracées arbitrairement.

• 1950

Le sergent détective John Muise: D'accord. Je ne suis qu'un policier, mais j'ai de la difficulté à comprendre la différence entre un meurtrier qui a 18 ans et un mois et un meurtrier qui a 17 ans et 11 mois. Je ne comprends pas cela. Je crois qu'il y a une marge de manoeuvre de ce point de vue, et je comprends le fait que nous créons des mesures arbitraires, mais je propose que cela ne s'applique pas à une telle situation. C'est de la sécurité publique dont il est question.

M. Scott Newark: De ce point de vue, la question pertinente est non pas tant l'âge, mais plutôt l'infraction. La balance penche un peu de ce côté-là lorsqu'il est tenu compte de la nature de l'infraction elle-même.

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je voulais simplement souligner que ces perceptions ne se trouvent pas uniquement chez le grand public. J'ai déjà entendu un juge faire remarquer—et c'était un juge qui était connu pour sa clémence envers les jeunes contrevenants, envers les gens en général—au moment de condamner à la prison à perpétuité un jeune contrevenant de 15 ans, sans possibilité de libération conditionnelle pour sept ans—au côté de son complice, qui avait 19 ans—c'est le plus jeune qui avait été le cerveau de l'opération, qui avait conçu l'infraction, le vol et le meurtre; or, le juge voulait lui imposer la même peine que son complice plus vieux, mais le Parlement ne l'autorisait pas. Cela, de la part d'un juge relativement clément.

Ma question s'adresse à Mme McCuaig et à M. Wamback. J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez des mesures extrajudiciaires et, lorsque vous les jugez appropriées, des mesures de rechange.

Mme Theresa McCuaig: Je suis favorable aux mesures de rechange. Je suis favorable à n'importe quoi.

On me dit de nos jours qu'un enfant perturbé peut être repéré à l'âge de cinq ans. L'enseignant vous le dira: une fois qu'ils ont 12 ans, on peut vous dire qui se retrouvera en prison. Je me dis que s'il est si facile de les identifier assez tôt, pourquoi ne pas investir dans nos jeunes, travailler vraiment avec eux et concevoir des programmes d'intervention pour eux, verser des subventions pour les activités sportives pour qu'ils s'occupent et ne traînent pas dans la rue? Pour l'argent que nous aurions à investir jusqu'à ce qu'ils aient 15 ans, nous économiserions des millions de dollars plus tard en fait de justice pénale, de probation et de services funéraires.

J'aime bien le programme de solutions de rechange. Savez-vous pourquoi? Je l'ai vu. C'est bien. Je ne parle pas ici d'un cas où on donnerait au jeune sa 15e chance de se reprendre. Je parle d'une seule fois. Mais au moins, c'est mieux que s'il devait aller en cour, être libéré sous surveillance et ne pas même savoir ce qui s'est passé dans la salle du tribunal. J'ai vu cela à maintes reprises.

Lorsqu'il rencontre la victime face à face, de son propre gré, qu'il est prêt à faire amende honorable, eh bien, c'est une sorte de réparation. Il assume la responsabilité à l'égard du crime qu'il a commis. Les gens qui travaillent là-dessus me disent que la victime et le contrevenant deviennent souvent des amis. Ils deviennent de grands amis même. Ils s'attachent l'un à l'autre, et c'est un peu comme si l'un devenait le grand frère de l'autre. Au moins, c'est plus équitable que le fait de dire à un jeune: va-t- en, tu es en liberté surveillée, et viens te présenter une fois par mois—si ça te dit.

M. Joseph Wamback: Je suis d'accord pour dire que les mesures extrajudiciaires sont appropriées, mais pourquoi ce projet de loi en particulier oublie-t-il la victime? Je crois que la victime devrait participer.

Mme Theresa McCuaig: Oh oui, assurément.

M. Chuck Cadman: Avec les mesures extrajudiciaires, c'est habituellement le cas.

M. Joseph Wamback: Ce n'est pas ce que j'en sais.

Mme Theresa McCuaig: Certaines victimes ne le souhaitent pas.

M. Joseph Wamback: Il est question de délits ici. Ce ne sont pas...

M. Chuck Cadman: Eh bien, c'est justement ce que je disais. À quel moment est-ce approprié et à quel moment n'est-ce pas approprié?

M. Joseph Wamback: Pour les infractions mineures contre les biens. À mon avis, cela ne convient pas aux crimes violents perpétrés contre un autre être humain.

Nous devons reconnaître, en tant que société, que la protection des innocents a une importance primordiale.

M. Scott Newark: J'ajouterais aussi que vous pourriez peut- être, en étudiant la possibilité de recourir largement aux mesures de rechange, envisager l'incidence que cela a sur la victime, car il existe, de fait, des circonstances où il n'est pas possible, par exemple, pour la victime, de déterminer de quelque façon que ce soit si l'affaire donnera lieu à des poursuites ou non. La loi elle-même en fait beaucoup pour enlever aux citoyens individuels le pouvoir d'être en désaccord avec l'exercice de l'autorité de la part de la Couronne et d'engager des poursuites de manière privée. Je vous proposerais d'étudier cela, et aussi de voir comment une victime est avisée de la décision prise, qui est la personne, ce qui lui est arrivé dans les faits.

C'est déficient. Je ne veux pas passer cela en revue avec le peu de temps qu'il nous reste, mais si vous situez ces articles dans ce contexte prédominant et posez la question aux responsables de la justice, en présumant qu'ils reviendront, que ce soit précisément en rapport avec cette question ou non, je crois que vous allez constater qu'il y a lieu d'apporter des modifications là aussi.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Newark.

Monsieur Maloney.

• 1955

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Mes questions porteront sur deux points.

Pour ce qui est de la dernière question—les victimes qui ne peuvent participer—la loi envisagée autoriserait les déclarations de la victime. La victime serait appelée à envisager des mesures extrajudiciaires dans son cas particulier. La victime participerait certainement plus avec cette loi qu'avec la Loi sur les jeunes contrevenants, et je crois qu'il est important qu'elle le fasse. Ça ce trouve dans l'ensemble de la loi.

Mme Theresa McCuaig: Nous avons ce rapport.

M. John Maloney: Eh bien, on met l'accent là-dessus, on insiste là-dessus.

Mon dernier point prendra la forme d'une observation et d'une question que je vous poserai à propos de la crédibilité. Il est tout à fait étonnant de constater le nombre de personnes qui sont venues témoigner devant nous à propos de ce projet de loi et qui ont commencé par dire que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas si mauvaise, c'est simplement qu'elle n'a pas été appliquée correctement. C'est devenu la loi que tout le monde adore détester, malgré le fait que lorsqu'on demande aux gens ce qu'ils n'aiment pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on apprend qu'ils ne l'ont jamais lue. Ils ne savent rien de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il y avait même ici hier une jeune femme dont le frère agent de police est mort aux mains de jeunes contrevenants à la suite d'une poursuite en voiture. Après la campagne énergique qu'elle a menée là-dessus, elle est abasourdie de constater le nombre de collègues de son frère qui ne connaissaient pas les dispositions particulières de la loi.

Allez-vous regarder comment cette nouvelle loi fonctionne ou allez-vous la battre en brèche avant même que les choses ne se mettent en branle? Allez-vous lui donner une chance?

Nous sommes installés ici autour de la table, et il y a d'abord un groupe de témoins qui vient nous dire que le projet de loi est l'invention du siècle. Le groupe suivant arrive et dit, à propos du même article, que c'est horrible, tout simplement terrible. Le dilemme auquel font face toutes les parties représentées ici, c'est de savoir que faire de cette loi. Il sera impossible de plaire à tous, mais nous allons essayer de faire de notre mieux avec les outils à notre disposition.

M. Joseph Wamback: Pour répondre à cette question, je vais employer la seule analogie que je comprenne vraiment. J'ai une formation en ingénierie et en construction. Quand je reçois une série de dessins qui ont un vice fondamental et que je donne pour consigne à un groupe d'ingénieurs et d'architectes de retravailler, de reconcevoir la chose pour compenser les lacunes fondamentales de la conception, je me retrouve avec quelque chose qui est encore bien pire et qu'il a fallu plus de temps pour produire que si j'avais renvoyé les gens à la case de départ et que je leur avais demandé de préparer des documents appropriés. Voilà mon analogie.

M. Scott Newark: J'ai lu la Loi sur les jeunes contrevenants. Je peux vous dresser une liste des choses qui ne vont pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Je serai heureux de le faire, à la fin, monsieur... J'ai établi ces questions—et je me suis arrêté à 12—où les lacunes sont au moins aussi graves que dans la Loi sur les jeunes contrevenants ou pires en ce qui concerne les victimes. Je vous donnerai la liste après, avec une référence au numéro de l'article.

M. John Maloney: Dans votre mémoire?

M. Scott Newark: Oui.

M. John Maloney: Nous vous en saurions gré.

Le sergent détective John Muise: J'ai lu la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-3, et nous avons abordé quelques aspects de la chose. Je pourrais en parler à l'infini. Nous pourrions commencer par les définitions et puis la déclaration de principes, puis traiter des sanctions extrajudiciaires, des dispositions relatives au renvoi à la juridiction normalement compétente et ainsi de suite.

Je comprends votre observation initiale et je comprends votre point de vue. Il y a un élément de vérité dans ce que vous dites, mais je crois que le projet de loi C-3 n'est qu'une sorte de jeu des gobelets. Si vous voulez agir correctement et avoir le bon système de justice, qui, selon moi, inclurait la crédibilité, j'écouterais soigneusement l'analogie de M. Wamback. Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Peter MacKay, étonnez-moi. Mettez un terme au débat avec une question et une réponse courtes, mais bien senties.

M. Peter MacKay: Eh bien, pour ne pas trop donner dans la philosophie, je vous rappelle que M. Newark a fait allusion à ce grand libéral, Burke. Je crois que c'est Burke qui a dit: pour que triomphe le Mal, il suffit que des hommes et des femmes de bien ne fassent rien. Je ne crois pas que le comité soit prêt à ne rien faire.

Nous apprécions énormément votre apport. L'opinion publique importe bel et bien. Votre opinion importe. C'est ce qui a changé la politique du gouvernement concernant la LNH. Nous savons donc que cela importe. Ça peut changer rapidement.

Je veux poser une question très rapidement sur la politique de libération d'office. Dès que la séance sera levée, nous allons entreprendre d'étudier la façon de démanteler la libération d'office dans le système de justice pour les adultes. N'est-ce pas que la nouvelle loi sur le système de justice pénale pour les jeunes adopte justement la libération d'office?

M. Scott Newark: Il est dommage que M. Scott ne soit plus là. Nous avons déjà discuté de cela à une époque plus heureuse.

M. Peter MacKay: Je suis désolé de n'avoir pu être plus succinct.

• 2000

M. Scott Newark: Je crois que vous devriez retourner à la case départ, mais si vous commencez avec quelque chose d'entièrement neuf, je ne peux imaginer un fardeau plus lourd pour le système de justice pour les jeunes que les dispositions existantes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en ce qui concerne la mise en liberté et le caractère secret de cela, la façon dont on y traite artificiellement des peines pour les crimes commis par quelqu'un qui est en liberté surveillée. Il y a des choses qui manquent dans cela. Nous pourrions nous étendre là-dessus pendant un bon bout de temps. Le fait que vous fassiez ça, cela ne me semble pas une bonne idée du tout.

Encore une fois, la plupart des gens ne sont pas conscients du fait que l'effet net en ce qui concerne... ce n'est pas rattaché. Cela fait maintenant partie de la peine imposée. Je vous dirais que si vous voulez faire cela, trouvez une autre façon que celle qui est prévue dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Newark. Je crois que nous nous sommes très bien accordés, vous et moi, mais vous avez rapidement décrié le fait que M. Scott n'était plus ici.

Je voudrais clore la séance. Je tiens à remercier les témoins, surtout monsieur Wamback. Étant moi-même père et grand-père, je peux concevoir que votre douleur est inimaginable. Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait bénéficier d'une perspective que personne n'a ici. Merci beaucoup, encore une fois.

M. Joseph Wamback: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): La séance est levée.