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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 0911

[Traduction]

Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance du Comité de la santé est ouverte. Comme vous le savez, notre ordre du jour d'aujourd'hui a trait au Projet de loi C-13, Loi portant création des instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence.

Je suis désolé que la réunion commence en retard. Je vous rappelle qu'il y a parfois des conflits dans l'emploi du temps des députés, mais nous sommes suffisamment nombreux pour que la réunion commence maintenant. Nous avons plusieurs témoins à entendre aujourd'hui.

Des documents vous ont été remis. Certains d'entre eux sont en anglais seulement parce que nous ne les avons pas reçus suffisamment à l'avance pour les faire traduire. Nous les ferons traduire le plus tôt possible puisque tous nos documents doivent être dans les deux langues officielles. Comme c'est notre pratique, nous verrons à les faire traduire dans les plus brefs délais.

J'ai deux renseignements à vous communiquer. Vous vous souviendrez que M. Martin a présenté une motion, qui a été adoptée à l'unanimité par le comité, voulant que le ministre de la Santé soit invité à comparaître devant le comité avant le 6 décembre dans le cadre de notre étude du budget supplémentaire. Comme nous lui avions demandé de le faire, la greffière a transmis notre demande au bureau du ministre. Je tiens à vous informer du fait qu'il ne peut malheureusement accepter notre invitation.

Comme nous voulons faire rapport du projet de loi C-13 à la Chambre avant le 10 décembre, le ministre a dit qu'il essaierait de comparaître devant le comité avant cette date, soit peut-être le 8 décembre. Nous attendrons donc de savoir s'il peut alors comparaître devant le comité au sujet du projet de loi C-13.

Cela étant dit, nous avons plusieurs témoins à entendre aujourd'hui dont certains doivent nous quitter tôt. Voilà pourquoi je propose que nous commencions sans tarder.

Docteur Steinbach, vice-président du Conseil de la recherche en santé de la vision du Canada, voulez-vous bien commencer?

Dr Martin J. Steinbach (vice-président, Conseil de la recherche en santé de la vision du Canada): Je vous remercie.

On vous a distribué un exemplaire de ma déclaration préliminaire. J'ai d'autres exemplaires de cette déclaration pour ceux qui ne l'auraient pas déjà.

Monsieur Myers et mesdames et messieurs, c'est un grand honneur pour moi de prendre la parole devant le comité ce matin pour discuter du bien-fondé du projet de loi C-13 et de la création des instituts de recherche en santé du Canada.

Ce projet de loi suscite mon intérêt parce que j'oeuvre depuis 31 ans comme chercheur scientifique actif et subventionné par le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé de la vision au Canada. J'assume actuellement les fonctions suivantes: vice-président du Conseil de la recherche en santé de la vision du Canada; directeur du programme de recherche en sciences de la vision du Toronto Western Hospital; professeur d'ophtalmologie à l'Université de Toronto et directeur de la recherche en ophtalmologie; et professeur de psychologie et de biologie à l'université York et membre fondateur du Centre de recherche sur la vision de cette institution.

Le Conseil de la recherche en santé de la vision est un organisme privé regroupant des scientifiques et des professionnels de la santé de la vision de tout le pays qui ont tous à coeur l'avancement de la recherche dans ce domaine. Le Conseil est présidé par le Dr Jean-Réal Brunette, un éminent ophtalmologiste de Sherbrooke, au Québec, et son conseil d'administration comprend des optométristes, des ophtalmologistes, des fondamentalistes et des représentants de l'industrie, d'organismes professionnels et d'organismes de bienfaisance. C'est le seul organisme de ce genre au Canada, et je suis autorisé à parler en son nom.

• 0915

Nous appuyons sans réserve le projet de loi C-13 et toutes ses ramifications. Même si nous appuyons ce projet de loi en général, le comité comprendra que nous utiliserons, pour expliquer notre appui, des exemples venant des sciences et des soins de santé que nous connaissons le mieux, c'est-à-dire de la recherche en matière de vision et d'ophtalmologie et des soins de santé connexes.

Les IRSC ont pour mission d'exceller dans la création de nouvelles connaissances et dans leur application en vue d'améliorer la santé de la population canadienne.

Pour nous, il est clair que la santé de la vision des Canadiens à tout à gagner avec la création d'un institut de recherche en santé car nous pourrions ainsi obtenir plus de fonds pour la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Au Canada, des subventions d'environ 14 millions de dollars sont accordées annuellement à la recherche en santé de la vision. C'est très peu. Aux États-Unis, la recherche en santé de la vision est financée à l'échelon fédéral par l'intermédiaire du National Eye Institute qui fait partie des National Institutes of Health. Le budget actuel de cet institut s'élève à 400 millions de dollars US, soit environ 600 millions de dollars canadiens. En prenant le ratio de comparaison habituel Canada-États-Unis de 1 pour 10, nous devrions disposer de 60 millions de dollars canadiens. Le budget accru des IRSC permettra de combler cet écart dans la recherche en santé de la vision ainsi que dans les autres secteurs de la recherche en santé qui sont sous-financés depuis nombre d'années.

En deuxième lieu, la création de cet institut nous permettra de développer une capacité de recherche et de favoriser la recherche interdisciplinaire. Le Conseil de recherche sur la santé de la vision a recensé près de 300 fondamentalistes en cliniciens oeuvrant dans les sciences de la vision au Canada. Ces scientifiques sont dispersés dans divers départements et établissements et, très souvent, ils font déjà des recherches interdisciplinaires. L'excellence garantie par le système de pairs des IRSC contribuera sûrement à augmenter le nombre de ces chercheurs et à favoriser leur enrichissement mutuel, en plus d'inverser l'exode des cerveaux.

Troisièmement, cet institut permettra de traiter les nouvelles menaces pour la santé. Le vieillissement de la population au Canada conduira à une crise dans la santé de la vision des citoyens si nous ne prenons pas sans tarder des mesures pour en traiter les causes sous-jacentes. Nous ne pouvons rien contre le vieillissement. Par contre, nous devons faire quelque chose face aux risques accrus de glaucome, de dégénérescence de la macula, de rétinopathie diabétique (que l'on retrouve surtout chez les Autochtones), entres autres causes de la cécité et de la perte de vision liées à l'âge.

L'Institut national canadien pour les aveugles compte chaque année 10 000 nouveaux clients de plus, et ce nombre ira sûrement en augmentant. Axer la recherche sur les aspects fondamentaux et cliniques de ces maladies de la vision et des autres maladies causant une baisse de la vision et informer les citoyens de l'importance d'un diagnostic précoce sont des aspects des IRSC qui permettront d'améliorer la santé de tous les Canadiens.

Quatrièmement, la création de l'institut favorisera la collaboration à l'échelle internationale. Le directeur du National Eye Institute des NIH nous a envoyé une lettre dans laquelle il évoquait les possibilités de collaboration présentées par les IRSC. Dans sa lettre, qui est jointe à la présente, le Dr Carl Kupfer parle, et je le cite,

    [...] de l'énorme potentiel de contribution à la recherche en santé de la vision et de la collaboration énergique pour l'atteinte de nos buts et objectifs communs. Pour les citoyens de nos deux pays et, en fait, du monde entier, cela signifiera des progrès plus rapides pour soulager les souffrances causées par la cécité et les troubles visuels et une amélioration de la santé de la vision à l'échelle mondiale.

Pour terminer, même si mes exemples se rapportaient à la santé de la vision des Canadiens, les mêmes arguments en faveur des IRSC pourraient être repris pour de nombreux autres secteurs de la santé. Les IRSC sont un très bel exemple d'une initiative de grande envergure permettant de revitaliser la recherche en santé au Canada. On pourra sentir et voir leurs avantages pendant plusieurs générations.

Merci de votre attention et merci, monsieur le président, de m'avoir permis d'exprimer mon point de vue.

• 0920

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Steinbach, de cette déclaration préliminaire.

Voici comment nous allons procéder. Nous allons permettre à chacun de vous de nous présenter son point de vue à tour de rôle. J'ouvrirai ensuite la période des questions.

Le Dr Yip est vice-doyen de la recherche à l'Université de Toronto.

Docteur Yip.

Dr Cecil Yip (vice-doyen de la recherche, Faculté de médecine, Université de Toronto): Je vous remercie, monsieur Myers, de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité.

J'occupe le poste de vice-doyen de la recherche de la Faculté de médecine à l'Université de Toronto. Je suis également titulaire de la chaire Charles H. Best en recherche médicale, chaire créée en mémoire de Dr Charles Best qui a découvert l'insuline avec le Dr Banting. Je suis également professeur agrégé du département de recherche médicale Banting et Best et du département de physiologie. Je cumule donc plusieurs fonctions.

Je vous parle aujourd'hui au nom des chercheurs en santé de l'Université de Toronto. C'est à Toronto qu'on trouve le plus de chercheurs en santé au pays. En outre, Toronto se classe maintenant probablement au quatrième rang dans le domaine de la recherche en santé en Amérique du Nord. Les chercheurs en santé de Toronto appartiennent à l'Université de Toronto ainsi qu'aux huit hôpitaux d'enseignement et instituts de recherche qui lui sont affiliés. Le domaine de la recherche en santé à Toronto compte plus de 1 800 chercheurs actifs qui tirent tous leur financement de sources externes, y compris des organismes subventionnaires fédéraux et des fondations de bienfaisance nationales.

À titre de vice-doyen de la recherche de la Faculté de médecine, j'ai moi-même travaillé étroitement avec ces chercheurs au cours des deux dernières années dans le cadre des travaux qui ont mené à la création des IRSC. Je les connais donc très bien. Je les ai consultés et j'ai pris note de leurs préoccupations. Voilà pourquoi je pense pouvoir parler en leur nom.

Permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots au sujet de mes antécédents. Je fais de la recherche à l'Université de Toronto depuis plus de 30 ans. Je suis arrivé au Canada en 1964 en provenance des États-Unis après avoir obtenu mon doctorat. Je suis peut-être le premier exemple d'un exode des cerveaux dans le sens inverse au sens habituel. Je vis au Canada, c'est-à-dire à Toronto, depuis 1964. Je ne suis pas retourné aux États-Unis parce que je crois qu'il y a un avenir pour les chercheurs au Canada. Pendant plus de 30 ans, j'ai reçu sans interruption des bourses de recherche du Conseil de recherches médicales, ce qui fait de moi un produit en quelque sorte du système canadien de recherches médicales.

J'ai personnellement ressenti de la frustration du fait que les restrictions financières imposées au Canada dans le domaine de la recherche ne m'ont pas permis de rivaliser avec mes amis et mes collègues américains. En ma qualité de vice-doyen de la recherche, j'ai une assez bonne perception de la frustration que partagent l'ensemble des chercheurs. Le fait que nos collègues américains aient vu leur généreux budget de recherche en santé augmenter considérablement chaque année n'a rien fait pour atténuer cette frustration. En raison du plafonnement des budgets de recherche, les chercheurs en santé n'ont pas pu exceller dans leur domaine ni exploiter leurs idées, et même s'ils avaient pu le faire, ces idées n'auraient pas été mises en marché au Canada.

Cette situation va changer du tout au tout en raison de la création des instituts canadiens de recherche en santé prévue dans le projet de loi C-13. Un vent d'optimisme souffle maintenant dans les milieux de recherche. La création des IRSC constitue un moyen audacieux et innovateur d'appuyer et de relier entre elles l'ensemble des initiatives de recherche en santé, que ce soit dans le domaine de la recherche fondamentale, de la recherche clinique ou de la recherche sur la santé de la population, et d'examiner les aspects déontologiques de cette recherche ainsi que ses conséquences générales pour la société.

En permettant d'établir un lien entre ces diverses initiatives, les IRSC amèneront tous les secteurs visés à collaborer à l'atteinte d'un but commun, c'est-à-dire l'amélioration de la santé et du bien-être des Canadiens. À cette fin, les IRSC assureront un financement considérablement accru pour la recherche en santé au Canada. En outre, ces fonds supplémentaires seront utilisés de façon plus efficace par l'intermédiaire des IRSC.

• 0925

Pour exceller dans le domaine de la recherche scientifique et pour rivaliser avec les meilleurs chercheurs internationaux ou les dépasser, nous devons pouvoir retenir de bons chercheurs. Ce qui importe pour les bons chercheurs, c'est un milieu de recherche dynamique possédant une masse critique et un financement stable, c'est-à-dire un milieu qui leur permet de faire ce qu'ils font le mieux, c'est-à-dire de la recherche. Je suis d'avis que les IRSC et d'autres programmes fédéraux de soutien à la recherche, et notamment la Fondation canadienne pour l'innovation et la création récemment annoncée de chaires pour l'excellence de la recherche au XXIe siècle, concourent à créer un tel milieu. Je constate que le gouvernement a décidé d'intervenir pour soutenir la recherche dans ce pays au moyen d'une stratégie reposant sur trois piliers.

À Toronto, cette stratégie commence à porter fruit. Le complexe universitaire des sciences de la santé de l'Université de Toronto est en voie actuellement de créer un centre de la recherche cellulaire et bimoléculaire qui sera financé par la Fondation canadienne pour l'innovation et auquel la province de l'Ontario s'est engagée à fournir des fonds de contrepartie. Ce centre de recherche s'adonnera à de la recherche fondamentale en biologie en appliquant dans le domaine de la recherche moléculaire, génétique et physique les données provenant des NIH relatives au séquençage du génome humain.

Dans le but de produire une nouvelle génération d'agents pharmaceutiques et thérapeutiques à partir des résultats des travaux de recherche menés, le centre à Toronto commence à recruter les meilleurs chercheurs du domaine. Les chercheurs qui ont été recrutés jusqu'ici sont d'anciens diplômés d'universités canadiennes qui sont allés poursuivre leur formation aux États-Unis. Ces chercheurs ont entendu parler des IRSC. Ils veulent revenir au Canada parce qu'ils sont maintenant convaincus que la recherche a un avenir prometteur au Canada et parce qu'ils estiment que le gouvernement du Canada entend respecter l'engagement qu'il a pris d'accorder la priorité au soutien de la recherche en santé. Voilà qui explique que le centre à Toronto ait pu recruter ces chercheurs malgré la vive concurrence provenant des universités américaines.

Bien que la Fondation canadienne pour l'innovation et la province de l'Ontario financent l'infrastructure du centre, les 60 à 70 chercheurs de ce centre s'adresseront aux IRSC pour obtenir des subventions de recherche.

Aux termes du projet de loi C-13, on s'attend à ce que les IRSC exercent:

    un leadership dans les milieux canadiens de la recherche et l'encouragement à la collaboration avec les provinces ainsi que les personnes et organismes au Canada et à l'étranger qui s'intéressent aux questions liées à la santé et à la recherche en matière de santé.

Les principes directeurs des IRSC prévoient également qu'ils:

    reconnaîtront et appuieront le rôle central que les universités et les centres de science de la santé affiliés jouent dans l'enseignement, la formation et la création de possibilités interdisciplinaires.

La création du centre à Toronto est un bon exemple. Je crois qu'il y a des exemples d'initiatives semblables ailleurs au Canada.

Étant donné les années difficiles qu'ils ont connues en raison d'un financement inadéquat de la recherche, les chercheurs canadiens du domaine de la santé peuvent être fiers de leurs réalisations. À cause des temps meilleurs qui s'annoncent avec la création des IRSC que complètent d'autres programmes de soutien fédéraux à la recherche, je suis convaincu que les chercheurs en santé de ce pays peuvent vraiment exceller.

En terminant, je tiens de nouveau à vous faire part, au nom des nombreux chercheurs en santé de Toronto, de notre appui pour le projet de loi C-13. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Yip, de cette déclaration préliminaire. Je suis sûr que les membres du comité auront des questions à vous poser.

Je vais maintenant donner la parole au Dr Tofy Mussivand, de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa. Le Dr Mussivand appartient évidemment à la Faculté de médecine. Docteur, je vous prie de bien vouloir commencer.

Dr Tofy Mussivand (professeur de chirurgie, Département de chirurgie, Faculté de médecine, Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je m'appelle Tofy Mussivand. J'occupe plusieurs fonctions—mais je ne m'étendrai pas là-dessus—dont celle de professeur, de promoteur, de travailleur hospitalier et de concierge. Je n'aime pas la rectitude politique et je réclame donc votre indulgence et votre patience si je fais des observations qui peuvent sembler négatives.

• 0930

J'aimerais d'abord dire d'entrée de jeu que j'appuie le projet de loi C-13. Nous sommes tous en faveur d'initiatives visant à améliorer la recherche médicale au Canada.

J'aimerais cependant attirer votre attention sur certains points qui ont peut-être été oubliés, des orphelins, pour ainsi dire. Comme je l'ai dit, nous appuyons toute initiative qui pourrait être prise par Industrie Canada ou le CRM. Je désire cependant attirer votre attention sur certains points sur lesquels nous pensons qu'il convient de se pencher.

On a déjà longuement traité des objectifs de la recherche médicale. Voici à mon avis quels sont ces objectifs: premièrement, améliorer la prestation des services de santé destinés à tous les Canadiens et, deuxièmement, permettre au Canada et aux Canadiens de se tailler une place sur le marché mondial dans le domaine de la santé.

Le premier objectif de la recherche médicale qui est d'améliorer les soins de santé ne dépend pas nécessairement entièrement sur le financement national de la R-D. Autrement dit, nous pouvons importer certaines choses. Ainsi, nous pouvons, comme nous l'avons fait dans le passé, importer des vaccins contre le sida ou d'autres maladies. Par conséquent, la santé des Canadiens ne dépend pas uniquement de la recherche effectuée au Canada.

Bien que nous soyons en faveur de la R-D, je voulais faire une distinction entre le premier objectif et le second objectif de la recherche. Pour se tailler une place enviable sur le marché mondial, nous devons exceller non seulement dans la recherche, mais aussi dans la commercialisation de cette recherche. Malgré l'importance de la commercialisation, on n'a malheureusement pas axé suffisamment d'effort dans ce domaine par le passé.

Le Canada excelle dans le domaine de la recherche moléculaire, cellulaire et pharmaceutique.

Certains secteurs que j'appelle des secteurs orphelins ont été négligés. À titre d'exemple, mentionnons la recherche multidisciplinaire et la recherche appliquée, les appareils médicaux et l'ingénierie biomédicale ainsi que le financement de la R-D à l'étape précommercialisation. La recherche menée au Canada ou ailleurs dans le monde part d'une idée ou d'un concept qu'on veut prouver et qu'on cherche ensuite à répandre au Canada et dans le monde. Nous estimons qu'on a négligé jusqu'ici certains de ces secteurs, et en particulier la recherche appliquée et la recherche dans le domaine des appareils médicaux.

Voici quelques statistiques sur les appareils médicaux. Le marché mondial pour les appareils médicaux s'élève à 120 milliards de dollars par année. Il existe aujourd'hui 500 000 appareils médicaux d'usage courant et 25 000 nouveaux appareils apparaissent sur le marché chaque année. Les professions dans le domaine de la biochimie augmentent au taux annuel de 22 p. 100. Malheureusement, le Canada accuse un déficit commercial annuel de 2 milliards de dollars dans ce domaine. Nous recommandons d'augmenter l'appui pour la recherche médicale, en particulier dans les domaines qui ont été négligés.

La recherche en ingénierie biomédicale et la mise en marché des applications découlant de cette recherche connaissaient les mêmes difficultés aux États-Unis qu'au Canada. Les NIH ont pris les mesures voulues pour corriger la situation. À preuve, la création récente aux États-Unis du Institute of Biomedical Engineering and Imaging. Nous recommandons la création d'un groupe ou d'un institut semblable au Canada.

J'aimerais vous parler brièvement de la R-D à l'étape de la précommercialisation. Nous estimons que les fonds dans ce domaine font grandement défaut. Parce que la commercialisation de la recherche suppose qu'on se serve des résultats de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée pour faire concurrence à ceux qui excellent dans ces domaines dans le monde, cela ne signifie pas que l'argent ainsi généré est sale. Bien au contraire.

Prenons comme exemple le programme de création d'un coeur artificiel au Canada. Des recherches dans le cadre de ce programme ont débuté en 1989 et ont été soutenues financièrement par Industrie Canada et le gouvernement provincial. Malheureusement, ces recherches n'ont pas bénéficié de subventions pour la recherche médicale. Personne n'est à blâmer pour cette situation puisqu'il n'existait pas de source de financement pour les appareils médicaux.

• 0935

Aujourd'hui, le coeur artificiel canadien est considéré comme l'un des fleurons de la recherche au Canada. On évalue le marché mondial pour ce genre d'appareil médical à 25 milliards de dollars. On s'attend à ce que le Canada obtienne de 5 à 10 p. 100 de ce marché, ce qui représentera pour nous des revenus énormes. Nous sommes convaincus que des initiatives connaissant autant de succès pourront être mises en oeuvre dans d'autres domaines.

En conclusion, nous appuyons la création des IRSC proposée dans le projet de loi C-13—puisque la création de ces instituts favorisera l'atteinte des deux objectifs que je vous ai mentionnés—mais nous aimerions également recommander la création d'un institut pour les appareils médicaux et l'ingénierie biomédicale qui serait doté de son propre budget ainsi que la création d'un programme efficace de R-D à l'étape de la précommercialisation.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Mussivand. Je suis sûr que les membres du comité auront aussi des questions à vous poser dans quelques instants.

J'accorde maintenant la parole à Mme Sholzberg-Gray, présidente et chef de la direction de l'Association canadienne des soins de santé.

Mme Sharon Sholzberg-Gray (présidente et chef de la direction, Association canadienne des soins de santé): Je vous remercie.

L'Association canadienne des soins de santé, l'ACS, remercie le Comité permanent de la santé de lui permettre de lui présenter son point de vue sur le projet de loi C-13.

L'ACS est la fédération regroupant les organismes hospitaliers et les organismes de santé des provinces et des territoires qui sont voués à préserver et à renforcer le système de santé au Canada. Nous comptons parmi nos membres les instances de santé régionales, les hôpitaux et les centres et les organismes de soins de santé qui emploient environ un million de travailleurs de la santé au Canada. Ces organisations sont gérées par des administrateurs dont le rôle est de protéger l'intérêt public.

L'ACS représente des organismes de tous les secteurs des soins de santé: hôpitaux, établissements de soins de longue durée, organismes de soins à domicile et de soins communautaires, services de santé communautaire, services de santé publique, de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie, services destinés aux enfants, aux jeunes et aux familles, services de logement ainsi que des organismes d'accréditation professionnelle. L'Association canadienne des soins de santé est le porte-parole national de ce réseau d'organismes de santé.

Tous nos membres profitent des résultats de la recherche ou effectuent eux-mêmes des recherches biomédicales, des recherches cliniques, des recherches sur les systèmes de santé et la santé de la population. L'ACS estime que s'il est nécessaire d'améliorer le soutien accordé à la recherche biomédicale et à la recherche clinique appliquée au Canada, il convient également d'appuyer la recherche sur les systèmes de santé et la santé de la population. Par conséquent, certaines de mes observations aujourd'hui porteront sur les conséquences du projet de loi C-13 pour la recherche sur les systèmes de santé et la santé de la population.

Nous nous faisons l'écho des préoccupations exprimées par le Network for the Advancement of Health Services Research, aussi connu sous le nom de NAHSR. L'ACS a joué un rôle actif au sein de cette coalition. J'ai joint pour votre gouverne à ma déclaration préliminaire le cadre d'évaluation du NAHSR.

De façon générale, l'Association canadienne des soins de santé appuie sans réserve la création des instituts de recherche en santé du Canada qui est proposée dans le projet de loi C-13. Ce projet de loi est un bon point de départ en vue de l'évolution de la recherche en santé au Canada. Nous félicitons le législateur d'avoir accordé aux IRSC la souplesse voulue pour prendre les moyens pour que les fonds alloués en matière de recherche correspondent toujours aux problèmes de santé qui se posent et aux possibilités qui s'offrent. Il y a 10 ans, la recherche sur la santé de la population commençait à peine à devenir un domaine de recherche important. Il importe donc de créer un mécanisme suffisamment souple pour veiller à ce que la recherche en santé corresponde aux découvertes scientifiques et à la réalité en matière de gestion et d'organisation du système de soins de santé.

L'ACS appuie les objectifs que se fixent les IRSC et notamment les objectifs ci-dessous énoncés à l'article 4 du projet de loi:

    c) l'élaboration d'un programme intégré de recherche en matière de santé, regroupant tous les secteurs, disciplines et régions, qui reflète les besoins nouveaux de la population canadienne en matière de santé et l'évolution du système de santé et facilite la prise de décisions de principe touchant le domaine de la santé;

    d) l'encouragement à la recherche en matière de santé axée sur l'intégration et l'interdisciplinarité par la création d'instituts de recherche en santé qui [...]

      (ii) effectuent de la recherche biomédicale, de la recherche clinique et de la recherche sur les services et systèmes de santé, sur la santé des populations, sur les dimensions sociales et culturelles de la santé et sur les effets de l'environnement sur la santé, ainsi que d'autres types de recherche au besoin; et

    ...

    h) l'incitation à la diffusion des connaissances et à l'application des résultats de la recherche dans le domaine de la santé en vue d'améliorer la santé de la population canadienne.

• 0940

Bien que l'ACS appuie l'orientation générale du projet de loi, nous voulons vous faire part de certaines de nos préoccupations à son égard. Ces préoccupations ont trait au mandat premier des IRSC, aux structures proposées en matière de régie et de gestion, à la mention de la commercialisation de la recherche en santé au Canada et aux exigences en matière de transparence et de reddition des comptes.

Pour ce qui est de la mission première des IRSC, j'ai mentionné plus tôt que l'ACS appuie une bonne partie des objectifs des IRSC énoncés dans le projet de loi. À notre avis, il manque cependant un élément important à cette mission. Même s'il est fait mention de l'amélioration de la santé des Canadiens dans le premier paragraphe de l'article 4 portant sur les objectifs des IRSC, l'ACS recommande de reformuler cet article pour mettre l'accent sur l'amélioration de la santé des Canadiens.

À titre d'exemple, nous recommandons l'adoption de l'énoncé de mission suivant:

    La mission des IRSC est d'améliorer la santé des Canadiens en offrant de meilleurs produits et services de santé et en renforçant le système de santé au Canada. ET

    L'objectif des IRSC est de concrétiser cette mission en excellant, conformément aux normes internationalement reconnues en matière d'excellence scientifique, dans la création, la diffusion et l'adoption de nouvelles connaissances, par

—et on pourrait ensuite ajouter les alinéas a) à 1).

Cette reformulation de la mission et des objectifs des IRSC permettra d'atteindre un juste équilibre entre les objectifs de politique publique et les objectifs de recherche.

Le président: Permettez-moi de vous interrompre un instant, madame Sholzberg-Gray? Puis-je vous demander de ralentir un peu votre débit pour que nos interprètes puissent vous suivre.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Très bien.

Le président: Si c'est possible, pouvez-vous ralentir un peu.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Merci, monsieur le président. Je craignais que vous me coupiez la parole avant que j'aie terminé.

Le président: Pas du tout, nous sommes très conciliants au comité et nous voulons entendre tout ce que vous avez à dire.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Relativement aux structures d'autorité et de gestion proposées, l'ACS s'inquiète du double rôle du président, de la durée du mandat du président et de l'absence de précision quant aux critères de nomination du conseil d'administration.

Comme il est précisé au paragraphe 9(1) du projet de loi C-13, le président des IRSC préside le conseil d'administration; la même personne s'acquitte des deux rôles. Cela se produit ouvertement quand de nombreux modèles d'autorité et de gestion insistent sur la transparence et sur la reddition de comptes. L'ACS n'a pas réussi à savoir pourquoi le gouvernement propose ce modèle. Si à court terme, il y a un motif raisonnable pour que ces deux rôles soient assumés par la même personne, l'ACS aimerait le connaître. À long terme, l'ACS recommande que le libellé de la loi soit changé pour indiquer qu'immédiatement ou à la suite du mandat initial de cinq ans, ces deux fonctions seront assumées par des personnes différentes.

Relativement à la durée du mandat du président, l'ACS est d'accord pour que le président puisse être nommé de nouveau après un mandat initial de cinq ans, afin de permettre la continuité et la stabilité, mais l'Association croit qu'après un mandat de 10 ans, il serait avantageux qu'une autre personne assure le leadership. Par conséquent, l'ACS recommande que le président soit nommé pour un maximum de deux mandats consécutifs de cinq ans.

D'après les critères de nomination au conseil d'administration, les hommes et les femmes représentent les divers milieux et disciplines visés. L'ACS recommande que ces critères soient plus précis et qu'on y inclue la représentation proportionnelle des divers domaines de la recherche sur la santé, y compris la recherche biomédicale, la recherche clinique et la recherche relative aux systèmes, aux services de santé et à la santé des populations, ainsi que les dimensions sociétales et culturelles de la santé et les influences environnementales sur la santé. Ainsi, les décisions et les activités des IRSC tiendront compte d'une vaste gamme de besoins, d'enjeux et de perspectives.

En outre, l'ACS recommande que soit représenté le consommateur ou le public au sein du conseil d'administration et d'autres organes décisionnels ou d'établissement des priorités des IRSC.

• 0945

Relativement à la commercialisation de la recherche sur la santé, l'ACS reconnaît les avantages importants que rend possible la commercialisation de la recherche sur la santé au Canada à l'échelle nationale et mondiale, autant pour le secteur privé que pour le secteur public.

Toutefois, nous croyons fermement qu'une mise en garde est nécessaire pour souligner que le partenariat privé-public dans le domaine de la recherche liée à la santé des Canadiens et les structures et la gestion de notre système de santé doivent en bout de ligne servir l'intérêt public et qu'ils ne doivent pas compromettre l'objectivité de la recherche, la prestation de traitements et de soins appropriés ni l'élaboration des politiques gouvernementales nécessaires. L'ACS recommande qu'un libellé soit ajouté à l'alinéa 4i) pour reconnaître l'esprit de cette mise en garde.

Relativement à la nécessité de transparence et de reddition de comptes, l'ACS voit d'un bon oeil l'exigence de la présentation d'un rapport public annuel par les IRSC. L'ACS comprend que les IRSC devront rendre des comptes pour bien s'acquitter de leur mandat et de leur responsabilité relative à l'administration des fonds.

Comme le suggère le NAHSR dans le cadre d'évaluation, la transparence doit être une valeur fondamentale de la structure d'autorité des IRSC. Il en est question dans le préambule du projet de loi C-13:

    Attendu que le Parlement estime que la recherche en matière de santé doit [...] se caractériser par une approche transparente qui permet de rendre des comptes à la population canadienne.

Pour insister davantage sur la transparence et la reddition de comptes, l'ACS recommande que le projet de loi C-13 exige un suivi parlementaire tous les cinq ans. Compte tenu de ce qui est en jeu relativement à l'innovation, à la concurrence à l'échelle mondiale, à la santé des Canadiens, à l'efficacité du système de santé et aux sommes d'argent qui seront investies, il semble qu'un suivi parlementaire soit nécessaire et justifié.

Pour terminer, l'ACS est prudemment optimiste relativement à l'établissement des IRSC. Cette mise en garde est fondée sur la notion que la recherche biomédicale et clinique, tout importante qu'elle soit, continuera d'éclipser d'autres secteurs vitaux de la recherche sur la santé au Canada. Nous voulons qu'on insiste sur tous les aspects de la recherche.

Les détails relatifs à l'autorité, aux structures et aux processus des IRSC seront établis dans le contexte de cette loi large, souple et habilitante. On souhaite que les détails favorisent une approche équilibrée et que celle-ci soutiendra tous les domaines de la recherche indispensable sur la santé.

L'ACS et nos membres seront heureux de travailler avec d'autres personnes pour mettre en oeuvre et pour appuyer les Instituts de recherche en santé du Canada.

Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui, monsieur le président.

Le président: Merci de votre exposé et de vos recommandations. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous passons maintenant à l'Association canadienne des hôpitaux d'enseignement. Nous accueillons aujourd'hui M. Murray Martin, président-directeur général principal de l'hôpital de Vancouver et du Centre des sciences de santé.

M. Murray Martin (président-directeur général principal, Hôpital de Vancouver et Centre des sciences de santé, Association canadienne des hôpitaux d'enseignement): Merci beaucoup de m'avoir permis de venir témoigner aujourd'hui.

L'Association canadienne des hôpitaux d'enseignement regroupe les 35 hôpitaux d'enseignement et de recherche les plus importants du Canada. Chaque hôpital est associé officiellement à l'une des 16 universités du Canada comptant une école de médecine. Nos 35 membres représentent donc plus de 20 milliards de dollars en frais d'exploitation annuels dans le système de soins de santé du Canada. Grâce à nos instituts de recherche affiliés et aux autres structures de recherche regroupant nos membres, nous menons chaque année de 70 à 80 p. 100 des recherches sur la santé que finance le Conseil de recherches médicales du Canada.

Le public sait très bien que les hôpitaux d'enseignement s'occupent activement de former des médecins, des infirmiers et infirmières, des pharmaciens, des travailleurs sociaux et d'autres professionnels des soins de santé. Cependant, on ne sait peut-être pas aussi bien pourquoi les hôpitaux d'enseignement jouent un si grand rôle dans les recherches sur la santé et pourquoi nous jugeons ce rôle fondamental pour accomplir notre mission. La réponse à ces questions est bien simple: les cliniciens les plus compétents ne seront pas les plus compétents longtemps à moins de participer activement à la recherche. Nos activités de recherche reçoivent un appui important grâce aux efforts de nos fondations hospitalières et des diverses fondations nationales comme la Fondation des maladies du coeur, la Société canadienne du cancer et l'argent que nous recevons du gouvernement fédéral.

• 0950

Tous nos hôpitaux ont pour objectif de donner aux Canadiens la meilleure qualité possible des soins de santé. Pour cela, nous devons former et conserver les plus brillants esprits dans nos hôpitaux. Nos professionnels les plus compétents pourraient travailler n'importe où dans le monde et on en a recrutés beaucoup dans le passé, surtout aux États-Unis.

Pour les garder, les membres de notre association ont préconisé à l'unanimité l'année dernière une augmentation considérable des fonds affectés par le gouvernement fédéral à la recherche sur la santé comme première priorité de financement. Cela ne veut pas dire que nous faisons abstraction des autres défis financiers que doit relever le système de soins de santé du Canada, mais plutôt que nous sommes convaincus que la chose la plus importante à faire c'est de garder nos scientifiques cliniciens. C'est grâce à eux que nous avons pu pendant des décennies avoir des services d'une qualité comparable à ceux de n'importe quel autre pays du monde.

Nos membres préconisent aussi à l'unanimité la majoration considérable des fonds pour la recherche, maintenant approuvée par le gouvernement, dans le cadre des Instituts de recherche en santé du Canada. Nous sommes convaincus qu'on pourra créer des réseaux nationaux de chercheurs travaillant dans ces instituts pour obtenir la masse critique nécessaire pour accomplir des progrès importants dans le domaine de la recherche sur la santé.

Nous croyons en la création de nouveaux paradigmes où l'on remplacera l'approche cloisonnée du passé relativement à la recherche par de nouveaux modèles multidimensionnels où les chercheurs travaillent ensemble de façon beaucoup plus collaborative qu'auparavant.

Nous reconnaissons que le Canada est un joueur relativement secondaire sur la scène internationale. Nous devons donc maximiser le mieux possible notre petite masse critique pour réussir au niveau international.

Les Instituts de recherche en santé du Canada compléteront très bien la Fondation canadienne pour l'innovation ou FCI. La FCI a certainement lancé au Canada un mouvement qui a mené à des processus hautement concurrentiels pour donner de l'expansion à l'infrastructure de recherche.

Cette première étape essentielle pour donner de l'expansion à nos activités globales de recherche a suscitée un optimisme renouvelé et de l'enthousiasme chez les chercheurs. Pour la première fois depuis bien des années, ils pensent qu'un chercheur pourra avoir une carrière de recherche productive au Canada.

À mon avis, cet élan a pris tellement d'importance que l'on devra réfléchir sérieusement très bientôt au besoin de bonifier le financement de la FCI. La FCI et les IRSC pourraient créer un nouvel engin économique au Canada. Cela pourrait améliorer non seulement les soins de santé que reçoivent les Canadiens, mais aussi leur prospérité financière.

Nos membres espèrent que les augmentations prévues de financement pour la recherche en santé ne seront qu'un début et que l'on finira par dépenser autant par habitant au Canada pour la recherche en santé qu'on le fait dans les autres pays du G-7.

À cet égard, nous savons que, maintenant qu'on a créé les IRSC, ce sera maintenant à nos chercheurs de prouver aux Canadiens qu'un plus grand investissement dans la recherche en santé aidera de façon considérable à améliorer la santé des Canadiens. Nous croyons que les chercheurs canadiens dans le domaine de la santé sont prêts à relever le défi et nous appuyons l'adoption du projet de loi C-13.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Martin.

Nous allons maintenant passé au Dr Fernand Labrie, directeur du Centre de recherche CHUL et qui représente l'université Laval.

Merci, monsieur, et soyez le bienvenu.

[Français]

Dr Fernand Labrie (directeur, Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université Laval; directeur, Département de physiologie et d'anatomie, Université Laval): Merci beaucoup. Je m'excuse d'avoir manqué la présentation de quelques collègues à cause du système de transport canadien, qui n'est pas de votre ressort.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant ce comité en rapport avec le projet de loi C-13, qui va modifier la Loi sur le Conseil de recherches médicales du Canada et qui va mettre un terme aux 40 années d'existence du CRM en faveur des Instituts de recherche en santé du Canada.

En tant que chercheur et directeur du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université Laval et également du Département de physiologie et d'anatomie de l'Université Laval, je voudrais apporter mon appui le plus complet à ce projet de loi qui permettra à la recherche en santé canadienne d'être plus efficace et d'être mieux adaptée aux besoins de la société internationale et surtout de la société canadienne.

• 0955

Voici deux mots sur mon passé. Je fais de la recherche depuis plus de 30 années et je suis directeur du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université Laval depuis 1981. C'est un centre de recherche qui compte maintenant 180 chercheurs et 1 100 employés, dont 400 étudiants diplômés. Dans la région de Québec, c'est le deuxième employeur après le gouvernement. Les contrats et subventions sont de l'ordre de 45 millions de dollars par année.

Ma recherche personnelle a surtout porté sur les hormones; c'est ce qu'on appelle l'endocrinologie. Ce qui touche les hommes plus spécialement, c'est le cancer de la prostate. On a mis au point des traitements qui sont maintenant utilisés partout dans le monde et qui ont été les premiers à prolonger la vie des personnes atteintes de ce cancer.

Actuellement, nos efforts portent particulièrement sur le cancer du sein. Nous avons un produit qui est en phase 3 de l'étude clinique et qui est jugé comme un excellent produit dans ce domaine. On fait également de la recherche sur l'aspect hormonal de la ménopause. Ce sont des aspects qui sont très importants pour les Canadiens. Avec mes collègues, j'ai fait plus de 900 publications et 1 300 communications à des congrès. Donc, nous avons travaillé assez fort au cours des années.

Maintenant, pour ce qui est des instituts eux-mêmes, avec un groupe de collègues, nous avons proposé la création d'un institut de recherche en diabète, obésité, nutrition, endocrinologie et reproduction, qui s'appelle DONER en français ou en anglais. Nous espérons que cet institut sera accepté, car il permettrait une recherche multidisciplinaire—c'est l'avantage des Instituts de recherche en santé—qui irait de la recherche fondamentale à la recherche clinique, en passant par les services de santé, la recherche sur la santé des populations, ainsi que les recherches sociales et culturelles. Cela permettrait également de mettre en collaboration l'Association canadienne du diabète, l'Association québécoise du diabète, les gouvernements provinciaux et fédéral, ainsi que Santé Canada, qui a des activités importantes dans ce domaine.

Voici maintenant quelques points plus généraux qui m'apparaissent très importants et qui ont été soulignés antérieurement.

Jusqu'à maintenant, au Canada, le niveau de financement de la recherche en santé a été relativement bas, pour ne pas dire tout simplement très bas. Dans le domaine de la recherche, on ne doit pas se comparer entre villes et entre provinces; on doit plutôt établir des comparaisons au niveau international. Les États-Unis investissent en recherche en santé beaucoup plus que le Canada par citoyen; il y a là un facteur de 7. On peut peut-être dire que les Américains investissent trop, mais c'est peut-être nous qui n'investissons pas assez. Donc, il y a un problème majeur relié au fait qu'au cours des années passées, on n'a pas suffisamment augmenté le budget. On disait qu'on augmentait le budget de 3 p. 100, mais 3 p. 100 de quelque chose qui est 10 p. 100 de ce qu'il devrait être, ce n'est pas très réaliste. Nous espérons que cette nouvelle organisation des instituts va permettre de remédier à la situation. Mes collègues ont mentionné antérieurement qu'on devrait même faire plus que ce qui est prévu.

Dans le domaine de la recherche, l'argent n'est pas le seul facteur, mais si on n'a pas d'argent, on n'a pas les chercheurs nécessaires et il devient pratiquement impossible d'être compétitif.

On a mentionné tout à l'heure que les hôpitaux universitaires dépensaient 30 milliards de dollars par année en santé. Au Canada, c'est 75 milliards de dollars, comme vous le savez tous. Comme dans tout autre secteur, la meilleure façon d'économiser est d'agir avec la plus grande compétence. Pour tirer le meilleur parti des 75 milliards de dollars qui sont actuellement dépensés en santé au Canada, il faut effectuer une recherche de haut niveau qui fera en sorte qu'on aura les meilleures techniques et les meilleurs médicaments à notre disposition.

• 1000

Deuxièmement, dans le cadre des Instituts de recherche en santé, il est important que soit maintenue l'évaluation par les pairs. On en a déjà discuté. C'est un aspect très important sur lequel on ne doit céder aucun terrain. La seule façon d'avoir une recherche de niveau international est de faire faire une évaluation par les pairs, des pairs au niveau international. Il est très important que ces mêmes critères s'appliquent dans tous les institut.

Au Canada, environ 10 p. 100 des coûts de santé sont reliés aux médicaments ou aux instruments médicaux, ce qui représente un montant de l'ordre de 7 à 10 milliards de dollars. Dans ce domaine, nous sommes reconnus pour importer. Nous importons de 80 à 90 p. 100 de ces choses. C'est un peu une question de fierté nationale et une question économique. Il faut développer une recherche qui soit compétitive et qui nous permette d'appliquer la recherche fondamentale, de fabriquer nous-mêmes nos médicaments et nos instruments médicaux et de les vendre à l'étranger, ce qu'on doit faire dans tous les domaines. Nous avons toujours importé. Le temps est maintenant venu d'exporter. Évidemment, pour le faire, il faut augmenter la qualité et la quantité de notre recherche qui, jusqu'à maintenant, ont été vraiment déficientes.

Cela va également permettre d'augmenter la recherche clinique, qui est aussi très déficiente au Canada, et de passer du fondamental à l'application.

Comme d'autres l'ont mentionné, il est très important de garder au pays nos meilleurs cerveaux. Dans notre centre de recherche, au cours de la dernière semaine, nous avons fait une évaluation du nombre de chercheurs que nous avons perdus, qui sont allés aux États-Unis ou à d'autres endroits où ils avaient de meilleures conditions salariales et un meilleur soutien financier. Ce qui est grave, c'est le cas de l'étudiant diplômé qui a été formé au Canada, qui est allé poursuivre des études postdoctorales à l'extérieur et qui a accepté un poste chez nos voisins plutôt que de revenir chez nous.

En cinq ans, il y a eu 58 de ces cas. C'est énorme. Parmi eux, 34 chercheurs postdoctoraux ou chercheurs qui avaient complété toute leur formation, au lieu de revenir chez nous, sont allés aux États-Unis pour la plupart et un peu en Europe, 13 chercheurs de chez nous sont partis, et 11 chercheurs qui étaient à l'extérieur et à qui on avait offert des postes ne sont pas venus au Centre hospitalier de l'Université Laval, dans le secteur qui est le mien.

Il s'agit d'une situation un peu effarante. Elle n'est pas alarmante, mais elle indique la très grande importance d'avoir un soutien financier pour la recherche qui soit compétitif avec ce qu'on trouve dans le reste du monde, dans les pays les plus développés, chez les Américains qui sont les plus près de chez nous.

Il y a aussi la question des postes dans les université.

En résumé, il se présente à nous une occasion unique de réfléchir sur ce qui se fait en recherche, de rassembler toutes les disciplines de la recherche et d'obtenir la collaboration des universités et des organismes subventionnaires du gouvernement, afin de faire en sorte que la recherche canadienne soit vraiment compétitive et de niveau international, que l'on garde chez nous nos meilleurs cerveaux et qu'on puisse être fiers de la qualité de la science médicale produite par le Canada.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, docteur Labrie, de votre commentaire.

Nous passons maintenant aux questions. Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci de l'éclairage que vous nous apportez ce matin. Je vois que plusieurs s'attendent à récolter la manne financière qui sera probablement disponible sous peu. On n'a pas besoin d'être convaincus du bien-fondé de la mise sur pied de tels instituts afin de mettre en réseau différentes disciplines de recherche dans le domaine de la santé. Notre objectif est de vivre plus longtemps et en meilleure santé, et la recherche est là pour nous l'assurer.

J'ai été particulièrement sensible à ce que Mme Sharon Sholzberg-Gray disait tout à l'heure, au nom de l'Association canadienne de soins de santé, sur le mandat qu'on va donner aux Instituts de recherche. Cela fait partie de nos inquiétudes, en tant qu'opposition, quant à la transparence et aux mandat. Je pense qu'il faut ajouter au projet de loi certaines précisions quant au mandat qu'on va donner au président et au conseil d'administration.

• 1005

J'aimerais vous entendre, vous, chercheurs, sur cet aspect du projet de loi C-13. On sait bien que la recherche est importante, mais il y a aussi toute cette gestion qui sera mise entre les mains de gens qui seront nommés. De notre côté, nous aurons quelques ajustements à faire pour mener à bien le projet de loi C-13. Nous allons donner notre accord sur le principe des instituts, mais j'aimerais entendre l'un de vous, peut-être le Dr Labrie qui vient de ma région, me parler de ses inquiétudes. Il faut se demander si le mandat précisé dans le projet de loi va venir empiéter sur les champs de compétence des provinces. C'est assez délicat. Il faut voir jusqu'où va aller le mandat des Instituts de recherche en santé.

Dr Fernand Labrie: Avant de répondre, j'aimerais vous demander quelles sont vos inquiétudes particulières.

Mme Christiane Gagnon: Elles portent sur le fait que le mandat n'est pas clair. Par exemple, c'est le conseil d'administration qui va décider quelles disciplines et quels projets il va appuyer. On est actuellement dans un processus où chacun veut avoir sa part du gâteau, mais le conseil d'administration des Instituts de recherche aura le mandat d'évaluer toutes ces choses et de prendre des décisions. Comme le disait tout à l'heure madame, il est important qu'il y en ait pour plusieurs domaines.

Dr Fernand Labrie: Je vais vous répondre, et mes collègues pourront sûrement le faire aussi. Tous les chercheurs recommandent qu'il y ait un système d'évaluation par les pairs de très haut niveau. À ce moment-là, ce ne serait pas le président des instituts ou même le conseil d'administration qui déciderait de financer telle ou telle recherche. Pour ma part, je n'ai jamais vu un conseil d'administration d'un conseil subventionnaire prendre des décisions différentes de celles des comités d'évaluation. La meilleure assurance que la meilleure recherche sera subventionnée, indépendamment de toute volonté autour de la table, sera l'évaluation par les pairs. Ce sont des gens qui viennent du Canada et de l'étranger et qui disent que telle recherche est classée première, que telle autre est classée deuxième, et ainsi de suite jusqu'à la sixième. Je pense que ce sera basé uniquement là-dessus. Ce sera basé sur l'excellence. Si on introduit d'autres facteurs, on met en danger la qualité de la recherche. Aucun chercheur ne voudrait mettre cela en doute. Donc, il y a là une assurance complète que seuls les meilleurs seront subventionnés. Dans le passé, seulement une petite partie des meilleurs étaient subventionnés. On a encore un bon bout de chemin à faire.

Au niveau des provinces, notamment au niveau du Québec, ma compréhension est que les gens sont très ouverts. Le Québec a toujours été la province à appuyer le plus grand investissement en recherche. Si, enfin, on a un niveau de subvention qui est plus comparable... On a encore beaucoup de chemin à faire, comme vous le savez, avant d'atteindre les État-Unis. Je pense que le Québec et toutes les provinces seront heureux. C'est la base de la société, en fait. Le gouvernement dit, et tout le monde le sait maintenant, que le savoir est la base de la qualité de vie, la base de la santé, la base de l'économie, la base de tout. On perd nos meilleurs parce qu'on n'a pas chez nous les conditions nécessaires pour les garder. Il faut arrêter cette hémorragie le plus rapidement possible.

Le président: Merci beaucoup, docteur Labrie. Avez-vous une autre question?

Mme Christiane Gagnon: Vous avez signalé un problème au niveau des équipements de santé. Les coupures qui ont été faites dans le Transfert social canadien ont fait en sorte que nos institutions de santé, nos hôpitaux ont de la difficulté à soutenir tout le réseau de la santé. Le recherche a été longtemps déficiente, et nous sommes heureux de voir qu'il va y avoir plus d'argent dans ce domaine, mais il va aussi falloir plus d'argent dans le réseau de la santé pour faire l'application directe de la recherche. N'êtes-vous pas inquiet quand vous voyez comment nos réseaux de santé sont obligés de fonctionner présentement avec si peu d'argent? On parle de coupures de 7 milliards de dollars au fil des ans. Ne pensez-vous pas qu'on devrait exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il fasse en sorte que nos hôpitaux soient en mesure de donner un meilleur soutien à toute la population, qui est notre objectif premier?

[Traduction]

Le président: Madame Gagnon, vous êtes en train de poser une question de nature politique et, même si j'accepterais les réponses que voudront bien donner les témoins, je dois dire que c'est effectivement une question plutôt politique.

Les témoins sont libres d'y répondre s'ils le jugent approprié.

• 1010

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Je suis prête à répondre vu que j'ai témoigné il y a à peine deux jours au Comité des finances lors des audiences prébudgétaires pour réclamer plus d'argent pour la prestation des services de santé.

Nous savons qu'il y a un lien entre les recherches médicales, les recherches cliniques, la recherche sur les systèmes de santé et la santé des populations, et le désir d'offrir les meilleurs produits pharmaceutiques possible et les meilleurs traitements au public. On ne peut pas atteindre cet objectif si on ne consacre pas suffisamment d'argent à la prestation des services. Nous avons présenté nos arguments, comme d'autres personnes l'ont déjà fait, en vue d'obtenir une augmentation des transferts fédéraux aux provinces pour la prestation des services. Bien entendu, ce n'est pas du tout la même chose que l'investissement dans la recherche et nous espérons bien que l'argent pour la recherche viendra d'une autre enveloppe budgétaire et ne fera pas partie des paiements de transfert. Je pense qu'il faudrait augmenter les niveaux de financement des deux côtés pour atteindre nos objectifs.

Le président: Merci beaucoup.

Oui, docteur.

Dr Tofy Mussivand: Je voudrais ajouter quelque chose. À notre avis, la recherche sur les appareils médicaux, que ce soit en médecine, en ingénierie ou en travail social, doit conserver son indépendance, comme mon collègue l'a dit. Dès que les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou fédéral, décident de s'occuper de la recherche ou de choisir quelle recherche ou quel institut financer, cela ne peut que causer des problèmes.

Je pense donc qu'on devrait rester à l'écart de la politique et s'occuper uniquement de la recherche parce que la recherche n'a pas de frontières. Le virus du sida ne fait pas la distinction entre le Québec, les États-Unis ou l'Europe. Il se propage partout. La maladie de Chagas va partout. Les chercheurs doivent donc faire leur travail sans penser à la politique.

Le président: Merci beaucoup. C'est une bonne observation; je vous en suis reconnaissant.

Monsieur Jackson, vous avez la parole.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais remercier tous nos invités de s'être déplacés ce matin, pour échanger avec nous, en vue d'améliorer le projet de loi pour s'assurer que nous fournissons les meilleurs services possible à tous les Canadiens et, en fait, dans certains cas, probablement les meilleurs services au monde.

Nous ne cessons de nous comparer aux États-Unis, et j'aimerais faire une observation sur ce qui constitue à mon avis une lacune dans le milieu universitaire. Vous avez tendance à vouloir vous tenir loin de la politique et garder la tête dans les nuages sans vous mouiller, mais le fait est qu'en politique, vous savez, nous changeons. Certains vont vous financer, d'autres non, certains vont modifier les priorités, et ce genre de choses.

J'accepte vos techniques d'examen par les pairs et le reste. J'ai remarqué que le succès des États-Unis, où par exemple on retrouve environ 50 ou 60 p. 100 des spécialistes, comparativement à 3 p. 100 chez nous, est attribuable en partie non pas au fait que leurs systèmes de normes sont différents, mais au fait qu'ils ont le meilleur système capitaliste au monde, que cela nous plaise ou pas, et au fait que dans leurs Ivy League Universities—je crois qu'ils ont commencé comme nous, avec les mêmes éléments de base—, ils nous ont devancés parce qu'ils ont commercialisé certaines de leurs activités. Ils parcourent le monde et recrutent les meilleurs cerveaux, ils attirent des cerveaux du monde entier, et c'est ce qui fait leur succès.

Beaucoup de scientifiques nous disent: «Donnez-nous l'argent et mêlez-vous de vos affaires.» Je crois qu'après qu'on vous a versé des fonds, une fois que vous avez créé une propriété intellectuelle, certains de ces fonds doivent nous revenir, ils ne peuvent aller qu'à l'université et aux chercheurs. Le Dr Mussivand, par exemple, essaie de mettre au point un coeur artificiel, avec le Dr Keon, et leurs travaux ont été couronnés de succès, mais il leur faut beaucoup d'aide. Vous ne pouvez pas obtenir tous les fonds nécessaires uniquement du gouvernement. Nous pourrions vous donner tout notre budget, et ce serait probablement insuffisant. Vous devez également prendre de l'expansion.

Ma question est la suivante, monsieur le président. Je sais que vous êtes assujettis à des règles très claires; elles font en sorte que vous ne pouvez pas être absorbés par une entreprise privée. Mais j'aimerais que vous me disiez comment vous pourriez accroître votre budget en exploitant la recherche qui se fait au Canada, depuis la recherche fondamentale jusqu'à la commercialisation; je pense que c'est un sujet qui n'a pas été abordé.

• 1015

Le président: Avant de répondre... Monsieur Jackson, combien mesurez-vous? Vous faites six pieds quatre ou six pieds cinq?

M. Ovid Jackson: Six pieds cinq.

Le président: Et vous dites qu'ils ont la tête dans les nuages?

Des voix: Oh, oh!

M. Ovid Jackson: Je veux simplement les provoquer, monsieur le président.

Le président: Oui, je sais.

Docteur Mussivand, vous avez la parole.

Dr Tofy Mussivand: Tout d'abord, nous convenons que la recherche appliquée devrait servir aussi rapidement que possible à améliorer le bien-être de l'homme. Nous convenons également que les gouvernements ne peuvent financer toute la recherche.

Il a cité en exemple le coeur artificiel, un projet entrepris aux États-Unis. Les NIH et le gouvernement américains ont consacré 500 milliards de dollars à la mise au point d'un coeur artificiel au cours des 45 dernières années.

Je suis Canadien, et fier de l'être, et j'ai travaillé à la clinique de Cleveland. Comme vous, j'ai été à contre-courant de l'exode des cerveaux. Je suis rentré au Canada et j'ai été étonné par le manque de soutien dans ce secteur.

Je tiens à préciser que nous avons levé des fonds. Nous avons réuni 60 millions de dollars sur les marchés financiers, dont 80 p. 100 provenaient de l'extérieur du Canada, afin de mettre au point un coeur artificiel canadien. Nous avons également conclu des accords avec Industrie Canada. Nous avons obtenu un prêt de ce ministère. J'ai taquiné M. Manley, lui disant qu'il était comme un usurier lorsqu'il demandait 7 p. 100 d'intérêt; c'était trop élevé. Nous avons finalement conclu un montage financier.

Je suis d'accord avec vous: la recherche ne devrait pas être un gouffre sans fond sans espoir de rendement. Nous croyons que la recherche appliquée, en particulier les appareils médicaux et ce genre de choses, devrait être commercialisée, être rentable, et rembourser le gouvernement d'une certaine façon. Cela pourrait se faire soit par les impôts, étant donné que nous employons beaucoup de gens, par les recettes provenant des exportations, ou sous d'autres formes.

Nous croyons qu'il devrait y avoir un rendement sur l'investissement, si vous voulez l'appeler ainsi. Cependant, je dois insister sur l'indépendance des scientifiques, qui est extrêmement importante. Imaginez-vous ce qui arriverait si des conservateurs, des néo-démocrates et des libéraux étaient admis à l'Institut de cardiologie pour y recevoir des soins et que nous avions un parti pris pour l'un ou l'autre groupe? Nous devons être exempts de tout parti pris.

M. Ovid Jackson: Je comprends que bon nombre de vos activités ne sont pas nécessairement rentables. Nous avons l'Institut du genou d'Ottawa, l'Institut de la cheville d'Ottawa, et les retombées sont de l'ordre de centaines de millions de dollars. Ils n'utilisent pas d'appareils de radiologie.

Nous ne voulons pas nécessairement récupérer l'argent. Ce que je dis, c'est que vos recettes devraient être réinvesties dans l'Institut. C'est là où la croissance doit se faire.

Dr Tofy Mussivand: Je suis d'accord.

M. Ovid Jackson: Vous devez trouver un moyen de le faire au lieu de simplement dire que les fonds vont à l'université, aux scientifiques, et que vous allez obtenir le reste de l'argent du gouvernement.

Le président: Nous aimerions également entendre l'opinion des docteurs Yip et Labrie à ce sujet.

Dr Cecil Yip: Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais faire quelques commentaires généraux en réponse à ceux de M. Jackson.

Le problème n'est pas que le gouvernement devrait financer seul toute la recherche, et qu'on continue d'en demander davantage.

Laissez-moi vous décrire la situation. Il est question ici de toute l'entreprise de la recherche dans un secteur donné. Vous pouvez la comparer à un triangle, à une pyramide. Au bas se trouve la recherche fondamentale, qui occupe une bonne partie de cette pyramide. Au milieu se trouve ce que l'on appelle la phase provisoire ou d'application. Elle représente une petite section de la pyramide. Au sommet, se trouve l'application et le développement.

Le milieu des affaires et les entreprises commerciales ne s'intéressent qu'à la propriété intellectuelle, c'est-à-dire qu'au sommet de la pyramide. Ils ne sont pas intéressés à financer les trois quarts inférieurs de la recherche fondamentale, car le processus est très long entre le bas et le sommet de la pyramide. Aucune entreprise ne peut justifier auprès des actionnaires l'investissement d'une somme considérable au bas de la pyramide et les convaincre d'attendre 15 ans avant de toucher des dividendes. Ils veulent une période de rendement plus courte.

• 1020

La deuxième chose que j'aimerais signaler est qu'à mon avis nous avons un problème au Canada. Par exemple, la propriété intellectuelle qui se crée en biotechnologie est énorme, mais la capacité des récepteurs atteint déjà sa limite. Nous n'avons pas suffisamment de récepteurs. Par conséquent, il faut en trouver à l'extérieur du Canada.

De nombreuses universités que je connais, en particulier l'Université de Toronto, ont des processus très clairs concernant le développement de la propriété intellectuelle, la divulgation des découvertes menant à des partenariats de licence, et la recherche de capital de risque.

Il ne faut pas oublier que c'est le gouvernement qui doit soutenir la recherche fondamentale dans tous les secteurs. Cela ne peut être ni le secteur privé ni l'entreprise qui aurait nécessairement un parti pris. La seule solution est que le gouvernement soutienne la recherche fondamentale sans parti pris, afin que tout le pays en profite. Une fois rendu à l'étape du développement, l'acheteur peut intervenir, soit l'entreprise qui est intéressée à faire un profit.

Je crois qu'il faut bien le comprendre. La propriété intellectuelle peut être brevetée et cédée à des entreprises. Dans chaque institut de l'Université de Toronto, une entente sur le partage des recettes est conclue entre le découvreur et l'entreprise une fois que l'entreprise se charge de développer les produits. Ces recettes sont versées à l'institution, mais en comparaison avec les fonds nécessaires au soutien de la recherche, ce n'est vraiment pas considérable.

Le président: Merci beaucoup.

J'aimerais entendre le point de vue de Dr Labrie et de M. Martin sur cette question.

Docteur Labrie, s'il vous plaît.

Dr Fernand Labrie: Je vous sais gré de votre intervention, parce que je suis d'accord. En plus des avantages sur le plan de la santé, il est question d'argent, et il faudrait en récupérer le plus possible.

Pour ce qui est de réduire les coûts des soins de santé, c'est facile à faire, étant donné que la somme en jeu atteint 75 milliards de dollars. Il est extrêmement important de fabriquer des produits pouvant être exportés dans ce domaine, comme dans tout autre domaine.

Je peux vous donner l'exemple de notre centre de recherche, dont le budget est de 45 millions de dollars. De cette somme, 18,7 millions proviennent de subventions versées par les gouvernements et 24,6 millions de dollars de marchés. Cela totalise 45 millions de dollars. En impôt sur le revenu, le gouvernement récupère 17,7 millions de dollars. Vous investissez 18,7 millions de dollars et en récupérez 17,1 millions. Vous dépensez donc 1 million de dollars, vous investissez 1 million de dollars, et 80 p. 100 des contrats sont privés, des fonds jamais utilisés auparavant. Pour 1 million de dollars, vous obtenez 19,7 millions. C'est de l'argent qui est réinvesti dans la collectivité. C'est un exemple.

Pour arriver à ce genre de résultat, il faudrait que la situation actuelle change. Nous devons admettre qu'au Canada le transfert de technologie en général laisse à désirer. Il y a deux raisons à cela. La première est la recherche fondamentale, dont le Dr Yip a parlé en termes très clairs et réalistes. Nous devons avoir quelque chose à vendre pour enregistrer des recettes. Si vous investissez moins qu'on vous demande de le faire, il vous faudra une sacrée veine pour obtenir les mêmes résultats. Vous devez être sept fois plus intelligent ou travailler sept fois plus fort. Les deux sont difficiles. Il s'agit de se ressaisir et de corriger le tir.

De plus, l'attitude face à la commercialisation au Canada doit changer: il est bien vu de dépenser de l'argent, mais mal vu d'en faire. Cette attitude doit changer à plusieurs niveaux, pour le bien de tout le monde. Les chercheurs en général ne sont pas contre, mais la structure est souvent problématique. Le modèle doit évoluer considérablement. À l'heure actuelle au Canada, les universités touchent probablement de 5 à 7 millions de dollars en redevances. C'est ridicule. C'est presque nul. Les choses doivent donc changer énormément.

Votre question est valable. Nous allons faire tout en notre possible pour changer la situation. Nous ne voulons pas obtenir des fonds du gouvernement sans raison. Nous en avons besoin pour garder les chercheurs compétents au Canada. Nous sommes en train de les perdre. Si nous voulons être concurrentiels, nous devons investir dans ce secteur. C'est la source de l'économie; la richesse et la santé en découlent également.

• 1025

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Martin, s'il vous plaît.

M. Murray Martin: J'ai toujours été d'avis que les chercheurs au Canada étaient parmi les personnes les plus dynamiques que j'ai jamais rencontrées. Je crois qu'ils ont développé cette qualité afin de pouvoir survivre et d'obtenir des fonds de différentes sources, etc.

Je crois également qu'il y a une volonté extraordinaire de voir la recherche effectuée au Canada se traduire en des produits conçus et fabriqués au Canada. Cela créé de la richesse pour tout le monde. C'est un processus très compliqué. Le produit doit normalement traverser une phase d'incubation. Il est difficile d'obtenir le financement nécessaire. Il faut avoir accès à des capitaux de risque.

En Colombie-Britannique, différentes initiatives ont été prises. Notre centre hospitalier comprend un centre de développement des appareils médicaux servant d'incubateur pour les petites entreprises de biotechnologie. Nos cherchons actuellement à créer un important centre de biotechnologie sur notre campus.

Mais de nombreux facteurs entrent en jeu, y compris le régime fiscal, et il est courant en Colombie-Britannique que des entreprises très prospères soient créées puis déménagent à Seattle. Je crois que la volonté existe, mais il y a de nombreux problèmes à surmonter.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Docteur Patry, avez-vous des questions?

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): On a toujours des questions, monsieur le président.

Pour commencer, je voudrais remercier tous nos panélistes de ce matin. Il y a eu un très bel échange.

[Traduction]

J'aimerais formuler quelques commentaires ainsi qu'une question qui s'adresse à Mme Gray. Votre mémoire est excellent. J'aimerais cependant des précisions sur vos recommandations. L'ACS recommande une représentation des consommateurs et du public, mais je crois comprendre qu'elle existe déjà au CRM, et comme l'IRSC succède au CRM, cette recommandation devrait être suivie. C'est l'une des questions.

De plus, nous sommes tous d'accord avec le principe de transparence et de responsabilité. Vous dites que nous devrions procéder à un examen quinquennal. Nous effectuons beaucoup d'examens au Parlement, ce qui exige beaucoup de temps. Étant donné que le mandat est très clair, j'aimerais savoir pourquoi nous devrions effectuer un examen tous les cinq ans.

Docteur Mussivand, nous avons entendu hier le Dr James L. Turk, le directeur exécutif de l'Association canadienne des professeurs d'université. L'association est d'avis qu'il ne faut pas modifier le projet de loi en ce qui concerne la commercialisation; nous devrions nous concentrer sur la recherche et laisser de côté la commercialisation. Deux autres témoins, les docteurs Gordon et Poulin, nous ont dit la même chose.

Dans vos commentaires, vous avez parlé de ce qui se fait aux États-Unis et de l'efficacité de leur programme ciblé, et vous aimeriez que l'on traite du financement de la R-D à l'étape de la pré-commercialisation au Canada. J'aimerais que vous m'en parliez davantage.

[Français]

Docteur Labrie, je suis content que vous soyez ici ce matin. Je suis toujours heureux de vous voir et je suis content de voir que vous avez plus que compris. Vous êtes déjà très en avance avec votre DONER. Vous avez compris l'interrelation entre les divers domaines de la santé. C'était vraiment le but visé avec ces instituts de recherche en santé.

[Traduction]

Ce sont mes questions.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Je crois que je vais commencer.

Tout d'abord, vous avez posé une question au sujet des nominations au conseil d'administration de l'IRSC. Vous avez mentionné que l'IRSC remplace le CRM, et que le CRM comprend des représentants du public. Mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Il dit qu'il remplace le CRM. On va créer un organisme entièrement nouveau appelé IRSC. L'IRSC a un mandat beaucoup plus vaste que le Conseil de recherches médicales. Comme je l'ai signalé dans mon mémoire, il va s'occuper non seulement de la recherche biomédicale et clinique, qui est très importante, mais également de la recherche sur les systèmes de santé ainsi que sur la santé des populations.

On lit dans le projet de loi—et je ne peux lire que ce qui est écrit—que:

    Le gouverneur en conseil envisage la possibilité d'y nommer des femmes et des hommes reflétant les normes les plus élevées de l'excellence scientifique et des femmes et des hommes représentant les divers milieux et disciplines visés.

C'est fort louable, je crois. Nous voulons nous assurer que ces personnes représentent proportionnellement tous les éléments du mandat du conseil. Mais nous croyons possible de renforcer le conseil en y nommant un représentant du public et des consommateurs, ce que ne prévoit pas expressément le projet de loi. Même si c'était la pratique adoptée par le CRM, ce n'est pas dans ce projet de loi...

M. Bernard Patry: Je suis d'accord avec vous.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: ... et nous aimerions que cela y soit.

• 1030

En général, en ce qui concerne la régie, je suppose que c'est le processus qui nous préoccupe. Je crois qu'il est manifeste que tout le monde ici présent est tout à fait favorable à un processus d'examen par les pairs pour l'approbation des projets, mais il est également clair que c'est le conseil d'administration—c'est très important—qui va déterminer quels instituts vont survivre, vont être abolis, ou ne seront jamais créés. Les nominations sont donc très importantes.

De plus, le président directeur général évidemment va rendre compte au conseil d'administration. Le fait que ce président directeur général rendre compte à un conseil d'administration qu'il préside nous préoccupe.

Je suis moi-même pdg, et je rends compte à un président. Nous croyons que le processus de régie devrait être examiné.

Nous avons donc formulé quelques suggestions, notamment de limiter les nominations à deux mandats de cinq ans. Même le très compétent recteur de l'Université de Toronto, par exemple, a jugé qu'après dix ans, il avait besoin de se ressourcer.

Nous sommes ravis de voir qu'une autre personne exceptionnelle est rentrée au pays. Je suppose que les choses s'améliorent à cet égard.

C'est le genre de choses sur lesquelles nous essayons d'attirer l'attention du comité, notamment que le mandat de l'IRSC est plus vaste que celui de l'ancien CRM, que les champs d'intérêts sont plus larges, et que ces intérêts doivent être défendus au conseil d'administration.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Docteur Mussivand:

Dr Tofy Mussivand: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de votre question. Cela me donne en fait l'occasion de faire un commentaire ou deux.

J'aimerais revenir en arrière et signaler que l'application des résultats de la recherche pour le bien de l'humanité n'est pas répréhensible. Comme mon collègue l'a affirmé, vous devez modifier votre modèle. Au Canada, malheureusement, la perception est que si la recherche est commercialisée, le résultat final n'est pas sain. Cette attitude doit changer. Autrement, le Canada va rapidement se retrouver au rang de pays du tiers monde en matière de recherche.

Nous devons investir, investir, investir par pure philanthropie? Pouvez-vous vous l'imaginer? C'est pourtant ce que vous dites. Si nous continuons dans cette voie,—et il en serait de même pour n'importe quel pays—nous allons faire faillite, car cela ne peut continuer indéfiniment.

Aux États-Unis, de grands instituts—Stanford, MIT, Boston, Berkeley et de nombreux autres—ont réalisé d'excellents travaux de recherche, et commercialisé les résultats, et versé des redevances considérables aux investisseurs. Comme mon collègue l'a dit, les gouvernements qui ont investi essentiellement un million de dollars en ont récupéré 17.

J'ai un autre exemple à vous donner. Le projet du coeur artificiel canadien a reçu en tout 4,5 millions de dollars des gouvernements fédéral et provinciaux. Mesdames et messieurs, aujourd'hui, nous avons généré plus de 60 millions de dollars au Canada, dont 23 millions sont retournés aux gouvernements sous forme d'impôts.

En d'autres termes, pour un investissement de 4 millions de dollars, vous avez déjà touché 23 millions de dollars. Quiconque croit que la commercialisation n'a rien à y voir se trompe.

Le coeur artificiel canadien va permettre de sauver des vies au Canada et à l'étranger. Il a déjà remboursé l'investissement consenti par les gouvernements fédéral et provinciaux. Ce n'est pas malsain. En fait, des milliers de patients écrivent à des médecins au Canada pour leur demander quand l'appareil sera offert dans le monde entier. Le projet a établi la proéminence du Canada non seulement en matière de recherche scientifique, mais également sur le plan commercial.

Nous respectons tous nos collègues qui ont témoigné hier, et nous respectons leurs points de vue, mais nous devons leur parler et vous devez le faire. Nous devons échanger de l'information entre nous et remplacer le modèle qui repose sur la recherche uniquement à des fins de recherche par un modèle qui fait place à la recherche à des fins pratiques.

• 1035

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Cela remet les choses dans leur contexte.

Docteur Labrie.

Dr Fernand Labrie: Non.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'ai plusieurs questions à poser, particulièrement au Dr Labrie, qui a une bonne connaissance de la recherche médicale et du financement.

Il y a des gens qui disent que la population du Québec représente 24 p. 100 de celle du Canada et que nous recevons quelque 33 p. 100 des budgets. Il y en a d'autres qui disent que nous en recevons de 12 à 14 p. 100. Quel est le chiffre le plus près de la vérité?

M. Bernard Patry: Ce n'est pas une question politique.

Dr Fernand Labrie: On ne parle sûrement pas de la même chose parce qu'autrement, les deux chiffres seraient les mêmes. En mathématique, les choses sont simples. Dans le domaine de la santé et du Conseil de recherches médicales, je pense que les premiers chiffres sont à peu près corrects. Nous recevons donc un peu plus que la proportion de notre population. Je pense qu'on doit faire allusion aux autres domaines de recherche, qui sont le génie, l'agriculture et ainsi de suite. Il y a beaucoup d'instituts fédéraux en Ontario; ils sont près du Québec mais ils ne sont pas au Québec. Pour ce qui est du domaine de la santé, je pense qu'on reçoit notre part.

M. Yvon Charbonneau: À l'occasion d'un débat sur les Instituts de recherche en santé, je trouvais que les chiffres pertinents à citer étaient ceux-là.

M. Fernand Labrie: Oui, je pense que ce sont ceux-là.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. C'est une précision utile.

J'aimerais revenir à la question de la recherche scientifique et de l'examen par les pairs, si vous me le permettez, et j'adresse ma question à quiconque voudra y répondre. Vous avez insisté aujourd'hui sur l'importance de ces éléments dont le projet de loi C-13 fait mention à plusieurs reprises. Je me demande si leur importance varie selon, par exemple, qu'il s'agit de recherche biomédicale, clinique, de services médicaux, et de santé des populations. Est-ce que vous savez comment les instituts vont gérer les processus inhérents à la recherche scientifique et à l'examen par les pairs?

Docteur Yip.

Dr Cecil Yip: La question de l'examen par les pairs a été chaudement débattue pendant la formation de l'IRSC. Dans la structure envisagée, qui comprend un mécanisme central d'examen ainsi qu'un examen des crédits budgétaires au niveau de l'Institut, je crois qu'il importe que ce comité d'examen compte des représentants de l'éventail complet des disciplines. Tant les représentants de la recherche biomédicale, et de la recherche clinique, que les représentants de la recherche médicale et de la santé des populations notamment devraient être présents lors de l'examen des demandes. C'est fondamental.

Je crois qu'on a compris à tort que les propositions de recherche médicale seraient évaluées par un comité composé entièrement de chercheurs biomédicaux. Je ne crois pas que c'est ce qui était prévu dans la structure d'examen par les pairs de l'IRSC. Manifestement, les deux types de recherche ne sont pas évalués de la même façon, car on peut appliquer des mesures quantitatives à la recherche biomédicale, tandis qu'on appliquerait plutôt des mesures qualitatives à la recherche sur la santé des populations.

Le président: Est-ce que quelqu'un aimerait ajouter quelque chose? Docteur Labrie.

Dr Fernand Labrie: Je suis d'accord avec ce qu'il vient de dire. Nous voulons un système d'examen par les pairs uniforme pour toutes les disciplines.

J'ajouterais une chose. On semble souhaiter que le système d'examen par les pairs soit centralisé de manière à ce que le processus se déroule de la même faon dans tous les instituts et dans toutes les disciplines. Il y aurait donc un seul examen par les pairs. C'est très important.

Le président: Et tous les chercheurs sauraient que le processus est uniforme.

Dr Fernand Labrie: Oui, absolument.

Le président: Chacun saurait alors exactement à quoi s'attendre.

Dr Fernand Labrie: Il importe d'accorder la priorité à cette question. On en a beaucoup discuté. Certains n'aiment pas l'idée, mais c'est la seule façon d'assurer l'optimisation des fonds publics.

Le président: D'accord.

Dr Martin Steinbach: J'ajouterais que le bon fonctionnement du système repose sur un processus d'examen par les pairs adéquat fonctionne.

Le président: D'accord, parfait. Nous vous en remercions.

Monsieur Jackson.

• 1040

M. Ovid Jackson: Ma question s'adresse à Mme Sholzberg-Gray. Dans quelle mesure votre mission diffère-t-elle de ce que l'on trouve dans le projet de loi C-13? Je crois que vous avez parlé de l'article 4.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Oui. Je crois qu'essentiellement vous vouliez scinder les objectifs en deux parties de façon à avoir un énoncé de vision qui dirait fondamentalement que l'IRSC a pour but d'améliorer la santé des Canadiens en offrant de meilleurs produits et services de santé et en renforçant le système de santé au Canada. C'est simplement une vision générale et l'objectif d'IRSC, et je crois que c'est intégré à différents éléments du projet de loi, y compris dans le préambule et la mission.

L'objectif est de réaliser cette vision en excellence, selon les normes internationales reconnues de l'excellence scientifique, dans la création, la diffusion et l'adoption de nouvelles connaissances. Essentiellement, je crois que nous voulions lier l'amélioration de la santé plus précisément au genre de recherche que nous effectuons.

M. Ovid Jackson: Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Pardon, mais il y a encore une chose.

Nous ne voulions pas seulement créer de nouvelles connaissances, nous voulions nous assurer qu'elles seraient diffusées et adoptées, en d'autres mots, utilisées. C'est là qu'intervient l'aspect système de santé, et ce sont les deux mots supplémentaires que j'ai ici, sous les yeux, en caractères gras.

M. Ovid Jackson: Très bien. J'espère que les attachés de recherche ont bien noté cette suggestion.

Le président: Oui, c'est bien noté. Merci beaucoup.

Comme il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier tous de votre présence parmi nous. Certains d'entre vous ont parcouru de grandes distances pour venir se faire entendre de notre comité, et nous vous en sommes reconnaissants. Vos témoignages ont été fort utiles, et nous serons heureux de faire diligence à l'égard de ce projet de loi. Encore une fois merci.

Nous reprendrons à 11 h 00. J'espère même que nous pourrons reprendre un peu plus tôt. Nous allons faire une pause de cinq minutes, puis nous reprendrons. La séance est donc suspendue.

Je vous remercie.

• 1042




• 1058

Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux. Comme vous le savez, nous traitons du projet de loi C-13, au sujet des Instituts de recherche en santé du Canada.

Avant que nous entendions nos témoins, j'aimerais régler certains détails. Tout d'abord, comme vous le savez, nous sommes en déjeuner de travail. Déjà, le buffet a été servi. Si, un moment donné, la faim vous tenaille, n'hésitez pas à aller vous servir.

Ensuite, nous allons entendre divers mémoires aujourd'hui. Pour autant que je sache, il y en a quelques uns en anglais et un en français. Tous les mémoires n'ont pas encore été traduits, mais avec la permission du comité, nous allons les distribuer et nous les ferons bien entendu traduire, comme le veut notre politique, dans les deux langues officielles le plus tôt possible. Il y a toujours des problèmes avec les horaires et les échéances serrés, mais nous préconisons néanmoins l'utilisation des deux langues officielles, et nous obtiendrons les traductions le plus rapidement possible.

Nous allons d'abord donner la parole à nos quatre témoins, puis nous laisserons les membres du comité leur poser des questions. Alors, allons-y.

• 1100

Le premier témoin sur ma liste est M. Michel Perron, du Cégep de Jonquière.

[Français]

Monsieur Perron, s'il vous plaît.

M. Michel Perron (directeur du Groupe de recherche ECOBES (Étude des conditions de vie et des besoins de la population), Cégep de Jonquière): Merci, monsieur le président.

C'est avec empressement et intérêt que j'ai accepté l'invitation qui m'a été faite de participer à la présente séance de travail. En tant que directeur du Groupe d'étude des conditions de vie et des besoins de la population, le Groupe ECOBES, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt les développements qui ont conduit le gouvernement du Canada à déposer le présent projet de loi C-13.

Ayant eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises, au cours de la dernière année, M. Allan Rock, ministre de la Santé, lors de visites qu'il a effectuées dans notre région, j'ai pu partager avec lui et avec plusieurs autres chercheurs du milieu de la santé un certain nombre de préoccupations concernant la mise en place des Instituts de recherche en santé.

Il faut dire que la création des IRSC a suscité et suscite toujours beaucoup d'intérêt au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Pour des raisons dont je vais vous entretenir ce matin, la population du Saguenay—Lac-Saint-Jean manifeste beaucoup d'espoir devant l'éventualité que les chercheurs de la région se positionnent favorablement dans les concours qui conduiront à la mise en place des instituts.

Le Saguenay—Lac-Saint-Jean est une région dynamique pour la recherche en santé. On compte dans la région plusieurs centres ou groupes de recherche oeuvrant dans le domaine de la santé. J'en fais une courte énumération ici et, si vous me le permettez, je vais les nommer. Il y a d'abord la Corporation de recherche et d'action sur les maladies héréditaires, la CORAMH, qui est présidée par le Dr Daniel Gaudet; il y a le Groupe de recherche et d'intervention sur les dyslipidémies, le diabète et l'arthérosclérose au Complexe hospitalier de la Sagamie, dirigé également par le Dr Daniel Gaudet; il y a également la Clinique des maladies neuromusculaires dirigée par le Dr Jean Mathieu; l'Institut interuniversitaire de recherches sur les populations, l'IREP, dont la direction a été longtemps assurée par le Dr Gérard Bouchard de l'Université du Québec à Chicoutimi; le Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec, dirigé par le Dr Melançon, qui vous adressera la parole aujourd'hui; et, finalement, le Groupe d'étude des conditions de vie et des besoins de la population, dont j'assume la direction depuis 1982 et qui est situé au Cégep de Jonquière.

Il résulte des efforts consentis par les chercheurs associés à ces centres et leurs différents partenaires une somme considérable de connaissances sur la population saguenéenne, sur son bilan de santé et même sur son histoire biosociale, qui a peu d'équivalents au Canada et même dans le monde.

On doit souligner particulièrement le maillage et la collaboration entre les chercheurs de plusieurs disciplines et dans différents domaines: recherche biomédicale, recherche clinique, recherche sur les dimensions sociales et culturelles de la santé, qui caractérisent les productions scientifiques émanant de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean.

Vous comprendrez d'ailleurs l'intérêt et l'espoir suscités au Saguenay—Lac-Saint-Jean par l'implantation des IRSC, espoir qu'a consolidé récemment M. le ministre Allan Rock en annonçant publiquement l'appui de son ministère à la tenue d'une conférence internationale sur les déterminants génétiques de la santé qui aura lieu à Jonquière en juin 2000.

En effet, s'il est un domaine de la santé où l'expertise apparaît particulièrement prometteuse dans la région, c'est bien celui de la compréhension des déterminants génétiques de la santé de la population.

Les déterminants génétiques sont reconnus depuis longtemps comme des facteurs contribuant à l'état de santé des individus et des populations. Par le passé, on a surtout mis l'accent sur la recherche relative à la prévalence, à la prévention et au dépistage des désordres génétiques telles la fibrose kystique et les affections neuromusculaires. Ces troubles héréditaires concernent tantôt des nourrissons, tantôt des enfants, tantôt des adultes.

Plus récemment, des chercheurs ont commencé à étudier la nature complexe de facteurs génétiques liés à des maladies beaucoup plus fréquentes tels le diabète, l'asthme, le cancer et les maladies cardiovasculaires. Cela ouvre des voies nouvelles en matière de surveillance, de prévention et de dépistage génétique et, conséquemment, cela concerne davantage l'ensemble des communautés.

Je vais maintenant vous parler de l'importance de consolider l'expertise scientifique dans les régions telles que le Saguenay—Lac-Saint-Jean. À la lumière des articles du projet de loi C-13, on se rend compte de la volonté du gouvernement de s'attaquer aux questions de santé touchant les diverses populations canadiennes, notamment celles des régions, et de promouvoir particulièrement l'intégration des chercheurs et l'interdisciplinarité. Vous me permettrez d'insister sur ce point.

Pour consolider et développer une production scientifique de qualité dans les différentes régions du Canada, comme c'est le cas du Saguenay—Lac-Saint-Jean, il faut dynamiser le potentiel et l'expertise des gens en place.

• 1105

Compte tenu d'une certaine rareté des ressources spécialisées, il faut s'assurer surtout que des investissements majeurs y seront consentis et que des conditions particulières y seront assurées.

Parmi ces conditions, trois apparaissent essentielles pour permettre aux chercheurs et aux groupes de recherche oeuvrant dans les régions plus éloignées du Canada de concurrencer avec succès dans les concours.

La première condition est la nécessité d'encourager et de consolider les affiliations universitaires entre les centres de recherche des hôpitaux ou autres centres des milieux métropolitains et les chercheurs des régions.

Le deuxième point est l'importance d'appuyer la formation de chercheurs diplômés provenant des régions et la nécessité de mesures incitatives pour les garder en contact avec des problématiques régionales de santé, voire les encourager à y poursuivre des carrières.

Le troisième point est l'importance de reconnaître l'originalité et la pertinence de la contribution des chercheurs oeuvrant dans les régions plus éloignées du Canada pour permettre le progrès des connaissances sur des aspects particuliers de la santé des Canadiens et des Canadiennes. Les avancées et les découvertes en matière de génétique communautaire et de génopathies, les maladies héréditaires, au Saguenay—Lac-Saint-Jean constituent un bel exemple pour l'ensemble du Canada et le reste du monde.

Vous me permettrez d'insister sur un dernier point concernant le projet de loi C-13, soit le transfert des connaissances vers la population.

S'il est un impératif que je retiens de mon expérience de recherche dans la région, notamment dans le domaine de la génétique communautaire, c'est la nécessité de mieux comprendre les mécanismes par lesquels les divers groupes de population s'approprient les connaissances scientifiques. À part l'alinéa 4h) du présent projet de loi, qui revêt une connotation générale et qui parle de «l'incitation à la diffusion des connaissances et à l'application des résultats», le projet demeure plutôt silencieux sur cette préoccupation associée à la création des IRSC.

À mon avis, il y va de l'avenir des futurs instituts que les Canadiens et les Canadiennes soient en mesure de mieux saisir comment les résultats des travaux scientifiques peuvent contribuer à améliorer leur santé.

Voilà, exprimées brièvement, quelques préoccupations qui émergent d'une pratique de recherche en région et qui sauront rejoindre, je l'espère, les questions et débats soulevés par votre comité à propos de l'étude du projet de loi C-13.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Perron.

[Traduction]

Je vous remercie.

À la suite de cet exposé,

[Français]

nous entendrons maintenant le Dr Melançon, directeur du Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec, et membre fondateur de la Société canadienne de bioéthique et membre du Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain.

C'est bon?

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Continuez, continuez.

Le président: Et beaucoup d'autres choses.

[Traduction]

Docteur Melançon.

Dr Marcel J. Melançon (directeur, Groupe de recherche en génétique et en éthique du Québec, Université du Québec (Chicoutimi)): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à remercier ceux qui m'ont invité à témoigner. Bien entendu, je parlerai français; ce sera beaucoup mieux, pour vous comme pour moi.

Des voix: Oh, oh!

Dr Marcel Melançon: Vous allez manquer une bonne occasion d'entendre un bel accent français bien fort, mais ce sera pour la prochaine fois.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Dr Marcel Melançon: Mes observations et suggestions seront faites à partir de mon expérience en tant que citoyen, en tant que professeur chercheur en bioéthique à l'Université du Québec à Chicoutimi, en tant que chercheur dans le domaine de l'éthique et de la génétique, en tant que directeur de recherche et en tant que coordonnateur d'une équipe multidisciplinaire et multicentrique en éthique et génétique qui fonctionne en réseau, en tant que membre de comités d'éthique clinique ou d'éthique de la recherche, en tant que membre du National Council on Ethics in Human Research, et en tant que chercheur ayant oeuvré dans diverses associations ou organisations québécoises ou pancanadiennes telle la Bioethics Society of Canada, dont je suis un membre fondateur, comme on l'a mentionné, et dont j'ai reçu un prix qui m'a beaucoup honoré.

• 1110

Cela étant dit, je laisse de côté les critiques pour souligner les points forts du projet de loi C-13. Je laisse à d'autres intervenants le soin de déceler les faiblesses et d'y apporter des remèdes. Il est très possible qu'il y ait des recoupements par rapport à la journée d'hier et aux journées qui viendront. Cependant, ce sera une excellente occasion d'accentuer certains points forts.

Je voudrais dire que si le Conseil de recherches médicales du Canada doit être remplacé par les instituts, il faut rendre un hommage particulier à cet organisme qui a servi non seulement la population du Canada, mais aussi les chercheurs et la santé au Canada.

Ma première observation portera sur le concept et la structure des instituts. Ces instituts pancanadiens de la santé qui fonctionnent en réseau semblent sans aucun doute fortement positifs comme nouvelles acquisitions au pays, malgré les difficultés que cela peut représenter, par exemple les difficultés liées à la dispersion géographique, aux moyens de communication, au financement et j'en passe.

Cependant, de tels instituts vont permettre la synergie et la concentration des ressources humaines et scientifiques et favoriser, au moins en principe et a priori, la recherche multicentrique au Canada. Ce regroupement des forces pancanadiennes peut jouer un rôle capital dans la qualité et le leadership de la recherche en santé, probablement dans le domaine mondial. Également, la non-politisation et la neutralité raisonnable de ces idéologies assureront très certainement leur grande crédibilité à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

J'apprécie beaucoup l'intervention du professeur Perron à propos de l'implication des chercheurs et de la recherche en région. Je parle des régions au sens très large: est ou ouest du Canada, par exemple. Comme le professeur Perron le mentionnait, le Saguenay—Lac-Saint-Jean apporterait beaucoup à l'ensemble du pays si le soutien et surtout la reconnaissance lui étaient assurés. Ce n'est pas l'éloignement géographique des grands centres qui fait que la recherche est de moindre qualité.

Également, dans le concept des instituts, je crois que l'enracinement provincial de la santé devrait être pris en considération. Ces instituts devraient travailler en étroite collaboration avec les provinces, en mettant de côté les éventuelles divergences idéologiques, voire politiques, parce que les problèmes de la santé à Vancouver et au Québec, pour ne mentionner que ces deux provinces, peuvent être différents.

À propos de l'évaluation par les pairs au sein de ces instituts, ayant été moi-même et étant encore évaluateur interne et externe et membre de comités de sélection nationaux au CRM et au CRSH, ainsi que dans la province de Québec, je crois que l'évaluation par les pairs demeure, au moment où nous nous parlons, le meilleur moyen d'évaluer des projets d'ordre scientifique. La question a déjà été abordée. Notre collègue le Dr Labrie suggérait, dans une intervention, qu'il y ait un seul comité d'experts pour tous les instituts. J'ai de fortes réserves à ce sujet, car je crois qu'il est irréaliste de penser qu'on pourrait avoir un seul comité. Chaque institut devrait avoir son comité de pairs propre à sa spécificité. La vaste gamme dans l'expertise des pairs peut éviter des biais dans un comité composé uniquement de scientifiques.

Également, dans le concept des instituts, il ne pas faut oublier la formation et la rotation des chercheurs. À une ou deux reprises, on parle dans le projet de loi—cela devrait faire, à mon avis, l'objet d'un article spécifique—des chercheurs que nous formons, qui coûtent très cher au plan financier, au plan culturel, au plan scientifique et au plan des ressources humaines, et qui s'en vont. Il y a actuellement un débat sur la fuite des cerveaux. Je crois que c'est une catastrophe pour le pays au plan scientifique.

• 1115

Deuxièmement, le projet de loi devrait amplifier le rôle et l'apport des sciences humaines. Les technosciences doivent être accompagnées ou analysées par les sciences normatives que sont l'éthique et le droit, qui vont assurer une approche globale, voire holistique en apportant la multidisciplinarité et l'interdisciplinarité. Ces sciences humaines devraient être incluses dans les orientations et, s'il y a lieu, dans les décisions en matière de recherche en santé et prises en considération dans l'élaboration des grandes priorités dans le domaine de la santé.

Toujours dans le domaine des sciences humaines, le public doit avoir un grand rôle à jouer, de même que les médias. À propos du public, nous assistons actuellement à un débat sur les organismes génétiquement modifiés. Le public devient de plus en plus informé et de plus en plus critique. En un certain sens, la société informée est la Cour suprême en matière de recherche et d'expérimentation dans le domaine de la santé. C'est ce à quoi on assiste ici ce matin.

Le troisième point est une recommandation: la constitution d'un institut spécifique en génétique humaine. Pour quelles raisons? C'est que le nombre, la nature et le thème des instituts sont laissés à la discrétion du conseil d'administration, si j'ai bien compris le projet de loi. Créer un institut spécifique en génétique humaine tiendrait compte des progrès fulgurants réalisés dans ce domaine, dans le domaine de la santé, non seulement de la santé physique mais aussi de la santé telle que définie par l'Organisation mondiale de la santé, définition à laquelle il faudrait ajouter le concept de la santé génétique des populations, tout en faisant bien attention de ne pas faire apparaître l'ombre de l'eugénisme dans ce concept de santé génétique.

De plus en plus, des maladies multifactorielles seront décelées. Le programme de cartographie et de séquençage du génome humain est là pour l'indiquer. La médecine du prochain millénaire sera de plus en plus curative, préventive et prédictive, et la génétique en constitue l'infrastructure pour une très large part.

Dans cette perspective d'un éventuel institut de la génétique, les organismes communautaires, auxquels le professeur Perron a fait allusion, jouent et doivent jouer un grand rôle. Ils doivent être non seulement encouragés par une bénédiction, mais également soutenus de diverses façons. Je parle, par exemple, des associations de parents d'enfants malades, de groupes de bénévoles et le reste qui contribuent à une approche plus intégrée dans la recherche de la santé et dans les soins de santé.

En dernier lieu, je fais une recommandation: la constitution d'un institut spécifique en éthique ou en bioéthique dans le domaine de la santé. Je recommande aussi la création d'une unité spéciale dans chacun des instituts parce que chaque institut aura ses problématiques et ses thématiques spécifiques. Il existe déjà deux grandes structures canadiennes qui pourraient, d'une façon ou d'une autre, y contribuer parce qu'elles fonctionnent déjà depuis au moins 10 ans. Ce sont la Bioethics Society of Canada et le National Council on Ethics in Human Research. Ce dernier organisme viendra témoigner la semaine prochaine, je crois, et sera représenté par le Dr Janet Storch, la présidente, qui est de Vancouver. Ces deux organismes pourraient jouer un rôle très important, voire un rôle clé dans un éventuel institut, cela pour le bien du Canada. Ils fonctionnent déjà bien en réseau et sont des organismes pancanadiens. Si nous voulons quelque chose de pancanadien, nous devons recommander fortement l'intégration, au moins à titre consultatif, de ces deux organismes.

• 1120

Cet institut spécial d'éthique ou de bioéthique ne devrait pas être unique et desservir tous les autres instituts. Ce serait de la segmentation et, à plus ou moins long terme, cet institut deviendrait isolé et coupé de la base, et coupé des problèmes spécifiques liés aux autres instituts. Chaque institut devrait avoir son unité propre, ou encore son volet en éthique ou bioéthique composé d'experts multidisciplinaires en fonction de la spécificité de cet institut.

Également, les comités d'éthique, qu'il s'agisse de comités d'éthique clinique ou de comités d'éthique en matière de recherche, jouent un rôle capital à trois points de vue: premièrement, protection des sujets de recherche; deuxièmement, protection de la recherche elle-même et des chercheurs; troisièmement, protection du grand public. Pour le bien-être des citoyens qui sont soumis à la recherche et les autres que j'ai mentionnés, il est absolument capital d'analyser les protocoles de recherche, ce qui est déjà fait.

En terminant, je voudrais vous remercier pour votre invitation. Le temps étant écoulé, je cède l'antenne à M. le président.

Le président: Merci beaucoup, docteur Melançon, de votre commentaire.

[Traduction]

Nous passons maintenant à Mme Linda DuBick, qui est directrice du Centre d'excellence en santé pour les femmes des Prairies.

Mme Linda DuBick (directrice, Centre d'excellence en santé pour les femmes des Prairies): Je vous remercie. Je suis très heureuse qu'on donne l'occasion à une représente du Centre d'excellence en santé pour les femmes des Prairies de prendre la parole devant les membres du comité permanent qui étudie le projet de loi C-13.

D'entrée de jeu, laissez-moi vous dire que l'organisme que je représente appuie le concept qui sous-tend les centres de recherche, tout comme il appuie, de façon générale, le projet de loi C-13. Nous sommes particulièrement intéressés par l'identification des quatre secteurs de recherche de l'IRSC, par l'intention de transformation qui découle de la création de cet organisme et par l'approche inter-disciplinaire sur laquelle il se fonde.

Cependant, nous sommes grandement préoccupé par la direction générale que l'IRSC semble prendre, et par le contenu du projet de loi, qui ne va pas assez loin dans la confirmation de l'engagement du gouvernement du Canada envers la recherche dans la santé des femmes en général, et envers le genre d'activités de recherche entreprises par les centres d'excellence en santé des femmes en particulier.

Il vaut la peine de rappeler que le Parti libéral et le gouvernement ont pris des engagements sérieux à l'égard des recherches sur la santé des femmes et des centres d'excellence. La création des centres découle d'ailleurs d'un engagement pris par le gouvernement dans le livre rouge. Plus récemment, le ministre de la Santé y voyait un moyen qui permettrait d'atteindre les objectifs de la Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada, rendue publique plus tôt cette année.

Nous espérons que les membres du comité sont conscients que le projet des centres d'excellence et l'engagement pris à leur égard sont antérieurs à la Stratégie pour la santé des femmes et à la création du IRSC. De fait, il n'est pas exagéré de dire que les centres sont l'un des éléments les plus importants de l'engagement pris par le gouvernement dans le domaine des recherches sur la santé des femmes, et qu'ils constituent un jalon important dans l'évolution de la recherche en santé au Canada.

Les centres ont été créés au cours de l'année de 1996. Il y en a cinq. Ils sont situés en Colombie-Britannique, en Ontario, et c'est là notre centre national, au Québec, dans les Maritimes, et dans les Prairies. Ce dernier, le nôtre, est présent en Saskatchewan et au Manitoba. Le centre des Prairies est situé à Winnipeg, à Regina et à Saskatoon. Il est parrainé par la Fédération provinciale des Fransaskoises, par le Centre de promotion de la recherche en santé de la région des Prairies de l'Université de la Saskatchewan, par les universités de Regina, du Manitoba et de Winnipeg, ainsi que par la Clinique de santé des femmes de Winnipeg.

Notre mandat consiste à mener des recherches axées sur les femmes, de nature participative et active, et qui sont rattachées aux politiques. Nous favorisons une collaboration entre les chercheurs universitaires et ceux du milieu, ainsi qu'entre les groupes de femmes, les chercheurs, les décideurs, les fournisseurs de services et les particuliers.

• 1125

Nous menons nos recherches de bien des façons. L'une d'entre elles consiste à accorder des bourses. Pour vous donner une idée du travail que nous faisons et qu'accomplit le programme, voici quelques-uns des projets de recherche que nous avons approuvés jusqu'à présent et que nous subventionnons: la santé des Salvadoriennes du Manitoba; les femmes victimes d'agressions sexuelles dans l'enfance; les déterminants de la santé et analyses comparatives entre les sexes selon un modèle élaboré à l'intention d'une Première nation du Manitoba; et ce, en collaboration avec l'Assemblée des premières nations; les effets de l'isolement social et de la solitude sur les femmes âgées; les effets de la fourniture de soins sur les aidants naturels en milieu rural, en Saskatchewan; et ce que désirent les femmes en matière d'obstétrique.

Nous commandons également des études. L'une des plus récentes dans le genre, intitulée Invisible Women, a montré qu'en dépit des engagements très clairs pris par les gouvernements de la Saskatchewan et du Manitoba, pratiquement rien n'a été fait pour qu'on tienne compte du sexe des personnes lors de l'évaluation des besoins en santé et de l'élaboration des projets par les districts de santé de la Saskatchewan et par les organismes régionaux de soins de santé du Manitoba. Lorsque nous avons présenté le rapport aux deux gouvernements, ceux-ci nous ont demandé de collaborer avec eux pour améliorer la situation.

Plus récemment, nous avons participé à un projet national visant à étudier les effets de la privatisation des soins de santé sur la santé des femmes. Vous serez intéressés de savoir que même si notre mandat n'englobe pas la province de l'Alberta, nous avons vu à ce que des chercheurs de cette province soient associés au projet.

Par ailleurs, le ministère de la Santé du Manitoba nous a demandé de diriger un projet de recherche sur les services accordés aux femmes enceintes toxicomanes. Cette initiative fait suite à l'affaire G, dont tout le pays a entendu parler et qui a donné lieu à une décision de la Cour suprême.

Je pense que ces exemples montrent bien que les centres répondent aux attentes du programme sur les centres d'excellence, et qu'ils effectuent un travail sérieux.

Je tiens à souligner que nos projets sont axés sur les besoins de la collectivité et que par conséquent, les groupes touchés par un problème de santé sont invités à donner leur avis sur les méthodes de planification et de réalisation des recherches et sur l'utilisation qui est faite des résultats.

Le programme des centres d'excellence est novateur en ce sens que les recherches, en plus d'être axées sur les besoins, doivent cadrer avec la politique de santé locale, régionale, provinciale ou fédérale, et être menées par des chercheurs qualifiés qui utilisent des méthodes éprouvées, lesquelles font l'objet de l'examen par les pairs. Il est en outre prévu d'associer les responsables des politiques aux équipes de recherche.

Quel est le lien entre tout ce qui précède, l'IRSC et le projet de loi C-13? Chaque centre d'excellence a reçu 2 millions de dollars pour une période de six ans. Il nous reste seulement 28 mois dans notre mandat de financement, et c'est maintenant que nous commençons à sentir à quel point ces investissements rapportent.

Or, aucun des centres n'a reçu clairement l'assurance qu'il obtiendra d'autres fonds. En fait, Santé Canada nous a dit qu'il n'y a actuellement aucun plan de budget pour les centres après le 31 mars 2002 et que dorénavant, le financement de la recherche sur la santé des femmes viendra de l'IRSC.

Mais quels sont les plans de l'IRSC en matière de recherche sur la santé des femmes? Lorsque nous avons consulté les principaux documents de l'IRSC figurant dans sa page Web, nous n'avons trouvé qu'une seule référence à question de la santé des femmes. Nous avons constaté un engagement ferme à l'égard de la recherche biomédicale et de la recherche clinique appliquée, mais aucun engagement clair à étudier les liens entre la santé des femmes et les services et systèmes de santé, ni les liens entre les facteurs sociaux et culturels et la santé des populations.

Nous avons constaté des engagements généraux à établir divers partenariats, en particulier des partenariats ou des intérêts commerciaux sont en jeu, mais nous n'avons trouvé aucun engagement préalable à protéger l'intérêt public lorsque des recherches sont entreprises à des fins commerciales. Or, dans le domaine de la santé des femmes, ces questions sont d'une importance vitale.

Dans le projet de loi C-13, on ne mentionne qu'une fois la santé des femmes, dans le préambule, mais évidemment, ce problème touche 52 p. 100 de la population.

• 1130

Il est décevant de sentir que, jusqu'à présent, dans les documents de l'IRSC, il existe un préjugé favorable aux milieux médicaux et intellectuels. Cela nous donne clairement l'impression qu'une fois tous les éléments législatifs et organisationnels en place, la recherche dans la collectivité ne fera pas le poids dans la course folle au financement par les instituts. Un échec à ce niveau signifie qu'on mettrait fin à l'expérience des centres d'excellence, avant même qu'elle n'ait eu le temps et les fonds à long terme dont elle avait besoin pour réussir.

Si l'IRSC devient l'unique source fédérale de financement de la recherche en matière de santé, nous craignons que les questions de santé des femmes soient reléguées au second plan. Fait peut-être tout aussi important, ceux qui appuient les questions touchant la santé des femmes ne recevront plus autant d'attention du gouvernement fédéral. La santé des femmes deviendra un élément parmi tant d'autres dans le programme de l'IRSC, au lieu d'être une priorité du gouvernement du Canada.

Nous ne disons pas qu'il faut s'opposer au concept de l'IRSC. Nous reconnaissons qu'il peut contribuer de façon significative à la recherche en matière de santé au pays. Ce qui nous préoccupe, c'est que cette initiative pourrait faire perdre les gains importants réalisés grâce aux centres d'excellence pour la santé des femmes en ce qui a trait à la reconnaissance, à la priorité et à l'engagement direct que le gouvernement fédéral accorde à la recherche sur la santé des femmes.

En juillet de cette année, nous avons ajouté notre signature à celles des autres centres d'excellence du réseau canadien pour la santé des femmes au bas d'une lettre envoyée aux membres du Conseil d'administration provisoire des IRSC. Nous y rappelions qu'en vertu des nombreux engagements pris dans des forums nationaux et internationaux, le gouvernement et ses institutions avaient le devoir de travailler à l'amélioration de la santé des femmes. L'IRSC, qui fait partie de l'appareil gouvernemental, était donc tenu, en vertu des politiques fédérales, de faire place aux deux sexes au niveau de la science et de la direction. Il devait aussi intégrer les questions relatives à la santé des femmes dans son programme de recherche.

Dans cette lettre, les centres recommandaient l'inclusion de plusieurs dispositions dans la loi habilitante: 1) une représentation équitable des femmes et des hommes dans l'infrastructure et les mécanismes de gouvernances de l'IRSC; 2) l'inclusion des femmes dans les activités et l'organisation de l'IRSC; 3) la représentation équitable des femmes en tant que sujets de toutes les recherches cliniques; 4) la reconnaissance et l'étude, par des chercheurs de l'IRSC, des expériences uniques des femmes en matière de santé; 5) la création d'un institut distinct pour la santé des femmes.

À partir de cette lettre, le Centre d'excellence de santé des femmes des Prairies recommande qu'on apporte au projet de loi les amendements et ajouts suivants:

Tout d'abord, qu'on modifie l'alinéa 4i), qui porte sur les missions de l'IRSC, en y insérant «conformément à l'intérêt public» avant les mots:

    encourager l'innovation et soutenir la mise en marché de la recherche canadienne dans le domaine de la santé et promouvoir le développement économique au Canada au moyen de celle-ci.

Deuxièmement, qu'on inclue dans les paragraphes 7(4) et 20(4), les mots «de façon équitable pour les deux sexes» au sujet de la nomination des membres du conseil d'administration et des conseils consultatifs.

Troisièmement, qu'on ajoute un paragraphe 10(4):

    (4) Au moment de l'établissement de tous les comités, lorsqu'ils procèdent aux nominations, le conseil d'administration doit respecter le principe de l'égalité des sexes.

Quatrièmement, à l'article 14, qui confie au conseil d'administration la gestion des IRSC, qu'on ajoute un point (i) qui se lira comme suit:

      (i) proposer et garantir l'inclusion des femmes dans les activités centrales et l'organisation des IRSC pour reconnaître que les services, les programmes et les politiques en matière de santé ont des répercussions différentes sur les hommes et les femmes.

Cinquièmement, qu'on ajoute à l'alinéa 14e) un sous-alinéa 14e)(i), qui se lirait comme suit:

        (i) veiller à ce que, lorsqu'un financement est prévu pour la conduite ou le soutien de la recherche clinique, les femmes soient incluses comme sujets dans chaque projet de recherche et que les membres des groupes minoritaires soient inclus comme sujets dans ces recherches.

Finalement, qu'on ajoute un alinéa 20(1)d), qui se lira comme suit:

      Sans limiter le nombre et la fonction des autres instituts, créer un Institut de la santé des femmes qui, à son tour, financera le programme des Centres d'excellence pour la santé des femmes et assurera l'orientation de ces politiques et de ces programmes.

• 1135

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame DuBick.

Puis-je cependant vous demander d'éclairer ma lanterne sur ce que vous entendez par le principe de l'égalité des sexes?

Mme Linda DuBick: Nous entendons le fait que les femmes et les hommes doivent être traités de façon équitable selon leurs situations, leur expérience et les conditions socio-économiques dans lesquelles ils vivent. À peu près tout, dans la vie, touche les hommes et les femmes de façon différente, mais pas nécessairement égale.

Le président: Fort bien. Je vous remercie beaucoup de cette explication.

Passons maintenant à la Dre Lorraine Greaves, qui est directrice générale du Centre d'excellence pour les femmes de la Colombie-Britannique, ainsi que, comme nous le savons tous, membre du Conseil intérimaire provisoire d'IRSC.

Docteure Greaves, je vous en prie.

Dre Lorraine Greaves (directrice générale, Centre d'excellence pour les femmes de la Colombie-Britannique; membre, Conseil intérimaire provisoire (IRSC)): Je vous remercie.

Je suis très heureuse de prendre la parole devant vous, aujourd'hui, au sujet des questions très importantes qu'implique le projet de loi C-13, qui vise à établir les Instituts de recherche en santé du Canada. Je tiens à vous faire mes observations à titre de membre du Conseil intérimaire provisoire d'IRSC, et de directrice générale du Centre d'excellence pour les femmes de la Colombie-Britannique.

Je mettrai tout d'abord en valeur l'objectif de transformation qui fait partie de la vision d'IRSC. Je parlerai ensuite des modèles qui rendraient possible l'intégration des questions relatives au sexe et à la santé des femmes dans le fonctionnement des Instituts de recherche. Enfin, je me pencherai sur les questions très importantes des nominations, de la gouvernance et de l'évaluation.

En tant que membre du Conseil intérimaire provisoire, j'ai eu le privilège de partager une vision très intéressante de la nouvelle conception du système de recherche de santé du Canada. Les deux parties de la vision—tout d'abord, l'intégration des quatre volets de la recherche, dont vous avez déjà beaucoup entendu parler, j'en suis sûre, ensuite, la transformation de la recherche en santé qui en résultera—forment un ensemble qui suscite beaucoup d'enthousiasme. Si les IRSC réussissent cette transformation, le rôle de chef de file du Canada dans le monde, la qualité de la recherche en matière de santé, et la santé des Canadiennes seront grandement améliorées. Cela dit, j'aimerais faire plusieurs observations et suggestions au sujet de la structure et du contenu des IRSC, et je vous prierais d'en tenir compte dans votre examen du projet de loi.

En tant que membre du conseil, j'ai eu l'occasion de présenter les questions—les questions scientifiques—qui concernent le sexe et la santé des femmes et de les intégrer au plan de reconception. J'ai bénéficié du soutien des autres membres du conseil, en particulier de celui de l'excellent personnel du secrétariat des IRSC. J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour les remercier de leur travail et du soin qu'ils ont apporté à la préparation de la vision des IRSC.

J'ai travaillé fort pour susciter de l'intérêt et de l'appui pour des stratégies visant à intégrer ces questions dans la structure et les processus des IRSC et je me réjouis que certaines dispositions du projet de loi C-13 reconnaissent qu'il y a des différences entre les questions de santé qui touchent les hommes et les femmes et l'importance d'inclure délibérément des femmes dans les nominations. Cela améliorera la qualité de la science, aidera à combler certaines lacunes dans les connaissances relatives à la santé des femmes et contribuera à transformer la vision des IRSC.

C'est tout simplement logique sur le plan scientifique d'inclure la différenciation selon le sexe comme variable dans le processus de recherche, peu importe le projet. Tout comme le sexe est la première caractéristique notée lorsqu'on évalue un malade, c'est aussi une première question fondamentale pour élaborer un projet de recherche. Il est essentiel de se demander si les différences biologiques entre les femmes et les hommes ou entre les filles et les garçons peuvent avoir des conséquences sur un projet. La recherche tient-elle compte de la différence entre les sexes? Les résultats d'une étude peuvent-ils s'appliquer également aux hommes et aux femmes? Autrement dit, les résultats peuvent-ils être généralisés? Si nous n'insistons pas pour que les chercheurs tiennent compte de toutes ces questions lorsqu'ils mènent des recherches dans les IRSC, nous ne pourrons pas y répondre en pratique.

Dans le passé, on a malheureusement parfois omis de poser ces questions et cela a donné des résultats et des connaissances en matière de santé qui ne s'appliquent pas nécessairement aussi bien aux hommes et aux femmes. Au mieux, c'est une omission bénigne. Au pire, cela peut entraîner des traitements peu appropriés ou nocifs. Cela peut retarder ou fausser un diagnostic, entraîner de mauvais traitements ou donner lieu à des mesures imprécises pour promouvoir la santé. Par exemple, on peut rater certains symptômes de crise cardiaque chez les femmes ou ne pas savoir quels conseils plus importants et plus efficaces il faut donner aux fumeuses.

• 1140

Il faut aussi s'occuper directement du rôle du sexe dans la recherche en santé au sein des IRSC. Les hommes et les femmes n'ont pas les mêmes expériences sur le plan social. Le sexe influe aussi sur ce que ressentent les gens quand ils sont malades, comment ils deviennent malades, comment ils suivent le traitement ou comment les professionnels des soins de santé interprètent leurs symptômes et leurs réactions. Cela explique peut-être pourquoi les femmes signalent des symptômes de crise cardiaque beaucoup plus tard que les hommes et comment certains rôles sociaux comme la fourniture de soins peuvent influer sur la capacité de suivre certains traitements.

Il est donc préférable sur le plan scientifique d'inclure les différences entre les sexes dans la recherche. Cela améliorera la santé, sauvera des vies et permettra ultimement de réaliser des économies au titre des soins de santé. C'est aussi du plus grand intérêt pour le public canadien. Il ne faut pas oublier non plus que c'est la forme la plus fondamentale qui soit de justice sociale que d'inclure tous les Canadiens dans les projets de recherche.

La santé des femmes soulève certaines questions différentes. C'est un domaine de spécialisation de plus en plus important de la recherche et de la pratique médicales. C'est un domaine de connaissance où il existe encore malheureusement d'énormes lacunes. Les femmes ont des façons tout à fait particulières d'être malades ou d'être bien et nous avons très peu de renseignements à ce sujet. Pour certaines maladies ou états pathologiques, il y a des facteurs de risque, des traitements, des morbidités et des taux de fatalité différents pour les hommes et les femmes. Par exemple, nous n'en savons pas assez au sujet des causes du cancer du poumon chez les femmes, de l'ostéoporose ou des troubles alimentaires.

Nous commençons à peine à identifier certains des effets sur la santé de la violence contre les femmes, les conséquences à long terme des agressions sexuelles, qu'elles soient physiques ou psychologiques, et les meilleurs traitements pour la toxicomanie chez les femmes.

La stratégie sur la santé des femmes publiée en 1999 et, comme l'a dit Mme DuBick, plusieurs autres documents internationaux importants signés par le Canada définissent la santé de façon globale et tiennent compte à la fois de tous les aspects physiques, mentaux et sociaux, et non pas de la simple absence de la maladie. Cette notion de la santé a poussé les chercheurs en santé des femmes du Canada et d'ailleurs à mener des recherches multidisciplinaires avant même qu'on songe à créer les IRSC de façon à intégrer déjà les quatre secteurs de recherche identifiés dans cette vision. Très souvent, ces recherches font appel à divers partenaires, notamment les consommateurs de services et les femmes au niveau local.

Grâce à l'appui assuré des IRSC, le Canada pourra certainement jouer un rôle de chef de file international dans le domaine de la santé des femmes. Pour mener à bien la transformation annoncée par la création des IRSC, il faut identifier les éléments scientifiques qui engendreront une vision plus vaste de la recherche en santé que celle qu'on a eue dans le passé. Il est donc essentiel d'inclure la différenciation des sexes et les femmes dans toutes les recherches menées dans tous les instituts de recherche en santé du Canada. Cela garantira une approche progressive, augmentera l'excellence scientifique et permettra d'avoir des partenariats travaillant en plus étroite collaboration dans des domaines plus vastes, de même que des méthodologies novatrices. Ce sera à l'avantage aussi bien des hommes que des femmes.

J'ai eu le plaisir récemment de diriger une équipe de recherche financée par le Conseil des recherches en sciences humaines et la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé qui était chargée d'examiner toutes ces questions. Notre rapport s'intitule CIHR 2000: Sex, Gender and Women's Health. Et vous pourrez l'obtenir de la greffière.

Après avoir examiné longuement ce qui se fait dans quatre pays différents, nous avons recommandé la création d'un institut de recherche sur la santé des femmes doté d'un service d'éducation sur la différenciation entre les sexes conçu explicitement pour favoriser le partage des solutions et des pratiques novatrices employées par les chercheurs sur la santé des femmes entre tous les instituts de recherche en santé du Canada. Nous recommandons que la moitié des budgets de recherche consacrés à la santé des femmes soient dépensés dans d'autres instituts pour favoriser une meilleure intégration et transformation et pour encourager l'inclusion de la différenciation entre les sexes comme variable dans la recherche.

• 1145

D'autres pays comme les États-Unis ont opté pour d'autres méthodes, par exemple, prévoir dans la loi l'inclusion des femmes, des minorités et des enfants dans les essais cliniques pour en venir à cette intégration.

À titre de directrice exécutive du Centre d'excellence pour les femmes de la Colombie-Britannique, j'ai été en mesure de mettre de l'avant une autre notion excitante, soit la possibilité de créer des réseaux de chercheurs dans tous les secteurs, y compris au niveau local, dans les universités, chez les décisionnaires et les fournisseurs de services, pour examiner les déterminants sociaux et culturels de la santé des femmes.

Nous avons pu le faire dans le cadre du programme de Centres d'excellence dont vous avez entendu parler. Les 12 millions de dollars affectés aux centres ont produit des résultats intéressants pour la santé des femmes, surtout relativement aux systèmes et aux services de santé et aux secteurs de recherche sociaux et culturels. Il faut maintenant tirer profit de cet investissement en s'engageant clairement à poursuivre et à étendre la recherche sur la santé des femmes dans le cadre des IRSC.

Le secteur de la recherche sur la santé des femmes au Canada prend de plus en plus d'expansion et s'occupe à l'heure actuelle de plusieurs projets pour améliorer le programme de recherche sur la santé des femmes. Le Conseil des recherches médicales nous a fourni des fonds pour élaborer la capacité biomédicale de base et les objectifs de recherche pour la santé des femmes.

Comme je l'ai dit tantôt, le CRSH et la FCRSS nous ont fourni des fonds pour élaborer des programmes de recherche relatifs à la santé des populations et aux sciences sociales. Nous avons demandé aux trois conseils de nous fournir des fonds pour fusionner et partager les programmes de recherche dans les quatre secteurs parmi les chercheurs sur la santé des femmes de tout le Canada.

Bref, les éléments d'intégration et de partenariat font partie de la vision actuelle à l'égard de la recherche sur la santé des femmes au Canada. Nous sommes convaincus qu'un institut consacré aux recherches sur la santé des femmes attirera encore plus de chercheurs et d'étudiants vers les modèles et méthodes progressistes utilisés par les chercheurs sur la santé des femmes du Canada.

Tout ce qui manque, c'est l'affectation des ressources nécessaires et l'élaboration de structures et de méthodes de gestion susceptibles d'encourager une transformation progressiste. À cet égard, il faudra nommer comme PDG et présidents des IRSC et aux conseils d'administration des hommes et des femmes qui n'auront pas peur de cette nouvelle vision, qui seront prêts à mettre en doute les hypothèses périmées et qui pourront innover et donner l'exemple.

Pour favoriser ces bonnes pratiques scientifiques, il sera particulièrement essentiel d'inclure les variables les plus importantes reliées à la différenciation des sexes parmi les facteurs utilisés pour évaluer la performance des IRSC. On pourra ainsi faire profiter toute la société canadienne des connaissances en matière de santé des hommes, des femmes et de leurs familles.

Je vous remercie de votre attention et de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mon point de vue.

Le président: Je vous remercie, docteur Greaves.

Je dois m'excuser pendant un instant. Je vais demander à M. Jackson de bien vouloir me remplacer. Je vais cependant d'abord donner la parole à Mme Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je vous remercie, mesdames et messieurs, d'être venus témoigner au Comité de la santé au sujet du projet de loi C-13.

Monsieur le président, étant donné ce qu'on a entendu ce matin, je pense qu'il valait la peine que je vous demande de faire venir des chercheurs des régions. Leur témoignage a été d'une grande valeur et va permettre à ce comité d'apporter des modifications très importantes au projet de loi C-13.

On pourrait faire un petit historique. Depuis 1993, le gouvernement canadien a coupé énormément dans le domaine de la recherche en santé. Je vais vous donner une statistique. Le budget du Conseil de recherches médicales du Canada a diminué, depuis 1997-1998, de 3 p. 100, ce qui représente beaucoup de sous, pendant qu'aux États-Unis, le budget de la recherche en santé augmentait de 56 p. 100. Il était temps que le gouvernement canadien réinvestisse dans la recherche en santé. Ce n'était pas un luxe, mais une nécessité. On constate aujourd'hui que nos chercheurs ont pris du recul parce qu'ils n'avaient pas les moyens financiers de faire de la recherche. Il est indispensable qu'au Canada et au Québec, particulièrement au Québec, on soit à l'avant-garde parce qu'on a des problématiques très différentes.

Je tenais à ce que M. Perron vienne ici parce qu'il s'occupe de la recherche sur les conditions de vie et les besoins de la population. Pour moi, il s'agit d'une recherche fondamentale qui doit être présente à l'intérieur des instituts de recherche qui seront créés.

• 1150

Monsieur Perron, c'est vous le chercheur. Moi, je ne suis que la députée de votre coin. Pourriez-vous nous dire à quel point il est important que ces instituts aient un volet qui regroupe vos préoccupations?

Monsieur Melançon, vous faites de la recherche en éthique et en génétique. J'aimerais savoir quelle place devraient occuper ces deux disciplines à l'intérieur de ces instituts.

J'aurai d'autres questions pour vous, mesdames, par la suite.

M. Michel Perron: Merci, madame Girard-Bujold, de votre question. Je pense qu'elle est fondamentale puisque, de toute façon, dans le projet de loi, on voit apparaître bien clairement une préoccupation quant aux dimensions sociales et culturelles de la santé. Depuis 20 ans, nous travaillons dans une région du Québec dans cette perspective. Nous nous sommes intéressés à différentes problématiques touchant la santé, la santé génétique d'une part, mais aussi la santé de l'ensemble de la population, dans la perspective de mieux cerner les facteurs qui permettent d'expliquer pourquoi des différences sont observées entre les hommes et les femmes d'une région par rapport à différents types de problèmes de santé et pourquoi certains problèmes de santé touchent davantage certaines familles que d'autres. Dans ces travaux, nous partons souvent de données cliniques, de données médicales ou de données généalogiques, mais la dimension sociale et culturelle est toujours extrêmement importante si on veut être en mesure d'expliquer véritablement les facteurs associés à la prévalence de certaines maladies génétiques, par exemple, ou encore à la prévalence de certaines formes de maladies touchant davantage les hommes ou les femmes. Donc, cette approche culturelle et sociale de la santé, qui apparaît déjà dans le projet de loi, est extrêmement importante.

Là où il y a un défi considérable à relever, c'est dans l'intégration véritable de cette préoccupation sociale et culturelle en matière de santé à la recherche clinique et à la recherche biomédicale.

Il y a déjà des chercheurs en sciences humaines comme nous qui travaillent en collaboration avec des médecins, avec des cliniciens un peu partout au Canada, mais je crois qu'il y a encore énormément à faire pour mieux intégrer les préoccupations sociales de la santé dans l'ensemble des projets de recherche qui vont se faire dans les instituts. Ce n'est pas parce qu'on fait de ce défi d'intégration de la recherche multidisciplinaire un objectif dans le projet de loi qu'on est assuré d'avoir les conditions qui vont permettre de l'atteindre dans le cadre de la création des instituts.

Ce matin, on donnait des exemples pour illustrer la recherche fondamentale et la recherche appliquée, avec des images de pyramides. On ne peut pas dire que, dans cette pyramide de la recherche, qui va de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, notre tradition d'intégration de la préoccupation des sciences humaines par rapport aux questions de santé soit très, très avancée au Canada. Il va falloir faire des efforts considérables pour s'assurer que cette intégration des aspects biomédical, clinique et social de la recherche puisse se faire.

Il y a 20 ans que je travaille au quotidien avec des médecins. Il y a 20 ans que l'on sème l'idée, et les médecins commencent à reconnaître qu'ils ont besoin des sociologues, des géographes et des épidémiologistes pour faire en sorte que les travaux scientifiques qui portent sur des problèmes spécifiques de santé puissent prendre en considération un ensemble de déterminants et avoir des retombées réelles sur la population.

Dans une région comme le Saguenay—Lac-Saint-Jean, des gains importants ont été faits puisque nous avons étudié des problèmes de santé dont la connotation communautaire était évidente dès le départ, puisque nous parlons de santé génétique, puisque nous parlons de problèmes d'origine héréditaire et familiale. C'était peut-être un domaine où on pouvait faire des avancées dans l'intégration multidisciplinaire du biomédical, du clinique et du social. Mais il y a beaucoup d'autres secteurs de recherche au Canada où ces expériences sont encore timides et où il faudra investir énormément d'efforts pour faire en sorte que les chercheurs en biologie moléculaire et les chercheurs dans les laboratoires en recherche fondamentale reconnaissent la contribution potentielle des chercheurs dits des sciences humaines ou des sciences sociales pour être en mesure de s'assurer que leurs travaux auront le maximum de retombées.

• 1155

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Perron, voudriez-vous que ces recherches aient une place importante au sein des instituts? Voulez-vous que les gens comme vous, les gens du social, soient vraiment intégrés dans la structure?

M. Michel Perron: On en a parlé un petit peu tout à l'heure. Je crois que dans les comités d'évaluation des pairs, qui seront forcément mis en place forcément lors de la création des instituts, il va falloir s'assurer d'une présence multidisciplinaire pour être capable d'évaluer non seulement le contenu scientifique des projets, mais aussi leur véritable portée sociale. Il faudra s'assurer que des représentants des sciences sociales et des sciences humaines siègent bel et bien au sein des comités d'évaluation. Ces comités ne devront pas être composés uniquement de chercheurs qui viennent des sciences plus fondamentales ou des sciences de laboratoire.

C'est un défi. Cette intégration de la recherche sociale et de la recherche biomédicale est une voie incontournable pour l'avenir de la recherche au Canada, mais notre tradition de recherche dans cette voie au Canada n'est pas encore très développée, et il va falloir que des efforts soient faits par le futur conseil d'administration à cet égard. Également, comme on l'a mentionné, il est très important qu'on tente d'assurer une meilleure représentation des femmes au sein des organismes décisionnels, à tous les niveaux des instituts. De la même façon, il faut s'engager à assurer une place importante aux représentants des domaines des sciences sociales et des sciences humaines au sein des comités, à tous les niveaux, ainsi qu'au sein des organismes décisionnels qui auront à gérer les sommes importantes qui seront investies au cours des prochaines années.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'avais aussi posé une question à M. Melançon.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Madame Girard-Bujold, votre temps est écoulé, mais je vous permettrai de poser une autre question.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'avais posé une question à M. Melançon et il n'a pas eu le temps de répondre. Est-ce qu'il peut répondre?

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Nous ne sommes pas nombreux, et j'ai donc permis une autre question. Je demanderais cependant à nos témoins de répondre plus brièvement aux questions. Nous aimerions que tous ceux qui veulent poser des questions puissent le faire.

Allez-y.

[Français]

Dr Marcel Melançon: Si j'ai bien compris, on me demandait quelle place pourraient occuper l'éthique et la génétique à l'intérieur des instituts. Je crois avoir répondu en grande partie à cette question dans mon exposé.

Quant on définit l'éthique comme étant la conduite à adopter face à tous les changements nouveaux en biomédecine et biotechnologie, elle a sa raison d'être, surtout quand il s'agit d'une éthique ou d'une bioéthique multidisciplinaire. Je crois que l'éthique ou la bioéthique est là pour accompagner et évaluer la recherche et non pas pour l'empêcher, ce que beaucoup de chercheurs craignent.

Deuxièmement, je crois que la création d'un institut spécifique en bioéthique pancanadien serait très importante pour assurer que tous les développements qui sont faits le soient dans la perspective de la protection des citoyens et de la santé des individus et du public en général.

Je suggérerais aussi qu'à l'intérieur de cet institut, on accorde une attention particulière au comité d'éthique de la recherche. J'ai manqué de temps tout à l'heure, mais j'y reviens très sommairement.

Dans les centres périphériques, que ce soit en Saguenay—Lac Saint-Jean, en Colombie-Britannique ou dans le Nord, on a observé que les comités d'éthique de la recherche qui évaluent les protocoles de recherche sont très pauvres en ressources humaines, en ressources financières et en formation dans le domaine de l'éthique. Il y a un phénomène nouveau, tout au moins dans l'est du Québec, et c'est probablement la même chose dans le reste du Canada: l'avènement, pour ne pas dire l'invasion de projets de recherche multicentriques qui nous viennent des États-Unis, qui ont une approche éthique beaucoup plus juridique que la nôtre. Des comités devraient se pencher sur l'impact que peuvent avoir ces projets multicentriques de recherche en santé sur les sujets.

En terminant, je tiens à souligner que le Canada a déjà fait beaucoup pour les comités d'éthique de la recherche avec les lignes directrices du Conseil de recherches médicales du Canada de 1987 et avec le nouveau code de politique des trois conseils du Canada. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Je vous remercie.

Quelqu'un d'autre veut-il répondre à la question de Mme Girard-Bujold?

D'accord. Je donne maintenant la parole à M. Charbonneau.

• 1200

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, j'ai quelques questions à poser à nos interlocuteurs.

Je m'adresse d'abord à MM. Perron et Melançon. J'ai écouté leurs plaidoyers en faveur de la création de certains instituts touchant la génétique et la bioéthique, en particulier dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Je vous félicite de saisir cette occasion pour faire la promotion de ces idées.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ils ont un bon député.

M. Yvon Charbonneau: Je vous rappelle cependant que le projet de loi C-13 ne va pas régler ces questions, car il ne les aborde pas lui-même. Il met sur pied le cadre des instituts et donne au futur conseil d'administration la responsabilité d'arbitrer toutes les propositions qui lui seront faites. Donc, je vous félicite de faire la promotion de cela, mais il ne nous appartiendra pas, dans le cadre de ce débat que nous aurons dans les prochains jours entre nous ici, au comité, et à la Chambre des communes, d'ici la clôture de la session, de débattre de cela en long et en large. Donc, ne soyez pas déçus. Je pense que vous comprenez le cadre du projet de loi. Il y aura des étapes où ces questions pourront être abordées par les personnes qui seront désignées en vertu du projet de loi.

J'ai bien écouté votre point de vue et je voudrais vous demander de commenter la question suivante. D'une part, les futurs instituts devront se définir comme étant multidisciplinaires et interdisciplinaires et incorporer à la fois le biomédical, le fondamental, l'aspect clinique, l'aspect santé des populations et la recherche sur les systèmes.

Si chacun des instituts doit incorporer ces quatre ou cinq dimensions-là, pourquoi faudrait-il avoir en plus un institut particulier sur la bioéthique? Le mandat que l'on donne à chacun des instituts est de s'occuper aussi de l'éthique. Il s'agit de l'incorporer dans chacun des projets de loi. Non seulement il faudra faire cela, mais si on vous écoute, il faudra aussi mettre sur pied un institut particulier pour cela. Pouvez-vous me démontrer davantage la pertinence de cette proposition? C'est justement pour éviter de multiplier les instituts sur toutes sortes de questions que les concepteurs des instituts ont dit qu'il fallait intégrer les quatre dimensions au sein de chacun. Aujourd'hui, vous nous dites que cela a bien du bon sens, mais que vous voulez qu'il y ait en plus un institut particulier pour cela.

Dr Marcel Melançon: Monsieur Charbonneau, tout d'abord, je voudrais dissiper un malentendu. Mon but n'était pas de faire la promotion d'une région particulière, en l'occurrence le Saguenay—Lac-Saint-Jean. Ç'aurait pu être le nord du Manitoba ou une autre région. Donc, je ne veux pas du tout faire la promotion d'une région, parce que ce serait microscoper le problème. Je parle au niveau canadien.

M. Yvon Charbonneau: Des régions.

Dr Marcel Melançon: Des régions en général.

Cela dit, j'ai suggéré la création d'un institut qui s'occuperait de problèmes généraux, pancanadiens et agirait en interface avec les autres instituts dans le cas des problèmes. Par exemple, la Société canadienne de bioéthique le fait, tout comme le Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain.

Cela n'empêcherait pas la création, à l'intérieur de chacun des instituts, d'une unité qui s'occuperait de problèmes particuliers ou spécifiques au domaine, par exemple de problèmes particuliers à la santé des femmes, à la reproduction humaine ou à la génétique. Donc, je voulais dissiper ce malentendu. S'il s'était agi de faire la promotion d'une région, en l'occurrence la mienne, je ne serais pas venu ici ce matin, en toute honnêteté éthique.

M. Yvon Charbonneau: Mon préambule était plutôt lié aux organismes en santé génétique ou en éthique qu'a mentionnés M. Perron au début. Il a mentionné une dizaine d'organisations qui étaient toutes dans votre région. Cela ressemblait un peu à un appel...

• 1205

Dr Marcel Melançon: Tirer le chapeau de son côté.

M. Michel Perron: Ce n'était pas du tout le but de mon intervention. Il faut voir mon intervention comme une illustration des efforts qui se font au Canada dans des régions éloignées pour faire de la recherche. Mon plaidoyer visait à expliquer jusqu'à quel point il était important que, lors la création des instituts, on puisse permettre à ces régions de faire valoir leur expertise. C'était davantage mon point de vue. D'autres régions du Canada pourraient sans doute venir exprimer le même point de vue, à savoir que dans certaines conditions de travail, en région plus éloignée, il est plus difficile de faire valoir l'expertise disponible et de s'assurer de faire les bons mariages avec les différents centres de recherche qui existent un peu partout au Canada. C'était une illustration du besoin impérieux que les différentes régions puissent faire valoir leur expertise au sein des futurs instituts. Je ne sais pas si c'est plus clair pour M. Charbonneau.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Vous pouvez poser une question de plus.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Merci.

Ma deuxième question est reliée aux présentations des deux centres d'excellence de la santé des femmes. Vous avez fait plusieurs recommandations concernant la représentation équitable dans les instances, qui seront certainement prises en considération.

Vous avez aussi fait un plaidoyer en faveur d'une approche particulière, a sex- and gender-particular approach. Déjà, dans le projet de loi, il est mentionné que les instituts devront incorporer une dimension qui s'appelle la santé des populations. Et on ajoute la dimension sociale, la dimension culturelle et d'autres types de recherche au besoin.

J'aimerais vous donner l'occasion de nous donner votre interprétation du concept de la santé des populations en regard de vos propres préoccupations. Je crois comprendre que ce concept ne vous satisfait pas. Ce concept est encore un peu flou et un peu nouveau. On a questionné plusieurs gens là-dessus, et la définition est un peu approximative, mais je crois comprendre que vous ne vous sentez pas rassurées ou complètement intégrées dans ce concept de santé des populations et que vous voulez avoir des précisions additionnelles. Je vous donne l'occasion de commenter le concept de la santé des populations et le reste du paragraphe, qui comporte plusieurs éléments, par rapport à ce que vous souhaitez voir dans le projet de loi.

[Traduction]

Mme Linda DuBick: Permettez-moi de commencer, monsieur Charbonneau. Je regrette de ne pas avoir été plus claire dans mon exposé. Je n'ai pas voulu dire que mon centre dans les Prairies n'est pas confiant que les deux piliers sur lesquels reposent les IRSC, c'est-à-dire le pilier de la recherche sur les systèmes de santé et la santé de la population et le pilier des recherches sur les aspects sociaux et culturels ainsi que les aspects liés à la santé de la population... Nous ne trouvons rien à redire à ces piliers parce que nous travaillons essentiellement dans le domaine des facteurs qui influent sur la santé des femmes, et notamment les facteurs autres que les facteurs biomédicaux.

Nous nous demandons simplement si ces deux piliers seront traités de la même façon et si on leur accordera la même attention qu'aux secteurs plus traditionnels de la recherche en santé qui sont la recherche médicale et la recherche clinique appliquée. Nous n'avons pas trouvé dans les documents émis jusqu'ici par IRSC qu'il y avait un juste équilibre entre les quatre piliers, et les discussions entourant la création des IRSC ne nous amène certainement pas à penser qu'on fera une place adéquate au genre de recherche que nous menons.

J'espère m'avoir mieux fait comprendre.

• 1210

Dre Lorraine Greaves: Permettez-moi d'ajouter quelques mots. Nous avons directement réclamé que l'on tienne compte des répercussions de la recherche sur les deux sexes dans ces quatre piliers. Voilà sur ce quoi j'insistais surtout. Il ne suffit pas d'insister sur le bien-fondé de la recherche sur les populations si nous voulons assurer l'excellence des recherches menées dans les quatre piliers.

On pourrait aisément supposer—et je crois que certaines personnes commettent cette erreur—qu'on tiendra compte de la santé des femmes dans les recherches sur la santé des populations. Je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas. Voilà un pilier où la santé des femmes peut être étudiée, mais je crois qu'il faut accorder de l'importance à cette question dans les autres piliers. En outre, il s'agit d'intégrer cette question à la mission des IRSC.

En pratique, tout revient au choix des méthodes utilisées et aux genres de partenariats qui sont établis et sur lesquels se fondent les recherches et les études. Il s'agit là de composantes de la tradition en matière de recherche sur la santé des femmes au Canada dont je vous ai déjà parlé. Voilà ce qu'il faut intégrer aux quatre piliers.

Il est très important, et M. Perron l'a fait ressortir, je crois... Il est bien évident que les médecins qui s'adonnent à des recherches cliniques peuvent parfois bénéficier de l'apport d'un sociologue et des commentaires des consommateurs ou des groupes de protection des consommateurs quant à la façon dont leurs conseils sont accueillis.

Voilà les questions essentielles qui se posent lorsqu'on cherche à établir si l'orientation nouvelle qu'on veut imprimer au système de recherche au Canada permettra d'améliorer la santé des Canadiens.

M. Yvon Charbonneau: Puis-je poursuivre?

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Allez-y. Je vous permettrai de poser une autre question.

M. Yvon Charbonneau: Me cédez-vous votre tour?

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Non, car je veux aussi poser deux questions. J'accorderai ensuite la parole à Mme Girard-Bujold.

M. Yvon Charbonneau: Allez-y.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): D'accord. J'ai une ou deux questions à poser. La première sera brève. J'aimerais demander à la Dre Greaves si elle est d'accord avec Linda DuBick pour dire que le financement des centres d'excellence pour les femmes sera épuisé d'ici l'an 2002.

Dre Lorraine Greaves: Rien ne nous assure pour l'instant qu'on renouvellera les fonds accordés à ces centres. Le ministre de la Santé nous a cependant assuré que la santé des femmes constituera l'un des secteurs d'intervention des IRSC. Nous ne savons cependant pas encore comment cela sera fait.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Je vous remercie.

J'adresse maintenant cette question à tous les témoins. L'ensemble des chercheurs scientifiques que nous avons entendus ont insisté sur le bien-fondé de la méthode d'évaluation par les pairs, qui repose sur le principe de l'impartialité. Les représentants des groupes autochtones que nous avons entendus hier nous ont cependant dit qu'il fallait consulter la collectivité au sujet des priorités de recherche. Ils nous ont fait valoir que les Autochtones avaient leur propre conception des soins de santé.

Lorsqu'on cherche à améliorer la qualité de vie des gens, il faut non seulement prendre des mesures concrètes pour le faire, mais il faut aussi faire participer la population aux décisions afférentes.

Nous venons de discuter de la question de la santé des femmes. Combien de gens savent ce qui se passe dans un centre d'assistance psychologique ou quelles sont les répercussions de la violence verbale? J'aimerais vous demander à tous s'il n'existe pas une meilleure façon que l'évaluation par les pairs d'évaluer les propositions de recherche. Cette méthode continue-t-elle d'être la meilleure?

[Français]

M. Michel Perron: Monsieur le président, permettez-moi de répondre en premier. Je crois qu'il est incontournable, pour la qualité scientifique des projets au Canada, que les pairs, les autres spécialistes, soient ceux qui évaluent correctement la nature des propositions de recherche quant à leurs objectifs, à leur méthodologie et à leurs retombées potentielles.

• 1215

Je crois que le Canada ferait fausse route s'il se mettait en marge de la communauté internationale. Les pairs, dans tous les pays avancés, évaluent les propositions de recherche, les publications et la qualité de la production scientifique.

Je crois que c'est dans la façon dont les comités seront constitués et dans la façon dont les arbitrages se feront dans les décisions prises par le futur conseil d'administration qu'il y a un défi. J'en parlais tout à l'heure et cela me permet d'insister à nouveau. Il y a le défi d'assurer une représentativité adéquate des différents domaines de recherche, que ce soit la recherche biomédicale, la recherche clinique ou la recherche à portée sociale. Il y a là un défi considérable. J'ai moi-même eu à plusieurs reprises l'expérience de siéger à des comités multidisciplinaires pour évaluer des projets de recherche dans le domaine de la santé ou dans le domaine de l'éducation. Il y a un apprentissage à faire, qui est important, qui est parfois difficile, qui est un défi: différentes disciplines doivent apprendre à juger ensemble de la qualité scientifique d'un projet. Cela me semble devoir être une dimension extrêmement importante et novatrice des futurs instituts, que les choses se passent comme cela. Je crois que c'est un défi, mais il ne faut absolument pas remettre en question la nécessité que l'évaluation se fasse au mérite par d'autres chercheurs qui ont les qualifications nécessaires pour juger des travaux scientifiques et juger de l'opportunité de les financer ou pas. Mes propos à cet égard rejoignent tout à fait ceux qui ont été tenus ce matin par les témoins qui nous ont précédés.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Docteure Greaves, voudriez-vous nous donner votre opinion sur la question?

Dre Lorraine Greaves: Je vous remercie.

Je suis aussi membre du conseil d'administration de notre organisme. Le conseil a beaucoup discuté de cette question et c'est donc aussi en ma qualité de membre du conseil d'administration que je vous parle.

Je crois qu'il faut élargir à différents égards la portée du système d'évaluation par les pairs. Les IRSC sont bien placés pour le faire. La vision des IRSC en matière de recherche repose essentiellement sur deux éléments dont l'un est le maintien et même le relèvement des normes en ce qui touche l'excellence scientifique. J'ai moi-même abordé en partie cette question. L'autre élément est celui de l'évaluation de la pertinence des projets de recherche en santé.

La création des IRSC est l'occasion de concilier ces deux éléments de façon constructive. L'une des façons de le faire est d'élargir la composition des comités d'évaluation par les pairs. Comme on vient de le dire, ces comités devraient se composer de personnes appartenant à une vaste gamme de disciplines. Il ne fait aucun doute que le défi à relever est de taille, mais l'élargissement de ces comités est nécessaire pour atteindre les objectifs que se fixent les IRSC. Petit à petit, cet élargissement ne posera plus de difficultés.

Vous devriez aussi réfléchir très sérieusement à la possibilité de nommer au sein de ces comités des représentants de la collectivité ou des profanes si l'on préfère. Bon nombre d'organismes de santé bénévoles et d'organismes de bienfaisance—qui subventionnent une bonne partie de la recherche—font valoir qu'ils veulent maintenir et augmenter la représentation des membres du grand public au sein de leurs comités d'examen par les pairs.

D'ailleurs, l'initiative du cancer du sein est souvent citée en exemple par la Société du cancer. Elle a fait des expériences très réussies dans ce sens. La pertinence devient très prioritaire lorsqu'on fait participer des femmes qui ont été atteintes d'un cancer du sein aux discussions pour évaluer des projets de recherche. Cela ne peut qu'influencer le choix des projets de recherche en termes d'efficacité et de pertinence.

Les résultats se feront donc sentir de plusieurs façons et le fait d'accroître l'inclusivité des comités d'évaluation par les pairs pourrait vraiment porter des fruits pour les IRSC. À mon avis, cette initiative ne pourrait que rehausser la réputation du Canada à l'échelle internationale, puisque nous aurions été assez courageux pour s'attaquer à cette question épineuse.

Voilà donc un ou deux aspects où il faut, à mon avis, apporter des améliorations. Le système traditionnel d'évaluation par les pairs nous ramène à des questions très fondamentales. Qui sont les chercheurs? Quelle en est la définition? Qui sont les pairs? Quelle en est la définition? Ce sont les questions vraiment de base qu'il faut poser si on veut concevoir un nouveau système d'examen par les pairs.

• 1220

Il va sans dire que personne ici ne voudrait toucher aux normes d'excellence, mais il y a des façons de les améliorer. J'en ai suggéré quelques-unes en ce qui concerne l'examen par les pairs.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci beaucoup de votre intervention.

Madame DuBick.

Mme Linda DuBick: J'appuie ce que vient de dire la Dre Greaves, surtout en ce qui concerne l'enrichissement du processus d'examen par les pairs et le besoin d'inclusivité.

Dans le cas de notre centre, on suit un processus d'examen par les pairs et on essaie toujours de faire participer des chercheurs, de toute évidence, pour la rigueur, pour la discipline, pour assurer la confiance en ce qui concerne la conception et la mise en oeuvre du projet de recherche, ainsi que de la méthodologie, de la déontologie, etc.

Mais nous tâchons aussi de faire participer à ce processus d'examen d'autres partenaires, tels des représentants du milieu touché par le projet, des personnes qui peuvent influer sur les politiques de santé ou même établir ces politiques, et des individus qui s'intéressent à une question particulière liée à la santé des femmes—des défenseurs des intérêts des patients. Nous trouvons que toutes ces personnes apportent beaucoup au processus d'examen. Nous avons parlé de la multidisciplinarité, et nous croyons que cette façon de faire apporte une interdisciplinarité, qui permet des échanges d'expertise et de points de vue, ce qui a eu seulement des effets positifs pour les projets à la longue.

Je suis d'avis que toute recherche devrait être pertinente d'une façon quelconque. En ce moment, je travaille dans un domaine où les recherches visent à influencer les politiques de santé. Quant à moi, l'interdisciplinarité, si vous voulez, d'un processus d'examen par les pairs doit se retrouver aussi dans la communication des résultats à ceux qui doivent être informés, non seulement aux décideurs et aux politiciens, mais aussi aux communautés et aux individus. Je crois aussi que ce genre d'interdisciplinarité doit s'appliquer aussi aux conseils en matière de politique que nous offrons aux décideurs.

Comme je l'ai déjà dit, nos projets ont bénéficié d'une richesse et d'une confiance incroyables par le fait même de faire participer des chercheurs, qu'ils travaillent dans le milieu communautaire ou dans le milieu clinique, des individus ou des organismes de servie qui ont participé à des recherches, ou des décideurs qui ont donné des conseils en matière de politique.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci beaucoup.

Docteur Melançon, la parole est à vous.

[Français]

Dr Marcel Melançon: Merci. Jusqu'à maintenant, je crois qu'il y a consensus, premièrement sur le fait de maintenir l'évaluation par les pairs pour des raisons scientifiques; deuxièmement, pour juger de la pertinence des projets; troisièmement, pour les rendre multidisciplinaires; quatrièmement, d'inclure des profanes, des membres du public; cinquièmement, d'impliquer des personnes qui souffrent de maladies, par exemple, des gens directement impliqués dans la recherche; sixièmement, de communiquer les résultats non seulement aux organismes subventionnaires qui nous donnent des sous, mais également au public.

J'ajouterais un septième et un huitième points. Le septième, c'est qu'un comité d'évaluation de pairs est encore la meilleure façon de procéder; c'est la façon internationale de procéder. Je voudrais ajouter qu'un comité d'évaluation des pairs ne jouit pas d'une neutralité absolue; il s'agit d'une neutralité raisonnable, sinon c'est une question d'absence de crédibilité. Je n'élabore pas là-dessus.

La deuxième chose que je voudrais suggérer, c'est que ces peer review committees aient un mécanisme d'appel pour des chercheurs qui ne sont pas d'accord sur la décision sans appel qui est prise par un comité national. Ayant moi-même siégé à des comités au plan national, je sais que certaines décisions unanimes ne sont pas en réalité toujours unanimes. Je crois qu'un chercheur pourrait bénéficier d'un mécanisme d'appel. Il serait donc bon que dans le projet de loi, on prévoie un mécanisme d'appel des décisions des comités de pairs, dans certaines circonstances, cela pour éviter que les 898 chercheurs qui présentent des projets et qui sont refusés fassent tous appel. À ce moment-là, l'organisme subventionnaire serait débordé.

• 1225

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci beaucoup pour vos réponses.

[Français]

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je voudrais revenir sur terre. J'ai deux petites questions à vous poser. Nous, les députés du Bloc, sommes en faveur du principe de ce projet de loi, mais nous avons beaucoup d'objections.

Présentement, au Canada, ce sont les provinces qui dispensent les services de santé. Il vaut la peine que je vous lise l'article 4 de ce projet de loi:

    [...] renforcer le système de santé au Canada, et ce par:

      a) l'exercice d'un leadership dans les milieux canadiens de la recherche et l'encouragement à la collaboration avec les provinces ainsi que les personnes et organismes au Canada et à l'étranger qui s'intéressent aux questions liées à la santé et à la recherche en matière de santé;

Ne trouvez-vous pas que c'est un peu insuffisant que de ne parler que d'une collaboration? Ne trouvez-vous pas qu'il serait important que chaque province, parce que ce sont les provinces qui dispensent les services de santé, soit un partenaire égal dans ce nouveau système? Actuellement, c'est le Canada qui a l'argent. Dans le passé, il transférait aux provinces les sommes d'argent qui leur étaient dues, mais aujourd'hui, c'est le contraire. Il faut donner aux provinces une place très importante dans ce projet de loi.

Je ne sais pas si quelqu'un d'entre vous pourrait s'expliquer sur ça. Vous êtes des chercheurs et vous travaillez au Québec. Madame est en Colombie-Britannique; l'autre dame a un centre de santé dans les Prairies. Ne pensez-vous pas que vous êtes ceux qui savent le mieux ce qui se passe dans la province?

Je trouve aberrant qu'on mette les provinces de côté dans ce processus.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): J'aimerais dire qu'il s'agit d'une question politique. Vous n'êtes pas obligé d'y répondre. Mais vous avez une certaine expertise ou vous avez peut-être des éléments de réponse à offrir.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Non, ce n'est pas une question politique, monsieur.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Il s'agit quand même d'une question politique, à mon avis.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je peux en poser une autre, si vous le voulez.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Non, je ne lui ai pas dit de ne pas y répondre. Mais je dis que c'est plus politique que les questions que nous abordons aujourd'hui.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ce n'est pas politique. C'est la réalité.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Je crois que la Dre Greaves voudrait intervenir.

Dre Lorraine Greaves: Certains sociologues disent que toutes les questions sont politiques, et je me range peut-être de leur côté.

Je ne crois pas pouvoir répondre entièrement à votre question, mais une des préoccupations en ce qui concerne les provinces en ce moment, c'est que leurs dépenses par habitant consacrées à la recherche en santé varient beaucoup. La Colombie-Britannique, par exemple, est une des provinces les moins susceptibles de subventionner la recherche en santé. Au Québec, par contre, on dépense beaucoup pour la recherche en santé au niveau provincial, en Saskatchewan beaucoup moins, et ainsi de suite. L'important, c'est que dans les programmes du financement de contrepartie, qui prévoient un cofinancement ou un partenariat avec un fonds de recherche provincial, certaines provinces s'en tirent mieux que d'autres, et je crois bien qu'il faut s'attaquer à ce problème.

Je ne vois pas comment on pourrait le faire en vertu de ce projet de loi, mais c'est quelque chose que les IRSC vont devoir aborder, peut-être dans le cadre de leurs programmes. En d'autres termes, peut-être que les programmes... Il en existe en ce moment, mais il faudrait peut-être les étendre de façon précise. Certains programmes devront peut-être être munis de mécanismes pour assurer un meilleur partenariat avec les provinces en ce qui concerne le financement, et des partenariats plus uniformes à travers le pays. C'est un aspect qui, à mon avis, doit être examiné très sérieusement et sans tarder.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait intervenir?

Madame Girard-Bujold, vous pouvez poser une question supplémentaire.

Dr Marcel Melançon: J'ai quelque chose à ajouter.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Je m'excuse. Allez-y, docteur Melançon.

• 1230

Dr Marcel Melançon: Oui, je crois qu'il s'agit, effectivement, d'une question politique, mais qui a une incidence scientifique, en quelque sorte. À cet égard, je tiens à dire qu'il devrait y avoir et il doit y avoir un genre de collaboration ou de partenariat, ou peu importe le terme, entre les provinces et le fédéral. C'est une question scientifique pour les recherches au Canada. Sinon, les énergies seront dispersées, etc.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci.

Quelqu'un d'autre? Un instant, madame Bujold, la parole est encore à vous. Si je vais vous permettre une autre question? Bien sûr. Je suis gentil, vous savez.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai une petite question à poser à M. Melançon.

Si le public n'est pas menacé par la trop grande diminution des ressources publiques et la dépendance face aux recherches du secteur privé, l'intérêt est l'argent avant la protection du public. Ne pensez-vous pas que le public est présentement menacé à cet égard et également au point de vue de la recherche?

Vous savez, il y a toutes sortes de recherche. Présentement, c'est la recherche privée qui bénéficie de l'argent parce qu'on commercialise ainsi des choses. Ne trouvez-vous pas que dans ces instituts, on devrait surprotéger le public avant de faire des partenariats avec le secteur privé?

Dr Marcel Melançon: Il y a beaucoup de dimensions et de sous-questions dans votre question. Je vais essayer de répondre à au moins un élément. Est-ce que le public est menacé par l'invasion du privé, par les compagnies pharmaceutiques, etc.? Je ne peux pas répondre à cette question. Il faudrait des statistiques. Mais une chose est certaine, cependant: nous devons prendre en considération dans le domaine qui m'est propre, celui de la génétique humaine, que le secteur privé, en l'occurrence la pharmacologie, la génétique, les compagnies et les industries, est une carte avec laquelle l'État et les scientifiques doivent désormais composer.

Maintenant, quelle part le public devrait-il avoir et quel rôle le privé devrait-il jouer avec l'État? Je ne pas expert. Il faudrait que je suive de cours de gestion et de partnership. Je ne peux pas vous répondre.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous parlez d'éthique depuis le début. La protection du public fait partie de l'éthique. Un partenariat équitable dans l'investissement dans la recherche en santé fait également partie de l'éthique.

Dr Marcel Melançon: Non seulement cela en fait-il fait partie, mais c'en est un énorme morceau. C'est la macro-éthique qui s'occupe de l'allocation des ressources en matière de santé. On appelle cela le principe de l'équité. Maintenant, techniquement ou pratiquement, au plan des mécanismes, je ne saurais dire quels sont les meilleurs mécanismes aptes à assurer la protection du public. J'émets cependant le principe qu'on devrait voir à ce que les compagnies ou les instituts privés ne fassent pas des abus ou des accrocs qui affectent la santé publique.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci, il ne vous reste plus de temps.

J'aimerais répondre à votre question en me servant de renseignements que nous avons reçus depuis le début de notre examen. Des scientifiques nous ont dit qu'il existe des centaines, sinon des milliers, d'ententes entre le secteur privé et des chercheurs universitaires, et ils n'ont eu des problèmes que dans un ou deux cas. Les problèmes découlent des stipulations de l'engagement. Ce que j'en déduis—corrigez-moi si j'ai tort, c'est qu'avant de signer, les chercheurs universitaires exigent des stipulations claires en ce qui concerne le déroulement des recherches et des garanties qu'ils seront tout à fait libres d'interpréter les résultats et d'en tirer des conclusions. Une fois que les modalités sont claires, il n'y a pas vraiment de problème.

Yvon, la parole est à vous.

• 1235

M. Yvon Charbonneau: J'ai une question pour Mme DuBick.

Au début de votre mémoire, vous avez dit que vous avez deux préoccupations. La deuxième semble être la parité implicite en ce qui concerne la commercialisation des résultats des recherches. Je n'ai rien vu dans votre mémoire à ce sujet. J'aimerais vous donner la possibilité d'être plus explicite à cet égard.

Mme Linda DuBick: Je crois que c'est un peu plus loin, peut-être parce que j'ai raccourci mon exposé. Nous nous sommes dits particulièrement en faveur des partenariats pour les projets de recherche, surtout en ce qui concerne les projets de recherche en santé des femmes qui se déroulent en milieux communautaires. Nous n'avons pas constaté un appui suffisant pour ce genre de partenariat dans la documentation sur les IRSC ni dans le projet de loi, à part les partenariats qui semblent comprendre des intérêts commerciaux.

Notre centre croit très fermement que les recherches qui sont liées à la commercialisation, si vous voulez, devraient toujours être entreprises dans l'intérêt du public. Par souci de prudence, je crois que nous préférerions que soit explicite dans le projet de loi. Nous avons, je crois, un amendement à proposer vers la fin. Notre recommandation numéro un se trouve en bas de la page 7.

M. Yvon Charbonneau: C'est votre amendement concernant l'alinéa i)?

Mme Linda DuBick: Oui, monsieur.

M. Yvon Charbonneau: Merci.

Ma dernière question, monsieur le président, concerne cette notion du processus d'examen par les pairs. Comme je ne suis pas très familier avec cela, prière de tenir compte du fait qu'il s'agit d'une question d'un non-expert.

[Français]

J'ai questionné des gens sur la notion des pairs. Si je suis en train de faire une maîtrise, je présente mon mémoire non pas à d'autres personnes qui font une maîtrise, mais à des gens qui en savent plus que moi. Si je suis en train de faire un doctorat, je m'attends à ce que les gens qui examinent ma thèse de doctorat soient des gens très calés dans ce même domaine. Si je suis en sociologie, je ne m'attends pas à ce que ma thèse soit examinée par des ingénieurs.

C'est une manière de voir la notion des pairs. Il faut essayer de trouver des gens qui sont dans un même domaine, mais qui en savent plus. Si je présente cela à des gens qui en savent tout juste autant que moi, on n'avancera pas.

D'un autre côté, pour ce qui est de la question de l'intégration multidisciplinaire, quand on introduit le point de vue d'une certaine clientèle dans le comité en question, quand on introduit le point de vue des profanes dans le domaine, on n'est plus entre pairs; on est avec des «impairs». Ce sont des personnes d'un autre niveau, des personnes d'un autre secteur. Comment peut-on encore appeler cela des pairs? De toute évidence, ce n'est pas le bon sens de votre idée que je remets en question, mais il faudrait changer l'appellation, parce qu'on n'est plus dans le même système. On change de système et on souhaite changer le paradigme pour faire en sorte qu'un projet de recherche dans le domaine du cancer puisse être examiné par des personnes qui ont eu le cancer, par des personnes qui ont une vulnérabilité particulière à cette maladie ou par des gens qui sont capables de regarder les déterminants du cancer. On voudrait que ce soit regardé par un ensemble de personnes. Ce ne sont plus seulement des spécialistes du cancer; ce sont toutes sortes de gens. Comment pourriez-vous faire évoluer le vocabulaire pour qu'il tienne compte de la réalité?

Dr Marcel Melançon: Puisque vous me regardez, j'imagine que la question s'adresse à moi. J'y répondrai très volontiers.

M. Yvon Charbonneau: Vous en avez parlé plus que les autres, mais cela implique tout le monde.

Dr Marcel Melançon: J'adore la dichotomie pairs-impairs. Les pairs sont habituellement des semblables dans l'ordre de la même discipline ou de la même...

M. Yvon Charbonneau: Et un peu plus savants.

Dr Marcel Melançon: Et un peu plus savants. Par exemple, on verrait très mal que quelqu'un qui n'a qu'un baccalauréat siège sur un comité qui évalue une proposition d'un directeur de centre de recherche. Je caricature. Historiquement, les pairs sont des semblables qui ont la compétence nécessaire pour juger de la qualité du projet. Voilà pour les pairs.

• 1240

Passons maintenant aux impairs. Ils peuvent être des pairs en tant que citoyens éclairés.

M. Yvon Charbonneau: C'est un nouveau sens.

Dr Marcel Melançon: Oui.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est le gros bon sens.

Dr Marcel Melançon: Il ne s'agit pas de monsieur et madame tout-le-monde, de personnes qu'on prend au hasard sur la rue. Ce sont des personnes qui ont la capacité de représenter une association de parents d'enfants atteints d'une maladie héréditaire, par exemple, ou de représenter des femmes. Ces personnes ne sont pas compétentes au plan scientifique pour juger d'un projet de recherche en termes techniques, mais elles sont capables de nous faire part de leurs priorités quand, par exemple, il y a cinq projets qui sont cotés au même pointage. J'ai eu l'expérience de siéger avec une lay person à un comité du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Ces personnes disent: «En tant que simple citoyen, il me semble qu'au Canada, ce projet-ci pourrait être davantage considéré par vous, messieurs, dames.» Ces personnes apportent un éclairage direct.

Troisièmement, si on mélange les pairs et les impairs, il ne faudrait pas que les impairs fassent basculer la notion historique et traditionnelle des pairs scientifiques. Donc, l'adjonction d'impairs aux pairs scientifiques doit être en fonction d'une plus-value dans l'évaluation d'un protocole de recherche et non pas en fonction d'une pseudo-démocratie qui voudrait que des projets soient livrés, par exemple, à des personnes qui ont moins de compétence.

M. Yvon Charbonneau: Prévoyez-vous que ces changements vont se faire assez graduellement ou assez rapidement? J'imagine que, dans certains secteurs, cela fait déjà partie du mode de pensée, mais ce n'est peut-être pas le cas dans certains autres types de recherche, où les gens sont habitués de travailler de manière très spécialisée dans leur domaine. On visite des laboratoires et on voit le genre d'équipement dont disposent ces gens-là. Dans certains domaines, il y a peut-être deux douzaines de personnes à l'échelle de l'Amérique du Nord qui savent de quoi elles parlent. Quand on fait un type de recherche très avancée, on est dans de très petits réseaux de moins de 50 personnes. Ce gens peuvent discuter entre eux de manière à ne pas se perdre. Que viennent faire les impairs là-dedans?

Dr Marcel Melançon: Monsieur le président, dois-je répondre?

M. Yvon Charbonneau: Si on veut avancer, c'est entre ces gens-là qu'il faut le faire. C'est là que les choses se passent. L'avancement se fait là, à la fine pointe. Il ne se fait pas en répétant les neuf premières marches. Il se fait à la dixième marche.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Ceci n'est pas une assemblée contradictoire. Les interventions doivent toujours passer par la présidence, sinon les autres participants deviennent seulement des spectateurs. Si on fait plus que tourner en rond sur cette question et si vous voulez y ajouter quelque chose, vous pouvez le faire.

[Français]

M. Michel Perron: Je pense que les chercheurs canadiens seraient déçus si la qualité des évaluations scientifiques se trouvait amoindrie ou diminuée par la création des instituts de recherche. Je pense qu'au contraire, il faut que les normes d'excellence pour qualifier les projets de recherche soient non seulement maintenues, mais améliorées.

Dans cette perspective, un projet de recherche peut être évalué de plusieurs points de vue: du point de vue de ses objectifs, du point de vue de ses retombées et de sa pertinence, mais aussi du point de vue de la méthodologie qui est employée pour faire la recherche.

C'est bien évident qu'il y a des étapes possibles dans l'évaluation d'un projet de recherche. Quand un projet de recherche est évalué par les pairs, cela veut d'abord dire, à mon sens, que c'est un projet qui répond aux normes de la méthode scientifique dans le domaine où le projet est proposé. Pour reprendre l'expression de tout à l'heure, je ne pense pas que les impairs aient un rôle majeur à jouer quand il s'agit d'évaluer si un projet répond aux différents standards des disciplines ou des champs disciplinaires. Il arrive, dans certains fonds de recherche, que les projets soient évalués par étapes. La première étape consiste à passer en revue un ensemble de critères qui permet de qualifier un projet du point de vue de sa démarche, de sa méthodologie, de sa pertinence scientifique et de ses retombées. Une fois que le projet a franchi cette étape et que les pairs ont jugé hors de tout doute que le projet mérite d'être subventionné, on peut ensuite se poser des questions sur l'ampleur du financement et sur la pertinence de la recherche. À ce moment-là, d'autres comités, qui ne sont pas composés strictement de pairs du point de vue méthodologique, peuvent porter un jugement sur l'ampleur du financement et sur l'attribution d'une subvention.

• 1245

Donc, je ne pense pas que ce soit une solution que d'aller vers des comités d'évaluation de projets qui disqualifieraient, aux yeux mêmes des chercheurs, leurs travaux scientifiques. Lorsqu'un chercheur reçoit une subvention ou l'annonce d'une subvention de recherche, puisque son projet a été évalué par des pairs, il se dit que son projet a reçu l'aval de la communauté scientifique dans le domaine où il prétend faire des travaux et qu'au départ, c'est une garantie que les travaux qui seront menés auront toutes les chances de conduire à des productions scientifiques de qualité qui seront reconnues par la communauté.

Il ne faudrait surtout pas qu'en ajoutant la dimension de la présence du public ou de la présence des principaux intéressés à un projet de recherche pour faire en sorte que des projets puissent être évalués globalement, on diminue éventuellement la qualité méthodologique des projets. Mais là on parle d'étapes différentes. Je pense que les projets pourraient être évalués par étapes, en cascade, pour en arriver à une décision finale et à une approbation finale par un conseil d'administration qui gérera les différents instituts et les différentes propositions. Cela me semble être la solution que de départager les différentes étapes d'une évaluation.

M. Yvon Charbonneau: Je suis satisfait des explications qui nous ont été apportées. C'est rare qu'on ait l'occasion de consulter des docteurs aussi longuement et, de surcroît, c'est gratuit.

Cela nous amène à dire qu'il faudra bien articuler ces questions de mécanisme. Il ne suffit pas de dire «peer review, peer review». Il s'agit d'établir un mécanisme quand on veut faire entrer d'autres catégories là-dedans. Je voulais vérifier cette dimension avec vous de manière à essayer de faire évoluer les concepts et à arriver à des propositions articulées dans ce domaine, afin qu'on ne parle toujours juste du peer review comme concept ultime.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Je crois qu'ils sont en train de dire que le modèle de conception tient compte de plusieurs de ces facteurs. Il s'agirait de bien communiquer avec le groupe visé pour leur faire savoir qu'on les a écoutés.

[Français]

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'aurais une précision à l'intervention de M. Charbonneau. Si je suis bien son raisonnement, quand nous, les députés, posons des questions aux docteurs, nous sommes des impairs. Je me demande bien pourquoi on leur poserait des questions. On serait des profanes.

Je pense que votre raisonnement, monsieur Charbonneau, est couci-couça. J'ai toujours pensé que le gros bon sens des individus ordinaires, qui n'ont peut-être pas de diplôme, mais qui ont une expérience de vie dans des secteurs donnés, valait beaucoup plus que l'expérience des gens qui sont dans leur tour d'ivoire. Dans ces comités de pairs, il y a certainement des gens qui ont du bon sens—du moins, je l'espère—, mais il serait bon qu'il y ait parmi eux des impairs, comme disait le Dr Melançon, qui sont affectés par la maladie. Ils ont des enfants malades, par exemple, et ils sont peut-être plus qualifiés qu'un médecin pour savoir ce que le gros bon sens peut faire pour améliorer telle discipline.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci, Jocelyne. Vous parlez de la participation des profanes? Nous n'allons pas nous lancer une discussion.

Marcel d'abord, et ensuite Yvon.

[Français]

Dr Marcel Melançon: Je voudrais ajouter un bref point. L'idée d'adjoindre des impairs aux pairs vient de l'idée de passer du stade autocratique, là où les décisions sur la recherche scientifique sont prises par des collègues en vase clos, au stade démocratique, où on fait siéger au comité un nombre minoritaire de personnes—une ou deux selon le nombre de personnes qui composent le comité—qui représentent les associations ou le public. L'idée fondamentale est de démocratiser la recherche, mais sans faire basculer l'évaluation des projets vers l'incompétence parce qu'il y aurait trop de membres qui ne seraient pas du domaine spécifique du projet de recherche qui est présenté. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): C'est bien, merci.

Yvon.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Je voulais simplement dire à ma collègue d'en face qu'elle a bien mal interprété mes propos si elle a pensé que cela nous discréditait que de poser des questions. Au contraire, je me suis présenté moi-même comme quelqu'un de ce type-là.

• 1250

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ce n'est pas ce que je vous ai dit.

M. Yvon Charbonneau: Au contraire, je voulais faire ressortir l'importance d'assurer l'excellence des recherches dans leur propre sphère, tout en essayant d'établir un mécanisme qui permettrait à des personnes hors de la communauté scientifique ou hors de cette discipline particulière d'apporter leur contribution. Je faisais ressortir tout simplement que, dans la mesure où on utilise toujours l'expression «le système des pairs», on ne capte pas bien cette autre dimension, et je vous invitais à nous aider à trouver des formules. M. Perron a été très éloquent, de même que M. Melançon. Ils nous ont démontré qu'il y avait là-dedans des étapes où la contribution des personnes qui ne sont pas des scientifiques peut être tout à fait opportune et qu'il y avait d'autres étapes qui devaient être préservées dans leur forme actuelle pour maintenir la plus grande excellence. Je pense qu'on se comprend bien là-dessus, et je ne souhaite commettre aucun impair.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): La Dre Greaves veut intervenir.

Dre Lorraine Greaves: C'est une question fondamentale et extrêmement intéressante. Je crois que vous avez employé le terme «changement de paradigme». Je crois que les IRSC pourront apporter, en effet, un changement de paradigme.

On parle ici, en réalité, des processus d'examen en général. De toute évidence, ils peuvent comporter plusieurs étapes, plusieurs dimensions différentes. Une façon d'articuler les divers points de vue, c'est de préciser qu'on veut avoir des perspectives différentes ou ce que les sociologues appelleraient des locus différents.

C'est intéressant, parce qu'on parle des évaluateurs scientifiques et des autres comme s'il n'y avait pas de terrain commun entre eux. Mais bien sûr que les membres des comités d'examen par les pairs qui sont tenus pour être des experts sont aussi des citoyens du pays, sont eux aussi vulnérables à la maladie, et pourraient même être atteints d'une maladie. L'important, donc, c'est de bien intégrer ces perspectives dans l'examen et d'indiquer qu'on veut obtenir et accueillir toutes ces perspectives, qui vont contribuer à ce que je considérerais un élément de véritable transformation dans un processus d'examen. Il faut bien articuler ce qu'on vise à faire, puisque la compréhension actuelle de l'examen par les pairs est assez limitée.

Le vice-président (M. Ovid Jackson): D'accord. Merci.

Nous sommes censés lever la séance à 13 h 00. Je ne vois pas d'autres questions.

J'aimerais demander à nos invités si nous avons omis de parler de quelque chose en particulier que vous avez soulevé dans vos exposés, ou croyez-vous qu'on vous a bien écouté et que vous avez pu transmettre votre message?

Nous avons copies de vos mémoires. Il y a des représentants ici des IRSC. Les attachés de recherche et les greffiers ont tout noté, et il est à espérer qu'on tiendra compte de vos interventions dans le projet final. Avez-vous quelque chose à ajouter? Tout le monde est heureux?

Jocelyne a une dernière question.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, je n'ai pas très bien compris ce que M. Melançon a dit au sujet de la formation, de la rotation des chercheurs et du financement culturel et humain. Que voulez-vous dire par «formation» et «rotation»?

Dr Marcel Melançon: Premièrement, en ce qui concerne la formation, je voulais indiquer qu'on devait mettre l'accent, dans les universités ou ailleurs, sur la formation des chercheurs, que ce soit par des bourses ou d'autres moyens, sur la nouvelle génération de recherche, en l'occurrence dans le domaine de la santé. Deuxièmement, je voulais aussi dire qu'après les avoir formés à grands coups de dollars et d'efforts sociaux, il fallait faire un grand effort pour les retenir au pays et éviter l'exode des cerveaux.

Quant à la rotation des chercheurs, je ne sais pas dans quel contexte j'en ai parlé et je n'ose pas répondre de crainte de me fourvoyer.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous en avez parlé en même temps que de la formation. Est-ce que vous voulez les faire aller un peu partout? Vous en avez parlé dans le même contexte. C'est pour cela que j'ai écrit vos paroles mot à mot. Mais ce n'est pas grave. On se reprendra une autre fois, monsieur Melançon.

Dr Marcel Melançon: Il n'y a pas de quoi. Je suis à votre disposition.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.

• 1255

[Traduction]

Le vice-président (M. Ovid Jackson): Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.

Nous allons terminer nos discussions maintenant. La séance est levée.