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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 2000

• 1109

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)): La séance est ouverte. Aujourd'hui, nous nous penchons sur le projet de loi C-213, Loi de 1999 favorisant la construction navale.

Nous accueillons aujourd'hui les témoins que nous avions convoqués. Je crois savoir que les représentants d'Industrie Canada vont faire un exposé, et que ceux du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international vont répondre à toute question que les membres du comité pourraient vouloir poser au sujet de l'industrie de la construction navale.

• 1110

Je vais donc demander à Mme Ninon Charlebois et à M. Brian Derick, conseiller principal de bien vouloir commencer.

Soyez les bienvenus.

Mme Ninon Charlebois (directrice, Breffages et gestion stratégique, Industrie Canada): Merci, madame la présidente et membres du comité, d'avoir invité des représentants d'Industrie Canada à témoigner au sujet de la construction navale.

Ainsi que vous l'avez souligné, je suis accompagnée aujourd'hui par des collègues d'autres ministères, soit de celui des Affaires étrangères et du Commerce international et de la Société pour l'expansion des exportations, qui pourront répondre aux questions relatives soit à la politique commerciale, soit au financement des exportations. On m'a également dit que mes collègues du ministère des Finances doivent eux aussi témoigner devant vous d'ici une semaine afin de répondre à toute question que vous pourriez leur poser sur la politique ou sur des questions financières.

Je n'ignore pas que le Comité permanent des finances a déjà entendu des représentants de l'industrie, la semaine dernière, et qu'à cette occasion, il a surtout été question du projet de loi C-213. Aujourd'hui, mon exposé portera surtout sur le contexte dans lequel s'inscrit la construction navale au Canada et à son évolution, afin de donner aux membres une perspective un peu plus vaste sur la construction navale. J'espère que cela vous sera utile lorsque vous analyserez le projet de loi C-213.

J'aimerais aussi vous communiquer les résultats de certaines des consultations que nous avons tenues auprès des intervenants et qui sont toujours en cours.

Ce sont là les principaux objectifs de notre exposé.

L'industrie canadienne de la construction navale illustre l'évolution internationale de ce secteur, marquée au coin de la concentration et de la rationalisation. On prévoit que ces tendances vont se maintenir pendant encore plusieurs années. On les observe partout dans le monde. Le Canada n'est donc pas vraiment différent à cet égard.

À l'heure actuelle, notre industrie est répartie entre 14 grands chantiers navals et quelque 12 plus modestes. Trois des grands chantiers appartiennent à des intérêts canadiens. Il s'agit de la Irving Shipbuilding Ltd., de l'Allied Shipbuilders et des Port Weller Dry Docks. Les autres sont des filiales de sociétés américaines. Si vous vous reportez à la carte du Canada, vous y verrez que le total des emplois correspondant à l'industrie est de quelque 3 700.

Sur la côte ouest, en Colombie-Britannique, on compte quelque 1 000 emplois, et leur nombre est demeuré relativement stable au cours des dernières années, étant donné surtout que les chantiers navals de là-bas se spécialisent surtout dans les activités de réparation et de radoub. Si maintenant nous observons ce qui se passe à Port Weller en Ontario, encore une fois on remarque des emplois relativement stables. Ils ont même augmenté récemment pour s'établir à quelque 800. Là-bas aussi on se concentre sur les activités de réparation et de radoub, et on s'apprête à s'implanter sur le marché des Grands Lacs.

Passons maintenant au Québec, on y voit bien entendu la compagnie Davie, qui appartient maintenant à la Syntek and Transnational Capital Ventures, où il y a eu des baisses d'emplois. Il y a également deux autres chantiers navals, dont les emplois demeurent stables ou ont progressé. Encore une fois, ils se concentrent sur les réparations et le radoub. Et bien entendu, il y a la région de l'Atlantique où, à l'heure actuelle, il y a quelque 1 100 emplois, ce qui est un recul par rapport aux 3 000 observés pendant la crête de la vague de grands projets de l'État, à savoir la construction des frégates et des navires de défense côtière.

Cela vous donne un bref aperçu de la situation au Canada.

Depuis le milieu des années 80, l'industrie est en cours de reconversion. Si vous vous reportez à notre graphique, vous y verrez dans la partie de droite qu'il y a eu un programme de rationalisation lancé par l'industrie à partie du milieu des années 80 qui s'est poursuivi jusqu'au milieu des années 90. Cela a entraîné la fermeture de certains chantiers navals et la diversification de certains autres. Le processus a bénéficié du soutien fédéral, qui a accordé quelque 200 millions de dollars à l'exercice.

• 1115

Ce ne sont pas tous les chantiers navals qui ont choisi de participer au programme. Ainsi, par exemple, ceux de la région de l'Atlantique ne l'ont pas fait.

Ainsi que je le disais plus tôt, pendant cette période se déroulaient de grands projets de construction navale commandés par l'État. On construisait alors des escorteurs-patrouilleurs, des navires de défense côtière et des navires de classe tribal. Il y avait alors 12 000 travailleurs à temps plein occupés par ces projets, dont 6 000 en dépendaient directement. Une fois ces commandes achevées, quelque 6 000 emplois ont disparu. Dans l'ensemble, au cours de la reconversion et de la rationalisation dans l'industrie, on est passé d'un sommet de 12 000 emplois à quelque 3 700 à l'heure actuelle.

En fait, la situation au Canada ressemble assez à celle des autres pays. Au Japon, par exemple, qui est désormais l'un des principaux constructeurs de navires, l'emploi dans ce secteur a baissé au cours des 20 dernières années d'environ 75 p. 100, ce qui équivaut à peu près à la situation au Canada, où l'on est passé de 145 000 emplois à 45 000.

Pour bien comprendre certaines des difficultés avec lesquelles le Canada est aux prises, il serait utile de se placer dans le contexte mondial. À l'heure actuelle, le Canada occupe 0,03 p. 100 du marché mondial. Ce sont les pays d'Asie qui sont les principaux acteurs.

Comme vous pouvez le voir sur le graphique, la Corée du Sud, le Japon et la Chine occupent ensemble plus de 80 p. 100 du marché mondial. Même des acteurs aussi puissants s'adaptent au changement et sont en constante restructuration et réorganisation.

Pour vous donner une idée, la Corée du Sud surveille déjà ses arrières, étant donné que la Chine, grâce à ses taux de rémunération très faibles, essaie de s'approprier une part du marché. Elle a donc décidé, par l'entremise de la société Hyundai Heavy Industries, de réduire sa part du secteur de la construction de navires d'environ 36 p. 100 sur les cinq prochaines années. Elle veut réduire sa présence sur le marché mondial. Tout cela pour vous dire que le Canada n'est pas le seul pays dans le secteur de la construction de navires qui éprouve de graves difficultés. C'est un problème qui est généralisé.

Pour revenir à la question de la surcapacité, force est de constater qu'à l'échelle mondiale la concurrence est extrêmement farouche dans ce secteur pour la simple raison qu'il y a beaucoup plus de chantiers navals qu'il n'y a de contrats. C'est ce qui explique le problème de la surcapacité.

Cela dit, il existe des segments de marché, notamment celui de la construction de très grands navires, qui est le premier segment de marché sur le graphique, où la concurrence n'est pas aussi vive. Le taux de surcapacité est d'environ 28 p. 100, tandis que pour les deux autres segments, c'est-à-dire celui des navires de moindre taille, la surcapacité est un problème de taille. Malheureusement, ce sont ces deux segments de marché qui intéressent le Canada.

On pourrait dire qu'à l'heure actuelle la construction de navires est en réalité un marché acheteur. Les prix sont très faibles; pis encore, ils sont encore à la baisse. Vous pouvez voir, d'après le graphique, que la chute des prix touche tous les types de navires. En d'autres mots, qu'il s'agisse de navires de grande ou de petite taille, on ne peut échapper à ces tendances à la baisse.

En fait, les pays qui offrent des prix très intéressants, notamment la Corée du Sud et la Chine, ont un avantage sur les autres en ce sens qu'ils peuvent s'approprier une plus grande part du marché.

Pour vous donner un exemple de la différence de prix, certains navires construits dans des chantiers navals canadiens coûteraient environ 40 millions de dollars alors qu'en Chine, ils ne coûteraient qu'environ 20 millions de dollars. C'est donc la moitié des coûts canadiens. Dans certains cas, les différences de prix sont aussi marquées.

Si l'on se penche sur la situation au Canada, on observe que les dépenses d'investissement fédérales connaissent une baisse depuis la moitié des années 90. En tout, elles ont été réduites d'environ 3,5 milliards de dollars.

• 1120

Vous pouvez voir sur le graphique que la plupart des dépenses ont été faites au titre des réparations et des carérages—ce qui est représenté par la couleur bleue. C'est là qu'intervient le plus le gouvernement fédéral, tandis que l'investissement dans les constructions nouvelles est très faible—la partie verte du graphique.

La partie jaune du diagramme représente les nouvelles acquisitions faites dans le cadre des projets de navires de défense côtière et de frégates. Cette partie a presque disparu, et il ne reste désormais que les parties bleues et vertes. Cela dit, d'autres projets verront le jour au cours des prochaines années, d'ici environ 2003. En effet, la Défense nationale projette d'acheter des navires de ravitaillement, entre un et trois navires, mais cela ne nous ramènera certainement pas au niveau antérieur.

Il existe une politique en matière de construction navale depuis plusieurs années déjà, et elle comporte cinq volets. Les trois premiers volets portent essentiellement sur des mesures nationales. Premier volet: acquisition au pays de la flotte fédérale. Deuxième volet: tarif douanier de 25 p. 100 sur les navires provenant des pays non membres de l'ALENA. Troisième volet: déduction pour amortissement accéléré avec déduction complète en l'espace de quatre ans.

Le quatrième volet concerne les exportations. Le financement est assuré par la SEE, le taux de financement étant de 80 p. 100 remboursable sur 12 ans.

Le cinquième volet porte sur la R-D, notamment l'accès à l'Institut de dynamique marine, qui se trouve à Terre-Neuve. Il s'agit d'un centre de recherche où l'on peut faire des tests assez avancés. C'est même l'un des meilleurs instituts au monde. On y fait notamment des tests sur l'interaction entre les structures et les vagues, ce qui est très utile pour les projets en haute mer, par exemple. On peut également y élaborer des mesures de prévention de la pollution par les hydrocarbures. Je vous donne ces quelques exemples pour vous montrer le type de recherches que l'on y fait.

En outre, à l'instar de tous les autres secteurs, le secteur de la construction de navires bénéficie d'un ensemble de programmes fédéraux.

Au chapitre des exportations, les constructeurs de navires ont accès à la Corporation commerciale canadienne et au Service des délégués commerciaux.

Ils ont également accès à des crédits d'impôt aux fins de la R-D. Les crédits d'impôt accordés à tous les secteurs totalisent environ 1,3 milliard de dollars par année, ce qui est un montant assez substantiel. Ce programme est appelé Crédits d'impôt à l'investissement pour la recherche scientifique et le développement expérimental.

Il y a aussi le programme Partenariat technologique Canada (PTC) qui vise à favoriser les investissements stratégiques dans les projets de développement technologique. Ce programme, qui relève de mon ministère, est géré selon la formule du recouvrement des coûts. Il s'agit donc de contributions remboursables assorties de redevances. Ces contributions visent à accroître l'innovation dans les différents secteurs. Ce programme ne finance pas la construction de navires, mais les projets d'innovation sur les navires.

À titre d'exemple, on pourrait recourir au programme PTC si la coque du navire a besoin de revêtement ou si le navire a besoin d'un système de positionnement global à la fine pointe de la technologie. Donc, on investit dans l'innovation et non dans la construction de navires. Tel est l'objectif du programme PTC.

Les autres pays, quant à eux, ont souvent des politiques de subventions. Selon le pays dont il est question, les subventions peuvent varier entre environ 9 p. 100 en Europe et 30 p. 100 en Asie. De même, les tarifs douaniers peuvent osciller entre 0 p. 100 et 8 p. 100. Toutefois, il y a des pays qui bénéficient d'autres types d'avantages commerciaux qui ne sont pas forcément des subventions. Dans le cas de la Chine et de la Corée du Sud, c'est le faible coût de la main-d'oeuvre. La loyauté nationale, le pays d'origine, intervient également pour avantager les constructeurs navals. Enfin, il y a ceux qui investissent massivement dans la R-D ou l'innovation.

Tous ces facteurs combinés ne changent pas le fait que tous les pays entreprennent de restructurer massivement leur secteur. Certains sont en train de perdre leur part du marché en faveur d'autres pays, et ils n'ont d'autre choix que de restructurer leur secteur et de réduire sa taille. Parfois, ils sont obligés de changer la nature même de leurs produits.

• 1125

De par sa nature, la construction navale est un secteur très incertain qui change constamment. Ses caractéristiques: prix faibles et à la baisse, surcapacité et arrivée constante sur le marché de nouveaux acteurs provenant de pays nouvellement industrialisés. Ces pays s'approprient des parts de marché qui revenaient traditionnellement à des pays bien établis, et ce, grâce à leurs faibles taux de rémunération et à leurs normes environnementales peu strictes qui leur donnent un avantage concurrentiel.

Même s'il y a des changements, si ces changements sont bien gérés, il y a souvent des possibilités qui s'offrent. Certains pays industrialisés, notamment le Japon, profitent de cette vague de changements. Ils se servent du fait que les autres pays peuvent produire, par exemple, des coques à des prix inférieurs, et créent des alliances stratégiques avec eux. Pour la première fois de l'histoire, le Japon, qui est la principale force sur le marché, forme un partenariat stratégique avec la Corée du Sud ou la Chine—je ne me souviens plus du pays en question—pour faire construire des coques. Le Japon construit des navires, puis leur ajoute des pièces à valeur élevée—c'est ce que l'on appelle l'intégration des systèmes. En d'autres mots, il profite du faible coût de la main-d'oeuvre dans ces pays, qui offrent en plus des subventions à leurs constructeurs navals.

Certains petits chantiers navals canadiens profitent également de cette vague de changement. En effet, certains d'entre eux se sont taillés un créneau assez intéressant et novateur. Il y a un petit chantier naval à Québec qui se spécialise dans les remorqueurs en aluminium à hélice en forme de Z. En Colombie- Britannique et dans la région Atlantique, certains ont ouvert des fermes piscicoles. On a en outre des fabricants de patrouilleurs et de dômes sonars. Dans certains cas, les chantiers navals se créent des créneaux très spécialisés.

De plus, de nouvelles normes sont établies, notamment au chapitre de l'environnement, où les nouvelles technologies sont de véritables atouts. À titre d'exemple, certains constructeurs navals nous ont dit que s'ils réussissaient à régler le problème de l'eau de ballastage que l'on retrouve au fond des cales et qui est pleine de micro-organismes, ils pourraient devenir très riches.

Il y a donc des possibilités qui existent sur le marché, mais nous devons être capables d'en tirer profit. La clé de la réussite, c'est la capacité d'innover et de s'adapter.

J'ai indiqué au début de mon exposé que nous avons entamé une série de consultations. Cela nous a permis, dans une large mesure de cerner les créneaux et les possibilités qui pourraient intéresser les chantiers navals canadiens. Ce processus de consultation fait suite au dialogue entamé par le ministre Manley il y a quelques mois avec les principaux acteurs de l'industrie. Nous consultons actuellement de nombreuses parties intéressées, compagnies de navigation maritime, armateurs, chantiers navals, constructeurs de navires, syndicats, provinces et municipalités.

Le but de ce processus de consultation est d'entamer un dialogue sur les réalités de ce secteur au Canada et à l'étranger, de partager les informations dont nous disposons et de commencer à explorer les possibilités. Nous pensons terminer les consultations d'ici au milieu de l'été, après quoi nous passerons en revue nos conclusions et en ferons rapport à notre ministre, le ministre de l'Industrie, qui en discutera avec ses collègues du Cabinet.

J'aborderai maintenant certaines conclusions préliminaires, que j'ai évoquées au début de mon exposé.

La meilleure pratique que nous avons pu déceler jusqu'à présent se rapporte à la capacité de certains chantiers navals de s'approprier des créneaux. J'ai parlé des petites embarcations d'aluminium, des dômes sonars—et ce sont là des exemples de créneaux. Certes, ils sont petits, mais ils ont un potentiel de croissance.

Certains chantiers navals diversifient leurs marchés ou leurs gammes de produits, et c'est le cas des fermes piscicoles dont j'ai parlé tout à l'heure.

On investit désormais dans l'ingénierie, la recherche et la conception de grande qualité. C'est devenu la norme. Les chantiers navals qui investissent dans la R-D et se dotent d'un très bon groupe d'ingénieurs, ou ceux qui ont recours à des ingénieurs talentueux, sont généralement ceux qui jouissent d'un avantage concurrentiel sur le marché.

• 1130

Au nombre des pratiques exemplaires, il y a la création d'alliances stratégiques commerciales et l'établissement de très bonnes relations de travail.

En guise de conclusion, je voudrais vous donner un aperçu de nos engagements. Nous nous engageons à prêter une oreille attentive et à poursuivre le dialogue. Pour ce faire, nous devons absolument avoir une compréhension commune des réalités auxquelles fait face le secteur de la construction navale.

Les pratiques exemplaires sont nombreuses. Nous en avons cerné quelques-unes, mais je suis certain qu'il en existe d'autres. Les emplois de grande valeur et à long terme sont, à notre avis, cruciaux.

Le cadre stratégique pour le secteur de la construction navale doit être réalisable, abordable et efficace. Il doit tenir compte des priorités des contribuables, à savoir la saine gestion des finances publiques et le respect des obligations internationales.

Nous croyons également qu'innovation et compétitivité vont de pair, ce qui est extrêmement important pour la création d'emplois de grande valeur.

J'espère que mon exposé vous aura été utile. J'ai voulu vous faire une mise en contexte, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci beaucoup, madame Charlebois et monsieur Derick.

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Robert Shaw-Wood et M. Jean Saint-Jacques, qui représentent le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Vous pouvez leur poser des questions à eux aussi.

Monsieur Epp, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je voudrais que l'on commence par M. Dubé, étant donné que c'est lui l'auteur de ce projet de loi. Vous aurez la parole après lui.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Je n'ai pas d'objection, madame la présidente.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Je suis content de constater qu'il y a une certaine évolution, mais en même temps, je dois constater que l'évolution se fait lentement dans la pensée des gens qui s'occupent de ce secteur.

J'ai sensiblement les mêmes chiffres, sauf pour ceux qui nous avaient été présentés au Comité de l'industrie le 16 novembre, mais qui émanent d'une même idée qui, elle, remonte 20 ans en arrière. Il y aurait eu une surcapacité à l'échelle mondiale et, en conséquence, il fallait rationaliser. Rationaliser, cela voulait dire fermer des chantiers. Quant au nombre d'emplois, c'est réussi, parce que les chiffres actuels sont encore plus bas que ceux que vous donnez. Selon mes chiffres, c'est 2 500 actuellement pour tout le Canada. Cela varie, mais c'est actuellement 2 500. Ils ne peuvent pas être plus bas. S'ils descendent plus bas, les chantiers vont fermer. J'en tiens pour preuve la fermeture de St. John Shipbuilding Ltd. La Stone Marine pense à en faire autant.

Avec la rationalisation, il n'en restera bientôt que quatre ou cinq. Je ne dis pas que c'est votre faute, mais je ne peux pas me réjouir d'un tel constat.

Lors de la réunion du 16 novembre, j'avais posé un certain nombre de questions. Combien de bateaux dans le monde ont dépassé la durée de vie normale de 20 ans? La durée de vie est une norme qui devrait être appliquée partout. Or, pour toutes sortes de considérations, il y a des pays qui sont moins rigoureux que d'autres, mais au Canada, c'est la norme. On m'a répondu qu'il y avait 85 494 navires dont l'âge moyen était de 19 ans, mais que 45 p. 100 de ces navires avaient plus de 20 ans. Quarante-cinq pour cent, c'est 38 874 navires. C'est ma première question.

Avec les chiffres que les gens de l'industrie m'ont donnés pour répondre à cette question sur la norme de 20 ans, comment peut-on continuer de prétendre qu'il y a une surcapacité? La majorité des bateaux qu'il y a dans le monde actuellement sont désuets. Ils présentent même des dangers, surtout lorsqu'il naviguent dans des eaux intérieures. Je pourrais faire venir un rapport sur les accidents et les incidents qu'il y a eu en Bretagne et partout ailleurs. Tout le monde connaît ça.

Voici mon deuxième commentaire. Je veux parler de la ténacité dont fait preuve le ministère de l'Industrie pour mettre tous les bateaux dans une même catégorie. C'est d'une telle évidence qu'au Canada, il n'y a aucun chantier naval qui fabrique des bateaux de plus de 90 000 tonnes. La raison de cela est simple: c'est la largeur du canal de Panama. Il faut que les bateaux passent par le canal de Panama. Or, dans les statistiques, on met le nombre de bateaux construits par la Chine, Taïwan, la Corée, etc. On met tout cela dans un même paquet et on arrive à un chiffre spectaculaire de 0,4 p. 100 pour le Canada. On avait demandé une ventilation. Pourquoi ne nous fournissez-vous pas cette ventilation? Ne regardons que ce qui nous concerne, soit les bateaux de 90 000 tonnes et moins.

• 1135

J'avais aussi demandé pourquoi on ne tenait pas compte d'un élément nouveau qui va prendre de plus en plus de force, surtout avec l'augmentation du prix du baril de pétrole, soit toute la question des plateformes pétrolières. On a complètement oublié cette question. Pourquoi l'a-t-on oubliée?

Ensuite, vous me parlez des quatre éléments de la politique. Pour le tarif douanier, ce n'est peut-être pas vous, mais le Commerce extérieur. Les États-Unis sont exemptés de cela. J'ai même posé une question là-dessus. Je la donnerai tantôt. On ne considère pas cela.

Ensuite, on parle de la politique nationale d'achat du gouvernement fédéral. Faites-moi rire. On a acheté récemment deux traversiers construits à l'étranger: un fait la navette entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et l'autre, acheté il y a trois ans, fait la navette entre les Îles-de-la-Madeleine et la Nouvelle-Écosse.

Vous parlez de conception, de génie et de recherche. Or, les petits bateaux de la Garde côtière du Canada qui sont actuellement fabriqués au Canada, dans les chantiers ontariens—parce qu'on fonctionne par région, on a renouvelé la flotte ontarienne d'abord, ce qui peut aller—, sont construits à partir de plans conçus par des architectes et des ingénieurs américains. Si votre politique était bonne, elle fonctionnerait. Ça ne marche pas.

Mon dernier point porte sur l'éternelle confusion dans les contributions gouvernementales entre les subventions, les contrats et les garanties de prêt. Tout cela est mis dans le paquet. Cela fait trois ans que je le dis.

Avec les gens de l'industrie, on a gagné un point: celui sur le soi-disant fameux problème de la productivité. Finalement, devant une démonstration des faits, les membres du Comité de l'industrie ont été obligés de reconnaître que nos chiffres étaient les bons. Parmi les secteurs qui ont le plus évolué en termes de productivité depuis 10 ans, c'est celui de la construction navale qui se classe premier, avec une augmentation de la productivité de 46 p. 100, alors que la plupart des autres secteurs ne dépassent pas 3 p. 100. Pourquoi maintenir des orientations comme celles-là?

Par contre, je suis content qu'il y ait des consultations. Si vous pouviez au moins répondre à quelques-unes de mes observations et de mes questions, ce serait apprécié.

Mme Ninon Charlebois: C'est une grande tâche que de répondre à chacune de vos questions, parce qu'il y en a plusieurs. Vous touchez à certains des grands problèmes auxquels l'industrie fait face. Le filon principal dans tout cela, c'est la question de la surcapacité. C'est sûr qu'il y a une demande pour des navires. À l'étranger, au Canada et partout dans le monde, la flotte est désuète. Elle a besoin d'être remplacée. Or, même si la demande est forte, le nombre de chantiers qui existent actuellement est encore plus fort. C'est le phénomène qui a cours. C'est cela, la surcapacité. Il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande.

À cela s'ajoute le fait qu'il y a toujours de nouveaux pays qui entrent dans le marché de la construction maritime. Je crois que l'Inde va y entrer bientôt. Ce pays a une main-d'oeuvre à bon marché et cherche des débouchés pour l'acier et la construction maritime de base qui, un peu à la méthode chinoise, est un débouché naturel pour ces industries en voie de développement. C'est un milieu extrêmement transitoire, qui fluctue énormément. Ce sont des forces qu'on voit à l'échelle mondiale. Cela explique un peu pourquoi on est dans la situation dans laquelle on se trouve.

Pour ce qui est d'une autre question que vous avez posée, celle qui porte sur la tendance à mettre tout le monde dans le même bateau pour les contrats canadiens, je ne prétends pas que le Canada construit de grands navires. C'est évident. Le graphique qui est dans la présentation montre qu'on ne construit que des navires de taille moyenne ou petite. Mais le problème de la surcapacité existe là aussi. Elle est d'environ 50 p. 100. Donc, c'est un marché extrêmement compétitif. C'est la réalité. On aimerait que ce soit différent, mais le marché est très compétitif.

• 1140

Ce sont là les grands enjeux, qu'il est important de connaître parce qu'ils influent beaucoup sur la situation qui prévaut ici. Et la situation qui existe au Canada, on la retrouve dans d'autres pays. Comme je l'ai dit, le Japon est dans la même situation. Le Japon avait fait des investissements très poussés en technologie, en robotique. Le niveau d'emploi au milieu des années 1970 était, je crois, de 145 000. Je pense qu'il est maintenant de 45 000. Les chantiers cherchent des façons de couper des postes pour augmenter leur productivité et avoir une part croissante du marché. Ce sont les conditions qui prévalent.

Vous demandiez qu'on vous donne un diagramme ou une liste des types de contrats et des marchés sur lesquels ils portent. On peut vous la fournir. Si cela vous intéresse, on a un aperçu non seulement des types de navires qu'on est capables de construire, mais aussi de ceux qui sont en demande chez certains armateurs canadiens. Pour ce qui est de l'armateur qu'est le gouvernement fédéral, eh bien, on n'a pas grand-chose à faire de ce côté actuellement étant donné les coupures budgétaires.

C'est la réponse générale que je peux donner à vos questions. C'est dans le but de trouver plus de faits concernant les facteurs qui sous-tendent la situation dans laquelle se trouve l'industrie qu'on a poursuivi le processus de consultation. On cherche des faits.

M. Antoine Dubé: Il y a un secteur dont vous n'avez pas parlé, et c'est celui des plateformes pétrolières et de toute l'industrie qu'on pourrait ranger dans la catégorie des équipements énergétiques...

Mme Ninon Charlebois: Oui, ça s'en vient.

M. Antoine Dubé: ...dans laquelle le Canada, et particulièrement le chantier de chez nous...

Je sais que la Société pour l'expansion des exportations a soulevé ce point, en tout cas dans le cas de la Davie. Je ne sais pas s'il serait possible de leur poser la question suivante. Je pense qu'ils sont ici aujourd'hui avec vous. Vous dites que dans le secteur pétrolier, celui des plateformes, votre programme de prêts a été suffisant, alors que l'industrie dit que ce n'est pas le cas. Dans ce secteur particulier, par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays, sommes-nous compétitifs ou non? Est-ce que je peux leur demander de donner une réponse précise à cette question?

Mme Ninon Charlebois: Ils le sauraient probablement.

M. Antoine Dubé: Est-ce qu'ils sont ici aujourd'hui?

Mme Ninon Charlebois: Oui.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Y a-t-il un représentant de la SEE ici? Pourriez-vous vous présenter s'il vous plaît?

M. Daniel Primeau (relations avec les clients, Groupe des transports, Société pour l'expansion des exportations): Je m'appelle Daniel Primeau et je représente la Société pour l'expansion des exportations.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci. Pourriez-vous répondre à la question?

[Français]

M. Antoine Dubé: Dois-je répéter la question?

M. Daniel Primeau: Non, ça va. J'écoutais.

Dans tout le domaine du offshore, les chantiers canadiens travaillent actuellement très activement au développement de marchés. C'est un marché qui fluctue énormément selon le prix du pétrole. C'est un marché confronté à un problème de rentabilité; la rentabilité des projets offshore dépend presque au quotidien de la fluctuation du prix du pétrole. C'est donc un marché qui se développe lentement mais qui est très dynamique.

M. Antoine Dubé: Évidemment, vous faites une consultation. Pour ma part, j'en fais une depuis deux ans auprès des divers intervenants. Ils me disent que dans ce secteur, on ne fait pas un emprunt à la caisse populaire. Le financement est un élément très important. Les garanties sont aussi plus importantes. Mais selon eux, les échéances seraient trop courtes.

M. Daniel Primeau: Tous les équipements pétroliers en mer se vendent aujourd'hui à ce qu'on appelle le day rate, le taux quotidien. La location d'une plateforme peut coûter 90 000 $ ou 250 000 $ par jour. C'est ce qui détermine si un projet est mis en oeuvre ou non.

Les deux facteurs les plus importants à déterminer sont évidemment le prix de la plateforme et le coût de son financement. Le coût du financement est relié directement au taux d'intérêt et au terme qui est offert. Si vous parlez aux promoteurs des projets pétroliers en haute mer, ils vous diront toujours que plus le terme d'un prêt est long, moins le financement coûte cher. Il en serait ainsi de notre hypothèque si elle pouvait s'étendre sur un terme de 50 ans au lieu de 15. Donc, le terme est un facteur important du financement qui détermine si la vente ou la location d'une plateforme est attrayante.

• 1145

Vous avez raison: le monde du offshore se vend par sa technologie, le prix de l'équipement et le financement offert.

M. Antoine Dubé: Si j'ai posé cette question, madame la présidente, c'est que le domaine du offshore est un secteur particulier. Je suis persuadé qu'il existe d'autres créneaux. Vous avez mentionné que vous en cherchiez. À cet égard, je vous suis tout à fait.

Il n'est pas vrai que l'Inde ou les pays en voie de développement vont être capables d'agir rapidement dans ce domaine. C'est un domaine dans lequel on doit s'engager et je pense que nos chantiers canadiens sont capables de le faire. Actuellement, le problème numéro un, à ce qu'ils me disent, est toujours le financement et les coûts de ce financement.

Évidemment, je n'ai pas consulté le monde entier, mais j'ai rencontré l'été dernier deux députées allemandes qui étudiaient la question pour la Commission européenne. Je suis allé aux États-Unis. Il semble bien que dans le monde entier on ait ce problème-là actuellement. Le financement, dans ce secteur, est la priorité numéro un, je pense. Ce que je propose dans mon projet de loi, c'est tout simplement de l'adapter aux conditions que fait le gouvernement américain, qui est pourtant notre voisin.

Je m'arrête là pour l'instant afin de laisser à mes collègues la chance de poser des questions. S'il reste du temps à la fin, Mme la présidente voudra peut-être me permettre de poser d'autres questions.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci, monsieur Dubé. C'est que vous avez posé tellement de questions que j'ai eu de la difficulté à vous suivre. S'il y a des questions auxquelles on n'a pas répondu, nous pouvons toujours y revenir plus tard.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci beaucoup.

Je voudrais d'abord poser une question aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Nous savons que d'autres pays subventionnent assez largement leurs chantiers maritimes. Je crois qu'ils accordent également des concessions fiscales à des compagnies pour qu'elles immatriculent leurs navires chez eux à des conditions beaucoup plus favorables qu'au Canada. Avons-nous négocié avec les autres pays afin de tous nous aligner de façon à ne pas nous concurrencer de façon déloyale?

M. Jean E. Saint-Jacques (directeur, Direction des recours commerciaux, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Madame la présidente, je peux répondre à cette question.

C'était l'un de nos principaux objectifs lorsque nous nous sommes préparés pour le lancement de nouvelles négociations commerciales en ce qui concerne les subventions. Il s'agissait de tenir de vastes négociations intersectorielles sur les subventions, non seulement aux chantiers maritimes, mais à d'autres secteurs. Nous avons exercé des pressions énergiques en ce sens avant Seattle, mais nos efforts n'ont malheureusement pas abouti. Nous continuons d'insister pour que le sujet soit abordé lors des nouvelles négociations commerciales. Nous allons poursuivre nos efforts.

M. Ken Epp: Ai-je bien compris? Si j'étais un armateur désireux d'acheter un nouveau cargo, si j'allais en Corée du Sud ou au Japon, on financerait 87 p. 100 de mon projet?

M. Jean Saint-Jacques: Je ne sais pas exactement quelles sont les conditions offertes au Japon ou en Corée, mais d'après ce que j'ai entendu, je crois que d'autres pays accordent d'importantes subventions à la construction navale.

M. Ken Epp: Pour le moment, je pense que le Canada finance jusqu'à 80 p. 100 de la construction navale réalisée au Canada pour d'autres pays. C'est vrai?

M. Jean Saint-Jacques: Bob voudra peut-être répondre à cette question.

M. Robert Shaw-Wood (directeur adjoint, Direction du financement à l'exportation, Service des délégués commerciaux, Planification et politique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Oui, merci.

Je crois que la Corée du Sud a adhéré au consensus de l'OCDE sur les crédits à l'exportation qui prévoit un accord sur les modalités de financement. La Corée y a joint une entente sur la construction navale. Comme la plupart des pays de l'OCDE, elle applique donc des modalités qui prévoient une période de remboursement maximum de 12 ans et le financement de 80 p. 100 du contrat.

M. Ken Epp: Si le Canada ne le fait pas, nos chantiers maritimes n'ont aucun moyen de soutenir la concurrence mondiale. La solution serait-elle d'amener les autres pays à cesser cette pratique? Est-ce bien cela le problème?

M. Robert Shaw-Wood: Non. J'ai dit que la plupart des pays appliquent les modalités de financement du consensus de l'OCDE qui prévoit une période de remboursement maximum de 12 ans et un financement maximum correspondant à 80 p. 100 de la valeur du contrat. La plupart des pays appliquent ces règles. Il existe d'autres façons d'intégrer une subvention dans le prix du bateau, mais ce n'est pas au niveau du financement.

• 1150

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Lever, voulez-vous répondre à cela?

M. Rod Lever (agent de politique, Relations gouvernementales et internationales, Société pour l'expansion des exportations): Vous avez parlé tout à l'heure de 87,5 p. 100 et c'est le montant du financement que prévoit le programme Title XI des États-Unis, si bien que cela se rapporte spécifiquement aux États-Unis. Les autres pays appliquent généralement les modalités de l'OCDE, ce dont M. Shaw-Wood a parlé, et nous en faisons autant. Nous appliquons l'entente de l'OCDE de 1994 concernant les navires qui prévoit 80 p. 100 sur 12 ans.

Pour ajouter une chose à propos du financement, ces modalités nous ont plutôt avantagés. Entre 1994 et 1999, notre volume est passé de 0 à 250 millions de dollars et il va encore augmenter. Nous ne cherchons pas à émuler les États-Unis. Nous croyons que les modalités de cet accord sont dans l'intérêt du Canada, dans l'intérêt de la SEE et dans l'intérêt de nos chantiers maritimes.

M. Ken Epp: Je m'adresse de nouveau aux représentants des Affaires étrangères. Si les États-Unis dépassent les normes, leur avons-nous adressé des protestations? Ou les laissons-nous faire ce qu'ils veulent, ce qui va détruire notre industrie?

M. Robert Shaw-Wood: Il y a un peu de confusion à ce sujet. Le programme Title XI accorde jusqu'à 87 p. 100 de garantie de prêt pour les coûts de construction réels du navire. Les modalités de financement de l'OCDE couvrent jusqu'à 80 p. 100 de la transaction. En fin de compte, 87 p. 100 des coûts de construction réels peuvent correspondre à 80 p. 100 de la transaction. Les modalités de remboursement aux termes du programme Title XI prévoient jusqu'à 25 ans ou la vie utile du navire, selon la première de ces échéances.

Je ne sais pas moi-même ce que cela donne en pratique. L'OCDE prévoit un maximum de 12 ans. Il y a peut-être une différence, mais je ne sais pas si nous savons exactement ce qu'il en est. Le problème est sans doute dû, en partie, au fait qu'il n'y a pas eu suffisamment de concurrence jusqu'ici entre les chantiers maritimes canadiens et américains financés aux termes du programme Title XI pour évaluer l'importance de l'écart.

La SEE pourrait peut-être vous répondre.

M. Ken Epp: Je voudrais adresser cette question à Mme Charlebois. Vous faites certainement une analyse coûts- avantages avant d'entraîner les contribuables canadiens dans une transaction financière de cette importance. Compte tenu de la période de remboursement de 12 ans, qui semble raisonnable et qui comprend l'intérêt, je suppose, de l'analyse coûts-avantages, du nombre d'emplois créés et des avantages pour le Canada, pouvons- nous dire que nous en sortons gagnants ou que les contribuables finissent par subventionner ces activités?

Mme Ninon Charlebois: C'est une question qu'il faudrait plutôt poser au ministère des Finances qui doit comparaître la semaine prochaine, je crois, lorsque vous aborderez l'aspect fiscal. Ce sont surtout des questions fiscales, de crédits d'impôt et autres et je crois que le ministère sera mieux placé pour vous citer des chiffres.

M. Ken Epp: Dans ce cas, nous devrons peut-être poser cette question la semaine prochaine. Je tiens beaucoup à connaître la réponse. J'ai une question de plus et je ne sais pas qui voudrait y répondre. Mais si vous pensez que, selon les chiffres que vous nous avez donnés, le Canada a environ 0,25 p. 100 du marché, c'est infinitésimal à l'échelle mondiale. Cela signifie, je pense, que la Corée du Sud a une capacité 1 500 fois supérieure à la nôtre.

Je ne veux pas être négatif, car je crois que nous devons faire le maximum pour assurer la prospérité des Canadiens et leur participation au marché mondial, mais pouvons-nous espérer pénétrer suffisamment ce marché face à des obstacles aussi formidables, des frais de main-d'oeuvre et autres qui sont beaucoup plus faibles dans ces autres pays? Dans votre exposé, vous avez dit que les coûts de production et autres semblaient en diminution. Vous avez parlé d'un cas où ils sont tombés de 40 millions à 20 millions.

• 1155

Je me demande s'il est souhaitable d'essayer de pénétrer ce marché. C'est comme si je m'installais dans ma cour et que j'essayais de construire des automobiles avec ma petite soudeuse pour concurrencer General Motors. Avez-vous une opinion à ce sujet?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Qui voudrait répondre? Madame Charlebois.

Mme Ninon Charlebois: Oui, je voudrais répondre à cette question.

Effectivement, nous n'occupons pas une place importante sur la scène mondiale et il est extrêmement difficile de percer un marché où les autres pays sont déjà implantés et c'est ce que constatent nos chantiers maritimes. Néanmoins, si nous examinons, comme il est parfois souhaitable de le faire, quelles sont les pratiques exemplaires et quels sont nos avantages, certains chantiers maritimes, surtout les plus petits, ont pu réussir dans certains créneaux. Ils ont découvert des petits marchés et la capacité d'innover est certainement un atout.

Dans certains cas, ils ont trouvé des marchés secondaires. Il y en a un qui est particulièrement intéressant. Il s'agit de la technologie utilisée par un petit navire, un hélice qui aide les bateaux à naviguer dans les eaux infestées d'herbes ou d'algues. Cela les éloigne un peu de ce qu'ils avaient l'habitude de faire, mais je crois qu'il n'y a pas beaucoup de technologie de cette nature sur le marché et ils espèrent pouvoir la commercialiser.

Il y a donc des réussites à petite échelle. Il est trop tôt pour dire ce qu'il en adviendra, mais c'est sans doute la seule réponse que je puisse vous donner pour le moment.

M. Ken Epp: Madame la présidente, je crois que ce sera tout.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci, monsieur Epp.

Avant de donner la parole à M. Cullen, qui a une question à poser, madame Charlebois, vous avez fait allusion, tout à l'heure, au programme Partenariat technologique Canada. Je me demande dans quelle mesure la construction navale s'en est prévalue car c'est un programme dans le secteur de la haute technologie et certaines industries environnementales de ma région en ont grandement profité. Quelle a été la participation de cette industrie à ce programme?

Mme Ninon Charlebois: Elle est nulle et nous voudrions inciter les chantiers maritimes à s'en prévaloir. L'industrie a des préjugés quant à la nature de ce programme et je crois que c'est surtout une question de sensibilisation.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas un instrument qui sert à financer la construction d'un navire. Il permet de financer l'innovation et c'est remboursable. Si la commercialisation donne de bons résultats, les redevances entrent en jeu. Le gouvernement fédéral décide alors de coinvestir dans un marché ou dans une nouvelle technologie qui peut avoir certaines applications.

Je peux vous citer une exemple hypothétique des effets que ce programme pourrait avoir. Si un navire a besoin d'une coque spéciale pour faire face à des circonstances très particulières, le revêtement de la coque pourrait bénéficier du PTC. Ce genre d'innovation pourrait donc être envisagé très sérieusement. Les nouveaux systèmes de positionnement global pourraient également être visés par le programme s'ils n'existent pas encore.

C'est ce que le PTC appelle des industries ou des technologies habilitantes en ce sens qu'une technologie mise au point pour une industrie peut être appliquée à un autre secteur. Il y a, par exemple, les automobiles non polluantes. Il s'agit d'un mécanisme spécial qui permet de réduire la quantité d'émissions d'une automobile grâce à une technologie qui utilise le propane et diminue la consommation d'essence.

Ce sont là des exemples de technologies qui peuvent bénéficier du PTC. Elles sont extrêmement novatrices et c'est là que le gouvernement investit dans la R et D. C'est un fonds pour la R et D et non pas un fonds pour la production. Les chantiers maritimes pourraient se prévaloir du programme s'ils construisent ce genre d'applications.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.

Monsieur Cullen.

• 1200

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente, et je remercie nos témoins.

J'ai plusieurs questions à poser, mais j'attendrai la comparution des représentants du ministère des Finances pour soulever certaines d'entre elles. Je voudrais toutefois revenir à la question de la capacité de même qu'à la question de l'offre et de la demande.

Dans l'industrie que je connais, l'offre et la demande varient selon certains cycles. Lorsque le prix est bon, la capacité augmente, ce qui fait baisser les prix, après quoi la capacité diminue. Je parle de l'industrie des produits forestiers, des pâtes et papier, etc.

Vous laissez entendre que, dans le secteur de la construction navale, la demande continue d'augmenter un peu, mais que l'offre s'élargit, ce qui me semble assez curieux. D'énormes obstacles doivent s'opposer à l'entrée sur ce marché. Vous ne pouvez pas simplement décider d'ouvrir un chantier maritime. Vous avez laissé entendre que certains pays recherchent des débouchés pour leur acier, ce qui veut dire que la capacité du côté de l'offre va toujours s'accroître.

Pourriez-vous nous expliquer en quoi ce secteur semble quelque peu différent des autres à cet égard?

Mme Ninon Charlebois: Un élément de l'équation dont je n'ai pas parlé est le fait que de nouvelles entreprises arrivent sur le marché tandis que d'autres décident d'en sortir. C'est ce qui s'est passé en Norvège, par exemple, où un gros chantier maritime, Kvaerner, a simplement décidé de fermer ses portes. C'est la même chose en Corée du Sud. Les Sud-Coréens dominent actuellement le marché et l'un de leurs grands chantiers maritimes, Hyundai, songe à réduire sa présence. Il y a donc des allées et venues, des gens qui arrivent et d'autres qui sortent, mais dans l'ensemble, vous avez trop de chantiers maritimes pour un marché trop petit.

M. Roy Cullen: Par conséquent, si le marché était plus rationnel, ceux qui voudraient se lancer dans la construction navale pourraient d'abord se demander si cela en vaut la peine. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet.

Mais pour revenir à la question de M. Epp quant au pourcentage du marché qui nous revient, il faut certainement pouvoir faire des économies d'échelle et c'est sans doute pourquoi vous dites que le Canada doit exploiter certains créneaux. Je ne sais pas comment nous pourrions concurrencer les autres s'il y a des économies d'échelle et peut-être pourriez-vous répondre à cela.

Et pourriez-vous nous parler de notre compétitivité en ce qui concerne les coûts et plus précisément sur le plan de la production, car nous pouvons réaliser ou quelqu'un peut réaliser des économies d'échelle, par opposition à la structure des coûts, disons. Par exemple, on a l'impression qu'en Asie du Sud-Est les frais de main-d'oeuvre sont beaucoup plus bas.

Pourriez-vous nous parler de notre compétitivité au niveau des coûts?

Mme Ninon Charlebois: C'est assez compliqué. Je peux certainement essayer de vous brosser un tableau plus précis.

Les facteurs de coût que nous avons au Canada, les taux de rémunération de la main-d'oeuvre, sont assez bons. Ce ne sont pas les meilleurs au monde, mais je crois que nous nous situons à peu près en quatrième position. La main-d'oeuvre est un facteur, mais il y en a d'autres qui influent sur notre capacité à soumissionner pour des contrats internationaux. Le coût de l'acier est un facteur important. L'acier coûte très cher chez nous. Vous avez des pays comme la Corée du Sud ou la Chine où l'acier coûte presque rien. C'est donc un facteur très important. L'acier représente au moins 30 p. 100 du coût global du navire. C'est donc un domaine dans lequel les coûts sont transférés à l'industrie de la construction navale.

Mais la concurrence ne s'exerce pas uniquement au niveau des prix. Elle s'exerce également sur le plan de la technologie ou de la conception. Le Japon n'est pas le pays qui vend les navires au prix le plus bas. En fait, ses prix sont assez élevés. S'il a une part du marché aussi importante, c'est parce que ses bateaux sont d'excellente qualité et ne sont pas si coûteux si bien que le ratio coûts-avantages est excellent. D'autre part, pour maintenir de bas prix et centrer leurs efforts sur les éléments dans lesquels ils excellent, c'est-à-dire les navires haut de gamme, qui intègrent des systèmes très perfectionnés, ou les bateaux de croisière de grand luxe, ils confient la réalisation de certaines composantes, comme la coque, à des pays où l'acier n'est pas aussi coûteux ou qui rémunèrent leur main-d'oeuvre à un taux inférieur, ce qui leur permet d'être très concurrentiels.

• 1205

En fait, ces pays jouent sur les deux tableaux. Ils cherchent à maintenir de bas prix. Ils rationalisent leurs opérations en investissant beaucoup dans la robotique. Dans certains de leurs chantiers maritimes, pratiquement toute la soudure est faite par des robots. C'est extrêmement perfectionné et extrêmement détaillé. Les Japonais ont d'excellentes méthodes de fabrication et ils procèdent constamment à une restructuration.

M. Roy Cullen: C'est intéressant, mais il y a certainement des économies d'échelle dans ce genre d'industrie.

J'ai une question à poser aux gens du commerce et une question pour la SEE. Je ne sais pas si j'en aurai le temps.

Sur le plan commercial, ce que M. Dubé propose ici est-il conforme à l'OMC? Deuxièmement, tous nos concurrents respectent-ils les règles de l'OMC? Je reviens à la question de M. Epp. Les pratiques des autres pays ou les propositions contenues dans le projet de loi ont-elles suscité des contestations de notre part ou de la part de quelqu'un d'autre?

M. Jean Saint-Jacques: Merci, madame la présidente.

Les propositions contenues dans le projet de loi constitueraient des subventions si vous les comparez avec la définition des subventions donnée par l'OMC. Dans la mesure où elles s'appliquent aux ventes aussi bien sur le marché national que sur les marchés étrangers, il ne s'agit pas de subventions à l'exportation prohibées, le problème que nous avons eu avec le PTC et dans le cas de l'avion.

Mais les subventions... surtout dans ce cas où il s'agit des subventions à une industrie, quant à savoir si ces exportations risquent d'être contestées aux termes de l'OMC ou de faire l'objet de droits compensateurs, je peux seulement répondre que cela dépend.

Par exemple, pour réclamer des droits compensateurs, il faut prouver l'existence d'une subvention, ce qui ne doit pas être trop difficile selon les définitions qui figurent ici. Je dois dire que nous parlons seulement en termes très généraux, car il reste beaucoup de détails à définir si l'on adopte ce projet de loi et un règlement d'application, si des fonds sont débloqués, et ainsi de suite.

Supposons qu'une subvention soit accordée à l'industrie. Pour obtenir des droits compensateurs, il faut également démontrer que l'industrie du pays qui importe le produit a subi des torts. Je ne sais pas s'il est possible de le prouver. Cela dépend des circonstances.

Quant à savoir si ces subventions seraient contestées aux termes de l'OMC, il ne s'agit pas de subventions à l'exportation prohibées, mais il se pourrait que les dispositions de l'accord sur les subventions et les droits compensateurs concernant le «préjudice grave» soient invoquées. Mais il n'y a eu qu'un cas de ce genre jusqu'ici depuis que l'OMC existe.

Par conséquent, il y a un risque, mais dans quelle mesure? Je ne peux pas vous le dire pour le moment.

M. Roy Cullen: Quelqu'un a-t-il déjà contesté les subventions que ces autres pays accordent de toute évidence à leur industrie ou évite-t-on de faire des vagues en raison d'un entente tacite quelconque?

M. Jean Saint-Jacques: En fait, il y a un lien dans l'accord de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires et l'entente de l'OCDE. Du moment que vous vous conformez aux dispositions de l'entente de l'OCDE, l'accord de l'OMC ne s'applique pas. J'ai beau chercher, mais je ne me souviens d'aucune contestation à l'égard de ces subventions à la construction navale dans le cadre de l'OMC.

M. Roy Cullen: Merci.

Pourrais-je poser une autre brève question, madame la présidente?

Peut-être vaudrait-il mieux attendre les fonctionnaires du ministère des Finances, mais la SEE pourrait peut-être essayer d'y répondre. Dans le programme Title XI des États-Unis—je crois que c'est son nom—le gouvernement américain accorde des garanties de prêt. Nous avons parlé des 87 p. 100 par opposition aux 80 p. 100 de l'OCDE. Savez-vous ce qui se passe aux États-Unis? Le gouvernement a-t-il dû honorer ces garanties ou renflouer des entreprises en difficulté? Quels ont été les résultats de ce programme aux États-Unis?

M. Daniel Primeau: Je dois laisser mes collègues des autres ministères vous répondre. Nous n'avons pas étudié le programme Title XI dans cette optique, qui est davantage une question de politique; nous examinons l'aspect commercial de toute proposition.

M. Roy Cullen: Très bien.

M. Daniel Primeau: Je m'en excuse. Je ne peux pas vraiment répondre à cette question.

M. Roy Cullen: Les gens du ministère des Affaires étrangères ou des Finances connaissent-ils la réponse?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Shaw-Wood.

• 1210

M. Robert Shaw-Wood: Nous avons quelques renseignements à ce sujet.

On a beaucoup parlé du programme Title XI. J'ai eu connaissance d'un document de travail réalisé par un organisme international, l'OCDE, je crois. L'étude portait seulement sur cinq années au courant des années 90. Une partie du programme s'appliquait aux exportations, mais il visait surtout le marché national. Je crois que le programme Title XI n'a commencé à s'appliquer aux exportations qu'aux environs de 1993.

Les auteurs de l'étude ont conclu qu'effectivement il y avait eu des défauts de paiement et que, si l'on tenait compte des primes de risque versées au programme et des sommes récupérées, le programme avait quand même une perte nette d'environ 20 millions de dollars U.S. par an. Mais je ne sais pas à quel volume total correspondait cette perte de 20 millions de dollars.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Comme j'ai plusieurs questions, j'apprécierais une réponse rapide.

Dois-je comprendre que, selon le ministère de l'Industrie, les nouveaux débouchés se présenteront probablement du côté des produits haut de gamme, un secteur où la croissance de l'emploi est moins importante que dans la construction navale traditionnelle?

Mme Ninon Charlebois: Pas nécessairement. Cela dépend. Si vous parlez de méthodes de fabrication ou d'une nouvelle technologie comme la robotique ou encore de nouveaux marchés exigeant de la main-d'oeuvre...

M. Paul Szabo: Est-ce la direction que prend l'industrie?

Mme Ninon Charlebois: Pas nécessairement.

M. Paul Szabo: Vous avez dit que les coûts de main-d'oeuvre représentaient généralement le quart environ... Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays sur le plan des coûts de main-d'oeuvre?

Mme Ninon Charlebois: Nous sommes en bonne position. Nous occupons à peu près la quatrième place.

M. Paul Szabo: Environ la quatrième place... D'accord.

Pour ce qui est des subventions, j'essaie seulement de comprendre les dispositions du projet de loi. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai demandé la présence du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce projet de loi prescrit des garanties de prêt et des taux de financement favorables pour les chantiers maritimes canadiens. Ce ne sera pas pour les chantiers maritimes étrangers. Il s'agit donc de venir en aide à l'industrie. Cela constitue-t-il en soi...

M. Antoine Dubé: Où est-ce indiqué?

M. Paul Szabo: Il est question de garanties pour les prêts destinés à la construction navale, pour les taux d'intérêt, le coût de financement de la construction navale. Lorsque le fabricant du navire obtient une aide financière, cela constitue-t-il une subvention?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Saint- Jacques.

M. Jean Saint-Jacques: Merci, madame la présidente.

Cela soulève une question intéressante concernant le traitement national, mais je ne l'ai pas vraiment examinée dans cette optique. Quant à...

M. Paul Szabo: Pourriez-vous nous donner votre opinion au sujet de l'aide accordée pour le financement? Quand vous le pourrez, si vous ne pouvez pas le faire maintenant...

M. Jean Saint-Jacques: Pour ce qui est de l'aide au financement, il s'agit d'une subvention. Cela pourrait faire l'objet de mesures compensatoires s'il y avait une plainte.

M. Paul Szabo: Deuxièmement, ce projet de loi demande des dispositions plus avantageuses en ce qui concerne «les règles fiscales du crédit-bail qui s'appliquent à l'égard de l'achat d'un navire construit dans un chantier naval situé au Canada». Dans ce cas particulier, étant donné qu'il s'agit d'un avantage fiscal canadien, seuls ceux qui font des affaires au Canada peuvent s'en prévaloir. Cet avantage ne serait donc pas à la disposition de ceux qui achètent un bateau dans un chantier naval canadien, mais qui exploitent ce bateau ailleurs. Ils ne pourraient pas s'en prévaloir. Ne serait-ce pas une forme de discrimination à l'endroit des exploitants étrangers par opposition aux exploitants nationaux?

M. Jean Saint-Jacques: Encore une fois, ce serait une subvention...

M. Paul Szabo: Très bien. On propose également un crédit d'impôt remboursable. Ce n'est pas précis, mais c'est une sorte d'avantage fiscal dont seul un acheteur ou un exploitant canadien bénéficierait probablement. Cela peut également nous causer des difficultés vis-à-vis de l'OMC.

M. Jean Saint-Jacques: Encore une fois, tout dépend si une plainte est portée.

M. Paul Szabo: Pour ce qui est de la SEE...

• 1215

M. Jean Saint-Jacques: Excusez-moi, madame la présidente. Je voudrais, si possible, revenir sur une question que M. Cullen a soulevée tout à l'heure. Je ne sais pas si je dois le faire maintenant ou plus tard, mais j'ai des renseignements supplémentaires qui compléteraient la réponse donnée.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Pourquoi ne permettons-nous pas à M. Szabo de finir de poser ses questions, puis nous vous reviendrons avant de passer à M. Herron.

M. Paul Szabo: Le Parlement pourrait-il adopter une loi qui obligerait la SEE à accorder des conditions et des taux favorables à ceux qui souhaitent emprunter pour quelque raison que ce soit?

M. Daniel Primeau: La SEE existe en vertu d'une loi du Parlement, alors je suppose que le Parlement a le dernier mot en ce qui concerne notre mandat.

M. Paul Szabo: L'actuelle loi vous prescrit-elle des lignes directrices que vous devez appliquer lorsque vous empruntez de l'argent ou que vous en prêtez? La loi vous dicte-t-elle comment vous devez exercer votre activité?

M. Daniel Primeau: Oui, nous devons exercer notre activité comme n'importe quelle autre entreprise commerciale en respectant les accords et les pactes internationaux.

M. Paul Szabo: Y a-t-il quelque chose dans l'actuelle loi qui vous oblige à offrir des conditions plus favorables ou moins favorables que les autres institutions financières?

M. Daniel Primeau: Je ne me souviens pas d'une mention en ce sens, mais il faudrait que je me renseigne pour pouvoir vous répondre plus tard.

M. Paul Szabo: J'essaie de savoir si, advenant le cas que nous adoptions le projet de loi et que ses dispositions seraient proclamées, le Parlement pourrait, par exemple, adopter une loi vous obligeant à prêter de l'argent au taux préférentiel aux constructeurs de navires.

M. Daniel Primeau: Me permettriez-vous de répondre à votre question dans un contexte légèrement différent? La Société pour l'expansion des exportations est tenue, de par son mandat, d'exercer son activité comme entreprise commerciale financière autonome. Ainsi, pour revenir à ce que disait M. Epp, nous ne sommes pas un poste du budget annuel et nous ne coûtons rien aux contribuables. Nous devons être financièrement autonomes. Par conséquent, conformément à la politique gouvernementale et à la politique canadienne en matière de commerce international, nous respectons les accords internationaux auxquels le Canada est partie et nous exerçons notre activités, comme entreprise commerciale financièrement autonome.

Vous pouvez donc imaginer quel serait le scénario. Le mandat de la SEE lui étant fixé par le Parlement, je ne peux pas me prononcer sur ce scénario.

M. Paul Szabo: Je veux bien, mais comme vous devez exercer votre activité comme entreprise commerciale, il vous faudrait évaluer les risques.

M. Daniel Primeau: Oui.

M. Paul Szabo: Mais le projet de loi précise que le taux d'intérêt doit être comparable à celui que les autres institutions financières consentent aux grandes sociétés qui ont de solides assises financières. Ce n'est pas là ce à quoi on s'attendrait d'une entreprise commerciale, n'est-ce pas?

M. Rod Lever: Il serait très anormal que le Parlement adopte une loi qui nous dicterait la façon dont nous devrions traiter avec un secteur en particulier.

M. Paul Szabo: Si donc le risque est moyen, vous pourriez ne pas offrir le taux préférentiel.

M. Daniel Primeau: Nous offrirons des taux commercialement viables en fonction du risque de crédit, si c'est ce à quoi vous voulez en venir.

M. Paul Szabo: Mais vous n'offrirez pas le meilleur taux, celui auquel ont droit les sociétés financières solides.

M. Daniel Primeau: Nous n'offrirons pas ce taux à ceux dont le risque de crédit ne le justifie pas.

M. Paul Szabo: Très bien. Je crois savoir que, si vous ne pouvez ou ne voulez pas faire cela, il serait possible de le faire à même le compte du Canada, mais il en découlerait que le risque serait assumé par le gouvernement du Canada plutôt que par la SEE.

M. Rod Lever: C'est juste. Il y a deux comptes. Il y a le compte de la société, sur lequel se font toutes les transactions dont nous assumons la responsabilité, et il y a le compte du Canada, auquel on peut faire appel à condition de respecter les divers critères énoncés à l'article 23 de la Loi sur l'expansion des exportations. Le gouvernement pourrait décider d'assumer le risque.

M. Paul Szabo: C'est donc vous qui administreriez le prêt, mais c'est le Canada qui assumerait le risque.

M. Rod Lever: Nous administrerions le prêt et nous jouerions un rôle consultatif auprès du gouvernement pour ce qui est d'évaluer le risque que comporterait la transaction.

M. Paul Szabo: Très bien. Ma dernière question concerne la position du secteur canadien de la construction navale. Naturellement, notre secteur de la construction navale n'est pas un acteur de grande envergure sur la scène mondiale, mais a-t-il une réputation qui lui assure un avantage distinct, du fait que nos navires sont plus compétitifs que d'autres pour certaines raisons en particulier? De même, a-t-il mauvaise réputation ou sa réputation nuit-elle pour une quelconque raison à sa compétitivité sur le marché mondial de la construction navale?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Qui voudrait répondre à cette question?

• 1220

M. Brian Derick (analyse de politiques, Coordination, planification et gestion de programmes, ministère de l'Industrie): Dans certains cas, nous sommes défavorisés. Il est encore prématuré, comme le disait Mme Charlebois, de tirer des conclusions à ce moment-ci, mais c'est ce qui semble ressortir des consultations que nous avons avec les intervenants.

Le prix est un facteur important dans tout cela, mais il y en a d'autres aussi, comme la fiabilité, la livraison juste à temps, la qualité—ce sont là autant de facteurs qui influencent les acheteurs de navires et qui ont un effet sur les possibilités de commercialisation du produit.

M. Paul Szabo: Veuillez m'excuser, madame la présidente, mais il y a un autre point dont il a déjà été question et au sujet duquel il me faut absolument avoir des éclaircissements.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Rapidement.

M. Paul Szabo: Il s'agit des 87,5 p. 100 que les États-Unis... Je crois que, d'après les discussions, c'était 80 p. 100 du coût de la transaction...

M. Rod Lever: C'était 80 p. 100 du financement.

M. Paul Szabo: Ce que vous nous montrez ici, c'est 80 p. 100 du coût de la transaction par opposition à 87 p. 100 du montant emprunté—il se pourrait que les deux soient égaux.

Dans le projet de loi, on dit: «... selon lequel un maximum de 87,5 p. 100 des sommes empruntées». On ne peut donc pas faire la comparaison ni avec les 80 p. 100 ni avec les 87,5 p. 100. Il s'agit d'un chiffre tout à fait nouveau, calculé en fonction du montant de financement demandé. Il s'agit de 87,5 p. 100 des sommes empruntées. Aux États-Unis, c'est 87,5 p. 100 de...

M. Robert Shaw-Wood: Du coût de construction réel.

M. Paul Szabo: Ainsi, les 87 p. 100 qui sont prévus dans le projet de loi ne se comparent pas du tout à ce que font les États- Unis.

Pour ce qui est du deuxième point, l'OCDE, la proportion de 80 p. 100 concerne le coût de la transaction.

M. Robert Shaw-Wood: Oui. Je suppose qu'on inclurait dans ce coût les tarifs, les frais d'avocat, l'expédition, les assurances et les autres dépenses de ce genre.

M. Paul Szabo: Ainsi, le tarif américain s'applique au coût de construction; celui de l'OCDE s'applique...

M. Robert Shaw-Wood: Au coût pour l'acheteur.

M. Paul Szabo: Par rapport au montant emprunté. Les pourcentages s'appliquent donc à trois choses différentes, si bien que la proportion de 87,5 p. 100 qui est prévue dans le projet de loi n'a d'autre importance que de fixer un certain niveau d'aide financière. Elle ne reflète pas ce qui se passe aux États-Unis ni à l'OCDE. C'est bien cela? D'accord.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Saint-Jacques, avant que je ne donne la parole à M. Herron, puis à Mme Leung... M. Cullen a dû quitter la salle et il aimerait entendre la réponse à votre question. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous pourrions attendre et vous pourriez répondre à sa question quand il reviendra.

Monsieur Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, madame la présidente.

Je sais que nous essayons tous de faire de notre mieux ici et c'est dans cet esprit que je vous demande de considérer mes propos, même s'ils ne vous paraissent pas des plus favorables. J'essaie simplement d'élargir le débat.

Je conteste ce que vous dites à la page 13 de votre document, à savoir que vous écoutez les intervenants, les propriétaires de navire, les chantiers navals, les syndicats, les municipalités, les provinces et les parlementaires sur cette question. On vous a clairement dit, à maintes et maintes reprises, que les comparaisons avec la Corée et le Japon ne sont pas les plus valables parce qu'il ne s'agit pas de nos principaux compétiteurs.

Vous avez examiné l'industrie de façon exhaustive et ce qu'on produit surtout en Corée et au Japon, ce ne sont pas des navires qui ont un armement de pointe, ni des petits navires qui sont dotés d'un matériel de navigation sophistiqué ni des navires qui pourraient être utilisés dans une optique pétrochimique. Il me semble que votre exposé est surtout concentré sur les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas soutenir la concurrence plutôt que sur les moyens de soutenir la concurrence.

Un des principaux points qu'a relevés M. Dubé à cet égard, c'est que, parmi les régions au fort potentiel de croissance dont il est question dans votre document, pour ce qui est de la capacité en fait de construction navale, il convient de signaler ce qui se passe au large de la côte est du Canada Atlantique, où nous avons non seulement le projet Hibernia mais aussi un projet hauturier entièrement financé par le secteur privé, à savoir le projet Terra Nova.

Tout le monde au ministère sait que le travail d'exploitation n'est pas encore commencé à White Rose ni à Ben Nevis et qu'il y a encore pas mal de travail d'exploration qui se fait tout le long du bassin Jeanne d'Arc au large des côtes de Terre-Neuve. Il y a aussi des découvertes préliminaires qui ont été faites sur la côte ouest de Terre-Neuve ainsi qu'au large du plateau Scotian. C'est un secteur où les possibilités sont énormes.

• 1225

Je conteste également la façon dont nous avons décidé d'examiner ce qui fait problème dans le projet de loi. Il faut savoir quels sont les faits. Je suis très inquiet des faussetés qui sont véhiculées.

Les propos qu'on a tenus au sujet du Title XI et de son efficacité ne tiennent pas compte du fait que les Américains ne vendaient même pas de navires à l'extérieur des États-Unis jusqu'à ce que le Title XI soit étendu à la consommation d'exportation. Depuis 1993, le gouvernement américain a financé pour 3 milliards de dollars de prêts en vertu du Title XI. Au cours de cette période, le taux de défaut a été de 1,1 million de dollars. C'est le montant que DRHC a perdu en une semaine.

Au total, le gouvernement fédéral américain a récolté 47 millions de dollars de bénéfices nets au cours de cette même période. Voilà ce qu'il en est du Title XI aux États-Unis à l'heure actuelle.

Quand j'examine aussi la chose du point de vue... Je pose ici la première question de ce qui sera, je l'espère, une série de petites questions, madame la présidente. Doit-on considérer comme une subvention la modification de la réglementation canadienne en matière de crédit-bail en ce qui a trait à la consommation intérieure ou encore à la fixation de nos taux d'imposition? Pourriez-vous me dire ce qu'il en est?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): À qui s'adresse votre question?

M. John Herron: En ce qui a trait à la consommation intérieure au Canada, le taux d'imposition des sociétés, la façon dont nous finançons—comment peut-on considérer qu'il s'agit là d'une subvention alors que nous réduisons les impôts au moyen d'un incitatif fiscal?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Votre question s'adresse à M. Saint-Jacques?

M. John Herron: Oui, à M. Saint-Jacques.

M. Jean Saint-Jacques: Si le produit n'est pas exporté du Canada, la situation n'est pas la même.

M. John Herron: C'est ce que vous a demandé M. Szabo.

M. Jean Saint-Jacques: L'OMC... J'ai peut-être mal compris la question, mais je l'avais interprétée du point de vue de l'exportation. Autrement dit, si le produit devait être exporté, pourrait-il faire l'objet d'une contestation auprès de l'OMC? C'est ainsi que j'avais compris la question et c'est dans ce sens que j'y ai répondu.

D'après la lecture sommaire que j'ai faite du projet de loi, les propositions feraient en sorte que le gouvernement canadien renonce à certaines recettes au profit du titulaire du bail. Cela correspond à la définition de ce qui constitue une subvention. La possibilité de mesures commerciales dépendrait des autres conditions: si le produit était exporté ou s'il y avait un préjudice pour le secteur du pays importateur.

M. John Herron: Ainsi, quand vous parlez de recettes auxquelles nous renonçons, si nous avions au Canada un taux d'imposition des sociétés qui serait, non pas celui que nous avons à l'heure actuelle—26 ou 29 p. 100...

Quel est le taux d'imposition des sociétés, Paul?

M. Paul Szabo: Tout dépend.

M. Jean Saint-Jacques: Peu importe.

M. John Herron: D'accord, mais le fait est que nous renonçons à certaines recettes parce que nous n'avons pas un taux d'imposition de 42 p. 100.

M. Jean Saint-Jacques: Réduire de manière générale le taux d'imposition, c'est une chose. Si toutefois on renonce à des recettes ou qu'on accorde de l'aide à un secteur en particulier, cela devient une subvention sujette à des mesures de représailles si la production du secteur en question se trouve exportée dans un autre pays et que le secteur du pays étranger en question décide de déposer une plainte. Je ne dis pas que c'est ce qui va se produire. J'ai simplement dit que ce sont là les grands paramètres.

M. John Herron: Très bien, je vais passer à autre chose.

Il a été question de comparer les taux de rémunération de la main-d'oeuvre—40 millions de dollars par rapport à 20 millions—et de ce qui se passe en Corée et au Japon. Je veux simplement que ce soit clairement consigné au compte rendu: les taux canadiens de rémunération de la main-d'oeuvre sont-ils assez compétitifs par rapport à ceux de l'Union européenne pour que nous puissions soutenir la concurrence sur ce marché?

Mme Ninon Charlebois: Oui, ils le sont.

M. John Herron: Bon, alors, qu'on parle des marchés avec lesquels nous sommes compétitifs, l'Union européenne par exemple, plutôt que de dire que nous ne sommes pas compétitifs par rapport à la Corée et au Japon, car il s'agit là d'un point fondamental.

La quasi-totalité de nos chantiers navals est catégorique. Pour ne pas dépendre uniquement des marchés fédéraux, ils savent qu'il leur faut trouver d'autres débouchés. Il faut qu'ils trouvent des marchés à l'exportation. Et ils savent, tant du point de vue de la main-d'oeuvre que du matériel, qu'ils peuvent rivaliser avec l'Union européenne. Ils veulent exporter, ils veulent trouver de nouveaux marchés et ils veulent pouvoir satisfaire la demande au Canada. Pour qu'ils y arrivent, il faut que nous leur fournissions certains outils.

• 1230

C'est ce marché qui les intéresse le plus, pas tellement celui du littoral pacifique. Le chantier naval d'East Isle construit aussi des remorqueurs de pleine mer. Je crois que c'est donc dans ce contexte qu'il faut en définitive aborder la question du marché du travail.

Mme Ninon Charlebois: Si je peux répondre à cette question en même temps qu'aux commentaires que vous avez faits tout à l'heure, ces consultations ont pour but de partager des informations. Et les pays sur lesquels nous avons réuni jusqu'à présent le plus d'information sont des pays asiatiques et je suppose que c'est simplement parce qu'il y en a plus sur eux que sur d'autres. Si nous nous référons plus volontiers aux pays asiatiques, c'est pour une raison essentiellement pragmatique, à savoir que nous avons plus de renseignements sur ces pays.

Deuxièmement, le Japon à certains égards est très comparable au Canada. Au Japon, les salaires sont plus élevés que chez nous mais c'est une nation très industrialisée tout comme la nôtre.

Or, ces consultations ont pour but, comme je viens de le mentionner, de partager des informations et nous serions ravis que les chantiers, tous les intéressés, nous communiquent tout ce qu'ils peuvent avoir comme information sur le marché européen que nous pourrions ne pas avoir. C'est l'offre que nous leur faisons. Nous aimerions avoir ces informations.

M. John Herron: Ce que je voudrais, je crois, c'est un tableau de la situation internationale. L'industrie s'est rationalisée, comprenant qu'il lui fallait devenir plus compétitive, plus spécialisée, plus canadienne aussi—puisqu'elle s'était fixé comme objectif la compétitivité et les marchés à l'exportation. Malheureusement, l'autre terme de l'équation ne s'est jamais réalisé, à savoir la mise en place d'une véritable politique de construction navale.

Or, le rôle du gouvernement est de répondre à la volonté de la société. Il est clair que la politique actuelle ne répond pas aux besoins ou aux attentes des premiers ministres provinciaux. Les travailleurs, les armateurs et les constructeurs ayant fini par se mettre d'accord sur un certain nombre d'initiatives, je crois que nous avons le devoir de les assister.

Or, il y a deux questions dont je voulais... et ce sera ma conclusion, madame la présidente. La première concerne les affaires étrangères. Nous savons que la Jones Act est en vigueur depuis les années 30 aux États-Unis, depuis 1932, et que c'est un régime protectionniste. Nous savons que le Canada bénéficie de certains atouts pour la construction de certains types de navires et que cette expertise a débouché sur la construction de plates-formes de forage en mer. Il y a peut-être aussi un désir de participation dans ce secteur tant des marchés au large des Carolines ou dans le Golfe du Mexique.

Pourriez-vous nous préciser par écrit, si vous ne pouvez le faire immédiatement—ce qui me choquerait énormément—quand pour la dernière fois les Affaires étrangères ont discuté de ce problème avec les États-Unis? Pourrions-nous négocier quelque chose dans le cadre de la Jones Act pour la construction de certains types de navires? Quand la dernière conversation au niveau bureaucratique ou au niveau politique a-t-elle eu lieu avec les Américains pour qu'au moins nous puissions mettre un pied sur le marché américain?

M. Jean Saint-Jacques: Madame la présidente, nous ne cessons d'évoquer ce problème avec les États-Unis. Il a été évoqué non seulement lors de discussions bilatérales mais également dans le cadre des négociations de l'ALENA où, de concert avec les Mexicains, nous avons insisté auprès des Américains pour qu'ils suppriment la Jones Act ou du moins qu'ils la modifient. Certaines modifications ont été apportées et nous avons retenu le droit d'appliquer certaines restrictions quantitatives. Nous avons soulevé la question à l'OMC, mais c'est à peu près la seule mesure législative qui bénéficie d'un traitement spécial dans les accords de l'OMC.

• 1235

Et donc, nous insistons, nous insistons sans cesse. Mais je vous dis cela seulement pour vous montrer à quel point nous rencontrons de la résistance. Nous essayons de faciliter l'accès des chantiers navals canadiens, mais cela n'a pas été facile.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Herron, qui va terminer.

M. John Herron: Ma dernière question porte sur ces 87,5 p. 100 dont il est question dans le programme Title XI. Peut-être faudrait-il modifier cela, M. Szabo a abordé la question tout à l'heure, pour que ce soit étalé sur une période de 25 ans.

Nous savons qu'à l'heure actuelle, le système ne fonctionne pas. Pourquoi ne faisons-nous pas tout simplement cela, surtout étant donné la situation avec les États-Unis depuis 1993 et les avantages que ceux-ci ont tirés du Title XI? Ils ont trois milliards de dollars de prêts et 1,1 million de dollars de prêts non remboursés, et cela est dû au fait que leurs critères sont extrêmement prudents. Leurs revenus ont atteint 47 millions de dollars.

Nous savons que notre système actuel ne fonctionne pas. On n'arrive pas à remplir le graphique circulaire jaune. Alors, pourquoi ne pas faire cela tout simplement? Pourquoi ne pas le faire et profiter d'un système qui a fait ses preuves aux États- Unis?

Mme Ninon Charlebois: J'aimerais...

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): J'avais l'impression que la question était plutôt de pure forme mais si vous voulez y répondre, allez-y.

Mme Ninon Charlebois: Eh bien, ce n'est pas vraiment à cette question-là que je veux répondre, mais plutôt à une autre: quels sont les secteurs où nous pouvons faire face à la concurrence?

En plus des petits marchés à créneaux, il y en a d'autres qui ont été mentionnés dans l'exposé. Il y a des secteurs où le Canada a prouvé qu'il pouvait vendre. Les plates-formes de forage, comme la Spirit of Columbus, qui a été construite dans le chantier Davie, en sont un bon exemple.

Il y a également des initiatives proactives, comme le Programme des frégates chiliennes. Je ne sais pas comment cela aboutira, mais c'est un autre domaine où les chantiers canadiens semblent avoir un avantage.

Quant aux marchés étrangers, sur la base de nos consultations, nous concluons qu'ils sont extrêmement prometteurs. Quand mon groupe s'est intéressé aux chantiers navals, ce sont surtout les navires traditionnels que nous avons considérés, et pas forcément ce domaine-là, mais nous voulons également connaître les perspectives de ce marché et en comprendre les rouages.

En terminant, je tiens à dire que le gouvernement fédéral tient à comprendre véritablement la situation actuelle et s'intéresse beaucoup aux perspectives du marché. D'ailleurs, pour déterminer quelles sont ces perspectives, nos consultations sont très utiles.

M. John Herron: Merci, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je suis désolée d'avoir raté votre exposé, mais peut-être pourrez-vous répondre à une ou deux questions.

Si j'ai bien compris, les trois pays qui sont à l'avant-garde en ce qui concerne les chantiers navals sont la Corée du Sud, le Japon et la Chine. Madame Charlebois, vous avez dit que l'acier représentait 30 p. 100 des matériaux utilisés, c'est donc le principal coût. Toutefois, il y a une chose que je ne comprends pas bien. Le Japon, la Corée du Sud et la Chine ne sont pas vraiment des producteurs d'acier. Ces pays-là sont forcés de l'importer, ce qui fait augmenter encore les coûts. D'autre part, le coût de la main-d'oeuvre est très élevée au Japon, et la qualité du travail des chantiers navals est également très élevée.

Quelle est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas concurrencer ces pays-là? Je vois cette industrie diminuer irrémédiablement en Colombie-Britannique, et je trouve cela très triste. Pourriez-vous... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... ne pouvons-nous faire face à la concurrence?

Mme Ninon Charlebois: Chaque pays a des avantages qui sont très différents les uns des autres. En fait, dans les trois principaux pays producteurs, on constate toutes sortes de facteurs. En Chine, par exemple, c'est le coût de l'acier, ou encore le coût de la main-d'oeuvre. Au Japon, c'est la qualité de la technologie et les sommes incroyables qui sont consacrées à la R-D. Ce pays-là recherche des marchés qui sont très différents de ceux de la Chine et qui sont caractérisés, entre autres, par la qualité qu'ils exigent, l'intégration des systèmes, bref, c'est presque un marché de luxe. Ils construisent des navires pour le transport des passagers, etc.

• 1240

Les facteurs de la concurrence sont donc extrêmement différents. Chaque pays a sa propre stratégie industrielle pour se tailler une part du marché. C'est une analyse des divers marchés dans le monde.

Ici, au Canada, les taux de la main-d'oeuvre sont un de nos avantages. Ce ne sont pas les plus bas du monde, mais ce ne sont pas parmi les plus élevés non plus. C'est donc un de nos avantages.

Un de nos désavantages, c'est que les navires que nous construisons ont parfois des problèmes mécaniques, ou encore ne sont pas livrés dans les délais à cause de problèmes syndicaux. C'est un problème dont on a déjà parlé. Les contrats s'éternisent et les acheteurs veulent avoir des dates de livraison garanties. Voilà donc les problèmes.

D'autre part, à l'exception de certains chantiers particuliers, on n'investit pas tellement dans les secteurs de la R-D.

Voilà donc les facteurs dont il faut tenir compte ici, au Canada.

Mme Sophia Leung: À la page 10, vous dites que les pays du Sud-Est asiatique sont subventionnés à environ 30 p. 100. Quels sont les taux de subvention au Japon, en Corée du Sud et en Chine?

Mme Ninon Charlebois: En Corée du Sud, c'est de l'ordre de 30 p. 100.

Vous connaissez la proportion dans les autres pays?

M. Brian Derick: Je pense que c'est exact pour la Corée du Sud, 30 p. 100. Au Japon, peut-être un peu moins, mais je n'ai pas de chiffres exacts. Un autre de nos collègues aura peut-être plus de détails. En ce qui concerne la Chine, il est pratiquement impossible de faire une supposition à cause de la nature de cette économie. Le bureau américain des statistiques de la main-d'oeuvre a observé récemment qu'il leur était impossible de déterminer cela. Nous savons que des subventions existent, mais il est impossible de les quantifier.

Mme Sophia Leung: En Chine c'est probablement une industrie d'État; par conséquent, ce doit être 100 p. 100.

M. Brian Derick: Exactement.

Mme Sophia Leung: Dans quelle mesure notre gouvernement subventionne-t-il notre industrie? Y a-t-il des subventions? Les emprunts ou le financement se situent à 80 p. 100.

Mme Ninon Charlebois: Oui. La politique, qui figure à la page 9, prévoit une série de mesures, mais il n'y a pas de subventions comme telles.

Mme Sophia Leung: Plus de 80 p. 100 étalés sur douze ans.

Mme Ninon Charlebois: Oui.

Mme Sophia Leung: Mais il s'agit d'un prêt.

Mme Ninon Charlebois: C'est un prêt, exactement; nous n'avons pas vraiment de subventions.

Mme Sophia Leung: Cette loi prévoit donc 87,5 p. 100 par... [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Paul Szabo: Il s'agit de 87,5 p. 100 de l'argent emprunté.

Mme Sophia Leung: Oui.

M. Paul Szabo: C'est différent.

Mme Sophia Leung: Pour quelle raison ne pouvons-nous subventionner cette industrie?

C'est une question très simple.

Mme Ninon Charlebois: Mais la réponse est très complexe.

M. Jean Saint-Jacques: En ce qui concerne cette question de subventionner ou de ne pas subventionner, il ne faut pas oublier qu'une subvention pourrait exposer le produit exporté à une enquête qui pourrait aboutir à un droit de douane compensateur imposé par un autre pays.

Les paramètres, les éléments du projet de loi, indiquent que l'aide envisagée dans le projet de loi pourrait être considérée comme une subvention et faire l'objet de droits compensateurs dans un autre pays si l'exportation du navire en question devait causer un dommage quelconque à l'industrie du pays qui l'a acheté.

C'est donc un aspect de vulnérabilité. Il faut nous demander si cela vaut le risque. À mon avis, c'est la seule réponse possible.

Mme Ninon Charlebois: J'aimerais ajouter—et c'est plutôt la position du ministère des Finances—que les subventions coûtent très cher aux contribuables. Il faut tenir compte de cet aspect-là également. Tout cela a un impact sur le plan des coûts et des bénéfices. Toutefois, cela relève surtout du ministère des Finances, mais il est certain qu'on ne peut ignorer les aspects de la politique financière. Les contribuables veulent des coupures d'impôt, ils ne veulent pas d'augmentation d'impôt, et par conséquent tout ce qui concerne la politique financière et les restrictions dans ce domaine est important.

• 1245

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Madame Leung, nous allons entendre le ministère des Finances la semaine prochaine. Vous pourrez peut-être leur poser ces questions-là.

Avez-vous d'autres questions à poser aux membres de ce groupe?

Mme Sophia Leung: C'est tout, merci.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Saint- Jacques, tout juste à l'heure. Avant de donner la parole à M. Dubé, peut-être pourriez-vous répondre à la question posée tout à l'heure par M. Cullen.

M. Jean Saint-Jacques: J'aimerais ajouter une chose à propos des mesures prises dans le cadre de l'OMC dont M. Cullen a parlé. Je faisais allusion au fait qu'un comité de l'OMC ou un organisme d'appel s'était prononcé contre ces subventions. Je continue à penser que la réponse est non, mais il y a eu des consultations et peut-être un début d'action entre l'Union européenne et la Corée. Sur cette base, les deux parties ont convenu que la Corée respecterait certaines politiques axées sur le marché et réduirait ses subventions, etc. C'est ce qui a été conclu récemment, mais nous ne savons vraiment pas si cela donnera les résultats escomptés.

Je tenais simplement à ajouter cette précision.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Je vous ai bien écouté quand vous avez parlé de la définition des subventions qui respectent l'esprit des règles de l'OMC et de l'OCDE. Au Canada, il y a la Nouvelle-Écosse qui s'est dotée d'un programme de garantie de prêts, ainsi que le Québec qui a mis sur pied, il y a trois ans, un programme de crédits d'impôt qui est toujours en vigueur. Je ne propose pas qu'on y mette fin, mais je vous dis que ces programmes existent. La Colombie-Britannique a un programme accéléré de remplacement de sa flotte de traversiers et elle n'invite que les constructeurs de la Colombie-Britannique, dont les chantiers sont à Vancouver, à lui présenter des soumissions. Est-ce que ces trois programmes contreviennent à l'esprit des subventions définies dans les règles de l'OMC?

Vous nous avez parlé d'un cas particulier, des consultations qui avaient eu lieu ainsi que de la possibilité d'une entente. Je comprends qu'il existe maintenant des règles et que des consultations ont eu lieu avant que ces règles soient adoptées. Je me demande pourquoi le Canada ne soumet pas une plainte à l'OMC concernant le Jones Act des États-Unis et les mesures protectionnistes qui en découlent. La construction navale et le transport maritime ont été exclus du traité de libre-échange, mais les États-Unis ne sont pas assujettis au tarif douanier de 25 p. 100. J'ai vu dans mes notes que cela représenterait une perte de quelque 30 millions de dollars pour le Canada.

Des pays de l'OCDE, l'Angleterre, la Norvège, l'Allemagne, enfin tous les pays membres de la Communauté européenne continuent de verser des subventions de l'ordre de 9 p. 100, tandis que certains autres pays accordent des subventions de 16 p. 100, et les pays asiatiques accordent des subventions pouvant aller jusqu'à 30 p. 100.

Bien qu'il faille peut-être à ce chapitre une volonté politique, le Canada pourrait-il, en vertu des règles de l'OMC, poursuivre la Chine, qui permet à des armateurs canadiens, dont la Canada Steamship Lines Inc., de faire construire des bateaux en Chine? Je n'irai pas plus loin, mais je vous dirai qu'il s'agit d'une fiducie. Est-ce que le fait qu'il s'agit d'un armateur canadien nous empêcherait d'invoquer les règles de l'OMC?

M. Jean Saint-Jacques: Vous avez posé un certain nombre de questions auxquelles je m'efforcerai de répondre.

Quant aux crédits d'impôt, je vous répondrai que cela dépend de leur application d'une part, et de leur incidence sur le commerce international d'autre part. Si on n'exporte pas le produit pour lequel il y a un crédit d'impôt, on évite de se rendre vulnérable dans un marché étranger. C'est la première question. De plus, si le crédit d'impôt est appliqué sur une base générale et non spécifique, il est à l'abri de telles attaques. Alors, si on a une réduction d'impôt de 10 p. 100 partout au Canada ou dans une province, l'ordre de grandeur est bien différent de ce que vous proposez.

• 1250

En ce qui a trait à la plainte à l'OMC sous le titre XI, c'est une chose à examiner. Tout dépend aussi des incidences commerciales. Je crois que le but de la poursuite des consultations d'Industrie Canada est d'essayer d'obtenir ces renseignements afin de savoir quels intérêts sont en jeu et comment on peut faire avancer ces intérêts sur une base globale.

En ce qui a trait aux réductions tarifaires de l'ALENA où les deux côtés, en fait, ont protégé leur cabotage, on a réduit notre tarif sur une période de 10 ans. Les Américains avaient un tarif en franchise, mais on retient le droit, sous l'ALENA et sous l'OMC, d'imposer des restrictions quantitatives à effets semblables, si nécessaire. Donc, on pourrait imposer des restrictions quantitatives sur l'importation de vaisseaux américains au Canada. Habituellement, il faudrait tenir des consultations avec tous les intervenants au Canada, mais on s'est réservé la possibilité de le faire.

Au sujet des subventions, voyons premièrement un cas de droits compensateurs. Quelle est l'incidence de la subvention sur un vaisseau qui serait importé au Canada? C'est la première question à laquelle il faut répondre. Si c'est une subvention qui est généralement disponible, c'est une chose, mais si c'est une subvention précise, elle est plus vulnérable. Il faut que l'industrie canadienne amène un cas. De tels cas sont soumis à l'Agence canadienne des douanes et du revenu et au Tribunal canadien du commerce extérieur, où on mène une enquête quasi judiciaire, sans intervention gouvernementale. Donc, on a toujours la possibilité d'entamer des poursuites en vertu des lois canadiennes, mais il faut avoir un cas et fournir la preuve.

Pour ce qui est du cas d'un armateur canadien en Chine, normalement, les règles commerciales s'appliquent sans tenir compte de la nationalité. Par exemple, si on dit dans le projet de loi qu'il peut s'agir d'un citoyen canadien ou d'un citoyen domicilié au Canada ou d'une compagnie, la proposition de subvention ne tient pas compte de la nationalité des récipiendaires, mais simplement du lieu de fabrication. C'est la même chose pour la Chine. Le fait qu'un armateur soit canadien ne constitue pas une infraction aux lois internationales. Il s'agit simplement de voir si le produit fabriqué en Chine bénéficie d'une subvention; une fois le produit importé au Canada, ces subventions seraient passibles d'être soumises à une enquête sur les droits compensateurs. C'est surtout de cela qu'il s'agit. La nationalité importe peu dans ce cas-ci. C'est le produit même qui compte. Il pourrait s'agir d'un armateur brésilien, chilien ou panamien, peu importe. C'est le produit qui compte.

M. Antoine Dubé: En fait, je dis que le Canada est très orthodoxe dans son respect d'une entente qui avait été négociée à l'OCDE. D'ailleurs, cette entente avait été voulue par les Américains, mais ils ont été les premiers à ne pas l'adopter et, finalement, les Européens ne l'adoptent pas en réaction à cela. Ce que je demande depuis le début, c'est si nous allons être patients encore longtemps face au non-respect de règles qui devraient normalement lier l'offre à la demande. Pendant ce temps, nos chantiers navals sont en train de fermer.

Merci. J'aurai d'autres questions pour les gens du ministère des Finances mardi.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci, monsieur Dubé.

Nous avons une autre question de M. Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, madame la présidente. J'ai effectivement deux courtes questions.

Si vous considérez ce qui s'est produit en Colombie- Britannique avec les traversiers, est-ce que...? Ce qui m'intéresse, c'est notre compétence en matière de construction navale, et je ne doute pas de cette compétence. Toutefois, j'aimerais savoir si les incidents avec les derniers traversiers construits en Colombie-Britannique étaient une aberration? J'espère que cela n'est pas représentatif de notre compétence en matière de construction navale.

• 1255

Mme Ninon Charlebois: C'est une bonne question. Je ne sais pas s'il s'agit d'une aberration. Je n'ai pas examiné la question très attentivement. En fait, le gouvernement provincial avait décidé de s'associer à l'industrie privée, et par conséquent cela n'implique en rien le gouvernement fédéral.

Il y a beaucoup d'écoles de pensée; il est très difficile de tirer des conclusions sur la situation au Canada en se basant sur la situation en Colombie-Britannique. Mais permettez-moi de vous dire en quoi consistent ces deux écoles de pensée.

La première école pense que cela s'est produit parce que la technologie et la conception étaient d'origine australienne et que, pour une raison ou pour une autre, on avait décidé de les adapter aux circonstances canadiennes. Cette adaptation supposait des changements énormes de plans et d'applications. Je pense en particulier à des éléments environnementaux, etc.

Certains pensent qu'on n'aurait pas dû faire ces adaptations. D'autres disent qu'elles étaient nécessaires, car les traversiers fonctionnent dans des circonstances différentes. Effectivement, la température de l'eau, entre autres, joue un rôle majeur. Le poids de la coque est également un facteur. La vérité se situe probablement entre les deux, mais personnellement je ne peux pas tirer des conclusions; je peux simplement vous citer les arguments des uns et des autres pour expliquer cette situation.

M. Brian Derick: J'aimerais ajouter une chose à ce que Mme Charlebois a dit.

Je pense qu'Industrie Canada ou le gouvernement du Canada, qui peuvent être considérés comme une tierce partie, ne pense absolument pas que ces problèmes témoignent de la compétence des chantiers navals de la côte Ouest. Absolument pas. Toutefois, nous voyons les choses de loin, et il est certain qu'on s'est heurté à des problèmes de technologie, de conception, qu'il a fallu recouper certains bordages, etc. Les problèmes ont plutôt été de cet ordre, et il ne s'agit pas de la compétence des chantiers navals.

M. Roy Cullen: D'accord.

Si vous préférez ne pas répondre à ma question suivante, je ne vous en voudrai pas. Je ne peux pas vous y forcer.

Dans son projet de loi, M. Dubé dit: «Cette mesure législative a pour but d'encourager la construction navale au Canada et de rendre les chantiers navals canadiens plus concurrentiels.» Pensez- vous que les mesures qu'il propose permettront d'atteindre cet objectif? Sinon, y a-t-il d'autres mesures qui seraient plus efficaces?

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Lequel d'entre vous va répondre à cette question? Ou bien s'agit-il encore une fois d'une question de pure forme?

Mme Ninon Charlebois: C'est probablement à la fois une question de pure forme et une question financière.

La réponse tient en partie aux coûts et aux avantages. C'est un problème financier, mais c'est également une question de politique. Cela doit être déterminé. La seule solution, j'imagine, c'est de suivre ce qui se passe de très près, car c'est un domaine où il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.

Comme je l'ai dit à une ou deux reprises, nous nous livrons actuellement à des consultations, des consultations qui doivent servir uniquement à diagnostiquer la situation. Nous recueillons donc des faits, nous partageons des informations, nous déterminons les secteurs qui fonctionnent bien et ceux qui ne fonctionnent pas si bien. L'étape prochaine sera probablement d'examiner les outils politiques dont nous disposons et de déterminer la marche à suivre, mais nous n'en sommes pas encore là.

M. Roy Cullen: Comme vous l'avez dit, c'est avant tout une question de politique. Si vous appliquiez ces mesures, j'imagine que cela créerait des conditions commerciales assez favorables, un bon environnement pour l'industrie de la construction navale au Canada. Toutefois, je me demande si ces propositions vont assez loin. Autrement dit, il y a des domaines où on peut dépenser sans compter, où on peut encourager autant qu'on le veut, mais c'est une cause perdue d'avance.

• 1300

Madame Charlebois, si le gouvernement du Canada vous demandait d'énoncer des politiques susceptibles d'atteindre cet objectif, est-ce que vos propositions ressembleraient à celles-ci, ou bien seraient-elles tout à fait différente?

Mme Ninon Charlebois: D'après nos consultations—et c'est tout à fait préliminaire, car nous en sommes seulement au premier tiers, et notre analyse n'est pas faite—ce qui caractérise toutes ces petites entreprises qui réussissent, c'est l'innovation. Il ne sert pas à grand-chose de s'attaquer à un marché qui est déjà bien en place, qui souffre déjà de surcapacité, en s'attendant à ce que le gouvernement compense, mais par contre, dans les secteurs qui sont en pleine croissance, dans les segments du marché qui ne sont pas aussi surpeuplés, il y a des possibilités. Tout cela est très conditionnel, car en effet nous n'en sommes pas encore là.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Madame Charlebois, vous avez parlé de consultations à plusieurs reprises. Certains intéressés nous ont dit que vos consultations avaient lieu principalement sur une base individuelle. Avez-vous l'intention d'organiser une table ronde, un exercice de consultation de groupe, qui permette aux gens d'entendre des opinions de l'extérieur de leur secteur?

Mme Ninon Charlebois: D'après ce que nous avons pu constater, à l'heure actuelle ce qui fonctionne le mieux, ce sont les consultations bilatérales. D'après les témoignages et les commentaires que nous avons entendus au Comité de l'industrie ou dans n'importe quel autre organe de la Chambre, les chantiers, certains armateurs et les expéditeurs ont des besoins qui sont très différents. Il est extrêmement difficile de lancer une conversation sur tant de niveaux différents en même temps. Pour nous, la meilleure solution était d'examiner tout ce secteur d'une façon logique et attentive, d'étudier les divers éléments indépendamment les uns des autres et de recueillir le plus d'informations possible.

Prenez l'exemple du tarif de 25 p. 100: les armateurs n'en veulent pas. C'est un élément de la politique. Qu'est-ce que nous allons faire? Nous avons toutes ces opinions différentes, divergentes, et nous devons intégrer tout cela dans un cadre politique unique.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Szabo, avez-vous une dernière question très courte?

M. Paul Szabo: Est-ce qu'Industrie Canada approuve les objectifs de ce projet de loi, c'est-à-dire la promotion de la construction navale au Canada, la nécessité de rendre les chantiers navals canadiens plus concurrentiels?

Mme Ninon Charlebois: Je peux vous répondre que c'est un principe auquel nous souscrivons pleinement.

M. Paul Szabo: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Je remercie infiniment tous nos témoins de s'être dérangés et de nous avoir donné des renseignements très précieux sur cette question.

[Français]

M. Antoine Dubé: Êtes-vous en mesure de me dire quand aura lieu la prochaine réunion? La semaine prochaine, il est question que nous recevions les gens du ministère des Finances. Je sais que d'autres personnes, des personnages politiques, dont le premier ministre du Nouveau-Brunswick pour ne nommer que lui, aimeraient être entendues. Avez-vous reçu cette demande? Si oui, allons-nous l'entendre? Est-ce que cela va se faire la semaine prochaine? Je ne vous demande pas de me donner une réponse aujourd'hui. Je sais que vous remplacez M. Bevilacqua, mais est-ce que vous envisagez toujours de faire l'étude article par article avant la fin de la session?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci de cette question. Je ne connais pas les réponses, mais je m'engage à vous les faire parvenir en temps opportun.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Nous avions aussi demandé que l'on invite à comparaître la personne du bureau des affaires émanant des députés responsable de la rédaction de ce projet de loi. Cette personne est-elle disponible? Il serait utile qu'elle...

[Français]

M. Antoine Dubé: J'ai eu la réponse. J'ai fait la démarche et la personne en question est actuellement en congé de maladie prolongé. J'ai demandé que l'autre personne, le conseiller législatif, y soit, mais les questions reliées à cela ne lui sont pas familières. Donc, il ne sera malheureusement pas possible d'entendre ceux qu'on appelle les conseillers législatifs. À défaut de cela, on pourrait peut-être convoquer un conseiller législatif d'un ministère, du ministère de la Justice ou...

[Traduction]

M. Paul Szabo: D'accord. Nous pourrons alors nous entretenir avec quelqu'un qui pourra nous donner le point de vue de la Chambre sur ce projet de loi et son libellé actuel. Nous recevrons aussi des témoins du ministère des Finances la semaine prochaine.

• 1305

J'ai cru comprendre que M. Dubé espérait que nous fassions l'examen détaillé du projet de loi avant la semaine prochaine. Si c'est le cas, et si c'est possible... Je ne crois pas que cela soit possible si nous continuons d'inviter des témoins qui viendront nous parler de façon générale du secteur de la construction navale, plutôt que de commenter le projet de loi. Nous pourrons avancer plus rapidement quand nous parlerons du projet de loi plutôt que...

[Français]

M. Antoine Dubé: Je suis conscient que même si on faisait l'étude article par article, si la Chambre termine ses travaux jeudi tel que prévu, de toute évidence, on n'aura pas le temps de terminer. Mais j'aurais quand même souhaité faire l'étude article par article.

Je fais une mise en garde à mes collègues d'en face et aux autres. Je prends bonne note du fait qu'il y a une consultation, mais je vous affirme une chose: le gouvernement que vous représentez avait pris en 1993 l'engagement de tenir un sommet l'année suivante. C'est parce que j'ai présenté un projet de loi privé et parce que j'ai tenu des réunions informelles qu'il y a maintenant une consultation.

Personnellement, je trouve que c'est lent, mais il y a pire que cela. Tout le Canada Atlantique trouve que c'est très lent et l'ancien premier ministre, Camille Thériault, a attribué en partie sa défaite d'il y a quelque temps à cette lenteur des consultations. Je veux juste vous servir cette mise en garde. Ça, c'est l'aspect politique de la chose. Merci.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Eh bien, la séance d'aujourd'hui a été très productive.

Je remercie de nouveau les témoins de leur témoignage.

La séance est levée.