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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 novembre 1999

• 0906

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia, Lib.)): Bon. Chers collègues, allons-y.

Nous avons avec nous aujourd'hui le directeur exécutif principal de la Direction générale des politiques au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Doug Hedley. Il nous a amené quelques-uns de nos vieux amis: Tom Richardson, James Wheelhouse et Lambert Gauthier. Nous entendrons aussi Robert Friesen, Sally Rutherford et Benoît Basillais, tous de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Je dois tout d'abord remercier mon personnel d'avoir réussi à organiser aussi rapidement la séance d'aujourd'hui. Dans l'esprit de la motion adoptée la semaine dernière, et à la lumière des nouveaux chiffres qui ont été annoncés ces jours derniers au sujet du revenu des agriculteurs, nous avons pensé qu'il serait utile de commencer par examiner ces nouveaux chiffres; nous allons aussi entendre M. Friesen, le président de la FCA, qui va sûrement nous parler du revenu agricole, mais aussi du filet de sécurité à cet égard.

Par ailleurs, puisque la situation des agriculteurs comporte plusieurs aspects, j'ai une annonce à faire aux membres du comité. Le mardi après notre retour de congé, j'espère que nous pourrons entendre les témoignages d'un certain nombre de personnes au sujet de l'endettement agricole, pour que nous puissions nous faire une bonne idée de la situation. Je pense que quelques banquiers nous ont déjà confirmé leur présence, et aussi un représentant de la SCA, la Société du crédit agricole. Nous n'avons personne des caisses de crédit pour le moment—du moins, nous n'avions personne hier—, mais nous allons trouver quelqu'un.

Oui, monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci, monsieur le président.

Nous sommes très contents de voir que les choses vont aussi vite. Nous avons absolument besoin de deux témoins, peut-être un du Manitoba et un de la Saskatchewan, qui sont avant tout des producteurs céréaliers. Il faut trouver des gens qui soient disposés à venir nous parler de ce qu'ils vivent et nous expliquer leurs états financiers. Ce sera à eux de décider s'ils veulent nous fournir des chiffres précis ou non, mais je suis certain qu'il y en a qui sont prêts à venir nous parler de leur expérience touchant les programmes gouvernementaux et de l'aide qu'ils ont reçue au fil des années—et qui est très appréciée, j'en suis sûr—, et nous dire si ces programmes leur ont été profitables ou non. Nous constatons que les producteurs céréaliers semblent avoir le revenu net moyen le plus faible sur trois ans, et le plus de difficulté à obtenir de l'argent dans le cadre de l'ACRA.

• 0910

C'est le problème sur lequel nous devons nous pencher, et c'est pourquoi j'aimerais bien rencontrer quelques vrais agriculteurs—pas des représentants d'organisations agricoles qui peuvent être en même temps agriculteurs. J'aimerais bien voir de vrais fermiers, et je pourrais certainement vous fournir les noms de quelques-uns d'entre eux, au Manitoba, qui seraient prêts à venir.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le président, dans la même veine, je suis d'accord avec M. Hilstrom, mais j'aimerais aussi que nous invitions quelqu'un des systèmes comptables.

Le président: Ce sera fait.

M. Rick Borotsik: Ce sera fait? Est-ce que nous pouvons vous soumettre les noms de personnes qui connaissent très bien cet aspect des formulaires de demande relatifs à l'ACRA, monsieur le président? Je voudrais vous soumettre des noms pour que vous puissiez voir si nous pourrions inviter ces gens-là.

Le président: Oui, vous pouvez me soumettre des noms, et nous verrons si nous pouvons trouver des gens capables de nous présenter un témoignage éclairé, et peut-être aussi objectif.

M. Rick Borotsik: Nous avons des gens de ce genre au Manitoba, monsieur le président.

Le président: Je n'en doute pas, monsieur Borotsik.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le président, si on prévoit qu'il y aura autant d'invités autour de la table, étant donné le contexte actuel de la crise agricole de l'Ouest canadien, on pourrait prolonger nos travaux jusqu'à 12 heures pour permettre à plus de gens de se faire entendre.

[Traduction]

Le président: Je ne suis pas certain que ce soit possible parce que je ne sais même pas si nous pourrons avoir la salle à ce moment-là.

Par courtoisie pour nos témoins, je pense que nous devrions entrer sans plus tarder dans le vif du sujet. Monsieur Hedley, on me dit que vous voulez faire une déclaration préliminaire d'une dizaine de minutes. Nous allons donc commencer par vous, après quoi nous entendrons M. Friesen.

Oui, monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je ne parle pas de la réunion d'aujourd'hui, mais de celle du mardi 16 novembre.

[Traduction]

Le président: Oh, excusez-moi.

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous semblez avoir un ordre du jour fort chargé compte tenu du contexte. Il serait peut-être préférable que nous décidions dès aujourd'hui de siéger jusqu'à 12 heures le 16 novembre prochain.

[Traduction]

Le président: Je vais demander au greffier de vérifier pendant la séance et nous verrons ensuite si c'est possible.

Bienvenue, monsieur Hedley. Il y a longtemps que nous vous avions vu. Je pense que vous avez pris quelques cheveux blancs depuis la semaine dernière. C'est peut-être notre cas à tous. Merci d'être venu. Vous voulez commencer?

M. Douglas D. Hedley (directeur exécutif principal, Direction générale des politiques, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Canada): Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord présenter au comité un exposé d'une dizaine de minutes sur les méthodes dont le gouvernement fédéral se sert pour établir ses prévisions en matière de revenu agricole, et plus précisément sur celles qu'il a appliquées dans le cas des prévisions qui ont été rendues publiques cette semaine.

Premièrement, Agriculture et Agroalimentaire Canada établit régulièrement des prévisions sur les revenus et les dépenses des agriculteurs, en collaboration avec les provinces et un certain nombre d'autres organismes. Il publie ces prévisions deux fois par année, en janvier et en juillet. Il lui faut normalement six semaines pour établir ces prévisions de concert avec les provinces, parce qu'il faut colliger toutes les données disponibles.

Quand nous établissons ces prévisions périodiques, nous commençons par définir toute une série de paramètres économiques en nous fondant sur les meilleurs avis que nous pouvons obtenir de l'extérieur; nous ne travaillons pas seuls. Pour les variables macroéconomiques qui ont une incidence importante sur l'agriculture, par exemple les taux de change, nous faisons appel au Conference Board du Canada. Nous demandons également de l'information à Statistique Canada, à la Commission canadienne du blé, à la Commission canadienne des grains et aux associations industrielles comme l'Institut pour la protection des cultures et l'Institut canadien des engrais, pour savoir à combien s'élèvent leurs ventes et à quoi elles s'attendent pour l'avenir.

• 0915

Nous appliquons un certain nombre de modèles, y compris notre propre modèle interne. Nous avons aussi accès à un important modèle de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, à Paris, qui englobe différents produits et différents pays—un modèle auquel nous contribuons et dont nous tirons des données—, de même qu'au modèle du département américain de l'Agriculture et à un modèle établi par deux universités américaines, celle de l'Iowa et celle du Missouri, le FAPRI. Nous réunissons toute cette information qui nous vient du monde entier au sujet de l'offre et de la demande de produits agricoles et nous nous tournons ensuite vers les provinces pour obtenir l'information détaillée qui est disponible ici au Canada.

Comme je viens de le dire, nous recueillons toute notre information auprès des provinces et d'un certain nombre d'organismes; nous la compilons en collaboration avec les provinces et nous établissons ensuite nos prévisions, par province et pour l'ensemble du Canada, en incluant toutes les sources de revenus et toutes les dépenses des agriculteurs. Nous le faisons selon une méthode compatible avec les comptes nationaux établis par l'entremise de Statistique Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec ce ministère, qui effectue aussi des sondages directement auprès des agriculteurs, pour produire cette information. C'est un processus relativement long et détaillé. Comme je vous l'ai dit, cela prend normalement six semaines, parfois plus, selon que nous devons ou non attendre nos sources. Les prévisions publiées en juillet correspondaient donc à des données qui nous étaient arrivées vers la fin de mai et le début de juin. C'est notre date de tombée approximative pour la préparation des prévisions qui sont rendues publiques en juillet.

Quand nous avons commencé à examiner en détail les problèmes que connaissent les agriculteurs du Canada, nous nous sommes évidemment concentrés sur la Saskatchewan et le Manitoba, mais nous ne nous sommes pas limités à cette région-là. Le problème touche tout le pays. Par exemple, quand les prix du porc sont à la baisse, tous les producteurs de porc du Canada sont touchés.

Fin septembre et début octobre, nous avons commencé à envisager la possibilité de mettre ces prévisions à jour en fonction des données que nous avions pu recueillir depuis la fin mai et le début juin. Nous l'avons fait en collaboration avec les trois provinces de l'Ouest et nous avons aussi fait appel à toutes nos sources habituelles, par exemple Statistique Canada, la Commission canadienne du blé, la Commission canadienne des grains, l'Institut pour la protection des cultures et l'Institut canadien des engrais.

Nous n'avons fait cet exercice que pour les trois provinces de l'Ouest: l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Nous ne voulions pas passer de six à huit semaines à le faire pour tout le pays. Les chiffres étaient prêts le 21 octobre, et nous les avons partagés avec les provinces à partir de ce moment-là—c'est-à-dire que nous avons eu un certain nombre d'échanges avec les provinces pendant cette période-là. Nous avons établi une compilation finale des données que nous avions obtenues de toutes les provinces et nous avons ensuite renvoyé les données colligées aux provinces.

Quand nous renvoyons ces données aux provinces, nous le faisons pour chacune d'elles individuellement; nous ne leur fournissons pas les données concernant les autres provinces tant que cette information n'a pas été rendue publique. C'est l'entente que nous avons conclue avec les provinces au fil des années.

Les principaux changements que je pourrais vous signaler viennent du fait que les dernières prévisions ont été établies en septembre, plutôt qu'à la fin de mai et au début de juin. Nous avions alors en main les chiffres définitifs de la Commission canadienne du blé jusqu'à la fin de la campagne agricole, le 31 juillet 1999. Nous avions aussi à ce moment-là les données publiées sur les paiements initiaux versés par la Commission canadienne du blé, ainsi que les chiffres de Statistique Canada sur le bétail—le porc et les bovins en particulier—, qui arrivent en août et en septembre. Nous avons maintenant une meilleure idée des conditions de la récolte dans l'ouest et dans l'est du Canada, et de la taille de cette récolte. Nous avons aussi des chiffres un peu plus précis de l'Institut pour la protection des cultures et de l'Institut des engrais au sujet des ventes d'engrais et d'autres produits chimiques au cours de l'année. Nous avons regroupé toutes ces données et nous en avons tenu compte dans nos prévisions.

• 0920

Un autre élément qui a changé depuis la dernière date de tombée, fin mai, début juin, ce sont les modifications apportées au programme du CSRN, qui ont été annoncées à la fin juin et qui ne se reflétaient donc pas dans les prévisions publiées en juillet. J'aimerais vous signaler tout particulièrement deux de ces modifications. Il y a d'abord la hausse des seuils établis pour les particuliers et les familles en ce qui concerne les retraits. Ces seuils sont passés de 10 000 $ à 20 000 $ pour les particuliers et de 25 000 $ à 35 000 $ pour les familles, ce qui permet aux agriculteurs de retirer de plus grosses sommes de leur compte du CSRN.

La deuxième modification, c'est que la Saskatchewan a ajouté 85 millions de dollars aux comptes du CSRN pour cette province, ce qui met encore une fois plus d'argent à la disposition des agriculteurs.

Ce que nous constatons, c'est que les retraits du compte du CSRN, surtout en Saskatchewan et au Manitoba, mais même pour l'ensemble du Canada, sont bien supérieurs cette année à ceux des années passées. Et cette tendance semble se maintenir, puisque les chiffres demeurent beaucoup plus élevés que ceux que nous avions fin mai, début juin.

Pour conclure ces commentaires sur le CSRN, il y avait par exemple, en Saskatchewan, 435 millions de dollars qui pouvaient être retirés des comptes du CSRN; or, les retraits n'ont été jusqu'ici que de 115 millions, ce qui laisse plus de 300 millions de dollars encore disponibles dans les comptes du CSRN pour les agriculteurs de la Saskatchewan. Et ce sont seulement les chiffres de 1998. Les chiffres de 1999 ne sont pas encore prêts, mais il est possible d'établir des chiffres provisoires.

Par conséquent, monsieur le président, à la suite de ces changements, nous avons renvoyé les prévisions aux provinces le 21. Et nous les avons rendues publiques le soir du 2 novembre.

Le président: C'est tout ce que vous avez à nous dire pour le moment, Doug?

M. Douglas Hedley: Oui.

Le président: D'accord. Merci.

J'invite maintenant M. Friesen à s'avancer; vous pouvez nous présenter votre déclaration, Robert. En passant, merci d'être venu.

M. Robert Friesen (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup, monsieur le président; merci beaucoup de votre invitation.

Je ne sais pas exactement par où je devrais commencer ce matin. Ce sera une tâche énorme de dire tout ce que j'ai à dire, mais je fais faire mon possible.

La position de la FCA, c'est que nous ne devrions pas perdre beaucoup de temps et d'énergie à discuter de chiffres. Nous pensons en effet qu'il existe des outils de mesure très importants dont nous pouvons nous servir pour déterminer s'il y a un besoin réel sur le terrain. J'y reviendrai un peu plus tard.

Vous m'avez tous déjà entendu dire que la FCA estime que l'ACRA doit être complètement remanié. C'est à notre avis la première étape pour trouver une solution; ce n'est pas la dernière étape, mais la première. Nous n'avons aucune raison de croire que le ministre n'annoncera pas cet après-midi la mise en oeuvre de ce que le comité consultatif chargé d'examiner le filet de sécurité du revenu agricole a recommandé au sujet de l'ACRA. Nous savons que ça viendra. Nous sommes convaincus que ça permettra de mettre encore une fois plus d'argent dans les poches de ceux qui en ont le plus besoin.

Mais, en même temps, nous savons que ce n'est pas une solution définitive. Le filet de sécurité en place actuellement est un régime de gestion du risque, un ensemble d'outils de gestion du risque. Il n'a jamais été conçu pour... Autrement dit, comme c'est un régime de gestion du risque, ce filet de sécurité ne peut pas couvrir les cas extrêmes, qu'il faudra régler par d'autres moyens que ceux que le régime prévoit actuellement.

Nous savons que, si les marges négatives étaient couvertes, les producteurs auraient 200 millions de dollars de plus dans leurs poches; si ça se produit un jour, nous en serons très reconnaissants. Ces 200 millions viendraient du gouvernement fédéral.

• 0925

Il est possible que les provinces qui n'ont pas encore annoncé de nouveaux programmes se joignent au mouvement et fassent leur part pour permettre aux producteurs de recevoir plus d'argent; nous sommes optimistes, mais nous restons prudents. En définitive, il faudra toujours repérer les producteurs qui passeront entre les mailles du filet malgré tous les changements que nous pourrons apporter au régime. Je veux parler par exemple des producteurs dont la marge de référence est extrêmement basse. Ils vont inévitablement passer entre les mailles du filet parce que, à cause des contraintes découlant de l'annexe 2 de l'Accord sur l'agriculture, nous avons essentiellement une période de référence qui nous a été imposée.

Il y a aussi une autre recommandation dont a parlé le comité chargé d'examiner le filet de sécurité. La formule de la moyenne olympique offre une certaine souplesse. Si les producteurs sont autorisés à choisir cette voie, certains d'entre eux vont en bénéficier. Si ce changement est adopté de façon globale, pour tout le monde, nous pourrions y perdre autant que nous y gagnerions. Mais si certains producteurs peuvent choisir cette période de référence s'ils le veulent, je pense qu'ils pourraient là encore avoir plus d'argent dans leurs poches.

Encore une fois, je tiens à insister sur le fait que le remaniement de l'ACRA ne permettra pas d'indemniser suffisamment tous les producteurs; c'est une question que nous allons devoir examiner après avoir franchi la première étape vers une solution.

À mon avis, les outils de mesure qui visent à déterminer les besoins... Encore une fois, je répète que nous ne voulons pas nous lancer dans une guerre de chiffres. Si vous regardez bien ces chiffres, vous verrez certaines bizarreries dans la façon dont ils sont calculés. Loin de moi l'idée de laisser entendre qu'ils sont inexacts. Ce que je dis, c'est qu'il y suffisamment de flexibilité pour jouer avec les chiffres de manière à ce que la situation semble meilleure qu'elle ne l'est en 1999, quitte à ce qu'elle ait l'air pire en 2000.

Nous savons tous que les prix ne risquent pas d'augmenter substantiellement au cours des trois ou quatre prochaines années pour certains de nos produits de base et que la situation ne peut pas s'améliorer sensiblement du jour au lendemain, à moins de déplacer des dépenses d'une année sur l'autre.

Nous savons qu'il y a beaucoup de producteurs qui n'engraisseront pas leur sol cet automne parce qu'ils n'en ont tout simplement pas les moyens. Donc, leurs coûts vont diminuer, ce qui va donner l'impression que la situation s'améliore. Mais en fait, c'est parce qu'ils n'ont pas fait cet automne une dépense qu'ils font normalement à ce temps-ci de l'année.

On peut faire la même chose avec les stocks. On peut jouer avec les chiffres là aussi, ce qui laisse croire à une variation des stocks.

Donc, ce que nous disons, c'est que tout ça est bien beau. Il y a peut-être des tendances positives qui se manifestent. Il y a peut-être une légère augmentation dans le prix du blé dur ou du canola, mais il est clair que c'est très loin d'être suffisant pour nous permettre de croire à une amélioration substantielle.

J'aimerais vous dire aussi que nous avons trouvé notre information, nos chiffres, sur le site Web d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il y a une note qui nous inquiète beaucoup dans ce document. Nous en avons déjà parlé, et je suis étonné et quelque peu insulté de voir qu'on peut encore lire ce genre de chose dans ce document.

Le président: De quel document s'agit-il, Bob?

M. Robert Friesen: C'est un document que nous avons trouvé sur le site Web; il s'agit des prévisions sur le revenu agricole.

Le président: Celles de mardi soir?

M. Robert Friesen: Oui. On dit dans ce document que les chiffres sont sous-estimés, ou que les liquidités des agriculteurs sont sous-estimées, parce que les chiffres n'incluent pas l'épargne ni les revenus d'appoint. C'est extrêmement insultant à notre avis. C'est comme si on disait aux bureaucrates fédéraux et provinciaux qu'ils doivent accepter une baisse de salaire de 60 p. 100 parce qu'ils peuvent aller travailler comme pompistes en soirée, parce que leur conjoint ou leur conjointe a un bon emploi et peut les faire vivre, ou parce qu'ils ont mis beaucoup d'argent de côté ces 15 dernières années, ce qui fait qu'ils peuvent se contenter d'un salaire moins élevé et vivre de leurs économies.

Les agriculteurs en ont plus qu'assez de ce genre de perception. C'est ridicule. Tant que nous ne changerons pas les mentalités des gens qui se mêlent de faire des déclarations de ce genre, les agriculteurs auront l'impression que le gouvernement se fiche complètement d'eux. Il faut que ça change.

Mais je n'ai pas fini de vous parler des outils qui seraient appropriés à notre avis pour déterminer les besoins. Vous m'avez déjà entendu dire que nos agriculteurs ont vu le soutien qui leur est accordé par leurs gouvernements diminuer de 60 p. 100. Quand on regarde les chiffres, on voit que le soutien à l'agriculture s'élevait à 3,7 milliards de dollars en 1992. En 1998, il se rapprochait plutôt de 1,3 milliard, ce qui inclut l'ACRA. Cela représente donc une contribution d'un peu plus de 2 milliards de dollars aux efforts du gouvernement pour réduire le déficit, ce qui est considérable si on fait le calcul sur sept ans. Comme notre secteur génère des revenus de 85 milliards de dollars par année et est responsable de près de 9 p. 100 du PIB, nous estimons que l'agroalimentaire au Canada, tout comme le secteur de la production primaire, aurait grand besoin d'une approche comme celle d'Équipe Canada pour que les producteurs bénéficient d'une aide suffisante, parce que nous savons qu'ils en ont besoin.

• 0930

Il faut souligner aussi que beaucoup de produits de base ont vu leurs prix diminuer de 40 à 60 p. 100 depuis quelques années. Voilà encore une preuve qu'il y a un besoin. Une autre preuve, ce sont les catastrophes naturelles que nous avons subies dans tout le Canada, depuis les tempêtes de grêle qui ont endommagé les récoltes de pommes en Colombie-Britannique—et pour lesquelles l'assurance- récolte était insuffisante—jusqu'aux fortes pluies et aux inondations en Saskatchewan et au Manitoba, qui ont lourdement handicapé les agriculteurs, en passant par la sécheresse dans la vallée de l'Annapolis. Encore là, nous constatons qu'il y a un besoin.

La situation du programme ACRA est à mon avis un excellent moyen de mesurer ce besoin. Nous avons là un outil de gestion du risque qui protège les producteurs à 70 p. 100 et qui semble être en train de manquer d'argent, malgré un budget de 1,5 milliard de dollars. On nous dit qu'il y aura encore plus de demande en 1999, et il ne faut pas oublier que c'est un programme qui couvre seulement à 70 p. 100. Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup de producteurs dont la marge brute diminue de 30 p. 100 risquent fort de connaître une baisse de revenu net de 100 p. 100. Nous manquons d'argent, et c'est une autre preuve qu'il y a un besoin.

Je sais que les gens n'étaient pas contents parce qu'il y avait beaucoup d'argent d'immobilisé dans le CSRN; ils avaient l'impression que les agriculteurs étaient assis sur un trésor. Mais voyez les sommes relatives aux retraits du CSRN pour 1998: elles représentent environ 1,1 milliard.

Je n'ai pas l'intention de me lancer dans une longue discussion sur les raisons pour lesquelles certains producteurs ne se servent pas de cet argent. Il peut y avoir une foule de raisons. Mais j'aimerais qu'une chose soit claire: j'irais jusqu'à dire que la plupart des producteurs qui ont un compte du CSRN et qui y versent des contributions ont autant de dettes que d'argent dans leur compte. Quand un agriculteur a une marge de crédit à l'exploitation, l'argent qu'il met de côté est de l'argent emprunté. Mais il le fait dans l'espoir de pouvoir retirer cet argent s'il connaît une mauvaise année. L'autre chose, c'est que tant qu'ils peuvent se débrouiller, les agriculteurs préfèrent attendre avant de retirer leur argent, en se disant qu'ils en auront peut-être plus besoin l'année suivante. Ils ont aussi l'impression que cet argent est à l'abri des créanciers, et c'est pour cette raison qu'ils le laissent là.

Chose certaine, les retraits du CSRN atteignent 1,1 milliard. Si l'année 1999 est aussi difficile qu'on nous l'a dit, pour ce qui est de l'utilisation de l'ACRA et du CSRN, nous pouvons nous attendre à ce que ces retraits augmentent d'un autre 1,1 milliard ou plus. Mais notre compte du CSRN sera alors presque à zéro, et nous prévoyons que les prix demeureront bas pendant trois ans encore. Encore là, c'est une preuve évidente qu'il y a un besoin.

Donc, ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas nous disputer au sujet des chiffres et de la façon dont ils sont présentés, ou manipulés. Il faut montrer aux producteurs de tout le Canada que le gouvernement apprécie ce qu'ils font pour l'économie, et le fait que beaucoup d'entre eux ont accepté des objectifs d'exportation et de production intérieure très élevés parce que c'est une approche comme celle d'Équipe Canada. Il faut leur montrer que, s'ils agissent de cette façon et s'ils deviennent ainsi plus vulnérables sur le marché mondial parce qu'ils doivent concurrencer les prix mondiaux et que leur industrie est plus volatile, nous allons les appuyer.

Je suis désolé, monsieur le président. Je prends probablement trop de temps.

Je voudrais ajouter que nous sommes en train d'examiner la possibilité d'établir un filet de sécurité à long terme. Encore une fois, j'insiste sur le fait qu'il n'a été question jusqu'ici que de gestion du risque. En fait, la semaine dernière, pendant la séance du comité chargé d'examiner le filet de sécurité, nous avons discuté du fait qu'un régime de gestion du risque ne permettra jamais de s'occuper du stress excessif que subit le revenu agricole et que nous devrons aller voir ailleurs. Nous sommes tout à fait d'accord pour mettre plus d'argent dans les poches des producteurs des provinces qui en ont le plus besoin. Il faut à notre avis une approche coopérative entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

• 0935

Le filet de sécurité comporte quatre éléments que nous trouvons très importants. Il y a notamment le CSRN, qui vise depuis toujours à corriger les légères variations de revenu, entre 70 et 100 p. 100. Nous avons besoin d'une assurance-récolte et, bien sûr, dans beaucoup de provinces et pour beaucoup de produits, d'une meilleure assurance-récolte. Nous avons besoin de programmes complémentaires pour que les provinces soient en mesure de répondre aux besoins de leurs propres agriculteurs en matière de gestion du risque. Et nous avons besoin d'un programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, pour aider les producteurs quand le sol se dérobe sous leurs pieds.

Nous comprenons que l'actuel programme ACRA n'est pas idéal à cause des contraintes imposées par l'annexe 2. Il ne donne pas grand-chose aux producteurs qui connaissent plusieurs mauvaises années de suite. Nous sommes aussi limités par la période de référence et, tant que cette situation persistera, il sera très difficile d'améliorer le programme. Mais il y a des moyens de l'améliorer, et nous envisageons actuellement la possibilité de porter la couverture de 70 à 100 p. 100, en imposant par exemple une prime quelconque. Nous devons donc poursuivre nos efforts sur ce plan-là.

Si le gouvernement est aussi optimiste qu'il le dit au sujet de l'avenir de l'agriculture, il devrait être prêt à dépenser suffisamment d'argent pour aider les producteurs à traverser cette période difficile. Une fois que l'agriculture se rétablira—puisqu'on nous dit que ça finira par arriver—, il est clair que cet argent retournera au gouvernement.

Il y a différentes façons de procéder. Il serait possible par exemple d'établir un fonds d'aide aux agriculteurs sinistrés, au- delà des quelque 650 millions de dollars qui se trouvent actuellement dans le régime. Ce fonds devrait débourser des sommes assez substantielles au cours des prochaines années, pour que les agriculteurs soient dédommagés convenablement. Mais on peut présumer que l'agriculture va se rétablir et que ce fonds pourra être reconstitué quand les choses iront mieux. Donc, il est clair qu'il faudrait mettre suffisamment d'argent dans ce fonds.

Je voudrais également mentionner très brièvement certaines des mesures qui pourraient être prises à notre avis. Premièrement, je pense que la FCA et le ministère s'entendent pour dire que nous devons vraiment améliorer l'administration du filet de sécurité du revenu. J'ai beaucoup de sympathie pour les gens qui sont chargés de l'administrer parce que cela représente énormément de travail. Je pense que nous sommes également en bonne voie d'améliorer l'administration de l'ACRA, comme nous l'avons fait pour le CSRN. Quand ce dernier programme a été créé, c'était là aussi un véritable bourbier administratif, mais la situation s'est nettement améliorée. Donc, nous cherchons des moyens d'améliorer l'autre programme également.

Les 8,7 milliards de dollars que les Américains ont approuvés ces deux dernières semaines doivent commencer à arriver la semaine prochaine. Évidemment, ils ont ce qu'on appelle un programme découplé, et ils peuvent facilement doubler les chèques aux producteurs admissibles et verser beaucoup d'argent de cette façon- là. C'est donc très rapide.

Je ne dis pas qu'il y a des gens qui cherchent délibérément à ralentir les choses. Tout ce que je dis, c'est que nous devons essayer d'accélérer le processus et de le rendre beaucoup plus efficace.

Nous disons souvent qu'il faut ajouter de l'argent dans le filet de sécurité parce qu'il faut de meilleures indemnisations. Quand on cherche des moyens de mettre de l'argent dans les poches des producteurs sans le prendre dans celles des contribuables, le transport est un excellent exemple. Il y a actuellement des économies d'efficience de 180 millions de dollars dans le domaine du transport ferroviaire. Si toute cette somme était allée aux producteurs, ils auraient maintenant pas mal d'argent dans leurs poches. On nous dit que cela représente environ 5 000 $ par producteur, ce qui n'est pas si mal. Voilà donc un excellent exemple de ce qu'il faut faire: il faut aider les producteurs en leur remettant l'argent qui aurait dû leur revenir.

Il y a aussi d'autres avenues. Nous pourrions envisager un programme d'avances en espèces, et peut-être une remise d'intérêt qui ne s'appliquerait pas seulement à la première tranche de 50 000 $. Encore là, cela permettrait de verser plus d'argent aux producteurs et de les aider davantage.

Je sais bien que certaines de ces solutions ne sont que temporaires, mais je pense que nous devons nous montrer plus inventifs pour trouver des moyens de réduire le stress que vivent nos agriculteurs, surtout quand on considère que les avances en espèces ont en fait diminué cette année. Nous croyons que c'est parce qu'elles doivent être remises aux banques et que les agriculteurs n'ont pas encore remboursé les dernières avances qu'ils ont reçues. C'est pour cette raison qu'elles ont diminué.

• 0940

Il faut donc trouver des solutions. Sinon, il y a un nombre incroyable de producteurs qui vont se retrouver dans le pétrin le printemps venu. Je sais que la situation est absolument critique pour les producteurs céréaliers, mais il y en a d'autres aussi qui sont en difficulté; il faut donc continuer à chercher des moyens de les aider.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez donné un assez bon aperçu de la situation pour alimenter la discussion de ce matin.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Hilstrom, vous avez sept minutes.

M. Howard Hilstrom: Comme d'habitude, messieurs, nous apprécions beaucoup votre présence ici.

Monsieur Hedley, il est dommage que vous deviez vous faire le messager de mauvaises nouvelles. Je suppose que nous, les députés assis autour de cette table, nous devons prendre garde de tirer sur le messager parce que le gouvernement ne décrit pas la situation très clairement. En fait, il en trace un portrait trompeur pour les populations des villes.

Mais les agriculteurs connaissent la vérité. Ils savent que l'aide qu'ils peuvent obtenir de l'ACRA dans une grosse ferme céréalière, ou même dans une ferme céréalière moyenne, est en moyenne de 5 000 $ ou 6 000 $, ou quelque chose du genre—de 10 000 $ au mieux.

Je n'ai absolument rien à redire au tableau que nous a brossé M. Friesen dans sa présentation. Il nous a décrit de façon parfaitement succincte, parfaitement précise, parfaitement claire les problèmes que vit actuellement l'agriculture au Canada.

Je ne sais pas si le premier ministre va être en Chambre aujourd'hui pour la période des questions, mais j'aimerais bien vérifier les règles pour voir si nous ne pourrions pas envoyer Bob Friesen s'asseoir dans son fauteuil et répondre aux questions des députés.

Je ne pose pas vraiment de questions; j'exprime des évidences, du moins pour tous ceux qui sont ici.

Nous ne pouvons qu'espérer que, quand les commentaires de Bob Friesen seront rapportés dans les journaux et ailleurs dans les médias, ils ne seront pas abrégés. J'espère que M. Friesen sera la seule personne présente dans cette salle qui sera citée dans les journaux aujourd'hui, pour que les Canadiens apprennent la vérité.

Cela dit, je voudrais poser quelques questions sur l'annonce qui va être faite bientôt.

Monsieur Hedley ou monsieur Friesen, est-ce que les changements à l'ACRA vont être rétroactifs à l'année de réclamation 1998?

M. Douglas Hedley: Tant que le ministre n'aura pas fait cette annonce, je suis obligé de dire que je ne peux pas répondre à cette question pour le moment.

M. Howard Hilstrom: Je suppose que les agriculteurs détestent attendre que les annonces soient faites quand ils savent déjà ce qui va se dire.

Puis-je vous poser une autre question, monsieur Hedley? Au moment où le programme ACRA a été mis sur pied, pourquoi n'a-t-on pas retenu la recommandation du comité consultatif au sujet de la couverture des marges négatives, par exemple? Dans le régime qui a été proposé par le comité consultatif et qui a ensuite été examiné par vos services, qu'est-ce que ces recommandations avaient de si terrible pour qu'on décide de ne pas y donner suite? On voit maintenant qu'elles vont être mises en place, ou qu'elles devraient l'être d'après la CBC, qui a bénéficié, je suppose, d'une fuite au sujet du fait qu'il va y avoir certains changements pour mettre en place des éléments qui auraient dû exister dès 1998.

Pouvez-vous répondre à cela?

M. Douglas Hedley: Tout d'abord, pour l'élaboration des programmes de sécurité du revenu dont nous partageons les coûts avec les provinces, nous nous fondons sur le travail que nous accomplissons avec les provinces tout autant que sur les recommandations du comité consultatif. Beaucoup de provinces ont leurs propres comités consultatifs sur la question.

Quand nous avons examiné cette question, beaucoup d'entre elles ont indiqué qu'elles ne voulaient pas couvrir les marges négatives. Elles craignaient qu'une couverture complète des marges négatives n'ait des conséquences indésirables sur le programme d'assurance-récolte.

Les jugements de ce genre étaient fondés sur l'expérience de l'Alberta. Nous avons continué d'examiner la question depuis ce moment-là et nous avons transmis cette information au comité consultatif national chargé d'examiner le filet de sécurité du revenu agricole, que je copréside avec M. Friesen et son prédécesseur, M. Wilkinson.

• 0945

Ces inquiétudes sur les conséquences possibles pour les autres programmes étaient bien réelles. Nous n'avions tout simplement pas de preuves suffisantes pour garantir que les autres programmes ne seraient pas touchés. Comme je l'ai déjà dit, les provinces étaient tout à fait contre. L'une d'elles, l'Île-du-Prince-Édouard, avait fait un essai de couverture des marges négatives. Les autres, tout comme nous, estimaient que le programme n'avait pas été en place assez longtemps pour qu'il soit possible d'établir et de garantir qu'il ne nuirait pas aux autres programmes.

C'est la raison pour laquelle cette décision a été prise à ce moment-là; n'oubliez pas que les mesures de soutien du revenu sont une responsabilité conjointe du gouvernement fédéral et des provinces. Les provinces assument 40 p. 100 des coûts, tandis que nous en payons 60 p. 100. Nous l'avons exigé, pas sous forme d'enveloppe, mais dans le cadre d'un programme; c'est propre à l'ACRA, ce partage des coûts de 40-60. Si les provinces désapprouvent fortement la conception du programme, il est un peu difficile d'avoir un programme national.

M. Howard Hilstrom: Ma dernière question est la suivante. Est- ce qu'il se fait quelque chose actuellement en vue de la mise en place d'un programme complémentaire ou d'une autre méthode pour verser de l'argent aux agriculteurs qui sont passés entre les mailles du filet ou qui n'ont rien reçu—ou alors pas grand- chose—de l'ACRA? L'ACRA est demeuré sur les planches à dessin pendant deux ans et demi. Est-ce qu'il y a quelque chose de nouveau qui se prépare en ce moment?

M. Douglas Hedley: Comme M. Friesen l'a indiqué, le comité consultatif chargé d'examiner le filet de sécurité du revenu agricole étudie toutes les avenues. M. Friesen a raison de dire que, pendant notre dernière séance, nous avons établi une distinction entre l'atténuation du risque et la gestion du risque, vers laquelle nos programmes sont de plus en plus orientés. Nous avons également discuté de programmes et d'idées possibles pour élever les revenus—autrement dit, de la question de l'insuffisance des revenus que M. Friesen a évoquée.

Pour ce qui est de programmes précis, il y a beaucoup d'idées qui ont été lancées. Nous nous fondons en partie, à cet égard, sur l'annexe 2 de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, ainsi que sur l'ALENA, pour être bien certains que les mesures que nous prendrons pour venir en aide aux agriculteurs ne pourront pas être annulées par des mesures de compensation adoptées par un autre pays.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Le président: Merci, monsieur Hedley.

Merci, monsieur Hilstrom.

Monsieur Friesen, j'aimerais que vous précisiez une chose pour moi. On entend souvent dire que l'agriculture a besoin de ce qu'on appelle une troisième ligne de défense. Si l'ACRA devait devenir un programme permanent, pensez-vous qu'il pourrait servir de troisième ligne de défense? Et si oui, puisqu'il s'agit d'un régime de gestion du risque, est-ce que nous aurions besoin alors d'une quatrième ligne de défense en cas de catastrophe?

M. Robert Friesen: Le principal obstacle que nous devons surmonter pour faire de l'ACRA un programme à long terme, c'est le fait que, si les agriculteurs connaissent trois mauvaises années consécutives, la diminution est tellement rapide que la couverture n'est plus très bonne à la fin de ces trois ans. Ce programme serait plus efficace s'il y avait un moyen de stabiliser la marge de référence. C'est un aspect sur lequel nous allons devoir nous pencher.

Mais je répète—et M. Hedley y a déjà fait allusion—qu'il s'agit d'un outil de gestion du risque. Il a été conçu pour aider les producteurs agricoles qui vivent une mauvaise année de temps en temps, mais pour qui les choses vont généralement assez bien. Le programme ne vise pas à les enrichir, mais à les aider à passer à travers les périodes difficiles. Donc, la situation devient sérieuse quand ils connaissent trois mauvaises années de suite.

Mais, effectivement, nous avons clairement besoin d'un programme de soutien du revenu à long terme en cas de catastrophe. Nous aimerions que cela puisse se faire dans le cadre de l'ACRA, par exemple, sans qu'il soit nécessaire de mettre en place un autre programme, comme vous dites. Mais ce que nous voulons dire, je suppose, c'est que...

Le président: Donc, à votre avis, l'ACRA pourrait couvrir à la fois les baisses de revenu vertigineuses et les déclins à long terme? Ce serait faisable?

M. Robert Friesen: Pas si le programme reste tel quel.

Le président: Non, bien sûr, mais ce serait possible à votre avis?

M. Robert Friesen: Eh bien, le principal problème consiste à stabiliser la marge de référence, et le programme n'est pas assez souple actuellement pour qu'il soit possible d'allonger cette période de référence. Donc, je ne peux pas vraiment répondre à votre question pour le moment, je suis désolé; mais nous y travaillons très fort.

Le président: D'accord.

• 0950

M. Robert Friesen: Je voudrais ajouter un bref commentaire à ce qu'a dit M. Hilstrom. Si le gouvernement fédéral annonce cet après-midi qu'il est prêt à dépenser plus d'argent pour couvrir les marges négatives—d'ailleurs, vous savez, nous n'aurions jamais dû parler de «marges négatives», parce que cela a créé une foule de problèmes que nous n'aurions pas eus si nous avions appelé cela autrement...

Une voix: Une perte.

M. Douglas Hedley: Oui, tout simplement une perte, et si nous avions dit que le programme couvrirait 70 p. 100 des pertes, parce que nous nous sommes mis d'accord pour qu'il couvre seulement 70 p. 100 des marges négatives de toute façon. Cela aurait permis d'éviter certains malentendus.

Si le gouvernement fédéral annonce effectivement qu'il va de l'avant, nous avons dit aux gouvernements provinciaux dès le mois de juillet, au moment de la rencontre fédérale-provinciale, que s'ils jugeaient que les marges négatives ne posaient pas de problèmes dans leur province, ils pouvaient utiliser leur part de la formule pour offrir un programme spécifique à cet égard dans le cadre de l'ACRA.

Par exemple, le gouvernement de la Saskatchewan nous a dit que le problème, dans cette province, concernait surtout les marges de référence et non les marges négatives. S'il peut trouver un moyen d'utiliser sa part pour aider d'une manière ou d'une autre les producteurs qui passent à travers les mailles du filet, nous sommes prêts à encourager ce genre de chose. Tous les outils que nous pourrons trouver pour remettre les producteurs sur pied, grâce à un programme coopératif fédéral-provincial, seront les bienvenus.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à M. Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur le président, je ne sais pas comment les producteurs agricoles de l'Ouest auraient réagi, au cours des dernières minutes, en entendant les représentants d'Agriculture Canada énoncer une série de statistiques sans apporter de solution immédiate à la crise qui prévaut.

J'aimerais vous rappeler qu'en décembre 1998, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire avait déposé un rapport intitulé: «La crise du revenu agricole au Canada». J'aimerais demander aux représentants d'Agriculture Canada s'ils savent vraiment ce qu'est une crise et ce qu'ils attendent pour bouger véritablement et s'impliquer immédiatement avec les surplus qui sont annoncés par le ministre des Finances, M. Paul Martin, afin de dénouer cette crise.

On a été en situation de récession économique pendant fort longtemps, et je pense qu'il est temps que ce gouvernement donne leur juste part à ceux qui ont contribué largement à la suppression du déficit, qui ont subi coupures par-dessus coupures et qui sont maintenant au bord de la faillite à cause de la maladie qui frappe ce gouvernement, que j'appelle l'attentisme aigu. Au lieu de donner des statistiques, est-ce qu'Agriculture Canada pourrait prendre des mesures concrètes pour répondre aux besoins criants des producteurs agricoles de l'Ouest?

[Traduction]

M. Douglas Hedley: Je pense qu'il y a un an aujourd'hui que s'est tenue ici même, dans cette ville, la réunion des ministres provinciaux et des leaders agricoles convoquée par le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire afin d'examiner le problème que nous avions prévu pour 1998 et 1999 en ce qui concerne le revenu agricole. Nous avons passé en revue toutes les données disponibles pendant cette réunion et, six semaines plus tard si je me souviens bien, le gouvernement fédéral a libéré 900 millions de dollars d'argent nouveau, en plus des 600 millions déjà prévus pour le filet de sécurité existant, dans l'espoir de régler la crise. Ce qui fait maintenant, avec la contribution des provinces, 1,5 milliard de dollars.

Donc, je vous signale que le gouvernement est très conscient de l'existence de cette crise. Le ministre a commencé il y a un an à parler publiquement de ce problème, et je pense que c'est aujourd'hui l'anniversaire de cette première initiative.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur, est-ce que l'argent s'est rendu dans la poche des producteurs ou si on doit encore s'enfarger dans la bureaucratie, dans la technocratie et dans des modalités qui ne correspondent vraiment pas à la réalité actuelle de la crise? Les producteurs veulent de l'argent et non des promesses. Ils ne veulent pas non plus une série de statistiques et d'engagements philosophiques du ministre de l'Agriculture.

[Traduction]

M. Douglas Hedley: Premièrement, l'ACRA est un programme ciblé. Par conséquent, nous exigeons des renseignements au sujet de l'impôt sur le revenu, en plus du formulaire de l'ACRA. Nous avons déboursé directement plus de 200 millions de dollars jusqu'ici pour l'année 1998. Je vous signale également que le Québec a reçu de l'argent pour les deux années, 1998 et 1999. Cet argent a déjà été versé au gouvernement de la province de Québec en vertu de l'entente conclue à l'égard de ce programme.

[Français]

M. Odina Desrochers: Oui, mais j'ai de la difficulté à comprendre votre système. On nous a dit que l'administration américaine avait annoncé un programme spécial d'urgence destiné aux agriculteurs américains, qui commençait à 5 milliards de dollars. Les États-Unis sont beaucoup plus populeux que le Canada et, en dépit de certains délais, les agriculteurs américains ont reçu des paiements beaucoup plus rapidement que leurs collègues canadiens.

• 0955

Comment pouvez-vous expliquer cette lenteur administrative? Comment pouvez-vous expliquer qu'Agriculture Canada n'ait pas encore modifié ses modalités pour véritablement répondre à la crise qui prévaut toujours? Vous dites que vous attendez le rapport et vous énoncez toutes sortes de statistiques, mais en attendant, ces gens-là n'ont pas d'argent. En êtes-vous conscients?

[Traduction]

M. Douglas Hedley: Oui. J'aimerais faire quelques commentaires sur le système américain. Si ma mémoire est bonne, il y a aux États-Unis environ 3 500 comtés ruraux où il se fait de la production agricole. En vertu des lois américaines, il y a un service chargé de déterminer avec précision le nombre d'acres de terres agricoles consacrées à la production des différentes cultures. On effectue chaque année des relevés aériens de ces terres pour s'assurer qu'elles sont encore en production. On tient des dossiers informatisés sur la propriété des terres, dans un registre des agriculteurs; voilà les mécanismes administratifs dont les Américains disposent à cette fin. Mais, ici, nous n'avons pas de registre dans lequel sont inscrits tous les agriculteurs, ni de données périodiques, recueillies année après année, sur les superficies en culture. Par conséquent, nous devons mettre en place les mécanismes administratifs nécessaires pour les programmes comme l'ACRA.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'aimerais poser une question à M. Friesen. Que pensez-vous de la lenteur administrative, de tout ce que vous entendez ce matin, des modalités qui ne changent pas, des promesses qui ne se réalisent pas, des coupures qui se sont accumulées au cours des dernières années, pendant que vos producteurs agricoles attendent toujours l'argent pour s'en sortir? Monsieur Friesen, que pensez-vous de la façon d'agir d'Agriculture Canada dans ce dossier depuis le début de la crise? Je vous rappelle que dans le rapport du Comité permanent de l'agriculture, on parlait de crise en 1998. Nous sommes aujourd'hui en novembre 1999 et on travaille toujours très lentement à trouver des solutions réalistes et convenables à la crise.

[Traduction]

M. Robert Friesen: J'ai déjà mentionné que l'ACRA était un véritable bourbier administratif. Je ne blâme personne, mais je dois dire que c'est frustrant parce que nous avons tenté par tous les moyens de bâtir un programme vert. Nous faisons des pieds et des mains pour essayer de mettre en place des programmes verts, alors que les Américains dépensent en toute impunité des billets verts en quantités pharamineuses. Nous sommes vraiment au garde-à- vous devant eux! Et comme nous dépendons beaucoup des États-Unis pour bon nombre de nos produits d'exportation, nous devons travailler deux fois plus fort pour créer un programme vert, qui respecte certaines règles. C'est ce qui fait que ce programme est tellement compliqué.

Je dois dire cependant que nous sommes également limités par la politique budgétaire. Nous pourrions charger 20 milliards de dollars à bord d'un avion et les éparpiller sur tout le Canada. Voilà qui enjoliverait le paysage!

Dans une certaine mesure, c'est ce que les Américains ont fait. Ils ont choisi une période de base. Ils envoient actuellement à leurs producteurs des chèques fondés sur cette période de base, sans tenir compte de la production courante ou des prix courants. Il est très facile pour eux d'envoyer tout simplement un autre chèque aux producteurs en fonction de cette période de base.

Au Canada, si nous procédions de cette façon-là, nous aurions un programme extrêmement coûteux. Mais si nous pouvions trouver l'argent nécessaire, ce serait la façon la plus rapide et la plus efficace de distribuer de l'argent aux producteurs.

Étant donné les contraintes que nous devons respecter, l'ACRA est devenu relativement compliqué. L'autre complication, bien sûr, découle d'un aspect que M. Hilstrom a mentionné tout à l'heure. Nous avions un programme que nous pensions bien conçu. Mais bon nombre des éléments que nous avions demandés n'ont pas été inclus dans le produit final.

• 1000

Nous sommes très contents de voir que le gouvernement envisage maintenant d'apporter ces changements, heureusement. Je n'insisterai jamais assez sur ce point. Mais, comme nous procédons à ces changements en cours de route, cela ajoute à la complication. Je ne vais quand même pas m'en plaindre, parce que nous espérons que cela nous donnera ce que nous avions demandé.

Le président: Les modifications dont vous parlez, et que vous allez peut-être obtenir, ne raccourciront pas nécessairement les délais. Ce sera toujours un problème.

M. Robert Friesen: Exactement. En définitive, si nous ne pouvons pas donner plus d'argent aux producteurs, ils vont devoir se contenter de ce qu'ils ont.

Le président: Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais en revenir un instant au processus utilisé pour obtenir vos fameux chiffres.

Je voudrais poser une question à M. Hedley. Est-ce que le processus utilisé pour les prévisions les plus récentes était le même que pour les prévisions semestrielles? Est-ce qu'il y a eu des variantes ou si le processus était exactement le même dans les deux cas?

M. Douglas Hedley: Nous avons appliqué exactement le même processus. La seule différence digne de mention, c'est que nous n'avons inclus cette fois-ci que les trois provinces dans lesquelles la situation semblait particulièrement préoccupante, à savoir l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Nous n'avons pas fait de prévisions pour l'ensemble du Canada. Cela a donc été un peu plus rapide, mais nous avons procédé exactement de la même façon que les fois précédentes.

M. Joe McGuire: Je voudrais simplement savoir si les fonctionnaires ont été mis au courant comme d'habitude des résultats de ce processus. Est-ce que les gens du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux ont été informés des mêmes chiffres au même moment?

M. Douglas Hedley: Oui.

M. Joe McGuire: J'ai une question à poser à M. Friesen au sujet de l'ACRA. Je sais que la Saskatchewan et le Manitoba ont envisagé un paiement à l'acre. Quels que soient les groupes, l'important, c'est qu'il y aurait un paiement à l'acre. Au comité consultatif, est-ce que vous voyez des inconvénients au paiement à l'acre comparativement à la formule de l'ACRA? J'aimerais avoir votre avis—ou peut-être celui de M. Hedley—là-dessus.

M. Robert Friesen: La Fédération canadienne de l'agriculture représente des producteurs de produits très sensibles, qui ne peuvent pas se permettre de faire l'objet de sanctions commerciales. Nous avons toujours insisté sur le fait que tout l'argent que nous dépenserons doit être versé de façon à éviter les sanctions commerciales des États-Unis.

Un programme qui prévoirait un paiement à l'acre en fonction de la production courante ne serait pas vert; ce serait la façon la plus rapide d'inciter le gouvernement américain à adopter des mesures de représailles. Si nous adoptions la formule du paiement à l'acre en fonction d'une période de base, ce serait un programme vert, mais il faudrait que ce paiement soit offert aussi à tous les producteurs, dans l'ensemble du Canada. Encore une fois, si nous pouvions procéder de cette façon-là, ce serait plus coûteux, mais plus rapide.

Il ne faut pas oublier que nous avons beaucoup d'autres produits qui ne seraient pas couverts par un paiement à l'acre. La situation varie d'une province à l'autre, mais il est clair que cette mesure viserait seulement les producteurs céréaliers.

Ce sont ces producteurs, dans une certaine mesure, qui souffrent le plus de la période de référence que nous utilisons actuellement. C'est pourquoi il y en a tellement qui passent entre les mailles du filet. Bref, nous devons agir de manière à ne pas nous attirer de sanctions commerciales. Nous devons offrir la même chose à tous les agriculteurs du Canada. Et nous devons faire en sorte que tous les produits touchés soient couverts.

M. Joe McGuire: Au sujet de la possibilité de faire de l'ACRA un programme permanent, qu'est-ce que vous ajouteriez au programme actuel, à part un nouveau nom, pour en faire un programme sur lequel les agriculteurs pourraient compter quand ils traversent une période désastreuse?

M. Robert Friesen: La première chose qu'il nous faudrait, ce sont quelques bonnes années pour l'agriculture, parce que les producteurs préfèrent gagner leur argent sur le marché. Cela aiderait beaucoup, c'est certain. Deuxièmement, nous devons stabiliser la marge de référence d'une manière ou d'une autre. Et troisièmement, ce serait bien si nous pouvions dépasser les 70 p. 100.

M. Joe McGuire: Dans l'élaboration de l'ACRA, pensez-vous que le gouvernement a vraiment écouté jusqu'ici ce que les producteurs avaient à dire au sujet de la conception du filet de sécurité et de la troisième ligne de défense? Est-ce que vous avez obtenu à peu près ce que vous demandiez?

• 1005

M. Robert Friesen: Tout dépend de ce qui sera annoncé cet après-midi. On ne nous a pas écoutés parfaitement au départ, quand l'ACRA a été mis en place. Encore là, c'est en partie relié à la politique budgétaire. Le gouvernement ne voulait pas dépenser trop d'argent.

Étant donné la gravité de la situation actuelle dans tout le Canada, nous espérons que l'annonce de cet après-midi montrera que le gouvernement comprend à quel point le problème est sérieux et qu'il est prêt à apporter ces changements bien nécessaires. Je me dépêche d'ajouter, encore une fois, que c'est une première étape vers une solution. Il restera à déterminer quels sont les producteurs qui ne sont pas indemnisés suffisamment dans le cadre de l'ACRA, pour différentes raisons dont le fait que la marge de référence est trop limitée. Il faudra les indemniser convenablement eux aussi.

M. Joe McGuire: Comment pouvez-vous, dans le cadre de l'ACRA, aider un agriculteur de la vallée de l'Annapolis ou de Peace River qui a connu trois années de...?

M. Robert Friesen: Nous ne pouvons pas l'aider.

M. Joe McGuire: Donc, qu'est-ce que vous faites pour inclure les gens qui sont encore là, mais qui ne font toujours pas beaucoup d'argent?

M. Robert Friesen: Votre question se rattache à ce que j'ai suggéré tout à l'heure. Nous devons nous pencher sur ces situations, que ce soit dans le cadre du filet de sécurité ou à l'extérieur de celui-ci, parce qu'il y a un sérieux manque à gagner; ou alors, il faudra que les gouvernement fédéral et provinciaux trouvent un moyen d'augmenter le revenu de ces producteurs. J'espère pouvoir vous dire comment cela devrait se faire très bientôt.

Comme je l'ai déjà dit, la première étape consistait à faire ces changements. Nous pouvons maintenant réévaluer les dommages pour voir si le nombre des producteurs qui passent entre les mailles du filet a diminué. Il faut déterminer qui sont ces producteurs et trouver des moyens de leur verser de l'argent le plus rapidement possible. Selon la formule actuelle de l'ACRA, étant donné la couverture de 70 p. 100 et la marge de référence de trois ans, non, un producteur qui a connu trois mauvaises années de suite ne sera pas indemnisé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McGuire.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur Hedley, dans les prévisions révisées qui ont été rendues publiques cette semaine, on constate que les coûts de fonctionnement nets pour la Saskatchewan ont baissé de 63 millions de dollars. D'après les modèles que vous avez appliqués et les autres analyses que vous avez effectuées, quelles sont les principales raisons de cette baisse de 63 millions?

M. Douglas Hedley: Il y a deux changements majeurs dans les états de dépenses entre les prévisions de juillet et celles que nous avons rendues publiques cette semaine. Premièrement, les dépenses en engrais ont diminué légèrement—d'environ 5 p. 100, il me semble. Nous avons établi ces chiffres à partir de nos discussions non seulement avec les provinces, mais aussi avec l'Institut canadien des engrais, qui tient des dossiers relativement précis sur les quantités d'engrais utilisées dans chaque province. Quand on arrive en septembre, par exemple, la majeure partie des engrais destinés aux récoltes de 1999 ont déjà été utilisés. Cela n'inclut pas les engrais destinés aux céréales d'automne, mais les commandes sont déjà données.

L'autre grand changement qui a fait baisser ces dépenses, c'est que les agriculteurs utilisent moins de produits chimiques. C'est l'Institut canadien pour la protection des cultures qui nous a fourni cette information. Je vous répète qu'il s'agit de l'association industrielle regroupant les fabricants et les distributeurs de ces produits. Ce que nous a dit l'Institut, c'est que les achats effectués par ses membres ont diminué légèrement dans l'Ouest, par province, par rapport aux chiffres qu'il avait fournis pour les prévisions de juillet, à la fin mai ou au début juin.

M. Dick Proctor: Est-ce qu'on vous a fourni des raisons pour expliquer cette baisse?

M. Douglas Hedley: Nous n'en avons pas demandé.

M. Dick Proctor: Avez-vous votre petite idée là-dessus?

M. Douglas Hedley: Nous nous contentons de demander à l'Institut quels sont les chiffres et ce que ses membres lui disent.

M. Dick Proctor: J'ai écouté attentivement votre réponse à M. McGuire au sujet du fait que les modèles appliqués pour les dernières prévisions étaient exactement les mêmes que pour celles du mois de juillet. Mais, au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan... On nous a dit expressément que vous aviez surestimé les chiffres les plus récents, de 125 millions dans le cas de l'ACRA et du CSRN, de 125 millions également par suite du changement de l'année de base pour les éleveurs de bétail, de 15 millions pour les recettes provenant du blé dur, de même que la baisse des coûts de fonctionnement nets. Pourriez-vous nous parler plus en détail de ces éléments des prévisions révisées?

• 1010

M. Douglas Hedley: D'accord. Prenons les éléments de votre liste un par un. Je ne les citerai peut-être pas en ordre, et si j'en oublie un, rappelez-le-moi.

Commençons par le boeuf. Le gouvernement de la Saskatchewan nous en a parlé. Quand nous établissons nos chiffres, nous les tirons de nombreuses sources. Dans ce cas particulier, nous les avons obtenus de Statistique Canada, à partir des chiffres du mois d'août et du début septembre. Ces chiffres proviennent des sondages effectués auprès des agriculteurs. Nous avons aussi examiné, à l'échelle nationale, les chiffres provenant de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui a des données sur le nombre de bêtes abattues dans l'ensemble du Canada. Le gouvernement de la Saskatchewan nous a parlé de cette question, en effet. Mais nous préférons nous servir des chiffres de l'ACIA sur l'abattage et des données de base établies par Statistique Canada à partir des sondages réalisés auprès des agriculteurs au sujet de l'élevage du bétail.

En ce qui concerne le blé dur, l'information supplémentaire dont nous disposions se rattachait à la clôture de la période de livraison en commun à la Commission canadienne du blé; nous avions donc une bien meilleure idée, au début d'octobre, des résultats de la campagne 1998-1999, en termes de volumes. Nous avions aussi à ce moment-là une assez bonne idée des prix du marché parce que la campagne était terminée. Et nous savions un peu mieux quels allaient être les prix à l'automne, à l'hiver et au printemps, ce qui constituait un assez bon indice des rentrées auxquelles les agriculteurs pouvaient s'attendre pour l'automne. Nous avons obtenu cette information de la Commission canadienne du blé. C'est une meilleure source que les données des différentes provinces sur la question parce que cela couvre tout l'Ouest, puisque cette région a le monopole des exportations de blé dur.

Pour ce qui est de l'ACRA et du CSRN, j'ai déjà dit que deux des changements apportés au CSRN ne se reflétaient pas dans les prévisions antérieures. Premièrement, la Saskatchewan a injecté 85 millions de dollars dans les comptes du CSRN à la fin de juin ou au début de juillet, si je ne me trompe pas, c'est-à-dire après les prévisions de juillet. Deuxièmement, nous avons modifié les seuils d'intervention du CSRN, ce qui a été annoncé à la fin de juin, si je me souviens bien, encore là après la date de tombée relative aux prévisions de juillet. Cette décision a augmenté le nombre des retraits possibles et a certainement eu un effet à la hausse sur les retraits en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta, comme d'ailleurs dans le reste du Canada.

L'autre élément, c'est que les retraits qui ont été faits cette année dans les comptes du CSRN—vous me corrigerez si je me trompe, Tom—sont deux fois à deux fois et demie plus élevés que pour toutes les autres années. En mai ou en juin, cette tendance était loin d'être aussi forte que celle que nous constatons maintenant. C'est pourquoi nous avons légèrement révisé ces chiffres à la hausse.

Les chiffres concernant l'ACRA, à ce que je sache, Tom, sont à peu près les mêmes que dans les prévisions de juillet.

Est-ce qu'il y avait autre chose?

M. Dick Proctor: Non, c'est tout.

Un dernier commentaire, si vous me le permettez. Malgré les chiffres plus réjouissants que contiennent les prévisions révisées, on peut lire au sujet de la Saskatchewan que les chiffres pour cette province demeurent nettement inférieurs à la moyenne antérieure sur cinq ans, pour 1999, et qu'ils devraient demeurer à peu près au même niveau en l'an 2000.

M. Douglas Hedley: Vous avez tout à fait raison. Vous avez employé le mot «réjouissants». Mais la situation est loin d'être réjouissante; personne ne la décrirait de cette façon-là. En Saskatchewan, avec 362 millions de dollars d'après les prévisions, les chiffres sont nettement en deçà de la moyenne sur cinq ans, qui est d'environ 685 à 690 millions selon qu'on prend la moyenne de 1993 à 1997 ou de 1994 à 1998. Et au Manitoba aussi, c'est largement inférieur à la moyenne sur cinq ans.

La situation est loin d'être réjouissante. Cela représente une diminution importante du revenu agricole net dans ces deux provinces.

Le président: Merci.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

C'est justement la question que j'allais poser à M. Hedley, plus précisément au sujet des chiffres concernant le Manitoba. D'après les nouvelles prévisions publiées en octobre, le déficit de 100 millions prévu en juillet s'est transformé en surplus de 48 millions. Mais comparativement à la moyenne pour 1994 à 1998, soit 335 millions, les 48 millions prévus en octobre représentent une baisse substantielle, comme vous venez de le mentionner, monsieur Hedley. Êtes-vous prêt à corroborer ces chiffres? Vous avez l'air consterné.

• 1015

M. Douglas Hedley: Au Manitoba, premièrement, la moyenne pour 1994 à 1998 était en fait de 231 millions de dollars en ce qui concerne le revenu agricole net réalisé.

M. Rick Borotsik: Réalisé, oui.

M. Douglas Hedley: Les prévisions de juillet étaient de 64 millions.

M. Rick Borotsik: Je voulais parler du revenu net total.

M. Douglas Hedley: Le revenu net total était évalué à moins 100 millions.

M. Rick Borotsik: Oui, alors que la moyenne était de 335 millions.

M. Douglas Hedley: En effet. Ce chiffre est passé à 48 millions par rapport à la moyenne de 335 millions.

M. Rick Borotsik: Ce que je veux dire—et j'espère que vous serez d'accord avec moi—, c'est que quand ces chiffres ont été présentés la semaine dernière, je ne les aurais pas qualifiés de «réjouissants», même s'ils donnent l'impression que la situation est beaucoup moins désastreuse qu'elle ne l'est en réalité: 48 millions, comparés à une moyenne de 335 millions, c'est quand même 85 p. 100 de moins que la moyenne. Vous admettrez que la situation est très difficile pour les agriculteurs, qui doivent subir des pertes de ce genre année après année, monsieur Hedley?

M. Douglas Hedley: Qu'est-ce que je peux vous dire?

M. Rick Borotsik: J'imagine que vous êtes d'accord avec moi.

M. Douglas Hedley: Il est certainement préférable que les chiffres soient le plus élevés possibles, pour ce qui est de la prospérité et de la richesse des familles d'agriculteurs de l'Ouest canadien.

M. Rick Borotsik: Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, quand ces chiffres ont été rendus publics—et je ne suis pas le seul à le dire—, les gens qui ne sont pas agriculteurs ont trouvé que ce n'était pas si mal et que la situation était bien moins pire que prévu. Il n'en reste pas moins que ces revenus, même quand on présente les chiffres de cette façon, sont encore de 85 p. 100 inférieurs à la moyenne pour la période de 1994 à 1998, ce qui est substantiel. C'est un peu comme si nous vous disions, monsieur Hedley, que nous allons vous enlever 85 p. 100 de votre salaire pour l'année qui vient, mais que ce n'est pas si mal parce que ça aurait pu être pire. Est-ce que c'est à peu près juste comme comparaison?

M. Douglas Hedley: Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet-là, monsieur le président.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur Hedley.

Monsieur Friesen, quand l'ACRA a été proposé, la FCA a commencé par dire qu'une marge de référence de cinq ans représenterait certainement la meilleure solution, plutôt qu'une marge de trois ans. Vous avez dit aussi à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, que les pertes devraient être couvertes—puisque nous préférons ne pas parler de «marges négatives». C'était la position initiale de la FCA. Si cette recommandation avait été adoptée dès le départ, quand l'ACRA a été mis en place, est-ce que le programme aurait été mieux accepté par les producteurs?

M. Robert Friesen: Absolument. Je pense que le programme aurait été beaucoup mieux perçu parce qu'il y a des producteurs qui, à cause de leur marge de référence plus basse, n'obtiennent pas beaucoup d'argent entre zéro et leur marge de référence. En même temps, s'ils avaient eu une marge négative, ils auraient obtenu des résultats beaucoup plus positifs. De plus, je dirais que nous aurions pu économiser des sommes considérables sur le plan des frais d'administration si nous avions adopté cette solution-là dès le départ. Du moins, c'est ce que je pense.

M. Rick Borotsik: Et, à votre avis, la raison pour laquelle ça n'a pas été fait était strictement financière; le gouvernement essayait d'économiser de l'argent, tout simplement.

M. Robert Friesen: Je pense que c'était la raison, mais il y avait aussi une question de risque moral. Quand nous avons fini par dissiper les malentendus sur ce qu'est vraiment une marge négative et que nous avons établi qu'il fallait calculer la marge brute tout simplement en soustrayant les coûts des intrants directs des recettes brutes, je pense que bien des gens ont commencé à comprendre qu'il n'était plus question de risque moral, d'autant plus que cela n'inclut pas les choses comme le service de la dette, par exemple.

Le président: Monsieur Hedley, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet-là?

M. Douglas Hedley: J'essaie de comprendre la question.

Monsieur Borotsik, voulez-vous dire qu'il y a une préférence pour une moyenne sur cinq ans comme période de référence? En mentionnant cela...

M. Rick Borotsik: C'est ce que la FCA avait proposé au départ, quand l'ACRA a été conçu. Elle proposait une marge de référence de cinq ans.

M. Douglas Hedley: Ce qu'il y a de malheureux—et je pense que M. Friesen sera d'accord avec moi—, c'est qu'une moyenne sur cinq ans nous placerait immédiatement en dehors de la boîte verte de l'OMC et nous exposerait donc instantanément à des mesures de compensation potentielles.

M. Rick Borotsik: Donc, à votre avis, il est peu probable que la marge de référence de cinq ans soit adoptée dans la version révisée du programme de l'ACRA. La moyenne olympique ne sera pas...

• 1020

M. Douglas Hedley: Une pleine période de cinq ans ne serait pas verte; nous pourrions donc faire l'objet de mesures de compensation.

M. Rick Borotsik: Excusez-moi, je voulais parler de la moyenne olympique.

M. Douglas Hedley: Pour la moyenne olympique, on prend les résultats sur cinq ans et on enlève le maximum et le minimum.

M. Rick Borotsik: Ça ne fonctionne pas nécessairement.

M. Douglas Hedley: Ça entraîne certaines conséquences pour certains producteurs certaines années, et d'autres conséquences les autres années.

M. Rick Borotsik: D'accord.

J'ai une autre question à poser à M. Friesen, monsieur le président.

Le président: Très rapidement.

M. Rick Borotsik: C'est promis.

Le président a fait allusion à cette question quand il a parlé des catastrophes naturelles, et nous en avons quelques exemples. Nous vivons justement une situation de ce genre en ce moment. L'ACRA ne semble pas être un programme approprié en cas de catastrophes naturelles comme la tempête de verglas, l'inondation de la Rouge ou la saison désastreuse qu'ont connue les agriculteurs de la région de Peace River. De l'avis de la FCA, est-ce qu'il devrait y avoir, en dehors de l'ACRA, un programme d'aide aux sinistrés visant à faire face aux situations de ce genre qui, soit dit en passant, vont probablement se produire beaucoup plus souvent qu'avant? Quelle est la position de la FCA à cet égard?

M. Robert Friesen: Comme je l'ai déjà mentionné, si des producteurs agricoles étaient frappés par une tempête de verglas ou une inondation après avoir connu trois bonnes années—et si on ne tient pas compte des dommages causés à leurs installations—, un programme couvrant 70 p. 100 pour les bonnes années de la marge de référence les aiderait à passer au travers et compenserait pour leur manque à gagner.

Ce que nous disons, c'est qu'en dehors du filet de sécurité du revenu, nous devons nous attaquer au grave problème que représente l'insuffisance des revenus dans certaines régions du Canada. Au comité consultatif, nous ne savons pas exactement quoi faire à ce sujet-là.

M. Rick Borotsik: C'était ma prochaine question. Merci.

Le président: C'est maintenant au tour de M. McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je sais qu'on a peut-être déjà répondu à certaines de mes questions, mais je suis arrivé en retard. J'étais en réunion avec les producteurs de maïs et l'Association des consommateurs du Canada.

Je veux simplement vérifier certains chiffres. Nous avons entendu dire que quelque 200 millions de dollars avaient été dépensés, sans compter l'argent qui a été envoyé au Québec, ce qui est juste étant donné la façon dont les programmes fonctionnent. Je me demandais si vous aviez une idée du montant qui a été envoyé au Québec pour que je puisse faire quelques calculs.

M. Douglas Hedley: Tout d'abord, le chiffre que je vais vous donner correspond au paiement pour les deux années, à moins que je ne me trompe. Il faudra apporter une correction après l'année 1999, mais nous avons versé 116,7 millions de dollars à la province de Québec.

Le président: Le dernier chiffre que j'avais était de 227 millions de dollars au 25 octobre. Je suis certain qu'il a changé. S'agit-il de 116,7 millions de dollars en plus des 227 millions de dollars?

M. Douglas Hedley: Oui, c'est exact.

Le président: En plus de cette somme?

M. Douglas Hedley: Oui, la somme totale était de 348,9 millions de dollars au 27 octobre.

Le président: En comptant le Québec?

M. Douglas Hedley: Oui, en comptant le Québec.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup.

Si ces fonds supplémentaires étaient disponibles aujourd'hui, des mesures pourraient-elles être prises pour qu'ils soient versés aux producteurs plus rapidement que par le passé? Du moins, j'ai eu l'impression en lisant les journaux que les choses avaient traîné en longueur.

M. Douglas Hedley: Laissez-moi tout d'abord expliquer au comité où nous en sommes. La date limite pour la réception des demandes avait été fixée au 20 août. Nous avons reçu presque la moitié des demandes dans les trois semaines qui ont précédé cette date. Nous passons au travers à un rythme qui va de 1 200 $ à 1 500 $ par semaine à l'administration de l'ACRA. Les provinces qui administrent elles-mêmes le programme viennent grossir ce total.

D'après les derniers chiffres que j'ai obtenus de l'administration de l'ACRA, nous nous attendons à ce qu'environ 90 p. 100 de l'argent—et nous essayons toujours de confirmer ce chiffre—ait été versé par le gouvernement fédéral d'ici la fin de novembre. Actuellement, nous essayons de faire concorder les données qui figurent dans les demandes. De temps à autre, nous devons attendre qu'un agriculteur nous fournisse des données supplémentaires. Si tout va bien, plus de 90 p. 100 de l'argent aura été versé à la fin de novembre.

M. Larry McCormick: Je sais qu'on n'a pas encore annoncé qu'il y aurait des fonds supplémentaires, mais est-ce qu'on pourrait s'attendre à ce qu'il en soit question d'ici là?

• 1025

M. Douglas Hedley: Dans l'hypothèse où des fonds supplémentaires...

M. Larry McCormick: Oui, monsieur, c'est ce que j'ai lu dans les journaux.

M. Douglas Hedley: Ce doit être exact.

M. Larry McCormick: Excusez-moi, allez-y.

M. Douglas Hedley: De toute évidence, il nous faudrait tout d'abord procéder au traitement des demandes présentées dans le cadre de l'ACRA. Nous pourrions, dans le cas d'un grand nombre de ces agriculteurs, utiliser tout simplement les dossiers informatiques que nous avons pour qu'un paiement soit versé. Si nous avions besoin de renseignements supplémentaires, il nous faudrait les demander aux agriculteurs. Je pense que les choses pourraient aller assez rapidement.

M. Larry McCormick: Monsieur Hedley, il se peut que vous ne vouliez pas ou ne puissiez pas répondre à cette question. Bien sûr, vous n'avez pas encore toute l'information qu'il faut. Si, en fin de compte, l'argent dont tous les médias ont parlé couvrait entre 50 p. 100 et 100 p. 100—disons 70 p. 100 de la marge négative—je me demande à combien de producteurs on pourrait venir en aide. Cette question s'adresse à vous et à M. Friesen. Avez-vous une idée de leur nombre et de ce que cet argent pourrait représenter pour eux? Vous pouvez tous les deux répondre à cette question. En avez-vous une idée?

M. Douglas Hedley: Monsieur Friesen, laissez-moi tout d'abord vous donner des chiffres.

J'aurais peut-être dû ajouter, lorsque je vous ai parlé du temps qu'il faudrait, que je faisais allusion à la prestation de l'ACRA par le gouvernement fédéral. Nous n'avons pas encore discuté avec les provinces des modifications qui pourraient être apportées au programme.

Je crois vous avoir donné des chiffres, monsieur le président, la semaine dernière au sujet des coûts de la marge négative. Si nous assumions 50 p. 100 des coûts qui y sont associés, la quote-part du gouvernement fédéral se situerait environ entre 100 millions et 115 millions de dollars à l'échelle nationale. Si nous couvrons 70 p. 100 de la marge négative, les coûts seront d'environ 210 millions de dollars pour le gouvernement fédéral.

Je dirais, d'après les demandes que nous avons reçues, qu'environ 35 p. 100 des agriculteurs qui reçoivent des paiements—et nous estimons qu'ils sont actuellement 30 000 à l'échelle du Canada à recevoir des fonds dans le cadre de l'ACRA—affichent une marge négative. Il faudrait que ceux qui n'ont pas présenté de demande puissent en présenter une. Nous pensons qu'entre 1 et 3 p. 100 d'agriculteurs de plus recevraient des paiements en raison des marges négatives.

M. Robert Friesen: Notre position est la suivante: que les provinces versent ou non plus d'argent selon la formule de partage des coûts entre le fédéral et les provinces, le gouvernement fédéral devrait faire preuve de sensibilité et de leadership et assumer également sa part des marges négatives, soit 70 p. 100. Je dois aussi ajouter que s'il est le seul à verser de l'argent, sa part ne sera que de 60 p. 100 de 70 p. 100, ce qui représente 42 p. 100 uniquement des marges négatives. Si c'est notre seul choix, nous l'accepterons, mais nous encourageons les provinces à verser leur part des fonds supplémentaires et à l'affecter à un programme provincial quelconque. Cela aidera aussi tous les producteurs qui éprouvent des difficultés.

Le président: Avant de céder la parole à M. Ritz, j'aurais une question à vous poser, monsieur Friesen, au sujet du temps qui s'est écoulé entre le lancement de l'ACRA—il y a en fait presque un an—et le versement de l'argent. J'imagine que si beaucoup moins de temps s'était écoulé, vous ne seriez probablement pas ici aujourd'hui. Autrement dit, le programme a été mis sur pied pour les années 1998 et 1999 et l'année 1999 est presque terminée. Si tout cet argent avait déjà été distribué—et je dis bien si—il n'y aurait pas autant de pressions politiques exercées dans le pays et qui se font sentir ici. Lorsque je vous écoute parler de ce que j'appelle le délai d'attente, je me dis qu'il s'agit d'une programme agricole complet. Il est basé sur le revenu; il faut réunir tous ses documents, présenter sa déclaration de revenus et ainsi de suite. Mais il y a, de l'autre côté, la boîte verte. D'après ce que vous nous dites, il ne s'agit pas vraiment d'une boîte verte.

• 1030

Y aurait-il vraiment moyen de réduire ce délai d'attente? Sinon, cela revient en fait à dire à tous les agriculteurs, peu importent les critères établis, peu importent les avantages ou les inconvénients de l'ACRA... Voici l'argent, mais il se peut que vous deviez attendre un an ou deux avant de le recevoir. Je trouve cela très pénible. Je sais que les membres de tous les partis autour de cette table ne veulent pas qu'on les accuse de ne pas se soucier des agriculteurs. Nous nous en soucions tous.

Pouvez-vous m'indiquer comment réduire ce délai d'attente? Vous avez dit qu'aux États-Unis on y était arrivé en déboursant tout simplement de l'argent, mais que nous ne pouvions pas nous le permettre, que nous devons nous préoccuper de la boîte verte. Donc, y a-t-il moyen de faire autrement ou devons-nous simplement nous accommoder de ce modèle?

M. Robert Friesen: Tout d'abord, je n'ai pas dit que nous ne pouvions pas nous permettre ce programme. Je pense que nous le pouvons. Ce sera au gouvernement de décider si c'est possible financièrement, mais il ne sert à rien d'en discuter quand on pense aux 17 milliards de dollars que les agriculteurs ont consentis à la réduction du déficit au cours des sept dernières années et au surplus de 95 milliards de dollars prévu au cours des quelques prochaines années.

Malgré le fait que certains changements devront être apportés au programme d'aide pour qu'il soit plus stable pour les producteurs, surtout s'ils connaissent plus d'une mauvaise année, il a été question au Comité consultatif du filet de sécurité et à l'administration de la possibilité d'harmoniser l'ACRA et le CSRN et, compte tenu des dispositions sur les retraits provisoires, d'harmoniser les données avec le CSRN de manière à obtenir l'information beaucoup plus tôt...

Le président: Que voulez-vous dire par beaucoup plus tôt?

M. Robert Friesen: Je vais laisser M. Hedley répondre à cette question.

M. Douglas Hedley: Tout d'abord, monsieur le président, les formulaires de demande sont déjà sortis pour 1999 en vue du versement d'un paiement provisoire. Ils sont disponibles sur le Web depuis le début de septembre et sous forme d'imprimés depuis la mi-septembre, je crois. Nous avons déjà reçu 50 demandes. Nous pouvons dès réception d'une demande émettre un paiement à un agriculteur pour 1999.

Le président: Nous devons maintenant passer à M. Ritz, mais le fait est que nous sommes presque à la fin de 1999 et qu'il y a encore bien plus d'un milliard de dollars dans cette cagnotte. Comme politicien, je trouve que c'est très difficile à accepter.

Le gouvernement est allé de l'avant, comme toute l'industrie du gouvernement provincial, et on a trouvé un moyen de mettre en place une cagnotte de 1,5 milliard de dollars. Mais voici qu'au bout d'une période de près de deux ans, il y a encore plus d'un milliard de dollars dans cette cagnotte. Je trouve que c'est très décourageant.

Je n'ai pas de solution à proposer, messieurs. Je n'ai pas la réponse au problème, mais si quelqu'un pouvait trouver un moyen de réduire ce que j'appelle le délai d'attente, ce serait très utile.

M. Robert Friesen: J'ajouterais tout simplement, si vous me le permettez, que jusqu'en décembre 1998, si je me souviens bien, nous n'étions pas certains d'avoir 1,5 milliard de dollars. Les agriculteurs ont vécu une situation extrêmement stressante tout au long de 1998 sans savoir si de l'argent serait disponible. Vous vous souviendrez qu'on s'était demandé si un producteur pouvait aller voir son institution financière et lui dire qu'il y avait en place un programme susceptible d'un concours bancaire. Aucune garantie n'a été donnée avant décembre. Je pense que le programme a en fait été mis en oeuvre en mars 1999 de sorte qu'il s'est écoulé pas mal de temps avant que nous sachions que nous aurions de l'argent.

Le président: Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, messieurs, de vos exposés d'aujourd'hui.

Monsieur Hedley, comme mon collègue l'a dit, il est difficile, dans un cas comme celui-ci, de ne pas s'en prendre au messager, parce qu'il semble que nous n'arrivions pas à obtenir une décision du ministre.

Pour en revenir à ce dont le président vient tout juste de parler, vous nous racontez que lorsque le délai d'août est arrivé, vous avez été inondés de demandes que vous avez eu de la difficulté à traiter. Eh bien, c'est ce qui arrive chaque année à Revenu Canada qui finit pourtant par s'en sortir. Il faudrait donc mettre en place un système qui fonctionne.

Vous dites aussi que les formulaires de demande pour 1999 sont disponibles. Youpi! Si vous n'êtes pas capables de traiter les demandes de 1998, comment allez-vous vous y prendre pour venir à bout de celles de 1999? Cela ne vous facilitera pas la tâche. C'est bien beau que les demandes soient dans le courrier, mais à moins que vous puissiez faire quelque chose à l'autre bout pour empêcher les forclusions... Le 30 octobre était la date limite pour des milliers d'agriculteurs qui ont perdu leurs terres.

Vous pouvez analyser la situation a posteriori, mais cela ne les aidera pas du tout. Les petites villes de la Saskatchewan dépérissent et nous devons donc accélérer le processus. Combien d'autres agriculteurs allons-nous perdre en attendant que nous nous dépêchions d'examiner la situation?

Lorsque vous avez parlé du CSRN, vous avez dit que la somme de 435 millions de dollars était disponible en Saskatchewan. Personne n'y a accès. Le système compliqué que nous avons, dans lequel sont entremêlés les formulaires de l'ACRA, le CSRN et Revenu Canada, a empêché certains agriculteurs d'accéder à leur CSRN pendant plus de six mois. Ils sont incapables d'aller chercher l'argent qui est là, parce que tout le monde a son mot à dire. Le système ne fonctionne pas.

• 1035

La somme de 115 millions de dollars a été versée. Le compte moyen en Saskatchewan est d'environ 15 000 $. Cela ne paye même pas le combustible pour un an. Là n'est donc pas la solution.

Les revenus ont baissé de 85 p. 100. C'est comme si un agriculteur disait aux fonctionnaires qui sont responsables de ce programme: «Coupez votre salaire de 85 p. 100, encaissez vos REER et nous allons parler d'activité économique pour que ça paraisse mieux. Vivez de vos économies et du revenu de votre femme, livrez des journaux ou faites ce que vous pouvez en attendant de perdre votre maison.» C'est ce qui se passe. Le système ne fonctionne pas et il faut arriver à distribuer cet argent.

On peut parler de court, moyen et long terme. Le problème, c'est que le court terme est déjà chose du passé. Les agriculteurs ont tenu bon en 1998 à cause de ce programme susceptible d'un concours bancaire qui était censé être mis en oeuvre. Il ne s'est pas matérialisé. On est en 1999 et les banques commencent à montrer de la nervosité. Le crédit agricole mène le bal des forclusions de ferme. Où s'en vont nos agriculteurs?

Lorsque vous parlez des valeurs du CSRN, comparez-vous la valeur de ce qu'il y a dans le compte au fardeau de la dette de l'agriculteur? Parlez-vous des sommes à recevoir, des sommes à payer, des lignes de crédit qui augmentent, des avances de fonds qui n'ont pas été remboursées ou des impôts fonciers qui n'ont pas été payés? Est-ce que vos nouveaux chiffres en tiennent compte?

Le président: Qui veut répondre à cette question?

M. Douglas Hedley: Il y a dans ce que vous venez de dire un ou deux points auxquels il est important, je pense, de répondre. Tout d'abord, si vous connaissez des agriculteurs qui ont dû attendre aussi longtemps pour retirer leur argent du CSRN, donnez-moi leurs noms.

M. Gerry Ritz: J'ai une longue liste de noms que je serais heureux de vous remettre.

M. Douglas Hedley: Il n'y a aucune raison pour laquelle un simple appel téléphonique à l'administration du CSRN ne permettrait pas d'obtenir l'information et l'argent lorsque le processus a été déclenché.

Le président: La question est de savoir quand il est déclenché.

M. Douglas Hedley: Oui.

M. Gerry Ritz: J'ai plusieurs noms et je serais heureux de vous les transmettre. Ces gens-là seraient heureux de vous les donner.

Le premier nom qu'un de mes collègues m'a donné est celui de Terry Highmoor qui vit à Bowsman, au Manitoba. Je sais qu'il y a des agriculteurs qui attendent depuis avril dernier et qui avaient besoin de l'argent du CSRN.

Un homme m'a dit qu'il avait droit à un retrait de 12 000 $ mais qu'en raison du temps qu'il lui a fallu pour l'obtenir, cet argent a été dépensé en frais d'intérêt, en remboursement de paiements en retard et en paiements à ses créanciers. Lorsqu'il le recevra enfin, il aura été tout dépensé. Il ne pourra pas en profiter à sa pleine valeur.

C'est avec plaisir que je vous enverrai tous ces renseignements.

M. Douglas Hedley: Je vous en prie. Merci.

M. Gerry Ritz: Monsieur Friesen, je suis tout à fait d'accord avec votre exposé. Nous parlons ici de gens et pas de chiffres et c'est ce qu'il ne faut pas oublier. Nous parlons de la contribution annuelle de l'agriculture au PIB et des 85 milliards de dollars qu'elle procure. L'agroalimentaire se porte très bien, mais le producteur primaire est dans le jus. Comment séparer les deux pour montrer les dommages que le producteur primaire a subis et les réparer? Les gens continuent à très bien manger. Le coût du pain n'a pas diminué parce que le prix du blé a baissé. Il y a toutes sortes de marges. Comment faire passer le message?

M. Robert Friesen: C'est un très bon point et je crois savoir que le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires et le ministère ont entrepris un projet de recherche pour savoir quel pourcentage de la valeur des exportations revient au producteur.

Comme vous le savez, même s'ils voient d'un bon oeil des marchés plus vastes et plus nombreux, les producteurs se sont toujours montrés un peu sceptiques ou cyniques quant au pourcentage de l'argent qui leur revient en réalité—et c'est un très bon point.

Je tiens également à vous remercier d'avoir résumé certains des points que j'ai fait valoir tout à l'heure, parce que je pense qu'il vaut la peine d'y revenir constamment.

Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier et j'y ai fait allusion tout à l'heure: les agriculteurs préféreraient recevoir leur argent du marché. Un de mes membres a dit la semaine dernière qu'il ne servait à rien d'avoir un filet de sécurité si on ne permettait pas à l'acrobate d'exécuter son numéro. Il faudrait au moins lui laisser la chance de monter sur le trapèze et de donner son spectacle. Le filet de sécurité est là au cas seulement où il tomberait. Et c'est vraiment de ce dont nous parlons lorsque nous parlons des outils de gestion du risque. Il y a des moyens d'aider les agriculteurs à mieux exécuter leur numéro.

Un des exemples que j'ai utilisés tout à l'heure est celui de la somme de 180 millions de dollars pour le transport. Un autre exemple serait de s'assurer que l'augmentation de 28 p. 100 au cours des quelques dernières années au chapitre du recouvrement des coûts n'exerce pas de pressions supplémentaires sur les agriculteurs. Il y a donc des moyens de s'assurer que les agriculteurs puissent donner leur plein rendement. Un autre exemple est celui des négociations commerciales. Ne nous retrouvons pas, au terme des négociations, dans une situation où le Canada aurait les mains liées et respecterait l'esprit et les règles d'un accord tandis que d'autres pays pourraient faire à peu près n'importe quoi impunément.

• 1040

Il y a des choses que nous pouvons faire qui ne nous aideront peut-être pas aujourd'hui, mais qui faciliteront la vie des agriculteurs à l'avenir.

Le président: Merci.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci.

Je suis désolée. J'avais plusieurs réunions ce matin.

Avons-nous une idée du pourcentage ou du nombre de demandes en cause selon que le programme est administré par la province ou par le fédéral? Pouvez-nous nous faire parvenir ces chiffres?

Je vais vous poser plusieurs questions et vous pourrez peut-être répondre à toutes en même temps.

Est-ce que le facteur coût a constitué un obstacle à la présentation d'une demande pour certains agriculteurs de certaines régions? J'ai entendu dire que certaines provinces ou encore certains avocats ou comptables demandaient 800 $ pour remplir une de ces demandes.

Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Friesen. Je crois que la FCA fait partie du Comité consultatif du filet de sécurité. Vous étiez donc là lorsque le programme a été mis en place et vous avez pu en discuter. Je vais vous poser la question que je pose aux agriculteurs de ma communauté et je veux avoir votre réponse.

Comme président de la FCA, que répondez-vous lorsqu'un groupe d'agriculteurs vous dit qu'il ne veut pas que les marges négatives soient couvertes et qu'un autre vous dit qu'il veut qu'elles le soient? Vous représentez les agriculteurs de tout le Canada. Je veux que vous me disiez, comme président, ce que vous répondez à cela.

Pouvez-vous me dire aussi si les premiers chèques qui ont été envoyés en Ontario provenaient du fédéral, de la province ou des deux? Il semble y avoir désaccord à ce sujet.

J'aurai d'autres questions à vous poser lorsque vous aurez répondu à celles-ci.

M. Robert Friesen: Je vais laisser M. Hedley répondre à la dernière question que vous avez posée.

Pour ce qui est de la couverte des marges négatives, la position de la FCA est très simple, comme dans le cas des chiffres. Nous ne voulons pas gaspiller du temps à nous demander si la couverture des marges négatives minera l'assurance-récolte. Nous nous sommes engagés à veiller à ce qu'aucun des quatre piliers du filet de sécurité ne nuise aux autres. Nous nous sommes engagés à veiller, dans le cadre d'un programme ACRA à long terme qui couvre les marges négatives, à ce qu'il y ait une forme quelconque d'observance intégrale applicable à l'ACRA et à l'assurance-récolte ou à ce que soient prises d'autres mesures pour apaiser les craintes de nos membres. Les agriculteurs de l'Ontario ne sont d'ailleurs pas les seuls à en avoir; ceux d'un grand nombre d'autres provinces en ont aussi.

Mme Rose-Marie Ur: Lorsque vous ou moi faisons une déclaration de ce genre, les agriculteurs se disent que: «C'est bien beau, mais où sont les faits?»

M. Robert Friesen: Ce ne sont pas que des paroles en l'air. Nous avons relevé les manches, non seulement à la FCA, mais aussi au Comité consultatif du filet de sécurité, et nous avons essayé de voir comment nous pourrions trouver une solution. Et, je le répète, les producteurs de l'Ontario ne sont pas les seuls. PAC, au Manitoba, n'acceptera pas de couvrir les marges négatives dans le cadre d'une ACRA à long terme qui risque de miner l'assurance-récolte. Nous avons pris des engagements et nous sommes déterminés à les respecter.

Mme Rose-Marie Ur: Tout ce que je peux vous dire, c'est que cette position de la FCA inquiète un peu les agriculteurs.

M. Robert Friesen: Je leur ai dit exactement ce que je vous ai dit ici aujourd'hui et ils ont été contents de voir que la FCA n'est pas indifférente à la question. En fait, un comité de travail a déjà été mis sur pied en Ontario pour s'occuper précisément de cette question et les gens qui sont préoccupés ont été invités à en faire partie. La couverture des marges négatives par l'ACRA est tout simplement hors de question si elle doit nuire à une autre des composantes du filet de sécurité.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

M. Douglas Hedley: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais répondre aux deux questions soulevées.

Tout d'abord, laissez-moi vous dire que le producteur n'a rien à payer lorsque c'est le gouvernement fédéral qui s'occupe de la prestation du programme ACRA. Nous nous sommes aperçus que nous recevions un grand nombre de demandes qui ne donnent lieu à aucun versement. Les chiffres sont d'à peu près 50 p. 100 en Saskatchewan et au Manitoba. La plus grande partie des requérants ne reçoivent aucun paiement. Dans les provinces où des frais sont exigés—des frais substantiels—comme en Alberta, entre 80 et 90 p. 100 des demandes donnent lieu à un paiement.

Quant aux frais comptables, je ne peux que me fier à ce que j'ai entendu les agriculteurs dire et à ce que j'ai lu dans les journaux. Ils commencent à environ 150 $ ou 175 $ et augmentent en fonction de la complexité de la déclaration de revenus. Certains gros cabinets demandent des honoraires fixes assez élevés. Je pense qu'ils finiront par baisser.

• 1045

Pour ce qui est de la répartition des sommes en Ontario, je peux vous assurer qu'à la fin de l'année, sur chaque dollar qui ira à un agriculteur de l'Ontario, 60c. viendront du gouvernement fédéral et 40c. du gouvernement provincial. C'est ce que le programme prévoit. L'Ontario a décidé d'administrer le programme elle-même et c'est pourquoi au départ les agriculteurs de l'Ontario ont eu droit à un paiement d'avance. Cela ne change rien au fait qu'au bout du compte, sur chaque dollar, 60c. proviendront du fédéral et 40c. de la province.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Proctor... Ah, je suis désolé.

M. Robert Friesen: J'aurais quelques petites choses à ajouter à ce sujet, parce que je pense que vous avez fait ressortir un point très important dont il est question depuis un certain temps déjà. Une des raisons pour lesquelles nous sommes tant déterminés à trouver une solution qui fera en sorte que la couverture des marges négatives ne mine pas l'assurance-récolte ou, disons, des programmes comme ceux du revenu marchand, est que l'industrie du bétail n'a pas de programme d'assurance-récolte et compte sur la couverture des marges négatives. Nous sommes tout simplement déterminés à trouver une solution. Je suis heureux toutefois que vous ayez soulevé la question.

Mme Rose-Marie Ur: Bien. Merci.

M. Dick Proctor: Merci.

Ceux qui ont regardé l'émission de la CBC hier soir à ce sujet ont pu constater, d'après ce que M. Sorensen disait, que seulement 37 p. 100 des agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan ont reçu quoi que ce soit jusqu'à maintenant dans le cadre de l'ACRA, par comparaison à plus de 80 p. 100 en Ontario et au Québec. J'aimerais que messieurs Hedley et Friesen nous expliquent les raisons pour lesquelles si peu de fermiers de l'Est des Prairies reçoivent quoi que ce soit.

Le président: Monsieur Hedley, pouvez-vous répondre à cette question?

M. Douglas Hedley: Tout d'abord, les règles du programme sont relativement claires. Si vous avez une baisse de plus de 30 p. 100 par rapport à votre période de référence de trois ans, vous recevrez un paiement de l'ACRA. Il faut que j'ajuste un peu les chiffres parce que nous déduisons le montant du CSRN. Un agriculteur peut ne recevoir aucun paiement pour l'une des trois raisons suivantes: premièrement, son revenu n'a pas diminué; deuxièmement, la marge de sa période de référence est continuellement basse et nous n'avons donc constaté aucun changement dans la marge de référence; troisièmement, de la façon dont le programme fonctionne actuellement, si la marge de référence était basse et même si le revenu a diminué au point d'accentuer la marge négative, nous ne pouvons pas couvrir la marge négative pour le moment. C'est pourquoi nous ne verserions rien à ces agriculteurs.

Nous nous attendons à avoir payé, si je me souviens bien, 15 000 agriculteurs en Saskatchewan lorsque le programme sera terminé pour 1998. Pour le Manitoba... si vous pouvez me donner un chiffre... cela représente 50 p. 100 de toutes les réclamations que nous nous attendons à régler au Canada. Autrement dit, la moitié des paiements versés iront à la Saskatchewan.

M. Dick Proctor: À combien de réclamations vous attendez-vous au total cette année de la Saskatchewan? Vous allez en régler 15 000. Combien d'agriculteurs...?

M. Douglas Hedley: Nous avons reçu un peu moins de 29 000 demandes.

M. Dick Proctor: Donc, 50 p. 100 des agriculteurs qui vivent en Saskatchewan et qui présenteront une demande ne recevront rien dans le cadre du programme ACRA.

M. Douglas Hedley: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes aperçus, lorsqu'il n'y a pas de frais, que les agriculteurs et leurs comptables envoient des formulaires qui ne donnent droit à aucun paiement. Lorsqu'il y a des frais, les agriculteurs et leurs comptables envoient un formulaire lorsqu'il y a vraiment lieu de faire une réclamation. Plus de 85 p. 100 des réclamations en Alberta donnent droit à un paiement.

M. Dick Proctor: Sachant ce que vous savez et après avoir examiné les statistiques, que pourrait-on faire, selon vous, pour améliorer la situation afin que plus d'agriculteurs de ces provinces aient droit à une aide quelconque?

M. Douglas Hedley: Je crois que M. Friesen a déjà répondu à cette question.

• 1050

Pour revenir à ce que je disais la semaine dernière, nous avons constaté au cours des deux ou trois dernières années que le Comité consultatif du filet de sécurité et les ministres fédéraux-provinciaux se dirigeaient progressivement vers l'atténuation des risques—la façon dont les agriculteurs font face aux risques à court terme dans les fermes.

Pour ce qui est de l'insuffisance du revenu, pour reprendre les propos de M. Friesen, nous n'avons pas actuellement de programme en place. Le problème, c'est que nous n'avons pas l'argent qu'il faut, dans un premier temps, et qu'il faudrait, dans un deuxième temps, élaborer un programme qui soit juste, bien ciblé et à l'abri des droits compensateurs d'autres pays. C'est là la grande difficulté.

Le président: Merci.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): J'aurais une question à poser au sujet des points de référence.

Laissez-moi vous la poser en des termes généraux, monsieur Hedley. Si on vous donnait un chèque en blanc et qu'on vous dise «Nous sommes prêts à faire ce qu'il faut pour que le programme soit plus généreux.», quel serait selon vous le meilleur moyen de s'y prendre sans se voir imposer des droits compensateurs?

M. Douglas Hedley: Le seul moyen d'ajouter de l'argent au programme, si je me reporte à l'article 7 de l'annexe 2 de l'Accord de l'OMC sur l'agriculture et aux accords de l'ALENA, c'est de prendre 70 p. 100 de la marge négative.

Nous sommes autorisés à éponger 70 p. 100 des pertes. Monsieur Friesen, reprenez-moi si je me trompe, mais je pense que c'est le plus gros chèque que quelqu'un pourrait faire tout en respectant l'Accord de l'OMC. Je peux vérifier si vous le voulez.

M. Gar Knutson: Est-ce que les droits compensateurs pourraient vraisemblablement venir d'un pays autre que les États-Unis?

M. Douglas Hedley: Vraisemblablement. Je n'en suis cependant pas certain. De toute évidence, quand on parle de droits compensateurs, c'est en pensant aux États-Unis. C'est le risque unique le plus gros.

M. Gar Knutson: Pourquoi ne pas leur poser la question au préalable? Nous pouvons leur dire que nous avons vraiment un problème, que c'est ce que nous aimerions faire...

M. Larry McCormick: Je pense qu'ils nous laisseraient faire.

M. Gar Knutson: J'avais la parole, Larry.

M. Larry McCormick: Vous aviez la parole, mais il faut demander pour recevoir. La parole est à vous. Je parlais tout haut. Tous les efforts au nom de nos producteurs sont les bienvenus.

M. Gar Knutson: Que se passerait-il si nous leur posions simplement la question? Nous pourrions leur dire que nous avons une situation inhabituelle ici et leur demander de bien réfléchir à ce qu'ils font.

M. Douglas Hedley: Tout d'abord, il n'y a rien dans aucun accord commercial qui dit qu'un pays ne peut pas se plaindre au sujet de ce que fait un autre pays s'il fait la même chose lui-même.

M. Gar Knutson: Je comprends. Je voulais seulement...

M. Douglas Hedley: Pourquoi irions-nous voir les États-Unis? Nous avons un mécanisme en commerce international pour ce que vous proposez précisément. Par exemple, nous avons indiqué à l'OMC à Genève que le programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, sous sa forme actuelle, entrait dans la boîte verte. Ce faisant, nous avons informé tous les pays du globe de notre intention de continuer à le considérer comme un programme «vert». Les États-Unis ont le droit, comme pays membre de l'OMC et de l'ALENA, de l'examiner en tout temps. Nous avons dit au GATT qu'il entrait dans la boîte verte et les États-Unis n'ont proposé aucun changement.

M. Gar Knutson: Je n'aurai pas le temps de terminer.

En ce qui concerne le délai, le moyen le plus simple ne consisterait-il pas à permettre aux gens de présenter une demande d'avance? Ils connaissent vraisemblablement assez bien leur situation pour avoir une idée à l'avance de ce que seront les chiffres. Ils connaissent le prix des récoltes. Ils savent combien leurs intrants ont coûté s'ils sont agriculteurs depuis de nombreuses années.

On pourrait se poser la question suivante: Ne pourraient-ils pas présenter une demande plus tôt en vous fournissant leurs prévisions? Vous pourriez examiner leur prévisions pour voir si elles sont raisonnables compte tenu de leurs antécédents.

Ma deuxième question est la suivante: À votre avis, pourquoi n'y a-t-il seulement que 50 demandes pour 1999? Doit-on en déduire qu'il existe un problème qu'il faut régler si vous n'avez reçu jusqu'à maintenant que 50 demandes?

M. Douglas Hedley: Vous soulevez ici deux ou trois points.

• 1055

Tout d'abord, nous pouvons repousser la date limite. Elle avait été fixée au 20 août cette année. C'est la première année d'existence de notre programme. Les gens commencent à s'y habituer. Nous pouvons retarder un peu les choses. Nous ne pouvons pas leur envoyer un paiement final avant qu'ils aient produit leurs déclarations de revenus. Pour ce qui est de changer la date, étant donné qu'ils savent comment vont leurs affaires, nous avons déjà les formulaires provisoires pour 1999. Nous les avons depuis septembre. Nous n'avons reçu que 50 demandes. Je ne peux pas vous dire pourquoi nous n'en avons pas reçu plus.

M. Gar Knutson: Ne pensez-vous pas que vous devriez le savoir? Ne pensez-vous pas qu'Agriculture Canada devrait savoir pourquoi?

M. Douglas Hedley: Nous faisons de la publicité. Nous avons tenu des groupes de discussion. Nous avons parlé à plus de 6 500 agriculteurs en Saskatchewan et au Manitoba seulement dans des groupes de discussion et de travail. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous dire pourquoi ils ne présentent pas de demande.

M. Gar Knutson: Pensez-vous être en mesure de me dire dans six semaines pourquoi ils ne le font pas? Si vous étiez Ford et que personne n'achetait vos voitures, vous voudriez sûrement savoir pourquoi elles n'intéressent personne.

M. Douglas Hedley: Nous pouvons certainement faire un sondage ou écrire à tous ceux qui ont déjà reçu un chèque de l'ACRA ou du CSRN et leur demander pourquoi ils ne présentent pas de demande. Oui, nous pouvons obtenir cette information. Nous continuons à faire de la publicité. Nous continuons à organiser des groupes de discussion pour essayer d'encourager les gens à présenter une demande.

Le président: Nous avons juste assez de temps pour à peu près une autre...

M. Gar Knutson: Je pense que M. Friesen voulait avoir la parole, si ça vous va.

Le président: Allez-y rapidement.

M. Robert Friesen: Je dirais, en réponse à la question qu'il a posée, que nous avons proposé que l'OMC ait un mécanisme selon lequel on pourrait déterminer à l'avance qu'un programme sera vert de sorte qu'un pays pourrait, avec une plus grande confiance, l'utiliser par la suite.

Il y a quelques semaines, à une réunion de dirigeants agricoles nord-américains et européens, nous avons demandé si les producteurs un peu partout dans le monde seraient intéressés à rallonger la période de référence de l'annexe 2. Nous ne nous sommes pas heurtés à beaucoup de réticence. Donc, si les agriculteurs le veulent, ils pourraient influencer le processus à l'échelle internationale.

Il y aurait deux moyens de s'y prendre pour que l'ACRA soit plus avantageuse tout en demeurant dans la boîte verte. Premièrement, on pourrait éliminer le lien avec le CSRN. Les producteurs auraient ainsi plus d'argent dans leurs poches. Le gouvernement ne réaliserait aucune économie. Il lui en coûterait plus cher, mais ce serait une solution.

Deuxièmement, si nous assumions 70 p. 100 des pertes, la couverture serait meilleure que si nous couvrions de zéro à 70 p. 100 de la marge de référence et 70 p. 100 de la marge négative. C'est un autre changement que nous pourrions apporter à l'intérieur de l'annexe 2 pour que les producteurs aient plus d'argent dans leurs poches.

Le président: Je pense qu'il nous reste assez de temps pour une seule petite question d'Howard, si vous en avez une.

M. Howard Hilstrom: D'après notre mandat qui découle de la motion de Murray Calder, nous sommes censés examiner comment nous pouvons assurer une plus grande stabilité. Vous avez soulevé le problème de la marge de référence. Personne n'a encore proposé de solution. N'y aurait-il pas moyen de prendre le revenu net de tous les agriculteurs à temps plein au Canada—Revenu Canada a une définition des agriculteurs à temps plein et il y a un endroit où ils peuvent indiquer qu'ils le sont sur la déclaration des revenus—de calculer la moyenne et d'amener jusqu'à cette moyenne, à l'aide des critères du programme, les agriculteurs qui se trouvent au-dessous? Est-ce que cela ne permettrait pas de rattraper ceux qui sont passés entre les mailles du filet?

Réfléchissez à ma suggestion. Vous ne pourrez pas me donner de réponse sur-le-champ, mais il serait peut-être possible de relever la marge de référence pour ceux dont la marge triennale est basse ou négative. Je ne m'attends pas à une réponse pour le moment. J'essaie juste d'être utile.

Le président: Avant que vous ne partiez, monsieur Friesen, en ce qui concerne les projections les plus nouvelles pour juillet à octobre—M. Hedley voudra peut-être répondre à cette question—dénotent-elles une amélioration quelconque dans l'industrie céréalière qui est celle qui souffre le plus, je présume, ou dénotent-elles plutôt certaines améliorations dans d'autres secteurs de l'agriculture? Comprenez-vous bien ma question?

M. Robert Friesen: Voulez-vous parler d'autres denrées?

Le président: Je veux parler du bétail, du porc, peu importe.

M. Robert Friesen: Oui, c'est peut-être en partie la raison pour laquelle les chiffres sont meilleurs.

Le président: C'est une question à se poser, n'est-ce pas? Il est donc possible, si les améliorations se sont produites ailleurs que dans l'industrie céréalière, que les nouvelles projections, même si elles sont un petit peu meilleures, n'atténuent en rien les difficultés que l'industrie céréalière éprouve. Monsieur Hedley, pouvez-vous répondre à cette question?

M. Howard Hilstrom: En fait, le prix du porc a augmenté suffisamment pour que les producteurs atteignent le seuil de rentabilité.

• 1100

M. Douglas Hedley: Dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, une grande partie du bétail se trouve dans des fermes céréalières. Donc, l'augmentation de la valeur du bétail en particulier va aider ceux qui ont non seulement du bétail, mais aussi des céréales, ce qui est le cas de la plupart des producteurs. Donc, cela va aider ce groupe. Ce n'est pas la même chose pour l'augmentation des prix du bétail, par exemple, d'une monoculture ou du canola.

Le président: Notre temps est épuisé. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Je ne serais pas surpris que nous vous invitions de nouveau, sinon vous personnellement, du moins des représentants de vos organisations à venir nous rencontrer au cours des prochaines deux, trois ou quatre semaines. Merci encore.

La séance est levée.