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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mai 1999

• 1609

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je déclare ouverte la séance du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité examine les intérêts prioritaires du Canada dans le cadre du libre-échange au sein des Amériques. Le processus de consultation se poursuit à l'heure actuelle.

En même temps, le comité principal a voyagé dans le pays et tenu des consultations au sujet de l'OMC et de la ZLEA. Nous sommes réunis aujourd'hui pour précisément examiner nos priorités dans le cadre d'une ZLEA; je vous souhaite à tous la bienvenue aujourd'hui.

D'après ma liste, nous allons commencer par M. Peeling, de l'Association minière du Canada.

• 1610

M. Gordon Peeling (président-directeur général, Association minière du Canada): Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs.

Je me propose en fait de relever les points saillants du sommaire exécutif, de limiter mes commentaires—vous avez le document écrit en main—et de laisser le plus de temps possible pour les questions.

Permettez-moi à tout le moins de vous parler brièvement de l'Association minière et de la contribution de l'industrie minière au Canada, puisqu'elle représente près de 3,8 p. 100 du produit intérieur brut; par ailleurs, elle compte pour 25 p. 100 des exportations de produits en termes de contribution nette à la balance des paiements. Quatre-vingt pour cent de toute notre production est exportée, le plus gros à destination des États-Unis, mais aussi à destination de 100 autres pays. Cela montre bien que, pour notre industrie, les questions commerciales sont extrêmement importantes. Un peu plus de 50 p. 100 de tout le trafic ferroviaire est affecté au mouvement des produits au Canada et l'industrie minière représente 60 p. 100 du volume des chargements portuaires; par conséquent, notre impact sur l'infrastructure économique de notre pays est également important.

Passons maintenant à la question de l'Accord de libre-échange des Amériques. Mes observations ne vont pas vraiment être très différentes de celles que nous avons faites il y a deux semaines à Toronto à propos de l'Organisation mondiale du commerce et de l'éventualité des négociations du millénaire.

En tant qu'industrie, nous appuyons le processus des 34 pays des Amériques visant à créer un accord de libre-échange d'ici l'an 2005. Selon nous, c'est un pas important vers la libéralisation mondiale du commerce.

L'Association minière estime que les négociations portant sur l'accord de libre-échange visent l'élimination progressive des droits tarifaires—comme cela l'a été prévu en vertu de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et de l'Accord de libre-échange nord-américain—ainsi que la mise en place d'un processus accéléré de réduction des droits tarifaires qui ferait en sorte que les signataires de l'accord sur une ZLEA en arriveraient à des droits zéro-zéro sur une période déterminée et raisonnable, tout comme les deux accords cités permettaient une certaine souplesse—sur une période de 10 ans—pour arriver à des droits zéro-zéro.

Nous recommandons également que les négociations pour l'Accord de libre-échange des Amériques règlent la question des obstacles techniques au commerce qui peuvent compliquer l'accès au marché. Toutes les mesures relatives aux obstacles techniques au commerce dans l'Accord de libre-échange des Amériques doivent, à notre avis, être conformes à l'OMC et être justifiées par une évaluation scientifique des risques et l'étude d'options pour la gestion des risques.

L'Association minière du Canada encourage également le principe de l'utilisation sûre lorsque des normes ou des règlements techniques internationaux n'existent pas ou sont insuffisants, dans la mesure où les normes ou règlements intérieurs permettent l'évaluation du risque et dans la mesure où ce risque est fondé sur des données scientifiques et techniques sûres, recueillies dans un délai raisonnable. Ces observations qui reflètent plus ou moins la teneur de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires sur les obstacles techniques au commerce tiennent compte du fait que le principe de l'utilisation sûre doit servir de mesure provisoire en attendant que les données scientifiques recueillies permettent de prendre une décision définitive sur les restrictions, l'étiquetage ou autres types de processus.

Pour améliorer encore davantage l'accès au marché, l'Association minière du Canada encourage le gouvernement à promouvoir le principe de l'utilisation sûre énoncé dans le document du Cabinet de 1996, Politique canadienne des minéraux et des métaux. Nous pensons que le gouvernement devrait améliorer la coopération en matière de réglementation grâce à la reconnaissance mutuelle des normes existantes, et qu'il devrait promouvoir l'équivalence et la mise au point de pratiques excellentes. Nous pensons que le gouvernement devrait appuyer la recherche volontaire de normes lorsqu'elles sont compatibles avec les mesures relatives aux obstacles techniques au commerce de l'Organisation mondiale du commerce et enfin, nous croyons que le gouvernement devrait aborder la question de l'homologation et de l'accréditation.

• 1615

L'AMC croit que la ZLEA doit comprendre un accord sur l'investissement qui serve de cadre général au traitement national de l'investissement direct étranger; elle pense également que le fait de promouvoir l'investissement peut conduire à de meilleures pratiques de gestion, à l'introduction de la nouvelle technologie et à une meilleure performance en matière d'environnement, de santé et de sécurité.

L'Association minière recommande que la promotion des normes relatives à l'environnement et au travail soit considérée comme une question distincte de l'accord de la ZLEA sur les investissements ou le commerce et devrait être traitée parallèlement, comme accord connexe.

Nous pensons également que de telles discussions devraient tenir compte d'organismes pertinents comme l'Organisation internationale du travail pour les normes du travail, l'Organisation mondiale de la santé pour les questions de santé et le programme des Nations Unies pour l'environnement ainsi que la Commission du développement durable des Nations Unies pour les normes environnementales qui s'imposent dans un contexte plus global.

Nous recommandons que le Canada tente de préciser les règles existantes, et je pense ici à l'interface entre le commerce et l'environnement. Pour y parvenir, il faudrait élaborer et appliquer de façon transparente des normes environnementales et des mesures fondées sur des données scientifiques valables et refuser la discrimination injustifiée ou l'extraterritorialité unilatérale touchant les procédés de production.

Enfin, nous recommandons que le Canada appuie un processus clair et commode de règlement des différends au sein de la ZLEA pour permettre aux pays membres de se plier aux décisions de l'organisme de règlement des différends et d'éviter les mesures unilatérales contre des partenaires commerciaux ainsi que les mesures faisant intervenir l'application extra-territoriale ou discriminatoire des lois nationales. Cela suit les grandes lignes de l'OMC.

J'aimerais souligner de nouveau que selon nous, de tels accords régionaux sont d'importants points de départ. En fait, ils peuvent être les précurseurs des négociations du millénaire beaucoup plus vastes au sein de l'Organisation mondiale du commerce. À de nombreux égards, ces accords peuvent permettre d'atteindre les objectifs ultimes à l'échelle de la planète. En fin de compte, nous sommes tout à fait pour une seule série de règles et une approche disciplinée à l'expansion du commerce.

C'est ainsi que se termine mon exposé. Merci.

Le président suppléant (M. Murray Calder (Dufferin—Peel— Wellington—Grey, Lib.)): Merci beaucoup, Gordon.

Monsieur Neuheimer.

M. Joel Neuheimer (gestionnaire, Accès au marché, Association canadienne des pâtes et papiers): Merci beaucoup.

Comme le disait Gordon, nous envisageons également ce processus comme un sous-ensemble du plus vaste processus de l'OMC et nous attendons bien sûr des résultats de l'OMC, avant même que ne commencent les nouvelles négociations ministérielles prévues à Seattle cette année. Comme il l'a fait remarquer toutefois, si l'on n'obtient les résultats OMC auxquels on s'attend, ce processus est d'une certaine manière une sorte de repli, si vous voulez, puisque nous essayons d'atteindre les mêmes objectifs—à une échelle régionale plutôt que dans un contexte multilatéral—et c'est de toute évidence très important pour nous.

Le présent mémoire est déposé au nom des membres de l'Association canadienne des pâtes et papiers—ACPP—, groupement national qui représente la majorité des producteurs de pâtes et papiers du Canada. Partisane de longue date du libre-échange des produits forestiers à l'échelle mondiale, l'ACPP se réjouit de pouvoir exposer son point de vue sur cette initiative novatrice visant à unir les économies de l'hémisphère occidental en un seul bloc commercial.

Comme vous le savez, la zone envisagée, qui comprend 34 pays et profiterait des avantages de l'Accord de libre-échange nord-américain et de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, formerait la plus grande zone de libre-échange dans le monde.

Depuis 1990, les expéditions canadiennes de pâtes et papiers vers l'Amérique latine ont plus que doublé, passant de 600 000 tonnes à un peu plus de 1,2 million de tonnes en 1998. Cette croissance s'est produite malgré le fait que les droits de douane demeurent très élevés en Amérique latine. Dans certains pays, ils sont supérieurs à 10 p. 100 et ils entraînent parfois une augmentation du coût des expéditions canadiennes pouvant atteindre 50 $ la tonne. La plupart d'entre eux sont appliqués aux catégories de papier à valeur ajoutée, ce qui donne lieu à une progressivité tarifaire et empêche les producteurs canadiens de tirer un rendement économique optimal de leurs ressources papier.

• 1620

L'industrie canadienne des pâtes et papiers est favorable à la conclusion d'un accord de libre-échange unique et complet qui élargirait l'accès au marché et établirait des règles commerciales plus claires à l'échelle de l'Amérique latine et des Caraïbes.

Élément vital de l'économie du Canada, l'industrie canadienne des pâtes et papiers dépend largement des échanges commerciaux, 80 p. 100 de sa production annuelle étant exportée à l'échelle mondiale. D'ailleurs, elle est le premier exportateur mondial de pâtes et papiers. J'aimerais faire une correction ici. Le mémoire écrit devrait indiquer «et vend ces produits dans plus de 100 pays» au lieu de «et vend ses produits dans plus de 80 pays».

Sans un accès accru aux marchés étrangers, notamment dans les pays en développement de l'Amérique latine et de l'Asie, la capacité de l'industrie forestière canadienne de procurer 1 million d'emplois directs et indirects, de soutenir plus de 300 collectivités rurales et de demeurer le plus important exportateur net du pays peut être compromise.

Bien que l'accord zéro-zéro sur les produits du papier conclu lors de la dernière série de négociations commerciales multilatérales, connue sous le nom de l'Uruguay Round, constitue une belle réalisation, les exportateurs canadiens demeurent confrontés à des barrières tarifaires sur les marchés de l'UE et notamment sur ceux qui présentent le plus fort potentiel de croissance—l'Amérique latine et l'Asie. C'est pourquoi l'industrie canadienne recommande de devancer au 1er janvier 2000 l'application de l'accord zéro-zéro et d'élargir la participation pour y inclure autant de partenaires commerciaux clés que possible. La conclusion d'une entente relative à la zone de libre-échange des Amériques pourrait renforcer et étoffer cette initiative multilatérale élargie.

En plus de pouvoir traiter de la question des droits de douane dans le cadre des négociations, le Canada dispose aussi d'une excellente occasion de se prémunir contre la possibilité que des barrières non tarifaires viennent menacer notre accès futur aux marchés de la région. Les barrières non tarifaires sont des exigences ou des règlements techniques pouvant occasionner un traitement discriminatoire des produits étrangers importés par rapport aux produits fabriqués dans le pays.

S'appuyant sur les règles de discipline déjà contenues dans les ententes de l'Organisation mondiale du commerce, le Canada devrait profiter de l'occasion et solliciter l'adoption de règles supplémentaires à l'égard par exemple de l'élaboration et de l'utilisation des normes pour faire en sorte que ces éléments ne puissent servir à des fins protectionnistes.

La libéralisation du commerce profiterait directement aux utilisateurs de papier tels que les éditeurs de journaux et de revues, les imprimeurs commerciaux et l'industrie de l'emballage en Amérique latine. Les producteurs canadiens se sont dotés d'une capacité rendue inefficace par des droits de douane élevés et l'absence d'une concurrence véritable au chapitre des importations. La conjugaison de ces facteurs limite le choix et accroît le coût du papier, ce qui nuit à la compétitivité des industries utilisatrices et rend les produits du papier inabordables pour le consommateur.

De plus, les politiques visant à protéger de la concurrence les fabricants de produits forestiers ont des incidences importantes sur l'affectation des ressources et l'efficacité sur les plans environnemental et économique. Elles encouragent la fabrication des produits du papier d'après des critères autres que des critères strictement économiques. La distorsion des décisions d'investissement qui en découle entraîne une mauvaise affectation des ressources; il s'ensuit une performance économique non optimale et des niveaux de revenu et de bien-être inférieurs à ceux qui permettraient d'atteindre des politiques exemptes de distorsion.

En conclusion, l'élimination des droits de douane sur le papier rationaliserait le flux existant des échanges commerciaux et serait bénéfique pour les producteurs et les consommateurs à l'échelle des Amériques. Le libre-échange favorise l'utilisation rationnelle des ressources en créant des conditions propices à la croissance économique à long terme. La libéralisation contribuerait à ouvrir de nouveaux marchés nationaux à tous les producteurs de l'hémisphère et stimulerait ainsi le commerce intrarégional.

La possibilité de créer à l'échelle de l'hémisphère une zone commerciale englobant les économies développées et en développement, que l'on évalue à 10 billions de dollars américains, est attrayante. La réussite de la ZLEA serait bénéfique sur les plans économique, environnemental et social à toutes les parties à l'accord. Parce que l'objectif est prometteur, l'ACPP estime que le gouvernement du Canada doit s'employer intensément à l'atteindre et elle souhaite collaborer avec lui à ce projet, ainsi qu'à d'autres initiatives de libéralisation du commerce.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Neuheimer.

Nous allons maintenant entendre Michelle Swenarchuk, directrice des programmes internationaux, Association canadienne du droit de l'environnement.

Bienvenue.

Mme Michelle Swenarchuk (directrice des programmes internationaux, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci beaucoup, madame la présidente.

• 1625

Je vous ai remis un mémoire qui porte essentiellement sur l'investissement. Étant donné qu'il est possible que l'OMC s'occupe de l'investissement, j'ai également présenté ce mémoire aux membres du comité de l'OMC il y a quelques semaines. Nous savons tous que la ZLEA n'est qu'une éventualité; comme l'indique le gouvernement du Canada dans ses documents d'information pour votre comité, l'investissement fait l'objet de négociations dans le contexte de la ZLEA. En fait, il y a trois semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer à Miami près de 20 des négociateurs en matière d'investissement des divers pays de la ZLEA, y compris M. Leblanc, le négociateur canadien, qui est avec nous cet après-midi.

Avant de parler de l'investissement, j'aimerais dire que notre point de vue au sujet du commerce dans le contexte de l'OMC et de la ZLEA pourrait, je pense, se résumer en un seul mot: «convergence». En fait, ces accords, signés par les mêmes pays, vont bien sûr être compatibles. Après avoir lu toute la documentation commerciale, nous pensons que pour certains pays, y compris les États-Unis, la signature de la ZLEA vise à accélérer la mise en oeuvre d'engagements précédemment pris dans le contexte de l'OMC. Il y a convergence des objectifs poursuivis et je crois que nous avons les mêmes préoccupations à l'égard des deux accords, même si leur libellé n'est pas identique.

Pour ce qui est du chapitre sur l'investissement, je crois que le Canada a un rôle particulier à jouer dans les négociations ZLEA. C'est en tant que Canadienne que je suis allée à Miami pour parler aux autres négociateurs—non en tant que représentante du gouvernement canadien, bien sûr—et, en résumé, je pense que l'expérience du Canada—je veux parler des poursuites intentées par des pays investisseurs contre le Canada en vertu du chapitre 11 de l'ALÉNA—devrait servir d'avertissement: nous ne devrions pas négocier avec d'autres pays ni signer d'accords comme le chapitre 11 de l'ALÉNA.

À titre d'annexe, je vous ai également remis une liste que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international m'a donnée; c'est la liste des pays avec lesquels nous avons signé ou avec lesquels nous négocions des accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers. C'est une liste d'une page seulement. Vous remarquerez que certains pays qui sont également d'éventuels signataires à une ZLEA figurent sur cette liste, notamment le Brésil, l'Argentine et la Colombie. En fait, le Canada recherche des d'accords du même genre que le chapitre 11, des accords bilatéraux ainsi que des accords dans le contexte de la ZLEA.

Le mémoire que je vous ai remis, qui est le même que celui que j'ai donné aux négociateurs sur les investissements, explique pourquoi, selon nous, le Canada ne devrait pas chercher à internationaliser davantage le chapitre 11 de l'ALÉNA. La première partie du mémoire résume les poursuites intentées jusqu'à présent par les pays investisseurs contre le Canada, mais aussi, la poursuite intentée par une société canadienne—Loewen—contre les États-Unis; on retrouve également de deux à quatre poursuites intentées contre le Mexique.

Il est bien sûr très difficile d'obtenir des renseignements étant donné que ces processus sont entièrement secrets, mais parmi les poursuites intentées contre le Canada, on peut citer les affaires suivantes: Ethyl Corporation—affaire maintenant bien connue dans notre pays—; S.D. Myers, à propos d'une interdiction temporaire des dépôts transfrontaliers de déchets PCB; l'affaire Sun Belt Water où une société californienne demande des dommages et intérêts pour les effets de l'interdiction de l'exportation d'eau de la province de Colombie-Britannique; et enfin, l'affaire Pope and Talbot, société américaine de bois de construction qui demande des dommages et intérêts suite au tout dernier protocole d'entente relatif au bois d'oeuvre du Canada et des États-Unis, qui bien sûr met en cause les deux gouvernements fédéraux et quatre gouvernements provinciaux du Canada. J'ai également indiqué l'affaire Loewen et deux des affaires mexicaines.

Nous voulons soumettre ces cas à l'attention des législateurs afin de souligner le pouvoir potentiel énorme—et à notre avis, abusif—que peuvent exercer les sociétés étrangères en recourant aux dispositions concernant les différends entre un investisseur et un Etat au chapitre 11, et toute autre entente internationale similaire.

• 1630

En tant qu'environnementalistes, nous sommes extrêmement préoccupés par la levée du moratoire sur l'utilisation du MMT au Canada, dans la foulée de la poursuite de la Société Ethyl. Nous sommes également préoccupés par d'autres cas qui ont tous des incidences sur l'environnement ou la santé. En fait, comme vous le savez sans doute—et je le mentionne plus loin dans le mémoire, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international s'inquiète suffisamment de la portée de cette disposition, la disposition sur l'expropriation du chapitre 11, qu'il tente même encore maintenant de négocier avec les États-Unis et le Mexique un protocole d'entente pour limiter l'interprétation possible de cet article. Je fais d'ailleurs partie du comité consultatif du ministère chargé de ce processus.

Il me semble clair qu'à la suite de cet accord, les autorités législatives canadiennes se retrouvent avec un sérieux problème sur les bras. Par conséquent, nous ne devrions pas continuer à signer des accords bilatéraux qui reprennent cette formulation ni, à mon avis, adhérer à un chapitre sur l'investissement dans la ZLEA.

Dans le reste du mémoire, j'ai cité l'opinion de divers porte-parole des autorités gouvernementales au sujet des risques potentiels que pose cette formulation. Certains de ces commentaires ont été prononcés dans le contexte du défunt accord multilatéral sur l'investissement qui englobait des dispositions similaires.

Ces observations sont tirées des sources suivantes: les membres du Parlement européen dans leur résolution sur l'AMI; le gouvernement de la France et le premier ministre Jospin lorsque les Français se sont retirés de ces négociations; les propos de Jan Huner, secrétaire du président du Groupe de négociation de l'OCDE sur l'AMI, qui s'est prononcé sur l'incidence en Europe de la nouvelle de la poursuite d'Ethyl, à l'époque où il n'y avait qu'une poursuite; les recommandations du Comité législatif spécial du gouvernement de la Colombie-Britannique chargé d'examiner ces questions; et enfin, l'initiative du gouvernement fédéral du Canada en vue de limiter le champ d'application de ces dispositions par le biais d'un protocole d'entente.

La lecture des journaux vous aura appris que nous n'avons pas réussi à convaincre nos collègues américains et mexicains de réduire la portée de cette disposition, ce qui à mon avis, est un autre indice que nous ne devrions pas adhérer à une formulation analogue dans des accords avec d'autres pays. En fait, il faut s'attendre à devoir respecter cette formulation même si nous constatons—comme c'est le cas à l'heure actuelle avec les États-Unis et le Mexique, qu'elle pose un problème.

S'il nous reste un peu de temps pour parler de la convergence, j'aimerais soulever deux autres questions. Premièrement, je n'ai pas le temps d'approfondir le sujet mais je ne partage pas la perspective de mes collègues témoins quant à l'incidence de ces chapitres dans l'OMC et l'ALENA pour ce qui est d'établir des normes nationales. Je songe précisément aux chapitres sur les obstacles techniques au commerce et les normes sanitaires et phytosanitaires. J'ai écrit longuement au sujet de ces chapitres dans le mémoire que j'ai remis au Comité de l'OMC.

Ces commentaires sont en grande partie pertinents dans le contexte de l'ALENA et d'une ZLEA. Comme la plupart des environnementalistes au Canada, j'estime que ces dispositions d'accords internationaux constituent une entrave importante à l'élaboration de normes sur le plan national, environnemental et de la santé, et nous ne souhaitons pas que leur application en soit plus vaste.

Il y a un autre domaine qui n'a peut-être pas été évoqué au comité, celui de la propriété intellectuelle et de la biotechnologie. Encore une fois, les documents de fond du ministère destinés au comité montrent que le Canada tentera d'obtenir l'intégration d'un chapitre sur la propriété intellectuelle dans la ZLEA. Comme on a pu le voir à l'OMC, il existe de nombreux problèmes liés à l'internationalisation du régime de la propriété intellectuelle. Je me bornerai à parler d'un seul dossier où, à mon avis, le Canada peut jouer un rôle unique. Il s'agit de l'article 1709 de l'ALENA qui porte sur la brevetabilité des formes de vie.

• 1635

Comme je l'ai dit, il s'agit d'un dossier énorme et compliqué mais pour faire une longue histoire courte, au Canada, contrairement aux États-Unis, les brevets sont accordés pour des formes de vie à cellule unique et non pour des formes de vie supérieure. À l'heure actuelle, un précédent fait son chemin devant les tribunaux canadiens. Il s'agit de la demande de brevet de l'université Harvard pour sa souris génétiquement modifiée, «l'oncosouris» de Harvard, comme on l'appelle. Elle est transgéniquement prédisposée à développer le cancer aux fins de la recherche.

Le fait que le Canada n'ait pas encore emboîté le pas aux Américains et accordé un droit de propriété exclusif à des formes de vie supérieure est un précédent international d'une grande importance car un peu partout dans le monde une vive controverse fait rage au sujet de la propriété monopolistique accordée à diverses formes de vie, la biodiversité, par le biais de brevets. De nombreuses controverses sont associées au dossier. Notamment, d'aucuns se demandent si le fait de breveter certains formes de vie ne contrevient pas aux obligations des pays signataires de la Convention des États-Unis sur la diversité biologique, dont le Canada fait partie.

Sans entrer dans la grande complexité de cette question, je veux simplement porter à votre attention le fait que la brevetabilité des formes de vie au Canada n'ait pas fait l'objet d'un vaste débat public. Au ministère de l'Industrie, on reconnaît qu'un tel débat est souhaité. En fait, Industrie Canada, qui doit également élaborer une position à l'égard de l'examen de la propriété intellectuelle à l'OMC, envisage une discussion publique sur les questions d'environnement et d'éthique associées à l'octroi de brevets pour les formes de vie.

Étant donné que ce débat n'a pas encore eu lieu au Canada, je recommande au comité...

La présidente: Excusez-moi, je pense que nous avons un problème d'interprétation, possiblement un problème d'enregistrement. Pouvons-nous suspendre la séance quelques minutes pour régler nos problèmes techniques?

Mme Michelle Swenarchuk: Bien sûr.

• 1637




• 1642

Une voix: Michelle, vous en étiez au débat sur les brevets relatifs aux formes de vie. Avez-vous envisagé... [Note de la rédaction: Inaudible]?

Mme Michelle Swenarchuk: La question du brevet est plus étroite que la grande question de...

La présidente: D'accord. Aux fins du compte rendu, nous discutons du brevetage de formes de vie supérieure. Pour sauver du temps, pourriez-vous nous soumettre vos observations par écrit? Je crois savoir qu'il existe un document qui porte sur cette question à l'OMC, mais vous vouliez également parler de la question de l'eau.

Mme Michelle Swenarchuk: D'accord.

J'ignore si d'autres témoins ont abordé devant le comité la question du commerce de l'eau, mais à l'heure actuelle, c'est l'une des plus importantes questions de politique commerciale dont est saisi le gouvernement du Canada. La question du commerce de l'eau a évidemment été très litigieuse dans le débat sur l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et le débat sur l'ALENA. À l'heure actuelle, tous les intervenants concèdent que même si l'eau libre qui coule dans une rivière n'est pas assujettie à une règle commerciale, si elle est vendue à l'étranger, elle le devient.

Il y a plusieurs mois, M. Axworthy a déclaré que le Canada légiférerait afin d'imposer un moratoire sur les exportations d'eau ou à tout le moins les exportations d'eau en vrac. Cette mesure ne s'est pas matérialisée. Il y a eu un renvoi à la Commission mixte internationale au sujet des Grands Lacs. Il va de soi que tous les aspects de cette question sont importants sur le plan de l'environnement: l'utilisation de l'eau, l'épuisement de l'eau et l'exportation de l'eau. Cela est particulièrement le cas maintenant, avec les changements climatiques que nous connaissons, à un moment où les Grands Lacs sont à leur plus bas niveau depuis des décennies et où les incendies de forêts—tout comme l'avaient prévu les modèles de changements climatiques—surviennent plus tôt dans la saison et sont à la fois plus fréquents et plus intenses.

• 1645

Le scénario du changement climatique ajoute à nos préoccupations concernant l'incidence environnementale potentielle des exportations de l'eau. À notre avis, l'adoption d'une loi interdisant l'exportation d'eau libre dans le contexte d'un plan national de conservation et de gestion de l'eau se justifie dans le contexte des règles commerciales, et nous invitons instamment le gouvernement du Canada à imposer un tel moratoire le plus rapidement possible.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Cunningham, analyste principal des politiques, de la Société canadienne du cancer.

[Français]

M. Rob Cunningham (analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer): Madame la présidente et membres du comité, au nom de la Société canadienne du cancer et de tous ses bénévoles, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis analyste principal des politiques et avocat à la Société canadienne de cancer. Mes observations porteront surtout sur la question du tabagisme. Soit dit en passant, je suis l'auteur du livre intitulé en anglais Smoke and Mirrors: The Canadian Tobacco War.

[Français]

La guerre du tabac: l'expérience canadienne.

[Traduction]

Le commerce et le tabac est un aspect du dossier global du tabagisme auquel doivent s'attacher les gouvernements et les représentants élus des Canadiens et Canadiennes. Premièrement, permettez-moi de mentionner d'entrée de jeu nos recommandations et les raisons qui les motivent. Vous trouverez les points saillants résumés dans notre mémoire écrit, qui vous a été distribué.

Première recommandation: pour plus de clarté et de garantie, le Canada devrait veiller à ce que tous les accords commerciaux internationaux comportent des exemptions en matière de santé applicables à toute l'entente. Deuxièmement, les accords commerciaux internationaux devraient comporter en plus une exception générale concernant le tabac. Troisièmement, ces principes devraient s'appliquer non seulement à un accord de libre-échange des Amériques, mais à tous les autres accords commerciaux internationaux comme l'accord de l'OMC.

Nous invitons instamment le comité à inclure ses recommandations dans son rapport et à y adhérer. Nous souhaitons que cela fasse partie non seulement de l'étude spécifique sur la ZLEA, mais du rapport plus général du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant l'OMC.

Pourquoi? Je sais que tous les participants autour de la table sont au fait des conséquences néfastes du tabagisme pour la santé, mais je vais tout de même réitérer certains points. Quarante-cinq mille Canadiens meurent chaque année à cause du tabagisme; c'est plus que les 42 000 Canadiens qui sont morts au cours des six années qu'a duré la Seconde Guerre mondiale. L'épidémie du tabagisme sévit à l'échelle mondiale. L'Organisation mondiale de la santé estime que le tabac tue 3,5 millions de personnes par année et que le nombre annuel de décès dans le monde augmentera à 10 millions d'ici l'an 2030 si les tendances actuelles se maintiennent, en particulier, le taux croissant du tabagisme dans les pays moins développés.

Le tabac est une drogue mortelle et accoutumante qui cause le cancer, un produit qui serait assurément interdit si on voulait l'introduire sur le marché aujourd'hui. Le Canada applique au niveau fédéral depuis 1963 une stratégie de lutte contre le tabagisme et nous constatons maintenant qu'un très grand nombre de pays dans le monde adoptent des mesures législatives et instaurent des programmes antitabagisme. Par l'entremise d'organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé, l'UNICEF et l'UNESCO, bon nombre de pays prônent activement la lutte au tabagisme. Même la Banque mondiale, fervente adepte de la libéralisation du commerce, a intégré des initiatives antitabac dans ses politiques et encourage vivement les gouvernements à réduire l'usage du tabac.

Sur le plan du commerce, compte tenu de l'épidémie du tabagisme et du consensus qui règne entre les nations, il serait tragique qu'un accord commercial renferme ou ne renferme pas par inadvertance certaines dispositions qui entraveraient la mise en oeuvre de mesures de lutte contre le tabagisme susceptibles de susciter l'adhésion des gouvernements partout dans le monde. Voilà pourquoi nous avons présenté nos recommandations.

En soi, l'industrie du tabac est de nature transnationale, multinationale. Les trois grandes sociétés productrices de tabac au Canada sont toutes étrangères et représentent 99 p. 100 du marché. Leurs revenus totaux s'élèvent approximativement à 165 milliards par année, soit plus que le revenu du gouvernement du Canada et plus que le produit intérieur brut de 180 pays dans le monde.

• 1650

Certains problèmes commerciaux ont fait surface, particulièrement en 1994 dans le contexte de l'Accord de libre-échange nord-américain, notamment au sujet de la banalisation des emballages... À l'époque, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a mené des audiences sur le sujet. Au bout du compte, le comité a recommandé que la banalisation des emballages soit mise en oeuvre et je vous ai distribué un échantillon d'un paquet banalisé. Comme vous voyez, il est d'une couleur standard. Cet exemple en particulier comporte des mises en garde très visibles, ce qui contraste énormément, par exemple, avec le paquet coloré, attrayant et séduisant de la société du Maurier que j'ai en main ici.

L'industrie du tabac, par l'intermédiaire des porte-parole des sociétés américaines Philip Morris et R.J. Reynolds, ont soutenu que l'emballage générique enfreindrait l'ALENA que cela affecterait l'utilisation d'une marque de commerce et exproprierait les investissements dans les marques de commerce, une forme de propriété intellectuelle, ce qui obligerait le gouvernement fédéral à payer des centaines de millions de dollars pour les indemniser. Elles ont affirmé sans ambages qu'elles tenteraient d'obtenir cette indemnisation directement en recourant à l'arbitrage.

Bien que des contre-arguments aient été présentés, j'estime que ce n'est pas ainsi que l'on devrait discuter de la politique de la santé vis-à-vis le tabagisme. Il ne devrait y avoir ni débat ni délai; les accords devraient être rédigés de telle façon qu'il est clair que les gouvernements n'ont pas à se sentir intimidés par les menaces de l'industrie du tabac.

L'exemption en matière de santé donnerait aux pouvoirs publics la souplesse nécessaire pour lutter contre l'épidémie. En fait, je ne conçois aucune raison pour laquelle on ne souhaiterait pas avoir une exemption en matière de tabac qui soit convenablement formulée. Si l'on regarde du côté de notre voisin du Sud, les États-Unis, l'Administration du président Clinton est fortement antitabac et a déclaré qu'elle ne s'opposera pas aux mesures antitabagisme appliquées par d'autres pays, à la condition que ces mesures touchent également les compagnies nationales et étrangères. À mon avis, c'est une occasion qu'il faut saisir. Je pense qu'il pourrait se dégager un consensus autour de telles mesures parmi les nations- membres envisageant un accord.

Voilà pour nos recommandations et les motifs qui les sous-tendent. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cunningham.

Nous allons commencer la période des questions avec M. Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.

Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être venus comparaître aujourd'hui. Évidemment, je vous ai déjà entendu dans le circuit du commerce international. J'ai vu le même mémoire, mais à cette occasion, vous n'aviez pas parlé des formes de vie supérieure. C'est un vaste sujet de réflexion. Je ne connais pas grand-chose à ce sujet. J'aimerais lire davantage et m'informer au sujet de ses répercussions.

En ce qui concerne le tabac, vous avez apporté de très bons arguments. C'est une question de santé. Mais c'est toujours ce qui achoppe: les questions liées à la santé et à l'environnement.

Je voudrais maintenant m'adresser à M. Peeling, porte-parole de l'industrie minière: d'excellents rapports... D'après certains rapports, l'industrie minière ne semble pas avoir une tellement bonne réputation pour ce qui est de la protection de l'environnement, particulièrement dans les pays du tiers monde. C'est ce que nous ont rapporté de nombreux témoins qui ont comparu ici. Dans votre mémoire, vous avez demandé que l'on mette de côté les normes environnementales, quelles ne fassent pas partie de l'accord commercial, ce qui soulève une multitude d'autres questions.

Permettez-moi de vous demander ceci. Si votre association a une norme environnementale plus stricte à l'égard des pratiques minières au Canada et que vous opérez dans des pays du tiers monde, notamment dans certains pays où les normes sont moins strictes, quel code de conduite appliquez-vous? Vos activités seraient-elles assujetties aux règles canadiennes ou aux règles locales. Diriez-vous que les règles locales sont suffisantes?

Voilà donc mes préoccupations en ce qui concerne l'environnement et la santé. C'est le message que nous entendons.

M. Gordon Peeling: Permettez-moi tout d'abord de dire que l'Association minière du Canada est la première association minière nationale au monde qui a une politique environnementale. On y affirme, à la première ligne, que nos membres adhèrent au principe du développement durable. En deuxième lieu, notre politique et nos normes s'appliquent peu importe le lieu de nos activités ou le pays où nous travaillons.

• 1655

Nous affirmons également dans cette politique que nous devons respecter la législation et la réglementation locale quelle que soit la région du Canada où nous travaillons. En effet, cela varie d'une province à l'autre dans certains cas si l'on considère l'ensemble du volet santé, sécurité et environnement. Nous examinons ce volet globalement.

Nous devons tenir compte du fait que notre secteur a connu une expansion internationale. Des investissements considérables, de l'ordre de plusieurs milliards de dollars, ont été faits dans de nouvelles opérations minières au Chili. Notre industrie apporte avec elle la technologie de pointe, les normes les plus rigoureuses et les meilleures pratiques où qu'elle aille, ce qui respecte et parfois surpasse les exigences de réglementation des régimes en cause.

Permettez-moi de vous donner un exemple de ce que nous avons fait collectivement en réponse à plusieurs événements dont vous avez certainement entendu parler, soit la décharge de résidus d'Omai en Guyane, qui s'est produit il y a environ deux ans, à la fin de 1995, et l'affaire Marcopper aux Philippines. C'est à cette époque, en mars 1996, après le déversement d'Omai, que le conseil d'administration de l'Association minière a décidé qu'il fallait examiner les normes d'ingénierie en vigueur dans ce pays ainsi que les principes et les lignes directrices d'opération de nos établissements de décharge pour vérifier si nous avions un problème technique ou de gestion et voir quelle serait la meilleure façon de le régler.

À cette fin, le conseil d'administration a créé un groupe d'étude qui a travaillé en collaboration avec l'Association canadienne de la sécurité des barrages sur ses normes en matière d'ingénierie. Ensemble, ils ont examiné ces normes dans le contexte des digues à stériles. Ils se sont inspirés des normes de la Commission internationale des grands barrages.

Au bout du compte, nous avons rédigé un guide qui met l'accent sur la cohérence de la gestion de ces installations dans le contexte de l'environnement, guide qui serait applicable partout où des entreprises minières sont actives, peu importe le pays ou l'écosystème, que ce soit dans les conditions désertiques du Chili, ou les conditions humides et tempérées du Canada ou encore les conditions de l'Arctique. Nous avons préparé ce guide, qui a été publié l'an dernier, et diffusé en anglais, en français et en espagnol dans le cadre de notre politique environnementale. Ce guide a été diffusé à l'échelle mondiale. Il n'est pas uniquement destiné à nos propres membres pour faire en sorte qu'ils adhèrent au principe du respect de l'environnement.

Nous avons pris des dispositions pour qu'il soit inclus dans le programme environnemental des Nations Unies, sur leur site Web. Nous l'avons communiqué à la Banque mondiale et à l'ensemble des intervenants du secteur par l'entremise d'autres associations nationales de l'industrie internationale. Nous en avons distribué des exemplaires. C'est un exemple qui montre que nous apportons avec nous dans le monde les meilleures pratiques canadiennes.

M. Deepak Obhrai: Puis-je vous interrompre? Merci.

Votre association, vos entreprises et d'autres encore qui pratiquent le commerce international seraient-elles favorables à l'intégration d'un code de conduite dans l'accord? Vous avez dit souhaiter un accord distinct, mais j'envisage un code de conduite qui aborderait diverses questions comme la transparence relativement à l'environnement... Votre association serait-elle favorable à quelque chose du genre dans la ZLEA ou à l'OMC?

M. Gordon Peeling: Nous avons constaté, dans la foulée de l'Accord du Chili, par exemple, qu'il est très avantageux d'avoir un instrument qui porte exclusivement sur l'environnement, la santé et la sécurité. Après avoir collaboré avec les fonctionnaires du ministère du Travail du Canada, nous pensons qu'il y a des moyens d'y arriver.

Notre principe ultime, c'est que quelle que soit la démarche que nous adoptons à l'égard de ces questions, elle devrait être conforme aux obligations de l'Accord général sur les barrières douanières et le commerce de l'Organisation mondiale du commerce. Cela ne devrait pas être une entrave à ce que nous faisons. En effet, il arrive souvent que par le biais d'accords parallèles ou distincts, peu importe comment vous voulez les appeler, on puisse faire référence à des renseignements de l'Organisation internationale du travail qui, en 1995, a adopté une convention sur la santé et la sécurité dans les mines de petite taille. Ce n'est pas un domaine où le Canada a énormément d'expertise, mais il se peut qu'il y ait dans cette convention en particulier des parties pertinentes dont on pourrait s'inspirer pour régler certains problèmes concernant des mines en Amérique du Sud ou en Amérique centrale.

Donc, à certains égards, il faut faire preuve de beaucoup de souplesse parce que la solution la meilleure ne surgira peut-être pas de discussions bilatérales. Il faudrait en fait consulter les experts d'autres organisations internationales, ce qui peut s'avérer très utile.

• 1700

Par exemple, la Banque mondiale a des lignes directrices environnementales dans le domaine minier que bien des pays en développement ont adoptées. Beaucoup d'institutions financières et bancaires vont exiger des compagnies minières qui veulent obtenir un prêt pour réaliser des travaux qu'elles répondent aux normes environnementales de la Banque mondiale.

Il y a donc d'autres points de référence dont nous devrions tenir compte dans les discussions sur l'environnement dans ce secteur. Il ne faut pas oublier non plus leur effet sur la santé et la sécurité des travailleurs.

M. Deepak Obhrai: Ai-je encore du temps, madame la présidente?

La présidente: Oui, mais soyez très bref.

M. Deepak Obhrai: Le problème, c'est que des mécanismes de règlement des différends sont prévus dans les accords commerciaux et qu'un accord parallèle peut contredire l'accord général. Je pense que c'est de là que vient le problème.

Mme Michelle Swenarchuk: Puis-je intervenir ici, madame la présidente?

La présidente: Oui, je vous en prie.

Mme Michelle Swenarchuk: Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème fondamental. D'abord, je pense que l'Association minière du Canada et ses compagnies membres, qui ont beaucoup d'expérience, voient l'utilité, dans leurs activités internationales, d'un certain degré de protection environnementale.

Cependant, pour nous Canadiens, il n'y a rien de rassurant de savoir que les meilleures pratiques canadiennes vont être appliquées à l'étranger. Premièrement, les écologistes du pays ne croient pas du tout que la protection environnementale dans le secteur minier soit suffisante au Canada.

Deuxièmement, pour ce qui est de la concordance entre les accords commerciaux et les accords parallèles, il faut se rappeler que les accords parallèles à l'ALENA et, je crois, à l'accord avec le Chili, sont vraiment limités en matière d'environnement. Ils n'ont aucune incidence sur ce que les accords prévoient: l'augmentation des échanges, les règles commerciales ou les effets environnementaux qui sont associés à ces échanges.

L'accord parallèle est une stratégie politique qui a été conçue par M. Clinton durant sa campagne à la présidence, en réaction à l'opposition que l'ALENA soulevait aux États-Unis sur le plan politique. Cela permettait de discuter séparément de certaines questions environnementales mais, pour nous, il reste que des répercussions et des considérations environnementales existent dans les accords et que l'accord parallèle n'a aucune incidence là-dessus.

Nous avons souvent dit que les accords commerciaux réduisent la capacité de notre gouvernement de gérer nos ressources comme elles devraient l'être et de fixer les normes dont nous avons besoin en matière d'environnement et de santé. Les accords parallèles sont complètement différents et ont une incidence vraiment très limitée, voire nulle, sur les politiques nationales. Selon nous, c'est bien différent des répercussions environnementales réelles associées au commerce international.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame et messieurs, bonjour.

Madame Swenarchuk, je vous ai vu réagir aux propos de M. Peeling et je voulais utiliser une partie du temps qui m'est alloué pour vous permettre d'exprimer votre point de vue, mais vous avez déjà eu l'occasion de le faire. J'ai senti que vous étiez sans doute un peu en désaccord sur ces propos.

Si vous me le permettez, je vais revenir à M. Peeling qui, lors de son intervention du début, a semblé souhaiter, comme l'ont souvent exprimé les gens qui exploitent des entreprises semblables à la sienne, que les questions relatives aux normes environnementales, sociales et de la santé qui font l'objet d'accords parallèles soient traitées à l'Organisation internationale du travail, à l'Organisation mondiale de la santé ou au PNUD.

Seriez-vous d'accord pour qu'on crée un genre de comité conjoint où des décisions pourraient être prises? On a souvent entendu dire que si l'OMC fonctionnait bien, c'était parce qu'elle s'était dotée d'un processus de règlement des différends et avait prévu des pénalités. Pensez-vous qu'au niveau environnemental ou au niveau des normes sociales, on pourrait créer des comités conjoints de l'OMC et de l'OIT, par exemple, en se servant du processus décisionnel de l'OMC pour régler des conflits qu'on pourrait retrouver à l'OIT? C'est ma première question.

• 1705

Sinon, de quelle façon pourrions-nous rendre aussi efficientes et efficaces les règles de procédure des organisations autres que l'OMC? De tels propos ont entre autres été tenus par l'ambassadeur Weekes ce matin, si j'ai bien compris.

Monsieur Neuheimer, je tiens à vous remercier publiquement d'avoir aujourd'hui déposé votre mémoire en français, puisque l'autre jour, j'avais soulevé le fait que vous ne l'aviez pas fait. Comme vous pouvez le constater, je puis parfois être juste.

Monsieur Neuheimer, je voudrais revenir à votre dernier paragraphe, où on peut lire une affirmation très intéressante:

    La réussite de la ZLEA serait bénéfique sur les plans économique, environnemental et social à toutes les parties à l'accord.

Si la ZLEA est bonne pour tout le monde, pouvez-vous m'expliquer pourquoi certaines gens s'y opposent?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Peeling, voulez-vous commencer?

M. Gordon Peeling: Très bien.

Merci de votre question. D'abord, permettez-moi de commencer par la question des mécanismes de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce.

En fait, j'aimerais faire un commentaire auparavant. Ce que vous n'avez pas dit au sujet des questions environnementales ou des questions de santé et de sécurité liées aux accords commerciaux, et sur quoi nous serions d'accord, c'est qu'elles doivent être compatibles. Ce qui est prévu à leur sujet dans l'accord commercial doit être compatible avec les dispositions de l'OMC, et surtout avec l'article 20, qui offre assez de latitude aux gouvernements pour protéger la santé, la sécurité, les ressources naturelles, l'environnement, les organismes, etc. dans la mesure où il n'y a pas de traitement discriminatoire. C'est ce qui est essentiel pour nous, l'aspect non discriminatoire.

Je pense que la question des mécanismes de règlement des différends est très importante et que l'OMC a renforcé sa position à ce sujet; il y a eu beaucoup de différends qui se sont présentés. Cela montre que des progrès ont été accomplis par rapport à la dernière ronde de négociations et qu'il y avait des lacunes auparavant.

Si un accord sur l'environnement ou un autre sujet est de portée internationale, je recommanderais qu'il ait son propre mécanisme de règlement des différends.

Le problème qui existe au sujet de trois accords multilatéraux en matière d'environnement c'est qu'ils comportent des dispositions commerciales qui ne sont pas compatibles avec les dispositions du GATT, mais n'ont pas été évaluées... Les pays signataires de ces accords ne disposent pas d'un mécanisme de règlement des différends. Je pense à l'Accord de Bâle, par exemple, qui n'a pas ce mécanisme. C'est malheureux, parce que, si les pays sont en désaccord et doivent porter leur cause devant l'Organisation mondiale du commerce, ils ne seront pas nécessairement entendus par des experts en matière d'environnement, mais par des experts commerciaux.

C'est pourquoi une bonne interaction est nécessaire, mais je préconiserais que les accords dans le domaine de l'environnement—ou ayant trait à d'autres domaines comme le travail—disposent de leurs propres méthodes de règlement des différends pour avoir l'expertise voulue. Si c'est un autre groupe qui est appelé à régler les problèmes et qu'il n'est pas le mieux placé pour le faire, cela va affaiblir l'accord.

C'est la raison pour laquelle nous envisageons des accords parallèles. Nous n'avons pas tout à fait le même avis que nos collègues ici. Nous pensons qu'il y a beaucoup d'avantages qui peuvent découler de ces accords et de toute la promotion de la libéralisation des échanges. Nous pensons que le développement économique, l'expansion du commerce, la création d'emplois, la nouvelle richesse et la capacité des gouvernements d'obtenir de nouvelles rentes... Tout cela consolide les institutions qui peuvent obtenir des meilleurs résultats et mieux respecter les normes en matière d'environnement, de santé, de sécurité et de travail, et nous croyons que cela compense les coûts.

• 1710

Je pense avoir répondu à vos deux questions.

La présidente: Monsieur Neuheimer.

M. Joel Neuheimer: Oui,

[Français]

je vous remercie de votre question, monsieur Sauvageau.

[Traduction]

Vous vous demandez pourquoi si la ZLEA est bonne pour tout le monde des gens s'y opposent et, pour vous répondre, j'aimerais revenir sur une ou deux questions traitées dans notre mémoire.

D'abord, sur le plan commercial, nous croyons que les compagnies et les pays de la ZLEA s'opposeraient à l'accord simplement parce qu'ils ne veulent pas être assujettis aux mêmes règles que les producteurs canadiens; ils veulent maintenir le protectionnisme que procurent les tarifs en place. C'est l'aspect commercial.

Sur le plan environnemental, comme l'indique le chapitre 2 du plan Action 21, qui a été adopté au sommet de la Terre, nous croyons que l'environnement et le commerce peuvent tous les deux favoriser la politique environnementale nationale. La libéralisation des échanges peut effectivement être favorable à l'environnement, grâce à une meilleure attribution des ressources nécessaires. Idéalement, il y aurait aussi plus d'argent à réinvestir dans la protection de l'environnement.

Rapidement, pour ce qui est de l'aspect social, si vous tenez compte du fait que les prix vont baisser si les tarifs douaniers baissent et finissent par disparaître, ce sera plus facile pour les consommateurs d'acheter des produits du papier ainsi que des livres scolaires dans les pays membres de la ZLEA. Je pense ici particulièrement aux pays en développement qui feraient partie de la ZLEA.

J'espère que j'ai répondu à votre question.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'on pourrait prouver cette affirmation en invoquant des accords de libre-échange qui existent depuis dix ans, par exemple? On semble formuler un souhait lorsqu'on dit que si on signe un accord de libre-échange des Amériques, l'environnement et les normes sociales seront meilleures. Pour prouver cette affirmation, pouvez-vous nous dire qu'il existe dans le monde une zone de libre-échange assez durable pour qu'on puisse valider cette affirmation et affirmer que cinq ou dix ans après sa mise en oeuvre, on a constaté des améliorations? Par exemple, est-ce qu'au Mexique ou dans d'autres pays, les conditions sociales et environnementales ont été bonifiées, ou est-ce un souhait qu'on exprime?

[Traduction]

M. Joel Neuheimer: Je pense qu'il faut encore recueillir des données pour prouver clairement cette affirmation mais, sur le plan de la production, l'aspect commercial, les échanges de produits du papier ont doublé entre le Canada et les États-Unis à la suite de l'accord de libre-échange entre nos deux pays. L'élimination des tarifs douaniers entre nos deux pays a favorisé l'augmentation des échanges pour certains produits et...

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Est-ce que la propriété canadienne des compagnies de pâtes et papier est demeurée la même ou si on a doublé la production et diminué la propriété canadienne parce que des compagnies européennes ont acheté des compagnies canadiennes?

[Traduction]

M. Joel Neuheimer: Je pense que les compagnies canadiennes ont augmenté leur production et leurs ventes. Dans nos échanges avec les États-Unis, je pense que nos ventes ont augmenté grâce à l'accord de libre-échange. Je pense aussi que nous avons augmenté nos ventes vers l'Europe grâce à la réduction des tarifs douaniers prévue dans l'accord zéro-zéro conclu lors des négociations de l'Uruguay Round. Je crois que ces ententes ont vraiment permis à l'industrie canadienne d'accroître sa capacité de production et d'augmenter ses ventes.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: D'accord. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Sauvageau.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais aborder la question autrement, sous un angle plus général, et chacun d'entre vous pourra me dire ce qu'il en pense. L'Uruguay Round a permis essentiellement d'établir les règles du fonctionnement de l'économie mondiale. Certaines de ces règles sont valables, mais d'autres le sont moins; la prochaine ronde de négociations va nous permettre de faire des mises au point, mais nous avons essentiellement établi les balises.

• 1715

Tous les témoins que j'ai entendus, au cours des audiences du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire et de ce comité-ci, ont dit que tous les autres accords subsidiaires, de nature continentale, devraient être conclus sous les auspices de l'OMC. Tout le monde semble s'entendre là-dessus.

Évidemment, il faut alors établir des normes internationales que tous les pays—les 134 pays membres de l'OMC et les 30 autres qui veulent en faire partie—vont devoir respecter dans leurs échanges commerciaux; c'est ce que les prochaines négociations vont essayer d'établir ou de mettre au point. La question est de savoir comment.

Je constate actuellement que les normes sont différentes selon les pays. Il y a toutes sortes d'exemples qui font ressortir ces normes. Nos normes en matière de santé sont bien supérieures à celles d'autres pays du monde, tout comme nos normes en matière d'environnement. Comment en arriver à un ensemble de mesures communes en matière de commerce international?

J'ai aussi une autre question à poser par la suite.

La présidente: Monsieur Peeling.

M. Gordon Peeling: Pour nous, ces accords secondaires ou régionaux ne sont pas nécessairement conclus sous les auspices de l'OMC, mais ils doivent être compatibles avec les dispositions de l'OMC. Dans certaines circonstances, ils peuvent être avant-gardistes et même aller plus loin que ce que prévoit l'OMC. Vous avez bien raison de dire qu'avec 140 membres—et le nombre ne cesse d'augmenter—il est difficile d'en arriver à un consensus et d'harmoniser les mesures avec celles des accords commerciaux avec les États-Unis ou les pays membres de l'ALENA. Il y a aussi d'autres questions que nous traitons dans les accords parallèles et qui sont plus difficiles à régler dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Comment arriver à s'entendre? À mon avis, il faut avoir des négociations globales. C'est nécessaire. Mais on ne peut pas penser... Par exemple, l'article 20 permet aux gouvernements de prendre des décisions de portée nationale et leur permet de gérer leurs ressources naturelles, de protéger les ressources rares ou de prendre des décisions visant à protéger la santé, l'environnement, les organismes, etc., dans la mesure où ils agissent de façon non discriminatoire... et dans la mesure où il ne s'agit pas de barrières commerciales déguisées. Mais cela ne veut pas dire qu'il existe un seul ensemble de normes environnementales pour tous les pays.

Je vais vous donner un exemple qui a été éclairant pour moi, quand j'ai représenté le gouvernement du Canada à une rencontre qui regroupait des représentants d'autres pays et de l'Environmental Protection Agency des États-Unis au sujet du plomb dans l'essence. Il a alors été question d'encourager les autres pays à faire comme le Canada et donc à interdire la présence de plomb dans l'essence et à trouver des énergies de remplacement ce qui est, disons, indiqué et fort louable.

On se butte rapidement à un problème quand on veut prendre une décision au nom de l'Organisation mondiale du commerce en vue, par exemple, d'interdire la présence de plomb dans l'essence... Cette décision entraîne des coûts pour certains grands pays de l'Asie du Sud-Est... Comme ils l'ont dit à la réunion, offrir de l'eau potable à la population est un problème de santé pour eux en raison des nombreuses pertes de vie enregistrées chaque année. C'est leur priorité en ce domaine. Pour ce qui est de la qualité de l'air, il y a autant de voitures en Chine qu'en Californie—ou peut-être moins—et la présence de plomb dans l'essence vient bien loin sur la liste de leurs priorités en matière de santé. Comment peuvent-ils commencer par là? Ils n'ont pas les ressources financières nécessaires et ils le feraient au détriment d'autres questions plus importantes, selon eux.

Il faudra toujours une certaine souplesse pour permettre aux pays de tenir compte, sur les plans social et environnemental, de leurs priorités qui ne concordent pas nécessairement avec les nôtres. Tout ce que nous voulons, c'est que l'on respecte les objectifs environnementaux et que l'on trouve des terrains d'entente qui n'entraînent pas de traitement discriminatoire, et je pense que cela peut se faire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

• 1720

M. Joel Neuheimer: Au sujet des accords conclus sous les auspices de l'OMC, pour reprendre vos mots, comme M. Peeling l'a dit—et je pense que c'est essentiel pour nous—si ce n'est pas comparable... Toutes les mesures régionales et les accords bilatéraux doivent respecter les obligations de l'OMC. Comme j'ai dit, cela ne veut pas dire qu'il faut... Nous ne voulons rien de moins que ce qui existe déjà dans le cadre de l'OMC. Si on peut faire plus, il ne faut pas hésiter à le faire. Espérons que le niveau multilatéral en arrivera là.

Comment arriver à nous entendre? Comment en arriver au même point quand on n'en est pas au même stade d'évolution? Ça ne se fera pas du jour au lendemain. Nous pensons qu'il y aura des améliorations constantes dans tous les pays participants et que c'est un processus en évolution. Nous ne pensons pas être satisfaits de ce sur quoi nous pouvons nous entendre aujourd'hui. Nous devons toujours nous améliorer et c'est de cette façon qu'il faut voir les choses.

Votre question est très importante. L'une des principales raisons pour laquelle les membres n'arrivent pas à s'entendre sur le plan de l'environnement et du commerce, c'est parce que les pays ne peuvent pas respecter les mêmes normes. C'est comme dans le domaine des forêts, dans le cas de la convention sur les forêts que notre industrie essaie de conclure sur le plan international. Il faut s'entendre sur ce que toutes les parties sont prêtes à respecter aujourd'hui en prévoyant améliorer l'accord le plus tôt possible. L'essentiel, du moins pour nous, c'est qu'il n'y ait pas de traitement discriminatoire à l'intérieur de l'OMC et dans le cadre de tous ces accords.

Indépendamment des normes que les industries de ces pays peuvent respecter, le principe de base est la non-discrimination, et le principe du traitement de la nation la plus favorisée et celui du traitement national sont deux grandes priorités pour nous. Si un pays veut faire quelque chose que nous ne faisons pas ou que nous faisons autrement, c'est possible. À notre avis, les règles le permettent mais, quand nous expédions un produit dans un autre pays, il ne faut pas que nos produits soient traités différemment des produits de l'industrie de ce pays—et le Canada devrait évidemment assurer le même traitement aux produits étrangers importés chez nous.

La présidente: Madame Swenarchuk.

Mme Michelle Swenarchuk: Bien, c'est une vaste question dans un sens. Dans un sens...

M. Murray Calder: C'est comme ouvrir la boîte de Pandore.

Mme Michelle Swenarchuk: ...c'est très simple. Aucun gouvernement national, y compris le nôtre, va signer un accord commercial régional qui est contraire aux accords commerciaux qu'il a déjà signés avec d'autres pays. Ce qui sera conclu pour la ZLEA devra être compatible avec l'accord de l'OMC, point final. Je ne peux imaginer qu'il en soit autrement.

Je pense qu'il faut surtout retenir qu'aucune série de règles commerciales ne devrait pouvoir empiéter sur les ententes et les mesures dont nous avons besoin pour assurer l'équité dans le monde. Une organisation comme l'OMC, qui a été créée pour régir les relations économiques, n'a pas les moyens d'assurer la distribution équitable de la richesse ni d'établir des normes de santé raisonnables dans divers pays du monde. Elle n'est pas en mesure de s'attaquer aux problèmes environnementaux qui, par définition, sont de nature locale. L'environnement est différent dans chaque partie du monde et doit être géré en fonction de ses caractéristiques particulières. L'OMC, à Genève, n'a aucunement les moyens de définir, pour nous, au Canada—ou pour n'importe quel autre pays—les règles nécessaires à la gestion de notre environnement.

Elle s'en fiche de toute façon. L'OMC, soyons clairs, existe pour gérer les relations économiques, promouvoir le commerce. C'est très explicitement son objectif, et il prime sur tout le reste; mais je pense que nous ne devons pas négliger nos autres obligations en tant que pays et habitants de la planète. Nous sommes très riches par rapport aux autres pays du monde et nous devrions honorer nos autres obligations internationales aussi consciencieusement que nous respectons tout ce qui émane de l'OMC.

• 1725

Au sujet de l'OMC, permettez-moi donner mon point de vue sur certaines des idées qui ont été exprimées ici. Oui, l'article 20 de l'accord du GATT a été intégré aux accords de l'OMC ce qui, comme je l'ai déjà dit, aurait dû prévenir les contradictions entre les politiques environnementales, sanitaires et économiques parce que cet article permet aux pays de prendre des mesures pour protéger l'environnement et la santé publique.

Quoi qu'il en soit, chaque fois que l'OMC a été saisie d'une mesure nationale contestée pour ses répercussions commerciales, la décision rendue a favorisé l'aspect commercial et obligé le retrait de la mesure nationale. C'est ainsi que des mesures américaines ont été touchées, le Clean Air Act, le Marine Mammal Protection Act et le Endangered Species Act. Le Canada, avec le concours des États-Unis, a contraint l'Europe à ne plus interdire les hormones dans le boeuf, même si les Européens ne vont probablement pas obtempérer. Il n'en reste pas moins que nous avons utilisé l'OMC pour agir de cette façon.

Même s'il a fallu dix ans d'interventions de la part des consommateurs de l'Union européenne pour obtenir ces interdictions, nous allons essayer d'obliger la France à accepter l'amiante. Nous avons aussi invoqué les arguments de l'OMC quand, avec cinq autres pays, nous avons essayé de faire échouer le protocole sur le commerce relatif aux organismes génétiquement modifiés, qui était réclamé par 164 autres pays.

Quand les règles commerciales servent à infléchir la politique dans tous les autres domaines, on dénature la politique à mon avis. C'est un problème.

Pour revenir à nos autres obligations internationales, pourquoi insistons-nous tant pour respecter les règles de l'OMC mais pas celles, par exemple, de toutes les conventions de l'ONU que le Canada a signées et ratifiées, ni nos obligations en matière d'aide au développement à l'étranger?

Comme l'a indiqué la directrice exécutive de l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, dans un discours qu'elle a prononcé à Harvard le 16 avril:

    L'aide au développement des 29 pays membres de l'OCDE, qui comprend les États-Unis, a touché un minimum record de 0,22 p. 100 du PNB, ce qui est moins du tiers de l'objectif de 0,7 p. 100. Depuis 1992, la contribution des pays du G7 au fonds général de l'agence de développement international a chuté d'environ 15 milliards de dollars, soit une réduction de près de 30 p. 100 en chiffres absolus.

    Mesdames et messieurs, n'ayons pas peur des mots: c'est un scandale. On ne peut pas laisser les pays industrialisés, qui profitent tellement de la mondialisation, se soustraire à leurs obligations envers les pays en développement, qui existent non seulement pour des raisons humanitaires mais aussi en reconnaissance du fait que c'est seulement en dotant les pays en développement de l'infrastructure voulue que l'économie mondiale sera un jour stable et prospère.

Nous n'allons pas régler tous les problèmes du monde en misant sur une seule institution, l'OMC. Je pense qu'il faut créer des organisations internationales influentes pour assurer la protection de l'environnement, l'aide au développement et l'équité sociale dans le monde. Selon moi, ces problèmes ne se régleront jamais par la voie de mesures commerciales.

M. Murray Calder: Qui les dirige?

Mme Michelle Swenarchuk: Ce sont des organisations internationales qui sont dirigées par les gouvernements des pays membres. Ce qui me préoccupe justement, c'est que les gouvernements des pays membres de toutes ces organisations sont tellement assujettis aux règles commerciales qu'ils se sont engagés à respecter qu'il est de moins en moins possible d'adopter et de mettre en oeuvre des politiques utiles dans tous les autres domaines.

La présidente: Monsieur Cunningham.

M. Rob Cunningham: Monsieur Calder, vous avez demandé comment nous entendre. Pour ce qui est du tabac, je pense qu'il ne faut surtout pas compromettre les mesures de lutte contre le tabagisme que nous appuyons. Nous ne réclamons pas que ces mesures soient les mêmes ailleurs dans le monde. Je pense qu'il faut privilégier l'esprit d'émulation, selon lequel les pays qui prennent les devants servent d'exemple aux autres.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Neuheimer.

M. Joel Neuheimer: Puis-je simplement réagir à ce qu'on vient de dire?

La présidente: Oui, très rapidement.

M. Joel Neuheimer: Nous ne disons pas que l'OMC devrait servir à régler tous les maux de la planète. C'est un organisme multilatéral qui régit les pratiques commerciales dans le monde, c'est tout.

Autant que je sache, certains des problèmes dont ma collègue parle sont liés à la volonté politique. C'est aux gouvernements du monde de revitaliser le Programme des Nations Unies pour le développement et la Commission du développement durable des Nations Unies pour faire avancer les choses. Dans le domaine de l'environnement, c'est aux gouvernements du monde qu'il appartient de promouvoir le plan d'action et, j'imagine, de répondre aux attentes des gens en la matière.

• 1730

L'OMC ne nous empêche pas de protéger l'environnement dans le monde. Elle veille simplement à ce que les mesures commerciales ne soient pas discriminatoires. Elle n'empêche pas les gouvernements du monde de conclure des ententes sur la protection de l'environnement dans le monde.

La présidente: J'ai une question rapide à vous poser, madame Swenarchuk. Vous avez dit que les accords parallèles que nous avons signés dans le cadre de l'ALENA ne sont pas très efficaces. Corrigez-moi si je me trompe, mais n'avons-nous pas récemment invoqué ces accords parallèles pour faire appliquer les normes du travail? Y a-t-il moyen de les rendre plus efficaces dans la ZLEA?

Mme Michelle Swenarchuk: Il y a d'autres conventions internationales sur les normes du travail qui sont assez bien respectées dans l'ensemble. Il suffit de consulter la liste des conventions de l'OIT qui existent, dont certaines ont été signées par le Canada et beaucoup d'autres ne l'ont pas été, apparemment en raison du partage des compétences dans le domaine du travail au Canada.

Dans un sens, je suis d'accord avec M. Neuheimer pour dire qu'il est vraiment question, dans tous ces domaines, de volonté politique. Si les pays du monde veulent améliorer les normes du travail, ils ont déjà les instruments juridiques pour le faire dans le cadre des conventions de l'OIT. Je pense qu'il vaut mieux répartir la richesse dans le monde pour que d'autres pays aient de meilleures conditions sociales, et les accords parallèles ne sont pas du tout conçus pour cela. Pour ce qui est des accords parallèles à l'ALENA, l'accord sur le travail a eu certains avantages, surtout pour la syndicalisation au Mexique. Il y a un ou deux cas où, je pense, l'accord parallèle sur le travail a été utile.

Même en essayant d'être aussi objective que possible, j'ai beaucoup de mal à trouver des avantages concrets à l'accord parallèle sur l'environnement. Depuis que la commission existe, elle a produit deux rapports qui ont permis de désigner deux grandes régions polluantes en Amérique du Nord, dont l'une est l'Ontario. À part cela, elle n'a pas réalisé grand chose. Je ne pense pas que c'est la voie à suivre; je répète que les dispositions de l'accord limitent la capacité du gouvernement d'établir des normes et que ce n'est pas un accord parallèle qui va arranger les choses.

La présidente: Si ce n'est pas la voie à suivre, quelle est la solution?

Mme Michelle Swenarchuk: La solution réside dans la volonté politique de mettre en oeuvre les conventions internationales que nous avons signées. Je pense au changement climatique, à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité et à l'appauvrissement de la couche d'ozone. Comme je l'ai dit, les instruments juridiques existent. Il y en a littéralement des dizaines dans le domaine de l'environnement. Il y a aussi toutes les conventions des Nations Unies relatives à l'équité sociale et à la lutte contre la discrimination, ainsi que les conventions sur le travail des enfants de l'OIT. Tout cela existe sur papier. Il serait difficile de trouver un domaine dans le monde qui n'a pas été étudié en droit international. Le problème reste qu'il faut avoir la volonté politique de mettre en oeuvre les mesures.

La présidente: Faire respecter les mesures n'est-il pas aussi un problème? Ce que l'OMC a d'avantageux, c'est son mécanisme de règlement des différends, un mécanisme d'exécution, que d'autres accords n'ont pas. Ou est-ce une explication trop simpliste?

Mme Michelle Swenarchuk: D'autres accords internationaux ont des mécanismes d'exécution. Encore une fois, c'est une question de volonté politique.

[Français]

La présidente: Monsieur Sauvageau, une dernière question?

M. Benoît Sauvageau: Monsieur Peeling, je veux être sûr de bien comprendre. Avez-vous dit qu'il est un peu difficile de faire la promotion des normes canadiennes environnementales parce que les différentes provinces n'ont pas tout à fait les mêmes normes environnementales?

[Traduction]

M. Gordon Peeling: Oui, c'est un domaine de compétence partagée—pour utiliser la terminologie gouvernementale—et il y a les normes et les règlements nationaux du ministère de l'Environnement.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Pourrait-il arriver que dans un accord parallèle à la zone de libre-échange, le gouvernement fédéral négocie quelque chose et qu'une partie de la compétence provinciale au niveau environnemental soit contestée?

• 1735

[Traduction]

M. Gordon Peeling: J'imagine qu'en théorie ce n'est pas impossible. Ce genre de problème est survenu dans le domaine commercial. Le réseau de distribution de la bière au Canada et les règlements provinciaux nous ont fait manquer à nos obligations du GATT, ce qui a fait l'objet de discussions avec les provinces pendant 20 ans. Donc, en théorie, oui, mais les accords parallèles sur l'environnement...

Je vais encore une fois prendre l'exemple du Chili. Les provinces ont participé. Les travaux sont en cours actuellement. La question recoupe certains problèmes soulevés par nos collègues de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Il faut aider beaucoup de pays à pouvoir faire respecter les règles. C'est assez facile de rédiger des lois et de les rendre compatibles avec les meilleures normes en vigueur, que ce soit celles de l'Environmental Protection Agency aux États-Unis ou celles du ministère de l'Environnement ou des provinces au Canada, mais c'est une autre histoire de les faire respecter.

Je sais que notre industrie travaille en collaboration avec le ministère de l'Environnement, l'ACDI et le ministère des Ressources naturelles pour aider nos collègues du Chili à améliorer la capacité de leur pays de faire respecter les règlements. Nous travaillons aussi avec eux dans le domaine de la santé et de la sécurité au sujet des risques auxquels sont exposés les travailleurs.

Je pense qu'il est possible pour toutes les parties, les provinces et le gouvernement... Cela ne règle pas vraiment le problème de l'existence de normes différentes au niveau fédéral et au niveau provincial au Canada. Cela risque-t-il de nous causer des problèmes? Cela nous oblige-t-il à parler d'une seule voix sur la scène internationale? C'est un problème.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

M. Gordon Peeling: Ce n'est pas une réponse brève.

La présidente: Merci beaucoup. Je sais que nous avons dépassé un peu le temps que nous avions, mais nous avons commencé en retard.

Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Encore une fois, comme nous l'avons indiqué lors de nos consultations dans l'est et dans l'ouest du pays, n'hésitez pas à nous faire part de toute autre question que vous aimeriez porter à notre attention. Nous sommes d'avis que le dialogue ne fait que commencer, et le dialogue suppose que la communication va dans les deux sens.

Madame Swenarchuk, nous allons attendre avec impatience votre mémoire sur l'obtention de brevets relatifs aux formes de vie supérieure.

Merci beaucoup, la séance est levée.