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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 21 avril 1998

• 0830

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)):

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]... nous allons débuter, ce matin, par l'Union des employés de la Défense nationale avant de passer aux gens que nous n'avons pu entendre hier soir.

J'invite Margaret Tebbutt à nous faire son exposé.

Mme Margaret Tebbutt (présidente, Local 629, Union des employés de la Défense nationale): Merci. Bonjour mesdames et messieurs. Je suis présidente du Local 629 de l'Union des employés de la Défense nationale. Permettez-moi de vous présenter les autres membres du bureau: M. Bob King, deuxième vice-président; M. Kevin Foster, chef délégué syndical; Mme M.C. Cook, secrétaire, et Mme Mary Chamberlain, vice-présidente pour la région de l'Ontario. Je vous demande d'excuser l'absence de M. Garry Labelle, notre troisième vice-président.

Au nom des membres du bureau et des syndiqués du Local 629 de l'UEDN, nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à vous faire part des préoccupations de nos membres de la BFC Petawawa.

Je me suis d'abord demandée ce que nous allions bien pouvoir vous apprendre de nouveau sur Petawawa, parce que tous les civils travaillant pour la Défense nationale éprouvent les mêmes problèmes. C'est un peu comme une épidémie de grippe. Il suffit qu'on éternue à une base et toutes les autres s'enrhument. Qui n'a pas entendu prononcé ces mots dans le vent que sont: DMPS, dégraissage, restructuration, coupures, mises à pied, réaménagement des effectifs, équité salariale et négociation collective, pour n'en citer que quelques-uns.

Dans un récent article paru dans un journal local, M. Hec Clouthier, député de Renfrew—Nipissing—Pembroke, invitait les employés civils de la BFC Petawawa à prendre leur destinée en main. Nous sommes absolument d'accord avec cela, encore faudrait-il qu'on nous le permette, ce que ne font pas les échelons supérieurs du QGDN ni le gouvernement libéral.

Par exemple, la Défense nationale est le seul ministère autorisant ses employés à soumissionner aux appels d'offre publics. L'année dernière, quand l'Administration du logement des Forces canadiennes a pris à sa charge les logements familiaux, elle a lancé des appels d'offre portant sur l'entretien des LF. À la BFC Petawawa, deux ateliers de la section du génie construction ont soumissionné à un contrat de travaux d'entretien d'électricité et de menuiserie. L'atelier menuiserie est arrivé en second et a obtenu 20 p. 100 des contrats de réparation, l'atelier d'entretien électrique, lui, s'est classé en troisième place.

Cette année, d'autres ateliers auraient aimé participer aux soumissions, mais on ne le leur a pas permis parce qu'ils n'avaient pas soumissionné l'année dernière. Il n'en demeure pas moins que des entreprises du secteur public ont pu concourir, bien qu'elles ne l'aient pas fait l'année dernière. Cela est-il juste? Donne-t-on ainsi l'impression que nous sommes en mesure de maîtriser notre destinée? Je ne le pense pas.

Le colonel Mitchell et notre syndicat sont intervenus auprès de la chaîne de commandement pour faire renverser cette règle, mais en vain.

Pourtant, le syndicat a prouvé que les soumissions de l'interne peuvent être intéressantes pour le ministère. Nous en avons remporté deux, l'une au Dépôt des publications d'Ottawa et l'autre aux Services d'alimentation de la BFC Trenton. Dans ce dernier cas, les Services d'alimentation ont économisé plus de 7 millions de dollars pour nous avoir octroyé le contrat. Le ministère, lui, aurait été plus que disposé à payer 16 millions de dollars au deuxième soumissionnaire pour obtenir exactement le même service.

Le ministère répète sans cesse qu'il économise des millions de dollars à la BFC Meaford. Encore faudrait-il savoir combien il en coûtait là-bas avant de confier toutes ces fonctions à contrat. Le ministère ne dit pas non plus combien de fois il a dû modifier le contrat. Aux dernières nouvelles, il en était à la septième modification. Pensez-vous que l'entrepreneur réclame des changements au contrat parce qu'il estime être trop payé pour ses services? C'est peu probable.

Nous avons essayé d'obtenir les chiffres en question, mais on nous a dit qu'ils n'étaient pas disponibles. Coïncidence troublante, M. Perrin Beatty était alors ministre de la Défense et il se trouve que Meaford, première base à avoir été privatisée, se situait dans sa circonscription. Je vous laisse juges.

Lors d'une récente campagne de sensibilisation et de «lavage de linge sale en famille», l'Union des employés de la Défense nationale a distribué des dépliants sur le thème—faute de meilleure description—du cochon qui s'empiffre. Dans cinq versions différentes de ce dépliant, l'UEDN a révélé les noms d'une vingtaine d'officiers supérieurs qui ont démissionné de l'armée pour aller occuper tout de suite après un emploi dans des sociétés ayant des contrats importants avec le MDN ou pour travailler comme expert-conseil auprès du ministère.

Comme les autres contribuables moyens, j'y vois un cumul de pension et de salaire. Certains de ces hauts gradés ont quitté leur uniforme un jour et sont revenus dès le lendemain, en civil, pour reprendre leur ancien emploi et toucher plus d'argent encore, après avoir bien sûr perçu une confortable indemnité de départ. Comme M. Clouthier le dirait, il leur faut bien maîtriser leur destinée. Si des membres du comité veulent voir les «cochons qui s'empiffrent», je serai plus qu'heureuse de leur faire parvenir les dépliants dont je parle.

• 0835

Nous sommes tous conscients que le gouvernement doit se montrer responsable sur le plan financier, mais c'est à croire qu'il est en train de le faire sur le dos des fonctionnaires, comme on peut le constater aux bases de Portage La Prairie, de Meaford, de Moose Jaw et, plus récemment, de Goose Bay. Cette liste pourrait fort s'allonger avec l'annonce d'un plan de restructuration pour six autres bases.

C'est notre syndicat qui a annoncé aux commandants concernés que leurs bases étaient sur la liste de l'examen DMPS. Il a fallu attendre que les commandants de base communiquent avec leurs supérieurs pour que cette annonce soit faite dans tout le ministère.

Heureusement, cette fois-ci Petawawa a échappé au couperet. Mais combien pour temps encore? Rien n'est sûr.

Comme vous le savez peut-être, un vaste projet de restructuration vient d'être entrepris à la BFC Petawawa. Avant le début de cet exercice, le commandant de la base a invité le personnel civil et militaire à lui donner tout son appui, ce que nous avons fait, mais cela n'a pas été sans stress, sans crainte et sans anxiété, car vous ne savez jamais quand votre poste risque d'être aboli.

Le colonel Mitchell ne nous a pas promis que nos emplois seraient garantis. Il espérait simplement que l'équipe chargée de la restructuration pourrait dégager assez vite des postes excédentaires pour permettre à certains membres du syndicat de se prévaloir des mesures d'encouragement à un départ anticipé, mais cela ne se produira pas avant le 22 juin prochain.

Nous savons tous que le Conseil du Trésor et l'Alliance de la fonction publique sont en train de négocier une nouvelle convention. Encore une fois, notre sort est placé dans d'autres mains. Récemment, on nous a appris que si l'Alliance de la fonction publique du Canada n'acceptait pas la dernière offre du gouvernement, celui-ci adopterait une loi. Peu importe ce que notre syndicat essaie de faire pour nous, le gouvernement semble toujours prêt à opter pour la solution de facilité et à imposer une loi plutôt que de négocier en toute bonne foi.

Si l'on envisageait d'appliquer le programme DMPS à Petawawa, celui-ci aurait un effet dévastateur sur la collectivité. En effet, la base est le plus gros employeur aux côtés de l'EACL qui est en train, aussi, de réduire ses effectifs. D'ailleurs, sans même le DMPS, la base a déjà perdu un nombre considérable d'emplois.

En 1992, quand j'ai commencé à militer au syndicat, nous comptions un peu plus de 800 membres à la base, qui était l'une des plus grosses au pays. En quelques années à peine, nous avons perdu près de 400 employés. Où tous ces gens-là se sont-ils retrouvés? Eh bien, ils ont quitté la région ou se sont inscrits à l'aide sociale, parce qu'il y a peu d'occasions d'emploi dans notre coin de pays.

Nous avons rencontré un conseiller municipal de Meaford. Il nous a appris que si le conseil avait pu imaginer tout ce qu'allait représenter l'arrivée à la base d'une grande société comme Black & McDonald, il aurait essayé plus activement de stopper la privatisation. Comme les salaires ont considérablement diminué, les gens quittent la ville en quête d'emplois ailleurs.

Nous ne voulons pas, non plus, qu'il se passe à Petawawa ce qui est arrivé à Happy Valley-Goose Bay. Comment le gouvernement a-t-il pu permettre à une entreprise étrangère de venir chez nous, traiter des contribuables canadiens d'une façon qui n'est même pas légale en Grande-Bretagne? C'est incompréhensible.

Les employés qui avaient postulé certains emplois ne se sont rendu compte que durant leur entrevue qu'il était question d'un autre poste. Une secrétaire m'a dit qu'elle s'était aperçue au cours de son entrevue pour un poste de secrétariat, qu'on envisageait de lui offrir un poste de femme de ménage, rémunérée à la moitié de son salaire de l'époque. Comme cette offre d'emploi était considérée comme raisonnable, elle n'aurait eu droit à aucune indemnité de départ si elle l'avait refusée.

L'autre question que nous avons à coeur est celle de la parité salariale. La lutte entre le Conseil du Trésor et la fonction publique du Canada sur ce thème dure depuis 13 ans. Trop, c'est trop! Quand les conservateurs étaient au pouvoir, les libéraux disaient: «Payez donc ces travailleurs et travailleuses». Maintenant que les rôles sont inversés et que ce sont les libéraux qui ont la possibilité de nous payer, eux aussi bloquent tout. Le gouvernement a dépensé plus de fonds publics en frais juridiques que ce qu'un règlement avec nous lui aurait coûté. Il est temps de régler ce problème une fois pour toutes. Nos membres veulent obtenir ce à quoi ils ont légalement droit.

L'année dernière, les médias nous ont appris que la récente augmentation salariale des militaires avait pour objet de les mettre à parité avec la fonction publique. Eh bien, laissez moi vous dire que cette affirmation est tellement loin de la vérité, que c'est une honte. Il y a peut-être des fonctionnaires qui touchent plus que des militaires, mais j'aurais aimé que le ministère précise de quels niveaux il s'agit, parce que ce n'est certainement pas le cas à la base.

Prenez mon cas, par exemple. Je suis commis CR. Je travaille aux côtés de caporaux et de caporaux chefs qui font la même chose que moi et qui gagnent 10 000 à 12 000 $ de plus par an. Les avantages sociaux sont comparables, si ce n'est qu'ils ont droit à cinq semaines de vacances après seulement cinq années de service, alors que pour avoir la même chose, le fonctionnaire doit attendre 19 ans. Ils viennent au travail le matin et rentrent chez eux tous les jours, exactement comme moi. Alors dites-moi donc qui aurait dû avoir un redressement de salaire.

• 0840

Comprenez-moi bien, je ne prétends pas que les militaires sont trop payés. Je dis que, quand le gouvernement ou l'armée parle de nous dans les médias, on ne nous dépeint pas de la même façon et il n'est pas étonnant que le citoyen moyen pense que nous sommes tous des fonctionnaires trop payés.

On a dit aux militaires, qui viennent juste d'être augmentés le 1er avril, qu'ils recevraient exactement la même augmentation salariale que les fonctionnaires. C'est un peu comme si les députés s'accordaient une augmentation de salaire à cause de la fuite des cerveaux. Eh bien, croyez-moi, nos membres subissent aussi un drainage des compétences à force d'essayer de composer avec les réductions de personnel de la fonction publique. Une fois de plus, on a demandé au syndicat de faire un geste pour aider les conciliateurs, le gouvernement n'ayant pas voulu et n'entendant pas négocier de bonne foi.

Les civils qui travaillent à la BFC Petawawa sont de vrais patriotes. Quand l'armée est mobilisée pour apporter son appui aux populations civiles après une tempête de verglas ou des inondations, ou encore quand on l'envoie à l'étranger dans le cadre des missions de l'ONU, les employés civils sont toujours là, à divers titres, pour s'assurer simplement que les unités sont prêtes pour le déploiement. Quand les militaires sont ainsi envoyés en mission qui fait le travail dans les bases? Le gouvernement devrait savoir qu'il faut continuer de faire fonctionner la machine.

Le travail des employés civils ne s'arrête pas parce que certaines unités sont déployées hors des bases. On a félicité l'armée pour son intervention après la tempête de verglas et les inondations, mais on n'a rien dit des travailleurs civils qui avaient aidé au déploiement.

Si vous ne retirez rien d'autre de cette réunion, je vous en prie, n'oubliez pas que nous vous demandons simplement la possibilité de maintenir les emplois de la fonction publique au sein du ministère de la Défense nationale. Certains de nos membres travaillent ici depuis qu'ils ont obtenu leur diplôme du secondaire et ils sont démoralisés de sentir qu'on leur coupe l'herbe sous le pied. Contrairement aux militaires, il est très rare que des civils aient à déménager avec armes et bagages pour aller s'installer en un lieu inconnu. Eh bien, c'est précisément ce qui se passerait si nos fonctions devaient être privatisées.

Encore une fois, merci de votre temps.

Le président: Merci pour votre exposé.

Monsieur Clouthier, vous voulez poser des questions ou faire des remarques?

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Merci beaucoup, Margaret, d'avoir répondu à notre invitation ce matin.

Vous vous en souviendrez, nous nous sommes rencontrés à mon cabinet en compagnie de membres de votre bureau. Je vais commencer par commenter ce que vous avez dit dans votre intervention au sujet d'un article de journal citant Hec Clouthier, député de Renfrew—Nipissing—Pembroke, qui estimait que les civils de la BFC Petawawa doivent prendre leur destinée en main. Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas d'accord avec cela.

Mme Margaret Tebbutt: Excusez-moi, je voulais dire que nous sommes tout à fait d'accord, au contraire.

M. Hec Clouthier: Donc vous n'êtes pas contre.

Mme Margaret Tebbutt: Nous sommes pour.

M. Hec Clouthier: Dans cet article, j'ai pris position en tant que député fédéral local—position que j'ai énoncée également, comme mes collègues autour de cette table pourront en témoigner, lors d'autres audiences du Comité de la Défense—contre l'application du programme DMPS à cette base. Je ne l'ai pas fait par égoïsme, mais parce que je crois qu'il convient d'abord d'examiner de près ce que va donne ce programme DMPS dans d'autres bases, et cela en toute justice et en toute équité. Personnellement, j'estime qu'on a effectué un excellent travail de restructuration ici, comme je l'ai d'ailleurs précisé dans l'article en question.

À propos de la garantie qu'on pourrait donner au personnel civil de participer aux appels d'offres, je me suis récemment entretenu avec le ministre de la Défense. Il m'a indiqué qu'il allait voir ce dont il retourne, mais selon lui, dans tous les cas d'application du programme DMPS à une base, les employés civils touchés devraient pouvoir soumissionner.

En sous-titre, dans le même article, on dit que je m'oppose à la sous-traitance. On peut lire que j'exige, en contre-partie de la privatisation, qu'on garantisse la participation du personnel civil au processus d'appel d'offres. C'est ma position à propos du programme DMPS. Je compatis énormément avec le personnel civil. Je compatis énormément aussi avec le personnel militaire. On dirait qu'il règne une grande consternation dans l'armée et, à bien des points de vue, vos préoccupations sont justifiées.

Je vais maintenant reprendre ma casquette de membre du comité pour vous dire que nous sommes ici afin de regarder, d'écouter et d'apprendre. Hier soir, certaines personnes de l'audience ont pu penser que les autres députés ne s'exprimaient pas assez. C'est que nous prenons assidûment des notes. C'est ce que nous sommes venus faire ici. Nous sommes venus prendre note de vos préoccupations pour les communiquer au ministre et au QGDN. Comme le commandant de la base vous l'a dit, nous ne pouvons rien vous garantir. En fin de compte, la décision sera prise à des niveaux supérieurs. Cependant, nous espérons pouvoir corriger certains de ces problèmes en faisant pression sur les paliers supérieurs et soyez assurés—vous-même, Margaret ainsi que des gens comme Bob King, et comme l'ensemble des employés civils et du personnel militaire—, que nous ferons pression là où le pouvoir se trouve.

• 0845

Mme Margaret Tebbutt: Eh bien, j'espère que vous pourrez obtenir un rendez-vous avec le ministre de la Défense, parce que le syndicat a essayé mais n'a pas réussi. Nous apprécierions beaucoup vos efforts en vue de l'amener à accepter de rencontrer notre président national. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé. Vous avez piqué ma curiosité à propos du programme DMPS quand vous avez parlé de la participation de Black & McDonald. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de Black & McDonald?

Mme Margaret Tebbutt: En fait, je vais demander à Mme Chamberlain de vous en parler, parce que cela se passe dans sa région et qu'elle en sait plus long que moi.

M. Art Hanger: Parfait. L'autre question que je voulais vous poser—et en fait elle s'est posée assez souvent—concerne les hauts gradés de l'armée qui ont démissionné pour aller travailler dans des entreprises du secteur privé ayant beaucoup de contrats du MDN. Vous avez dit avoir une liste de ces gens-là.

Mme Margaret Tebbutt: Effectivement.

M. Art Hanger: Pourriez-vous nous en obtenir copie pour le comité, et pour moi aussi?

Mme Margaret Tebbutt: Oui. Pas de problème. En outre, dans le cadre de notre campagne, comme je le disais, nous avons envoyé à tous les députés fédéraux des affiches qui représentent un cochon en train de se repaître dans une auge. Je vous en remettrai un exemplaire également.

M. Art Hanger: J'en serai heureux.

Très bien, passons à Black & McDonald.

Mme Mary Chamberlain (vice-présidente, région de l'Ontario, Union des employés de la Défense nationale): En fait, je n'ai pas beaucoup d'information à ce sujet parce que les contrats de sous-traitance pour Meaford ont été accordés avant que je ne débute mon mandat. Quoi qu'il en soit, je sais qu'il s'agit d'une entreprise américaine et que d'anciens militaires siègent à son conseil d'administration au Canada. Je vous trouverai des documents à ce sujet et je vous les ferai parvenir en même temps que les autres.

M. Art Hanger: Est-ce courant que des organismes étrangers remportent des contrats de la Défense?

Mme Mary Chamberlain: Il y a d'abord eu Black & McDonald et maintenant il y a bien sûr Serco, à Goose Bay. Bombardier semble en remporter beaucoup également et d'après ce que nous avons appris, il y aurait beaucoup d'anciens militaires sur la liste de paie de cette compagnie.

M. Art Hanger: Très bien.

Mme Mary Chamberlain: Mais Serco et Black & McDonald sont, à ma connaissance, les deux seules compagnies étrangères.

M. Art Hanger: C'est parfait. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Mary Chamberlain: Merci.

Le président: C'est maintenant au tour de l'adjudant Raymond James. Je vous en prie adjudant.

L'adjudant Raymond C. James (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je dois tout de suite vous prévenir que je suis atteint d'une maladie qui risque de m'empêcher de terminer mon exposé, mais j'ai remis une copie de mon mémoire à la secrétaire justement au cas où cela arriverait.

L'autre chose que je tiens à vous préciser avant de commencer, c'est que mon exposé exprime la façon dont je perçois, moi-même, ma situation. D'autres personnes pourront avoir des points de vue différents à ce sujet, mais je suis ici pour vous donner le mien.

Veuillez m'excuser si je dois suivre mes notes, mais il n'y a que comme cela que je parviendrai à maintenir mon calme.

Il ne sert à rien d'accuser ou d'injurier les autres. Seule la communication de renseignements susceptibles de permettre la formulation d'une stratégie grâce à laquelle on pourra donner aux militaires le genre de service qu'ils méritent, peut produire des résultats positifs.

Je vais commencer par vous parler un peu de ce que j'ai fait, pour que vous sachiez qui je suis. Je suis sous-officier dans le génie et j'ai 17 ans d'ancienneté. J'ai servi dans différentes unités, ici et à l'étranger. J'ai eu la bonne fortune, assez jeune, et bien avant mes camarades, d'être promu sous-officier supérieur parce qu'on considérait que j'étais un élément prometteur.

En 1992, mon unité a été envoyée en ex-Yougoslavie. Pendant cette affectation, j'ai contracté une maladie qui allait dévaster ma vie professionnelle et ma vie privée à mon retour. Depuis 1992, mon mariage qui avait duré huit ans s'est effondré, mon union de fait qui a duré trois ans par la suite s'est dégradée, je ne fonctionne plus comme avant, j'ai perdu mes économies d'une vie, plus de 100 000 $ et, pour la première fois de ma vie, je suis endetté.

• 0850

Je suis atteint d'un trouble mental appelé syndrome de stress post-traumatique, qui s'accompagne de nombreux malaises, notamment d'une peur aiguë de l'échec. À cause de cette maladie, je ne pouvais me permettre d'échouer ma carrière dans l'armée. Je suis atteint de ce syndrome depuis six ans, six longues années au cours desquelles j'ai dû porter un masque. J'ai imploré mes médecins de ne pas me reclassifier médicalement, parce que je devais pouvoir arriver en fin de carrière.

En un sens, ma peur de l'échec m'a aidé. J'ai pu afficher un visage souriant et m'acquitter de mes fonctions à un niveau de compétence moyen. J'ai pu exécuter la plupart des tâches qui m'étaient confiées sans difficulté et quand je n'y arrivais pas, mes supérieurs me couvraient, me donnaient un coup de main, me faisaient une faveur. Mes supérieurs immédiats savaient que je consultais un psychiatre et que j'avais de la difficulté sur certains plans.

Si je parvenais à me débrouiller tant bien que mal au travail, ma vie privée, elle était devenue un enfer. Le simple fait d'aller au magasin, de faire la queue à un restaurant pour manger ou de conduire dans le trafic était au-dessus de mes forces.

J'avais perdu toute capacité d'afficher ou de ressentir une émotion. Je ne pouvais communiquer avec personne... J'apprécierais que vous ne me photographiiez pas, sergent! J'ai perdu tous mes amis. Je ne pouvais plus évoluer en société. Je consacrais beaucoup trop de mon énergie à ma carrière.

Ce syndrome est un monstre complexe et mystérieux. En me regardant, comme ça, outre le fait que je suis obligé de lire mes notes, vous pourriez penser que je suis relativement normal. Vous pourriez avoir une conversation avec moi ou encore travailler à mes côtés sans jamais vous rendre compte de mon état. Le SSPT est polyforme. On peut avoir des réactions physiques ou mentales ou encore les deux.

Voilà, je viens de vous parler un peu de la maladie dont je suis atteint, mais pour la remettre en contexte et que vous appréhendiez bien ce que je vis au quotidien, je vais vous donner un exemple.

Imaginez-vous dans un grand auditorium. Les lumières sont éteintes et vous ne pouvez même pas voir vos mains quand vous vous les mettez devant les yeux. Là, on vous dit qu'un de vos enfants est dans cette grande pièce et que si vous ne le trouvez pas dans les cinq minutes, il mourra étouffé. Imaginez cela, si vous le pouvez. Imaginez la panique qui s'emparera de vous, le sentiment d'impuissance qui vous habitera. Ce n'est pas très beau à imaginer, n'est-ce pas?

Maintenant que vous avez une petite idée du genre de malaise qui est le mien aujourd'hui, je vais arrêter de me plaindre pour vous faire prendre avec moi le sentier que j'ai suivi et que je suis toujours d'ailleurs.

Un soir de décembre 1993, un de mes supérieurs m'a invité à consulter un spécialiste, parce qu'il avait décelé chez moi les signes du SSPT. J'ai commencé à voir un médecin en janvier 1994, près d'un an et demi après mon retour de l'ex-Yougoslavie.

Il a tout de suite diagnostiqué le syndrome de stress post-traumatique. Il m'a beaucoup encouragé, m'affirmant que je me sentirais mieux dans quelques mois, que je n'avais pas à m'inquiéter et qu'il était tout à fait normal, pour quelqu'un dans mon état, d'agir et de se sentir ainsi.

D'abord, j'ai refusé de prendre mes médicaments, car je n'acceptais pas l'idée d'être atteint d'une maladie mentale. Maintenant, je les prends. D'ailleurs, j'en suis à mon onzième type de médicament. Très brièvement, je dirais que j'ai essayé toutes les pharmacothérapies connues par l'homme ou par les médecins. Chaque fois qu'on m'envoyait voir un nouveau médecin, on me disait que c'était le meilleur dans le domaine et que je me sentirais mieux très rapidement.

Eh bien, en cinq années il n'y a pas eu beaucoup d'amélioration et je suis venu ici, à Petawawa, pour consulter un autre expert du domaine. Au bout de quelques mois et après m'être séparé de ma concubine, je n'ai pas accepté le virage qu'avait pris ma vie. Je ne pouvais plus rester dans le mensonge.

Cette fois, on m'a annoncé que j'étais devenu inapte à la vie militaire. C'est à croire qu'on m'a jugé inapte au service militaire dès l'instant où je n'ai plus voulu jouer les animaux de laboratoire. On m'a également annoncé qu'il était fort peu probable que mon état s'améliorerait. Il est regrettable qu'aucun des experts que j'ai consultés ne me l'ait annoncé plus tôt, car six années de gaspillées, c'est beaucoup!

• 0855

Si, il y a cinq ou six ans, on m'avait annoncé toutes les options dont je pouvais me prévaloir, j'aurais pu commencer à percevoir une pension d'anciens combattants de 1 000 $ par mois non imposable. Sur cinq ans, cela aurait représenté 60 000 $ sans impôt. Savez-vous combien cela fait en salaire imposable? Environ 100 000 $. Et puis, j'aurais également pu commencer à percevoir ma pension de militaire, correspondant à 24 p. 100 de mon salaire, à condition évidemment qu'on m'ait réformé pour cause de santé. À mon niveau de salaire, j'aurais perçu 60 000 $ pendant cette même période.

J'ai découvert toutes les options dont j'aurais pu me prévaloir en étudiant moi-même le système, soit en lisant des livres ou des magazines, soit en m'entretenant avec d'autres. Quoi qu'il en soit, rares sont ceux de mes supérieurs qui m'ont donné un coup de main.

Dès qu'on m'a annoncé que j'étais classé médicalement inapte, mon supérieur n'a plus voulu avoir affaire à moi. Il a voulu me mettre sur une voie de garage, dans un poste correspondant à un grade inférieur au mien. Pourtant, je m'étais jusque là acquitté de mes fonctions à un niveau acceptable au point que le gestionnaire de carrières allait m'offrir une prolongation de mon contrat jusqu'à 55 ans, ce qui m'aurait fait 15 ans de plus.

Je suis allé voir le supérieur de mon supérieur pour lui dire que j'étais mécontent de la décision prise. Cela m'a valu une réprimande très diplomatique. On a dit à mon supérieur que je n'étais pas content de lui et, à moi, on a cru bon de me signaler que d'autres étaient encore plus mal en point. Ceux qui n'ont pas vécu le cauchemar que j'ai vécu ne peuvent imaginer mes tribulations.

Sur recommandation du médecin de l'unité, j'ai consulté une conseillère en réhabilitation, qui m'a affirmé faire ce genre de travail pour l'armée depuis plusieurs années. Elle est chargée de trouver un emploi dans le civil à ceux pour qui il peut être intéressant, sur le plan médical, de se retrouver hors du milieu militaire avant leur libération définitive. Quelle ne fut pas ma surprise, en tant que cadre, de constater que j'ignorais l'existence de cette possibilité.

Quoi qu'il en soit, elle m'a dit que je pourrais obtenir un travail en dehors de la base et que celui-ci m'aiderait à reprendre confiance en moi. J'ai dû me convaincre d'abord puis convaincre le commandant de l'unité; dès qu'il m'a donné son autorisation, j'ai pu commencer à travailler dans une entreprise civile en attendant d'être complètement libéré de l'armée.

• 0900

Soit dit en passant, le fait de travailler pour cette entreprise m'a coûté 300 $ par mois. Il serait bien de prévoir un fonds pour aider les gens qui se retrouvent dans la même situation.

Je suis très heureux de ce placement professionnel et je suis tout à fait disposé à payer ce qu'il m'en coûte pour continuer à travailler. Cet emploi m'a beaucoup aidé à regagner la confiance et l'estime de soi que j'avais perdues.

Comme j'y vois une forme de traitement médical, j'estime que mes frais médicaux devraient être assumés par l'armée. J'ai déclaré à l'un de mes superviseurs que j'étais très content que le commandant se soit montré si obligeant en me permettant de quitter l'unité pour aller travailler dans cet emploi. Il m'a dit qu'il n'avait pas le choix.

Après qu'on m'a annoncé que j'allais être libéré, l'armée s'est mise à me traiter comme si j'étais atteint de la lèpre. J'ai commencé à ressentir les stigmates de celui qui souffre d'un trouble mental. J'étais soudainement devenu une cheville carrée qu'on essayait de faire entrer dans un trou rond.

Je sais que les gens sont réticents à réclamer une aide psychiatrique à cause du genre de traitement qu'ils devront ensuite subir au travail. Ils savent qu'ils seront isolés et traités différemment des autres. Il y a aussi ceux et celles qui ont besoin de traitements et qui refusent pourtant de s'y soumettre. Mais si le commandement avait affaire à un militaire ayant la jambe cassée et refusant de se faire soigner, il n'hésiterait certainement pas à le contraindre à aller se faire traiter.

Les stigmates de l'incapacité médicale pèsent lourd quand des néophytes doivent déterminer d'eux-mêmes si un subalterne malade est encore compétent. Le fait d'essayer de déterminer la compétence mentale de quelqu'un équivaut à peu près à essayer de déterminer la gravité de l'état d'un malade cardiaque.

Quand je me suis rendu compte que je devrais me débrouiller seul, à l'exception peut-être de l'aide de deux officiers subalternes de l'unité, j'ai examiné les choix qui s'offraient à moi. Permettez-moi d'ailleurs de vous présenter certains des problèmes que j'ai constatés ou des questions auxquelles on ne trouve pas réponse dans un délai raisonnable.

D'abord, vais-je obtenir la pension du ministère des Anciens combattants? Pourquoi dois-je lutter pour obtenir une pension médicale de ce ministère? On m'a expulsé de l'armée à cause de ma condition médicale et voilà que je dois prouver à ce ministère que je suis bel et bien malade.

Et puis, il y a le RARM? On m'a toujours dit que ce régime d'assurance-revenu était fantastique, qu'il était économique, qu'il offrait une bonne couverture, qu'il constituait une protection en cas d'incapacité de longue durée... mais est-ce que je vais pouvoir en bénéficier?

J'ai téléphoné au bureau central, à Ottawa, pour découvrir que je ne toucherais de prestation que si j'étais dans l'incapacité d'exercer un travail pour lequel j'avais été formé, possédais une expérience ou avais été instruit. Cela veut dire que je ne percevrai aucune prestation si je peux répondre au téléphone ou lécher les rabats d'enveloppe. Du moment que vous vous engagez jusqu'au moment où vous êtes libéré, et même après, l'armée fait la promotion du RARM, qui n'est en fait qu'une vaste fumisterie.

L'autre possibilité qui s'offre à moi est la pension de l'armée. J'ai le droit de percevoir 2 p. 100 par année de service complète, soit l'équivalent de 34 p. 100 de mon revenu total calculé sur 17 années de service. Après impôt, je devrais toucher à peu près 20 p. 100 de ma solde.

En outre, l'armée ne commence à vous verser votre pension et votre indemnité de départ que huit semaines après votre libération. Peu importe que votre date de libération soit connue six mois d'avance. Quand vous êtes dans les dettes et n'avez pas de revenu, il est très difficile de vivre six à huit semaines sans revenu.

Je vais vous lire ma petite note qu'il vous faudra prendre en considération. À mon niveau de solde et à mon grade actuels, sans tenir compte d'éventuelles augmentations ou promotions, j'aurais touché environ 800 000 $ pendant la prolongation de mon contrat. Avec une pension calculée à 34 p. 100, je ne recevrai que 270 000 $, soit 530 000 $ de moins. Par ailleurs, à supposer que je vive jusqu'à un âge raisonnable, j'aurais touché 315 000 $ de plus en pension après 55 ans. Si l'on tient compte de tout ce que j'aurais dû recevoir et que je n'ai pas reçu sous la forme d'une solde, si l'on tient compte de ma pension réduite et de l'argent que j'ai perdu à cause de mon état médical, cela représente plus de 1,1 million de dollars.

• 0905

Mais je vais vous dire une chose: l'argent n'est rien à côté de la paix d'esprit que la santé mentale vous procure.

Une autre possibilité aurait été l'initiative conjointe armée-fonction publique dont j'ai pris connaissance en lisant le bulletin d'août 1997 de Défense 2000. Pour se prévaloir de cette initiative et être inscrit sur une liste de la fonction publique, il faut avoir été blessé en mission dans une zone de service spécial. De plus, votre nom ne peut être porté sur cette liste que si vous êtes compétent pour les postes offerts. Ce même bulletin annonçait le nombre de personnes qui pourraient obtenir ce genre d'emploi: quatre à six par an seulement pour cette vaste initiative. De plus, le ministère des Anciens combattants doit approuver la pension des personnes concernées et celles-ci doivent être capables de travailler dans les deux années suivant leur libération. Une initiative de ce genre est davantage destinée à rassurer le public qu'à aider les soldats atteints d'un handicap.

Il faut des mois, voire des années au ministère des Anciens combattants pour régler un dossier. J'ai déposé ma demande auprès d'un représentant régional de la Légion à Ottawa, le 11 février dernier. J'ai reçu un accusé-réception du ministère le 23 février déclarant que mon dossier était à l'étude. J'ai découvert que le ministère des Anciens combattants n'a obtenu mon dossier du MDN que le 8 avril. La décision initiale ne sera pas rendue avant un mois ou deux. Qui plus est, les gens doivent généralement loger plusieurs appels avant d'obtenir un règlement jugé raisonnable. C'est ce qui est arrivé à la plupart des personnes avec qui je me suis entretenu. On dirait que c'est un petit jeu auquel se livre le ministère pour éliminer ceux qui n'ont pas la volonté d'aller jusqu'au bout; c'est une façon complètement tordue d'économiser quelques dollars sur les demandes d'indemnité.

L'armée et le ministère des Anciens combattants devraient travailler main dans la main. On ne devrait pas avoir à convaincre le ministère des Anciens combattants qu'on a droit à une pension après avoir été jugé inapte au service par l'armée. À quoi sert donc le ministère des Anciens combattants? N'a-t-il pas pour mandat d'aider les personnes qui le méritent et qui ont reçu des blessures incapacitantes? Quelle est la responsabilité de l'armée envers les siens qui ont été blessés? Si j'avais été atteint d'un SSPT dans le civil à cause des politiques de mon employeur et si j'avais été soumis au même traitement auquel j'ai eu droit dans l'armée, j'aurais pu poursuivre mon employeur pour des millions de dollars. Le ministère des Anciens combattants devrait être un des éléments actifs du système médical militaire.

Voilà maintenant cinq mois que j'attends. Deux médecins m'ont dit que je serais libéré pour raison médicale car j'ai été classé inapte au service. Il faut encore que mon dossier soit vu par la Commission d'expertise médicale. On m'a dit qu'une fois qu'elle aura été saisie de mon dossier, il faudra plusieurs mois à la Commission pour formuler ses recommandations. Le temps passe et avec tous les mois qui me séparent encore de ma libération effective, une année complète se sera sans doute écoulée avant que je me retrouve dans le civil.

Pourtant, on a déjà établi que ma condition était aggravée par mon maintien dans les forces armées. Pourquoi vais-je rester bloqué encore un an dans ce système? Mon médecin militaire m'a même suggéré que si je demandais moi-même à être libéré, on me reclassifierait médicalement quelques mois plus tard et que je pourrais ainsi accélérer ma sortie de l'armée. J'en conclus donc qu'il est plus rapide de démissionner de l'armée que de s'en faire expulser pour raison médicale.

On m'a également suggéré de rédiger une note de service pour donner ma version des faits, afin éventuellement d'accélérer les choses. J'aurais pensé que l'avis de deux médecins aurait suffi à favoriser ma libération pour raison médicale et que ce n'était pas l'opinion d'un sapeur qui allait accélérer le dossier.

J'en ai assez de quémander. J'en ai assez de sourire face à l'adversité et je vais arrêter de me faire du tort à cause d'une bureaucratie militaire archaïque. Je vais recourir à toutes les possibilités s'offrant à moi et m'entretenir avec tous ceux qui seront susceptibles de m'aider à accélérer le règlement de mon cas qui dure depuis six longues années. J'ai signé un contrat pour servir mon pays et je continuerai à le faire au mieux de ma compétence. Cependant, j'ai signé en croyant pouvoir compter sur un certain appui de l'État, comme les autres Canadiens et Canadiennes que j'étais disposé à défendre au prix de ma vie. On retire plus de fierté à servir un pays dont on peut être fier.

• 0910

Le plus grand service qu'on pourrait rendre au personnel militaire serait de l'informer correctement sur les éventuelles difficultés médicales qui le guettent. Tous les échelons du commandement devraient veiller à ce que le personnel d'encadrement soit suffisamment informé pour veiller à ce que leurs subalternes reçoivent les traitements et aient droit aux prestations appropriées.

Est-ce là un nouveau problème auquel l'armée est confrontée? Rien de tel ne se serait produit auparavant? Personnellement, je ne le pense pas.

J'estime que la façon dont on traite les militaires sous le grade de général a toujours été inappropriée et continue de l'être. Quand vous demandez à quelqu'un de donner sa vie pour protéger votre liberté et vos droits, vous devriez au moins lui accorder les mêmes droits et libertés que ceux pour lesquels il est prêt à mourir.

Nos dirigeants nous ont laissé tomber. Le système nous a laissé tomber. Il est temps de changer d'attitude et d'adopter de nouvelles politiques. Il est temps également de tenir tous les échelons responsables de leurs échecs.

Regardez ce panneau derrière vous qui dit: «Ne tolérez pas l'imperfection». C'est de circonstance.

Je conclurai en vous lançant un défi à vous tous: faites en sorte que la vie dans l'armée soit plus heureuse et davantage satisfaisante. Il faut renseigner les gens sur les droits et les options qui sont les leurs.

J'ai perdu ma femme, ma maison, les économies de toute une vie et ma dignité. Tout ce que je demande c'est que l'armée me donne la chance de reconquérir ma dignité.

Faisons en sorte que l'armée doive donner autant que ce qu'elle prend. J'aimerais que vous fassiez quelque chose pour les autres militaires: veillez à ce que tout soldat soit traité avec le même respect et la même décence que celles que vous accordez aux membres de votre propre famille.

Merci pour votre patience et pour votre temps.

À la dernière page du mémoire que j'ai remis à la secrétaire, vous trouverez une ventilation des chiffres que je vous ai cités et selon lesquels j'aurais un manque à gagner de 1,1 million de dollars.

Avez-vous des questions à me poser?

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, adjudant James pour votre présentation.

Un constat évident s'impose à partir de ce que nous avons entendu de ceux qui ont témoigné devant le comité, et de vous-même aujourd'hui: on ne traite pas particulièrement bien la plupart de ceux et de celles qui ont été blessés en service commandé pour leur pays, et au sein des Forces canadiennes. C'est ce que vous venez, vous aussi, de démontrer de façon éclatante aujourd'hui. Je tiens à vous en remercier et j'aimerais que vous me donniez votre numéro de téléphone avant de partir.

Adj Raymond James: Je vais vous le donner tout de suite, c'est le 738-8037, et j'ai un répondeur.

M. Leon Benoit: Parfait, merci.

Adj Raymond James: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

J'invite le soldat J. McKimmie à prendre la parole.

Le soldat J. McKimmie (témoigne à titre personnel): Bonjour. Comme je ne suis pas un grand orateur, je vous demanderais de faire preuve de patience envers moi. Je suis soldat depuis peu, j'ai deux enfants et une femme à faire vivre.

Je gagne 1 981 $ par mois avant déductions, mais après déductions, après avoir payé mon loyer et remboursé un emprunt que j'ai pris pour des tas de comptes impayés, je me retrouve avec 330 $ par mois environ pour nourrir et habiller mes enfants. De plus, je dois payer l'assurance de la voiture, le téléphone, le câble, l'essence et toutes les autres factures mensuelles, comme celles du chauffage et de l'électricité. Quand on ajoute tout ça, il me manque environ 200 à 300 $ par mois. Je sais que certains soldats et même des caporaux perçoivent le bien-être social pour joindre les deux bouts. J'aimerais savoir ce qui est fait à ce sujet?

• 0915

J'ai deux ou trois autres problèmes à porter à votre attention. Je réside dans les LF et la façon dont les choses fonctionnent actuellement, on n'a pas le droit au bien-être social quand on est dans ce type de logement. Cela veut dire que les gens qui ne travaillent pas et qui touchent les chèques de bien-être social font plus d'argent et vivent dans de meilleurs logements que les militaires.

Des voix: Bravo! Bravo!

Sdt J. McKimmie: Comme bien d'autres ici, je suis entré dans l'armée pour la fierté et l'honneur—parce que je suis sûr que ce sont les mêmes raisons qui les ont attirés—de même que pour recevoir une formation, mais je ne pensais pas être affamé, devoir vivre au jour le jour et parfois même plus difficilement encore. Si l'on ne fait pas très vite quelque chose pour corriger la situation, je me retrouverai, moi aussi, au bien-être social ou je quitterai l'armée, parce que je n'arrive pas à m'en sortir et encore moins à faire vivre ma famille.

Le gouvernement prétend que nous devrions être contents de l'augmentation que nous avons obtenue. Eh bien, si cette augmentation va peut-être aider les gens qui font 40 000 ou 50 000 $ par an ou même plus, elle ne représente pas grand-chose pour ceux qui font 35 000 $ ou moins. L'année dernière, j'ai gagné 19 000 $. J'ai reçu une augmentation de 1,7 p. 100, ce qui revient à 6,61 $ par mois. Tant qu'à nous accorder une augmentation, le gouvernement devrait nous octroyer des montants fixes et pas un pourcentage, parce qu'ainsi ce serait plus juste pour tout le monde et il n'y aurait pas que les grosses huiles qui en profiteraient.

Des voix: Bravo! Bravo!

Sdt J. McKimmie: J'ai lu un article dans Maclean's décrivant parfaitement notre situation. On faisait état d'autres problèmes à régler, comme nos uniformes et nos logements, et du moral chez les simples soldats.

L'armée est censée être favorable à la famille, mais c'est un mensonge. Quand j'étais à Borden, ma fille d'un an a eu un accident qui lui a fait perdre conscience. À l'hôpital de la base, les gens nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas la soigner parce qu'elle n'était pas elle-même militaire et qu'il nous fallait la conduire chez un médecin civil situé à une vingtaine de minutes de là. Que se serait-il passé si elle avait été gravement blessée et qu'elle ait eu besoin de soins médicaux immédiats? Il aurait pu être trop tard au moment de notre arrivée à l'hôpital.

Que va-t-on faire à ce sujet? J'aimerais bien voir quelqu'un de l'état-major en train de se tortiller de gêne dans son fauteuil en essayant de nous expliquer à ma femme et à moi comment une telle chose peut se produire quand la famille est, paraît-il, si importante pour l'armée.

Pour terminer, j'invite tous ceux qui sont en mesure de corriger nos problèmes à lire cet article et à faire quelque chose pour que ça change, par exemple, en nous donnant plus d'argent, de meilleurs logements ou en améliorant l'habillement.

C'est tout ce que je voulais dire.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le président: Merci beaucoup.

Caporal-chef Bill Pat

on, Cathy Hamilton, sergent Dan Meehan, Millie Evans—ce sont là quelques-unes des personnes qui n'ont pas eu la possibilité de s'exprimer hier soir.

Millie Evans.

• 0920

Mme Millie Evans (témoigne à titre personnel): Je vais vous parler du problème des affectations des militaires et de la façon dont on traite les membres de l'armée après une mutation.

J'ai quitté l'armée en octobre 1996, après 15 ans de service. J'ai été postée ici jusqu'en juillet 1996. En octobre de cette année-là, j'ai été contrainte à demander ma libération parce que ma fille était malade.

En 1995, en effet, on a diagnostiqué chez elle le syndrome de Tourette. Je ne sais jusqu'à quel point vous connaissez cette maladie: le syndrome de Tourette provoque une grande instabilité mentale. Ma fille a subi les taquineries de ses petits camarades et de la société en général, les gens la regardaient avec insistance et ses instituteurs la laissaient de côté.

Elle avait 10 ans quand elle a été diagnostiquée. Elle parlait de mort et de suicide. Elle écrivait des poèmes sur la mort et le suicide. C'était difficile. Nous n'avons pas su quel était le problème avant qu'on la diagnostique en 1995.

À la fin de 1995, on nous a annoncé que mon époux était promu, ce qui voulait dire qu'il allait être muté. Pas de problème! Ce n'est pas ce que nous voulions, mais comme nous étions dans l'armée, nous devions faire avec.

À cette époque, ma fille était suivie régulièrement par ses médecins et tout été organisé pour elle. Notre unité était au courant. Les gestionnaires de carrière étaient également au courant du problème; ils nous ont mutés à Borden, ce qui n'était pas si mal. C'était en fait une bonne mutation, parce que nous demeurions au pays et que nous pouvions obtenir l'assistance nécessaire pour notre fille.

En novembre 1995, nous avons été transférés à Petawawa, qui est synonyme de missions multiples, de missions de l'ONU et d'exercices. Il n'y a qu'à voir tout ce qu'on a fait au cours des 18 derniers mois. Les gens ne sont jamais chez eux. Mon mari et moi étions donc tous deux dans l'armée à cette époque. Aujourd'hui encore, il peut être déployé n'importe où dans le monde avec un préavis de 48 heures.

À notre arrivée ici, j'ai essayé d'obtenir un poste qui aurait pu me permettre de rester sur place et de continuer à m'occuper de ma fille, parce qu'elle avait besoin de moi. Eh bien, on m'a tout de suite envoyée dans une unité de campagne. En d'autre temps, les choses ce seraient très bien passé, mais à cette époque il fallait que je reste sur place, pour ma fille.

Nous avons essayé de négocier un poste qui m'aurait permis de rester là, mais personne n'a voulu nous aider. Pas de problème!

Quand nous avons vu le responsable des mutil... j'allais presque dire le «responsable des mutilations».

Des voix: Bravo! Bravo!

Mme Millie Evans: Donc, quand nous avons vu le responsable des mutations, c'est-à-dire le gestionnaire de carrières à Gagetown à propos de mon affectation dans une unité de campagne—nous venions juste d'en partir en 1991 et voilà qu'on nous y renvoyait—je lui ai expliqué notre problème et il n'a rien trouvé de mieux à me dire qu'il fallait voir un médecin pour régler tout ça. Or, cette maladie ne peut être réglée comme ça.

Enfin bref, nous voilà à Petawawa. J'ai tout de suite été envoyée sur le terrain et mon mari a remis sur préavis de 48 heures. Qu'en était-il de notre famille? Qu'en était-il de ma fille?

Quand on nous a convoqués pour entendre le discours d'accueil au bataillon, nous étions prêts à essayer. Nous nous étions dit: Allons-y et voyons ce qui se passe.

• 0925

Nous nous sommes donc retrouvés dans la salle de cinéma de la base pour entendre le commandant du bataillon. Après que nous nous sommes installés, son bras droit est arrivé: «Asseyez-vous et fermez-la. Vous n'allez pas assister à une séance de questions-réponses; vous allez vous taire et écouter». Et c'est exactement comme cela que s'est déroulé le discours d'accueil au bataillon.

Le commandant nous a dit à peu près cela: «Vous êtes dans mon putain de bataillon que je dirige comme je l'entends. Votre travail de soldat passe d'abord, votre métier ensuite et votre famille vient en dernier». Il a alors cité les ORFC et les OAFC concernant les libérations et a ajouté: «Si vous n'êtes pas capables d'encaisser ce qui vous attend, je serai très heureux de signer votre libération»—et il a même employé des mots plus durs que cela. J'avais une fille qui parlait de suicide à la maison, et lui ne trouvait rien de mieux à dire. J'ai remis ma démission. C'est exactement ce que j'ai fait et il l'a signée un mois plus tard.

J'avais 15 ans de service, mais je n'ai droit à aucune pension. Mon mari, lui, a 25 ans de service. Ne pensez-vous pas qu'ils auraient pu faire quelque chose pour nous aider? Je venais de recevoir un grand coup de pied au cul, comme aime à le dire le CEMD, et c'était tout à fait inutile. Moi qui ai 15 ans d'expérience dans les bottines, je ne peux même pas obtenir un petit emploi à Tim Hortons parce qu'il n'y a pas d'emploi ans le coin.

J'ai effectivement décidé de quitter l'armée. J'estime que les gens qui sont en position d'influencer votre carrière devrait faire preuve de compassion et tenir compte des circonstances personnelles. Mais voilà, ils s'en foutent! Les hauts gradés ne se préoccupent plus des soldats, de la troupe. Il est certain que je ne suis pas la seule à m'être retrouvée dans ce genre de situation, dans ces affectations.

Il faut obéir, il faut aller là où on vous envoie; pas de problème! Depuis 1989, nous avons acheté trois maisons. C'est notre troisième. Cela veut dire que nous avons été mutés trois fois entre 1989 et 1996. On n'a absolument aucune considération pour nous.

Je suis dans le civil maintenant et je peux dire ce que je veux, sans craindre de représailles.

[Note de la rédaction: Longs applaudissements de l'audience]

Mme Millie Evans: C'est tout.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: C'est ici que le commandant a donné son discours de bienvenue au régiment?

Mme Millie Evans: C'est ici, mais pas dans ce bâtiment. C'était dans la salle de cinéma.

M. Art Hanger: C'est le genre de discours de bienvenue habituel?

Mme Millie Evans: Avez-vous été accueilli dans votre emploi de la sorte? Je ne le pense pas.

• 0930

M. Art Hanger: Est-ce habituel que le commandant accueille les nouveaux venus de cette façon au régiment?

Mme Millie Evans: On ne m'a jamais parlé ainsi en 15 ans de service. Jamais!

M. Art Hanger: Et vous n'étiez pas seule je suppose.

Mme Millie Evans: Que non, nous étions un groupe important. Je suis certaine qu'il y a même des gens ici qui ont été mutés à cette base en même temps que moi et qui se sont retrouvés dans les autobus et dans cette salle de cinéma pour écouter le discours du commandant.

[Note de la rédaction: Applaudissements de l'audience]

Une voix: Quelle unité?

Mme Millie Evans: Voilà le genre de commandant avec qui ceux qui restent doivent composer. Effectivement, je n'ai pas été la seule à l'entendre.

M. Art Hanger: Vous avez passé 15 ans dans l'armée. Pendant cette période, avez-vous constaté que le fossé s'est creusé entre les officiers et les autres?

Mme Millie Evans: Que oui! Il y a même une ségrégation.

M. Art Hanger: Pardon? Les choses sont pires?

Mme Millie Evans: Il y a même une ségrégation qu'on n'a jamais constatée auparavant dans l'armée.

Je suis vraiment très surprise qu'on ait autorisé des soldats et des sous-officiers subalternes à venir témoigner devant vous. Habituellement, on ne permet pas aux sous-officiers subalternes...

[Note de la rédaction: Inaudible à cause des applaudissements de l'audience] Les sous-officiers supérieurs, eux, sont pris entre le marteau et l'enclume. Ils essaient de satisfaire tout le monde.

M. Art Hanger: Pourquoi cette division, selon vous? Que se passe-t-il?

Mme Millie Evans: C'est parce que tout le monde s'en fout.

Des voix: Bravo! Bravo!

Mme Millie Evans: Les gens sont tellement préoccupés de leur propre sort, qu'ils ne s'inquiètent pas des autres. Ils s'en foutent du petit caporal-chef qui doit soigner un enfant malade chez elle. Tout ce qui les intéresse, c'est leur promotion à venir, c'est d'apporter le café du patron le matin pour soigner cette promotion. Ils s'en foutent bien pas mal de la piétaille: c'est chacun pour soi. On fait une petite faveur au patron qui vous la rendra bien un jour. Il faut retirer ses billes au bon moment. C'est comme cela que les gens voient la chose.

Comme je le disais, je suis surprise qu'on ait autorisé ces gens-là à venir ici. Il y en a beaucoup sans doute à qui on a dit de ne pas prendre la parole. Il y a toujours la notion de devoir qui plane au-dessus de nos têtes.

M. Art Hanger: Pensez-vous qu'il y a eu des manoeuvres d'intimidation pour empêcher les gens de parler à cette réunion?

Mme Millie Evans: J'en suis certaine. On n'a pas essayé avec moi, parce que m'en fout maintenant.

Des voix: Bravo, bravo!

Mme Millie Evans: La seule intimidation qu'il y ait eu dans mon cas, c'est que mon mari m'a demandé de ne pas mentionner son nom. C'est tout de même une forme d'intimidation que les échelons supérieurs ont exercée sur lui.

Je suis certaine qu'il y a eu des intimidations, mais je n'en ai pas confirmation.

M. Art Hanger: J'aimerais savoir s'il y en a eu.

Constate-t-on une brouille entre les sous-officiers et les officiers ou plutôt par rapport aux caporaux et aux soldats?

Mme Millie Evans: Que voulez-vous dire?

M. Art Hanger: Y a-t-il un mécontentement chez les sous-officiers également ou surtout chez les caporaux et les soldats?

Mme Millie Evans: Je ne comprends pas votre question. Je ne vois pas ce que vous voulez dire.

• 0935

M. Art Hanger: Pas de problème. Je déduis de ce que vous avez dit qu'un certain mécontentement règne dans l'armée et que le fossé se creuse entre les sous-officiers et les officiers. C'est cela? Est-ce que c'est ce qui se passe en général?

Mme Millie Evans: Il y a trois niveaux. Il y a les militaires du rang, du soldat au caporal-chef, et il y a les sous-officiers supérieurs, du sergent...

M. Art Hanger: Et au-dessus.

Mme Millie Evans: ... à l'adjudant-chef, après quoi viennent les officiers.

Le fossé se creuse de plus en plus entre les sous-officiers supérieurs et les soldats et caporaux. Comme je le disais, j'attribue essentiellement cela au fait que les sous-officiers supérieurs sont pris entre deux feux. Ils sont pris entre les officiers et leurs subalternes qu'ils sont censés aider, mais ils ne peuvent pas toujours contenter tout le monde. C'est sans doute une question de protocole.

M. Art Hanger: Sûrement. Très bien, je vous remercie.

Le président: Monsieur Benoit? Très bien, il n'y a pas d'autres questions.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Moi j'en ai.

Le président: Ah bon, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Ne mettez pas un libéral responsable d'un autre libéral. Je n'y arriverai jamais ici!

Millie, j'ai du mal à comprendre comment fonctionnent les gestionnaires de carrière. C'est incroyable, je ne comprends pas qu'ils puissent être sans coeur à ce point là, qu'ils puissent avoir cette attitude condescendante. Je ne vois pas comment ils ont pu obtenir ce genre d'emploi. Ça se produit souvent?

Une voix: Oui.

M. Bob Wood: Dans nos déplacements, nous avons souvent entendu ce genre d'histoires, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre cela. C'est incroyable, dans votre cas, que quelqu'un puisse traiter un être humain de la sorte, une personne qui, de toute évidence, éprouve des difficultés familiales. Ce genre de personnage existe encore? En fait, j'aimerais savoir si ce gestionnaire de carrières qui vous a traitée de la sorte est encore ici?

Mme Millie Evans: Je suis sûre qu'il est ici, quelque part. Je ne sais pas s'il sévit encore.

M. Bob Wood: Incroyable!

Mme Millie Evans: Quand nous sommes allés lui exposer notre problème, les difficultés de ma fille, c'est ce qu'il m'a dit: d'aller voir un médecin et de régler le problème. Malheureusement, c'est un problème qui ne peut être réglé. Il nous a annoncé qu'il ne pouvait nous muter à Borden, parce qu'un autre militaire bénéficiait d'une affectation pour motif personnel.

M. Bob Wood: N'avez-vous pas vous-même demandé une affectation pour motif personnel?

Mme Millie Evans: Non. J'ai estimé ne pas devoir le faire. On aurait pu penser...

M. Bob Wood: Effectivement, c'est ce qu'on aurait pu penser.

Mme Millie Evans: Quoi qu'il en soit, il y avait cet autre militaire qui devait bénéficier d'une affectation pour motif personnel. Après qu'on nous a mutés, mon mari et moi, nous avons découvert que l'affectation accordée à ce type à la place de mon mari ne correspondait pas du tout à un motif personnel. Cela faisait déjà deux ou trois ans qu'il était à Borden et comme son fils voulait finir le secondaire sur place, on l'a muté ailleurs, sur la même base, pour qu'il n'ait pas à quitter la région. On lui a donné le poste qui aurait dû nous revenir, parce que son enfant voulait finir l'école secondaire pendant que ma fille, à la maison, parlait de suicide. Vous comprenez?

M. Bob Wood: Non, je ne comprends pas. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre tout cela. Mais apparemment ce sont des choses qui arrivent.

Mme Millie Evans: Je suis sûre de ne pas être la seule a avoir éprouvé ce genre de problème avec un gestionnaire de carrières. Je ne sais pas combien de gens ici ont des problèmes familiaux. Tout le monde n'a pas une famille parfaite.

Effectivement, nous avons signé un contrat, mais il y a toujours moyen de moyenner. J'ai 15 ans de service... Je me suis engagée à la sortie du secondaire et maintenant, je me retrouve sans rien, absolument rien! Il leur aurait suffi de faire un petit quelque chose. Quelqu'un aurait pu faire quelque chose.

M. Bob Wood: Effectivement, on aurait pu.

Mme Millie Evans: Mais personne n'a rien fait.

• 0940

M. Bob Wood: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Caporal Vance Taylor? Nancy Barber? Pat Eglinton?

Caporal-chef Pat Eglinton (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, bonjour mesdames et messieurs du comité.

En février de l'année dernière, en 1997, j'ai suivi un cours d'animateur en matière de plaintes pour harcèlement. Par la suite, j'ai instruit dans ce domaine quelque 150 à 200 militaires de mon régiment. Cela m'autorise donc à parler pour la plupart de mes subalternes qui n'ont pas hésité à venir se confier à moi.

Ils sont nombreux à ne pas vouloir s'exprimer devant un comité comme le vôtre par crainte de représailles. Par exemple, on a dit à des gens de mon régiment que leur avis ne valait pas la peine d'être entendu, et qu'ils n'étaient pas autorisés à venir s'exprimer ici.

En revanche, mon commandant d'unité, que j'admire beaucoup parce qu'il défend ses hommes, a jugé qu'ils pouvaient venir témoigner, que c'était leur droit.

C'est ainsi que des gens sont venus, parce qu'ils voulaient témoigner, même s'ils risquent d'être accusés de PSP. Il est peu probable qu'on leur reproche cela. Quoi qu'il en soit, j'ai plusieurs choses à vous raconter en leur nom.

Commençons par les questions médicales. J'étais présent hier soir et j'en ai beaucoup entendu à ce sujet. J'ai constaté moi-même, ainsi que des camarades avec qui je me suis entretenu, que les gens ont l'impression d'être traités comme du bétail quand ils vont voir un médecin à la SEM de la base et qu'on leur donne la pilule du soldat, c'est-à-dire un Motrin.

Un de mes amis a eu un accident. Il est tombé à la renverse d'une plate-forme de camion s'est heurté la tête contre le pare-chocs du véhicule de derrière. Le médecin qu'il a consulté lui a dit que son mal de tête était mineur; il l'a examiné et a décrété que quelques Motrin et des Tylenol 3 suffiraient.

Son mal de tête n'ayant pas disparu au bout d'une semaine et demie, il a décidé de se présenter au Centre médical du groupement tactique où l'on a constaté qu'il était atteint d'un syndrome de post-commotion. On lui a fait passer un examen TDM, parce qu'on voulait savoir s'il présentait des dommages au cerveau ou s'il y avait eu hémorragie interne. Voilà comment les choses se passent avec les médecins militaires.

Personnellement, je me suis déjà présenté à l'hôpital de la base à cause d'un asthme d'effort. Dans cette situation, les médecins vous donnent un bronchodilatateur à pompe ou un Flovent, qui est un corticostéroïde.

Je me suis intéressé de plus près à cela et j'ai découvert qu'on peut combattre l'asthme d'effort en augmentant sa capacité pulmonaire. C'est ce que j'ai fait en nageant et en travaillant de mon côté pour améliorer ma condition, et j'ai obtenu des résultats. Je n'ai plus besoin d'utiliser une pompe bronchodilatatrice.

Si c'est tout ce dont j'ai eu besoin, pourquoi donc suis-je aller voir un médecin? Une visite ne dure qu'une quinzaine de minutes, pas plus.

En 1992, j'ai été envoyé au Koweit dans le cadre de l'UNIKOM, la Mission d'observation des Nations Unies pour l'Irak et le Koweit. À cause du milieu particulier et des insectes qu'on trouve là-bas, on nous a administré un médicament antipaludique. C'est le même genre de médicament que celui qu'on a donné à nos soldats en Somalie: du chloridrate de méfloquine. Je me rappelle fort bien avoir lu sur l'étiquette du flacon «À titre expérimental seulement», et je sais qu'un de mes camarades a déposé une de ces flacons dans son coffret de sécurité à la banque pour l'avoir sous la main au cas où ce chloridrate méfloquine occasionnerait une déstabilisation des processus mentaux...

• 0945

En Somalie, par exemple, on administrait ce médicament au personnel de chaque compagnie ou de chaque groupe aux deux jours: les samedis, les mardis et les jeudis. Le lendemain, les gens étaient instables, éprouvaient des troubles mentaux, étaient très stressés, étaient en manque, avaient la diarrhée, bref éprouvaient les mêmes troubles médicaux que ceux qu'on avait associés au syndrome de la guerre du Golfe. On avait donné des surnoms à toutes ces journées-là: les lundis de déprime, les mercredis débiles et les vendredis dingues.

Tant que le CSS n'aura pas décrété que le chloridrate de méfloquine est la cause de ce genre d'instabilité, aucun soldat ayant pris ce médicament, et qui n'avait pas le droit de le refuser... En fait, nous commençons à refuser certains médicaments, comme la vaccination contre le charbon qu'un sergent n'a pas voulu se faire administrer. Eh bien, tant que le CSS ne se décidera pas à déclarer que ce genre de médicament cause des problèmes et qu'il faut rembourser les soldats touchés, le problème en question ne sera pas réglé.

Passons à mon autre point. Tout le monde parle ici. Moi, je suis caporal-chef. J'admets percevoir une solde de 38 000 $ par an. J'ai quitté les LF parce que j'étais révolté par les conditions de vie. J'ai donc acheté une maison. Je n'avais pas d'argent pour la mise de fonds, puisque je m'en sortais à peine dans un LF. Heureusement, j'avais placé quelques sous dans un REER au cours des cinq années précédentes et je m'en suis servi comme acompte.

Maintenant que j'ai cette maison, je commence à me demander si le PGRPI existera encore quand je voudrai déménager. J'en suis au point de ma carrière, où si je dois être muté ailleurs, j'espère que ce sera dans une école, comme l'École du groupe de bataille ou l'École des Forces canadiennes de génie militaire, pour trois ou quatre ans. Ma femme ne me suivra pas, parce que nous devrons garder la maison. Pas question que j'assume une perte de 17 000 ou de 30 000 $ en la vendant... c'est le genre de chiffre dont j'ai entendu parler.

Des voix: Bravo, bravo!

Cplc Pat Eglinton: Donc, j'ai 38 000 $ et je suis propriétaire d'une maison. J'avoue posséder quelques joujoux et un véhicule pour aller au travail. Pourquoi ai-je acheté cette maison? Je l'ai achetée à cinq minutes de marche du travail de ma femme pour qu'elle puisse s'y rendre à pied et qu'on économise sur l'essence.

Je n'ai pas de problème, je sais que je peux m'en sortir avec ma solde. En revanche, nous aurions des difficultés si ma femme ne travaillait pas. Selon moi, les soldats et les caporaux sont bien en dessous du seuil de pauvreté, et il y en a qui prétendent que c'est parce que nous bénéficions de soins dentaires et médicaux gratuits. Eh bien, je vais vous donner un exemple de soin médical gratuit.

Des voix: Bravo, bravo!

Cplc Pat Eglinton: J'ai pour principe qu'il ne faut pas se plaindre quand on a rien à recommander de mieux. Les soldats paient des impôts sur le revenu et des taxes provinciales. Si vous voulez nous donner une augmentation, rappelez-vous que nous travaillons pour le gouvernement du Canada. Je sais très bien que la loi prévoie que tous les Canadiens et les Canadiennes sont tenus de payer des impôts et des taxes. Vous pourriez très bien accorder des abattements fiscaux aux militaires. Oubliez le fait qu'ils doivent faire des déclarations d'impôt. Personnellement, j'obtiendrais 700 $ de plus par mois. Savez-vous ce que je dois faire quand je ne peux réclamer de contribution au REER à la fin de l'année? Eh bien, je compense le dernier mois.

Faudrait-il continuer à payer les contributions d'assurance-chômage? Bien sûr. Personnellement, j'estime que ce devrait être un impôt sur le chômage, pas une assurance, car je devrais pouvoir choisir de payer ou non une assurance de ce genre.

Donc, il faut rechercher les abattements fiscaux, et éliminer par exemple l'impôt provincial que je dois payer. J'ai été muté à l'extérieur du pays. J'ai passé six mois en ex-Yougoslavie. J'ai été affecté trois fois à l'étranger. Chaque fois que je reviens, je dois payer de l'impôt provincial pour toute l'année.

Si vous éliminiez l'impôt sur le revenu pour les soldats, vous continueriez à leur verser 38 000 $ par an, mais vous n'auriez plus à vous soucier de leur accorder une augmentation, parce qu'ils ne seraient plus imposés. C'est une suggestion que je vous fais. Je ne sais pas comment vous pourriez faire pour y donner suite. Je sais que la loi du pays stipule que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes doivent payer un impôt sur le revenu.

Une voix: On pourrait appliquer des mesures de guerre temporaires.

Cplc Pat Eglinton: C'est ça, des mesures de guerre temporaires.

• 0950

Voilà une idée pour nous exempter de l'impôt sur le revenu. Tout soldat travaillant pour la nation... Comme je le disais, je touche 38 000 $ par an et je travaille aux côtés de civils qui perçoivent davantage. Nous sommes payés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, mais nous travaillons 8 heures par jour, 40 heures par semaine. C'est ainsi. On peut m'appeler à 4 h du matin puis me rappeler le même jour à 18 h. Je peux être parti tous mes week-ends. C'est ainsi.

Il y a d'autres choses qui viennent s'ajouter à la paie, comme les primes d'affectation et les IOC. Ainsi, une affectation en ex-Yougoslavie donne actuellement droit à une solde correspondant à un niveau de danger 5. Un simple soldat touche environ 1 400 $, selon ce qu'il fait et selon la durée de son affectation. Quand j'étais au Koweit, j'ai appris que tout soldat déployé dans le cadre d'une mission de l'ONU rapporte 150 à 180 $ US par jour. Les observateurs militaires, eux, perçoivent la totalité de cette prime, mais ils doivent payer eux-mêmes leur gîte et leur couvert, où qu'ils soient affectés.

Nous, nous étions logés dans des tentes de toile, on nous donnait un lit de camp, éventuellement un bureau pour travailler et nous devions passer six mois ininterrompus dans ces conditions, à l'exception de deux ou trois week-ends de libre et de trois semaines de vacances. Si l'on fait la multiplication, ces 150 à 180 $ par jour donnent 4 500 ou 4 800 $. Comme je n'ai touché que 1 400 $, on peut se demander où sont passés les 3 000 autres dollars.

L'IOC, l'indemnité d'opérations en campagne, versée aux unités de campagne, correspond à 12 $ par jour ce qui, après impôt, donne environ 8 $ au plus.

D'un autre côté, les indemnités de service en mer et les indemnités du personnel navigant sont versées à ceux et celles qui y ont droit, pour des périodes de 24 heures, qu'il soit dedans ou dehors, sans égard à leurs activités. On dit qu'elles sont versées pour des «conditions ambiantes extérieures extrêmes».

Mon frère travaille sur le NCSM Calgary. Il perçoit son indemnité de service en mer tous les jours, que son bâtiment soit en cale sèche ou en mer. À bord, il a son ordinateur, il a accès à une salle de musculation et a une «coquerie». Il peut faire tout ce qu'il veut quand il n'est pas à bord. Les conditions de vie sur le bateau sont agréables, il y fait chaud. Certes, je vous l'accorde, il doit passer de longues périodes en mer, mais c'est pour cela qu'il touche une indemnité de service en mer.

C'est la même chose pour l'indemnité du personnel navigant. Pour toute période 24 heures hors de la base, les équipages ont droit à l'indemnité du personnel navigant pour tout le mois, qu'il passe le reste du temps sur la base ou à l'extérieur. Ces gens-là ne travaillent pas 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Nous percevons l'IOC de 12 $ quand nous sommes soumis à des intempéries, dehors, 24 heures sur 24. Je vous le concède, c'est notre travail, mais il faudrait que nous soyons un peu mieux indemnisés pour cela. C'est pathétique de voir que des soldats se font envoyer en mission de l'ONU pour gagner un peu plus et parvenir à joindre les deux bouts, et pas parce qu'ils veulent vraiment y aller.

Des voix: Bravo, bravo!

Cplc Pat Eglinton: La question que je voulais aborder ensuite a été soulevée hier soir: il s'agit de la progression latérale. Je travaille pour le sergent-major de mon régiment. Je dois travailler sur un ordinateur et posséder des compétences d'organisation, entre autres. Or, ce n'est pas l'armée qui m'a formé en informatique, j'ai tout appris tout seul.

Je contribue à alléger la tâche de ce que nous appelons les services d'information. Nous avons environ 90 ordinateurs au régiment et seulement deux types pour les entretenir. Légalement, je ne devrais pas faire cela, mais je les aide. Si quelqu'un a des problèmes et se rend aux SI, il se fait dire que les gens sont trop occupés mais que «tête d'oeuf» pourra éventuellement les aider. Au cas où vous ne l'auriez pas compris, «tête d'oeuf» c'est mon surnom.

C'est cela que je fais. Il y a des gens qui viennent se plaindre que leur ordinateur est trop lent, alors que leur explique ce qui se passe, je leur dis qu'il faut faire ceci ou cela. Je les éduque. J'essaie de leur apprendre quelque chose pour qu'ils se débrouillent tout seul et n'aient pas à attendre qu'on vienne les dépanner. C'est cela le monde dans lequel on vit: on ne peut plus se contenter de faire le travail pour lequel on s'était engagé.

Quand je me suis engagé, j'ai signé un document où il était écrit: «041, travaux de génie, manutention d'explosifs, pontage et conduite de gros outillage: joignez-vous à nous!» Je m'étais dit que ce serait fantastique, que je sortirais de là avec un métier en main, qu'au bout de 20 ans je pourrais travailler pour une entreprise de dynamitage ou de construction.

Ce que je ne savais pas alors, mais que j'ai découvert plus tard, c'est qu'avant de passer sur outillage lourd, correspondant à la qualification 042, il me fallait commencer par la 041, ce que j'ai fait pendant trois ans.

• 0955

Quelle est la principale mission d'un sapeur? Arrêter l'ennemi, arrêter sa progression et favoriser l'avance de nos troupes. Deuxièmement, nous devons apporter un soutien à l'infanterie.

Que fait un militaire de catégorie 042? Il conduit des gros engins. Mais avant de décider si je voulais avoir la qualification 042, il m'a fallu passer par la 041. Plus tard, j'ai fait un choix. J'ai décidé d'en rester là; j'ai décidé de conserver la qualification 041 parce que ce que je faisais me plaisait.

Bien des fois au cours de ma carrière, je me suis dit que c'était fini, que j'en avais assez et que j'allais me lancer dans l'inconnu et quitter l'armée. C'est en effet un saut dans l'inconnu que de quitter l'armée. Vais-je pouvoir trouver un emploi me rapportant la même chose? Vais-je pouvoir maintenir mon niveau de vie? C'est pour cela que je parle de saut vers l'inconnu.

Pour l'instant, je ne peux pas encore le faire. Je viens juste d'acheter une maison que je dois finir de payer. D'ailleurs, j'ai décidé d'accélérer les remboursements pour m'en débarrasser le plus vite possible et ne plus m'en inquiéter.

Pour ce qui est de la progression latérale, sachez que vous n'auriez jamais pu me payer pour chaque petit travail que j'ai fait.

Des voix: Bravo, bravo!

Cplc Pat Eglinton: Comme je le disais, je suis le chauffeur du sergent-major du régiment, ce qui, n'importe où ailleurs représente un salaire de 34 000 à 40 000 $ par an.

À l'occasion, je suis garde du corps, en opération ou dans des contextes du genre. Je sais que les gardes du corps touchent facilement 50 000 à 60 000 $.

Je suis aussi nettoyeur. Quand j'ai fait mon instruction élémentaire, mon cours trois, mon cours cinq et mon CCC, j'ai fait des corvées de nettoyage. J'étais plié en deux au-dessus des toilettes, comme pour vomir. En fait, je les nettoyais avec une brosse à dent parce que c'est ce que le sergent m'avait ordonné de faire. Eh bien, je l'ai fait.

Un nettoyeur touche 25 000 à 30 000 $ par an.

De plus, je prête main forte en informatique. Je sais qu'un spécialiste en informatique gagne beaucoup plus que moi.

Qui plus est, je suis démineurs, je construis des ponts et je suis spécialiste du démolissage. Pour cela, on me paie 38 000 $ par an.

En tout, cela fait presque 130 000 $. Je suis loin d'en voir la couleur.

Vous pouvez donc considérer que la progression latérale est une bonne chose si vous la voyez sous l'angle de l'unification des métiers, mais ce n'est pas si bon que cela si vous considérez que je fais beaucoup plus que ce que je devrais faire.

Quelqu'un a parlé des OAFC. Eh bien, dans les OAFC, on considère encore que la trahison est un crime passible de la peine de mort. C'est ce que disent encore les OAFC. Nos ordonnances, nos règlements et nos ordonnances administratives continuent de parler de «peine de mort».

Dans le temps, il n'était pas question de syndiquer l'armée. Ce que je vais vous dire, je vais sans doute le dire au nom de la plupart des gens présents ici: qu'un syndicat puisse fonctionner ou pas, peu importe, ce n'est pas ce dont nous avons besoin.

• 1000

La GRC a une association depuis des années maintenant, et je pense qu'il est temps que l'armée se dote elle aussi d'une association du genre, du moins d'un mouvement qui nous permettrait d'exprimer notre opinion et de faire part de nos problèmes, plutôt que d'avoir à attendre que notre commandant invite les sergents et les officiers supérieurs à s'en aller pour demander aux caporaux et aux soldats s'ils ont des problèmes.

Notre commandant nous a fait part de son opinion. Qu'adviendra-t-il à partir de là, je ne le sais pas. Il est possible que le CEMD en ait entendu parler et qu'il se soit dit: «s'ils ne sont pas d'accord avec le régime actuel, qu'ils s'en aillent».

Il nous faudrait donc une forme d'association grâce à laquelle nous pourrions exprimer notre avis à un comité comme le vôtre, qui transmettrait directement à Ottawa... C'est d'ailleurs pour cela que vous êtes ici. Personnellement, je dirais qu'il ne faut pas tirer sur le messager. Je ne fais qu'exprimer mon opinion pour que vous puissiez rentrer avec quelques munitions de 105 à Ottawa.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire.

Je voulais aussi vous parler des LF, mais j'estime que les gens en ont fort bien parlé hier soir.

Le président: Monsieur Wood, avez-vous une question?

M. Bob Wood: Oui. Caporal, vous avez abordé plusieurs aspects fort intéressants, mais j'aimerais que nous revenions sur la question des affectations.

Vous avez parlé du Koweit et de l'écart entre les sommes versées à l'armée et ce que vous avez touché. Pourriez-vous m'expliquer cela un peu mieux? Vous dites que vous deviez toucher 100 ou 150 $ US par jour. Cette somme était-elle versée aux troupes canadiennes ou uniquement aux troupes américaines; sinon, qu'est-ce qui était prévu?

Cplc Pat Eglinton: Nous n'avons pas reçu ce montant. À l'époque, pendant l'affectation au Koweit, on nous a dit que chaque béret bleu percevait 150 $ par jour.

M. Bob Wood: Versés par les forces de l'ONU?

Cplc Pat Eglinton: C'est cela.

Je ne parle pas de l'IFOR ni de la SFOR, mais de deux affectations dans d'autres forces de l'ONU où l'on nous a affirmé que chaque béret bleu déployé rapportait 150 $ par jour à son contingent.

M. Bob Wood: Vous dites que cela faisait en tout 4 000 $.

Cplc Pat Eglinton: À peu près. Je n'ai pas fait le calcul moi-même, mais nous pensons...

M. Bob Wood: Mais vous dites que vous n'avez vu que 1 400 $ de cette somme.

Cplc Pat Eglinton: C'est cela, nous avons touché 1 400 $ sur... On parle de 180 $ par jour pour 1 810 jours, parce que je suis resté là-bas six mois.

M. Bob Wood: Et personne ne sait ce qu'il est advenu des 3 000 autres dollars?

Cplc Pat Eglinton: J'ai fait des recherches et j'ai trouvé qu'une partie de cet argent revenait à l'État. En effet, l'État prélève sa quote-part au titre de l'impôt; il paie les rations et loue des emplacements à l'étranger.

M. Bob Wood: Très bien.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Ce que vous avez dit au sujet des vaccinations, de la méfloquine, m'a beaucoup intéressé...

Cplc Pat Eglinton: Il s'agit de l'hydrochlorate de méfloquine.

M. Art Hanger: Bien. Rien n'a été décidé au sujet de cette drogue, même pas chez nos voisins du sud.

Cplc Pat Eglinton: C'est ce que j'ai cru comprendre, monsieur.

Il s'agit d'un médicament antipaludique. Je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi on nous a donné ce médicament expérimental plutôt que la quinine, qui est connue et approuvée par la FDA—ou par l'agence canadienne équivalente—pour combattre le paludisme. Personnellement, j'en ai pris parce que je ne voulais pas attraper la malaria, mais c'est un choix personnel. On peut, cependant, se demander pourquoi on a donné ce médicament expérimental aux militaires ayant servi dans l'UNIKOM et en Somalie. Pourquoi nous a-t-on donné un médicament expérimental alors qu'au Koweit on avait déjà établi qu'il provoquait des déséquilibres mentaux dès le lendemain de son absorption?

M. Art Hanger: Je sais, il en a été question lors de l'enquête sur la Somalie, mais aucune conclusion n'a vraiment été formulée à ce sujet.

Un autre constat s'impose: on n'a pas recueilli de données solides relativement à l'utilisation de cette drogue par les militaires canadiens. Le personnel médical n'a pas tenu de registre valable établissant qui a pris ces médicaments, à quelle dose et pendant combien de temps.

• 1005

Cplc Pat Eglinton: Tout ce que je sais, c'est qu'au Koweit on nous demandait d'en prendre une fois par semaine. C'était la même chose en Somalie, si ce n'est que la prise se faisait sur trois jours. Après avoir pris ce médicament pendant une semaine, nous devions aller à l'infirmerie le premier jour de la semaine suivante et l'on nous demandait comment nous nous sentions. Je ne sais pas si l'on a tenu des registres à l'époque, mais je sais que le lendemain, ou du moins deux ou trois jours après, on nous donnait des espèces de conseils médicaux. Comme je le disais, on nous demandait comment nous nous sentions ou comment nous fonctionnions au travail.

M. Art Hanger: Très bien. Avez-vous ressenti des effets secondaires?

Cplc Pat Eglinton: Moi pas, mais ma femme pense que j'en ai eus.

Des voix: Ah, ah!

Cplc Pat Eglinton: J'admets que quand je suis retourné de mon affectation, j'ai constaté un changement chez moi. J'étais rapide à la détente, je partais au quart de tour. Je l'admettais moi-même et je suis d'ailleurs parvenu à maîtriser ces pulsions.

M. Art Hanger: On m'a dit que certains personnels de l'armée, de même que des marins du NCSM Toronto, ont reçu une vaccination contre le charbon. En avez-vous entendu parler ensuite?

Cplc Pat Eglinton: La vaccination contre le charbon était donnée en deux injections. J'ai entendu parler d'un sergent qui a failli mourir après la première injection et qui a refusé la deuxième. Il est sur le point d'être mis en accusation pour insubordination et refus d'obtempérer à des ordres.

M. Art Hanger: Je sais. Estimez-vous que ce soit justifié?

Cplc Pat Eglinton: Pas sur le plan des droits de l'homme. On aurait dû lui donner le choix d'être vacciné ou pas.

M. Art Hanger: C'est un raisonnement difficile à suivre. Ne pensez-vous pas que l'ordre qui a été donné était justifié puisque les militaires en question devaient être déployés dans une zone dangereuse?

Cplc Pat Eglinton: Laissez-moi vous donner un exemple. Nous nous entraînons à ce que nous appelons la guerre NBC, c'est-à-dire nucléaire, biologique et chimique. Nous portons des combinaisons avec masque intégré muni d'un filtre à charbon. Pendant cinq ans environ, tout de suite après mon engagement en 1989, nous avons utilisé un insectifuge appelé Nero. Lors d'un d'un exercice, je portais ma combinaison NBC, sur laquelle j'avais collé des papiers réactifs NBC indiquant si l'on est soumis à un agent vésicant, à un agent neurologique ou à un agent chimique. En fait, nous portions cette tenue parce que les moustiques étaient particulièrement virulents, et je me suis fait vaporiser de Nero au niveau du masque. Je vous disais que nous portions des papiers réactifs NBC: on en met un sur l'épaule, l'autre sur le poignet et le dernier sur la jambe. J'ai donc demandé qu'on me vaporise à hauteur du visage et aussi sur le détecteur chimique apposé sur mon épaule. Il a immédiatement viré au jaune, ce qui est indicatif d'un agent vésicant.

Je m'en suis étonné. C'est d'ailleurs la dernière fois que je me suis fait vaporiser de Nero. On a continué à utiliser cet insectifuge pendant cinq ans. J'ai souffert. J'en suis venu au point où je me munissais de mon propre «Off» ou «Skintastic», ou d'autres insecticides du genre. Donc, j'achetais ce qu'il me fallait dans le commerce. Je comprends tout à fait que les insectes ne nous embêtaient plus après un coup de Nero.

Je pourrais vous donner d'autres exemples de camarades qui ont utilisé le Nero et qui se sont rendu compte que c'est un agent vésicant.

M. Art Hanger: Je sais que le CSS n'a pas vraiment pris de décision au sujet de la vaccination contre le charbon. Les Américains et les Britanniques avaient utilisé ce genre de vaccination. C'est à cause des circonstances qu'on a jugé nécessaire de vacciner le personnel militaire canadien contre le charbon. Avez-vous entendu parler d'autres cas de militaires ayant subi des effets secondaires à cause de ce médicament?

Cplc Pat Eglinton: À cause de la vaccination contre le charbon? Non. Il faut analyser la chose au cas par cas. Sur 1 000 personnes vaccinées, il y en aura forcément une qui fera une réaction violente.

M. Art Hanger: C'est possible.

Cplc Pat Eglinton: Je ne veux pas parler à la place du sergent concerné, mais voilà qu'il est accusé d'insubordination alors qu'il ne supportait pas cette injection. Est-ce qu'un soldat ne peut être déployé à cause d'un tel refus? Effectivement, si vous voulez voir les choses ainsi, parce qu'on ne peut l'envoyer sur une zone de combat. D'un autre côté, comment peut-on penser que 66 000 soldats suffiront à défendre le Canada en temps de guerre? Il en a fallu un million et demi pendant la Première Guerre mondiale.

• 1010

Nous devons évidemment nous entraîner pour assurer la protection de notre pays mais, à notre époque, à l'heure où l'on reconnaît les soldats canadiens pour leur capacité en matière de maintien de la paix, on ne peut plus parler de forces armées, mais de forces de maintien de la paix et il faut orienter notre travail en conséquence et adapter notre milieu en fonction de cela. Nous sommes bons dans ce genre de missions.

Nous utilisons un matériel vieux de 30 ans que nous pouvons réparer sur place, parce que c'est ce qu'on nous a appris. Nous savons comment l'utiliser et comment le faire fonctionner.

Je ne sais combien de fois je me suis retrouvé dans un TTB qui m'a lâché entre les pattes. Qu'à cela ne tienne, me suis-je dit chaque fois, je ne vais pas attendre un mécanicien pour réparer, comme on le fait dans l'armée américaine. Nos camarades américains disent qu'ils ne savent pas réparer et ils attendent l'arrivée du mécanicien. Le mécanicien se pointe, il se rend compte qu'il faut une pièce et tout ce beau monde doit ensuite attendre le type des pièces. Quand la pièce arrive, le mécanicien la pose et le chauffeur repart. Nous, on ne peut pas faire ça.

Les soldats canadiens se débrouillent. Nous en sommes au point où nous pouvons même expliquer au mécano comment réparer une pièce. Quand il arrive sur place, il se rend compte que l'axe du TTB, qui avait été cassé, a déjà été démonté. Quand il nous demande comment on s'y est pris on lui dit simplement qu'on a utilisé une clé. Le mécano remonte l'axe et une demi-heure plus tard on reprend la route, alors qu'un soldat américain doit attendre toute une journée. Mais c'est ainsi, les Américains sont très compartimentés dans leurs spécialités.

C'est ce que j'ai constaté lors de mon cours à Fort Lewis, à l'occasion d'un exercice de construction de pont. Il y avait un type dont le travail consistait essentiellement à insérer les axes reliant les divers éléments du pont. Il ne faisait rien d'autre. C'est pour cela qu'on le payait. Dans les Forces canadiennes, les sapeurs font tous les métiers. Qu'en est-il de la progression latérale? Prenez mon cas, par exemple, je fais le travail normalement exécuté par 16 soldats dans les Forces armées américaines.

M. Art Hanger: Merci.

Le président: Monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier: Pat, j'ai été très impressionné par vos remarques liminaires, très honnêtes, mais il y a une chose qui m'inquiète, une chose dont on a pas mal parlé hier soir et de nouveau aujourd'hui. Millie a laissé entendre qu'on a peut-être exercé des pressions pour décourager certains d'entre vous de se présenter au microphone, de venir exprimer leurs préoccupations.

Je tiens à ce que les choses soient bien claires: les membres du Comité de la défense ont cru comprendre que toutes les personnes désireuses d'exprimer leur opinion de façon ouverte et transparente auraient la possibilité de le faire. Si l'un ou l'une d'entre vous encourt des sanctions disciplinaires pour avoir témoigné ou fait l'objet d'intimidation, n'hésitez pas à le dire au Comité de la défense, maintenant ou plus tard par écrit, parce que ce n'est certainement pas ce qu'on nous a dit.

Pour nous, de telles mesures de rétorsion constitueraient un manquement grave à l'éthique professionnelle. Nous n'accepterons absolument pas ce genre de chose, et je suis sûr que je m'exprime ici au nom de tout le comité. Je vous dis cela après avoir entendu certaines déclarations, surtout celle de Millie, qui a quitté l'armée et qui soutient bien sûr qu'elle n'a plus rien à craindre.

Je tenais à ce que cela soit très clair, pour vous qui êtes présents dans cet auditorium et pour les autres: nous sommes venus ici pour entendre vos préoccupations.

Des voix: Bravo, bravo!

Cplc Pat Eglinton: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. Colonel, vous vouliez dire quelque chose?

Le lieutenant-colonel Walter Natynczyk (commandant par intérim, 2GBMC, BFC Petawawa): Monsieur le président, mesdames et messieurs, soldats de la 2e Brigade, je suis le lieutenant-colonel Walt Natynczyk, commandant du Royal Canadian Dragoons. Je suis actuellement commandant par intérim de la Brigade, le général Hillier étant en mission à l'extérieur du pays.

Je tiens à rappeler ce que le général Hillier a dit à son groupe, notamment à tous les SMR, vendredi dernier. Il a encouragé tous les commandants d'unité à veiller à ce que leurs soldats aient la possibilité de comparaître devant ce comité aujourd'hui. Il n'y a donc pas de risque, comme le caporal-chef l'a indiqué, que les gens présents ici aujourd'hui soient accusé de PSP. Le général a été très clair sur ce point.

Alors, je vous en prie, venez dire ce que vous avez sur le coeur. C'est ce qui s'est fait hier soir, c'est ce qui s'est fait aujourd'hui et c'est fantastique. Parlez du fond du coeur, dites la vérité, je suis très heureux de l'entendre.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Cela dit, nous avons 17 autres témoins à entendre et il nous reste environ 45 minutes alors je vais demander aux personnes qui prendront la parole de s'en tenir à des exposés les plus courts possible. Je demanderai aussi à mes collègues de poser des questions les plus courtes possible, parce que nous voulons entendre tout le monde ce matin.

• 1015

Le témoin suivant est le sergent Rod MacDougall.

Le sergent Rod MacDougall (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je vais essayer de résumer mon point de vue de la façon la plus concise possible.

Hier soir, j'ai attendu ici pendant quatre heures environ que vous-même et le comité vous décidiez à entendre des gens qui avaient vraiment envie de parler. Malheureusement, au cours des derniers mois, on nous a trop souvent comparés à la fonction publique, alors que l'attitude des fonctionnaires du genre «8 h-11 h» ne colle pas du tout avec l'armée. Hier matin, je suis rentré au travail à 6 h et j'en suis sorti à 18 h. Cela fait une journée de 12 heures, ce qui est tout à fait courant pour nous. Ici, nous faisons 60 heures par semaine.

Je suis responsable de former une section en vue de la troisième rotation de l'opération Palladium. Les gens qui suivent l'entraînement ici peuvent faire deux choses: soit véritablement s'entraîner pour être sûrs de ne pas se faire tuer en ex-Yougoslavie, soit venir bavasser avec les copains pendant toute la journée. Je suis responsable envers ces gens-là. Quant à vous, qui êtes des élus, j'estime que vous avez envers nous tous présents dans cette salle, la responsabilité de retransmettre ce que nous vous disons. Dans les circonstances, vous êtes notre chaîne de commandement.

Je me suis engagé dans l'armée il y a 17 ans, je dis bien l'armée, par les forces armées. Je suis dans une arme de combat, je suis un fantassin au service du Canada. Pour en venir à mon intervention, je ne suis pas ici pour pleurnicher. Je suis venu vous proposer deux ou trois solutions de mon cru pour les problèmes qui sont pas mal répandus dans les Forces canadiennes d'aujourd'hui.

Le plus important est celui de la solde. Tout le monde en parle, toujours et encore. Mais si vous nous augmentez pour nous faire crouler sous les impôts, nous n'aurons rien au bout du compte. On est d'accord! On vous a parlé de taxes. Moi, je crois qu'il ne vous en coûterait rien de nous consentir une exemption totale. Celui qui est muté en Alberta ne paie aucune taxe provinciale, puisqu'elle est de 0 p. 100. En revanche, si on se retrouve à Terre-Neuve, il faut payer 13 p. 100. Dans l'armée américaine, les droits d'utilisation des installations de la base, du commissariat, du PX ou des installations récréatives ne sont pas visés par la taxe de vente des États. Si vous faisiez la même chose pour nous, si vous nous rameniez au plus petit commun dénominateur, c'est-à-dire la taxe de vente de l'Alberta qui est 0 p. 100, les installations de la base comme le CANEX seraient florissantes car les gens les utiliseraient, les caisses de la base se rempliraient et l'on pourrait acheter de nouveaux équipements de gymnastique sans réclamer l'argent des contribuables pour cela.

Nous avons les moyens de le faire et il n'y a aucune raison que nous ne le fassions pas. Nous sommes une petite armée, une armée de 15 000 hommes, pas de 60 000. C'est de la foutaise de dire que vous ne pouvez pas faire cela pour une petite armée de 15 000 hommes sous prétexte que nous sommes là pour soutenir une économie locale affaiblie.

Ce n'est pas ce qu'on nous a envoyé faire ici. Nous sommes pris dans une région relativement isolée. Ma femme, qui est enseignante, ne trouve pas de travail ici. Elle s'y attendait quand nous nous sommes mariés, il y a 12 ans de cela maintenant. Tout un bail! Si vous tenez absolument à vous assurer que j'ai assez d'argent pour faire vivre ma famille sur un seul revenu, accordez-nous cette exemption fiscale; cela réglera le problème. Une telle réduction correspondrait à une augmentation salariale de 7 p. 100 pour tous les gens d'ici, et si les civils s'en plaignent, qu'ils s'engagent donc dans l'armée pour voir ce que c'est qu'une semaine de 60 heures.

Je m'en sors un peu mieux que la plupart de mes camarades, car j'ai pu amasser un petit pécule après avoir passé 11 de mes 17 années de service outre-mer. Cela m'a permis d'acheter un condominium et de me retrouver locateur ainsi que propriétaire de ma maison actuelle. Comme je loue mon condominium, je sais que mes locataires pourraient refuser de me verser leur loyer en vertu de la Loi sur la location mobilière de l'Ontario. Les gens qui ont la malchance de vivre dans les LF se font littéralement saisir une partie de leur salaire; on prélève le loyer de leur chèque de solde, avant même qu'ils en voient la couleur, et cela pour pouvoir vivre dans les pires conditions que vous puisiez imaginer. Si ces gens-là avaient le droit de dire: «Je vais vous payer par chèque et je ne vous verserai pas mon loyer, madame l'Administration du logement des Forces canadiennes, tant que vous n'aurez pas envoyé quelqu'un pour réparer tout ce qu'il y a réparer», alors croyez-moi, les choses seraient vite réglées.

• 1020

En outre, les maisons en question ont été construites dans les années 50. Elles ont sans doute coûté 5 000 $ pièce. Elles sont maintenant habitées par des militaires qui paient en moyenne 350 $ de loyer. Nous devrions avoir le droit de jeter un coup d'oeil dans les livres pour savoir où va tout cet argent. Une chose est sûre: l'entretien des LF ne coûte certainement pas 350 $ par mois, puisque personne ne fait rien. De plus, personne ne paie d'impôt foncier pour ces propriétés parce qu'un accord de contrepartie fiscale a été conclu entre l'État et les municipalités.

J'estime que le gouvernement ou la société d'exploitation des LF devrait remettre un état aux locataires pour leur montrer ce qu'il advient de leur 350 $ de loyer mensuel. Je suis certain qu'il serait possible d'investir 4 000 ou 5 000 $ en réparations dans chaque LF pour les rendre acceptable. Si tout cet argent ne fait qu'aboutir dans les poches de certains bureaucrates, les gens d'ici l'accepteront fort mal.

Quand Doug Young était ministre de la Défense nationale, il y a deux ou trois ans de cela, il avait déclaré que l'éducation était une priorité. C'était en fait le résultat de la réflexion d'un comité de trois membres. À la façon dont je vois les choses à l'heure actuelle, je dirais que nous avons le corps d'officiers le plus instruit de toutes les armées du monde. Certains pourraient ne pas être d'accord avec cela.

La plupart des sous-officiers supérieurs de l'armée américaine ont un diplôme, collégial ou autre, que l'armée a payé. En ce qui nous concerne, malheureusement, nous devons sortir 2 500 $ de nos poches pour nous instruire en cours de carrière. Il est certes possible d'emprunter à des taux très intéressants, mais nous ne pouvons pas toujours suivre des études parce que nous sommes dans l'armée, que nous travaillons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et qu'on nous envoie passer six mois en ex-Yougoslavie tous les 18 mois. C'est donc un travail très mobilisateur et l'on ne peut prendre tout le temps libre qu'il faudrait pour suivre des études.

Comme je l'ai dit au début, je ne suis pas fonctionnaire. Je sais pourquoi je me suis engagé. Je déteste qu'on me compare avec les fonctionnaires. On vous appelle monsieur ou madame et certains d'entre vous ont droit au titre d'«honorable». Moi, mon titre est «sergent» et j'en suis fier. Je suis un soldat et c'est ce que je veux faire de ma vie.

Je suis venu ici pour m'assurer que les informations qu'on vous communique ne sont pas que de vastes radotages. Il y a suffisamment de temps que je suis dans l'armée pour avoir vu bien des comités de comme le vôtre et je me demande si vous n'êtes pas un autre groupe du genre venu ici pour tuer le temps.

J'étais ici, hier soir, et j'ai constaté que quatre d'entre vous ont posé des questions. Il y en a qui restent assis, sans rien dire, qui boivent tout ce qu'on leur raconte et qui sont là pour se faire tirer le portrait. Cela me répugne.

Des voix: Bravo, bravo!

Sgt Rod MacDougall: On a déjà parlé de l'indemnité de service en mer et de l'indemnité du personnel navigant. Nous, notre indemnité d'opérations en campagne est calculée à la journée, parce que, comme je le disais, la plupart des gens qui se trouvent dans cette salle appartiennent à l'armée. Si l'on voulait rationaliser le système, on pourrait très bien nous verser, à nous qui sommes dans l'armée, une prime forfaitaire de 200 $ par mois, ce qui nous permettrait de faire un vrai budget. On n'aurait plus à se dire que tel mois on a passé quatre semaines en campagne et on n'aurait pas à attendre sept mois pour que le système soit mis à jour et qu'on perçoive, disons, 92 $, quand on ne se rappellera même plus ce qu'on était censé toucher.

On a aussi parlé de progression latérale et de système de solde. Hier soir, quelqu'un se plaignait qu'un caporal touche plus qu'un sergent. Eh bien, dans de nombreux métiers techniques, un caporal spec 2 touche beaucoup plus que moi. Je trouve cela normal, car c'est le salaire de la compétence technique.

Nous partons pour l'ex-Yougoslavie dans trois mois et nous venons juste d'apprendre que la prime pour risques d'hostilité a été supprimée, parce que les gens ne se tirent plus dessus. Ma spécialité, c'est le déminage. Comme je l'expliquais à M. Hanger hier soir, nous faisons encore cela de temps en temps. Lors de la première rotation, nous étions des centaines à le faire, ce que vous confirmeront de nombreux sapeurs se trouvant dans cette salle.

C'est donc très bien qu'on ne me tire plus dessus quand je fais du travail de déminage, parce que cela me rend nerveux.

Des voix: Ah, ah!

Sgt Rod MacDougall: Voilà, c'est tout. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci beaucoup.

C'est la première fois que je prends la parole parce que nous sommes surtout venus ici pour vous écouter. C'est ce que nous faisons. Si nous nous mettions à parler, nous réduirions votre temps de parole. C'est principalement pour cela que nous ne parlons pas.

• 1025

Un peu plus tôt, on a rappelé, à propos de notre groupe, que nous sommes le Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants. C'est la première fois que nous voyageons de la sorte, c'est la première fois que des députés visitent des bases pour entendre parler de vos problèmes. Nous sommes ici pour vous écouter. Certes, si nous voulons obtenir des éclaircissements sur certaines choses, nous vous poserons des questions, mais il se trouve pour l'instant que tout est très clair et que nous n'avons pas beaucoup de questions à vous poser. Vous avez été très clair dans ce que vous nous nous avez dit et, je le répète, nous sommes ici pour vous écouter.

Sgt Rod MacDougall: Tout cela ne prouve qu'une chose: le système ne fonctionne pas. Vous auriez dû entendre parler de toutes nos préoccupations par notre hiérarchie. Si tout ce que nous vous disons est nouveau pour vous, cela prouve que le système ne fonctionne pas.

M. David Price: Je suis entièrement d'accord avec vous. Depuis que nous tenons ces audiences à travers le pays, nous sommes très surpris d'entendre tout ce que nous entendons, et c'est tout à fait nouveau pour nous. D'habitude, notre comité permanent entend des témoins qui viennent à Ottawa. Ce sont généralement des hauts gradés. Ils auraient dû nous dire les choses telles qu'elles sont, mais de toute évidence ils ne l'ont pas fait. Nous sommes donc très heureux d'apprendre tout cela. Encore une fois, je vous le rappelle, nous sommes ici pour vous écouter.

Sgt Rod MacDougall: Les grosses huiles sont les seules qui peuvent se permettre de vivre à Ottawa, monsieur.

M. David Price: Ou de s'y rendre.

Le président: Merci beaucoup, David. Leon.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président. Je vais rapidement aborder deux ou trois choses. D'abord, je suis d'accord avec ce que vous avez dit: on ne devrait pas directement prélever le montant du loyer de votre solde. Vous pourriez sans doute obtenir de bien meilleurs services, comme faire réparer vos LF et les faire remettre en état, si vous pouviez retenir le montant de votre loyer et appliquer la procédure normale...

Sgt Rod MacDougall: Prévue dans la Loi sur la location mobilière de l'Ontario.

M. Leon Benoit: ... comme tous les autres locataires. Je pense que cela vous conférerait plus de pouvoirs. Ce serait tout à fait logique, surtout que maintenant les LF ont été confiés à un organisme privé qui est censé être indépendant du gouvernement.

Deuxièmement, je veux faire une précision au sujet de la question que j'ai posée hier soir sur le problème que pourrait susciter le fait qu'un subalterne ayant reçu une formation spéciale soit mieux payé que son supérieur. Personnellement, je n'ai rien contre. Je voulais simplement connaître la réaction de mon interlocuteur.

Sgt Rod MacDougall: Cela continue de faire les gorges chaudes. Au début des années 90, les membres d'un groupe d'étude ont estimé que cette situation risquait de faire problème. C'est déjà ce qui se passe parce que tous ceux qui ont la spécialité 1 ou 2 sont plus payés que nous. Mais comme les sous-officiers supérieurs ne se sont pas encore révoltés à ce sujet, je crois que vous n'avez rien à craindre sur ce plan dans l'avenir.

M. Leon Benoit: Je trouve que ce n'est pas mal; c'est comme cela qu'il faut voir les choses. J'estime qu'il faudrait le faire davantage. Je vous remercie.

Le président: Judi.

• 1030

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Qu'une chose soit bien claire: je ne suis pas venue ici pour me faire photographier et quand je quitterai mon fauteuil ce ne sera pas pour aller m'asseoir dans une caféterie et y déguster un café. Je voyage avec ce comité depuis le début janvier. J'ai visité presque toutes les bases militaires entre Yellowknife et ici et nous n'avons pas encore fini. De plus, je me rendrai en Bosnie avec le comité.

Nous sommes venus ici pour vous écouter. J'ai trouvé que tous vos exposés étaient très clairs. Vous n'avez rien laissé de côté. Tout était très bien. Je réserve mes questions aux gens du QGDN, pour les mettre sur la sellette et pour leur exposer les préoccupations que vous venez de nous exprimer; je veux leur demander de nous expliquer pourquoi ils ont agi de la sorte.

Encore une fois, comme M. Price le disait, plus nous parlons et moins nous avons la possibilité de vous entendre. Nous sommes venus ici pour recueillir vos points de vue, parce que nous estimons que vos préoccupations sont très, très importantes. Il faut que nous réglions les problèmes que vous nous exposez et nous allons le faire de façon tout à fait transparente, sur la place publique. Contrairement aux autres comités qui vous ont visités, nous n'allons pas produire un rapport qui aboutira sur les tablettes. Notre rapport sera déposé à la Chambre des communes. Il s'agira d'un document public. Vous n'aurez pas à vous prévaloir des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information pour en obtenir un exemplaire. Vous saurez exactement ce que nous allons déclarer à la suite de nos travaux. Ce rapport sera mis à la disposition de tous.

Je tiens à vous remercier, vous tous, d'être venus. J'aimerais entendre le plus grand nombre de vos camarades avant que nous ayons à pencher sur d'autres dossiers gouvernementaux. Nous n'essayons absolument pas de nous dérober. Nous commençons à 6 h du matin et nous ne finissons pas avant minuit.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci beaucoup.

Debbie Charlebois. Debbie n'est pas ici?

Dale Pitcher.

Le caporal-chef Dale Pitcher (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je me propose de vous entretenir de deux questions, car si l'on parvenait à améliorer les choses sur ces plans-là dans l'avenir, les militaires bénéficieraient de meilleurs services.

D'abord, la question des verres correcteurs et de la kératotomie par laser; pour ceux qui voudraient s'en prévaloir cette procédure leur permettrait de ne pas devoir changer de lunettes pendant 35 ans. La procédure correctrice au laser pourrait permettre d'économiser 2 500 à 4 000 $ par personne.

Deuxièmement, je veux vous parler du principe de la responsabilité. À de nombreuses reprises, les gens sont venus dire que telle ou telle personne, dans tel ou tel emploi n'est pas responsable ou que l'employé du bureau de la solde ne fait pas bien son travail. Eh bien, je dirais que si vous avez reçu trop d'argent sur votre chèque, il vous incombe d'aller au bureau de la solde plutôt que d'attendre que les préposés de ce bureau s'en rendent compte.

Troisièmement, je veux vous parler du système judiciaire en vigueur dans les forces armées. Comment l'armée peut-elle justifier qu'un commandant ou un officier délégué, n'ayant reçu aucune formation juridique, puisse entendre une cause au criminel? En effet, toute infraction contre la Loi sur la Défense nationale est une infraction au criminel, qu'elle soit jugée par procédure sommaire ou en cours martiale.

Quatrièmement, il y a la question des pensions. Si vous prenez votre retraite avant 20 années de service, on vous rembourse vos contributions. J'ai fait le calcul. Si on ajoute mes contributions et celles de l'armée, qui sont équivalentes, pendant 19,99 ans à 100 $ par mois, cela fait près de 153 000 $. Si je décide de quitter l'armée plus tôt, on me verse 41 000 $. Qui donc empoche les 110 000 autres dollars?

C'est tout.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Caporal, pouvons-nous revenir sur votre troisième point, c'est-à-dire le système de justice militaire?

• 1035

Cplc Dale Pitcher: Je crois savoir que si vous êtes accusé d'une infraction d'ordre militaire, par exemple une agression, l'officier délégué qui n'a aucune formation juridique—par exemple un officier d'infanterie, un officier des armes de combat, un officier de la maintenance ou un officier des approvisionnements—a le pouvoir de vous expédier en prison.

M. Art Hanger: Bien, mais qui devrait présider à ce genre de procès, selon vous?

Cplc Dale Pitcher: Quelqu'un qui ait une formation juridique.

M. Art Hanger: Un avocat?

Cplc Dale Pitcher: Peut-être. C'est le cas des juges civils, non? Ce sont d'anciens avocats qui ont été formés dans le système judiciaire.

Par ailleurs, en droit civil, l'accusé connaît d'avance le genre de sanctions qu'il encourt, peu importe l'instance qui le jugera. Dans le système de justice militaire, les pouvoirs de détention et de sanction augmentent au fur et à mesure qu'on progresse dans la hiérarchie, d'officier délégué à commandant, et cela pour une même infraction.

M. Art Hanger: Très bien, et cela ne vous va pas?

Cplc Dale Pitcher: Comme je suis citoyen canadien, ne devrais-je pas encourir les mêmes sanctions, peu importe qui me jugera?

M. Art Hanger: Non, parce que vous êtes dans l'armée.

Cplc Dale Pitcher: Pourtant, selon le paragraphe 11 d) de la Charte des droits et libertés, je crois, j'ai droit à un procès juste et public.

M. Art Hanger: C'est peut-être un argument qu'on pourrait invoquer au sujet de la charte, mais cette disposition devrait-elle s'appliquer aux militaires?

Cplc Dale Pitcher: Ne suis-je pas citoyen canadien?

M. Art Hanger: Bien sûr.

Cplc Dale Pitcher: Et je suis prêt à donner ma vie pour ce pays.

M. Art Hanger: Certes, cela ne fait aucun doute.

Cplc Dale Pitcher: Alors, ne devrais-je pas être traité tout comme les autres citoyens canadiens?

M. Art Hanger: Eh bien, je crois qu'il y a une différence. Quand vous vous êtes engagé, vous avez renoncé à certains droits, mais d'un autre côté...

Cplc Dale Pitcher: Je paie mes impôts.

M. Art Hanger: ... les chefs politiques et militaires doivent assumer une certaine responsabilité envers vous et vous protéger. Force est de reconnaître que le système de justice militaire constitue un autre pan important de notre débat.

Cplc Dale Pitcher: C'est sûr.

M. Art Hanger: Merci.

Cplc Dale Pitcher: Y a-t-il d'autres questions?

Le président: Non, je vous remercie beaucoup.

Bob.

M. Bob Wood: Caporal Pitcher, il se trouve que nous nous penchons sur le système juridique dans les forces armées. Je tenais simplement à le lui préciser, monsieur le président. Les choses sont en train de bouger. Je crois que nous tiendrons notre première réunion de comité au sujet du projet de loi C-25, pour examiner le système de justice militaire, mercredi prochain. On peut donc s'attendre à ce qu'on règle une partie de ses préoccupations quand nous examinerons ce projet de loi.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wood.

Caporal Coppicus. Ai-je bien prononcé votre nom?

Le caporal P.G. Coppicus (témoigne à titre personnel): Oui.

Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous. Il y a un avantage au fait d'attendre aussi longtemps, c'est que vous avez répondu à toutes mes questions.

Le président: Merci beaucoup.

Angela Malejczuk.

Mme Angela Malejczuk (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs les députés et bonjour à vous, monsieur le président.

Je pense que les questions que je voulais aborder ce matin, c'est-à-dire celles concernant la solde, ont été amplement couvertes, mais je me propose de vous en parler sous deux ou trois angles différents.

Plusieurs interlocuteurs avant moi ont parlé de la formation parallèle et des compétences multiples. Voyez-vous, je suis femme de militaire et j'estime être excellente dans ce rôle. En six ans de mariage, nous avons déménagé dans quatre bases et j'ai trouvé un travail à chaque fois. J'ai tenu des emplois de col bleu, des emplois de col rose et des emplois de col blanc.

Dans le civil aussi, nous sommes sous-payés, mais nous avons tout de même droit à certaines gratifications dont ne bénéficient pas les militaires. Dans l'emploi que j'estime avoir été le plus stimulant, je touchais un salaire extrêmement bas—20 000 $ par an—, mais on me payait mes heures supplémentaires et je touchais des primes quand je faisais économiser de l'argent à mon employeur.

• 1040

Dans l'armée, à grade égal, les gens touchent la même solde, sans égard à leurs responsabilités. Ainsi, un gradé qui a la responsabilité de vies humaines et de matériels valant plusieurs millions de dollars touche la même chose que son collègue qui serait, par exemple, responsable du service de dactylographie.

Mais le mieux est que j'aille droit au but et que je vous propose une solution. L'idée que je vais vous donner ne vient pas de moi; c'est un excellent officier supérieur de cette armée, un homme de vision, qui m'en a fait part hier soir: pourquoi ne pas permettre le partage du revenu?

Il m'est de plus en plus difficile de trouver un emploi quand nous déménageons. Si nous pouvions répartir le revenu de mon conjoint entre nous deux, nous paierions moins d'impôt et, autre avantage, je pourrais augmenter ma contribution au REER. Attention, cependant, ne réduisez pas le sien. J'ai de la difficulté à trouver un emploi à chaque mutation.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup pour cette intéressante suggestion.

Sergent Kevin Byrne.

Le sergent Kevin Byrne (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je tiens à préciser tout d'abord que tous les gens qui sont ici n'appartiennent pas à l'armée, puisque je suis aviateur.

Je suis le sergent Kevin Byrne, technicien d'aviation au 427e Escadron tactique d'hélicoptère, ici, à la BFC Petawawa.

Depuis plusieurs années, j'entends les gens se renvoyer mutuellement l'expression «qualité de la vie». J'aimerais savoir ce qu'on entend par-là. Veut-on parler de repeindre nos hangars, de distribuer de nouvelles bottines à nos équipages ou veut-on parler de quelque chose de plus profond, de plus authentique?

Je peux vous dire que notre qualité de vie, à ma femme et à moi, a été complètement détruite quand, le 19 février 1991, nous avons vécu le pire des drames pour des parents: la perte d'un enfant. Quand il est mort, Ian Daniel allait avoir deux ans dans deux semaines. Il n'était pas malade, c'était un petit garçon en pleine santé. On l'a mis au lit le soir... il ne s'est jamais réveillé. Nous avons été anéantis. Nous ne mangions plus, nous ne pouvions plus penser correctement, mais nous avons réussi à nous en sortir grâce au soutien de notre famille et de nos amis. J'aurais aimé pouvoir dire grâce au soutien de l'armée, également, mais à l'exception de quelques camarades—très peu en fait—, l'armée n'a fait qu'ajouter à nos problèmes.

Je fais appel à votre clémence, car j'aimerais vous décrire très brièvement ce qu'a été ma vie et celle de ma famille au cours des six dernières années. S'agissant du soutien moral de l'armée, il nous aura fallu attendre quatre mois pour que l'aumônier catholique vienne rendre visite à ma femme après le décès de notre fils. Pourtant, il était sur la base. Quelques mois après la mort de mon fils, nous avons reçu une lettre du capitaine Miller, qui participait à la guerre du Golfe. Il avait pris le temps de nous écrire, mais l'aumônier catholique n'avait pas trouvé le temps de nous rendre visite.

C'est l'aumônier protestant—je suis pourtant catholique—qui nous a donné des séances de counseling pour personnes affligées, à ma femme et à moi. Le mess, dont j'étais membre depuis 10 ans, ne nous a même pas envoyé une petite carte ou des fleurs. Quand j'en ai fait la remarque, on m'a rétorqué que cela ne se faisait pas pour le décès d'un parent. Je trouve que mon fils était tout de plus qu'un simple parent.

Le centre de ressource familiale ne savait pas à qui s'adresser pour nous obtenir de l'aide. Nous avons dû nous débrouiller tout seul. Je me rappelle avoir communiqué avec l'aumônier catholique, du Cap Breton également, à partir de Camp Borden pour lui demander de dire une messe à la mémoire de mon fils. Il m'a garanti qu'il le ferait. C'était la première fois depuis des années que ma femme et moi retournions à l'église ce dimanche-là, mais même lui nous a laissés tomber.

Un mois jour pour jour après le décès de mon fils, le gestionnaire de carrières—ou le responsable des mutilations, comme certains l'ont appelé—m'a dit que, peu importe qu'il pleuve ou qu'il neige, je serais muté ailleurs. Avant cette rencontre, on nous avait dit que si l'on n'était pas d'accord avec une mutation, on pourrait toujours quitter l'armée. J'ai bien essayé de lui expliquer ce qu'il nous était arrivé, ce qui était arrivé à notre fils. Sur ce, il a fait un peu machine arrière et nous a déclaré: «Eh bien, nous ne vous enverrons pas à Cold Lake ni à Goose Bay».

• 1045

En décembre 1991, nous avons reçu un message nous annonçant notre mutation à Cold Lake. Après avoir rappelé au gestionnaire de carrières ce qu'il nous avait déclaré, il a changé pour Winnipeg. Nous avons donc accepté cette mutation à Winnipeg, dans l'espoir que cela nous aiderait à reprendre le cours normal de notre vie. C'était une erreur. Nous avions laissé derrière nous tout le soutien et toute l'aide qui nous avait permis de tenir le coup durant cette année difficile.

À Winnipeg, nous n'avons bénéficié que d'un appui limité. J'ai fait une dépression clinique—c'est comme cela que ça s'appelle je crois—pour laquelle on m'a traité. Je me suis mis à boire et il s'est passé beaucoup de choses qui n'auraient pas dû se passer, parce que nous n'avions plus sur place le soutien dont ma femme et moi avions besoin.

Nous avons essayé de revenir dans une région où nous pourrions retrouver un certain soutien familial et l'appui des amis de ma femme. On nous a dit non, non, non et encore non. J'ai même proposé de repartir en mer, parce qu'il se trouve que j'ai passé 11 ans à Shearwater et que j'ai servi à bord de quatre navires. Personnellement, cela ne m'aurait rien fait.

En 1996, on nous a demandé si nous accepterions une mutation à Petawawa. En désespoir de cause, et pour nous rapprocher un peu de la tombe de notre fils, nous avons accepté à une condition: que si un poste se libérait à Shearwater, on nous le proposerait. À l'automne, je me suis entretenu avec le gestionnaire de carrières qui m'a déclaré que ma candidature ne serait jamais envisagée pour Shearwater.

Après avoir cherché durant toute une année un emploi de secrétaire juridique à Petawawa, ma femme a finalement accepté un poste au ministère de la Justice, en Nouvelle-Écosse. C'est là qu'elle vit maintenant avec mon autre fils.

Depuis, je n'ai pas cessé de demander une mutation dans les Maritimes pour essayer de reprendre ma vie familiale, mais en vain. J'ai demandé s'il me serait possible d'être muté après le budget de 1997. On m'a répondu non. J'ai demandé à participer à un cours de français. Non encore. J'ai demandé à être muté pour motif personnel. Ce fut non.

Le gestionnaire de carrières a dit qu'il serait d'accord de me muter si mon escadron, l'Escadron tactique d'hélicoptère, acceptait de payer mon déménagement. C'est une formule qui peut fonctionner dans un escadron de Hercule ou un escadron d'Aurora, parce que l'annulation d'une simple mission permet de dégager suffisamment d'argent pour payer un déménagement. En revanche, dans un escadron d'hélicoptère tactique, on a de la chance quand on obtient suffisamment de fonds pour payer les missions qui nous sont confiées. Nous sommes allés jusqu'à proposer d'assumer nous-mêmes les frais de déménagement. Je n'ai pas encore obtenu de réponse à cette proposition.

Ma femme est secrétaire juridique auprès d'un juge de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse. Ce n'est pas simplement son patron, c'est son ami. Quand Ian est mort, il fut le premier à arriver et le dernier à partir. Voilà le genre d'amitié que nous avons dû laisser derrière nous.

Vous voudrez bien m'excuser, mais je me sens un peu émotif.

Vous avez sans doute entendu ce genre de plaintes d'autres militaires, mais les problèmes empirent quand on est en deuil. Quand je vais à Shearwater, je me rends sur la tombe de Ian dès que je le peux. Même maintenant, quand je vais en Nouvelle-Écosse, je rends d'abord visite à mon fils.

Je ne cherche pas à échapper à quoi que ce soit. J'ai fait deux rotations dans les casques bleus, j'ai servi à bord de quatre navires et j'ai transporté des bâtis de 50 livres avec les meilleurs éléments. Je voudrais simplement améliorer la qualité de vie de ma famille et, malgré mes 25 années de service, on dirait que l'armée n'est pas prête à m'aider à le faire.

Récemment, lors d'une rencontre qui s'est déroulée à notre mess, le chef d'état-major de la Défense nous a déclaré que si nous ne pouvions supporter les conditions de l'armée, nous n'avions qu'à partir. Je suis très heureux à l'armée. Mais le temps est venu pour moi de faire passer ma famille en premier. Cela étant, je vous le demande: si tous les bons éléments quittent l'armée, avec qui allez-vous vous retrouver?

[Note de la rédaction: Applaudissements de l'audience]

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Sergent, de qui relèvent les gestionnaires des carrières?

Sgt Kevin Byrne: Je n'en ai aucune idée, monsieur. Je ne sais même pas si eux-mêmes le savent.

M. Art Hanger: Relèvent-ils du commandant de la base?

Sgt Kevin Byrne: Non, ils sont à Ottawa. D'ailleurs, sachez qu'un sergent comme moi, âgé de 42 ans et ayant 25 années de service dans l'armée canadienne, n'a pas le droit de parler directement avec son gestionnaire de carrières et qu'il doit le faire par l'entremise d'une tierce partie. Quel genre d'appui croyez-vous que ces gens puissent nous apporter quand on ne peut même pas leur parler directement?

• 1050

M. Art Hanger: Mais cela n'a pas toujours été le cas, les gestionnaires de carrière n'ont pas toujours été aussi distants?

Sgt Kevin Byrne: Si.

M. Art Hanger: Toujours?

Sgt Kevin Byrne: Oui.

M. Art Hanger: Très bien. Je vous remercie, sergent.

Le président: Sergent, s'agissant du genre de services dont vous auriez eu besoin pendant les temps difficiles que vous avez traversés, diriez-vous qu'ils ont été insuffisants ou carrément inexistants?

Sgt Kevin Byrne: Inexistants! Par exemple, quand j'étais chef d'équipe à Winnipeg, j'avais sous mes ordres un jeune Canadien français. Sa femme avait de la difficulté à s'adapter à Winnipeg, parce qu'elle s'ennuyait du Québec. Eh bien, j'ai fait plus que je le devais pour l'aider et collaborer avec le travailleur social afin de lui obtenir une affectation pour motifs personnels. Il a fini par obtenir sa mutation au Québec. J'aurais pensé qu'après le décès de mon fils, ma femme et moi aurions pu bénéficier davantage de compassion, mais ce ne fut pas le cas.

Le président: Merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Pat Eagar.

M. Pat Eagar (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous êtes en train de regarder un dinosaure.

Des voix: Ah, ah!

M. Pat Eagar: En effet, je me suis engagé dans les Forces armées canadiennes, en fait l'armée canadienne à l'époque, le 23 septembre 1957 et je puis vous dire que nous sommes en train de répéter le passé. On a l'impression de vouloir inventer la solde latérale, mais il faut savoir qu'elle existait de mon temps.

Pour ce qui est de la qualité du commandement, je pense que j'ai eu beaucoup de chance en tant que jeune soldat. La majorité des supérieurs sous les ordres de qui j'ai servi, avaient fait la Seconde Guerre mondiale ou la guerre de Corée et avaient une grande expérience. Ils savaient comment diriger les soldats. Les plus grands atouts d'une armée sont le simple soldat et le caporal, ceux qui sont à la base.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Pat Eagar: Si les officiers étaient de bons officiers, c'est parce qu'ils pouvaient compter sur de bons adjudants et sur de bons sergents. Demandez donc à un général qui, sous ses ordres, vaut son poids d'or. Il vous répondra que s'il a réussi, c'est grâce à ses sergents et à ses adjudants.

Parlons un peu d'équipement. Quand je me suis engagé, on nous a donné des casques de la Première Guerre mondiale et notre tenue de combat datait de la Seconde Guerre mondiale. Nos fusils étaient du même type que ceux qu'avait utilisé mon oncle pendant la Grande Guerre: des Lee-Enfield. Les Forces d'aujourd'hui sont presque en aussi mauvais état qu'alors. Notre matériel est usé, à bout de potentiel et nous n'en avons même pas assez. Enfin, nous percevons de nouveaux véhicules blindés.

Pour en revenir sur la question de la solde latérale et du fait qu'un adjudant comme moi gagne un peu moins que certains soldats ou caporaux, je le répète, cela existait dans l'ancien système. À l'époque, et selon sa compétence, un soldat de groupe 3 pouvait faire plus qu'un sergent. Cette formule a été supprimée en 1967, à l'occasion de l'intégration des Forces.

Cette formule a donc été supprimée et nous avons aussi perdu bien des avantages auxquels nous avions droit avant. On a commencé à se demander pourquoi les militaires mariés avaient droit à certaines indemnités, alors que les célibataires n'y avaient pas droit. Il a donc été décidé d'accorder les mêmes indemnités aux soldats célibataires, et de les imposer pour tout le monde.

On vous en a parlé, hier soir, car cette base, plus que les autres—comme vous le savez sans doute—est très active. À partir de 1988, nous avons organisé un nombre astronomique de missions de l'ONU. Cela a pesé extrêmement lourd sur la vie familiale. Quand j'appartenais au Royal Canadian Regiment et au Régiment aéroporté du Canada, le rythme auquel s'enchaînaient les missions était absolument phénoménal. Nous n'arrêtions pas de bouger et nous étions affectés tous les deux ou trois ans. Nous ne pouvions pas créer des racines et les enfants n'avaient pas la possibilité de faire connaissance avec leurs grands-parents.

On vous a aussi parlé du problème des pensions médicales. Personnellement, je retire une pension médicale assez importante à cause des nombreuses blessures que j'ai reçues pendant mon temps dans les Forces. Certaines d'entre elles auraient pu être évitées si les gens avaient fait preuve de bon sens, et si j'avais reçu un traitement médical un peu meilleur.

• 1055

Je vous remercie beaucoup.

[Note de la rédaction: Applaudissements de l'audience]

Le président: Laurie Gagnon.

Mme Laurie Gagnon (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je serai très brève, au cas ou notre petite boîte noire se déclencherait.

Je vais d'abord vous parler des logements sur la base. Hier, les esprits se sont un peu échauffés, les gens estimant que leurs logements sont en mauvais état. C'est vrai, mais la société qui a pris la relève de la Défense nationale a récupéré ce qu'on lui a donné. Ce sont des ruines qu'elle doit réparer et il n'y a qu'un an qu'elle en a héritées.

Il y a bientôt cinq ans que je réside sur cette base et, l'été dernier, pour la première fois, j'ai vu qu'on refaisait une toiture, ce qui n'est jamais arrivé même pas à Cornwallis ou à Valcartier au Québec. C'est la première fois depuis que l'administration du logement a pris la relève que je vois refaire une toiture. C'est vrai que les LF sont dans un triste état, mais ils l'étaient déjà quand on les leur a donnés.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Cette administration fait de son mieux à partir de ce qu'on lui a transféré. De plus, si quelqu'un veut se plaindre, sachez que l'administration est maintenant logée dans la maison que j'occupais et que j'ai été déménagée à deux pas de porte de là.

Il y a plus grave, surtout dans le secteur sud des LF... c'est une chose que j'ai remarqué dès mon arrivée. Mon mari s'est presque mis à pleurer parce qu'il était gêné de me présenter la maison dans laquelle nous allions devoir vivre, après notre affectation à Ottawa. Elle avait toutes les apparences d'une grange. Elle avait un bardage peint en rouge, posé sur un muret de brique à mi-hauteur; c'est comme ça que sont faites les granges dans l'Est. De plus, il y avait l'attitude des gens sur place. Quand on vit dans un taudis, on finit par adopter une attitude de circonstance. Ces logements étaient crasseux. C'était des fourbis. Il y avait de la moisissure aux fenêtres et, en hiver, il se formait un pouce de glace sur laquelle les rideaux venaient se coller.

Les gens avaient fini par se résigner. Quand on vit dans un taudis, on laisse tout à l'abandon.

Personnellement, je crois dans le programme des tâches. Je pourrais prendre mon époux comme exemple. On le considère comme étant un expert en informatique. Pourtant, il n'a jamais suivi de cours. Tout ce qu'il a appris, il l'a appris de lui-même et il semble qu'il soit supérieur à la moyenne dans ce qu'il fait. Je peux vous en parler librement, parce que j'ai la chance de ne pas travailler pour le régiment. Lui, travaille au quartier général de la base.

Je pourrais vous dire ce qui s'est passé l'année dernière, par exemple, quand un sergent, un adjudant-chef et un capitaine lui ont dit: «Tu n'es qu'un caporal, tu ne peux t'adresser à un officier». Mais quand il était dans la salle de courrier, en train d'affranchir les lettres—vous parlez d'un poste de prestige!—on venait le chercher à tout moment pour lui demander de produire des diaporamas, de faire ceci ou cela ou encore de réparer un ordinateur. Et pourtant, on lui refusait le genre d'emploi qu'il briguait, c'est-à-dire travailler sur ordinateur, parce qu'il était spécialisé en administration et n'était que caporal. Il a fallu qu'il soit victime d'une crise cardiaque en janvier, à cause du stress au service de réparation et de liquidation—où ils n'étaient qu'un ou deux à travailler comme six, 16 heures voire 18 heures par jour... Ce travail dans ce service était complètement dingue. Ils ont littéralement épuisé ces types.

• 1100

Comme je le disais, il a eu une crise cardiaque et, pour qu'il n'ait plus de stress, l'armée l'a autorisé à occuper un emploi en informatique. C'était très bien.

Mais voilà que ça recommence. Les gens viennent le voir pour lui demander un petit quelque chose, comme le diaporama que vous avez vu ce matin. C'est mon mari qui l'a produit. Et ça recommence, on vient le voir. «On voudrait te demander un petit travail». Dimanche soir, on lui avait demandé de rentrer pour faire un travail d'une heure et demie qui lui en a finalement pris trois. On n'est pas censé faire des choses sur le côté quand on est caporal, et l'on n'a pas le droit de s'occuper... mais voilà, personne ne reconnaît jamais ce que vous faites.

Je trouve que tous ces gens-là travaillent à 150 p. 100 malgré un matériel défaillant, des uniformes qui laissent à désirer, des conditions de logement pitoyable et un mauvais salaire, ce qui ne les empêche pas de marcher fièrement la tête haute en se disant: «Je suis ici et je fais un sacré bon boulot».

Il a été question de réduction des impôts; ce serait une bonne chose. Comme mon mari vous l'a dit plus tôt, j'ai la chance d'avoir une profession. J'ai trouvé à me faire employer après avoir dépensé des milliers de dollars pour en arriver où je suis.

Je viens de Nouvelle-Écosse; j'ai une formation d'infirmière et voilà que Toronto me dit que je n'ai même pas la cervelle d'une dinde. J'ai donc dû dépenser 2 000 $ de plus—juste pour suivre les cours qui me manquaient, et cela c'est sans compter les frais de garde d'enfants—pour parvenir à me faire employer avant de me retrouver à Petawawa, quatre mois plus tard, avec, de nouveau, l'espoir de trouver un autre emploi et l'obligation de suivre d'autres cours.

J'ai eu la chance de me présenter au bon moment, quand il y avait de l'emploi. J'ai de la chance. J'ai beaucoup de chance parce que je ne sais absolument pas comment nous nous en sortirions si je n'avais pas un revenu d'emploi.

Troisièmement, j'estime qu'il faudrait informer le public canadien, et civil—je ne parle pas ici des employés civils, parce qu'ils ont leur propre sphère—sur ce que font les militaires et sur ce avec quoi nous devons composer. Je suis certaine qu'ils n'ont aucune idée de ce que vivent les familles, les époux, les femmes, les enfants... Tous ceux qui sont logés dans des LF. Ils n'ont absolument aucune idée de la façon dont on doit réagir quand on est soudainement réveillé à 2 h du matin par un coup de téléphone qui vous sort du lit et qui oblige votre conjoint à prendre sans tarder la route. Moi, on me paie 70 $ quand on me fait venir en dehors des heures de travail. Et quand nos conjoints partent, on ne sait pas pour combien de temps. Je remercie le ciel, et je touche du bois, de n'avoir pas à subir cela personnellement.

Il faudrait expliquer aux Canadiennes et aux Canadiens ce que font ces hommes et ces femmes pour gagner leur vie, parce que tout le monde pense qu'ils se la coulent pépère. Pour eux, l'armée est un éléphant blanc, inefficace et qui coûte cher. Quand vient le temps de réduire les dépenses de l'État, ils pointent très vite du doigt les militaires «qui ne font rien, qui ont de bonnes soldes».

Où que vous alliez, on vous dit: «Ah, vous êtes dans l'armée, alors vous avez une bonne solde». Les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Tant que nos militaires n'auront pas un meilleur équipement ou que les gens ne seront pas informés sur le travail de l'armée, les choses ne changeront pas, parce que c'est la population qui décide en fin de compte. Elle élit le gouvernement qui décide de couper ici ou là et d'alimenter un tel ou un tel.

C'est tout. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Caporal Claude Langlois.

Le caporal Claude Langlois (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je vais vous parler du cas des parents, militaires de profession, qui n'ont pas obtenu la garde de leur enfant. Il y a cinq ans, quand je me suis séparé, j'avais droit à des congés ainsi qu'à une indemnité de voyage pour rendre visite à ma fille une fois par an. Maintenant que je me suis remarié, je n'y ai plus droit. J'en conclus que, à présent que je suis remarié, le gouvernement considère que ma fille n'est plus aussi importante qu'avant.

• 1105

J'aimerais, au moins, qu'on réinstaure l'indemnité de transport en congé. Ma fille est en Nouvelle-Écosse. Je lui rends visite deux fois par an ce qui me coûte plus de 2 500 $ annuellement. Comme l'armée m'a muté de la Nouvelle-Écosse en Ontario, elle devrait assumer mes frais de déplacement pour que je puisse visiter mon enfant deux fois par an.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci. Excellente remarque.

Lieutenant Brad Brodhagen.

Le lieutenant (de marine) Brad Brodhagen (témoigne à titre personnel): Bonjour. Avant que je passe au sujet que je voulais aborder, j'ai l'impression que le comité ne sait pas tout à fait ce qui se passe dans le cas des gestionnaires de carrières. Vous vouliez savoir, par exemple, de qui ils relèvent.

Je crois que les gens, ici, se plaignent surtout du fait qu'on ne tient pas compte de leur famille dans la liste des priorités que les gestionnaires de carrières doivent malheureusement gérer.

Je crois qu'il existe environ 22 catégories que les gestionnaires de carrières prennent en considération pour muter les gens, et il faut savoir que la famille n'arrive qu'au 19e rang de ces 22 éléments. Voilà qui explique en partie les problèmes familiaux que les gens vous ont exposés ce matin.

Apparemment, cette liste est établie par le SMA(Per) et par le Conseil des forces armées. Voilà qui devrait vous guider sur la façon d'obtenir de plus amples renseignements à ce sujet.

Personnellement, je me proposais de vous parler d'aspects qui sont plus ou moins directement liés à la solde. Je veux d'abord dénoncer l'injustice qu'on nous a faite en gelant nos primes de rendement. En ce qui me concerne, j'ai trouvé cela totalement discriminatoire, injuste et contraire au guide de solde que j'ai en main. C'est ce même guide qu'on m'a montré quand j'ai signé pour m'engager dans les forces armées.

Je doute même de la légalité de cette mesure et j'en ai parlé avec l'AJAG. À l'époque, on m'a dit qu'elle était légale parce qu'elle était adoptée par le Parlement et qu'elle avait reçu la sanction royale. J'ai ensuite demandé si elle discriminatoire, et l'on m'a répondu par la négative parce qu'elle ne concerne pas des facteurs de discrimination, comme la race, le sexe, la religion, etc.

Si ce n'était pas de la discrimination, comment se fait-il que seuls ceux appartenant à des catégories de solde à faible rendement ont été pénalisés alors qu'un grand nombre de personnes n'ont même pas été touchées? Si vous devez effectuer des réductions salariales, il faut le faire de façon universelle. Il n'est pas juste de viser un seul groupe.

À ce sujet, j'ai personnellement dû répondre à des griefs que tous les échelons de la hiérarchie au-dessus de moi ont accepté, jusqu'au niveau du CEMD. Cependant, je ne crois pas que le CEMD ait accueilli favorablement ces griefs à cause des pressions exercées par le Conseil du Trésor. Ainsi, j'en suis venu à estimer que toutes les réponses qu'on nous a fournies jusqu'ici à ce sujet ne sont rien d'autre que des imbécillités.

À la limite, je serais prêt à admettre toutes ces balivernes—je dis bien «à la limite»—si l'on nous avait ramené au niveau des primes au rendement que nous avions à la fin du gel des soldes. Quelqu'un qui, comme moi, a été touché dans les premières catégories de prime au rendement, à partir du grade de capitaine, touche 300 $ de moins par mois. À longue échéance, cela représente un manque à gagner de 30 000 $ sur 10 ans, avant les primes et à supposer qu'il n'y ait aucune promotion. D'ailleurs, cette supposition n'est pas entièrement gratuite puisque de nos jours de plus en plus de gens se prévalent du PRF et qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir une promotion. J'accuserai donc un manque à gagner de 30 000 $, sans tenir compte des primes accordées à tous les grades.

J'aimerais que quelqu'un finisse par régler ce problème, parce que j'ai l'impression qu'il fait beaucoup de mécontents et qu'on n'est pas encore parvenu à le régler correctement.

Je voulais aussi vous parler des services de la paie, qu'ont mentionné plus tôt les soldats et caporaux. Moi aussi, j'allais vous proposer d'exonérer les militaires de l'impôt sur le revenu. Personne, jusqu'ici, n'a proposé l'adoption d'une exonération fiscale de base pour tous les militaires. Si nous ne pouvons être complètement exonérés d'impôt, pourquoi ne pas augmenter l'exonération fiscale dans notre cas et nous donner ainsi plus d'argent, surtout aux jeunes caporaux et soldats?

Je terminerai sur l'écart salarial défavorable aux membres des Forces canadiennes et que le Conseil du Trésor a admis il y a déjà plus de deux ans. Pour corriger cette situation, le Conseil du Trésor avait envisagé d'accorder des augmentations salariales périodiques réparties sur plusieurs années. Ce n'est pas la solution. Pas la peine d'avoir la tête à Papineau pour se rendre compte qu'avant que cet écart soit corrigé, nous aurons de nouveau accusé quelque trois années de retard par rapport aux autres catégories.

• 1110

À l'époque, on avait établi que ce manque à gagner pour les militaires du rang était de 6,7 p. 100 et qu'il était de 14,7 p. 100 pour les officiers. Je ne sais pas où ils sont allés piocher ces chiffres, mais c'est ce qui a été dit. Autrement dit, après deux ans, les militaires du rang traînent encore de l'arrière par 1,2 p. 100 et les officiers par 8,8 p. 100.

Bien sûr, vous devez maintenant vous demander à combien s'élève cet écart et, si nous pouvions le combler tout de suite, il faudrait se demander si cela ferait une différence dans le salaire net? Ce pourrait être la première fois que nous toucherions une véritable augmentation salariale qui ne serait pas immédiatement suivie d'une augmentation des loyers de LF ou d'une augmentation des primes d'assurance-chômage ou encore des cotisations au Régime de pensions du Canada.

C'est tout ce que je voulais vous déclarer. Merci.

Le président: Merci.

Capitaine Steve Graham.

Le capitaine Steve Graham (témoigne à titre personnel): Bonjour monsieur le président, bonjours mesdames et messieurs. Je suis le capitaine Steve Graham et je me propose, ce matin, de vous parler des services pharmaceutiques des Forces canadiennes.

Je suis un ancien interne pharmacien à l'hôpital de la base et je siège au conseil d'administration de l'Association canadienne des pharmaciens. J'ai été posté à Petawawa en juillet 1997, après avoir obtenu mon diplôme de pharmacien, pour y faire mon internat.

Pendant cette période, comme les deux autres pharmaciens avec qui je travaillais étaient débordés par les cours qu'ils devaient donner, on m'a ordonné de travailler à la pharmacie pendant toute une semaine, sans être sous la surveillance d'un pharmacien autorisé. Cela constitue une violation flagrante des règles s'appliquant aux internes en pharmacie dans la province de l'Ontario, où je suis inscrit. Ces règles précisent qu'un pharmacien doit être présent physiquement dans la pharmacie et être disponible pour consultation. Quand j'en ai informé la médecin-chef de la base, celle-ci m'a consigné son ordre par écrit, et je l'ai ensuite communiqué au Collège des pharmaciens de l'Ontario.

Une voix: Excellent!

Capt Steve Graham: Le collège m'a conseillé de ne pas poursuivre ce genre d'activité, parce que c'était contraire au règlement régissant les internes. Ce faisant, la médecin-chef de la base a dû revenir sur sa décision et trouver, dans une autre unité de la base, un pharmacien de remplacement.

Quand je me suis objecté à cet ordre, les autres pharmaciens m'ont demandé ce que j'y voyais de mal. Ils estimaient que j'étais presque pharmacien de plein titre et que l'armée me couvrirait si quelque chose devait aller de travers.

Des voix: Ah, ah!

Capt Steve Graham: On m'a également indiqué que je n'étais pas le seul dans ce cas et que d'autres pharmaciens de la base avaient été invités à faire la même chose pendant leur internat. Personnellement, je trouve très bien que le MDN vous couvre en cas de problème, mais le hic, c'est que si quelque chose était allée de travers, la vie d'une personne aurait pu être en jeu.

Il n'est pas une seule province au Canada où l'on permettrait une telle chose dans une pharmacie agréée.

J'ai avec moi une version préliminaire du cadre de délégation des actes médicaux, permettant à un infirmier ou à une infirmière de s'occuper de la pharmacie pendant cinq jours, en l'absence du pharmacien agréé. Ce même document décrit les conditions dans lesquelles les techniciens médicaux peuvent prescrire certains médicaments sur ordonnance. On y précise que les techniciens médicaux peuvent rédiger des ordonnances et que les pharmaciens doivent faire preuve de plus de prudence qu'à l'habitude quand ils les reçoivent, au titre des services cognitifs qu'ils sont censés assurer, pour éviter d'éventuelles erreurs de médication.

On peut également y lire que, lorsqu'un infirmier ou une infirmière remplace le pharmacien, les services cognitifs incombent alors au médecin qui rédige l'ordonnance.

J'aimerais qu'on me dise ce que tout cela donne quand un technicien médical rédige l'ordonnance et qu'un infirmier l'exécute. Personne alors n'est responsable des services cognitifs incombant au pharmacien. Ce sont des techniciens médicaux qui rédigent les ordonnances et des infirmiers ou infirmières qui les exécutent. Certes, le médecin est responsable en fin de compte, mais on ne peut pas dire que ce soit de la bonne médecine.

Je tiens à ajouter que ce genre de chose ne se produit pas qu'en opération ou dans des emplacements éloignés. La même chose arrive dans les grands centres au Canada, comme Ottawa, Edmonton, Halifax ou Victoria.

• 1115

Comme je le disais, les normes de pratique de la pharmacie militaire ne correspondent pas à celles appliquées dans le civil. De plus, je suis persuadé que le pharmacien civil qui confierait une pharmacie agréée à ses étudiants ou internes, sans les encadrer directement, ne continuerait pas longtemps à exercer.

Résultat: nous jouons avec la santé de nos patients.

Merci de votre attention.

Le président: Monsieur Benoit, avez-vous une question?

M. Leon Benoit: Oui, capitaine, une précision. Êtes-vous pharmacien?

Capt Steve Graham: Non, je suis interne en pharmacie. Je n'ai pas terminé ma licence.

M. Leon Benoit: Très bien, donc vous serez pharmacien quand vous aurez terminé.

Capt Steve Graham: Pas à l'armée, monsieur.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Leon Benoit: Que voulez-vous dire par là?

Capt Steve Graham: Quand je me suis rendu compte que l'armée ne se préoccupait pas du tout de mon bien-être professionnel, j'ai demandé à être retiré du Programme militaire d'études de pharmacie pour lequel je m'étais engagé. Ensuite, on m'a muté contre mon gré au dépôt d'équipement médical.

M. Leon Benoit: Si vous quittez l'armée, serez-vous pharmacien à la fin de votre internat?

Capt Steve Graham: Je pourrais finir mon internat et obtenir ma licence en six mois à peu près.

M. Leon Benoit: Donc, vous n'avez pas terminé toute votre formation de pharmacien?

Capt Steve Graham: Non, absolument pas.

M. Leon Benoit: Très bien, je vous remercie.

Le président: Capitaine, pourriez-vous nous remettre un exemplaire de votre mémoire?

Capt Steve Graham: Oui, j'ai celui-là. De plus, j'ai les documents d'appui dont je vous ai parlé.

Le président: Vous pourriez laisser cela aux greffiers. Merci.

Caporal-chef Gaetan St-Amand.

[Français]

Caporal-chef Gaetan St-Amand (témoigne à titre personnel): Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole, messieurs les membres du comité. J'aimerais parler de droits de la personne et de discrimination dans les lieux de travail. Les militaires, tant hommes que femmes, ont des droits et il ne devrait exister aucune discrimination sexiste.

On demande aux hommes d'avoir les cheveux coupés, tandis que les femmes ont le droit de porter la coiffure qu'elles désirent. Si nous ne respectons pas les règlements, on nous impose des amendes, des réprimandes, des devoirs supplémentaires, etc. Je perçois cela comme une forme de discrimination pure et simple. Pourtant, dans les règlements des Forces armées canadiennes, on indique clairement qu'aucune forme de discrimination, qu'elle soit fondée sur le sexe, la religion et ainsi de suite, ne devrait exister.

Votre comité pourrait-il m'expliquer pourquoi il en est ainsi ou reporter cette question à qui que ce soit qui serait prêt à le faire? Merci beaucoup.

Le président: Il nous serait assez difficile de vous donner une réponse ce matin. Soyez toutefois assuré que nous prendrons note de votre question et que nous essaierons d'y donner suite.

Cplc Gaetan St-Amand: Mais vous êtes d'accord que c'est une forme de discrimination?

Le président: Je ne veux pas me prononcer. Je ne suis pas avocat et je ne prétends pas l'être. Vous avez soulevé une question qui mérite d'être étudiée de façon plus approfondie.

Cplc Gaetan St-Amand: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

• 1120

[Traduction]

Caporal Jacques Campbell.

Le caporal Jacques Campbell (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai sondé les gens de ma section avant de venir ici et je tiens donc à préciser que toutes ces questions ne sont pas les miennes; seules quelques-unes le sont.

Un peu plus tôt, on vous a parlé de commandement et on vous a dit que les officiers se trouvent tout là-haut, là-haut, et les soldats et les caporaux, tout en bas. Pourquoi ne pas permettre davantage aux soldats et caporaux de devenir officiers? L'armée admet maintenant de plus en plus de diplômés de collège, qui vont ensuite à l'université et qui suivent des études, contrairement à certains autres caporaux et caporaux chefs qui font tout de même un sacré bon boulot. Ils sont dans l'armée et ils ont établi leur sens des responsabilités et de l'engagement. De plus, ils ont prouvé leur aptitude au commandement. Alors, pourquoi ne pas leur ouvrir plus largement les portes? C'est la première chose dont je voulais vous parler.

Passons à l'indemnité d'opérations en campagne. Nous nous sommes tous retrouvés côte à côte pour donner un coup de main aux populations civiles inondées: il y avait beaucoup de célibataires, de mères célibataires, de pères célibataires et de gens comme moi, mariés. Ma femme est aussi militaire. Eh bien, l'indemnité d'opérations en campagne ne permet même pas à un célibataire de mettre son animal de compagnie en pension pendant son absence.

Des voix: Bravo, bravo!

Cpl Jacques Campbell: Moi, j'ai trois enfants. Savez-vous combien il en coûte pour faire garder trois enfants 24 heures sur 24? De plus, on ne sait même pas s'ils vont faire leurs devoirs, parce que les centres de garderie sont plutôt pleins... C'est une des choses que je voulais signaler. Avec 8 $ par jour après impôt, on ne peut pas se payer grand-chose.

Autre chose. Combien de gens ayant 15 ans de service ou plus sont encore soldats, caporaux ou caporaux-chefs? Tous ces gens-là n'ont pas eu d'augmentation salariale depuis sept ans. Il y a sept ans, ils n'étaient pas aussi compétents qu'aujourd'hui; aujourd'hui, ils font leur travail mieux que jamais auparavant. Vous pouvez leur demander de faire n'importe quoi et ils le feront. En revanche, rien ne les incite à le faire. «Pourquoi devrais-je travailler plus, rien ne m'y incite?» Ils nous disent: «Je fais ça pour l'avancement».

Des voix: Ah, ah!

Cpl Jacques Campbell: Dans mon métier, on compte environ 200 caporaux. Cette année, personne ne sera promu. L'année dernière, il y a eu neuf promotions. Donc, pour obtenir une promotion il faut soit travailler très, très bien, soit être stakhanoviste.

Voilà, c'est tout ce que je voulais vous dire, monsieur, je vous remercie de m'avoir permis de le faire.

Nous venons de faire une addition rapide pour savoir à combien s'élèveraient les frais de garderie de jour pour un enfant. On frise les 40 $ par jour—c'est cela?—pour faire garder un enfant pendant 24 heures.

Des voix: Oui!

Cpl Jacques Campbell: J'en ai trois.

Pendant que je travaillais à côté de quelqu'un qui touchait 85 $ de l'heure en temps supplémentaire, moi je gagnais 8 $ par jour.

Je vous remercie, monsieur.

Le président: Anne Harlow.

Mme Anne Harlow (témoigne à titre personnel): Bonjour. J'étais ici hier soir quand l'un d'entre vous a demandé pourquoi le port de la jupe n'était pas autorisé en ville. On vous a répondu que les Canadiens ne reconnaissent pas un soldat de leur pays quand ils en voient un.

Je suis née en Hollande bien après la guerre. Je trouve très regrettable qu'un soldat qui traverse l'océan, qui parcourt 5 000 milles, est reconnu dans un pays qui n'est pas le sien, pour lequel il ne s'est pas battu lui-même, mais pour qui son père ou son grand-père aura peut-être combattu. Eh bien, là-bas, on le reconnaît. Le grand-père qui suit la parade Nijmegen dira à son petit-fils: «Va donc donner les fleurs à ce gars, là-bas. C'est un soldat canadien. C'est un de ceux qui ont libéré la Hollande».

• 1125

Mon mari est en mission en Bosnie. Il va sans doute avoir une mauvaise RAP, parce que sa femme se sera ouverte le clapet: «Faites-la donc taire!» lui dira-t-on.

J'aimerais que vous me remboursiez les 1 300 $ que m'a volés M. Vanier. Il m'a volé 1 300 $ lors de la dernière rotation en Europe. Nous devions prendre les vols offerts par les voyagistes qui versaient des dessous de table à M. Vanier. J'ai dû débourser 1 300 $ de plus.

J'aurais dû tout faire moi-même, mais on a dit à mon mari que ce n'était pas possible, que l'armée allait s'occuper de tout pour nous... Merci beaucoup, ça m'a coûté 1 300 $ de plus alors que j'aurais pu prendre KLM d'Ottawa à Amsterdam, puis d'Amsterdam à Ottawa au retour. On m'a conduite à Montréal où je me suis embarquée pour Amsterdam. Au retour, je suis allée jusqu'à Ottawa, mais quelqu'un avait oublié de le dire au chauffeur qui m'a attendue à Montréal, plutôt qu'à Ottawa. J'aurais pu aussi conduire moi-même, mais j'aurais alors dû payer pour le stationnement de ma voiture à Ottawa, ce qui est très coûteux.

Pourriez-vous demander à M. Vanier de me rendre mon argent?

Autre chose. On nous a annoncé que nous avions droit à une augmentation de salaire. Merci beaucoup. Mais quand? Et où? Nous avons subi un gel illégal de salaire. Dans ce pays, les militaires ne peuvent pas faire la grève et l'État est censé les dédommager pour cela. En effet, si l'on ne peut s'exprimer ouvertement, il est normal qu'on soit protégé par ailleurs. Le salaire de celui ou de celle qui travaille pour le gouvernement devrait être indexé. Or, nous n'avons pas eu d'augmentation salariale de six ans. Je vous parie que le taux d'indexation aurait été supérieur à 3,2 p. 100.

• 1130

Nous pourrions peut-être congédier deux ou trois généraux. Nous en avons beaucoup trop. Les effectifs des forces armées sont en déclin. On n'a pas besoin de dix généraux pour commander une vingtaine de soldats; un seul suffira. Vous pourriez peut-être faire des recommandations en ce sens. Peut-être que l'un d'entre eux pourrait prendre volontairement sa retraite.

À la radio, j'ai appris que le gouvernement de l'Ontario avait consenti des réductions d'impôt. Expliquez-moi pourquoi je n'ai absolument pas senti cela. Je paie plus d'impôt que l'année dernière. Je vous le concède, j'ai travaillé plus, j'ai gagné plus d'argent et je paie donc plus d'impôt. Mais en fait, je touche moins au bout du compte.

Vous me direz, pourquoi ne pas quitter l'Ontario, pourquoi ne pas quitter l'armée? Si vous n'aimez pas cela, partez. Rentrez en Hollande si vous étiez bien là-bas. D'ailleurs, j'ai encore mon passeport hollandais, au cas où...

Je veux me prévaloir de toutes les options possibles ce qui, bien sûr, veux dire que je ne peux voter au Canada. Je vote en Hollande. Je suis citoyenne hollandaise et je vote donc dans mon pays. Comme je ne vote pas ici, je ne peux exercer aucune influence. Je ne peux pas vous dire ce que vous devez faire, sauf ici, dans le cadre de cette tribune.

Je ne peux pas quitter l'Ontario, parce que j'ai deux enfants, l'un de 13 ans et l'autre de 6 ans. Je dois demeurer dans cette province où le système d'éducation est le pire qui soit. On ne fait pas plus mal ailleurs. C'est là que se trouve votre capitale nationale mais c'est aussi là que le système d'enseignement est le pire. Je ne peux pas partir de cette province parce que mon aîné doit finir son secondaire et que, sinon, il sera défavorisé pour le restant de sa vie. Je ne peux certainement pas prendre cette décision pour lui.

Vous avez voulu nous intégrer au sein de la communauté, ce qui est fort bien, même fantastique. Les civils viennent sur la base pour patiner dans notre aréna. J'y rencontre souvent M. Clouthier, parce que nos deux fils jouent au hockey. Nous discutons et je trouve cela très bien mais, en attendant, nos enfants sont défavorisés.

Quand nous avons été mutés de l'Alberta en Ontario, ce fut fantastique pour mon fils. La première année, il n'a rien fait à l'école parce que pour lui ce n'était que des révisions.

Si vous voulez avoir un pays, ayez donc une seule norme d'enseignement. C'est du moins ainsi que les choses fonctionnent dans la plupart des autres pays.

Il a été question aussi de LF. J'ai vécu dix ans en Allemagne avant de venir au Canada. J'ai rencontré mon mari sept ans avant notre mutation ici. Eh bien, pendant sept ans, j'ai entendu des tas de femmes se plaindre des LF en Allemagne. Il faut dire qu'ils étaient plutôt atroces.

Vous vous rappelez les tours de Lahr? L'architecte avait gagné un prix. Eh bien, l'année dernière, on les a mises à l'index parce que les murs se fissuraient. Quand on descendait en ascenseur, on pouvait voir une fissure d'un pied le long du mur extérieur. Et c'est là que les familles de militaires vivaient.

Quand nous sommes arrivés ici, nous avons trouvé que les LF au Canada étaient en bien meilleur état. Tout était mieux au Canada. Moi, il m'a suffi d'un seul coup d'oeil... j'ai demandé à mon mari de faire un «demi-tour à droite» et d'aller contracter un emprunt à la banque. Je n'allais certainement pas vivre dans une baraque en planche, plantée au milieu d'un stationnement en herbe. Non, merci beaucoup, je n'allais certainement pas faire cela! Nous avons donc obtenu en emprunt hypothécaire et acheté une maison.

Nous avons une fort belle petite maison que nous avons payé 90 000 $. Le marché était assez bon à l'époque. Il n'y a pas de problème dans la rue où nous habitons. En fait, je dois dire que ce n'est plus une rue, parce qu'on est en train de la transformer en route. Les courtiers en immeuble vous le diront, mieux vaut habiter dans un cul-de-sac que dans une rue et mieux vaut habiter dans une rue que sur le bord d'une route.

La valeur mobilière de la maison a chuté à cause de cela. Pas de beaucoup, mais là où nous avons le plus perdu, c'est à cause du marché immobilier qui s'est écroulé d'environ 15 p. 100 depuis 1993.

• 1135

D'après mes impôts fonciers, en une année ma maison pris 10 000 $ de plus value. Je n'ai rien fait pour cela. D'ailleurs, je dois même faire refaire le plafond parce que nous avons eu des infiltrations d'eau. Ce n'est que sur papier que la valeur de ma résidence a augmenté et c'est pour cela que je dois payer plus d'impôts fonciers. Mais tout va bien, mes impôts fonciers vont permettre de payer le truc atroce dont on va coiffer l'hôtel de ville, parce que Petawawa étant maintenant une ville, nous nous devons d'avoir une tour. Les militaires pourraient toujours utiliser cette construction pour y faire un parcours d'obstacles. Je suis certaine qu'on pourrait l'escalader et aller y faire des pirouettes.

Monsieur Clouthier, vous pourriez peut-être vous y intéresser et faire démonter ce truc. Ce n'est pas une tour, c'est une horreur. Peut-être qu'après ça nous pourrons parler d'impôt foncier. Ma maison n'a pas pris de valeur, elle en a perdu et la chute du marché mobilier m'a fait perdre 15 p. 100.

Chaque fois qu'on nous oblige à accepter une affectation, je perds mon emploi et mon ancienneté dans mon emploi. Quant à mes enfants, ils perdent tout, parce qu'ils se retrouvent dans un système d'éducation différent qui les défavorise. Reconnaissons-le. De plus, si j'ai la chance de pouvoir vendre ma maison, je ne vois absolument pas comment je pourrai m'en acheter une autre. Je n'aurai pas l'argent pour cela, parce que j'aurai encaissé une trop grosse perte.

C'est tout ce que je voulais dire. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Caporal Pete O'Neill.

Le caporal Pete O'Neill (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, bonjour mesdames et messieurs les membres du comité. Mon histoire n'est pas tant le récit de difficultés personnelles que celui d'une aventure étrange. Je fais partie de ceux qui ont fait le saut dans l'inconnu et ont quitté l'armée. Cependant, je me suis rengagé un an et demi après, parce que je préfère le mode de vie militaire.

Quand j'ai quitté l'armée, on m'a remboursé mes contributions à mon régime de pension de 20 000 $. Après être parti, j'ai appris que si l'on travaille pour une entreprise dans le civil, il existe ce qu'on appelle l'acquisition des droits aux prestations. C'est du moins ce qui se passe quand l'employé et l'entreprise cotisent tous deux à un régime de retraite. Au bout de deux ou trois ans, les contributions de l'entreprise appartiennent à l'employé. La Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ne permet pas cela. Elle est assortie de ses propres règles, de sorte que peu importe ce qui se passe, la grosse vache à lait continue de servir l'armée. Je n'ai donc pas eu droit aux cotisations versées par l'armée.

De plus, je n'ai perçu aucun intérêt sur l'argent qu'ont rapporté mes contributions durant toutes mes années de service, alors que si j'avais fait mes propres investissements, j'aurais retiré sacrément plus que le montant en peau de chagrin avec lequel je suis parti—sauf bien sûr si j'avais investi dans Bre-X.

Me voilà donc de retour dans l'armée et on me demande maintenant de rembourser mes contributions. On m'a invité à ne pas payer tout d'un coup, à rembourser un petit peu chaque mois. On m'a dit de ne pas m'en faire. Je leur ai pourtant fait remarquer: «Vous savez, il me reste neuf ans à tirer et si je paie 200 $ par mois, j'aurai tout remboursé au moment de mon départ». Mais les gens du bureau de la paie ont insisté: «Ne fais pas quelque chose de stupide comme ça. Rembourse 30 $ par mois, pendant 130 ans et tu seras mort avant d'avoir fini».

J'ai trouvé cette formule un peu stupide et j'en étais même gêné, au point que j'ai proposé de verser 50 $ par mois. J'ai bien fait! Le mois dernier, je n'ai pas reçu mon chèque du 15. Je me suis demandé ce qui se passait. Eh bien, les stratifs s'étaient aperçus que quelqu'un dans ma situation doit avoir remboursé ses cotisations avant d'avoir atteint 99 ans—parce qu'on pense qu'un militaire va vivre jusque là. En réalité, j'aurais dû payer au moins 90 $ par mois. Je suis allé au bureau de la paie et j'ai tout arrangé, si bien qu'il ne me reste plus qu'à leur verser 400 $ ou à peu près. Cette somme sera prélevée sur le prochain chèque de solde.

Je n'ai donc perçu aucun intérêt sur les contributions que j'avais versées avant mon départ, sans compter que j'aurais dû avoir droit aux contributions de l'armée également augmentées des intérêts—ce qui aurait été tout à fait logique. Voilà que je vais devoir rembourser 90 $ par mois pendant 67 ans, soit environ 76 000 $ pour un montant initial de 20 000 $. Alors, je vous le demande, si je paie des intérêts sur l'argent que je vous prends, pourquoi donc n'en ai-je pas perçu sur ce que je vous ai donné durant toutes ces années? J'ai cotisé pendant onze ans. Pourquoi n'ai-je pas eu droit aux intérêts sur cette période?

• 1140

Deuxièmement, il est vrai que le logement a toujours été un gros problème pour tout le monde ici.

Je suis marié depuis 10 ans et quand j'ai repris du service, il y avait 8 ans que j'étais marié. En plus de ma femme, j'ai à ma charge une fille et un chien. L'administration m'annonce qu'il me faudra attendre deux à trois mois pour obtenir un LF. En attendant, je vis sans ma famille, dans une baraque. Certes, ma famille n'est qu'à trois heures d'ici, à Peterborough, et ce n'est peut-être pas une si mauvaise affaire que ça.

Une semaine après mon engagement, l'administration du logement me téléphone. On vient de me trouver une maison. D'ailleurs, ce n'était pas une maison, mais un appartement qui, il y a dix ans, servait de logement pour célibataires. Il mesure 600 pieds carrés et même s'il a trois chambres à coucher, on en fait le tour en deux pas à peine et croyez-moi, je n'ai pas des grands pas.

J'ai dit à l'administration: «C'est trop petit. Je suis marié depuis longtemps et j'ai une famille. Il me sera absolument impossible d'entasser tout mon ménage dans cet endroit. Je pourrais toujours l'empiler, mais je transformerais cet appartement en véritable entrepôt et je n'aurais plus de place pour y vivre». La responsable du logement, une civile, m'a rétorqué: «L'armée n'est pas là pour vous permettre d'entreposer vos meubles, elle est là pour loger votre famille. Si vous n'acceptez pas ce logement, c'est bien dommage, mais vous perdrez vos restrictions imposées et vous devrez payer pour votre gîte et votre couvert».

Je me retrouve donc à devoir payer 300 $ de plus par mois pour être logé et pour manger ici, en plus de ma maison à Peterborough. Cela me convient. Je n'ai pas accepté l'appartement et j'attends qu'une maison se libère. Finalement, j'ai acheté une maison, parce que je ne veux pas que ma famille se retrouve ici.

Ce que je me demande c'est pourquoi une civile de l'administration du logement—je n'ai rien contre le personnel civil—vient dicter à un militaire comment et où il doit vivre sur la base. Je sais que tout dépend des disponibilités, mais comment peut-on venir me dire: «Désolé, mais votre ménage n'est pas assez bon pour le faire entrer ici»? Aurait-on voulu que je vende mes meubles pour pouvoir accueillir ma famille? Tout ce que je possède représente huit ans de souvenirs. Pourquoi devrais-je m'en départir. Cela me paraissait injuste, à moi, mais pas à elle. Elle m'a dit: «Personnellement, je m'en fous, si vous ne prenez pas l'appartement, c'est dommage, vous perdrez votre indemnité». De toute façon, les logements ici ne sont pas extraordinaires et j'ai décidé de ne pas faire venir ma famille.

Tout le monde vous a parlé de solde. Je vois les PM qui sont assis ici, avec leur brassard au bras. Moi, je suis technicien médical, mais j'hésite à l'annoncer comme ça.

Un de mes amis est rentré dans la police civile en même temps que j'entrais dans l'armée. Maintenant, il gagne 50 000 $ par an comme policier à Peterborough, qui n'est pas précisément la ville la plus violente du Canada. Ce n'est pas si mal que ça. Il fait de la bicyclette et distribue des contraventions pour stationnement en été. Je trouve ça marrant. «Arrêtez-vous, nom d'un chien!», doit-il lancer aux automobilistes. Voilà donc mon copain qui fait de la bicyclette dans la police et qui palpe ses 50 000 $ par an.

À titre de comparaison, il faut voir combien touche un PM. Tout le monde ici mérite plus que ce qu'il touche. Tout cela pour vous dire si ces gens-là pouvaient dénicher un travail dans le civil, il n'y a plus rien qui les retiendrait ici.

C'est tout ce que je voulais dire au sujet de la solde.

Merci beaucoup. Bonne journée.

Le président: Merci beaucoup.

Caporal, revenez au microphone, car M. Hager veut vous poser une question.

M. Art Hanger: Il y a une chose qui m'intrigue: vous avez quitté l'armée et vous êtes revenu.

Cpl Pete O'Neill: Oui.

M. Art Hanger: Pourquoi?

Cpl Pete O'Neill: Je travaillais trop fort dans le civil.

Non, pas du tout. Je travaillais beaucoup aussi dans l'armée, mais je préférais le mode de vie militaire. Je n'ai rien contre le fait d'être envoyé en opération ou en mission à l'étranger. Cela ne me dérange pas, ce n'est pas un problème.

J'ai pris la décision délibérée de quitter l'armée parce que je voulais consacrer plus de temps à ma famille et que je voulais voir ma fille grandir. Quand j'ai décidé de me rengager, c'était aussi un choix délibéré. Quand je me suis présenté, on m'a dit: «On vous propose deux affectations: Petawawa et Petawawa». J'ai choisi la dernière. Que dire de plus? Je suis revenu de mon plein gré et j'aime beaucoup la vie militaire.

M. Art Hanger: Très bien, vous avez répondu à ma question.

Passons aux cotisations de pension. Quand vous avez retiré vos contributions, vous n'avez touché aucun intérêt; on vous a simplement remis le principal.

Cpl Pete O'Neill: L'armée rembourse exactement le total des contributions versées par le militaire dans le fonds de pension. Pour moi, cela correspondait à plus de 11 ans de contributions, mais je vais devoir rembourser pour 67 ans.

M. Art Hanger: Pendant combien d'années avez-vous cotisé?

Cpl Pete O'Neill: Onze ans—c'est-à-dire la durée de mon premier engagement.

M. Art Hanger: Et maintenant vous voulez toucher la différence parce que vous êtes revenu...

Cpl Pete O'Neill: Je dois rembourser.

M. Art Hanger: C'est cela, vous allez rembourser.

• 1145

Cpl Pete O'Neill: Je vais rembourser l'argent que j'ai pris. Les cotisations que je dois rembourser correspondent à 20 ans—conformément aux règles actuelles, je devrai peut-être faire 25 ans, mais je devrai pouvoir m'en tirer avec 20 ans et toucher ma pension après ça.

M. Art Hanger: À quel taux d'intérêt si je peux vous le demander?

Cpl Pete O'Neill: Honnêtement, je ne le sais pas, mais ça me semble énorme.

Des voix: Ah, ah!

Cpl Pete O'Neill: On ne m'a pas donné de vraie réponse à ce propos, si bien que je n'en ai vraiment aucune idée.

M. Art Hanger: À combien se chiffre la différence? On vous a remboursé le principal correspondant à 11 années de cotisations...

Cpl Pete O'Neill: On m'a remboursé 11 ans de ma pension, c'est-à-dire environ 21 000 $. J'ai encaissé cette somme et j'ai acheté une maison. C'est comme ça que j'ai utilisé l'argent. Quand je me suis rengagé, on m'a dit de ne pas tout racheter d'un coup, que je pourrais prendre mon temps. Je me rends compte que je me suis fait avoir, qu'on m'a mal conseillé.

C'est le problème avec le bureau de la paie, parce que mon cas n'a rien de nouveau. Même si ce sont les gens du bureau qui ont fait l'erreur, ils vous disent: «Excuse-moi de te demander pardon, mais c'est comme ça et pas autrement».

Je suis caporal. J'ai une famille et je possède une maison. Je vous le concède, c'est moi qui ai choisi de laisser ma famille à Peterborough. J'envisage toutefois de la faire venir ici cette année. Cependant, je dois payer mon hypothèque là-bas et payer mon gîte et mon couvert ici. Il faut pouvoir profiter un peu de la vie, ce qui n'est apparemment pas mon cas. Je trouve tout à fait injuste qu'on vienne me dire, comme ça: «Tu sais, on vient de constater une erreur et tu nous dois 1 000 $. Donc, tu ne seras pas payé cette fois-ci». C'est injuste pour quelqu'un à mon niveau.

Si l'on retire 1 000 $ sur le chèque de solde d'un général, il ne le sentira pas trop. Mille dollars, ça ne perturbe pas la vie de tout le monde, mais pour moi, c'est beaucoup d'argent. En fait, c'est énorme. De plus, perdre tout ça d'un coup... Il n'y avait même pas d'explication sur mon talon de chèque. C'est le type de la paie qui m'a dit «tu n'es pas payé aujourd'hui», et c'est bredouille que je suis allé à la banque. Ce n'est pas permis de faire des choses comme ça; il faut que je vive.

M. Art Hanger: Merci, caporal.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons au dernier témoin, Nancy Adams.

Mme Nancy Adams (témoigne à titre personnel): Mesdames et messieurs les membres du comité, je vais commencer par une chose que je ne voulais pas aborder, mais j'ai décidé de vous en parler après avoir entendu le témoignage du sergent de l'armée de l'air.

Mon mari et moi avons vécu un drame semblable en 1991, quand nous avons perdu un fils. Nous n'avons reçu aucune assistance de l'armée, à l'exception d'un aumônier protestant qui est venu nous assister après que nous l'avons appelé. À part cela, rien! Nous avons dû nous même conduire notre bébé dans son petit cercueil de l'aéroport, à Halifax, jusqu'à la maison funéraire de New Glasgow, parce que nous n'avions pas d'argent pour nous payer un corbillard et que l'armée n'a pas voulu mettre de voiture à notre disposition. De plus, on a demandé à mon mari de rentrer au travail une semaine après, ce qu'il a refusé de faire. Je dois dire que les choses sont tout doucement en train de s'améliorer sur ce plan. PEMICO, par exemple, assiste beaucoup les familles.

Bien, revenons-en à la déclaration que je voulais vous faire. Hier soir, j'étais présente à la réunion. Après avoir écouté tous les intervenants, je me suis dit que je devais venir vous parler à propos des nombreux sujets abordés et qui touchent directement ma famille.

Mon père a été militaire pendant 31 ans. Il était capable, et il l'est encore, de citer toutes les OAFC et les ORFC de mémoire. Je crois qu'il était fier d'être dans l'armée.

Mon mari, lui, est dans l'armée depuis 21 ans. Il a été affecté à Chypre, en Somalie et en Bosnie. Il a été posté à Petawawa, à Comox, en Allemagne et à Oromocto. J'aime à dire qu'il représente la «vieille garde de la nouvelle armée». Quand il s'est engagé, le nouveau régime 20-40 n'avait qu'un an. À l'époque, les jeunes recrues signaient là où on leur demandait de signer, car ils étaient trop naïfs ou trop effrayés pour poser des questions, et il leur était impossible d'imaginer ce que leur geste allait représenter pour eux 20 ans plus tard. C'est là que nous ma famille en est aujourd'hui.

Mon mari est sergent dans le corps blindé. Il a servi au 8e Canadian Hussars et dans les Royal Canadian Dragoons. Arrivé à sa 19e année de service, il a pu signer une prolongation de contrat pour une année après sa 20e année. Après cela, nous ne savons pas ce qui se passera parce qu'Ottawa n'a pas encore pris de décision au sujet de tous ces hommes qui commenceront à être touchés par le régime 20-40. La prolongation de contrat de mon époux se terminera cet été, mais au début de l'année on nous a dit qu'on allait lui offrir un engagement à titre définitif (ETD) pour trois années supplémentaires. Après ça...?

Cela, c'est juste une partie de notre histoire. L'été dernier, mon époux a été affecté à Meaford, en Ontario. Nous étions prêts à acheter une maison, mais après avoir vu ce qui est arrivé sur le marché immobilier, mon mari n'ayant qu'une seule année à tirer dans l'armée, nous avons jugé qu'il valait mieux ne pas bloquer notre argent dans une maison que nous ne pourrions peut-être pas réussir à vendre plus tard. Nous ne voulons pas prendre notre retraite à Meaford.

• 1150

Il n'y a pas de LF à Meaford, les plus près se trouvant à Gordon, à une heure ou une heure et demie de là. Nous avons donc décidé de laisser notre famille à Petawawa où nos enfants sont bien intégrés.

Ma famille vit là, en régime de restrictions imposées, grâce auquel mon mari peut se loger dans une des unités modulaires de Meaford et percevoir 4 $ par jour, somme obligatoire qui ne couvre ni l'essence ni la facture de câble de 20 $.

Quoi qu'il en soit, nous avons obtenu le régime de restrictions imposées pour une année, c'est-à-dire pour la durée que mon mari devait encore faire dans les Forces. Cet été, nous demanderons une autre RI et d'ici là, il nous faudra repasser par tout le processus, sans savoir si nous devrons déménager ou pas.

Pour l'instant, mon mari rentre un week-end sur deux, les jours fériés et chaque fois qu'il prend des congés.

À Meaford, il travaille du lundi au vendredi et, en général, il trouve quelqu'un qui le conduit jusqu'à Petawawa. J'ai besoin de notre seul véhicule pour naviguer à Petawawa et à Pembroke.

Mon époux est instructeur à l'École de combat du corps blindé mais, soit à cause de sa condition médicale soit parce qu'on a muté trop de sergents là-bas l'été dernier, à compter du 22 avril, il sera affecté dans un poste inter-base, au contrôle des champs de tir, où il devra travailler à raison de quatre jours suivis de quatre jours de repos, puis de quatre nuits suivies de quatre nuits de repos, et ainsi de suite.

À cause de cela, et pour que mes trois enfants puissent continuer de voir leur père, nous avons jugé nécessaire d'acheter un deuxième véhicule, ce que nous avons fait pas plus tard qu'hier. Comme je le dis, nous allons maintenant vivre dans nos voitures. De plus, nous ne pourrons pas acheter de maison à Petawawa tant que mon mari sera à Meaford, car cela nous ferait perdre la prime de séparation et notre régime RI.

Hier soir, il a été question des traitements médicaux à l'armée. Pendant qu'il était affecté ici, à Petawawa, mon mari s'est blessé à l'épaule au cours d'un entraînement physique matinal. Il savait que quelque chose n'allait pas, mais quand il s'est présenté à la visite médicale, le médecin lui a dit que ce n'était rien. De plus, il s'est plaint d'autres problèmes, de brûlures à l'estomac, mais là encore on lui a dit que ce n'était rien et qu'il lui suffisait de prendre du Diovol.

Après son affectation à Meaford, il y a huit mois, mon mari a été opéré à l'épaule des suites de sa blessure et il doit subir une opération majeure pour corriger une hernie hiatale, qui a été découverte uniquement parce que je l'avais incité à demander au médecin—dont l'armée a retenu les services à temps partiel à Meaford—de vérifier cette piste. Il faut dire que j'ai été infirmière jusqu'en 1989. Quand on ne les soigne pas, ces hernies peuvent provoquer des cancers.

On a dit à mon mari qu'il était affecté au contrôle des champs de tir à cause de son état médical, mais à Meaford, on ne s'est jamais plaint de son rendement à cause de ces problèmes qu'on est en train d'ailleurs de corriger.

On dirait que Meaford et quelques autres bases éloignées servent à accueillir des unités et des gens que l'armée veut mettre au rencart, et elle y réussit.

Je pourrais aussi vous entretenir d'autres sujets comme la vie dans les LF, parce que j'y ai passé la plupart de ma vie, ou vous demander pourquoi on ne propose d'engagement de durée indéterminée dans le corps blindé qu'à des adjudants ou à des gradés de niveau supérieur. Mais je ne le ferai pas.

En conclusion, je tiens à dire que mon mari était fier, avant, d'être dans les Forces canadiennes, mais aujourd'hui, je le trouve désenchanté. Les militaires et leur famille vivent un grand stress. On dirait que l'expérience ne compte pour rien. Mon mari a été la cible de tirs d'armes à feu à Chypre, de jets de pierres en Somalie et de tirs de mortier en Bosnie, mais il soutient que cela fait partie de son travail.

Nous sommes tout à fait conscients que les emplois ne sont pas garantis dans le civil et nous sommes très heureux qu'il ait un travail maintenant. Pourtant, ce serait tellement bien si, après autant d'années de service pour le Canada, le soldat qu'il est ne soit pas laissé pour compte.

Merci.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci beaucoup, Nancy.

Mesdames et messieurs, voilà qui met un terme à nos audiences de Petawawa. Je tiens vous remercier tous et toutes de vous être déplacés pour témoigner. Nous apprécions ce que vous nous avez dit, parce que cela va nous aider dans la rédaction de notre rapport.

Au nom des membres du comité, je remercie également le colonel Mitchell et le colonel Kinchuk pour tout ce qu'ils ont fait afin de rendre notre séjour ici des plus agréables.

Encore une fois, merci beaucoup. La séance est levée.